SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Emploi et solidarité (suite)

I. - emploi (p. 2 )

MM. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi ; Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle ; MM. Roland Muzeau, Gilbert Chabroux, Alain Gournac, Serge Franchis.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. le rapporteur spécial, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

3. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 4 ).

4. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 5 ).

Emploi et solidarité (suite)

I. - emploi (suite) (p. 6 )

Crédits du titre III (p. 7 )

Amendement n° II-109 du Gouvernement. - MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances. - Rejet.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV (p. 8 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n ° II-108 du Gouvernement. - Devenu sans objet.
Rejet des crédits.
M. le secrétaire d'Etat.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 9 )

Article 68 (p. 10 )

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. le secrétaire d'Etat.
Amendements identiques n°s II-25 de la commission et II-11 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur spécial, Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le travail et l'emploi ; le secrétaire d'Etat, Gilbert Chabroux, Alain Joyandet. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 69. - Adoption (p. 11 )

Article 70 (p. 12 )

Amendements identiques n°s II-26 de la commission et II-12 de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur spécial, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la formation professionnelle ; MM. le secrétaire d'Etat, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 70 (p. 13 )

Amendement n° II-13 de Mme Annick Bocandé. - Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis ; MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Gilbert Chabroux, Paul Blanc, Alain Gournac, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n°s II-14 de Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis, et II-84 rectifié de M. Joseph Ostermann. - Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis ; MM. Alain Gournac, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 70 bis (p. 14 )

Amendements identiques n°s II-27 de la commission et II-15 de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur spécial, Louis Souvet, rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, Gilbert Chabroux, Roland Muzeau. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

II. - santé et solidarité (p. 15 )

MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé ; le président, Alain Lambert, président de la commission des finances.
MM. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité ; Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé ; le ministre délégué.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le ministre délégué.
MM. François Fortassin, le ministre délégué.
MM. Jean Chérioux, Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
MM. Jean-Pierre Cantegrit, le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, M. le secrétaire d'Etat.
Mme Michèle San Vicente, M. le secrétaire d'Etat.
MM. Dominique Leclerc, le secrétaire d'Etat, le ministre délégué.
MM. Guy Fischer, le secrétaire d'Etat.
MM. André Vantomme, le ministre délégué.
MM. Pierre André, le ministre délégué.
MM. Jean-Pierre Sueur, le secrétaire d'Etat, le rapporteur spécial.

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

MM. Daniel Goulet, le ministre délégué.

Crédits du titre III (p. 16 )

Amendement n° II-120 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Rejet.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV (p. 17 )

Mme Michelle Demessine, M. Roland Muzeau, Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n° II-121 du Gouvernement. - Devenu sans objet.
Rejet des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 18 )

Article 71 ter (p. 19 )

Amendement n° II-30 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 71 ter (p. 20 )

Amendement n° II-132 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 21 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 22 )

6. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 23 ).

7. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 24 ).

Aménagement du territoire et environnement (suite)

II. - environnement (p. 25 )

MM. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
MM. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; le ministre.
MM. Daniel Soulage, le ministre.
MM. Serge Lepeltier, le ministre.
Mme Nicole Borvo, M. le ministre.
Mme Odette Herviaux, M. le ministre.
MM. Jean-René Lecerf, le ministre.
MM. Roland Muzeau, le ministre.
MM. Paul Raoult, le ministre.
MM. Laurent Béteille, le ministre.

Crédits du titre III (p. 26 )

MM. Paul Raoult, Daniel Soulage, le ministre.
Rejet des crédits.

Crédits du titre IV (p. 27 )

MM. le rapporteur spécial, Jean Bizet, rapporteur pour avis ; le ministre.
Rejet des crédits.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 28 )

8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 29 ).

9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 30 ).

10. Renvoi pour avis (p. 31 ).

11. Ordre du jour (p. 32 ).




COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Emploi et solidarité (suite)
i. - emploi

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'emploi s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2002, à 16,78 milliards d'euros, alors qu'ils s'établissaient à 17,05 milliards d'euros en 2001 : cette diminution de 1,6 %, après une baisse de 1,9 % l'année dernière, montre que le budget de l'emploi ne semble plus constituer une priorité budgétaire pour le Gouvernement, en dépit de ses déclarations, probablement liées à l'inquiétude sur les perspectives de l'évolution du marché du travail.
Ces crédits sont consacrés aux moyens de fonctionnement à hauteur de 10,6 % et aux dépenses d'intervention pour 88,9 %. Il convient donc de constater que les services du ministère de l'emploi - que j'avais été amené à contrôler l'année dernière avec notre collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique - ont été renforcés tout au long de la législature sans que leur gestion en ait été notablement améliorée.
Je vous ferai part des quatre observations que m'inspirent les dotations allouées à l'emploi pour 2002.
Première observation : l'amélioration de la situation de l'emploi semble terminée.
Alors que, depuis juin 1997, la situation du marché du travail s'est nettement améliorée, le taux de chômage étant passé de 12,3 % à cette date à 8,8 % en juin dernier, le Gouvernement, probablement grisé par ces bons résultats de nature conjoncturelle, s'était fixé comme objectif de parvenir au plein emploi au cours des prochaines années. Les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre dernier ont mis en évidence le caractère présomptueux de ces déclarations, la situation s'étant dégradée avant lesdits événements.
En effet, depuis le mois de mai dernier, les chiffres du chômage se détériorent régulièrement, le nombre de chômeurs ayant progressé de 104 700 en six mois. Cette évolution a porté le taux de chômage à 9 % de la population active, c'est-à-dire au même niveau qu'à la fin de l'année 2000.
Je m'interroge donc sur les effets mirifiques sur l'emploi qui étaient attendus de la réduction du temps de travail ! Pourquoi une telle dégradation de l'emploi, alors que les 35 heures auraient dû créer des centaines de milliers d'emplois ? Le Gouvernement s'étant par ailleurs proclamé responsable du recul du chômage, quelle décision a-t-il bien pu prendre pour provoquer un tel retournement du marché du travail ?
En réalité, une analyse plus fine de la situation de l'emploi montre que le Gouvernement n'avait pas de véritables raisons de se « gargariser » de la diminution du chômage.
Sans entrer dans le détail, je rappelle simplement que le chômage français reste à un niveau élevé, puisqu'il touche 8,5 % de la population active, contre 8,3 % dans la zone euro, 7,6 % dans l'Union européenne, 5,1 % au Royaume-Uni, 3,8 % en Irlande, 2,2 % aux Pays-Bas, 5 % au Japon et 4,6 % aux Etats-Unis. Or ces pays n'ont ni emplois-jeunes ni 35 heures, et ils ne s'en portent pas plus mal, au contraire !

