SEANCE DU 13 DECEMBRE 2001
M. le président.
La séance est reprise.
Dans la suite du débat la parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. M. Henri
Revol a présenté, au mois de mai dernier, au nom de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur notre
politique spatiale et, plus particulièrement, sur son aspect européen.
Ce rapport était le fruit de nombreuses auditions. Il dresse un état des lieux
précis et ouvre des perspectives par les recommandations qu'il formule. Il
était par ailleurs nécessaire puisque le dernier travail de l'office sur ce
sujet remonte à 1991.
Comme notre collègue Henri Revol le démontre très clairement, l'Europe
spatiale a connu dans le passé un réel succès. Aujourd'hui, le moment est venu
de procéder à des choix stratégiques afin de bâtir un avenir à la mesure du
passé. Dans ce but, l'autonomie stratégique de l'Europe doit être reconnue
comme un principe unificateur de la construction européenne.
La mise en place du système de radionavigation par satellite, dit GALILEO,
ainsi que celle d'une capacité spatiale militaire européenne illustrent ce
principe.
Ce rapport est d'une actualité toute particulière, qui a d'ailleurs justifié
l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux de cette question orale avec
débat, en raison de la récente réunion des ministres européens des transports
et du sommet de Laeken, qui se tiendra le 15 décembre.
Je tiens, comme nombre de mes collègues l'ont déjà fait, à remercier M. Henri
Revol, grâce à qui ce débat a pu être inscrit à l'ordre du jour de nos débats
aujourd'hui.
S'agissant du projet GALILEO, nous ne pouvons que manifester notre grande
déception, monsieur le ministre, devant l'absence d'accord entre les ministres
des transports des pays de l'Union européenne. Notre déception est partagée.
Hier, en effet, 167 députés européens ont signé un texte dans lequel ils
indiquent qu'ils partagent notre point de vue et notre inquiétude à ce
sujet.
GALILEO est un programme européen de positionnement par satellite.
Aujourd'hui, seuls existent le
Global Positionning System
GPS américain,
et le
GLONASS
russe. Ces deux systèmes ont été mis en place par les
armées américaine et soviétique. Ils ont donc été, en leur temps, financés par
les contribuables de ces pays.
Nous utilisons actuellement le GPS. Nous sommes donc totalement dépendants des
Etats-Unis, qui peuvent à tout moment décider de couper leur service. Cela a
d'ailleurs été le cas lors de la guerre au Kosovo.
Or nous connaissons tous les applications très positives d'un système européen
de guidage par satellite en matière de positionnement dans l'espace et de
synchronisation dans le temps. Son utilisation, dans les domaines de la
navigation aérienne ou automobile notamment, permettra non seulement une
amélioration de la circulation, mais encore une plus grande sécurité.
Nous savons aussi que sa faisabilité est avérée puisque les entreprises
européennes disposent de la technologie nécessaire au déploiement du système
GALILEO.
Enfin, un cabinet indépendant a récemment démontré la haute rentabilité
économique d'un tel système en chiffrant les retombées positives à 17,8
milliards d'euros.
Les ministres européens de la recherche - vos collègues, monsieur le ministre
! - l'ont bien compris lors du conseil de l'Agence spatiale européenne à
Edimbourg, en novembre dernier. Ils ont alors élaboré une déclaration de
programme et ont décidé d'assumer une partie du financement de GALILEO.
Même des entreprises privées, réunies en une petite structure, manifestent
déjà leur intérêt pour ce programme.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, la décision de lancer le programme GALILEO
est urgente car, en 2008, les Américains présenteront un GPS amélioré
nouveau.
Il en va de l'indépendance de l'Europe dans un domaine aussi stratégique que
l'espace. Il en va aussi du renforcement de la construction européenne et de
son développement technologique, économique et industriel.
Je souhaiterais maintenant aborder une autre question qui me semble également
préoccupante, à savoir la situation de la coopération européenne en matière
d'espace militaire.
Les conflits récents et l'évolution du contexte géostratégique rendent
indispensable la maîtrise de fonctions comme l'observation et le renseignement
stratégiques ou tactiques, l'écoute, les télécommunications, la localisation,
la navigation, la météorologie, le ciblage et le guidage des armements.
La mise en oeuvre de ces fonctions à partir de l'espace est toujours plus
efficace et moins dangereuse pour les hommes qu'à partir de la terre, de l'air
ou de la mer.
Les Etats-Unis ont perçu depuis longtemps l'enjeu considérable que représente
l'espace dans le cadre d'une défense moderne. Leurs efforts ont encore été
renforcés par la nouvelle administation Bush. L'Europe ne fait malheureusement
pas preuve de la même détermination dans ce domaine.
L'indépendance de l'Europe nécessite l'indépendance de ses moyens
d'observation, de communication et de localisation. Mais, derrière les
déclarations d'intention, nous avons l'impression que la coopération piétine et
qu'il n'y a pas de véritable volonté politique.
En matière d'observation, la France et l'Allemagne n'ont pas réussi à
s'entendre pour mettre en place un système commun et combiné de satellites
permettant de couvrir un théâtre d'opérations par tous les temps.
Le programme HELIOS II de reconnaissance optique est, à ce jour, exclusivement
financé par la France tandis que l'Allemagne s'est lancée seule dans le
développement d'un programme d'observation radar. Certes, des échanges d'images
sont prévus entre des deux pays, ainsi qu'avec l'Italie, l'Espagne ou la
Belgique. Mais on est loin d'une véritable coopération industrielle et
stratégique.
En matière de télécommunications, le même problème se pose. Les projets de
coopération entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont échoué. Notre
pays doit développer seul le programme SYRACUSE III.
Enfin, en matière de navigation, l'Europe ne dispose d'aucun satellite
spécialisé. La localisation par satellite repose toujours essentiellement sur
le GPS, qui est contrôlé par la défense américaine.
J'ai précédemment traité de l'aspect civil de GALILEO. Mais ce projet européen
de navigation peut aussi avoir des implications militaires. Sa réussite est
donc un enjeu déterminant pour la défense européenne.
Si l'Europe veut jouer un rôle sur le plan international et mettre en place
une défense autonome, elle doit s'en donner les moyens, notamment
satellitaires.
La création d'une force de réaction rapide de 50 000 à 60 000 hommes va dans
le bon sens, tout le monde en est d'accord, mais cette force doit pouvoir
intervenir de manière efficace et autonome, ne pas être aveugle et sourde !
La réussite de ses opérations passe par le regroupement de renseignements très
divers, qu'ils soient optiques, radars, sonores ou humains. Les systèmes de
télécommunications et de navigation doivent être interopérables pour permettre
d'engager des actions coordonnées par l'ensemble des forces européennes.
L'Europe de la défense a encore beaucoup de chemin à faire en la matière,
convenez-en. Les politiques spatiales restent encore trop nationales quand
elles existent.
La France devrait jouer dans ce domaine un rôle d'impulsion. Malheureusement,
les moyens attribués au programme spatial militaire ne lui permettent pas de
jouer ce rôle.
Les crédits alloués à l'espace de 1997 à 2002 sont constamment restés en deçà
des objectifs fixés par la loi de programmation, notamment les crédits
d'exécution. L'espace a souvent été une victime d'annulations de crédits au
même titre que le titre V du budget de la défense nationale, lorsqu'il
s'agissait de financer des dépenses immédiates qui n'étaient pas prévues
budgétairement.
Cette faiblesse des crédits s'explique en partie par la visibilité réduite des
différents programmes, en raison des multiples défaillances de la coopération
européenne. Mais elle souligne surtout le retard pris en matière de
renseignement spatial autonome.
