SEANCE DU 18 DECEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Sido, auteur de la question n° 1188, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Bruno Sido.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question concerne la mise en application de la loi Bataille du 30 décembre
1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs issus de
l'usine de retraitement de la COGEMA, au cap de la Hague.
Cette loi dispose, en son article 4, que trois axes de recherche doivent être
poursuivis : l'axe 1 concerne la séparation-transmutation des éléments
radioactifs ; l'axe 2 a trait à l'étude des possibilités de stockage réversible
ou irréversible dans des couches géologiques profondes, notamment grâce à la
réalisation de laboratoires souterrains ; l'axe 3 concerne le conditionnement
et l'entreposage de longue durée en surface.
Si les recherches sur l'axe 3 semblent avancer, il n'en est pas de même, me
semble-t-il, pour les axes 1 et 2.
Pour ce qui est de l'axe 1, depuis 1991, les recherches concernant la
séparation progressent puisque les chimistes savent aujourd'hui séparer les
trois actinides mineurs que sont le neptunium, l'américium et le curium.
Cependant, du fait des décisions prises par le Gouvernement auquel vous
appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, les recherches sur la transmutation
ne progressent pas. En effet, la centrale surgénératrice de 1 200 mégawatts,
dite Superphénix, est en cours de démantèlement.
La remise aux normes - sismiques, en particulier - de la vétuste centrale
Phénix, à Cadarache, qui coûtera 1 milliard de francs, n'est toujours pas
terminée et l'on prévoit sa remise en route, pour quatre ans, en juin 2002,
après les élections, bien entendu.
Les recherches concernées par l'axe 2, sur lequel porte ma question, ne
progressent pas ou progressent peu : d'une part, le premier laboratoire, qui
sera situé, dans le département de la Meuse, en couche argileuse profonde, dans
le callovo-oxfordien, à cinq cents mètres de profondeur, n'est toujours pas en
activité. Il le sera au plus tôt en 2004.
Par ailleurs, la loi Bataille disposant qu'il faut au moins deux laboratoires,
le second site n'est toujours pas trouvé.
Je précise qu'il s'agit bien de poursuivre des recherches en couche géologique
profonde, et non pas en sub-surface, et que le comité interministériel du 2
février 1998 avait bien confirmé la nécessité de travailler sur deux sites,
l'un argileux, l'autre granitique.
Je relève également que le rapport remis au Gouvernement en juin 2000 par la
mission collégiale de concertation Granite dresse un constat d'échec, puisque
les concertations nécessaires pour trouver un nouveau site d'implantation n'ont
pas pu être engagées.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, votre collègue M. Pierret a rappelé
encore très récemment - c'était le 6 novembre 2000, devant une commission du
Sénat - « l'absolue nécessité de la construction de ce deuxième laboratoire
souterrain ».
Je souhaiterais donc savoir quelles mesures vous entendez prendre pour
concrétiser toutes ces déclarations d'intention. De plus, ces dispositions
doivent être non seulement concrètes mais également rapides, puisque la loi
Bataille a prévu une deuxième étape législative à l'issue de l'étape de
recherche, dont l'échéance est fixée à 2006.
Un rapport global d'évaluation de ces recherches devra être adressé par le
Gouvernement au Parlement, assorti d'un projet de loi autorisant, le cas
échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue, de type B et C.
Mon constat est donc le suivant : la loi n'est pas applicable - les délais
sont trop courts, l'échéance est en 2006 - et non appliquée, car trop peu de
recherches sont menées sur la transmutation et un seul site est retenu pour
l'instant.
Pensez-vous que l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, et le CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, seront en mesure,
par le biais de la CNE, la Commission nationale d'évaluation, de fournir au
Gouvernement et au Parlement un rapport suffisamment circonstancié pour que
l'exécutif puisse proposer au Parlement un projet de loi concernant ces
déchets, ou pensez-vous que les recherches devront être poursuivies en tenant
compte des résultats obtenus par la recherche sur ces trois axes ?
Par ailleurs, à titre subsidiaire, croyez-vous que la loi soit le bon outil
pour définir et préciser les programmes de recherche à intervenir ? Convenons
que cela constitue une grande première, pour le plus grand étonnement des
chercheurs !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, je vais répondre à
la place de mon collègue et ami Christian Pierret à la question éminemment
sensible que vous avez posée. Le Gouvernement y travaille, croyez-le !