En outre, l'amélioration de la situation de l'emploi est relativement inégale, les femmes, les jeunes, les non-diplômés ou peu diplômés, les salariés précaires, les chômeurs de longue durée continuant d'être touchés plus sévèrement par le chômage que la moyenne nationale.
Surtout, un recul important du chômage se heurte au niveau élevé du chômage structurel. Si le taux de chômage a reculé de plus de trois points depuis 1997, ce mouvement se heurte visiblement au socle du chômage structurel, évalué à 8 % de la population active en France par la Caisse des dépôts et consignations, mais seulement à 3 % aux Etats-Unis. Notre pays se trouve donc dans une situation délicate puisque, hors les effets de la conjoncture sur l'emploi, qu'ils soient positifs ou défavorables, le chômage ne diminuerait plus guère en France, le seuil du chômage structurel ayant été globalement atteint.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est n'importe quoi !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Qu'a fait le Gouvernement pour sortir de cette situation ? Rien ! Il n'a par exemple engagé aucune réflexion sur le revenu minimum d'activité, le RMA, dispositif proposé par le président et le rapporteur général de la commission des finances. Si le Gouvernement s'est rallié au crédit d'impôt qu'est la prime pour l'emploi, c'est de façon contrainte et tardive, mais heureusement aiguillonné par le Sénat !
En revanche, il propose des mesures qui, à l'exemple de celles que contient le mauvais projet de loi de modernisation sociale, vont accroître les rigidités du marché du travail français et engendrer incontestablement une progression du chômage.
Deuxième observation : le projet de budget pour 2002 s'avère paradoxal et adresse un message brouillé aux agents économiques.
Depuis 1998, le budget de l'emploi n'a porté aucune réforme structurelle susceptible d'avoir un impact sur son montant. Au cours des dernières années, des économies importantes avaient été réalisées sur les crédits de l'emploi, mais il s'agissait de simples économies de constatation résultant d'une conjoncture favorable. Ainsi, le nombre total d'entrées dans les dispositifs de la politique de l'emploi a diminué de plus de 45 % depuis 1997.
Or la conjoncture est actuellement nettement moins bien orientée, et le projet de budget de l'emploi continue de diminuer.
Pourquoi une telle contradiction apparente ? Parce que la prévision de croissance retenue pour 2002 est irréaliste, avec les conséquences que cela implique, notamment sur le niveau de l'emploi l'année prochaine.
La budgétisation des crédits pour 2002 est donc tout simplement erronée, la diminution affichée de certaines dotations budgétaires apparaissant peu crédible. Il est dès lors probable que le retournement conjoncturel en cours se traduira in fine par une hausse des crédits de l'emploi, notamment du traitement social du chômage, comme vos récentes annonces sur l'ouverture de contrats aidés supplémentaires, madame la ministre, le laissent entendre.
A ce propos, je considère que le Gouvernement, avec ce projet de budget de l'emploi, adresse aux salariés et aux entreprises un message brouillé.
Il prend en effet un pari risqué sur la poursuite de l'amélioration de la situation de l'emploi en inscrivant des crédits à la baisse. De plus, il a lui-même ôté toute crédibilité à ce message en présentant, quelques jours après le conseil des ministres, un plan qui renoue avec le traitement social du chômage : Mme la ministre a en effet annoncé des entrées supplémentaires pour 2001, pour un coût de 180 millions d'euros devant être supporté par le prochain collectif.
Au regard de ces annonces, il me paraît probable que les dotations pour 2002 ne seront pas suffisantes - à moins que leur budgétisation ait été, une fois encore, volontairement faussée.
Troisième observation : le budget de l'emploi a progressivement perdu sa cohérence au cours de la législature.
La forte croissance des crédits de l'emploi depuis plusieurs années résulte essentiellement de la politique de réduction des charges sociales engagée en 1993, et de son corollaire, leur compensation par le budget de l'Etat auprès des organismes de sécurité sociale. Or, depuis 1999 surtout, le budget de l'emploi a vu son périmètre subir de multiples modifications, portant sur des montants considérables, qui en ont fortement restreint la cohérence et qui obligent à procéder à un calcul consolidé afin d'obtenir une vue d'ensemble à peu près sincère du coût de la politique de l'emploi.
La compensation des exonérations de charges sociales a ainsi quasiment disparu du budget de l'emploi, notamment depuis la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, destiné à financer les 35 heures et les allégements de charges qui leur sont liés. Avec cette débudgétisation massive destinée à dissimuler l'augmentation des dépenses, le budget de l'emploi a vu son montant diminuer de façon artificielle. Surtout, il reflète de moins en moins le principal axe de la politique de l'emploi et reste muet, notamment, sur le coût réel des 35 heures.
En fait, seuls 39,3 millions d'euros sont inscrits en 2002 au budget de l'emploi au titre des aides au conseil dans le cadre des 35 heures, alors que les dotations du FOREC devraient s'établir à 15,55 milliards d'euros : le budget de l'emploi supportera donc seulement 0,25 % du coût total des 35 heures !
Je considère par conséquent que le coût total de la politique de l'emploi en 2002 doit prendre en compte les crédits du budget de l'emploi, mais aussi ceux du FOREC, soit un total de 32,33 milliards d'euros, en progression de 2,3 % par rapport à 2001.
J'observe enfin que, comme le Sénat l'avait pressenti, les 2,29 milliards d'euros de l'UNEDIC ne seront pas affectés à l'emploi.
Je rappelle que, dans le cadre de la nouvelle convention d'assurance chômage, l'UNEDIC doit procéder au versement à l'Etat de 2,29 milliards d'euros, soit 1,07 milliard en 2001 et 1,22 milliard en 2002.
Ce versement, qui devrait désormais être effectif, après de multiples rebondissements, sera toutefois traité comme une recette non fiscale de l'Etat venant abonder le budget général : il ne sera donc pas spécifiquement affecté à des dispositifs de la politique de l'emploi, en dépit des déclarations rassurantes, mais délibérément floues, du Gouvernement sur ce point.
Quatrième observation : les emplois-jeunes constituent un dossier que le prochain gouvernement devra traiter.
En 2002, le coût des emplois-jeunes diminue de 3,6 %, pour la première fois depuis le lancement du dispositif, s'établissant à 3,23 milliards d'euros.
Il convient toutefois de noter que ce chapitre budgétaire fait traditionnellement l'objet d'une importante surdotation, puis d'une régulation non moins importante en cours d'exercice, comme l'a d'ailleurs relevé la Cour des comptes dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2000.
En outre, environ 230 millions d'euros n'auraient pas été consommés - à ce jour - en 2001.
Le Gouvernement a donc beau jeu d'affirmer qu'il réalise des économies ! Ces prétendues économies ne sont que la conséquence d'une budgétisation des crédits initiaux volontairement mal calibrée à des fins d'affichage politique. Je m'étonne d'ailleurs que le Gouvernement utilise les crédits de l'emploi comme une source d'économies potentielles.
Cette surdotation récurrente suscite une double interrogation, la première sur la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés en matière d'embauches d'emplois-jeunes, la seconde sur le nombre réel de ces derniers.
Le Gouvernement a en effet régulièrement modifié ses objectifs en ce qui concerne les emplois-jeunes. Il s'agissait d'abord de parvenir à recruter 350 000 jeunes à la fin de 2002, puis cet objectif a été avancé à la fin 2000, avant d'être de nouveau repoussé !
Par ailleurs, il a changé de nature : il ne s'agit plus de mesurer le dispositif en stock mais en flux, le nombre de jeunes ayant bénéficié de ce programme depuis sa création devant s'élever à 360 000 à la fin de 2002.
Il convient également de garder à l'esprit que le budget de l'emploi ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement des emplois-jeunes, les budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer étant également sollicités. Le coût total du dispositif s'établira donc à 3,67 milliards d'euros en 2002. Sur l'ensemble de la législature, il s'est établi à plus de 13 milliards d'euros.
Enfin, la question de l'avenir des emplois-jeunes n'est toujours pas réglée, en dépit de l'annonce, le 6 juin dernier, du plan gouvernemental de « consolidation » du dispositif : si les emplois sont pérennisés, on ne sait toujours pas ce que deviendront les jeunes qui les occupent.
En conclusion, la commission des finances a estimé qu'elle ne pouvait cautionner un projet de budget incomplet, globalement mal géré et entièrement subordonné à une politique de l'emploi archaïque, reposant avant tout sur un interventionnisme étatique qui nous isole de plus en plus de nos voisins et partenaires. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget du ministère de l'emploi revêt cette année une importance particulière puisqu'il s'agit du dernier budget de la présente législature.
A cette occasion, j'ai souhaité, avec le concours de l'ensemble des partenaires sociaux, effectuer un bilan de la politique de l'emploi conduite depuis plus de quatre ans.
Qu'il s'agisse de l'évolution de l'emploi, des 35 heures ou du budget pour 2002, vous observerez, madame la ministre, que les conclusions des partenaires sociaux et de la commission des affaires sociales convergent très fortement, de même d'ailleurs que celles de la commission des finances.
J'évoquerai, en premier lieu, l'évolution du chômage.
De prime abord, le bilan sur le front du chômage apparaît encourageant, puisque le taux de chômage est passé de 12,3 % en juin 1997 à environ 9 % aujourd'hui. Pourtant, rien n'est acquis, et cela pour une raison au moins : le chômage remonte.
Après avoir atteint un plancher au printemps - il s'élevait à 8,7 % en mars 2001 -, le taux de chômage n'a cessé depuis lors d'augmenter : plus 5 500 demandeurs d'emploi en mai, plus 8 500 en juin, plus 39 600 en juillet, plus 11 100 en août, plus 13 100 en septembre et plus 28 000 en octobre.
Avec 2 168 000 demandeurs d'emploi, notre pays est, hélas ! encore loin du plein emploi. Le chômage de masse reste même une réalité, ce qui invite à s'interroger sur les fondements de la politique que nous pouvons mener pour le combattre.
Outre la fragilité de nos résultats en termes de baisse du chômage, dont témoigne la récente - et, je l'espère, provisoire - hausse du nombre de demandeurs d'emploi, c'est l'idée même selon laquelle nous aurions eu des résultats exceptionnels en matière de lutte contre le chômage qui est aujourd'hui remise en cause.
En effet, notre taux de chômage demeure, après quatre années de forte croissance, supérieur à celui de la zone euro, qui, je le rappelle, est de 8,3 %. Nous nous situons à l'antépénultième place derrière l'Espagne et la Finlande, dont les taux de chômage sont respectivement de 13 % et de 9 %. La plupart des autres pays obtiennent de meilleurs résultats : le Royaume-Uni a un taux de chômage de 5,1 %, la Belgique de 6,8 % et les Pays-Bas de 2,2 %.
Si notre taux de chômage ne descend pas durablement en dessous de 9 % et s'il dépend aussi étroitement de la conjoncture, cela ne peut signifier qu'une chose : la baisse du chômage que l'on a connue s'explique, pour l'essentiel, par la croissance et non par la politique menée par le Gouvernement.
C'est d'ailleurs l'opinion déclarée de l'ensemble des partenaires sociaux et des organismes que j'ai auditionnés. Pour la chambre de commerce et d'industrie de Paris, par exemple, « les performances françaises ne sont pas si extraordinaires comparées au reste de l'Europe ». Pour les artisans de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, « les 250 000 emplois créés dans l'artisanat depuis 1998 n'ont rien à voir avec les 35 heures » . La CFTC confirme le rôle déterminant de la conjoncture en estimant « qu'une entreprise n'embauche pas si elle n'a pas besoin d'un salarié ».
Seule Force ouvrière reconnaît une place importante aux dispositifs mis en place par le Gouvernement, mais c'est pour ajouter qu'ils se sont traduits par le développement de l'emploi précaire, sous la forme, en particulier, de contrats à durée déterminée et d'emplois à temps partiel contraint.
Ce rapide tour d'horizon illustre l'état d'esprit des partenaires sociaux, marqué par un réalisme certain quant à l'impact des dispositifs mis en oeuvre par le Gouvernement.
Le bilan est encore plus sévère lorsqu'on les interroge sur la mesure phare du Gouvernement, les 35 heures. Les résultats en termes de créations d'emplois leur apparaissent impossibles à évaluer compte tenu des effets d'aubaine et de la comptabilisation des emplois « préservés ».
Pour ma part, je rappellerai que la seule estimation fiable, fondée sur l'étude des faits par le Commissariat général du Plan, évoque le nombre de 200 000 emplois effectivement créés grâce à la réduction du temps de travail, de 1996 à 2000. Or, sur la même période, Jean Pisani-Ferry, dans son rapport sur le plein emploi, estime que les allégements de charges sociales décidés en 1995 ont permis de créer de 400 000 à 490 000 emplois, soit deux fois plus que la réduction du temps de travail.
Par ailleurs, les partenaires sociaux, ainsi que les autres organismes que j'ai auditionnés, s'accordent pour déplorer la méthode retenue par le Gouvernement - le recours à des dispositions législatives autoritaires - ainsi que le caractère insuffisant des aménagements apportés récemment par voie réglementaire.
Ainsi, le MEDEF constate que seule la moitié des entreprises de plus de vingt salariés sont passées aux 35 heures et que 93 % de l'ensemble des entreprises n'y sont toujours pas. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, estime que les trois quarts des entreprises de moins de vingt salariés sont incapables de mettre en place les 35 heures. L'Institut français des experts-comptables, l'IFEC, a relevé que 45 % des chefs d'entreprise n'avaient pas même envisagé de passer aux 35 heures.
Pour la chambre de commerce et d'industrie de Paris, le bilan des 35 heures est globalement négatif, car seules les entreprises qui pouvaient passer à 35 heures l'ont fait.
De son côté, FO déplore le « triste bilan » des 35 heures et s'interroge sur leur coût très élevé - 100 milliards de francs par an - au regard du nombre limité d'emplois créés ou préservés.
Pour la CGC, les 35 heures ont, certes, permis aux cadres d'obtenir des jours de congés supplémentaires, mais au prix d'une dégradation de leurs conditions de travail.
La CFDT et la CFTC sont un peu moins sévères, mais regrettent également le choix du recours à la loi et s'inquiètent du coût du dispositif.
Quant au décret du 15 octobre dernier, qui fixe de nouvelles règles pour les contingents d'heures supplémentaires, on constate qu'il fait l'unanimité contre lui. Comme le soulignent - notamment - la CGPME, l'UPA, la CGC, la chambre de commerce et d'industrie de Paris et les experts-comptables de l'IFEC, le caractère transitoire et limité des aménagements comme la discrimination selon la taille des entreprises renforcent les inégalités entre salariés et entre entreprises. Ces aménagements n'apportent pas de réponse au problème de l'application des 35 heures au-delà de la phase transitoire.
Je rappelle, à cet égard, que la commission des affaires sociales avait elle-même fait des suggestions pour assouplir les 35 heures sous la forme d'une proposition de loi relative aux pénuries de main-d'oeuvre, présentée par notre collègue Alain Gournac.
Aujourd'hui, le contexte a toutefois changé et il exige désormais des aménagements d'une tout autre ampleur : alors que la croissance permettait aux entreprises d'amortir le choc des 35 heures au prix d'une modération salariale et d'une flexibilité accrue, le retournement conjoncturel place de nombreuses entreprises dans une impasse.
C'est pourquoi l'ensemble des partenaires sociaux que j'ai interrogés - à l'exception de la CFTC - reconnaissent la nécessité d'une révision des lois Aubry permettant de déroger au régime général à travers la négociation de branche, et donc de tenir compte des difficultés propres à chaque secteur d'activité et de lutter contre les pénuries de main-d'oeuvre qui subsistent.
En réalité, la seule réforme importante réalisée depuis 1997 est à mettre au crédit des partenaires sociaux : il s'agit du nouveau dispositif du PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi. Il n'est d'ailleurs pas neutre que le Gouvernement ait cherché à empêcher cette réforme, ou, en tout cas, à en réduire la portée.
Cette attitude, difficilement compréhensible, est à rapprocher de la préférence marquée par le Gouvernement pour le secteur non marchand et ce qu'il faut bien appeler le « traitement social » du chômage par rapport au secteur productif, qui - faut-il le rappeler ? - est le seul à créer des richesses. Les partenaires sociaux et les organismes que j'ai rencontrés partagent la même analyse. Aussi bien la CGC, le MEDEF et l'IFEC dénoncent ainsi la hausse de l'emploi public, le fait que les emplois-jeunes sont, en large partie, de faux fonctionnaires et le recours abondant aux contrats emploi-solidarité, ou CES.
C'est en fait l'ensemble de la politique de l'emploi menée depuis 1997 qui, selon la plupart de mes interlocuteurs, devrait être réexaminée afin de favoriser la création de vrais emplois pérennes.
A l'évidence, le projet de budget du ministère de l'emploi pour 2002 ne s'inscrit pas dans cette perspective.
L'importance des crédits affectés au secteur non marchand - CES, CEC et emplois-jeunes - comme la baisse des crédits des rares dispositifs favorisant les emplois pérennes dans le secteur marchand - les contrats initiative-emploi - confirment la préférence constante du Gouvernement pour le « traitement social » du chômage.
Que penser enfin de la débudgétisation des allégements de charges au profit du FOREC, sinon qu'elle enlève une grande partie de sa cohérence au budget de l'emploi sans pour autant, si j'en crois nos collègues rapporteurs de la loi de financement de la sécurité sociale, clarifier le financement des 35 heures ?
Les partenaires sociaux ne disent pas autre chose. La CGPME et l'UPA considèrent que les dépenses sont sous-estimées. La CFTC va plus loin en s'inquiétant de la « bombe à retardement » que constituent les 35 heures. Le MEDEF estime que le présent projet de budget retombe dans les errements des encouragements au secteur non marchand.
Enfin, le dernier mot pourrait revenir à la CGC, selon laquelle « le budget est adapté si l'objectif est de limiter la hausse du chômage grâce au traitement social mais il ne répond pas à un objectif de baisse du chômage structurel ».
Pourtant, d'autres choix étaient possibles, comme en témoignent les propositions faites par les partenaires sociaux.
Tous s'accordent en effet pour promouvoir le maintien dans l'emploi des salariés de plus de cinquante ans. Pour le MEDEF, FO et la chambre de commerce et d'industrie de Paris, il est urgent d'adopter des mesures permettant de lutter contre les pénuries de main-d'oeuvre. La CGPME, le MEDEF et la chambre de commerce et d'industrie de Paris proposent à cet égard de renforcer l'attractivité du territoire et la fluidité du marché du travail, en favorisant par exemple la mobilité géographique et les nouvelles formes de travail comme le multisalariat.
Il ne s'agit là que de pistes, mais elles sont fort instructives puisqu'elles semblent faire l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux. Malheureusement, elles ne sont pas reprises par le Gouvernement.
Ces propositions illustrent, elles aussi, la nécessité de changer de politique de l'emploi en mettant « à plat » l'ensemble des dispositifs en vigueur. Le jugement des partenaires sociaux rejoint ainsi celui de la commission des affaires sociales sur le caractère inadapté de ce projet de budget, et celle-ci a donc émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits relatifs au travail et à l'emploi pour 2002. Elle a également adopté deux amendements de suppression - nous y reviendrons -, l'un de l'article 68, l'autre de l'article 70 bis . (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la formation professionnelle a été au coeur du débat public en 2001, année qui a été marquée par l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance chômage, laquelle fait des actions de formation le vecteur principal d'un retour rapide à l'emploi.
Surtout, toute l'année a été rythmée par la négociation interprofessionnelle sur la réforme de notre système de formation continue.
Certes, cette négociation est suspendue depuis le 23 octobre dernier. Je porte pourtant un jugement positif, bien qu'un peu teinté d'amertume, sur les discussions : elles ont d'ores et déjà permis d'explorer des approches novatrices de la formation professionnelle. Reste à en préciser les modalités d'application, et je ne peux que souhaiter que les partenaires sociaux aboutissent dans les meilleurs délais à un accord.
Cela me paraît d'autant plus nécessaire que l'environnement de la formation professionnelle paraît aujourd'hui sérieusement fragilisé. J'en veux pour preuve plusieurs indices dont la conjonction me paraît préoccupante : l'effort global de la nation en faveur de la formation est en diminution relative depuis plusieurs années ; l'emploi non qualifié continue de se développer ; l'accès des salariés à la formation reste encore difficile ; la participation des entreprises, bien que toujours largement supérieure aux obligations légales, tend à fléchir ; la négociation collective sur la formation est en cours d'essouflement ; enfin, un ralentissement de l'activité des organismes de formation se dessine.
Dans ce contexte quelque peu dégradé, la commission des affaires sociales aurait souhaité que le projet de budget de la formation professionnelle s'inscrive dans une démarche ambitieuse. La réalité est, hélas, bien différente !
Les crédits de la formation professionnelle devraient, en effet, diminuer de 2,8 % en 2002, pour ne plus atteindre que 4,6 milliards d'euros. Mais, au-delà de cette baisse déjà préoccupante en elle-même, le projet de budget se caractérise par trois évolutions bien plus inquiétantes : la suppression des incitations fiscales au développement de la formation, la fragilisation des formations en alternance et le désengagement accéléré de l'Etat de la formation des demandeurs d'emploi.
Notre première crainte concerne la non-reconduction du crédit d'impôt pour dépenses de formation.
La commission des affaires sociales ne peut en effet que s'élever très fermement contre la disparition subreptice de ce dispositif souple et efficace qui permet d'encourager l'accroissement de l'effort de formation des entreprises, ce pour un coût fiscal très modeste.
Pourquoi supprimer aujourd'hui ce crédit d'impôt que le Gouvernement avait pourtant décidé, voilà trois ans, de proroger en en vantant alors les qualités ?
On nous dit que le dispositif actuel est compliqué. Cela est vrai, mais n'a pas empêché plus de 32 000 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'y recourir l'année dernière.
On nous dit aussi, et Mme la ministre y est revenue lors de son audition par la commission des affaires sociales, que les partenaires sociaux auraient envisagé, dans le cadre de la négociation sur la formation, de le remplacer par un nouveau dispositif. Cette explication me paraît un peu courte.
Certes, je sais gré au Gouvernement d'être attentif aux préoccupations des partenaires sociaux. Cette célérité toute récente, qui fait contrepoint aux longues hésitations ayant précédé l'agrément de la convention d'assurance-chômage, ne saurait d'ailleurs surprendre puisqu'il s'agit avant tout ici d'augmenter les recettes fiscales.
En l'espèce, le Gouvernement anticipe des décisions qui restent pour l'instant à l'état de simples propositions dans l'optique d'une discussion encore inaboutie et désormais suspendue.
Nous aurions, pour notre part, jugé plus opportun de proroger le dispositif actuel dans l'attente d'une éventuelle réforme. Cette décision aurait, en tout cas, été plus pertinente que la demi-mesure insérée à la va-vite, mercredi soir, à l'Assemblée nationale, dans le collectif budgétaire pour 2001. Un amendement vous sera d'ailleurs présenté en ce sens, mes chers collègues.
Notre deuxième crainte concerne les formations en alternance.
Les crédits qui leur sont consacrés diminueront de 0,7 %, alors même que les prévisions budgétaires annoncent une croissance de 6 % du nombre d'entrées en formation en alternance.
Certes, cette évolution divergente du nombre des contrats et du montant des crédits n'affecte pas l'apprentissage. La commission des affaires sociales considère pourtant qu'il n'est pas exclu que les crédits inscrits à ce titre se révèlent insuffisants en gestion, comme ce fut le cas en 2000, si la dynamique de l'apprentissage se confirme en 2002. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, madame la ministre ?
Pourriez-vous aussi nous rassurer sur votre conception de l'application de l'ordonnance du 22 février 2001, qui prévoit de limiter le temps de travail des jeunes de moins de dix-huit ans à sept heures par jour et trente-cinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2002 ? Ces dispositions sont plus exigeantes que celles de la directive européenne du 22 juin 1994 que l'ordonnance est censée transcrire, dispositif des 35 heures oblige, et surtout elles poseront des problèmes de fonctionnement aux toutes petites entreprises artisanales, qui ont besoin d'une grande souplesse en matière d'horaires de travail, y compris pour les apprentis, totalement intégrés dans les équipes, sur les chantiers. Le risque est donc grand de voir les petites entreprises artisanales renoncer à l'embauche d'apprentis.
Cependant, nos craintes les plus vives touchent aux contrats de qualification.
Ainsi, le financement des contrats de qualification-jeunes n'apparaît plus garanti pour 2002.
En effet, la dégradation de la situation financière de l'association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, qui est chargée de réguler le financement de la formation en alternance, ne permet plus à cet organisme d'assurer la couverture de tous ses engagements. La trésorerie de l'AGEFAL risque d'être négative à hauteur d'environ 200 millions de francs en 2002, ce qui fragilisera encore plus le financement des contrats de qualification, notamment dans certains secteurs structurellement déficitaires, comme l'artisanat ou le bâtiment.
Cette situation me paraît d'autant plus regrettable qu'elle est largement imputable aux initiatives du Gouvernement. Je pense ici aux prélèvements effectués sur la trésorerie de l'AGEFAL depuis 1997 et qui représentent un total de 2,4 milliards de francs.
L'année passée, le Gouvernement s'était engagé à « prendre toutes les dispositions (...) pour assurer la couverture effective des engagements pris par l'AGEFAL ». Or rien n'indique, dans le présent projet de budget, que l'Etat soit disposé à tenir ses engagements.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales présentera au Sénat un « amendement de précaution » destiné à garantir le financement de ces contrats en 2002.
Les difficultés de financement touchent aussi les contrats de qualification-adultes.
Les partenaires sociaux, aux termes de l'accord paritaire du 6 juin dernier, ont décidé non seulement de pérenniser ce dispositif jusqu'à présent expérimental, mais aussi d'en étendre la portée. De plus, dans le cadre de la nouvelle convention d'assurance-chômage, l'UNEDIC s'est engagée à participer à hauteur de 1 milliard de francs par an au financement de ces contrats.
Ces évolutions me paraissent très positives et devraient enfin permettre de relancer un dispositif utile, mais qui pour l'instant n'a connu qu'un succès bien mitigé. On observe déjà un léger frémissement : sur les neufs premiers mois de l'année, les flux d'entrée ont progressé de 30 %.
Dès lors, on aurait pu espérer que le projet de budget accompagne avec force cette tentative de relance. Hélas ! il n'en est rien, car il se caractérise par une diminution de 54 % des crédits, du fait d'une réforme très inopportune de l'aide de l'Etat. J'y reviendrai tout à l'heure en présentant l'amendement de la commission des affaires sociales.
Toujours est-il que ces deux exemples témoignent en définitive de la vision strictement comptable qu'a le Gouvernement de la formation en alternance. La commission des affaires sociales du Sénat, qui a toujours été favorable au développement de cette dernière, le regrette. La politique du Gouvernement en la matière lui semble non seulement à courte vue, mais surtout bien périlleuse dans un contexte de ralentissement sensible de l'activité. Je constate d'ailleurs que les entrées en formation en alternance, toutes formes confondues, ont diminué de 1,5 % en septembre 2001 par rapport au mois de septembre 2000. Je crains qu'il ne faille y voir l'amorce d'un retournement de tendance.
Notre dernière préoccupation a trait au désengagement de l'Etat du domaine pourtant primordial de la formation des demandeurs d'emploi.
La nouvelle convention d'assurance-chômage a transformé en profondeur le paysage de la formation des chômeurs, grâce à une très large implication des partenaires sociaux. Mais, dans ce nouveau contexte, l'Etat n'a pas su résister à la tentation du repli budgétaire.
Ainsi, alors même que l'Etat économisera chaque année environ 2,5 milliards de francs grâce à la suppression de l'allocation de formation reclassement, l'AFR, le Gouvernement n'a pas jugé bon d'approfondir en conséquence son intervention.
L'action du Gouvernement se résume en effet à un regrettable immobilisme, deux faits me paraissant tout particulièrement significatifs à cet égard.
Tout d'abord, le Gouvernement ne semble pas avoir pris en compte la nouvelle convention d'assurance-chômage pour moderniser les conditions d'intervention de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, au risque de retarder la mise en oeuvre du volet de cette convention relatif à la formation.
La commission des affaires sociales considère, pour sa part, qu'une modernisation de l'AFPA passe aujourd'hui par le développement de formations courtes et « sur mesure », dans une perspective de retour rapide à l'emploi. Elle passe également par une réactivité accrue aux évolutions du marché du travail et donc par une meilleure contractualisation territoriale.
Dans ces conditions, il me semble nécessaire de revoir dès à présent le contrat de progrès, pour partie caduc, afin d'éviter une marginalisation de l'AFPA, qui reste un instrument indispensable de notre politique de formation.
Je souhaite en outre insister sur les conditions désastreuses de mise en place de la nouvelle allocation de fin de formation, l'AFF.
La loi du 17 juillet 2001 prévoyait la création de cette allocation afin de maintenir un revenu de remplacement pour les chômeurs déjà engagés dans un parcours de formation mais ayant épuisé leurs droits à indemnisation. Cependant, le décret d'application n'a toujours pas été publié.
Cette situation n'est pas acceptable, car elle entrave sérieusement l'accès à la formation pour les demandeurs d'emploi.
L'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, hésite, en effet, à prescrire des formations longues quand elle ne sait si les stagiaires seront rémunérés jusqu'à leur terme. Cela conduit alors soit à reporter les entrées en formation au détriment d'un retour rapide à l'emploi, soit à refuser toute formation longue, même s'il peut pourtant exister de durables pénuries de main-d'oeuvre dans certaines professions : je pense, par exemple, aux infirmières.
Comment le Gouvernement peut-il prendre, de façon délibérée, le risque de mettre en péril l'ensemble du volet relatif à la formation de la nouvelle convention d'assurance-chômage ?
Certes, on nous dira que le projet de budget prévoit l'inscription de 23 millions d'euros de crédits à cette fin, mais j'observe que, sur les huit premiers mois de l'année, plus de 55 millions d'euros ont déjà été dépensés au titre de l'ancien dispositif que constituait l'allocation de formation de fin de stage. Le repli budgétaire est ici évident : les crédits sont réduits de 70 % !
Certes, on nous dira aussi que le décret sera publié dans les jours à venir. Mais pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, qu'il ne sera pas restrictif ?
Je crois savoir, en effet, que la nouvelle allocation ne pourra profiter qu'à une partie seulement des chômeurs et pour une durée limitée, alors que l'ancienne allocation était versée à tous les chômeurs sans limitation de durée.
Pourriez-vous alors nous expliquer, madame la ministre, pourquoi le Gouvernement envisage de réduire ainsi son action en la matière, alors même qu'il bénéficie d'une marge de manoeuvre budgétaire substantielle liée à la disparition de l'AFR et que l'on assiste à une nouvelle montée du chômage ?
Au total, ce projet de budget, même s'il peut comporter ponctuellement quelques mesures positives, se caractérise principalement par les trois grandes évolutions que j'ai évoquées, auxquelles la commission des affaires sociales ne peut en aucun cas s'associer. Celle-ci a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle. Elle présentera, en outre, trois amendements visant à renforcer la portée de ce projet de budget décevant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR).
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 27 minutes ;
Groupe socialiste : 24 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 14 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1997, les parlementaires communistes se sont associés, de manière très constructive, parfois critique, aux orientations retenues par le Gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle.
En cette fin de législature, nous souhaitions que le présent projet de budget témoigne, par des mesures fortes et volontaristes, de la poursuite, voire de l'intensification de nos efforts pour continuer à faire de l'emploi et de la lutte contre les exclusions une priorité, d'autant qu'un certain nombre d'incertitudes pèsent sur la conjoncture.
Même s'il convient de noter que 45 000 créations de poste ont été enregistrées au troisième trimestre dans les secteurs privé et semi-public, la tendance à la hausse des chiffres du chômage observée depuis mai dernier semble se confirmer.
Par ailleurs, les salariés sont inquiets devant les annonces de plans sociaux. Le fatalisme n'est plus de mise ; dans leur grande majorité, les Français souhaitent que l'on puisse développer une politique active contre les licenciements.