Un nouvel espoir est né en septembre dernier avec la signature d'un document
commun par les états-majors des armées allemandes, espagnoles, italiennes et
françaises. Ce document précise les besoins opérationnels communs pour un
système global européen d'observation par satellites à des fins de sécurité et
de défense.
La France et l'Europe ne doivent pas laisser passer cette nouvelle chance de
relancer la coopération en matière spatiale. Elles ne devront surtout pas la
limiter aux seuls programmes de télécommunications et d'observation, car
ceux-ci ne couvrent pas tous les besoins opérationnels ; vous le savez bien,
monsieur le ministre. Il ne faudra pas négliger la localisation par satellites
et l'écoute électronique, dont on constate tous les jours l'importance, souvent
à nos dépens.
Le contexte géostratégique a changé. Les menaces sont multiples et
multiformes, parfois même insaisissables avec les moyens classiques.
L'acquisition d'une capacité spatiale militaire européenne, même limitée,
pourrait permettre des observations préventives et des ripostes ciblées. Elle
constitue donc un enjeu majeur, en termes d'indépendance et de crédibilité
diplomatique et politique, de notre continent européen.
Monsieur le ministre, nous attendons donc des réponses précises aux deux
préoccupations dont je viens de parler : GALILEO et la coopération européenne
en matière d'espace militaire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où
nous débattons de l'avenir de la politique spatiale française et européenne, il
est bon de rappeler que l'histoire de la Guyane est intimement mêlée à celle de
la France et de l'Europe.
Ce sont des considérations politiques et techniques qui ont motivé le choix du
général de Gaulle. Il n'est pas inutile de redire que l'accession de l'Algérie
à l'indépendance obligea la France à redéployer, dans l'espace désormais réduit
de la République ou sur des territoires étrangers, les expériences militaires
et spatiales qu'elle effectuait au Sahara. C'est le gouvernement de Georges
Pompidou qui décida, le 16 avril 1964, la construction, en Guyane, de la base
spatiale de la France.
Les partis de l'opposition, qui revendiquaient, à cette époque, l'autonomie,
ne rejetèrent pas systématiquement le projet spatial. Bref, aujourd'hui, après
la cicatrisation des blessures des expatriés de Malmanoury, de Renner et de
Roches Elisabeth, le développement de la technologie spatiale et ses progrès
interdisent à notre génération de Guyanais de ne pas être intimement associée à
la réflexion et au développement de politique spatiale de notre pays. Monsieur
le ministre, vous comprendrez que notre souhait le plus intense est que les
Guyanais soient un jour associés à l'élaboration des décisions.
Après l'excellent travail accompli voilà quelques années, par M. Paul Loridant
et l'important rapport réalisé par l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, l'OPECST, sous la plume d'Henri Revol,
il me plaît de rendre à nos collègues l'hommage appuyé que nous leur devons.
Qu'il me soit aussi permis de vous remercier, monsieur le ministre, et
d'applaudir au travail efficace et excellent que vous avez réalisé pendant la
conférence d'Edimbourg, au nom de la France et de l'Europe.
Les enjeux de la réunion du Conseil de l'ESA à Edimbourg ont dépassé largement
la question de la place d'Arianespace et des autres acteurs industriels sur le
marché commercial. Les Etats-Unis l'ont compris depuis longtemps. C'est par
rapport à une stratégie spatiale américaine ambitieuse que doit aujourd'hui se
positionner l'Europe.
Actuellement, c'est avec vigueur que la nouvelle administration américaine
revendique son leadership dans les programmes spatiaux par la voix de son
nouveau secrétaire à la défense, M. Donald Rumsfeld. Dans un rapport du Congrès
publié sous sa direction peu avant son arrivée au Gouvernement, il se fixe
comme objectif de donner aux technologies spatiales militaires de son pays deux
générations d'avance sur celles qui sont maîtrisées par la concurrence sur le
marché commercial.
Face à cette détermination, l'Europe a su réagir et adopter à Edimbourg une
attitude cohérente avec les enseignements du passé et les exigences de
l'avenir. Aujourd'hui, l'aspect stratégique du transport spatial milite en
faveur de la pérennisation d'une composante européenne autonome et forte, dont
les contours seraient calqués sur ceux de l'Europe politique.
Selon ce qui se dit, le Conseil d'Edimbourg s'est soldé par un franc succès
pour les programmes lanceurs, puisque ces derniers ont été financés en moyenne
à plus de 93 %. Les gouvernements européens ont ainsi réaffirmé leur engagement
à assurer la pérennité du système de transport spatial européen.
Qu'il me soit permis d'attirer l'attention de notre assemblée sur un point
particulier, qui me paraît préoccupant, le programme Infrastructures, dit
programme INFRA.
Parmi les programmes consacrés aux lanceurs qui ont été votés à Edimbourg, le
programme INFRA est celui qui a été le moins soutenu, puisqu'il n'a reçu que
131 millions d'euros, ce qui représente tout juste un peu plus de 50 % des 234
millions d'euros demandés à l'origine. Pourtant, Arianespace avait largement
démontré le caractère crucial de ce programme, qui devait permettre à
l'opérateur européen de réduire son coût d'exploitation de la base de Kourou.
Il s'agissait d'une tentative de mettre Arianespace sur un pied d'égalité avec
les opérateurs américains Lockeed et Boeing, qui financent seulement au coût
marginal les bases qu'ils utilisent pour leurs lancements commerciaux, les
coûts fixes des installations étant financés par le Gouvernement.
Alors que, sur la période 1997-2000, le coût d'exploitation de Kourou était
estimé à 12 millions d'euros par lancement, le coût d'exploitation de la base
pour un opérateur américain n'est que de 1,4 million de dollars américains. A
Edimbourg, l'objectif était de parvenir, grâce à la nouvelle proposition de
financement du Centre spatial guyanais, le CSG, et à l'extension du programme
INFRA, à limiter à 3 millions d'euros par lancement le coût d'exploitation des
installations guyanaises pour Arianespace.
Compte tenu du taux de financement du programme, le coût d'exploitation ne
pourra être réduit dans les proportions prévues. Etant donné, par ailleurs, le
renforcement prévisible de la concurrence, je m'interroge, nous nous
interrogeons, sur la capacité d'Arianespace à maintenir, à l'avenir, une offre
compétitive sur le marché commercial.
Un autre volet des engagements de la réunion du 15 novembre dernier doit être
souligné.
Nous savons tous que les concurrents américains d'Ariane bénéficient d'un
volume d'activités considérable, assuré par les satellites gouvernementaux des
Etats-Unis, qui sont depuis toujours interdits aux lanceurs étrangers par la
loi fédérale. Ce sont ainsi neuf missions par an qui sont déjà planifiées pour
les vingt prochaines années pour Atlas 5 et Delta 4.
Si l'Europe apporte son soutien aux programmes lanceurs, il est nécessaire
qu'elle confie à ses lanceurs la mise en orbite de ses satellites
gouvernementaux, afin que sa détermination soit cohérente.
A ce titre, il me paraît essentiel d'insister sur l'enjeu que constitue le
programme de constellation GALILEO, qui a largement été évoqué par nos
collègues.
Les ministres de la recherche présents à Edimbourg se sont prononcés avec
force pour le lancement du programme européen de navigation par satellite
GALILEO, susceptible de doter l'Europe d'un système complémentaire, mais
indépendant du système GPS américain. L'ESA a ainsi décidé de consacrer 526
millions d'euros à ce projet. Il s'agit toutefois d'un programme qui doit être
mené, et donc financé, de façon conjointe par l'ESA et l'Union européenne.
On attendait, après la participation remarquée de M. Prodi à la réunion du
Conseil de l'ESA à Edimbourg et ses déclarations de soutien au programme
GALILEO, un engagement formel de l'Union européenne au Conseil transports qui a
eu lieu le vendredi 7 décembre. Le lancement du programme dépend en effet de la
participation des deux partenaires. Mais ils ne sont pas parvenus à se mettre
d'accord et les 550 millions d'euros de l'Union sont toujours bloqués à l'heure
qu'il est.