En ce qui concerne l'axe 2 de la loi du 30 décembre 1991, le Gouvernement a
décidé, fin 1998, l'installation d'un premier laboratoire de recherche
scientifique en Meuse - Haute-Marne sur un site argileux. La construction de ce
laboratoire est en cours et certaines expérimentations ont déjà pu débuter dans
le cadre du creusement des puits d'accès au futur laboratoire.
Quant au second laboratoire prévu par la loi - puisque celle-ci utilise le
pluriel - il me semble utile de revenir sur l'apport de la mission de
concertation dite « Granite ».
Les missionnaires, MM. Boisson, Huet et Mingasson ont rendu leur rapport le 27
juillet 2000 aux ministres chargés de l'environnement, de la recherche et de
l'industrie. Ce rapport fait apparaître que les conditions d'acceptabilité
locale ne sont pas réunies pour que l'ANDRA puisse être autorisée par le
Gouvernement à effectuer des travaux de reconnaissance géologique sur un ou
plusieurs sites, en vue d'établir des dossiers de demande d'installation d'un
laboratoire de recherche.
Dans cette optique, l'ANDRA poursuit des études visant à la caractérisation
des massifs granitiques français afin, en quelque sorte, de « dégrossir » les
concepts de stockage les plus adaptés à cette géologie. Ces études, pour
l'instant sur le papier, s'appuieront également sur les travaux réalisés par
l'ANDRA dans des laboratoires de recherche à l'étranger, en coopération avec
ses homologues.
En conclusion, le Gouvernement entend que soit recueilli le maximum de données
sur deux sites différents afin que, dans le respect des dispositions de loi, un
choix soit offert au législateur en 2006. Le respect de cette échéance pour les
trois voies de recherche est un objectif fort du Gouvernement, qui l'a signalé
tant à l'ANDRA qu'au CEA dans leur nouveau contrat pluriannuel avec l'Etat.
A cinq ans de l'échéance fixée par la loi, il apparaît que les résultats
obtenus pour chacun des sites géologiques étudiés n'auront pas le même degré
d'avancement compte tenu du décalage dans la construction des laboratoires
souterrains. C'est pourquoi il conviendra, sans repousser l'échéance fixée par
la loi pour l'examen parlementaire, que le rapport remis au Parlement fasse
apparaître clairement les acquis comme les domaines encore insuffisamment
explorés. Le Parlement appréciera alors s'il est ou non justifié de poursuivre
les recherches dans certaines directions précises. Mais l'objectif et la
motivation du Gouvernement, je le répète, restent d'appliquer la loi, et donc
d'apporter au Parlement le maximum de résultats d'ici à la fin de l'année
2006.
Les chercheurs ne peuvent s'étonner, dans un domaine aussi sensible, qu'il
soit demandé au politique de prendre des décisions, puisque c'est à lui qu'il
revient, après s'être informé auprès des scientifiques, de prendre la décision
finale.
M. Bruno Sido.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais
permettez-moi d'attirer votre attention sur deux points.
Premièrement, la loi Bataille, votée en 1991, disposait que la restitution
aurait dû être faite en 2006. Le temps a passé, et le délai nécessaire à la
recherche dans le site choisi pour l'instant sera très bref. Et, pour ce qui
est du second site, les recherches n'ont pas démarré, puisqu'il n'a pas été
retenu. Par conséquent, je n'imagine pas que le Gouvernement puisse, en 2006,
présenter au Parlement un rapport circonstancié permettant d'apporter des
solutions concrètes et précises à ce problème. J'ai toutefois bien noté qu'il
avait l'intention de respecter la loi.
Deuxièmement, pour l'instant, toute la pression psychologique repose sur les
épaules d'une seule population, sur un seul site. De la sorte, ceux qui voient
le laboratoire se construire - il n'est toujours pas construit, il le sera en
2004 - supportent difficilement cette situation. Par conséquent, je demande au
Gouvernement de choisir le plus rapidement possible un site en couche
géologique granitique afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui portent
ce fardeau sur leurs épaules.
PRIX DE L'ÉNERGIE