Contrairement au MEDEF qui pétitionne contre le projet de loi de modernisation sociale, ou à la droite, qui préconise notamment, en guise de remède au chômage, la suppression des contraintes de tous ordres, fiscales et sociales, pesant sur les entreprises, nous pensons qu'il convient d'agir de façon contracyclique.
Nous devons le faire non pas en allégeant la législation sociale ou en accentuant la baisse du coût du travail, mais en renforçant les garanties offertes par le code du travail et les droits d'intervention des salariés et en faisant porter notre action sur la qualité de l'emploi, ainsi que sur la formation professionnelle tout au long de la vie.
Pour des raisons radicalement différentes de celles qui sont avancées par la majorité sénatoriale, nous pensons que le contenu du projet de budget que nous examinons ce matin, bien qu'il ait fait l'objet d'ajustements pour tenir compte du nouveau contexte économique, reste en décalage au regard de la situation économique et sociale.
Comme vous, madame la ministre, nous persistons à penser que l'objectif du retour au plein emploi dans une perspective de cinq à dix ans demeure accessible. Il convient, toutefois, de s'entendre sur la définition du plein emploi. Sur ce point, je rejoins l'analyse de l'économiste Jean Pisani-Ferry, auteur d'un rapport qui a fait débat et qui considère « qu'il ne faut pas se borner aux taux de chômage, mais prendre en compte toutes les formes de sous-emploi, en particulier des jeunes, des salariés âgés, des femmes (...) De plus, il convient de s'en donner les moyens et c'est peut-être là que nous ne sommes plus totalement en phase ».
Madame la ministre, nous souhaitions un véritable plan de soutien à la consommation, de vraies mesures qui soient de nature à accroître le pouvoir d'achat des Français en stimulant la progression des salaires.
En juillet dernier, nous avions jugé trop faible la hausse du SMIC. En ce qui concerne les négociations, de branche sur les bas salaires, que vous avez entendu redynamiser en mai dernier, quelles avancées concrètes ont été obtenues pour garantir aux salariés dont la rémunération se situe au bas de l'échelle - ils sont de plus en plus nombreux - des revenus supérieurs au SMIC ? Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont les pistes que vous privilégiez pour abroger le dispositif du double SMIC institué par la loi « Aubry II » relative à la réduction négociée du temps de travail ?
M. Alain Gournac. Ah !
M. Roland Muzeau. La vision négative qu'a la majorité sénatoriale de la politique de l'emploi menée depuis 1997 nie totalement les incidences des actions volontaristes menées par le Gouvernement, qu'il s'agisse de la réduction du temps de travail, de l'instauration des emplois-jeunes ou des mesures en faveur des publics les plus éloignés de l'emploi.
C'est précisément parce que nous souhaitions voir afficher plus nettement encore ces priorités, non pas simplement par le biais d'une accentuation du traitement social du chômage, que notre appréciation sur les crédits pour 2002 est en demi-teinte.
Je mettrai en exergue un premier point majeur de désaccord avec la majorité sénatoriale.
Selon M. Souvet, « le nouveau dispositif du PARE - le plan d'aide au retour à l'emploi - constitue, à l'évidence, la seule réforme d'envergure du marché du travail mise en oeuvre depuis quatre ans et demi ».
Je rappellerai brièvement que, lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, j'avais relevé que la dernière version de la convention agréée par le Gouvernement et signée, je le souligne, par des syndicats minoritaires, contenait certes quelques corrections positives telles que la non-dégressivité des allocations chômage et la meilleure prise en compte de la situation des travailleurs précaires, mais qu'elle suscitait surtout un certain nombre d'interrogations, et non des moindres, s'agissant du caractère obligatoire ou non de la signature du PARE, condition sine qua non de l'ouverture des droits à indemnisation.
Je craignais alors que l'imprécision du texte et les différences d'appréciation pouvant apparaître entre vous et les ASSEDIC n'engendrent de nombreux contentieux préjudiciables aux demandeurs d'emploi. Depuis, la justice a tranché, estimant, contrairement à la décision du 11 juillet 2001 du Conseil d'Etat, que le PARE était une condition nécessaire à l'indemnisation. Madame la ministre, quelle est, aujourd'hui, la valeur de l'agrément ?
Par ailleurs, je m'interrogeais sur le devenir des mesures contenues dans le PARE si la conjoncture venait à se retourner. Je regrettais alors vivement la baisse des cotisations d'assurance chômage consentie au patronat, qui compromettait toute amélioration significative, s'agissant notamment du nombre d'ayants droit.
Voilà quarante-huit heures, les signataires de la convention UNEDIC avec le MEDEF ont décidé la baisse d'un dixième de point des cotisations patronales. C'est une mesure dangereuse, de nature à amorcer une autre décision fâcheuse : le rétablissement de la dégressivité des allocations.
Dans les faits, nos craintes relatives à la qualité des formations, à leur adéquation avec les projets personnels des demandeurs d'emploi se révèlent être fondées. Dans un dossier intéressant publié par Libération , le 22 octobre, les journalistes qui ont recueilli un certain nombre de témoignages concluent en disant que « la machine à former du PARE [...] pousse plutôt les chômeurs à consommer de la fast formation , qui colle aux besoins des entreprises mais pas forcément à ceux des demandeurs d'emploi ».
Pour clore ce chapitre relatif à l'indemnisation du chômage, nous demeurons très attentifs à la pérennisation du régime particulier des intermittents du spectacle, régime spécifique que le MEDEF essaie depuis longtemps de torpiller pour le calquer sur celui des intérimaires. Doutant de la volonté du MEDEF de négocier pour régulariser et sécuriser le dispositif en question qui est dépourvu actuellement de toute base juridique en raison de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention UNEDIC, j'en appelle au Gouvernement pour que les propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale par le groupe communiste et par le groupe socialiste soient effectivement adoptées la semaine prochaine.
Le titre III relatif aux moyens des services connaît une relative augmentation. Il est à noter que la subvention versée par l'Etat à l'ANPE, l'Agence nationale pour l'emploi, progresse de plus de 11 %. Reste à savoir si cette augmentation suffira à calmer le malaise des agents de l'ANPE qui entendent bien obtenir le renforcement de leurs effectifs pour compenser la réduction du temps de travail mais également pour assurer le suivi personnalisé des demandeurs d'emploi.
Autre phénomène qui explique la hausse des crédits, l'accroissement des effectifs du ministère. Concernant plus particulièrement les effectifs des services déconcentrés, le présent budget permet-il de renforcer significativement, comme l'ont demandé certains syndicats, notamment après la catastrophe de Toulouse, les effectifs d'inspecteurs et de contrôleurs du travail ?
Autre question : d'après les chiffres que nous avons eus, il y aurait actuellement 1 inspecteur du travail pour 98 établissements et 1 contrôleur du travail pour 1 615 établissements. Dans ces conditions, aucun suivi attentif des entreprises, tout particulièrement les entreprises à risques, ne peut être mis en oeuvre sérieusement.
J'en arrive au titre IV, qui est l'élément essentiel du budget de l'emploi, le plus lisible politiquement.
Depuis deux ans maintenant, le périmètre du budget a été modifié en raison de la débudgétisation des exonérations de cotisations sociales prises en charge par le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC. Je ne rouvrirai pas le débat sur ce fonds. Toutefois, je tiens à rappeler que l'accentuation des exonérations de charges sociales est loin de nous satisfaire, l'effet de ces dernières sur le développement de l'emploi stable, qualifié et correctement rémunéré n'est toujours pas démontré.
Nous avons porté le projet de la réduction du temps de travail, l'objectif étant avant tout la création d'emplois. Nous considérons que les modalités pratiques d'application de la loi Aubry II, qui ne sont pas assez contraignantes et qui permettent, en réorganisant le travail, davantage d'intensification et de flexibilité, n'ont pas permis de faire le plein en emplois.
Contrairement à vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous considérons qu'il est important de maintenir le cap des 35 heures. Nous sommes, par conséquent, inquiets quant à l'application de la réduction du temps de travail dans les entreprises de moins de vingt salariés, à la suite de la décision du Gouvernement de leur accorder certains assouplissements en augmentant le contingent d'heures supplémentaires auxquelles elles pourront recourir, à savoir 180 heures en 2002, alors que le droit commun prévoit 130 heures.
M. Michel Husson, économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales, y voit « un abandon de l'idée de réduction du temps de travail. [...] En imposant des obligations différentes selon la taille des entreprises qui s'ajoutent aux effets de seuils déjà présents dans le code du travail, on encourage les gros à reporter sur les PME la précarité et les bas salaires ».
Nous jugeons cette disposition d'autant plus regrettable que, comme le souligne la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, les projections concernant l'effet final des 35 heures dépendent largement de ce qui se passera dans les petites entreprises.
Autre mesure phare de ce budget que la droite fustige : les emplois-jeunes.
D'après l'enquête du ministère de l'emploi, très majoritairement les jeunes concernés ont eu l'impression d'être utiles. Il nous appartient de réussir la consolidation de ces emplois au profit tant des associations que des collectivités locales.
Concernant une autre grande priorité de ce budget, à savoir la lutte contre les exclusions, la sécurisation des parcours d'insertion des jeunes les plus éloignés de l'emploi, nous prenons acte non seulement du doublement du nombre de bénéficiaires du programme TRACE - 120 000 -, mais aussi et surtout de la création d'une bourse d'accès à l'emploi d'un montant de 200 francs. C'est effectivement un progrès par rapport à l'existant, aux aides allouées par le FAJ, le fonds d'aide aux jeunes. Toutefois, la stabilité des revenus conditionnant en grande partie l'insertion, nous attendons du Gouvernement un effort supplémentaire, après la remise du rapport de la commission chargée d'étudier la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes.
Nous sommes plus que critiques à l'égard des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés, leviers qui sont la source d'une forte précarité et qui sont marqués par un faible résultat en termes d'insertion durable sur le marché de l'emploi, pour les CES notamment. Nous reviendrons sur ce point lors de l'examen des articles rattachés.
Autre fait marquant de ce budget, que nous accueillons positivement : le resserrement des conditions d'accès aux préretraites financées entièrement par l'Etat.
Nous nous accordons tous à dire qu'il convient de remédier à la situation actuelle qui marginalise les salariés de plus de quarante-cinq ans. En revanche, nous divergeons s'agissant des personnes qui sont responsables du faible taux d'activité des « quinquas ». On ne peut pas dédouaner les chefs d'entreprise de leurs responsabilités. Il est inacceptable, d'un côté, de rallonger la durée de cotisation et l'âge de départ, comme le souhaite le MEDEF, et, de l'autre, de pratiquer avec largesse la politique des départs anticipés avec des subventions publiques.
J'en termine avec la formation professionnelle, dont les crédits connaissent une légère baisse, due en partie à la disparition de l'allocation de formation reclassement, conséquence, entre autres, de la nouvelle convention UNEDIC.
S'agissant, enfin, du financement des contrats de qualification, de nombreuses questions se posent en raison de tensions entourant leur financement. Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à prendre toutes les dispositions qui s'imposent pour assurer la couverture des contrats d'ici à la fin de l'année en cas de carence de l'AGEFAL, l'Association de gestion du fonds des formations en alternance.
Les discussions entre partenaires sociaux sur le thème du droit à la formation professionnelle ont échoué, notamment sur le point essentiel de la répartition du financement des formations, l'alimentation par les salariés du compte « épargne formation », mais également sur le fait que cet accord interprofessionnel serait facultatif, s'effaçant devant un accord d'entreprise même moins favorable. Autant dire que si nous attendons la réforme de la formation professionnelle nous divergeons du MEDEF, une fois de plus, lorsqu'il s'agit concrètement de la mettre en oeuvre.
En conséquence, madame la ministre, compte tenu de cette appréciation en demi-teinte, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra lors du vote des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1997, le nombre de demandeurs d'emploi a diminué, dans notre pays, de près d'un million, 970 000 plus précisément, et un million et demi d'emplois nets ont été créés.
Il n'est pas possible d'aborder ce dernier budget de la législature sans citer d'abord ces chiffres. Ils témoignent de la volonté sans faille du Gouvernement depuis quatre ans et demi, des efforts considérables réalisés par la collectivité nationale et, tout simplement, du premier succès que notre pays a remporté dans la lutte contre le chômage et l'exclusion.
Plusieurs éléments ont concouru à cette amélioration de la situation.
M. Marcel-Pierre Cléach. La croissance !
M. Gilbert Chabroux. En effet ! Depuis 1998, la France, à cet égard, fait mieux que d'autres pays, avec une croissance cumulée de 12,1 %.
Mais, surtout, le Gouvernement s'est donné les moyens d'enrichir cette croissance en emplois. En effet, la croissance seule ne suffit pas. Les emplois-jeunes qui fournissent à de nombreux jeunes, diplômés ou non, la possibilité d'acquérir une première expérience professionnelle, et bientôt une validation de cette expérience, auront concerné, à la fin cette année, 350 000 jeunes.
Les accords de réduction du temps du travail, accompagnés d'importants allégements de cotisations sociales patronales, ont permis de créer ou de préserver 380 000 emplois. On estime qu'en 2000 un emploi créé sur trois l'a été grâce aux 35 heures.
Vous ne pouvez pas vous contenter, monsieur Souvet, pour contester la RTT, de citer, comme vous le faites, des représentants de syndicats de salariés ou du patronat, en choisissant vos citations et en les sortant de leur contexte.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Chabroux ?
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Monsieur Chabroux, je vous remercie de m'autoriser à vous interrompre. Puis-je vous demander si vous considérez que le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales que je suis est quelqu'un de malhonnête ?
M. Gilbert Chabroux. Monsieur Souvet, vous avez dit en commission que l'on pouvait tout faire dire aux chiffres.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Je n'ai pas parlé de chiffres, j'ai parlé de mots.
M. Gilbert Chabroux. On peut aussi faire dire beaucoup de choses aux citations quand on les choisit bien. C'est vrai pour toutes les citations. Mais je ne dis pas que vous êtes malhonnête.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Vous utilisez les chiffres, ce que je ne fais pas !
M. Gilbert Chabroux. Vous utilisez des citations !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Mais je n'utilise pas les chiffres !
M. Gilbert Chabroux. Compte tenu d'un certain nombre de choses que nous entendons et que nous avons trop entendues, il y a une vérité des chiffres que j'essaie de rétablir !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Vous avez bien raison !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. En tout cas, monsieur Souvet, vous devriez aussi interroger les salariés. Vous savez bien que les salariés, qui sont les premiers concernés et sans doute les plus crédibles, reconnaissent, à une très large majorité, que la réduction du temps de travail crée des emplois dans leur entreprise, qu'elle contribue à la résorption de la précarité et qu'elle permet une réorganisation du travail. Et s'il fallait une citation, que je choisis aussi...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Ah bon !
M. Gilbert Chabroux. ... sans craindre qu'elle soit démentie, il faudrait reprendre les propos récemment tenus par un responsable syndical...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Lequel ?
M. Gilbert Chabroux. Vous l'aurez reconnu ! Ce responsable met en garde « tout candidat » à l'élection présidentielle « qui voudrait revenir en arrière sur la RTT » et lui prédit « des lendemains qui déchantent ». (Rires sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Marcel-Pierre Cléach. Evidemment !
M. Alain Gournac. Il ne pouvait pas dire autre chose !
M. Gilbert Chabroux. On constate donc un effet indéniable des mesures phares du Gouvernement sur la création d'emplois. L'impartialité doit conduire à le reconnaître, même si, dans ce domaine, les faits ne vont pas dans le sens souhaité par certains, particulièrement en cette période préélectorale.
Je voudrais ajouter sur ce point qu'il est temps d'en finir avec des propos systématiquement défaitistes qui n'ont d'autre but que de persuader les salariés que les difficultés économiques, qui sont en réalité mondiales, sont de leur fait, ou plutôt de leur faute.
Contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, la France n'est pas le mauvais élève de la classe. L'investissement industriel, notamment étranger, y est important. Voyez, par exemple, les entreprises japonaises qui créent des emplois par centaines dans plusieurs régions.
Le travail - j'insiste sur ce point - est non pas un coût, mais une richesse. Certains, souvent plus préoccupés de faire des bénéfices sur les marchés financiers que par une réelle création de valeur, prétendent le réduire à une charge, une charge, bien entendu, toujours trop lourde. C'est un discours antédiluvien, incapable de saisir que le progrès social comporte en lui-même la création de nouvelles richesses, y compris matérielles.
J'en reviens au budget proprement dit. J'ai précisé, à propos de la considérable diminution du chômage en France, qu'il s'agissait du « premier succès ». La lutte contre le chômage n'est, en effet, pas un chemin linéaire, sans obstacle. Depuis le mois de mai dernier, la courbe du chômage repart à la hausse, certes encore modestement mais déjà trop. Nous demeurons tout juste en dessous des 9 % de chômeurs.
Cela montre bien que nous ne devons surtout pas relâcher notre vigilance. Telle est d'ailleurs la ligne directrice du budget que vous nous présentez, madame la ministre.
C'est à la fois un budget de consolidation des actions d'envergure entreprises depuis cinq ans et de ciblage sur les publics qui demeurent en difficulté. Vous avez dit avec beaucoup d'honnêteté à nos collègues députés que si en 2000 les politiques de l'emploi ont permis de bénéficier d'une baisse historique du chômage, en 2001, dans un contexte moins favorable, il s'agit de limiter la hausse du chômage.
Dès les prémices de difficultés, vous avez pris les mesures d'urgence qui s'imposaient avec la création de 100 000 contrats et stages de retour à l'emploi.
Des mesures en faveur de la consommation ont été décidées, dont le doublement de la prime pour l'emploi en direction des ménages modestes, qui représente un soutien efficace et juste à l'emploi, et le moral des Français est effectivement reparti à la hausse, comme l'indique un récent sondage.
L'essentiel de l'action du Gouvernement s'est ainsi resserré sur ce qu'il est convenu d'appeler le « noyau dur » du chômage, avec le programme national de lutte contre les exclusions, le programme TRACE, le renforcement des stages et des contrats aidés et le soutien à l'insertion par l'économique.
Manifestement, il s'agit non pas de faire du chiffre avec des stages parkings, mais de cibler les catégories sociales en difficulté pour les réinsérer. Des moyens en augmentation y sont consacrés, par exemple une mesure nouvelle de 56 millions de francs pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, et une augmentation de 56 % des crédits de fonctionnement du programme TRACE.
Nous approuvons totalement la création de la bourse d'accès à l'emploi, qui permettra aux jeunes de bénéficier d'un revenu entre deux stages. Cette mesure simple, et somme toute peu coûteuse, évitera de nombreux abandons en cours de programme.
Je citerai un autre exemple, celui de l'augmentation des moyens de l'insertion par l'économique, en hausse de 12,5 % avec une augmentation notable de la dotation du fonds départemental d'insertion.
Les salariés âgés ne sont pas oubliés. Ainsi, une allocation équivalent retraite est créée pour ceux qui ont été licenciés avant l'âge de soixante ans et qui disposent déjà de quarante annuités de cotisations.
Il faudra expliquer aux personnes concernées, monsieur Souvet, que vous ne voulez pas inscrire cette allocation dans la loi.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Me permettez-vous de vous interrompre à nouveau, mon cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux. Je vous en prie !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est excellent ! Il est tout le temps interrompu, et il a la courtoisie d'accepter !
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Monsieur Chabroux, ce n'est pas Louis Souvet qui ne veut pas inscrire cette allocation dans la loi, mais c'est la commission, qui a voté dans ce sens. Jusqu'à preuve du contraire, un rapporteur pour avis ne fait qu'exprimer la volonté de la commission !
M. Alain Joyandet. Tout à fait !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Vous voudrez donc bien modifier votre propos en conséquence, mon cher collègue !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Dont acte, monsieur Souvet : je rends à la commission ce qui est à la commission.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Quelle courtoisie !
M. Gilbert Chabroux. Mais cela ne change rien sur le fond : nous considérons, tout au contraire, que cette allocation équivalent retraite n'est qu'un premier pas en direction de l'ensemble des salariés qui ont accumulé ces quarante annuités parce qu'ils ont commencé à travailler très jeunes et qu'ils sont aujourd'hui fatigués après une vie de travail.
Je dirai enfin un mot des moyens en personnel. Pour la cinquième année consécutive, ils sont en hausse. Vous prévoyez, notamment, la création de vingt-deux postes d'inspecteurs et de soixante-dix-huit postes de contrôleurs du travail. Cet effort marque la volonté du Gouvernement de rattraper le retard pris auparavant.
A cet égard, l'augmentation du nombre des accidents du travail et de celui des maladies professionnelles nous préoccupe. Nous sommes tous inquiets du risque industriel qui pèse sur les salariés de certaines entreprises et sur nos concitoyens en général. Il y a eu l'accident de Toulouse, l'affaire de l'amiante, puis celle des éthers de glycol.
Compte tenu du peu de temps qui m'est imparti, je me limiterai à deux questions précises : le Gouvernement a-t-il l'intention de poursuivre la politique de renforcement des effectifs de l'inspection du travail, particulièrement en affectant les personnels à des tâches d'inspection ? Je rappelle qu'il n'y a aujourd'hui que mille trois cents agents de contrôle en France, pour treize millions de salariés du secteur privé, soit un pour mille.
Deuxièmement, peut-on envisager une meilleure collaboration entre les services du travail et de l'industrie afin de mieux prévenir les risques industriels ? Peut-on envisager, notamment, un meilleur suivi des entreprise sous-traitantes, qui ne disposent pas toujours d'un CHSCT, qui utilisent souvent des personnels intérimaires et inexpérimentés, et qui font donc peser sur tous un risque parfois important ? Nous avons tous bien présent à l'esprit l'effroyable accident du travail qui s'est produit récemment à Sochaux !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. C'est un lieu choisi par hasard ! (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Gilbert Chabroux. Je n'ai pas choisi cet accident,...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Il y en a eu beaucoup d'autres !
M. Gilbert Chabroux. ... qui a été effroyable. Vous en connaissez les circonstances !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Mieux que vous, sans doute !
M. Gilbert Chabroux. Sans doute, mais on peut quand même poser ici la question de l'intérim, de la sous-traitance,...
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux. ... et des conditions dans lequelles on fait travailler ces sous-travailleurs ! (Murmures sur les travées du RPR.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bien sûr !
M. Gilbert Chabroux. Je pense que j'ai raison !
M. Guy Fischer. Oui !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. J'ai été interrompu, monsieur le président !
Je vais donc me cantoner à la formation professionnelle et je dirai simplement à ce sujet à Mme Bocandé que le Gouvernement ne peut nous proposer qu'un budget de reconduction, dans l'attente de la réforme globale annoncée depuis plusieurs années. Une nouvelle fois, la négociation entre les partenaires sociaux a échoué, en grande partie en raison de divisions internes au patronat et des exigences du MEDEF.
M. Guy Fischer. Eh oui ! C'est la vérité !
M. Gilbert Chabroux. Pour nous, il est clair que la notion de « formation tout au long de la vie » est très importante et doit être mise en oeuvre, mais cela ne signifie pas qu'elle doive être dévoyée et devenir de la seule responsabilité du salarié.
Nous ne sommes pas opposés par principe au co-investissement, mais il ne peut être question que le temps de formation soit entièrement dissocié du temps du travail effectif, et aboutisse donc à faire disparaître pour le salarié le bénéfice de la réduction du temps de travail.
Il ne peut y avoir, sur ce point comme en matière de financement, désengagement des employeurs, alors que ceux-ci seront les cobénéficiaires de l'effort du salarié.
Dans les entreprises et dans les branches, la négociation sur la réduction du temps du travail a permis de dynamiser d'autres thèmes de discussion, dont la formation professionnelle. Il est regrettable qu'au niveau interprofessionnel, pour des raisons qui n'ont que peu de rapports avec la formation, on ne puisse parvenir à des résultats comparables.
Sur le fond, cette partie du budget marque aussi un resserrement des interventions de l'Etat à l'égard des publics en difficulté. Ainsi, la dotation de soutien aux actions en faveur des jeunes en difficulté augmente, avec une attention particulière pour le milieu rural, à hauteur de plus de 60 millions de francs. La dotation de la lutte contre l'illettrisme passe de 100 millions de francs à 115 millions de francs, et l'Etat assurera 25 % des besoins de financement des ateliers pédagogiques personnalisés. Les interventions de l'Etat sont donc marquées par la volonté de solidarité envers les plus défavorisés, ce qui est son rôle premier et ce à quoi nous souscrivons pleinement.
Le groupe socialiste du Sénat votera donc ce budget, en indiquant son espoir non seulement qu'il porte ses fruits, mais aussi qu'il soit une étape vers davantage de justice sociale pour tous ceux qui vivent et qui travaillent dans notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à dire combien j'ai apprécié l'excellente analyse du rapporteur pour avis pour le travail et l'emploi, notre collègue Louis Souvet.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cela ne m'étonne pas !
M. Alain Gournac. J'ai suivi son intervention avec attention, et je voudrais le remercier.
Mais j'en viens à mon propos : on a enregistré 92 700 demandeurs d'emploi de plus en cinq mois, le taux de chômage est passé de 8,7 % en mars pour finalement revenir à 8,9 % en octobre 2001, grâce à une heureuse modification des statistiques ; la crise conduit donc aujourd'hui à une détérioration de la situation de l'emploi ; cela confirme que c'est la croissance qui avait permis une amélioration sensible du marché du travail !
L'accroissement du nombre de chômeurs nous préoccupe d'autant plus que le Gouvernement n'élabore qu'un budget pour l'emploi sans ambition et tronqué.
Sur la forme, nous n'examinons effectivement qu'un budget tronqué, puisque la création du FOREC, destiné pour partie à financer les allégements de charges liés aux 35 heures, s'est traduite par une débudgétisation massive.
Ce budget est en outre difficilement lisible et peu transparent. Ainsi, par exemple, les sommes que l'UNEDIC doit verser à l'Etat, soit 15 milliards de francs sur deux ans, viendront abonder le budget général et, dès lors, ne seront pas affectées à des mesures en faveur de l'emploi, contrairement aux assurances du Gouvernement.
Sur le fond, je souhaite limiter mon propos à deux aspects de la politique de l'emploi dans laquelle je considère qu'un gouvernement réaliste et responsable devrait s'engager : la prise en charge de l'avenir des emplois-jeunes et le nécessaire assouplissement de l'application de la législation sur les 35 heures dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre.
Le Gouvernement ne règle toujours pas l'avenir des emplois-jeunes. Au contraire, ce qui était provisoire est appelé à durer : les emplois-jeunes s'installent dans le paysage social jusqu'en 2006, pour un coût supplémentaire de 40 milliards de francs sur cinq ans, lourd héritage légué au prochain gouvernement.
M. Guy Fischer. Ce ne sera pas vous !
M. Alain Gournac. Quant aux 350 000 contrats emplois-jeunes dans le privé qui avaient été promis, ils n'ont jamais vu le jour.
Le bilan n'est pas glorieux : aucune création d'emploi pérenne, c'est-à-dire véritablement solvabilisée, n'a été enregistrée, les « nouveaux métiers » attendus n'y sont pas et le prix à payer est bien lourd : entre 1997 et 2006, le coût total, y compris les mesures annoncées au printemps, atteindra 175 milliards de francs.
Rien ne semble de nature à calmer l'inquiétude grandissante des jeunes concernant l'issue de leur contrat. Il me semble pourtant indispensable de se préoccuper au plus vite de l'avenir professionnel des jeunes, notamment de ceux pour lesquels les chances de pérennisation du poste sont les plus faibles.
Les premiers emplois-jeunes ont été créés à la fin de l'année 1997. Les premières échéances arriveront donc en octobre 2002, soit dans moins d'un an.
Lors des débats sur le projet de loi de modernisation sociale, qui se sont déroulés en avril dernier, j'avais, en tant que rapporteur du volet emploi, formulé quelques propositions de bon sens qui permettraient aux jeunes d'envisager l'avenir avec plus de sérénité. Elles étaient le fruit du travail de notre commission des affaires sociales, qui avait publié, en octobre 2000, un rapport d'information consacré au bilan à mi-parcours du programme emplois-jeunes.
Ce rapport présentait un certain nombre de propositions susceptibles de faciliter la sortie du dispositif. Le Gouvernement n'a pas cru bon de le retenir, mais il n'est pas trop tard pour qu'il se ravise ! Les idées, vous le savez, madame le ministre, appartiennent à ceux qui les mettent en oeuvre !
La première de ces mesures consistait à mettre en place le tutorat obligatoire, ou un autre dispositif équivalent, facilitant l'insertion des jeunes.
La seconde de ces mesures visait à instituer une prime dégressive à l'embauche des emplois-jeunes par un nouvel employeur, notamment une entreprise, pendant deux ans.
La troisième mesure consistait à limiter les possibilités de rotation des jeunes sur un même emploi-jeune pour des durées trop courtes. Cette mesure prévoyait ainsi la suspension automatique de l'aide si un nouveau contrat était conclu alors qu'il restait moins d'un an d'aide à courir.
Enfin, la quatrième disposition avait pour objet de garantir au plus près du terrain une évaluation des emplois-jeunes créés dans chaque département. Si cette disposition n'a pas été adoptée, le Gouvernement l'a toutefois reprise dans son train de mesures annoncées début juin.
Voilà les propositions qu'il me semble nécessaire de mettre en oeuvre avec rapidité.
S'agissant des difficultés de recrutement de main-d'oeuvre et de la nécessité d'assouplir le dispositif des 35 heures, notamment pour les petites et moyennes entreprises, le Gouvernement, peut-être à la faveur des différents remaniements ministériels, a heureusement évolué.
Tout d'abord, force est de constater que, contrairement à ce que l'on veut faire croire aux Français, les entreprises ne se sont pas précipitées pour anticiper la loi, car elles en craignent les conséquences.
Selon une étude du ministère de l'emploi rendue publique le 12 septembre, seulement 5 % des très petites entreprises, celles qui comprennent de un à neuf salariés, avaient anticipé l'application de la loi en juin 2000. Ces entreprises, précise le document, ont un « profil particulier » : ce sont en majorité des sociétés de services qui emploient, plus que les autres, des salariés à temps partiel ou en contrat à durée déterminée. De plus, les salaires versés sont moins élevés qu'ailleurs. Ce n'est pas précisément la « tête d'affiche » dont pouvait rêver le Gouvernement !
Treize mois après le premier appel de bon sens lancé par le ministre de l'économie et des finances, qui rejoignait le réalisme de l'opposition, et un mois après son annonce officielle par le Premier ministre, le Gouvernement a établi définitivement son dispositif destiné à « assouplir » les modalités de la réduction du temps de travail pour les petites entreprises. Ce dispositif a fait l'objet d'un décret le 15 octobre dernier.
Il est en retrait par rapport aux ambitions du ministre de l'économie et des finances, qui a longtemps revendiqué un assouplissement plus net pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Le virage n'en est pas moins net.
Ainsi, ce décret relève, à titre transitoire, le contingent annuel d'heures supplémentaires par salarié. Les petites entreprises bénéficient d'une période transitoire de deux ans, avec un quota annuel d'heures supplémentaires de 180 heures par salarié en 2002 et de 170 heures en 2003.
Les entreprises concernées reviendront au droit commun de 130 heures en 2004. Les heures supplémentaires seront décomptées à partir de la 38e heure en 2002, de la 37e heure en 2003 et de la 36e heure en 2004. Les cadres bénéficient d'un contingent annuel fixé à 180 heures supplémentaires.
