SEANCE DU 11 DECEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 56
undecies
. - Dans la première phrase du I de l'article 2 de
l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances,
les sommes : "87 680 F" et "19 990 F" sont respectivement remplacées par les
sommes : "15 250 EUR" et "3 550 EUR". »
L'amendement n° II-33, présenté par MM. Joly, Othily, de Montesquiou, Mouly et
Soulage, est ainsi libellé :
« I. - A la fin de l'article 56
undecies,
remplacer les mots : "15 250
EUR" et "3 350 EUR" par les mots : "16 040 EUR" et "3 656 EUR".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant de la réévaluation du plafond d'accès
aux chèques-vacances sont compensées à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention
: "I. -". »
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Le chèque-vacances constitue aujourd'hui un volet indispensable de la
politique sociale du tourisme. Il favorise l'accès aux vacances et aux loisirs
de plus de 1,4 million de porteurs, soit 4,5 millions de bénéficiaires l'an
dernier.
Cet amendement tend à réévaluer le plafond d'accès au chèque-vacances en
réajustant le revenu fiscal de référence pour pallier certains effets
d'exclusion. Seule une partie minoritaire des salariés est, en effet, concernée
par l'octroi de ces chèques du fait du seuil trop bas du revenu fiscal
exigé.
Ainsi réajusté, le revenu fiscal de référence se rapprocherait du niveau de
celui qui est défini pour la fiscalité locale d'aide au logement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'une initiative généreuse, mais peut-être
les choses ne sont-elles pas complètement mûres. C'est pourquoi la commission
souhaite le retrait de l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Même avis.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc.
Cet article 56
undecies
ne pouvait laisser indifférent l'ancien
rapporteur de la loi du 12 juillet 1999 sur les chèques-vacances que je
suis.
Sous son apparence éminemment technique, l'article 56
undecies
ne fait
que souligner avec force les insuffisances de cette loi, insuffisances que le
Sénat avait alors déjà pressenties. Qu'on me pardonne de citer le rapport que
j'avais présenté à l'époque : « Les mesures proposées ne permettent, en
pratique, qu'un développement marginal du chèque-vacances ».
Or que constate-t-on aujourd'hui ?
D'abord, le taux de croissance annuel moyen du montant global de
chèques-vacances émis, qui était de l'ordre de 25 % avant la réforme, est tombé
à 5 % en 2000. C'est un bien piètre résultat pour une réforme censée élargir
l'accès aux chèques-vacances !
Ensuite, la réforme de 1999 a eu des effets négatifs. Les facteurs de
freinage ont d'ailleurs été clairement identifiés par le conseil
d'administration de l'Agence nationale des chèques-vacances elle-même. Ainsi,
son récent rapport, demandé d'ailleurs par le Gouvernement, évoque
successivement : « une loi trop limitative et complexe » ; « un effet
d'éviction important », qui exclut paradoxalement du dispositif un nombre
significatif des ses anciens bénéficiaires et qui prive ainsi l'activité
touristique de quelque 870 millions de francs de recettes ; une absence de «
neutralité en comparaison des dispositions précédentes » ; un dispositif qui «
pénalise plutôt les foyers avec enfants et les familles que les célibataires
».
Plus concrètement, trois éléments de blocages, mis en évidence par l'Agence,
sont désormais dénoncés par tous.
Premier élément de blocage : un critère de revenus fixé de manière trop
restrictive, qui ne permet pas de « faire bénéficier suffisamment de salariés
moyens du chèque-vacances ». Le présent article en tire d'ailleurs les
conséquences en prévoyant une augmentation substantielle du niveau de ce
critère. A ce propos, les nouveaux critères équivalent à peu près à ceux
qu'avait proposés notre assemblée en 1999. Je ne peux donc que saluer cet
hommage - certes tardif - à la pertinence des initiatives du Sénat.
Deuxième élément de blocage : l'obligation pour le salarié de présenter son
avis d'imposition à son employeur. Nous avions, à l'époque, tout
particulièrement mis en garde le Gouvernement contre la disparition du secret
fiscal dans l'entreprise et proposé d'éviter toute divulgation de l'avis
d'imposition. Le Gouvernement s'était engagé à garantir la confidentialité de
l'avis d'imposition. Je constate aujourd'hui que le Gouvernement n'a pas, sur
ce point, tenu ses engagements, au risque de freiner l'accès aux
chèques-vacances.
Troisième élément de blocage : la difficulté de conclure un accord sur les
chèques-vacances dans les PME. Là encore, le Sénat avait fait des propositions,
suggérant notamment de permettre, en dernier ressort et à titre expérimental,
la mise en place des chèques-vacances après consultation des délégués du
personnel. Sur ce point également, il nous a été rétorqué que c'était inutile.
Or l'Agence nationale estime aujourd'hui nécessaire que les délégués du
personnel puissent eux-mêmes conclure un accord d'entreprise en la matière pour
favoriser le développement des chèques-vacances dans les PME.
Au total, cet article 56
undecies
ne constitue donc qu'un premier pas
dans le sens de la « réforme de la réforme » des chèques-vacances, même si je
me félicite qu'une telle évolution soit désormais possible.
Il montre surtout que le Gouvernement et sa majorité plurielle auraient bien
souvent tout à gagner à écouter le Sénat avec plus d'attention, au lieu que de
faire légiférer le Parlement dans la hâte et de réformer dans la précipitation.
Je note beaucoup plus de pragmatisme de la part du Sénat, et j'invite
l'Assemblée nationale à faire preuve de beaucoup moins de dogmatisme !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je veux rappeler qu'une revalorisation figure déjà
dans le texte du projet de loi de finances pour 2002. Dans la mesure où un pas
a été fait, qui représente un coût budgétaire important, il paraît raisonnable
d'en rester là pour le moment. Je suggère donc à M. Mouly de retirer
l'amendement n° II-33.
M. le président.
Monsieur Mouly, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur général ?
M. Georges Mouly.
Comment ne pas suivre les suggestions de M. le rapporteur général !
(Sourires.)
Je tiens tout de même à souligner que je partage sans réserve les propos de
notre collègue Paul Blanc. Pour connaître un peu le problème et m'y être
particulièrement intéressé dans le passé, je sais que les besoins existent.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur général, que l'affaire
n'était pas tout à fait mûre. J'avoue ne pas savoir en quoi consiste en la
matière la maturation !...
Cela étant, je vous ai entendu, monsieur le rapporteur général. Il est vrai
qu'un effort a déjà été fait. Je formule l'espoir qu'il sera poursuivi et pour
l'heure, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-33 est retiré.
Je mets aux voix l'article 56
undecies.
(L'article 56
undecies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 56 undecies