L'Europe peut-elle encore hésiter à financer un programme qui est pourtant
indispensable à son indépendance politique ? Car c'est bien de cela qu'il
s'agit.
Rappelons qu'elle a décidé, voilà plus de deux décennies, de se doter d'une
capacité autonome d'accès à l'espace ; c'était précisément pour pouvoir
exploiter librement n'importe quelle application spatiale.
Aujourd'hui, le positionnement et la navigation jouent un rôle majeur non
seulement dans tous les systèmes d'armes, mais aussi dans la gestion en temps
réel des crises internationales, et de nombreuses applications civiles en
dépendent fortement.
Je m'inquiète, nous nous inquiétons aujourd'hui de voir ce programme une
nouvelle fois reporté, alors même que nous semblions proches de franchir la
dernière étape avant son lancement. Il me semble indispensable que tous les
moyens possibles soient mis en oeuvre afin qu'une ultime impulsion politique
soit donnée lors du sommet de Laeken demain, jeudi 14 décembre, pour lancer une
fois pour toutes un programme aussi vital pour notre avenir spatial.
Pour être tout à fait complet, je ne saurais conclure sur ce dossier sans
revenir sur un aspect de la compétition dans lequel le rôle des Etats est
déterminant. Je veux évoquer ici les nouvelles pratiques anticoncurrentielles
qui pénalisent l'opérateur européen Arianespace.
Les deux principaux concurrents américains d'Ariane, Lockeed Martin et Boeing,
sont également des constructeurs de satellites majeurs. Cette concentration
verticale pénalise Arianespace dans les différents appels d'offres.
Par ailleurs, ces deux opérateurs utilisent à leur avantage la réglementation
américaine en matière de contrôle d'exportation des technologies sensibles. Ils
développent auprès des clients des arguments commerciaux sur les complications
administratives et l'allongement des délais en cas de choix d'Arianespace.
Or on sait que le délai est souvent un facteur décisif dans le choix d'un
lanceur, pour un opérateur privé. Il convient, là encore, que l'Europe fasse
preuve de la plus grande vigilance.
Au total, 7,8 milliards d'euros sont alloués par les ministres européens aux
programmes spatiaux de demain.
Les montants souscrits pour les programmes approuvés à Edimbourg reflètent la
volonté de solidarité européenne et la priorité accordée à Ariane 5. La part du
budget consacrée au transport spatial a en effet augmenté, montrant que l'accès
autonome à l'espace demeure un axe majeur des programmes spatiaux européens.
Le programme GALILEO a été fortement soutenu. Mais, au-delà de l'engagement
financier de l'ESA, officialisé à Edimbourg, il reste un important pas à
franchir avec la confirmation de la participation financière de l'Union
européenne dans ce projet commun. Attendue lors de la réunion des ministres
européens des transports, qui s'est tenue à Bruxelles le 7 décembre dernier,
elle a de nouveau été reportée. Une nouvelle et ultime impulsion politique
pourrait lui être donnée par les chefs d'Etat et de Gouvernement au sommet de
Laeken demain.
Arianespace termine le mois de novembre avec des perspectives positives. En
effet, l'Europe a confirmé son soutien à Ariane ; le programme Ariane 5 Plus
est financé jusqu'à son achèvement ; le programme d'Accompagnement de recherche
et de technologie du lanceur Ariane, dit programme ARTA, se poursuivra au moins
jusqu'en 2006 ; les Etats ont accepté de prendre en charge une partie des coûts
fixes des ensembles de lancement Ariane, les ELA, par le programme INFRA.
Enfin, c'est à l'unanimité que le Conseil a adopté la résolution sur le
financement du Centre spatial guyanais, le CSG, sur la période 2002-2006.
Le financement des coûts du CSG et le programme INFRA n'éliminent pas le
différentiel qui existe avec nos concurrents américains. Mais il le réduisent
grandement, ce qui augmente d'autant notre compétitivité.
Avec l'appui des « institutionnels », il nous reste, monsieur le ministre, à
concrétiser nos engagements de réductions des coûts. Une réflexion est
d'ailleurs engagée sur la restructuration de l'outil de production Ariane pour
améliorer ses performances.
En ce qui concerne le lanceur Soyouz à Kourou, les études de faisabilité
économique et juridique vont se poursuivre sur la base des principes qui ont
été retenus par Arianespace et ses partenaires : non-concurrence à Ariane et
business plan
profitable. Rassurez-nous, monsieur le ministre, sur
l'évidente nécessité d'une telle opération.
L'emplacement du pas de tir Soyouz a déjà été choisi par le CNES. Il se situe
au nord du pas de tir d'ELA-2, proche de la crique Malmanoury en direction de
Sinnamary, région chère à mon coeur. Il me semble que cet emplacement
permettrait de découpler les activités Ariane et Soyouz en ce qui concerne la
sûreté et la sécurité, étant entendu que les ensembles de préparation des
charges utiles pourront être communs aux deux programmes.
Vous connaissez les faiblesses de l'économie guyanaise, puisque la part du
spatial dans cette économie représente 50 % du PIB ; il est donc légitime de
penser que cette nouvelle activité serait créatrice d'emplois en Guyane.
Je m'interroge cependant sur l'effet que pourraient avoir ces activités sur
l'Europe. Je m'interroge aussi sur le développement des relations plus serrées
entre l'Europe et la Russie. Je m'interroge encore sur la façon d'éviter que
Soyouz ne passe à notre concurrent, les Etats-Unis, pour devenir à son tour un
redoutable concurrent. Un projet en coopération avec l'Australie est en
discussion avancée : c'est le fameux projet AURORA sur l'île Christmas
équatoriale. Serait-il un concurrent significatif d'Ariane ?
Je m'interroge aussi sur l'effet que pourrait avoir cette nouvelle activité de
Soyouz sur la Guyane. Au-delà de la création d'emplois, cette activité
permettrait sans nul doute le développement de l'ouest guyanais et
particulièrement de la région de Sinnamary et d'Iracoubo, s'il y a une réelle
volonté de diversifier. En effet, cette activité viendrait compenser l'arrêt
d'Ariane 4 prévu à la fin de l'année 2002.
La question qui se pose est donc la suivante : quelle certitude a-t-on que les
Russes, une fois installés en Guyane, ne porteront pas la performance du
lanceur à un niveau tel que ce dernier pourrait empiéter sur le marché d'Ariane
5, que la baisse consécutive de cadence de fabrication d'Ariane 5 n'engendrera
pas le risque de passer sous le seuil de compétitivité et, par voie de
conséquence, d'abandon du programme par les industriels ?
Après Edimbourg, le développement d'Ariane 5 continue. Prochaines étapes : la
reprise des vols dans les toutes premières semaines de 2002 et le premier vol
de l'ESC-A vers le milieu de l'année. Ces deux événements seront très
importants pour la crédibilité du programme Ariane 5. Une fois de plus, la
rigueur dans les programmes d'essais, la préparation de ces vols et le
professionnalisme des équipes seront fondamentaux pour notre réussite.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Je souhaite tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté
ce débat, qui est pour nous un moment important.
La maîtrise de l'espace, au xxie siècle, est un véritable enjeu de société,
dont la dimension est à la fois stratégique et économique. C'est ainsi
qu'aujourd'hui la nécessité d'une politique spatiale française ne peut plus
être contestée.
Avec 40 % du budget spatial civil et militaire européen, notre pays se révèle
être le moteur de l'Europe en matière de politique spatiale. En effet, la
France apporte la plus grosse contribution au budget de l'Agence spatiale
européenne - en l'occurrence 29 % - et l'investissement le plus important dans
l'espace militaire : 2 951 millions de francs.