En outre, le ministère a indiqué qu'il « tiendrait compte des situations particulières des petites entreprises dans le maintien des aides à la réduction du temps de travail », qu'il s'agisse de l'aide incitative ou des allégements de cotisations sociales.
Si ce décret, de fait, prend acte de l'inadaptation des 35 heures aux entreprises et va dans le bon sens, il demeure insuffisant, car il ne règle que partiellement les problèmes rencontrés.
Afin de préserver la croissance et les créations d'emplois, le Sénat avait déjà proposé au mois de mai 2000, d'assouplir les modalités d'application des 35 heures pour toutes les entreprises. J'invite le Gouvernement à se pencher sur ces propositions, qui présentaient l'avantage de concerner l'ensemble des entreprises et prévoyaient des assouplissements plus substantiels, relatifs en particulier au prix des heures supplémentaires.
De plus, le contexte économique s'étant assombri, il convient d'agir rapidement.
Il est à remarquer, d'ailleurs, qu'avec la remontée du chômage les difficultés de recrutement d'une main-d'oeuvre adaptée aux besoins des entreprises perdurent.
La réaction du Gouvernement consiste à minimiser le problème : il s'agirait de « simples tensions », de « difficultés de recrutement », sur lesquelles il conviendrait de ne pas insister parce qu'elles seraient amenées à se régler d'elles-mêmes.
Il est donc urgent que le Gouvernement réoriente sa politique.
Le groupe du Rassemblement pour la République, pour sa part, considère qu'il appartiendra au prochain Gouvernement de rompre avec l'archaïsme d'une méthode autoritaire. Aussi devra-t-il proposer aux partenaires sociaux d'adapter la réglementation sur le temps de travail par la négociation de branche, en prévoyant des contreparties en faveur des salariés.
Le manque flagrant d'ambition et d'imagination de ce budget, qui se contente de recourir aux vieilles recettes de l'emploi subventionné, ne peut en aucun cas satisfaire le groupe du RPR, qui en conséquence, votera contre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 1er janvier prochain, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et son adaptation à l'apprentissage va entraîner des conséquences problématiques pour l'emploi, particulièrement dans les petites entreprises, et pour la formation, dans le secteur artisanal notamment.
En effet, la rigidité de la réglementation est susceptible de décourager les entreprises artisanales à embaucher des apprentis. Est-il besoin de rappeler que 80 % des apprentis mineurs du secteur du bâtiment sont formés dans ces entreprises ?
Le secteur du bâtiment a pu bénéficier de certains aménagements, avec la mise en place de modulations prévues dans les accords de branche, ce qui est absolument crucial pour les entreprises travaillant sur chantiers.
Or, compte tenu des textes relatifs aux durées maximales de travail pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans, la modulation n'est pratiquement pas applicable aux salariés mineurs, y compris aux jeunes en contrat d'apprentissage ou d'insertion en alternance. Ils ne peuvent, en effet, être employés à un travail effectif excédant sept heures par jour.
Toutefois, pour la gestion d'un chantier, un chef d'entreprise a besoin d'une certaine souplesse afin de moduler le temps de travail de ses employés, y compris de ses apprentis, sinon tout chantier devrait s'arrêter au bout de sept heures de travail de façon que l'on puisse raccompagner les apprentis mineurs. Cela n'est pas envisageable pour un chef d'entreprise, qui n'aurait alors que deux solutions : soit ne plus former d'apprentis, soit ne pas respecter la réglementation, avec les conséquences qui pourraient en découler.
Il est donc essentiel que les entreprises disposent d'une certaine flexibilité.
Je vous demande, en conséquence, madame la ministre, dans la mesure où l'apprentissage est la filière d'avenir de la formation et de l'insertion professionnelle des jeunes, si vous envisagez une dérogation dans le cadre de la transposition, dans le droit français, de la directive 94/33 du 22 juin 1994, qui a donné lieu à l'ordonnance n° 2001-174 du 22 février 2001.
Une dérogation a déjà été accordée aux centres de formation pour apprentis, qui sont passés à 35 heures et ont organisé leur temps de travail sur quatre jours et demi. Il était apparu dans ces établissements, en effet, que la mise en oeuvre de la limitation quotidienne de la durée du travial à sept heures pour les apprentis mineurs risquait de poser un problème.
Pourquoi la modulation ne pourrait-elle pas être accordée aux apprentis mineurs en contrat d'insertion en alternance ou en apprentissage ?
Madame la ministre, il y va de l'avenir des métiers de l'artisanat, du bâtiment, et de la pérennité des petites entreprises artisanales. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'attacher, à la fois, à répondre aux diverses remarques que vous avez formulées et, en complétant les observations très pertinentes de M. Chabroux, à essayer de vous indiquer à quoi correspond exactement ce projet de budget.
Tout d'abord, nous parvenons à financer 750 millions d'euros de mesures nouvelles ; c'est sans précédent !
Grâce à ces mesures nouvelles, financées certes par des économies, mais des économies indolores pour les usagers, nous pouvons afficher cinq priorités : consolider les emplois-jeunes ; mettre en place un nouveau plan de lutte contre les exclusions ; augmenter le nombre de stages et de contrats aidés ; responsabiliser davantage les entreprises dans le financement des mesures d'âge ; enfin augmenter les moyens du service public de l'emploi.
La première priorité vise donc à consolider les emplois-jeunes. Au total, 21,2 milliards de francs, soit 3 234 millions d'euros, permettront d'assurer le renouvellement de tous les emplois-jeunes de la première génération et de financer 9 000 postes supplémentaires l'année prochaine.
Le succès des emplois-jeunes n'est plus à démontrer. Ils ont d'ores et déjà permis de donner une expérience professionnelle à 340 000 jeunes, et le chiffre de 350 000 devrait être atteint très prochainement.
Sans cette opportunité, ces jeunes n'auraient jamais pu acquérir le savoir-faire qui leur permet d'accéder plus facilement à des contrats durables.
Grâce à cette politique, nous avons pu aussi donner naissance à de nouveaux services et ainsi satisfaire à certains besoins, que ce soit dans le domaine social, dans le domaine culturel ou dans le domaine de l'environnement.
Le plan de consolidation que j'ai présenté au mois de juin vise à poursuivre l'aide accordée aux employeurs des emplois-jeunes, en tout cas à ceux qui n'auront pas pu encore solvabiliser ces emplois.
Nombre de ces employeurs ont en effet réussi à solvabiliser ces emplois faisant ainsi la preuve qu'ils répondaient à des besoins réels des secteurs marchands et semi-marchands. Toutefois, je le répète, certains employeurs ont besoin d'un peu plus de temps, je pense aux associations, dont certaines d'entre elles en effet remplissent quasiment une fonction de service public et bénéficieront par conséquent de contrats triennaux ; je pense aussi aux collectivités locales défavorisées, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.
Ce plan vise surtout à assurer à chaque jeune un débouché, d'abord en améliorant sa formation, ensuite en permettant à ceux qui le souhaitent de valoriser leur expérience. Un quart d'entre eux ont déjà trouvé un débouché sur le marché du travail. La validation des acquis de l'expérience, qui est incluse dans le projet de loi de modernisation sociale qui va être voté définitivement à l'Assemblée nationale, donnera à ces jeunes qui, souvent, n'ont pas de diplôme, la possibilité de faire valoir les cinq années qu'ils auront déjà passés sur le marché du travail. C'est une très grande réforme que nous avons menée à bien Nicole Péry et moi.
Pour ceux qui souhaiteraient rester ou entrer dans la fonction publique nationale ou territoriale, nous ouvrons un troisième concours adapté, aux programmes calibrés, qui prendra en compte les acquis professionnels. En tout cas, ce sera ainsi dans l'éducation nationale, dans la police, il n'y a pas de problème, les titulaires d'emplois-jeunes, au bout de deux ans, accèdent au concours de gardien de la paix.
Deuxième priorité : le programme national de lutte contre l'exclusion et la pauvreté.
Evidemment, il ne se substitue pas au plan de lutte contre les exclusions qui a été mis en place par la loi Aubry en juillet 1998 et auquel étaient affectés environ 30 milliards de francs. A ces crédits vont donc s'ajouter 2,2 milliards de francs, dont la majeure partie figure au budget de l'emploi.
Ce deuxième volet nous est apparu nécessaire parce que les jeunes qui sont les plus éloignés de l'emploi, ceux qui bénéficient du programme de trajet d'accès à l'emploi, le programme TRACE, ont besoin d'être encore aidés davantage. A cet effet, l'an prochain, le nombre de bénéficiaires du programme TRACE doublera, passant de 60 000 à 120 000.
En outre, innovation sans précédent, nous instaurons une bourse d'accès à l'emploi qui donnera à ces jeunes, pendant la période de deux années où ils suivent le programme TRACE, pendant la période intermédiaire où ils ne sont pas rémunérés, parce qu'ils ne sont pas en stage ou qu'ils n'ont pas de contrat, la possibilité de percevoir 2 000 francs par mois ; c'est extrêmement important pour eux.
Toujours dans ce nouveau programme de lutte contre l'exclusion, s'inscrit une action beaucoup plus déterminée encore à l'égard des demandeurs d'emploi plus âgés qui ont besoin d'une aide supplémentaire pour se trouver de plain-pied dans le marché de l'emploi. Nous demandons à l'ANPE de financer en leur faveur de nouvelles prestations. Celle-ci bénéficiera évidemment en contre-partie d'une augmentation très importante de ses moyens.
Nous revalorisons les barèmes des stagiaires de la formation professionnelle non indemnisés, ce qui n'avait pas été fait depuis quinze ans, grâce à une mesure nouvelle de 21,4 millions d'euros.
Enfin, nous aidons les structures d'insertion, car ce sont elles qui s'occupent de ces personnes - jeunes ou moins jeunes - très éloignées du marché de l'emploi, avec une aide supplémentaire de 19 millions d'euros.
Troisième priorité : le renforcement des stages et des contrats aidés.
Nous avons, on le sait, à partir de 1998, recentré ces contrats aidés sur les publics les plus vulnérables. Il fallait le faire car, chacun en conviendra, il y avait des abus : des entreprises embauchaient des contrats emploi-solidarité alors que les personnes concernées ne correspondaient pas aux publics à qui ces contrats étaient destinés, dans la mesure où elles pouvaient accéder de manière beaucoup plus normale au marché du travail.
Cependant, compte tenu du ralentissement de la croissance et de la légère reprise du chômage qui, ces derniers temps, a suivi sa forte régression, nous avons décidé d'augmenter le nombre de ces contrats aidés, sachant que ce sont justement les personnes les plus vulnérables, celles qui font de l'intérim, du travail précaire, qui se trouvent évidemment le plus vite hors des entreprises.
Voilà pourquoi nous avons pris la décision - M. Chabroux y a fait allusion - de mettre en place 100 000 CES et stages supplémentaires. Ils seront, bien sûr, maintenus l'année prochaine, ce qui aboutit à un nombre global de 530 000 stages et contrats aidés.
Quatrième priorité : le Gouvernement veut responsabiliser davantage les entreprises sur les mesures d'âge.
En effet, il est inadmissible que notre pays soit celui de l'Union européenne où le taux d'emploi des salariés de plus de cinquante-cinq ans est le plus bas. Il y a une sorte de facilité, pour les entreprises, à se débarrasser des salariés qui ont plus de cinquante ans. Il paraît que, maintenant, c'est même parfois moins de cinquante ans !
M. Guy Fischer. Exactement !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. On ne peut pas dire à la fois que des salariés sont trop jeunes pour partir à la retraite...
M. Marcel-Pierre Cléach. A la SNCF !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et d'autres, du même âge, trop vieux pour rester dans les entreprises !
Il y a, chez certains, cette incohérence de langage que je tiens à dénoncer.
Bien entendu, les mesures d'âge restent cependant nécessaires dans les situations de crise. Par exemple, chez Moulinex, certains salariés ont atteint un âge tel qu'il ne peut que leur être très difficile de se reclasser. Mais il faut les limiter à ces situations de crise et dire à la très grande majorité des entreprises, qui sont - heureusement ! - en bonne santé, qu'il n'est vraiment plus possible de continuer ainsi.
D'ailleurs, lors du conseil d'orientation des retraites qui s'est tenu hier, M. le Premier ministre a dit que ce serait l'une des priorités. C'est à la fois un élément essentiel d'une politique de plein emploi et aussi le socle indispensable d'une bonne réforme des retraites par répartition : il faut absolument augmenter le taux d'emploi des travailleurs expérimentés... Je ne veux pas dire : « des travailleurs âgés de plus de cinquante ans » surtout dans cette enceinte...
M. Alain Gournac. Et ailleurs ! (Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... et ailleurs, en effet. Cela vaut même pour nous, chère Nicole Péry ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Nous sommes nombreux ! (Nouveaux sourires.)
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous sommes en effet très nombreuses et nombreux, monsieur le président !
Cinquième priorité : les moyens mis à la disposition des services.
Je précise, en particulier à l'attention de M. Muzeau, que sont créés 140 emplois de renforcement et 130 emplois destinés à des régularisations effectives, ce qui est important.
Par ailleurs, nous continuons à augmenter le budget de l'AFPA, qui aura progressé de 12 % depuis 1999, et celui de l'ANPE, qui aura augmenté de 11,3 % au cours de la même période.
Nous veillons ainsi à cet accompagnement personnalisé qui est au coeur de nos politiques s'agissant de la lutte contre le chômage, en particulier contre le noyau dur du chômage.
Ayant fait ces quelques remarques générales, je voudrais maintenant répondre à un certain nombre de questions précises.
Sur l'évolution du chômage tout d'abord, je ferai observer à MM. Ostermann et Souvet que, entre 1993 et 1997, le taux de chômage est resté stable dans l'Union européenne mais que, en France, il a augmenté pour atteindre 12,4 %. Entre juin 1997 et juin 2001, le chômage a diminué dans l'Union européenne, c'est vrai, mais moins que dans notre pays.
Ainsi, tandis que, dans l'Union européenne, le chômage restait stable entre 1993 et 1997, les gouvernements français d'alors ont aggravé la situation dans notre pays et, lorsque la situation s'est améliorée dans l'Union européenne, nous avons, en France, fait mieux que la moyenne des pays européens.
M. Roland Muzeau. Vous entendez, monsieur Gournac ?
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Depuis 1997, même au cours des douze derniers mois et malgré la reprise du chômage depuis six mois, on observe une très forte baisse du noyau dur du chômage. En effet, les chômeurs de longue et de très longue durée ont beaucoup plus profité de l'amélioration de la situation du marché du travail que les autres chômeurs. Ainsi, sur les douze derniers mois, le nombre de chômeurs de longue durée a encore baissé de 13,3 %, et cela bien que la conjoncture récente soit moins favorable. On constate à la fois une forte baisse du chômage et une diminution de la proportion de chômeurs de longue durée.
Je ne peux pas laisser passer les propos catastrophistes qui ont été tenus. Même si nous enregistrons, c'est vrai, depuis six mois, une augmentation globale de 93 000 demandeurs d'emplois, on ne peut oublier que nous avons diminué de 968 000 - y compris les chiffres des derniers mois - le nombre des chômeurs depuis 1997.
Quelles sont les perspectives ? Tous les observateurs s'accordent à dire que nous subissons actuellement un ralentissement très important. A cela s'ajoute, s'agissant de l'emploi, le fait que l'effet direct des mesures de réduction de la durée du temps de travail commence à s'épuiser. De même, pour les emplois-jeunes, nous sommes sortis de la période de montée en charge.
Dans le mois qui viennent, nous allons sans doute voir le taux de chômage osciller légèrement à la hausse ou à la baisse. Globalement, il devrait rester à peu près stable.
Quoi qu'il en soit, tous les analystes conviennent que la reprise devrait intervenir dans le courant de 2002. Quand exactement ? Personne n'en sait rien ! L'essentiel, c'est que la croissance devrait reprendre et la baisse du chômage se poursuivre. Dès lors, les propos catastrophistes qui ont été tenus n'ont aucunement lieu d'être. A moins, évidemment, que la majorité sénatoriale ne se réjouisse de cette légère reprise du chômage...
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Loin s'en faut !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. En ce qui concerne l'effet des 35 heures, à l'évidence, les créations d'emplois sont massives.
On peut faire deux sortes d'estimations.
Il y a d'abord les déclarations des chefs d'entreprises qui signent des contrats ; on compte aujourd'hui 380 000 emplois créés à ce titre et déclarés par les chefs d'entreprises. Je ne pense pas, monsieur Souvet, que vous puissiez soupçonner les chefs d'entreprises de mentir lorsqu'ils soumettent ces contrats à l'inspection du travail pour, en contrepartie, obtenir des aides.
On peut aussi se reporter aux estimations que font nos services et qui recensent les emplois effectivement créés à un moment donné. Un décalage dans le temps peut se produire entre les déclarations, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et la création effective des emplois. Je tiens évidemment à votre disposition les analyses détaillées de ce phénomène.
S'agissant des emplois-jeunes, je l'ai dit, 280 000 jeunes bénéficient actuellement de ce dispositif. Mais ce sont d'ores et déjà 340 000 jeunes - bientôt 350 000 - qui seront passés par les emplois-jeunes, certains d'entre eux ayant trouvé un emploi stricto sensu.
M. Gournac, qui s'intéresse de très près à ce sujet, et depuis longtemps, a formulé un certain nombre d'observations tout à fait pertinentes.
Monsieur le sénateur, nous avons répondu à plusieurs de vos préoccupations. Nous avons réalisé des bilans annuels. Nous avons présenté, en 2001, le bilan complet de la mise en oeuvre de ce programme depuis 1997. Aujourd'hui, est en cours un diagnostic approfondi réalisé par chaque employeur, au moyen d'un dossier qui lui permet de faire le point sur son activité et sur l'utilité sociale du service rendu, sur les perspectives de financement, sur la professionnalisation et l'avenir du jeune. C'est une opération évidemment importante, accompagnée par l'ensemble des services de l'Etat concernés, en partenariat avec les réseaux associatifs et les élus locaux. Cette méthode permettra de dégager des éléments d'information propres à chaque territoire.
Je pense donc, monsieur Gournac, que nous allons dans le sens que vous souhaitez.
Je veux également indiquer à vos rapporteurs que, bien sûr, nous maintenons l'objectif de plein emploi. Ce n'est pas parce que nous traversons des turbulences pendant quelques mois qu'il faut tout à coup baisser les bras et abandonner cet objectif. Et nous y parviendrons précisément parce que nous accordons une attention particulière à l'emploi des jeunes, à l'emploi des femmes, à la réinsertion dans le travail des chômeurs de longue durée, ce noyau dur du chômage, parce que nous accompagnons de façon personnalisée les personnes qui sont le plus éloignées de l'emploi et parce que nous voulons aboutir à un meilleur taux d'emploi des travailleurs expérimentés.
Quant à la notion de chômage structurel, monsieur le rapporteur spécial, je ne la retiens pas. C'est une notion d'ailleurs très contestée par les plus éminents spécialistes, notamment par le professeur Malinvaud dans le récent rapport qu'il a rédigé pour le conseil d'analyse économique. Nous avons d'ailleurs, me semble-t-il, fait la preuve, depuis 1997, que la prétendue barrière du chômage structurel n'existait que pour ceux qui y croyaient ou faisaient mine d'y croire !
Pour ce qui est du traitement social du chômage, notre politique n'a rien à voir avec ce qui s'est fait dans le passé - aussi bien un passé relativement récent qu'un passé beaucoup plus lointain - sous cette même dénomination.
En effet, nous avons profondément modifié le niveau des programmes, qui sont désormais à la fois beaucoup plus ambitieux et beaucoup plus structurants. Nous avons enrichi nos outils. C'est ainsi que nous avons développé, d'une part, les programmes « nouveau départ » ou les programmes TRACE pour les jeunes et les chômeurs de longue durée et que, d'autre part, nous avons établi, surtout pour le pilotage de ces actions, des partenariats avec l'ensemble des acteurs, notamment l'ANPE et l'AFPA.
En d'autres termes, il ne s'agit plus, comme l'a très bien dit M. Chabroux tout à l'heure, de « stages parkings » ou de « contrats parkings ». Il existe au contraire, pour chacun des contrats aidés, une action personnalisée dont le but est le retour à l'emploi avec l'intervention de tous les acteurs du service public, national mais aussi territorial, puisque beaucoup de collectivités locales participent activement à cette politique, en tout cas celles qui y croient.
Ce mode de lutte contre le chômage s'intègre donc en réalité dans une politique structurelle qui vise à un plein emploi de qualité, et vous avez eu tout à fait raison, monsieur Muzeau, de souligner que l'on ne peut pas se contenter de l'objectif quantitatif, qu'il faut aussi aboutir à une meilleure qualité de l'emploi.
J'ajoute que la politique économique que nous avons menée depuis 1997 est une politique que les spécialistes appellent « pro-cyclique » parce qu'elle a enrichi la croissance en emplois, alors que la politique du gouvernement que vous avez soutenu, monsieur Ostermann, a dégradé la situation.
Que s'est-il passé, en effet, sous les gouvernements de M. Juppé et de M. Balladur ? Au lieu de soutenir l'activité par la consommation, ils ont fait exactement l'inverse. On a déprimé l'activité ! Nous, bien entendu, nous allons poursuivre dans la voie que nous avons choisie en 1997.
Mme Bocandé a, comme toujours, fait des remarques extrêmement pertinentes sur la formation professionnelle. Je lui répondrai d'abord que, s'agissant des formations longues, le nouveau régime de formation des chômeurs financé par l'UNEDIC et complété par l'allocation de fin de formation, l'AFF, dont le décret est à la signature, ne sera pas moins avantageux pour les chômeurs.
L'allocation de retour à l'emploi, indemnisation UNEDIC, permet à elle seule de couvrir les formations longues pour les deux tiers des chômeurs. L'AFF, quant à elle, sera concentrée sur ceux qui sont indemnisés moins longtemps, voire étendue à ceux qui ne l'étaient pas avant. Il y a donc une amélioration. Elle sera accordée pour quatre mois. Mais si cette durée n'est pas suffisante, des dérogations seront octroyées par l'ANPE pour couvrir des formations plus longues. Le décret prévoit en effet un dispositif dérogatoire qui permettra le financement de ces formations longues. En outre, un dispositif spécifique pour des formations particulières et de très longue durée sera mis en place, par exemple pour les élèves infirmiers.
Mme Péry reviendra au cours du débat sur l'Associatoin de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL. Je me contente de prendre devant le Sénat, au nom du Gouvernement, l'engagement que l'Etat apportera des garanties par rapport à ses difficultés de trésorerie. Nicole Péry a d'ailleurs reçu récemment les dirigeants de l'AGEFAL pour étudier les engagements qui ont été pris tant par l'Etat que par cet organisme.
J'en viens, monsieur Muzeau, aux intermittents du spectacle. Le Gouvernement a fait savoir très clairement aux partenaires sociaux que le régime actuel ne pouvait être demantelé et que les annexes VIII et X de la convention UNEDIC devaient être sécurisées. Nous avons indiqué à nos interlocuteurs qu'il leur appartenait de négocier et de sécuriser juridiquement ce dispositif.
Si les partenaires sociaux n'assument pas cette responsabilité comme ils nous ont dit ces derniers jours y être prêts, le Gouvernement assumera alors les siennes. Une proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 12 décembre, la semaine prochaine, donc. J'ai cependant bon espoir que les partenaires sociaux, qui souhaitent éviter que nous légiférions sur ce sujet, parviennent au même résultat en négociant entre eux.
Enfin, 140 créations d'emplois vont venir renforcer les effectifs des services déconcentrés. Ce sont donc des postes de contrôleur du travail, d'inspecteur du travail, d'ingénieur de sécurité et de médecin qui vont y être créés. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Madame la ministre, en ce qui concerne le chômage structurel, tout est question de terminologie, du moins je le pense. L'année écoulée a été marquée par une forte progression de l'activité économique. Alors que le chômage touchait 8 % à 9 % de la population, certaines entreprises n'ont pourtant pas trouvé d'employés : cela signifie que ces derniers sont soit mal formés, soit indisponibles. Quoi qu'il en soit, nous sommes en présence d'un chômage que l'on peut qualifier de « structurel », toute autre dénomination étant possible.
A cet égard, madame la ministre, nous avons mené une politique aux antipodes de la vôtre durant la période 1993-1997 comme durant la période 1986-1988, pendant laquelle, à ma connaissance, 700 000 emplois ont été créés.
Par la suite, un nouveau pouvoir politique est passé par là, et, plus tard, il nous a fallu tout reprendre à zéro. Je ne souhaite pas qu'il en soit de même l'année prochaine.
Des dossiers ont été déposés par les chefs d'entreprise, une loi ayant été votée. Comment les chefs d'entreprise pourraient-ils - hélas ! - faire autrement que de supplier et de déposer des dossiers relatifs à la réduction du temps de travail ?
Rassurez-vous, nous ne sommes pas assez naïfs pour croire qu'un employé auquel on offre de travailler 35 heures moyennant la même rémunération qu'avant n'est pas satisfait ! C'est normal et humain. Le problème, c'est le coût. Nous nous situons par rapport à un coût international du travail. Si la France avait réussi à persuader tous les pays européens de passer aux 35 heures, cela nous aurait certainement confortés dans notre position. Mais tel n'est pas le cas puisque aucun pays européen n'a accepté les 35 heures.
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas vrai !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. J'ai pu me rendre compte des difficultés qu'éprouve l'Etat à appliquer les 35 heures. Pour le président d'un petit hôpital, c'est tout simplement catastrophique.
M. Alain Gournac. Catastrophique, oui !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Faute de candidats, les postes ne sont pas créés. Les services de l'Etat - DDE, DDA, perceptions - ne suivent pas. Partout, il leur manque du personnel. Il est plus facile pour l'Etat d'imposer des créations de postes aux entreprises que d'y parvenir dans ses propres services...
M. Alain Gournac. Pour les DDE, c'est une catastrophe !
M. Gilbert Chabroux. Et les emplois-jeunes, c'est bien l'Etat !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Les emplois-jeunes coûtent 13 milliards de francs, qui sont pris en charge par les contribuables. Comme ils dépendent de la fonction publique, il faudra bien un jour les pérenniser.
M. Gilbert Chabroux. Si les entreprises voulaient les créer, ces emplois-jeunes, ce serait plus facile !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Cela étant, madame la ministre, j'ai failli oublier de le dire, nous avons quand même relevé 857 millions de francs d'annulations de crédits sur les emplois-jeunes !
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Et 22 milliards de francs, maintenant !
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Je crois que vous avez parlé tout à l'heure de « poncifs ». C'est une vérité qui dérange. Elle est là, elle est inscrite dans le projet de la loi de finances et c'est la raison pour laquelle je souhaitais la rappeler.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je compléterai les propos de Mme Guigou en évoquant la formation professionnelle.
Madame Bocandé, je répondrai à vos questions et, par là même, à certaines autres observations qui ont été émises.
Je commencerai par « la panne des partenaires sociaux », en matière de négociation sociale. Comme chacun d'entre vous, je l'ai regrettée. Je reconnais néanmoins - et je m'adresse à Mme Bocandé, mais aussi à MM. Muzeau et Chabroux - que des avancées ont pu être obtenues tout au long de ces mois de négociations.
C'est ainsi que le plan de développement concerté et le projet professionnel individuel étaient des innovations importantes, qui respectaient les droits des salariés et s'inscrivaient dans une dynamique de l'entreprise. Par malheur, nous savons pertinemment que tout a échoué faute de parvenir à assurer l'équilibre financier de l'ensemble de ces dispositifs. Il n'était pas possible de demander aux salariés une contribution trop importante par rapport à celle des employeurs.
Il faut avoir le courage de reconnaître que cette « panne » du dialogue social ne sera pas sans conséquence. J'ai toujours respecté, vous le savez, le rôle des partenaires sociaux, que je trouve primordial dans le domaine de la formation professionnelle. Mais qu'allons-nous faire maintenant ? Nous ne pouvons pas en rester à la loi de 1971. Il reviendra donc à tous les acteurs, y compris aux régions et à l'Etat, de reprendre cette négociation dans les prochains mois.
La structure du budget ayant changé, elle rend la comparaison des chiffres quelque peu superficielle. Je tiens néanmoins à donner une idée exacte de son volume global : avec 34,2 milliards de francs, ce budget est arithmétiquement stable, à 0,4 % près.
Plusieurs orateurs sont intervenus sur l'alternance. Ma réponse sur ce sujet sera plus précise pour apaiser les inquiétudes qu'expriment les nombreuses lettres que Mme Guigou et moi-même recevons à ce sujet.
Nous souhaitons, bien évidemment, poursuivre la dynamique de l'alternance au travers du projet de loi de finances pour 2002. C'est ainsi que nous avons inscrit 240 000 contrats d'apprentissage contre 230 000 en 2001 et 135 000 contrats de qualification contre 120 000 en 2001. Encore faut-il assurer le financement de l'ensemble de cette dynamique. A cet égard, dans quelques mois, nous ne pourrons pas faire l'impasse sur le 0,4 % de la masse salariale des entreprises. Cette négociation devra bien sûr avoir lieu avec les partenaires sociaux.
Si la dynamique actuelle se poursuit, nous nous heurterons, à moyen terme, à un problème de financement, qui n'existe pas aujourd'hui.
Le bureau d'AGEFAL, réuni le 16 novembre dernier, a décidé d'accorder 240 millions de francs supplémentaires aux organismes collecteurs paritaires. Pourquoi envisage-t-il tout à coup une trésorerie plus importante que prévu ? Parce que la croissance a dégagé à son profit des disponibilités excédentaires, versées en 2001 de 18 % par rapport à la masse globale. Cette opportunité apaise donc, à court terme, les inquiétudes.
J'en prends l'engagement devant le Sénat, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale : l'Etat assumera ses responsabilités si, malgré ces 240 millions de francs, une inquiétude se faisait jour, tout à coup, au printemps, ce que je ne pense pas. Nous garantirions alors une ligne de credit, ouverte auprès d'un établissement bancaire. Des dispositions de même nature ont déjà été prises au cours des années quatre-vingt.
N'hésitons pas à le rappeler, avec 13,6 milliards de francs, l'alternance représente 40 % du budget de la formation professionnelle. Ces crédits témoignent de la priorité accordée par le Gouvernement à ces politiques. Je souligne au passage que sur ces 13,6 milliards de francs, 8,4 milliards sont consacrés à des exonérations de charges sociales que l'Etat assume.
M. Franchis a centré son propos sur les apprentis de moins de dix-huit ans. La Haute Assemblée a voté récemment, je vous le rappelle, un amendement qui autorise la transposition de la directive européenne du 22 juin 1994. Les dérogations que vous avez accordées - jusqu'à cinq heures par semaine - sont le maximum autorisé pour rester dans les limites imposées par cette directive. Nous ne pouvons pas - est-ce d'ailleurs souhaitable ? - aller plus loin.
Je travaille beaucoup avec les entreprises, le monde de l'artisanat, les chambres de métiers et les chambres consulaires sur l'apprentissage, notamment des niveaux V. Nous sommes tous d'accord pour améliorer les conditions de vie et de travail des apprentis, pour éviter les ruptures de contrat. Aujourd'hui, dans les branches qui pratiquent l'apprentissage de métiers difficiles et fatigants - n'ayons pas peur de le dire - comme le bâtiment, la restauration ou l'hôtellerie, le taux de rupture des contrats atteint 50 %. Or, ces filières ont besoin de ressources humaines qualifiées.
Il faut donc que par rapport au nombre d'heures, elles aient la souplesse nécessaire exigée par la nature même du métier, sans perdre de vue la nécessaire amélioration des conditions de vie et de travail qui les prémunira contre les ruptures de contrat.
J'en viens à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. C'est un outil de service public auquel nous tenons beaucoup et dont nous avons toujours soutenu l'évolution et la nécessaire modernisation. Les contrats de progrès que nous avons signés nous engagent les uns et les autres.
Je n'ai pas cessé, du moins durant les exercices budgétaires que j'ai assumés, de demander une augmentation des ressources de l'AFPA, qu'il nous fallait accompagner financièrement dans ses efforts de modernisation et de réorganisation. Au cours de ces derniers exercices, son budget a augmenté de 12 %. Cette année. il progresse encore de 2,3 % pour atteindre un total de 4,620 milliards de francs.
J'ai eu l'occasion d'aborder ces sujets hier à Toulouse où j'ai rencontré les salariés et les syndicats de l'AFPA dont le siège a été complètement détruit par l'explosion de l'usine AZF : 420 stagiaires et 80 salariés sont concernés et 125 personnes ont été blessées, dont 5 très grièvement. Je leur ai témoigné notre solidarité en leur indiquant que nous nous engagions à faire reconstruire le centre AFPA où ils travaillent. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Daniel Eckenspieller pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Emploi et solidarité (suite)

