SEANCE DU 6 FEVRIER 2002


M. le président. L'amendement n° 277, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 59 pour l'article L. 252-1 du code des assurances, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le bureau central de tarification saisit le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'une personne assujettie à l'obligation d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique présente un risque d'assurance particulièrement élevé. »
Le sous-amendement n° 400, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'amendement n° 277 par les dispositions suivantes :
« , du fait d'un comportement pouvant présenter un danger grave pour les usagers du système de santé. Il en informe le professionnel concerné. Dans ce cas, il fixe le montant de la prime pour un contrat dont la durée ne peut excéder six mois. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 277.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Il s'agit du bureau central de tarification, qui devra intervenir lorsque les praticiens auront des difficultés pour s'assurer. Il y a des cas où les assurances ont des raisons assez sérieuses de ne pas vouloir assurer tel ou tel établissement ou tel ou tel praticien. Il nous paraît utile que, dans ce cas-là, le bureau central de tarification, qui dispose de cette information, saisisse le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'une personne assujettie à l'obligation d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique présente un risque d'assurance particulièrement élevé. Je rappelle que le préfet a la faculté de suspendre l'exercice de la profession par le praticien en question.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 400.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cette question a fait l'objet d'une discussion avec la commission et de nombreux médecins ont été consultés. Le Gouvernement est favorable à l'amendement qui vient d'être présenté, sous réserve de l'adoption de son sous-amendement.
Un professionnel de santé exerçant à titre libéral peut évidemment rencontrer des difficultés pour obtenir un contrat d'assurance du fait du nombre important de sinistres qu'il aura provoqués.
Afin de renforcer la protection des malades, il apparaît nécessaire que le bureau central de tarification puisse saisir le préfet dans ce cas. Cette pratique existe déjà en matière d'assurance automobile. En effet, saisi par le bureau central de tarification, le préfet pourra saisir le conseil professionnel ou interprofessionnel compétent. S'il estime que le professionnel expose ses patients à un danger grave, il pourra, conformément aux articles L. 4113-14, L. 4221-18 ou L. 4398-3 du code de la santé publique, prononcer la suspension immédiate du droit d'exercer de ce praticien pour une durée maximale de cinq mois ; nous l'avons vu.
Il faut bien préciser ici que le préfet ne doit pas être saisi de la situation de l'ensemble des professionnels, tels les obstétriciens et les anesthésistes, qui présentent des risques plus élevés parce que le domaine médical dans lequel ils interviennent peut provoquer des dommages plus importants ; c'est leur grande crainte.
Seuls les professionnels présentant réellement un risque d'assurance parce qu'ils sont dangereux sont concernés par cet amendement. On ne peut en effet obliger les assureurs à assurer des personnes dangereuses. Cet amendement apparaît ainsi indispensable.
Afin que les victimes potentielles soient indemnisées par l'assureur, le bureau central de tarification fixe le montant de la prime qui s'imposera à l'assureur. Néanmoins, dans l'attente d'une décision des autorités compétentes, la décision du bureau central de tarification est limitée à une durée qui ne peut excéder six mois. De plus, il convient de compléter cette disposition par la motivation explicite de la saisine du préfet.
C'est pourquoi le Gouvernement vous propose d'adopter ce sous-amendement tendant à modifier légèrement la rédaction de l'amendement n° 277.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je me pose une question à laquelle M. Lorrain et M. le ministre vont sans doute pouvoir répondre.
Je me demande si nous sommes vraiment dans les cas que nous avions évoqués. Il y a clairement deux cas. Soit le comportement de certaines personnes peuvent présenter un danger grave pour les usagers du système de santé et, dans ce cas, le préfet est averti et prend la décision de l'écarter ...
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Il « peut » prendre cette décision.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Bien sûr !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a la possibilité de l'écarter de la profession et l'on peut penser que, s'il ne le fait pas, c'est que la personne ne présente pas le danger qui était évoqué.
Soit le médecin est confronté aux cas les plus difficiles et à des techniques très sophistiquées, mais n'est pas critiquable sur ce qu'il fait. Dès lors, il faut permettre à ce praticien d'être assuré et c'est au bureau central de tarification qu'il revient d'imposer la prime d'assurance.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est ce qu'on a dit.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais cela ne ressort pas de la rédaction proposée : « Le bureau central de tarification saisit le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'une personne assujettie à l'obligation d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique présente un risque d'assurance particulièrement élevé, du fait d'un comportement pouvant présenter un danger grave pour les usagers du système de santé. » Il faut donc l'écarter. « Il en informe le professionnel concerné. Dans ce cas, il fixe le montant de la prime pour un contrat dont la durée ne peut excéder six mois ». Il n'est même plus question d'assurer cette personne.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je reconnais que ce n'est pas clair.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 400 et sur l'amendement n° 277 ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 277, la commission se prononce favorablement.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 400, la commission avait initialement émis un avis défavorable parce qu'elle ne percevait pas clairement la situation. Au vu des explications que vient de nous donner M. le ministre, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat. Toutefois, les remarques du président de la commission des affaires sociales nous laissent penser que la rédaction devrait être modifiée. Par conséquent, nous attendons que M. le ministre nous fasse une proposition plus acceptable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai l'impression que, dans le sous-amendement du Gouvernement, il suffirait d'écrire qu'en l'absence d'un comportement pouvant présenter un danger grave pour les usagers du système de santé le bureau central de tarification en informe le professionnel concerné. Dans ce cas, il fixe le montant de la prime. S'il ne juge pas utile de saisir le préfet, parce qu'il n'y a pas de climat pathologique de la part du médecin, il évalue les risques...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne comprends plus rien !
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Je crois en réalité qu'il n'y a pas de difficulté.
Le bureau central de tarification ne peut pas apprécier la qualité des médecins. Un médecin le saisit parce qu'il ne parvient pas à être assuré. Le bureau interroge l'assureur, qui lui envoie un dossier dans lequel il accuse le médecin.
Or il ne peut pas se prononcer sur le bien-fondé de ces accusations. Il peut transmettre le dossier au préfet qui procédera probablement à une enquête. Cette enquête prendra un certain temps et n'aboutira d'ailleurs pas nécessairement à la destitution du médecin s'il s'avère qu'il est victime de calomnies. Le bureau central de tarification ne pouvant pas se prononcer, il serait souhaitable qu'il prévoie une assurance pour une durée limitée, de manière à laisser le temps au préfet de vérifier les accusations.
Je le répète, le bureau n'est pas qualifié pour constater qu'un médecin est dangereux ; il ne peut que transmettre les informations qu'il reçoit. Il faut donc organiser la période qui va s'étendre de la transmission de cette information à la décision du préfet.
Dans ces conditions, je suis favorable au sous-amendement n° 400 du Gouvernement, qui prévoit que, pour cette période, le bureau central de tarification « fixe le montant de la prime pour un contrat dont la durée ne peut excéder six mois ». Pendant ce délai, je pense que la question sera réglée d'une manière ou d'une autre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut tout de même que ce soit à la demande du préfet.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Cela me paraît normal.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande une brève suspension de séance, monsieur le président.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.