D'un point de vue stratégique, industriel et scientifique, l'espace constitue
une activité essentielle dans laquelle notre pays excelle. C'est même l'un de
ses fleurons. Je saisis l'occasion pour féliciter le CNES et les industriels
français, qui réalisent un travail remarquable.
Notre pays a également toujours fait preuve d'une grande efficacité dans ses
dépenses. Toutefois, il me semble qu'on pourrait imaginer une meilleure
répartition des contributions des uns et des autres. J'aimerais avoir votre
sentiment à ce sujet, monsieur le minsitre.
Par ailleurs, le projet d'installation à Kourou d'un pas de tir spécifique
pour le lanceur russe Soyouz est actuellement à l'étude. Avez-vous, monsieur le
ministre, des informations sur son avancée et sur le montage financier envisagé
? Moi aussi, je me pose la question d'une concurrence éventuelle et je souhaite
que l'on réfléchisse à tout cela.
Maintenant, j'aimerais évoquer le programme de navigation par satellite
GALILEO.
L'objectif principal de ce programme est de créer un système mondial de
navigation par satellites visant à réduire, pour des raisons stratégiques et
économiques, la dépendance de l'Union européenne vis-à-vis du système américain
GPS.
Ce programme entre dans le cadre de mesures décidées en 1998, relatives à
l'engagement de l'Europe dans une nouvelle génération de services de navigation
par satellites.
Comme chacun le sait, dans le domaine de la navigation par satellites, les
enjeux sont considérables et de nature multiple. En effet, deux systèmes se
font actuellement concurrence : le GPS américain, qui domine le marché, et le
GLONASS russe.
Notre dépendance actuelle à l'égard du GPS pose des questions d'ordre
stratégique dès lors que les systèmes utilisés ne sont pas sous contrôle
européen. L'enjeu est donc de garantir les besoins stratégiques européens en
matière de politique étrangère et de sécurité commune, par exemple.
Pour la Commission européenne, il est capital de commencer la mise en oeuvre
du programme afin que le réseau des trente satellites prévus soit capable de
fonctionner au début de 2008, avant la mise en service de la nouvelle version
du GPS américain, beaucoup plus performante que l'actuelle.
Or certains pays s'interrogent encore sur l'intérêt de créer un autre GPS,
puisque le GPS américain, système militaire mis gratuitement à la disposition
des civils du monde entier, existe et que le futur GPS américain, dont la mise
en service est prévue pour 2011, pourrait également être gratuit. Et s'il ne
l'était pas ?...
Monsieur le ministre, le 16 novembre dernier, lors des discussions du conseil
des ministres de l'Agence spatiale européenne qui s'est tenu à Edimbourg, vous
déclariez que vous imaginiez mal que nos amis anglais n'apportent pas leur
contribution à un tel projet.
Quelle déception pour un homme qui aime l'espace après ce qui s'est passé le 7
décembre dernier ! Nous sommes obligés de déplorer que les ministres des
transports de l'Union européenne n'aient pas trouvé un accord. J'espère que
l'on va pouvoir y remédier dans les prochains jours.
Comme l'a rappelé mon excellent collègue Henri Revol dans son rapport, que
j'ai beaucoup apprécié, les principaux éléments sur lesquels peut se fonder
l'attitude politique de l'Europe à l'endroit de ce projet GALILEO sont d'ordres
stratégique, économique et industriel.
Il y a là un ensemble d'arguments propres à convaincre nos partenaires d'aller
de l'avant et de poursuivre la construction de l'Europe spatiale.
Tout d'abord, s'agissant des enjeux stratégiques, la question centrale que
pose à l'Europe le programme GALILEO est l'acceptation ou le refus d'un degré
élevé de dépendance stratégique. Il apparaît clairement que ne pas acquérir
l'indépendance nécessaire à l'affirmation de l'Europe spatiale, c'est
reconaître le contrôle de la toute puissance américaine sur un grand nombre de
secteurs, tant civils que militaires, qui sont d'une importance vitale pour la
sécurité et l'économie de l'Europe.
Quant aux enjeux économiques et industriels, il est clair que la réalisation
du projet GALILEO permettrait de développer le marché des équipements et des
services de navigation par satellite et créerait des emplois en mettant un
terme à la situation de monopole de l'industrie américaine en ce domaine.
S'il était jusqu'à ce jour naturel de profiter provisoirement du système
américain, puisque nous n'en avions pas, le temps est désormais venu pour
l'Europe de prendre en main son destin spatial en mettant en place son propre
système GPS.
Alors que les Etats-Unis sont déjà très en avance, il est primordial, face à
ces différents enjeux, que l'Europe se positionne comme la brillante
concurrente des Etats-Unis en participant à la prochaine génération de systèmes
de localisation, de navigation et de mesure du temps par satellites.
La conquête de l'espace a permis de réaliser des progrès considérables dans
une quantité de domaines, notamment en médecine. Si son exploitation doit
rester avant tout pacifique et profiter à l'ensemble de l'humanité, il n'en
reste pas moins que l'espace est devenu un enjeu géostratégique majeur.
L'ambition spatiale américaine est clairement affirmée dans le rapport
Rumsfeld, qui met en valeur la large dépendance de la sécurité nationale à
l'égard des systèmes spatiaux. Cette sécurité, toujours selon ce rapport, rend
nécessaire le maintien de la prédominance américaine dans les technologies
spatiales.
Cette première place, qui relève d'une volonté d'occuper - sans jeu de mots -
tout l'espace est aujourd'hui l'un des objectifs des Etats-Unis. Cette ambition
américaine doit être l'occasion d'une prise de conscience forte de l'Europe et
l'inciter à relever avec fierté et détermination ce défi.
La guerre du Golfe et le conflit du Kosovo nous ont rappelé combien la gestion
de toute politique de sécurité européenne s'avérerait impossible dès lors
qu'elle demeurerait tributaire de systèmes contrôlés par une puissance, certes
alliée, mais concurrente.
Oui, mes chers collègues, en tant que vice-président du groupe parlementaire
de l'Espace, je plaide pour une Europe de l'espace, pour une Europe prenant
toute sa place en ce domaine, à côté des Etats-Unis et de la Russie.
Les tragiques événements du 11 septembre dernier sont une raison
supplémentaire - ne les oublions jamais ! - pour vouloir, avec encore plus de
conviction, que l'Europe conserve à la fois son rang de puissance spatiale et
son autonomie sur la scène internationale.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je tiens, avant tout, à remercier M. Revol de l'initiative qu'il a
prise d'organiser ce débat aujourd'hui au Sénat sur la politique spatiale et
sur les résultats du conseil des ministres de l'Agence spatiale européenne qui
s'est tenu voilà quelques semaines à Edimbourg. Je suis très attentif, d'une
manière générale, à la qualité des travaux du Sénat et de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui,
notamment sur l'espace et sous la plume de M. Revol, a réalité d'excellents
travaux.
Je remercie également MM. Lagauche et Othily des appréciations positives
qu'ils ont bien voulu porter sur les résultats de ce conseil des ministres
d'Edimbourg. Je souhaite vous donner davantage de précisions à cet égard.
Les résultats obtenus sont très importants, en particulier en ce qui concerne
la situation de la filière Ariane. Comme l'ont rappelé certains intervenants,
notamment M. Othily, le lanceur Ariane n'a jamais été soumis à une concurrence
aussi forte : celle des lanceurs russes, d'abord, et bientôt celle des
nouvelles générations de lanceurs américains de Boeing et de Lockeed Martin.
D'autres concurrents se profilent d'ailleurs à moyen terme : les Chinois, les
Japonais et même les Indiens ; tous poursuivent de façon active le
développement de nouveaux lanceurs.