I. - EMPLOI (suite)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : I. - Emploi.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 161 808 450 euros. »

L'amendement n° II-109, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits figurant au titre III de 116 187 euros. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Dans le cadre du plan Biotox, il s'agit de créer quatre postes à l'administration centrale du ministère de l'emploi et de la solidarité afin de renforcer les moyens d'expertise en cas de crise ou d'alerte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Le Gouvernement, utilisant un procédé désormais habituel, a déposé ce matin deux amendements qui visent à créer quatre emplois de fonctionnaires dans l'administration centrale, dans le cadre du plan Biotox, en les gageant par une minoration des crédits destinés aux emplois-jeunes, ce qui confirme a contrario que les emplois-jeunes sont surdotés.
J'ai montré dans mon rapport la mauvaise gestion du ministère en matière d'emplois. La Cour des comptes l'a d'ailleurs confirmée dans le deuxième volume de son rapport sur la fonction publique de l'Etat.
Je souligne que le Gouvernement a déjà fait la même chose l'année dernière pour la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. Mais les postes de médecin du travail ainsi créés ont été pourvus très difficilement, faute de candidats. La Cour des comptes souligne d'ailleurs que le Gouvernement n'a quasiment rien fait pour améliorer la situation.
Une fois de plus, le Gouvernement cherche à nous prendre en otage : « Ou vous votez pour, ou vous êtes contre la lutte contre le terrorisme. »
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement. De toute façon, la commission propose le rejet des crédits du titre III, cet amendement n'a donc pas de raison d'être.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-109, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Roland Muzeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 485 668 816 euros. »