Dans un contexte où le nombre de satellites de télécommunications à lancer
devrait être relativement stable au cours de la période à venir, cette
abondance de l'offre conduit inévitablement à une surcapacité qui se traduit
par une baisse sur les prix des services de lancement.
Arianespace, comme vous le savez, a eu, sinon des difficultés financières, du
moins des résultats difficiles en 2000.
L'année 2001 risque également d'être délicate en raison des conséquences de
l'échec du vol 510. Cela étant, un nouveau vol d'Ariane 5 devrait être réalisé
- en principe, le 20 février prochain - pour le lancement du satellite
d'observation de l'environnement Envisat.
Dans ce contexte, les décisions soumises au conseil de l'ESA d'Edimbourg
étaient particulièrement importantes. Je me félicite, avec plusieurs
intervenants, du résultat obtenu. En effet, les trois programmes consacrés à
Ariane auxquels vient s'ajouter le programme consacré au centre de lancement
spatial guyanais représentent un montant total de souscription par les Etats
membres de 2,1 milliards d'euros jusqu'en 2006.
Permettez-moi de dire un mot de chacun de ces programmes.
Le programme Ariane 5 Plus, étape trois, permettra pratiquement de doubler la
capacité d'emport du lanceur en la portant à 10 tonnes dès 2002 et à 12 tonnes
en 2006. La précision est importante compte tenu de l'augmentation continue de
la masse des satellites de télécommunications : certains de ces satellites vont
bientôt peser 6 tonnes chacun. Or c'est le concept de lancement double qui fait
le succès d'Ariane 5. Il est donc indispensable qu'elle puisse continuer à
lancer deux satellites à la fois, ce que garantit le programme Ariane 5 Plus.
Ce programme, sursouscrit, est maintenant doté de 1 256,2 millions d'euros.
Par ailleurs, le programme ARTA, qui est, comme vous le savez, un programme
d'accompagnement technologique de la production et qui sert, notamment, à
financer les travaux visant à modifier le lanceur pour tirer les conséquences
du dernier échec, se verra doté de plus de 300 millions d'euros.
Enfin, les Etats membres ont accepté d'augmenter leur part de financement des
infrastructures en Guyane ; il s'agit du programme INFRA. C'est ainsi que 131
millions d'euros viennent s'ajouter aux 420 millions d'euros destinés au
financement, sur cette période, du centre spatial guyanais.
Le programme INFRA, comme l'a rappelé M. Georges Othily, vise à corriger la
disparité de concurrence qui joue actuellement au détriment d'Arianespace. En
effet, les lanceurs américains utilisent presque gratuitement les bases
militaires américaines, tandis qu'Arianespace contribue à environ 50 % du coût
de fonctionnement du centre spatial guyanais. D'où l'intérêt de ce programme,
même s'il n'a pas été souscrit pour la totalité de son montant par les Etats
membres.
Si l'on additionne les trois programmes Ariane 5 Plus, étape trois, INFRA et
ARTA et le financement renouvelé du centre spatial guyanais, on obtient une
somme totale qui satisfait pleinement Arianespace, comme M. Jean-Marie Luton me
l'a confirmé.
Ce résultat positif a été obtenu notamment grâce à un effort très important de
l'Allemagne, qui a confirmé son soutien à la filière Ariane en investissant,
pour les trois premiers programmes que j'ai cités, 150 millions d'euros soit
environ 1 milliard d'euros, de plus que ce qu'elle avait initialement prévu.
Le succès qui a été obtenu à Edimbourg tient aussi à l'accord auquel nous
sommes parvenus avec l'Italie sur la participation française au programme de
petit lanceur VEGA.
L'investissement de 40 millions d'euros que nous avons accepté sur le
programme correspond à la part industrielle française qui aurait, de toute
façon, d'en être compensée dans les statistiques de retour industriel de
l'Agence. Cet investissement nous permet de défendre les intérêts de nos
industriels dans les discussions à mener sur leur participation et de renforcer
le rôle joué, sur ce programme, par la direction des lanceurs du CNES, qui est
située à Evry.
Je tiens à rassurer M. Loridant, s'il en était besoin : ce résultat a été
obtenu sans que le rôle joué par le CNES à l'égard de l'ESA soit remis en
cause. Les compétences du CNES sont d'ailleurs reconnues par nos partenaires.
De 2002 à 2006, le rôle du CNES demeure donc inchangé, même s'il est vrai que
certains de nos partenaires souhaitent que le rôle des industriels soit
accentué, notamment que EADS structure davantage, par la création véritable de
la société Lyco, son secteur d'activités spatiales et lui consacre autant
d'énergie qu'au développement de son secteur aéronautique.
Je souhaite également préciser à M. Gournac, qui connaît très bien ces sujets,
que la France a obtenu des résultats positifs à Edimbourg alors que son taux de
contribution à l'ensemble des activités de l'ESA sera inférieur à ce qu'il
était dans le passé. Nous obtiendrons ainsi davantage en contribuant moins. Ce
taux était, jusqu'à présent, de 28,5 %. Il descend à 26 % après le conseil
d'Edimbourg, rejoignant pratiquement le taux de contribution de l'Allemagne,
qui est de 24 %. Je rappelle que l'Allemagne est le deuxième contributeur et
que l'Italie est le troisième.
Nous avons donc plus avec moins, ce qui correspond, je crois, à un objectif
généralement souhaité par les uns et par les autres.
(Sourires.)
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Puisque nous parlons du lanceur Ariane, je
souhaite revenir sur le dossier Soyouz à Kourou, qu'il faut examiner avec
beaucoup d'attention et de lucidité.
J'ai eu personnellement l'occasion d'apprécier, avec nos partenaires russes,
la coopération réalisée dans le cadre de STARSEM, la société franco-russe qui
commercialise actuellement le lanceur Soyouz. J'ai évoqué ce dossier à
plusieurs reprises avec M. Koptiev, qui est le président de Rosaviacosmos,
l'agence spatiale aéronautique russe, ainsi qu'avec M. Klebanov, qui est le
vice-premier ministre chargé notamment du domaine spatial.
Ce projet présente l'intérêt incontestable de compléter la gamme des lanceurs
utilisés à partir de Kourou. En effet, comme plusieurs orateurs l'ont rappelé,
Ariane 4 ne sera plus utilisée à partir de 2002 ; il peut donc y avoir une
certaine complémentarité entre Ariane 5 et le lanceur Soyouz, qui est
actuellement lancé depuis Baïkonour.
Si donc on devait faire un calcul risques-avantages, ce serait l'avantage
principal, auquel il faut ajouter un avantage annexe. Nos partenaires russes
nous font en effet souvent valoir que, si l'accord pour l'implantation de
Soyouz à Kourou ne se réalisait pas, ils pourraient être tentés de s'adresser
aux Américains pour ce lanceur-là aussi. Je rappelle que deux lanceurs russes
ou russo-ukrainiens sont déjà commercialisés par des opérateurs américains,
l'un par Lockeed Martin, l'autre par Boeing.
Au surplus, une telle coopération, eu égard aux liens traditionnels d'amitié
qui existent entre l'Union européenne et la Russie, serait aussi légitime pour
les Russes.
Pour éviter tout risque, nous avons souhaité que soient remplies quatre
conditions préalables.
Première condition : Arianespace doit être l'opérateur unique commercialisant
à la fois le lanceur Ariane et le lanceur Soyouz.
M. Alain Gournac.
C'est très important !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Les Russes ont accepté cette condition. De
cette manière, on obtient une véritable complémentarité entre les deux
lanceurs, pour ce qui est notamment des dates et des cadences de lancement.
La deuxième condition, c'est que nos partenaires russes participent, au moins
en partie, à l'investissement nécessaire pour l'aménagement du nouveau pas de
tir. Il leur est proposé de prendre en charge un tiers de l'investissement.
Pour l'instant, la réponse n'est pas positive, en tout cas de la part de
l'agence Rosaviacosmos. M. Klebanov, vice-premier ministre, avait donné une
réponse positive au mois de juin dernier, lors du dernier salon du Bourget.
La troisième condition, c'est qu'il y ait une clause d'exclusivité véritable
sur le lanceur Soyouz, ainsi que sur ses versions dérivées. En effet, on ne
pourrait pas considérer comme normal ou légitime qu'un lanceur dérivé de Soyouz
- qui s'appellerait Avrora en russe ou Aurore en français - pût être
commercialisé avec d'autres partenaires non européens, alors que le lanceur
Soyouz serait, de son côté, implanté à Kourou, en Guyane.
D'après nos partenaires russes, le lanceur Avrora serait sans rapport avec le
lanceur Soyouz. Les experts français et européens ont tendance à penser le
contraire.
La quatrième et dernière condition, c'est que le prix d'acquisition par
Arianespace du lanceur Soyouz soit un peu réduit par rapport à ce qu'il est
actuellement, soit 20 millions de dollars. Pour l'instant, l'Agence
Rosoviacosmos envisage plutôt d'augmenter ce prix pour le porter à 22 millions
ou à 23 millions de dollars. Par conséquent, les discussions se poursuivent.
Il faut que ce projet soit équilibré, intéressant à la fois pour nos
partenaires et amis russes et pour l'Europe, singulièrement, pour la France.
Nous poursuivons donc la discussion dans un esprit ouvert et positif, en
souhaitant que nos partenaires russes acceptent de remplir les conditions que
nous avons évoquées.
J'en viens aux satellites qui sont lancés, en particulier, à partir de Kourou,
et qui mettent les technologies spatiales au service de notre vie quotidienne
de Terriens.
Il est vrai que notre conception de l'espace est différente de celle qui
prévalait voilà vingt ans, à l'époque de la compétition entre les deux
superpuissances. L'espace était, en quelque sorte, le lieu de la projection
verticale des souverainetés des deux Grands. Aujourd'hui, au contraire, les
différentes Grandes puissances spatiales se sont réunies autour du projet de
station spatiale internationale.
En outre, ce que l'on voit surtout dans les technologies spatiales
aujourd'hui, ce sont des applications pratiques pour celles et ceux qui vivent
sur terre. Je dirai quelques mots sur ces applications pratiques, sur le
programme GALILEO, sur l'initiative GMES et sur les télécommunications par
satellite.
En ce qui concerne GALILEO, nous sommes dans une situation paradoxale. A
Edimbourg, parce que la France a beaucoup plaidé cette thèse et parce que
l'Italie a fait de même, les Etats membres ont tous accepté de souscrire au
financement de la phase de développement de GALILEO dans le cadre de l'Agence
spatiale européenne. Pour vous rapporter parfaitement les faits, je tiens à
vous préciser que le Royaume-Uni a accepté de souscrire à condition que le même
engagement soit ensuite pris par le conseil des transports de l'Union
européenne. Donc, même sous condition suspensive, si je puis dire, le principe
était acquis. La situation est donc aujourd'hui la suivante : d'un côté, à
Edimbourg, au sein de l'ESA, quinze ministres chargés de l'espace disent « oui
» au programme GALILEO et souscrivent ensemble pour 547 millions d'euros et,
d'un autre côté, une réunion du conseil des transports de l'Union européenne
n'aboutit pas, ou pas encore, en tout cas, à la souscription, par l'Union
européenne, de sa part du financement de la phase de développement du
programme. En somme, l'Europe est parfois atteinte de schizophrénie !
Je sais bien que l'Agence spatiale européenne et l'Union européenne sont de
nature différente. L'Agence spatiale européenne est une institution
intergouvernementale ; peut-être est-ce d'ailleurs pour cette raison qu'elle
fonctionne plus rapidement. Mais enfin, pour l'essentiel, ce sont les mêmes
pays qui siègent à l'ESA et qui font partie de l'Union européenne. Certes, ce
ne sont pas les mêmes ministres ; il y a, d'un côté, les ministres chargés de
l'espace pour ce qui concerne l'ESA, et, de l'autre, les ministres des
transports pour ce qui est de l'Union européenne, mais les uns et les autres
sont issus des mêmes gouvernements. On peut donc trouver tout à fait étonnant
qu'entre le 15 novembre et les 6 et 7 décembre quinze Etats disent « oui » à
GALILEO et « oui » au financement de HELIOS dans le cadre de l'ESA et que, dans
le cadre de l'Union européenne, les mêmes ne veuillent pas s'engager.
Le Premier ministre est tout à fait conscient de ce problème. Mon collègue
Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, a
beaucoup agi pour obtenir une décision positive.
Comme l'a rappelé M. Lagauche, la difficulté tient au fait que, le rapport
Price Waterhouse ayant été publié récemment, certains Etats ont demandé un
délai supplémantaire pour l'analyser avant de prendre une décision.
Le gouvernement français souhaite que la décision soit prise le plus tôt
possible, et le Premier ministre et le Président de la République sont bien
conscients de l'importance de ce problème ; il sera probablement évoqué lors du
Conseil européen de Laeken, qui se tiendra demain et après-demain.
Le véritable enjeu réside dans l'accès indépendant de l'Europe à des
informations essentielles pour son économie et pour son système de défense. Il
est difficile de concevoir que l'Europe continue de dépendre du système
américain de positionnement et de datation par satellite, qui, certes, présente
beaucoup d'avantages - notamment sa gratuité -, mais ne nous garantit pas de
manière pérenne et automatique l'accès à des informations de ce type. Les Etats
qui multiplient les objections techniques ou financières au système GALILEO
attachent en réalité moins d'importance à l'indépendance vis-à-vis du GPS
américain que ne le font, par exemple, la France et l'Italie.
J'en viens au système dit GMES,
Global Monitoring for Environnement and
Security
. Cette initiative de la Commission européenne a été lancée sous la
présidence française de l'Union européenne. Elle a été dotée, pour ses
premières applications concrètes, de 83 millions d'euros. Il s'agit de réaliser
une idée, chère au gouvernement français, selon laquelle la recherche peut et
doit contribuer à une meilleure protection de l'environnement par une meilleure
connaissance de celui-ci : tel est l'objet du système GMES.
Par ailleurs, le programme-enveloppe dans le domaine de l'observation de la
Terre a été doté de plus de 900 millions d'euros, ce qui représente un montant
très élevé, quoique inférieur à la dotation initialement espérée.
Pour en revenir à GMES, il est évident que les 83 millions d'euros ne couvrent
pas le financement d'un projet d'une telle ampleur. Cependant, il convient
également de tenir compte des projets en cours dans les Etats membres et au
sein de l'ESA - comme ENVISAT, comme SPOT 5, comme les projets de satellite
radar INFOTERRA et Pléiades-Cosmo-Skymed -, qui pourront être utilisés dans le
cadre de GMES.
Plusieurs orateurs ont évoqué le lancement réussi de Jason, qui a eu lieu
vendredi dernier. Il nous tenait particulièrement à coeur, car il va dans le
sens de la double orientation que je rappelais : placer la recherche, notamment
spatiale, au service de la protection de l'environnement, et les technologies
spatiales au service de la vie quotidienne, de la vie en société.
L'observation des océans, on le sait, est primordiale. Ils occupent une
surface immense - 700 fois la surface de France ! - et jouent une rôle
considérable en matière de régulation ou de perturbation de l'environnement :
perturbation avec les cyclones, les raz de marée, les tempêtes ; régulation -
et c'est ce qui se passe de manière constante - avec, par exemple, l'absorption
d'un tiers du gaz carbonique d'origine anthropique ou l'absorption de la
chaleur et de ses effets. Il est donc extrêmement important de savoir
exactement comment vivent, évoluent et bougent les océans et les mers.