La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons noté au titre IV « Interventions publiques », au chapitre 90, une ligne budgétaire « actions en matière de santé et de sécurité du travail et directives européennes » avec, en mesures nouvelles, 914 694 euros. Mais nous notons, toujours au titre IV en « Interventions publiques », à la ligne « relations du travail et amélioration des conditions de travail » : moins 609 796 euros.
On peut rapprocher ces deux constatations d'une phrase que nous considérons comme significative, qui figure dans un récent rapport de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail intitulé Dix Ans de conditions de travail dans l'Union européenne : « L'exposition aux risques physiques sur le lieu de travail, l'intensification du travail et les pratiques en matière de flexibilité de l'emploi demeurent une cause principale des problèmes de santé pour les travailleurs. »
Comme l'a souligné ce matin l'un de mes collègues, les statistiques montrent que non seulement aucune amélioration des facteurs de risques et des conditions générales de travail n'a été constatée, en France comme ailleurs, sur la protection de la santé des salariés au travail, mais tous les acteurs - les médecins, les syndicats ou les salariés - s'accordent à dénoncer une véritable aggravation des conditions de travail, et, partant, des problèmes de santé.
Pour la seule année 2000, 1,36 million d'accidents du travail ont été enregistrés et 20 295 maladies professionnelles ont été constatées et reconnues. Il y a eu aussi deux morts par jour dues à des accidents du travail.
On assiste à une progression régulière de ces chiffres depuis 1996. Tout indique que la situation est très alarmante dans ce domaine.
A cela s'ajoutent les sous-déclarations. A titre d'illustration, je citerai cette enquête réalisée par les services du ministère de l'emploi qui montre que 25,5 % des accidents du travail déclarés ou consignés sur les registres d'infirmerie et ayant entraîné un arrêt de travail n'ont fait l'objet d'aucune indemnisation !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut prendre des mesures pour mettre un terme à ce système qui lèse gravement les salariés et qui découle de la recherche effrénée du profit au nom de la seule rentabilité.
Il va de soi que cet état de fait résulte de l'organisation du travail dans les entreprises, de l'accroissement avéré de l'intensité du travail, de la généralisation de la sous-traitance et du développement massif de la précarité dans le travail.
Il faut noter au surplus l'absence flagrante de moyens pour les personnels dont la mission de protection de la santé des salariés au travail représente pourtant une tâche essentielle et vitale.
Le lien entre les transformations de l'organisation du travail et l'évolution des formes de précarisation du travail, de l'emploi, est aujourd'hui indéniable. Annie Thébaud-Mony, sociologue, chercheur à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, a rappelé clairement dans une enquête publiée en octobre 2001 dans la revue de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (emploi), la DARES, les « liens entre les logiques de transformation de l'organisation du travail par la généralisation des relations de sous-traitance et le recours croissant au travail temporaire, et la sur-accidentabilité des travailleurs intervenant comme intérimaires ou en sous-traitance ».
Les travailleurs en sous-traitance partagent avec les intérimaires la caractéristique d'être des personnels exclus de l'espace des négociations entre les employeurs et les salariés. Ces salariés ne bénéficient légalement ni de représentants ni de véritable protection. De nombreux exemples témoignent quotidiennement de leur impossibilité de faire jouer leur droit de retrait dans des situations dangereuses.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, ces personnels sont les victimes directes des remises en cause du caractère protecteur du contrat de travail qu'induisent les nouvelles formes d'organisation du travail. Ces personnels sont de plus en plus utilisés par les employeurs comme des personnels corvéables à merci, soumis aux conditions et aux tâches les plus difficiles, les plus dangereuses, les plus pénibles. Pourtant, rien ou presque n'empêche une telle exploitation, qui est à proprement parlé scandaleuse.
L´accident abominable qui a coûté la vie à un salarié des établissements Peugeot, à Sochaux, et qui a été relaté ce matin par mon collègue M. Chabroux, illustre malheureusement la situation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une législation précise visant à encadrer les conditions de travail et à protéger réellement et au mieux ces salariés aujourd'hui totalement oubliés de la législation est indispensable. Je voudrais connaître votre opinion et celle du Gouvernement sur cette question qui est malheureusement encore plus cruciale que je viens de dire.
Pour ce qui est des pathologies professionnelles, l'imprécision, le flou, le silence demeurent la règle tant sur la connaissance précise de ces maladies que sur leur répartition sur le territoire et sur les éléments et les conditions de travail qui favorisent leur émergence.
Je regrette l'absence de Mme Guigou cet après-midi ; je voulais en effet lui donner l'exemple de la Seine-Saint-Denis.
Dans ce département, depuis 1987, sur proposition du préfet d'ailleurs, mais avec des moyens financiers dégagés par le conseil général, il est procédé à une recherche systématique et à très grande échelle des cas de cancer, maladie pour laquelle on enregistre une surmortalité significative.
Cette étude prend en compte la composition socio-économique de la population et, évidemment, l'histoire de ce département qui est tourné vers l'industrialisation.
J'ai sollicité une audience de Mme Guigou après la tenue d'un colloque lundi dernier auquel participaient deux cents personnes. J'ai en effet été mandatée pour lui demander son avis sur l'initiative qui a été prise en Seine-Saint-Denis et qui pourrait peut-être être étendue au plan national.
Pourquoi donc ne pas généraliser cette initiative et développer un suivi systématique des maladies professionnelles sur tout le territoire français ?
D'une manière générale, l'ensemble des sommes consacrées à la santé et au travail nous paraissent bien insuffisantes. Les chiffres que j'ai cités au début de mon intervention en témoignent.
Le travail use, fatigue, abîme et blesse. Pour les salariés qui souffrent de cette situation, il est temps d'envisager une réforme globale, concertée de la législation relative à la protection de la santé et à la vie au travail.
M. le président. L'amendement n° II-108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits figurant au titre IV de 116 187 euros. »
Après le rejet de l'amendement n° II-109, cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je m'étonne, alors qu'on a passé un quart d'heure sur les crédits du titre IV, de ne pas avoir pu répondre à Mme Beaudeau et que cette possibilité n'ait même pas été évoquée !
M. Jean Chérioux. Le Gouvernement peut parler quand il le veut. Mais le règlement prévoit qu'il doit en faire la demande !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Vous avez l'air bien nerveux, monsieur le sénateur. Moi, je suis très calme et je souhaite continuer le débat.
Je m'étonne seulement qu'on ne se soit pas inquiété de savoir si je voulais répondre à une intervention qui a duré un quart d'heure !
M. Jean Chérioux. Il faut lire le règlement ! Ne mettez pas en cause la présidence !