C'est ce que fait, Jason après Topex Poséidon ; c'est un programme lancé dans
le cadre d'une coopération bilatéral entre la France et les Etats-Unis, donc
entre le CNES et la NASA, dont on constate l'excellence technologique,
puisqu'il permet de mesurer à quelques centimètres près, parfois à quelques
millimètres près, les variations altimétriques des océans.
Enfin, le troisième point que je voulais aborder à propos des technologies
spatiales concerne les satellites de télécommunications. Des décisions
importantes ont été prises également à Edimbourg, puisque près de 1 milliard
d'euros ont été attribués aux programmes ARTES, qui portent sur de tels
satellites. Il s'agit d'un secteur dans lequel les industriels français,
notamment Alcatel et Astrium, sont particulièrement performants. La France est
d'ailleurs le premier contributeur à ce programme, dans la continuité de ce qui
a été fait pour le satellite Stentor, dont le lancement doit avoir lieu l'an
prochain.
M. Revol a également évoqué la station spatiale internationale ; elle
correspond à des engagements pris en 1995 - donc avant 1997 ! - qui ont un coût
significatif : 1 milliard de francs par an pour le CNES, pendant cinq ans, en
tout cas jusqu'à 2004.
Le pire aurait été que nous en assumions le coût, qui est élevé, sans
l'utiliser du tout dans la même période ; c'est ce qui se serait passé si nous
n'avions pas réussi à négocier avec les Russes et avec les Américains la
présence d'astronautes français sur la station spatiale internationale quatre
ans plus tôt que prévu. C'est ainsi que le vol de Claudie Haigneré s'est
déroulé dès la fin du mois d'octobre dernier et que Philippe Perrin volera avec
la NASA vers la station spatiale internationale au printemps prochain, et
réalisera deux sorties extravéhiculaires.
Philippe Perrin, vous le savez, actuellement astronaute au CNES, est
polytechnicien et a une formation de pilote de chasse et de pilote d'essai.
Quoi qu'il en soit, nous entendons tenir nos engagements, tous nos
engagements, mais rien que nos engagements, en ce qui concerne la station
spatiale internationale, et je souhaite vivement que le financement du
programme reste dans le montant des enveloppes arrêté lors du conseil de l'ESA
à Toulouse, sans aller au-delà. C'est aussi la position du gouvernement
allemand, qu'a exprimée ma collègue Mme Buhlman, et du gouvernement italien,
formulée par ma collègue Mme Moratti.
Nous attendons de nos partenaires, notamment américains, qu'ils respectent
eux-mêmes leurs engagements, et nous suivrons de près ce que fera la NASA du
rapport Young, qui est effectivement préoccupant.
Par ailleurs, il est vraisemblablement possible de trouver à moindre coût des
solutions permettant d'augmenter le nombre d'astronautes à bord de la station,
en particulier pour réaliser le programme scientifique. Il devrait notamment
être possible d'utiliser deux vaisseaux Soyouz comme véhicules de secours. J'ai
d'ailleurs relevé avec satisfaction que le rapport Young replaçait la science
au coeur des préoccupations de la NASA ; je ne pense donc pas que les
Américains se satisferont de laisser durablement sur la station un équipage
réduit à trois astronautes, au lieu du nombre initialement prévu, que je
souhaite voir effectivement atteint. En effet, il est très difficile pour les
astronautes qui sont dans la station spatiale internationale, puis pour ceux
qui les rejoignent, de réaliser un programme scientifique en si peu de
jours.
Dès que j'aurai l'occasion de le rencontrer, j'aborderai cette question avec
le nouvel administrateur de la NASA ; il succède à M. Dan Goldin, qui a
toujours oeuvré en faveur d'une très bonne coopération avec la France,
notamment pour le programme « retour d'échantillons martiens », ou en soutenant
la participation de Philippe Perrin à un vol de la navette spatiale
américaine.
Je terminerai rapidement en répondant aux questions portant sur les programmes
que nous conduisons en dehors de l'ESA et sur la politique spatiale
nationale.
Je ne doute pas que vous aurez la possibilité, si ce n'est déjà fait,
d'interroger directement Alain Richard sur le programme spatial militaire, à
l'occasion du vote du budget de la défense au Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est déjà fait !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Sans répondre à sa place aux différentes
questions que vous soulevez, je tiens à souligner plusieurs points.
En ce qui concerne le programme GALILEO, je peux vous confirmer que le
ministère de la défense est très actif au sein du groupe de travail
interministériel français sur ce projet, qui réunit principalement les
ministères des transports, de la recherche, de la défense et, bien sûr, des
affaires étrangères ; la France soutient ainsi auprès de ses partenaires l'idée
que GALILEO doit disposer d'un service gouvernemental sécurisé, pouvant être
utilisé par nos forces armées et défini en étroite interaction avec celles-ci ;
quant à la répartition du financement entre les ministères concernés, elle
devra effectivement être décidée le moment venu ; je crois cependant que la
priorité reste aujourd'hui de lancer définitivement le projet, dont le coût est
largement à la portée des Etats européens.
Dans le domaine de l'observation de la Terre, la France avec le programme
HELIOS, réalisé en coopération avec l'Italie et l'Espagne - est plutôt en
avance sur ses partenaires. Notre deuxième génération HELIOS II, dont les
performances sont améliorées, est presque développée, alors que les satellites
Helios I A et Helios I B sont toujours en service.
Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons lancé avec l'Italie, au sommet
de Turin de janvier 2001, le projet Pléiades-Cosmo-Skymed. Celui-ci a été
officiellement signé au salon du Bourget entre l'agence italienne et le Centre
national d'études spatiales, en juin 2001. Il représente une nouvelle
génération de satellites et offrira l'accès à l'imagerie radar.
Enfin, vous savez que la France est également l'un des rares pays européens à
disposer de capacités dans le domaine des télécommunications spatiales, et
qu'elles sont confortées par les décisions qu'a prises mon collègue, ministre
de la défense.
Je note d'ailleurs que de nombreux pays sont aujourd'hui intéressés par
l'initiative Pléiades-Cosmo-Skymed.
Vous avez cependant raison, comme l'ont fait plusieurs d'entre vous, de
souligner que les applications militaires de l'espace font, encore aujourd'hui,
l'objet de réserves de la part de certains Etats membres. On le sent bien sur
GALILEO, mais aussi sur GMES.
Ces questions avanceront au fur et à mesure que la politique extérieure et de
sécurité commune, la PESC, progressera elle-même. En attendant, je crois que
nous devons nous efforcer de faire avancer les projets GALILEO et GMES, en
préservant l'avenir des applications militaires, mais sans forcément les mettre
en avant par rapport à nos partenaires, de manière à ne pas compromettre
l'adoption, que je souhaite immédiate, de ces programmes, car que certains de
nos partenaires ne les perçoivent pas avec la même ferveur que la France ou
d'autres Etats européens !
Avant de conclure, je répondrai à une question posée par plusieurs
intervenants sur le budget du CNES et sur la nécessité de transcender
l'annualité budgétaire.
En clair, est-il possible que le contrat d'objectifs du CNES, qui est en cours
de finalisation, comporte des indications sur le volume des subventions que
recevra l'établissement dans les années à venir ?
Comme vous le savez sans doute les uns et les autres, qui êtes de très bons
connaisseurs des questions spatiales, le CNES a connu voilà quelques années une
crise financière due au fait que les augmentations de crédits nécessaires à la
poursuite des programmes déjà engagés n'ont pu être décidées compte tenu d'un
contexte budgétaire difficile. Il s'en est suivi une réforme des modes de
fonctionnement et de décision des projets au sein de l'établissement.
Chaque phase de développement des nouveaux programmes fait maintenant l'objet
d'une décision du conseil d'administration de l'établissement, où sont
représentés l'ensemble des ministères concernés, notamment le ministère des
finances. Ces décisions comportent un échéancier de financement des projets et
des engagements du CNES sur le coût global, pratique qui paraît d'ailleurs tout
à fait saine.
Le CNES tient par ailleurs à jour un plan de financement à moyen terme de ses
activités, qui permet aux différents administrateurs de vérifier que les
projets dont l'engagement est proposé respectent les perspectives financières
de l'établissement et la capacité de décision budgétaire pluriannuelle des
futurs gouvernements et, bien évidemment, du Parlement.
Je peux vous assurer que, une fois prises, les décisions de programme sont
respectées et ne sont pas remises en cause dans le cadre des discussions
budgétaires annuelles.
Plusieurs d'entre vous ont remarqué cette année la stabilisation de la
dotation du CNES, qui constrate avec ce qui s'est passé les années précédentes.
Cette stabilisation est tout à fait nécessaire à l'établissement pour qu'il
puisse poursuivre ses activités tant dans le cadre de l'ESA que dans le cadre
national.
En tant que ministre chargé de l'espace, je suis bien évidemment favorable à
ce que nous donnions à l'établissement une visibilité pluriannuelle sur les
financements dont il disposera. Il faut cependant avoir en tête les limites
d'un tel exercice.
La programmation financière proposée par le CNES est en effet associée à des
programmes précis, dont on sait que le développement peut connaître des aléas
sur le plan technique, d'abord, mais, surtout, à l'échelon décisionnel. Il
s'agit en effet souvent de projets réalisés en coopération internationale :
nous avons parlé tout à l'heure de Galileo, mais nous pourrions également
évoquer le programme d'exploration de Mars, qui a connu des retards en raison
des échecs connus voilà quelque temps par les deux premières sondes de la NASA.
Il y a une certaine part d'aléas dans l'échéancier de ces programmes.
Je crois donc que l'inscription d'une programmation pluriannuelle dans le
contrat d'objectifs de l'établissement aurait surtout une valeur symbolique de
la volonté du Gouvernement de maintenir une forte priorité à l'espace au sein
du secteur de la recherche et du développement technologique. Cette volonté a
déjà clairement été exprimée dans le cadre du conseil de l'ESA, qui engage des
financements importants pour les années à venir. Ces décisions nécessitent la
stabilisation des ressources de l'établissement, compte tenu des projets qui
ont été lancés par le Gouvernement en dehors du cadre de l'ESA. Ces projets,
comme la coopération avec l'Italie dans le domaine de l'observation de la
Terre, l'exploration de Mars avec la NASA et les projets dans le domaine des
télécommunications, sont confirmés par le contrat d'objectifs.
Vous avez évoqué le débat avec l'administration des finances, qui est
d'ailleurs tout à fait dans son rôle ; il est déjà largement avancé. Vous en
avez eu un signe concret avec le budget pour 2002, mais aussi dans les
décisions prises à Edimbourg. Pour ce qui est du contrat lui-même, les
discussions se poursuivent mais, devrait pouvoir être signé très
prochainement.
En tant que ministre de la recherche, je soutiens très sincèrement et très
activement le principe de la contractualisation avec nos organismes de
recherche. Il me paraît tout à fait normal que ces organismes, qui reçoivent
chaque année des financements très importants de la part de nos concitoyens,
c'est-à-dire des contribuables, que l'on a parfois tendance à oublier, se
voient indiquer les priorités sur lesquelles le Gouvernement et le Parlement
souhaitent les voir intervenir, ainsi que les résultats qui sont attendus en
contrepartie des efforts importants réalisés par la communauté nationale.
Pour conclure, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
puis vous assurer que la politique spatiale est préparée de façon très
largement interministérielle et que j'ai souvent l'occasion d'aborder les
questions qui les concernent avec mes collègues Alain Richard et Jean-Claude
Gayssot. J'ai pu aussi discuter de cette politique avec le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement s'agissant des programmes
ayant des applications pour l'environnement, comme l'initiative GMES. Je tiens
d'ailleurs à rappeler que les priorités de la politique spatiale ont été
arrêtées à l'occasion d'un conseil interministériel de la recherche
scientifique et technique qui s'est tenu sous la présidence du Premier
ministre.
Le CNES fêtera ses quarante ans la semaine prochaine. C'est l'âge de la
maturité, de l'accomplissement. C'est un âge où la force de la vie ne s'éteint
pas, loin de là. Nous en sommes tous, les uns et les autres, l'illustration !
(Sourires.)
Le CNES est un établissement remarquable, qui a largement
rempli la mission qui lui avait été assignée par le général de Gaulle au début
des années soixante : faire de la France et de l'Europe une grande puissance
spatiale, en développant une industrie nationale performante.
L'enjeu pour la décennie qui a commencé en 2001 est de stimuler le
développement des applications de l'espace. La miniaturisation des satellites
et la réduction des coûts qui en résulte doit maintenant conduire à mettre les
techniques spatiales au service de tous et à développer de façon spectaculaire
leurs utilisations. C'est le nouveau pari que doit gagner le CNES et qui lui
est fixé par le contrat d'objectifs.
Je voudrais enfin remercier de nouveau M. le sénateur Revol de nous avoir
donné l'occasion de débattre ensemble des orientations de la politique
spatiale. Il semble que ce soit une première, s'agissant d'un secteur
extrêmement important de par les espoirs qu'il suscite, de par l'importance des
crédits qu'il mobilise très légitimement, de par les retombées importantes
qu'il engendre sur le plan économique et de par l'intérêt des applications des
technologies spaciales qui sont mises au service de la vie sur terre. Il est
essentiel que nous puissions discuter ces questions de façon assez détaillée.
Je crois que nos concitoyens comprennent maintenant beaucoup mieux que l'espace
est non pas un lieu où s'affronteraient des souverainetés, comme c'était le cas
dans le passé, mais plutôt un domaine de coopération internationale, avec par
exemple la station spatiale internationale, dans lequel les technologies mises
en oeuvre peuvent avoir des applications très concrètes pour l'amélioration de
la vie sur terre.
Par conséquent, ciel et terre se rapprochent dans la perception qu'ont nos
concitoyens des technologies spatiales, grâce notamment aux débats qui sont
organisés, principalement avec la représentation nationale, centre essentiel de
réflexion et de décision de notre pays. Je remercie donc le Sénat de son
initiative.
(Applaudissements.)
M. Henri Revol.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Revol.
M. Henri Revol.
Je vous remercie très sincèrement, monsieur le ministre, des réponses que vous
nous avez apportées et de tous les renseignements que vous nous avez
communiqués.
Vous avez vous-même souligné l'importance de la bonne information du Parlement
sur un sujet qui, jusqu'à présent, il faut bien le dire, n'a pas suscité, parmi
nos concitoyens, en dehors de l'attrait qu'exercent sur eux les missions
spatiales, dont nos chaînes de télévision rendent compte, ce qui est heureux,
l'envie de débattre ou de contrôler ce que l'on fait de l'argent que, en tant
que contribuables, ils investissent dans ce secteur.
Pourtant, si les technologies spatiales ne concernaient voilà quarante ans que
les ingénieurs et les militaires, les applications de la conquête spatiale
touchent désormais nos concitoyens dans leur vie la plus quotidienne. Je vous
remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir reconnu qu'il était important de
transmettre au Parlement des informations qui seront ensuite, je n'en doute
pas, largement diffusées dans le public.
M. le président.
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est
clos.
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