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 10 670 000 euros ;

« Crédits de paiement : 3 202 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 74 430 000 euros ;
« Crédits de paiement : 34 194 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 68 à 70 et 70 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à l'emploi.

Emploi et solidarité

Article 68



M. le président
« Art. 68 - I. - L'article L. 322-4-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 322-4-2. - Afin de faciliter l'insertion professionnelle durable des demandeurs d'emploi de longue durée, des bénéficiaires de minima sociaux et des personnes qui, du fait de leur âge, de leur handicap, de leur situation sociale ou familiale, rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure avec des employeurs des conventions ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail dénommés contrats initiative-emploi.
« Les durées d'inscription comme demandeur d'emploi, exigées pour accéder au dispositif du contrat initiative-emploi, sont prolongées des périodes de stage de formation et des périodes pendant lesquelles les intéressés ont bénéficié d'un contrat de travail en application des articles L. 322-4-7, L. 322-4-8-1 ou L. 322-4-16, ou des périodes d'indisponibilité dues à une maladie, une maternité ou un accident du travail.
« Les contrats initiative-emploi peuvent être des contrats de travail à temps partiel. En ce qui concerne les personnes handicapées contraintes à des horaires limités pour des raisons médicales, il n'existe pas de condition de durée minimale.
« Les contrats initiative-emploi donnent droit à une aide de l'Etat dont le montant peut être modulé en fonction de la gravité des difficultés d'accès à l'emploi.
« Les conventions visées au premier alinéa peuvent prévoir un accompagnement dans l'emploi, une aide à la formation liée à l'activité de l'entreprise ainsi qu'une aide au tutorat. Aucune convention ne peut être conclue pour une embauche bénéficiant d'une autre aide à l'emploi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article, notamment les conditions d'éligibilité des bénéficiaires et les montants des aides afférentes aux conventions. »
« II. - L'article L. 322-4-6 du même code est abrogé.
« III. - Les dispositions des articles L. 322-4-2 et L. 322-4-6 du même code, dans leur rédaction en vigueur avant la publication de la présente loi, restent applicables aux conventions relatives aux contrats initiative-emploi en cours au 1er janvier 2002. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis désolée, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir à marquer mon hostilité à un alinéa du texte que vous présentez au Sénat.
Je ne vois absolument pas la raison de l'exclusion des Français ayant perdu leur emploi à l'étranger de la rédaction nouvelle de l'article L. 322-4-2 de la loi de 1995, ou plutôt, je la vois trop bien !
Une fois de plus, le rédacteur a pensé à la minorité de Français de l'étranger qu'on connaît en France : ceux qui ont des revenus suffisants pour y venir fréquemment, ceux qui figurent sur les listes d'invités des ambassades, c'est-à-dire à peine 8 % des Français de l'étranger. Les autres, on ne les connaît pas. Or, parmi eux, il y a 40 000 personnes en situation difficile, situation que l'on qualifie « d' exclusion » en France. Les 2 millions d'autres vivent normalement, comme les Français de France, ni mieux, ni moins bien.
Si je m'élève contre cette exclusion, c'est parce que le retour en France se passe mal, après une longue durée d'expatriation, s'il n'est pas accompagné par le Centre d'entraide aux Français rapatriés.
Pourquoi cela se passe-t-il mal ? Parce que la décision de retour se prend sous la pression de circonstances difficiles : chômage prolongé, faillite, divorce ou veuvage. Parce que, de ce fait, le retour est vécu comme un échec de l'aventure commencée dix ou vingt ans plus tôt. Parce que les employeurs français en France se méfient de CV trop exotiques. Enfin, parce que les services sociaux français ne gèrent pas bien ces cas atypiques.
Nommer les Français ayant perdu leur emploi à l'étranger dans le texte relatif au contrat initiative-emploi, ce serait diminuer un peu leur handicap face à l'emploi.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que, faute de crédits et d'assistants sociaux, le ministère des affaires étrangères n'a pas pu aller au-delà de mesures expérimentales pour lutter contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger, que je décrivais dans mon rapport au Premier ministre en 1999. (M. le secrétaire d'Etat et M. Chérioux s'expliquent en aparté.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais bien que vous m'écoutiez ! Je parle au nom des Français de l'étranger, ceux de Madagascar, de Côte d'Ivoire et d'Amérique latine, qui sont rarement entendus, car ils sont loin. D'où l'importance que je sois écoutée !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi. Loin des yeux, près du coeur !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Loin des yeux, très loin du coeur, et très loin de l'attention, voulez-vous dire, mon cher collègue !
Je disais donc que, faute de crédits et d'assistants sociaux, le ministère des affaires étrangères n'a pas pu aller au-delà des mesures expérimentales pour lutter contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à l'étranger.
Je saisis cette occasion pour signaler - et je vous prie, monsieur le secrétaire d'Etat, de le faire savoir à Mmes Elisabeth Guigou et Nicole Péry - que la convention annuelle qui lie le ministère des affaires étrangères au ministère des affaires sociales n'est pas signée depuis 1998 du fait du mauvais vouloir de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle. Je dis bien le « mauvais vouloir » et j'insiste ! Toute l'action du ministère des affaires étrangères en faveur de l'emploi et à la formation professionnelle des Français à l'étranger est entravée.
Je rappelle que cette action est exemplaire, qu'elle ne coûte pas cher et qu'elle permet, à Madagascar par exemple, de faire obtenir un diplôme de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, à une centaine de jeunes gens par an pour un coût unitaire du dixième du coût des centres de France dans certaines spécialités. Le même diplôme pour dix fois moins de crédits ! Cela ne doit pas coûter assez cher pour être intéressant !
C'est à des actions de ce type que l'attitude incroyablement négative de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle risque de mettre fin. Sans parler de l'AFPA, qui n'a accueilli pratiquement aucun stagiaire venu de l'étranger depuis deux ans.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour presser les services d'agir enfin conformément à la loi contre les exclusions, qui prévoit que chaque ministère apporte sa contribution technique au ministère des affaires étrangères pour l'aider dans son action. En particulier, il est urgent que la convention pluriannuelle entre les deux ministères soit enfin signée, ce qui serait un signal de la reprise de relations enfin normales et positives entre les deux ministères en matière d'emploi et de formation professionnelle.
Pour revenir au texte que nous examinons, je demande que les Français ayant perdu leur emploi à l'étranger soient explicitement cités dans le texte de la loi et qu'à défaut, mais ça n'est vraiment qu'à défaut, ils soient cités dans le futur décret d'application. (Applaudissements.)
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hascoët.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je veux tout d'abord rassurer Mme Cerisier-ben Guiga. Les choses avancent : des discussions sont en cours. Plusieurs réunions ont eu lieu et des propositions ont été faites. Je ferai part bien sûr, de votre impatience à mes collègues.
En tout cas, l'accès au contrat initiative-emploi n'est nullement remis en cause par la réforme pour les Français de l'étranger. Il est prévu dans le décret actuel. Il le sera également dans le nouveau décret à paraître dès la promulgation de la loi. Par ailleurs, des instructions idoines sont prévues par les services et l'ANPE pour assurer l'effectivité de cet accès à l'ensemble des personnes de nationalité française concernées à l'étranger.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-25 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-11 est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 68. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-25.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. L'article 68 tend à modifier les dispositions relatives au CIE, dont nous savons tous qu'il est dirigé vers nos concitoyens les plus en difficulté. Il vise surtout à mettre en cohérence le CIE avec la politique d'allégement de charges associée aux 35 heures.
Le paragraphe II a pour objet de supprimer l'article L. 322-4-6 et donc, pour les conventions relatives au CIE conclues après le 1er janvier 2002, de substituer à l'exonération de cotisations sociales spécifiques au CIE les allégements de charges liés aux 35 heures.
Le présent article serait à l'origine d'une économie de 77,6 millions d'euros, soit 509,02 millions de francs, en 2002, dégagée sur le chapitre « dispositifs d'insertion des publics en difficulté ». J'ai constaté que cette économie était d'un montant finalement modique, eu égard aux crédits alloués à certains dispositifs de la politique de l'emploi.
Il paraît pour le moins paradoxal de chercher à dégager des économies de quelques millions d'euros sur des dispositifs d'exonération de cotisations sociales, alors que les allégements liés aux 35 heures coûtent des milliards d'euros. C'est la raison pour laquelle la commission des finances préconise la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-11.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Mon explication et sa finalité ne seront pas différentes de celles de M. le rapporteur spécial de la commission des finances.
La commission des affaires sociales a déposé cet amendement de suppression après avoir estimé que les bons résultats du CIE en 2000 - 82 % des 138 000 personnes ayant signé un contrat initiative-emploi ont en effet bénéficié d'un contrat à durée indéterminée - ne justifiaient pas un nouveau recentrage du dispositif.
De plus, elle a pensé que la baisse des crédits affectés au CIE semblait particulièrement malvenue dans le contexte actuel de remontée du chômage. La commission des affaires sociales va donc exactement dans le même sens que la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. L'intention est bien de ramener le statut du CIE dans le droit commun sur le plan des charges sociales liées aux 35 heures - cela a été dit - mais, parallèlement, une prime est recréée afin de maintenir le caractère incitatif du dispositif, lequel prouve son efficacité. Lors des mois derniers, quand sont parues les statistiques concernant le chômage, malgré un climat moins favorable, nous avons continué - faut-il le rappeler ? - à enregistrer une diminution très nette du nombre de chômeurs de longue durée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. L'article 68 a pour objet de cibler davantage le dispositif du contrat initiative-emploi sur les catégories de personnes les plus en difficulté. Ces catégories demeurent toutefois très vastes, puisqu'elles comprennent les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires des minima sociaux et les personnes qui, du fait, de leur âge, de leur handicap ou de leur situation sociale ou familiale, ne parviennent pas à trouver ou à retrouver un emploi.
Telle est la définition traditionnelle des catégories sociales ayant des difficultés d'insertion professionnelle. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner de la voir figurer dans l'article 68.
Il est parfaitement justifié, compte tenu de la diminution de près de un million de chômeurs que nous avons enregistrée depuis 1997, de réserver ce contrat aidé, comme d'autres, à ces catégories de population.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le périmètre du CIE doit être redessiné. En 1998, les crédits affectés au CIE atteignaient plus de 13 milliards de francs sous forme de primes et d'exonérations de cotisations patronales particulièrement généreuses. Tout chômeur était potentiellement concerné et pouvait sortir ainsi des statistiques de l'ANPE.
Le CIE était ce que j'appellerai un élément quantitatif de la politique de l'emploi du Gouvernement précédent.
Avec la reprise économique et la diminution du chômage, les personnes qui ont perdu leur emploi, sans être pour autant sorties durablement du marché du travail, doivent pouvoir en trouver un autre, éventuellement après une formation ou une adaptation. L'existence d'un dispositif aussi coûteux et large ne se justifie donc plus.
Plus généralement, il n'est plus question depuis cinq ans de « caser » les chômeurs dans des dispositifs globaux, indépendamment de leur parcours personnel. Certains types de stages et de contrats aidés sont réservés aux publics prioritaires, d'autres aux jeunes, tels le programme TRACE et les emplois-jeunes. Ces dispositifs sont adaptés à la situation des bénéficiaires. Le retour à l'emploi doit, en effet, se faire dans le respect des personnes, c'est-à-dire en leur apportant ce dont elles ont besoin pour s'insérer ou se réinsérer dans le monde du travail.
Nous sommes dans une logique d'insertion et non dans une logique statistique.
Je regrette de devoir à nouveau contredire M. Souvet et M. Ostermann. Il me semble que leurs arguments, notamment quant au fondement de l'exonération sur les 35 heures, relèvent davantage d'une volonté idéologique de s'opposer une nouvelle fois à la réduction du temps de travail que d'une logique de retour à l'emploi. Nous voterons donc contre ces amendements.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Nos collègues de l'opposition affirment que nous nous opposons en permanence aux 35 heures ! Nous n'avons jamais contesté le fait que nous n'étions pas d'accord avec les 35 heures obligatoires !
Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de dire que nous ne sommes pas d'accord avec les 35 heures obligatoires pour tous...
M. Alain Gournac. Bien sûr !
M. Alain Joyandet. ... et dans des conditions identiques, quelles que soient les situations ? Pensez-vous que nous prenons un risque en disant que nous sommes contre cette philosophie ? Pas du tout ! Nous l'affirmons sans aucun problème ! Nous avons souvent précisé que, s'il y avait une alternance politique prochaine, la durée légale du travail ne serait pas remise en cause.
M. Gilbert Chabroux. Le MEDEF ne dit pas cela !
M. Alain Joyandet. Mais nous avons souvent dit aussi que nous assouplirions cette loi. Par conséquent, les choses sont claires !
J'espère que, s'il y a alternance, cette loi sera assouplie. Il s'agit non pas de tout casser, mais d'assouplir les mesures en vigueur dans l'intérêt des entreprises. Et, comme le disait M. Fabius l'autre jour, si c'est dans l'intérêt des entreprises, c'est forcément dans l'intérêt des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 68 est supprimé.

Article 69



M. le président.
« Art. 69. - Le III de l'article 5 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions est ainsi rédigé :
« III. - A titre expérimental et à compter du 1er janvier 2002, les jeunes qui bénéficient à cette date des actions d'accompagnement prévues au I du présent article ou qui accèdent au bénéfice de ces mesures avant le 1er janvier 2003 peuvent percevoir une bourse d'accès à l'emploi financée par l'Etat, qui est incessible et insaisissable, pendant les périodes durant lesquelles ils ne perçoivent ni rémunération au titre d'un emploi ou d'un stage, ni allocation.
« Ses conditions d'attribution, son montant et les modalités de son versement sont fixés par un décret qui précise la liste des rémunérations et allocations mentionnées ci-dessus. » (Adopté.)

Article 70



M. le président.
« Art. 70. - L'article 25 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 25 . - Par dérogation aux limites d'âge prévues à l'article L. 980-1 du code du travail, les contrats mentionnés à l'article L. 981-1 du même code sont ouverts aux personnes sans emploi de vingt-six ans et plus rencontrant ou susceptibles de rencontrer des difficultés sociales et professionnelles.
« Les dispositions des articles L. 980-1, L. 981-1, L. 981-2, L. 981-10, L. 981-11 et L. 981-12 du même code ainsi que celles du IV de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984) sont applicables aux contrats conclus en application de l'alinéa précédent. Toutefois, lorsque ces contrats sont financés dans le cadre de l'article 2 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, les organismes gestionnaires mentionnés à l'article L. 351-21 du même code peuvent prendre en charge directement les dépenses pour des actions de formation qui leur sont afférentes. Ce financement est alors exclusif de tout versement au titre du IV de l'article 30 de la loi de finances pour 1985 précitée.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 981-1 du même code, ces contrats peuvent prendre la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée comportant une période de qualification d'une durée égale à celle du contrat prévu au premier alinéa du même article.
« Les dispositions de l'article L. 981-3 du même code ne leur sont pas applicables.
« Les dispositions de l'article L. 981-4 du même code ne s'appliquent qu'aux contrats conclus avant le 1er janvier 2002.
« Les entreprises de travail temporaire peuvent également embaucher des personnes de vingt-six ans et plus dans les conditions définies au présent article. Les activités professionnelles en relation avec les enseignements reçus sont alors exercées dans le cadre des missions régies par le chapitre IV du titre II du livre Ier du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les autres conditions de mise en oeuvre des contrats mentionnés ci-dessus, en particulier les conditions auxquelles doivent répondre les personnes sans emploi susceptibles d'en bénéficier, les conditions de rémunération ainsi que les aides de l'Etat auxquelles ils peuvent ouvrir droit et leurs modalités de versement. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-26 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-12 est déposé par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux sont ainsi libellés :
« I. - Supprimer le cinquième alinéa du texte prévu par cet article pour l'article 25 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
« II. - En conséquence, dans la première phrase du deuxième alinéa du même texte, après la référence : "L. 981-2," insérer la référence : "L. 981-4". »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-26.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Le présent article tend à pérenniser le dispositif des contrats de qualification-adulte, tout en adaptant les modalités financières des aides de l'Etat.
Il apporte quatre principales modifications.
Premièrement, ces contrats peuvent prendre la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Deuxièmement, les entreprises de travail temporaire peuvent conclure des contrats de qualification-adulte.
Troisièmement, l'UNEDIC et les ASSEDIC ont la possibilité de financer les actions de formation dispensées au titre d'un contrat de qualification-adulte qui aura été conclu dans le cadre d'un projet d'action personnalisé établi au titre du PARE.
Enfin, quatrièmement, les allègements de charges sociales liés aux 35 heures remplacent, à compter du 1er janvier 2002, le régime d'exonération spécifique relatif aux contrats de qualification, qui était prévu à l'article L. 981-4 du code du travail, ce dernier continuant de s'appliquer aux contrats conclus avant cette date.
Je regrette que le Gouvernement saisisse l'occasion de la réforme et de la pérennisation du contrat de qualification-adulte pour chercher à réaliser une économie d'un montant finalement modique. Je formule la même observation, sur ce point, que sur l'article 68 ci-dessus.
Le présent amendement tend à maintenir le régime actuellement applicable en matière d'exonération de charges sociales pour les contrats de qualification. Je répète qu'il s'agit finalement de petites économies - 113,68 millions de francs - eu égard à l'objectif.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-12.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Je ne peux qu'approuver les conclusions de la commission des finances et de son rapporteur spécial. Bien entendu, la modification qui est proposée par le Gouvernement nous paraît peu acceptable pour quatre raisons.
En premier lieu, elle accroît le coût de l'embauche pour l'employeur.
En deuxième lieu, cette réforme aurait également pour conséquence d'exclure du bénéfice de l'allégement de charges les entreprises qui ne seraient pas passées en temps voulu aux 35 heures. Or on connaît les difficultés d'application de cette mesure dans les petites et moyennes entreprises, qui constituent pourtant les principaux utilisateurs du contrat d'insertion.
En troisième lieu, une telle modification ne ferait que brouiller la lisibilité d'un dispositif que les employeurs commencent à peine à s'approprier.
Enfin, en quatrième lieu, cette modification vise surtout à faire basculer la prise en charge financière de l'aide publique du budget de l'emploi vers le FOREC.
J'observe par ailleurs - et je tiens à insister sur ce point - que ce dispositif s'accompagnera d'une réforme tout aussi inopportune du régime des primes ; vous venez d'en parler, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion des CIE. Celles-ci seront versées non plus à la signature du contrat, mais à l'issue de celui-ci ou au bout d'un an. Il en résulte un gain de trésorerie pour l'Etat lié au report du versement de l'aide, mais ce report me paraît totalement inadapté. L'embauche d'un adulte en contrat de qualification nécessite, en effet, de la part de l'employeur, un accompagnement lourd, qui passe souvent par un aménagement des postes de travail et la mise en place d'un tutorat. Or tout cela a un coût immédiat, qui intervient dès l'embauche et que la prime à l'embauche a justement pour vocation de compenser.
Toutes ces raisons conduisent la commission à préférer le maintien du régime existant. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?...
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Ma réponse rejoint celle que j'ai faite sur les CIE : l'adaptation d'un côté, la suppression de l'exonération spécifique de l'autre, mais la revalorisation substantielle de l'aide forfaitaire. C'est ce double mouvement que le Gouvernement a envisagé, et c'est pourquoi il est défavorable aux deux amendements identiques.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-26 et II-12.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Sur cet article 70 du projet de loi de finances, la critique de la majorité sénatoriale porte à nouveau exclusivement sur la réforme du régime d'exonération des cotisations sociales à l'occasion du passage des entreprises aux 35 heures.
Si vous étiez d'accord avec les 35 heures, comme vous semblez le dire, mes chers collègues, vous seriez forcément d'accord avec les articles qui vous sont présentés. Je n'arrive pas à saisir la nuance ! Il me semble qu'il y a encore et toujours un fossé entre nous.
M. Alain Joyandet. C'est sûr !
M. Gilbert Chabroux. Vous ne voulez toujours pas des 35 heures, mais vous acceptez l'exonération des cotisations patronales, les allégements de charges...
M. Paul Blanc. C'est normal !
M. Gilbert Chabroux. Bien entendu : on n'allège jamais assez les charges !
M. Alain Gournac. Il y a trop de charges !
M. Gilbert Chabroux. Le travail est devenu une charge toujours trop lourde pour les patrons.
M. Dominique Leclerc. Qu'est-ce que vous en savez ?
M. Gilbert Chabroux. Je suis obligé de réagir, sachant que, par ailleurs, le rapport de Mme Bocandé est mesuré. Mais l'on y retrouve, comme dans vos interventions, mes chers collègues, la référence aux 35 heures. C'est un leitmotiv ! Vous voulez revenir en arrière (Protestations sur les travées du RPR), avec des lendemains où l'on déchante, comme cela a été prédit. Je souhaite que l'on n'en arrive pas là, que le bon sens l'emporte et que l'on se rende compte que les 35 heures constituent une avancée considérable à laquelle tout le monde doit adhérer.
M. Dominique Leclerc. Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. La réforme qui est envisagée participe plutôt d'une clarification du dédale des différents régimes encore en cours, que ne fait qu'accélérer la loi de réduction du temps de travail.
Nous estimons que la réforme du contrat de qualification-adultes, le CQA, forme un ensemble, sur lequel les partenaires sociaux sont parvenus à un accord.
L'article 70 prévoit que le CQA peut désormais être un contrat à durée indéterminée, que les entreprises d'intérim peuvent en conclure et que l'UNEDIC, via le PARE, peut en financer la formation.
L'objectif est de lutter contre la précarité et de permettre aux bénéficiaires de connaître une certaine stabilité dans l'emploi. Il est donc tout à fait normal que la prime à l'employeur ne soit versée qu'après un certain délai, ce qui permet de s'assurer de la réalité de l'embauche et de la formation.
Tout cela constitue un progrès pour les personnes en difficulté et ne doit pas servir de prétexte à un débat idéologique. Nous voterons donc contre cet amendement (M. Leclerc s'exclame.)
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. M. Chabroux parle de débat idéologique. J'ai fait allusion aux primes. D'ailleurs, M. le ministre ne m'a pas répondu. Pourquoi ces primes, destinées à aider les entreprises, seront-elles versées non plus à la signature du contrat mais à son terme, c'est-à-dire au bout d'un an ? Il semble que nous nous éloignions là de l'idéologie, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. Il faut attendre !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai les amendements identiques n°s II-26 et II-12.
Je suis attristé de constater que nos collègues de l'opposition nous reprochent en permanence notre hostilité aux 35 heures. Certes, nous serons bientôt en période électorale. Ils essaient donc de mettre en avant cette fausse avancée sociale !
M. Gilbert Chabroux. N'inversez pas les rôles !
M. Jean Chérioux. C'est ce qui les gêne !
Ils veulent absolument faire croire au bon peuple que nous sommes opposés aux 35 heures. C'est faux ! Nous sommes simplement hostiles au dispositif tel qu'il a été conçu (Applaudissements sur les travées du RPR), car il a été introduit dans des conditions qui ne sont pas toujours avantageuses pour les salariés. Les accords sur les 35 heures ont été conclus à leur détriment.
M. Gilbert Chabroux. Les salariés sont satisfaits !
M. Jean Chérioux. En contrepartie, ils ont été obligés d'accepter de grands sacrifices (Mme Beaudeau s'exclame) et une diminution de leur pouvoir d'achat, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires.
Il s'agit donc d'une opération purement dogmatique ! En définitive, les salariés n'en tireront aucun bénéfice. Ce que nous voulons, c'est qu'ils puissent travailler 35 heures (Mme Beaudeau s'exclame de nouveau), mais, s'ils veulent gagner plus, rien ne doit les en empêcher !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° II-26 et II-12, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 70, modifié.

(L'article 70 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 70



M. le président.
L'amendement n° II-13, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le fonds national mentionné à l'article L. 961-13 du code du travail est autorisé à verser 15 244 902 euros en 2002 aux organismes paritaires collecteurs agréés pour recevoir les contributions des employeurs prévues à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984). A cette fin, le compte unique prévu par le I de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 (n° 86-1318 du 30 décembre 1986) est chargé de recevoir ce versement. »
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Compte tenu de l'importance de cet amendement, je souhaite vous l'exposer en détail.
Il tend à assurer le financement des contrats de qualification en 2002, dont j'ai montré toute la fragilité dans mon propos introductif. A cet effet, le comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF, autorise à verser l'équivalent de 100 millions de francs à l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, en 2002. Cela permettra de rétablir la situation de trésorerie de l'AGEFAL, afin qu'elle puisse garantir ses engagements, sans assécher totalement la trésorerie du COPACIF.
Je précise qu'il vise également à se substituer aux prélèvements d'autorité sur le COPACIF envisagés par le Gouvernement. Il me semble, en effet, préférable d'autoriser une mutualisation des disponibilités des fonds nationaux de la formation professionnelle, afin d'assurer une affectation effective des contributions versées à ce titre en faveur de la formation continue et de l'alternance.
Toutefois, il ne s'agit ici que d'une mutualisation à la fois transitoire et facultative : transitoire, car elle ne vaut que pour 2002, notre législation interdisant pour l'instant de tels transferts de trésorerie ; facultative, car elle n'ouvre qu'une possibilité. Ce sera alors aux conseils d'administration des deux fonds de décider, en fonction des besoins constatés, s'ils utilisent cette faculté.
La commission des affaires sociales a bien conscience que cet amendement de bon sens n'apporte toutefois qu'une réponse ponctuelle à un problème qui risque de devenir récurrent. Aussi me paraît-il hautement souhaitable d'explorer dès à présent les voies d'une nouvelle mutualisation des fonds de l'alternance.
Je crois désormais nécessaire d'autoriser une nouvelle forme de péréquation entre les disponibilités de ces fonds, en fonction des besoins et en accord avec les partenaires sociaux gestionnaires. Mais cette suggestion dépasse le stricte cadre de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Au 31 octobre 2001 - ce sont les derniers chiffres portés à notre connaissance - la situation financière de l'AGEFAL était la suivante : 865 millions de francs de trésorerie pour un total d'engagements de 2,739 milliards de francs.
Par conséquent, l'AGEFAL n'est pas confrontée à une insuffisance de trésorerie en tant que telle. Elle a invité les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, déficitaires à réguler leurs engagements - durée, coût horaire - en fonction des ressources dont ils disposent. On notera qu'il est question non pas de refuser des contrats, bien évidemment, mais d'ajuster les niveaux.
De fait, on ne constate pas pour l'instant de ralentissement des entrées de jeunes en contrat de qualification, puisque, à la fin du mois de septembre, sur un ensemble cumulatif de neuf mois, 75 500 contrats ont été enregistrés contre 74 300 pour l'année 2000, qui était pourtant une année de forte augmentation, avec plus de 10 % de contrats supplémentaires enregistrés par rapport à 1999.
Le Gouvernement s'est engagé, par une lettre du 16 octobre 2001, à apporter la garantie de l'Etat à l'AGEFAL en cas de difficulté de trésorerie. En dépit des cet engagement, encore rappelé par Mme le secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, des craintes subsistaient. La décision prise par l'AGEFAL lors de son dernier conseil d'administration de dégager plus de 300 millions de francs pour les structures qui connaîtraient des difficultés doit permettre de répondre à ces craintes.
De surcroît, l'AGEFAL a été reçue tout récemment - le 27 novembre dernier - par Mme Péry pour étudier les voies et les moyens d'assurer que les engagements présents et à venir sur le financement de l'alternance seront tenus et, s'il y a lieu, que les garanties données seront mises en oeuvre en temps utile.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, cet avis défavorable m'étonne et me déçoit.
Vous fondez votre argumentation sur l'année 2001. Or nous examinons un projet de loi de finances, donc un budget prévisionnel qui sera exécuté en 2002. Précisément, d'après les renseignements en ma possession, il semblerait que les chiffres, qui sont effectivement positifs en 2001, seraient négatifs en 2002.
M. Alain Gournac. C'est même Mme le ministre qui nous l'a dit !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Tout à fait !
La solution proposée me semblait de bon sens, puisqu'elle permettait à votre gouvernement de respecter à bon compte la parole donnée. Je vous rappelle que, plusieurs fois, le Gouvernement s'était engagé, au cas où des diffcultés se produiraient, à venir au secours des fonds.
Vous nous dites, aujourd'hui, que vous interviendrez si... Mais, avec notre proposition, et c'est tout son mérite, nous intervenons par avance, nous n'attendons pas que les problèmes soient là !
Après tous les prélèvements que le Gouvernement a opérés sucessivement sur les fonds de l'alternance - je rappelle que, depuis 1997, 1,5 milliard de francs ont été prélevés sur les fonds de la formation professionnelle -...
M. Paul Blanc. Voilà !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. ... proposer comme unique solution pour l'AGEFAL une ligne de trésorerie qui aura forcément pour conséquence, en fait, un endettement ou une gestion financière plus tendue encore, ne me semble pas satisfaisant du tout.
M. Alain Gournac. A moi non plus !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Au surplus, la solution que j'ai proposée a reçu l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'AGEFAL et du COPACIF. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-13.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Nous prenons bonne note des informations que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que des engagements que vous prenez, mais nous avons des observations à formuler.
Depuis 1996 et la première ponction opérée par le gouvernement d'alors sur la trésorerie de l'AGEFAL, le groupe socialiste n'a cessé de dire à ces différents interlocuteurs sa réticence devant un tel procédé.
Si une ponction de nature très occasionnelle et sur une trésorerie pléthorique peut se concevoir, une ponction répétée sur une trésorerie qui ne peut, dès lors, manquer de s'affaiblir ne constitue en aucun cas une politique durable de financement. Cela résout temporairement un problème pour en créer immédiatement un autre. Nous ne pouvons que réitérer cette observation.
Pour autant, nous ne souscrivons pas à l'initiative de Mme le rapporteur,...
M. Alain Gournac. Ah !
M. Gilbert Chabroux. ... qui consiste à procéder à une mutualisation subreptice des fonds de la formation. Il serait pour le moins utile d'entendre au préalable les partenaires sociaux et d'avoir un débat public et ouvert sur le sujet : il s'agit de sommes considérables, mes chers collègues. Et, je pose la question : quel contrôle s'exercerait ensuite sur ces manipulations ?
Le groupe socialiste ne pourra donc pas voter l'amendement présenté par notre collègue Mme Bocandé, qui ne permet pas - mais le pouvons-nous ici, dans ce débat ? - de résoudre un problème d'une tout autre ampleur.
Au demeurant, l'embarras dans lequel nous nous trouvons tous - vous aussi - ne fait que nous renvoyer à l'échec de la négociation interprofessionnelle sur la formation.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je voterai cet amendement.
Lorsque la commission a reçu Mme Guigou, j'avais déjà soulevé cette question. La seule réponse qui m'avait été donnée alors, c'est que, effectivement, il n'y avait pas de difficultés de trésorerie, mais que l'on permettrait d'ouvrir une ligne... de trésorerie ! J'avoue que je ne comprends pas pourquoi. Dans une entreprise, quand vous n'avez pas de difficulté de trésorerie, vous n'avez pas besoin d'ouvrir une ligne ! Cela me paraît donc tout à fait contradictoire avec ce que je viens d'entendre.
Aussi, parce que Mme Bocandé nous propose une solution constructive, parce qu'elle essaye de nous sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons, je voterai bien entendu, et des deux mains, l'amendement n° II-13.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je voterai également cet amendement, parce que je ne peux pas accepter que le Gouvernement nous dise une chose en commission - et vous étiez présent, ce jour-là, cher collègue Chabroux - et une autre en séance publique.
Notre collègue Gilbert Chabroux, qui s'exprimait au nom du parti socialiste, a eu les pires difficultés...
M. Gilbert Chabroux. Quelles difficultés ?
M. Alain Gournac. ... pour expliquer son vote contre l'amendement. Que d'allers et de retours : il est pour, il est contre, il est pour, il est contre, et donc il est pour ? Eh bien, non ! Il est contre ! (Sourires.)
Il est tout de même tout à fait incroyable que nous ne puissions pas nous retrouver sur un dispositif d'une nature aussi technique. D'ailleurs, le début de l'explication de notre collègue venait à l'évidence à l'appui de Mme Bocandé.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. En réponse à nos questions, ce matin, Mme la ministre nous a indiqué très clairement que le Gouvernement avait pris des décisions pour garantir l'activité de l'AGEFAL. Cette information a été discutée à l'Assemblée nationale.
Les propos tenus à l'instant par M. le secrétaire d'Etat sur les questions budgétaires pour 2001 et le bouclage de l'année en cours, ajoutés à l'intervention de Mme Guigou, ce matin, concernant le présent projet de budget pour 2002 sont de nature à laisser penser que, pour régler cette question délicate, la bonne volonté mais aussi la clairvoyance sont de rigueur.
La mutualisation que propose Mme le rapporteur pour avis mériterait une longue discussion et des compléments d'information.
MM. Jean Chérioux et Alain Gournac. Oui !
M. Roland Muzeau. Le souci exprimé par notre commissaire est digne d'intérêt, mais il faut aussi savoir entendre les assurances qui nous ont été données tant à l'Assemblée nationale qu'ici, au Sénat.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je tenais simplement à rassurer notre collègue, M. Gilbert Chabroux.
Un instant, j'ai moi-même eu l'impression qu'il allait voter avec nous cet amendement,...
M. Alain Gournac. Eh oui ! Nous aussi !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. ... parce qu'il avait l'air de dire que la solution proposée était bonne.
M. Gilbert Chabroux. Non ! Il y a une deuxième partie !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Mais la chute est brutale, et c'est malheureusement le contraire !
Je veux remercier notre collègue Roland Muzeau, qui s'oriente vers les mêmes conclusions.
Donc, je vous rassure, monsieur Chabroux, j'ai bien dit que ce dispositif était facultatif et transitoire.
Il est facultatif, car il fallait d'abord qu'il y ait un besoin constaté, et que les deux gestionnaires de fonds soient d'accord.
Il est transitoire, car notre législation ne nous permet pas d'opérer les transferts actuellement au titre de cette mutualisation.
Mais il s'agissait pour nous d'ouvrir une piste de réflexion pour l'avenir.
M. Gilbert Chabroux. D'accord !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je partage avec vous ce point de vue : il faudra associer les partenaires sociaux à cette réflexion.
M. Gilbert Chabroux. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-13, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 70.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-14 est présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-84 rectifié est déposé par MM. Ostermann, Masson, Trégouët, Legendre, Schosteck, Leclerc, Murat, Braye, Dufaut, Souvet, Lanier, Eckenspieller, Doublet, Pierre André, Dubrule, Gournac, de Richemont, Besse, Duvernois, Cazalet, Demuynck, Gerbaud, Calmejane, Guerry, César, Lassourd et Del Picchia et Mme Michaux-Chevry.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le IV-0 bis de l'article 244 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. Dans la première phrase, les mots : "des années 1999 à 2001" sont remplacés par les mots : "des années 2002 à 2004" et l'année : "1998" par l'année : "2001".
« B. Dans la seconde phrase, l'année : "1999" est remplacée par l'année : "2002".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »




L'amendement n° II-102, présenté par MM. Adnot, Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du I de l'article 244 quater C du code général des impôts, le pourcentage : "35 %" est remplacé par le pourcentage : "50 %".
« II. - Dans le IV-0 bis de l'article 244 quater C du code général des impôts, les années : "1998", "1999" et "2001" sont respectivement remplacées par les années : "2001", "2002" et "2004".
« III. - Les pertes de recettes résultant du I et du II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-14.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à reconduire à l'identique, et pour une nouvelle période de trois ans, le mécanisme du crédit d'impôt formation.
Nous considérons, en effet, que cette incitation fiscale permet de renforcer l'effort de formation des entreprises au moment où il marque le pas. Certes, j'ai bien noté que l'Assemblée nationale a adopté, le mercredi 3 décembre, au soir, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2001, un amendement reconduisant le dispositif au profit des seules entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffres d'affaires. Il me semble toutefois plus pertinent de reconduire ce crédit d'impôt pour l'unifier, quelle que soit la taille de l'entreprise, afin que ce dispositif soit en conformité avec la réglementation communautaire.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° II-84 rectifié.
M. Alain Gournac. Cet amendement est identique à celui de la commission des affaires sociales.
Avec vingt-huit de mes collègues, je veux dire combien il est important de pouvoir reconduire, pour les années 2002 à 2004, le mécanisme de crédit d'impôt en faveur des formations professionnelles.
M. le président. L'amendement n° II-102 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-14 et II-84 rectifié ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. La commission est favorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je voudrais qu'il soit pris acte par le Sénat que se sont engagés, à ce sujet, un débat et un dialogue.
Le projet de loi de finances rectificative prévoyait initialement de ne pas reconduire un dispositif qui parvenait à son terme. L'effet incitatif n'était plus tout à fait démontré, dans la mesure où les entreprises avaient largement reconstitué leurs moyens d'initiative en matière de formation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aux remarques que vous avez formulées, je réponds qu'une partie de votre attente a été prise en compte : le Gouvernement a finalement décidé de remettre en place ce dispositif, mais uniquement en faveur des PME.
Vous avez donc en partie satisfaction : la mesure incitative est maintenue en faveur des PME mais, parce qu'elle n'a plus d'effet sur les grandes entreprises, il ne sert à rien de mobiliser pour elles l'argent public. Il s'agit donc de distinguer les situations dans un dialogue bien compris.
En conséquence, le Gouvernement demande aux auteurs de ces deux amendements identiques de bien vouloir les retirer. A défaut, il invitera le Sénat à les rejeter.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-14 et II-84 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 70.

Article 70 bis



M. le président.
« Art. 70 bis. - L'article L. 351-10-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-10-1. - Les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, d'au moins 160 trimestres validés dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues équivalentes bénéficient sous conditions de ressources d'une allocation équivalent retraite.
« Cette allocation se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique mentionnée au premier alinéa de l'article L. 351-10 ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. Elle prend la suite de l'allocation d'assurance chômage pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. Elle peut également la compléter lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'alinéa suivant.
« Le total des ressources du bénéficiaire de l'allocation équivalent retraite, dans la limite de plafonds fixés par décret en conseil d'Etat, ne pourra être inférieur à 877 euros. Les ressources prises en considération pour l'appréciation de ce montant ne comprennent pas les allocations d'assurance ou de solidarité, les rémunérations de stage ou les revenus d'activité du conjoint de l'intéressé, ou de son concubin ou de son partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, tels qu'ils doivent être déclarés à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu.
« Les bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite bénéficient, à leur demande, de la dispense de recherche d'emploi prévue au deuxième alinéa de l'article L. 351-16.
« L'allocation équivalent retraite est à la charge du fonds mentionné à l'article L. 351-9. Son service est assuré dans les conditions prévues par une convention conclue entre l'Etat et les organismes gestionnaires des allocations de solidarité mentionnés à l'article L. 351-21.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les plafonds de ressources mentionnés au troisième alinéa et les conditions de ressources mentionnées au premier alinéa pour les personnes seules et les couples, ainsi que les autres conditions d'application du présent article.
« Le montant de l'allocation équivalent retraite à taux plein est fixé par décret. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-27 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-15 est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 70 bis . »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-27.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. La commission des finances vous propose de supprimer l'article 70 bis . Issu d'un amendement du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale, il vise à instituer une allocation équivalent retraite, ou AER, prenant la suite de l'allocation spécifique d'attente, l'ASA.
La commission ne saurait accepter cet article, et ce pour plusieurs raisons. J'en rappellerai quelques-unes.
Il convient, d'abord, de rappeler que cet article a été introduit par le Gouvernement afin de sortir de l'inconstitutionnalité du dispositif prévu, sur son initiative, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Le dispositif finalement voté, que nous examinons maintenant, est pour le moins imprécis.
Le coût de cette nouvelle allocation a ainsi été estimé à 45,73 millions d'euros en 2002, soit 300 millions de francs, et le nombre de ses bénéficiaires potentiels, entre 50 000 et 100 000, soit du simple au double ! Il me paraît indispensable d'avoir davantage d'informations.
De surcroît, l'essentiel des dispositions du présent article relèvent du domaine réglementaire.
Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas publié tout simplement un nouveau décret d'application de la loi du 17 avril 1998 qui a institué l'allocation spécifique d'attente, afin de modifier les dispositions actuelles qui posent problème ?
Ce faisant, il aurait, bien sûr, perdu le principal avantage de cette manoeuvre législative peu glorieuse, à savoir un affichage politique destiné à sa majorité plurielle, au groupe communiste en particulier.
Il convient, en effet, de rappeler que le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir - l'article 40, en l'occurrence - au groupe communiste de l'Assemblée nationale, qui avait déposé une proposition de loi tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'avoir atteint l'âge de soixante ans.
Cet article constitue donc « la carotte » que le Gouvernement a bien voulu consentir à une composante turbulente de sa majorité. (Rires sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen.)
Enfin, le présent article pose de réels problèmes de fond, même si ses objectifs ne laissent évidemment pas la commission insensible.
Il s'agit du problème des retraites, pour lequel le Gouvernement n'a strictement rien fait depuis cinq ans. Le taux d'activité des salariés de plus de cinquante-cinq ans en France est parmi les plus bas des pays industrialisés, et cet article conforte cette situation. Le conseil d'orientation des retraites a d'ailleurs critiqué ce type de dispositif.
Peut-être le Gouvernement s'estime-t-il quitte, avec cet article adopté en catimini, pour ce qui est de la réforme des retraites. La commission des finances ne saurait, quant à elle, s'en satisfaire !
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-15.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. C'est peut-être une « carotte », monsieur le rapporteur spécial, mais nos collègues ne sont pas des lapins ! (Sourires.)
La commission des affaires sociales s'interroge sur la nécessité de créer un nouveau dispositif pour résoudre un problème né avec l'instauration de l'allocation spécifique d'attente, créée, il convient de le rappeler, par la loi du 17 avril 1998. Des précisions apportées à cette mesure auraient été suffisantes nous semble-t-il ; je l'ai écrit dans mon rapport, je l'ai dit devant la commission, je le répète aujourd'hui.
Si le coût du dispositif proposé est connu pour 2002 - vous l'avez rappelé, monsieur Ostermann : 45,73 millions d'euros -, le nombre des bénéficiaires semble encore osciller, dans les déclarations du Gouvernement lui-même, du simple au double, entre 50 000 et 100 000. Un tel flou laisse présumer une certaine précipitation - du moins est-ce ainsi que nous l'analysons - dans la préparation de cette mesure.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais vous poser deux questions. Les bénéficiaires du RMI relèveront-ils toujours de la CMU lorsqu'ils basculeront dans la nouvelle allocation équivalent retraite ? Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a déclaré que l'allocation équivalent retraite serait dégressive ; pouvez-vous nous expliquer les raisons et les modalités de cette dégressivité ?
Compte tenu des nombreuses imprécisions que je viens de rappeler et du caractère fortement inutile, nous semble-t-il, de cette nouvelle allocation - alors qu'il aurait suffi de mieux définir les modalités d'application des dispositions auxquelles il se substitue -, la commission des affaires sociales, comme la commission des finances, a adopté un amendement de suppression de cet article. (M. Chérioux applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, si nous pouvons faire en sorte qu'un affichage politique représente, en plus, un véritable progrès social, pourquoi nous en priver ? Le problème est réel, c'est un problème de fond, et il a fait l'objet de véritables discussions.
Il arrive que des personnes ayant commencé à travailler très jeunes soient au chômage de longue durée alors qu'elles ont déjà cotisé plus de quarante ans. Il nous faut trouver un moyen de leur éviter d'être éternellement tributaires des minima sociaux, compte tenu de leur parcours professionnel. Je suis moi-même élu d'un bassin d'emploi où les travailleurs du textile ayant commencé à travailler à treize, quatorze ou quinze ans sont nombreux, et je puis vous assurer qu'il s'agit là d'une question sociale brûlante.
Nous avons donc trouvé une solution, que certains disent inutile. Non ! Elle n'est pas inutile ! Elle élargit un droit à des personnes qui jusqu'alors ne pouvaient pas en bénéficier et qui se débattaient dans l'accumulation des dispositifs. Elle représente donc une simplification. Pour d'autres personnes, au contraire, elle sera un droit nouveau.
Quant au maintien ou non du droit à la CMU, il faut bien comprendre que, dès lors que les allocataires accèdent, personnellement, à un revenu de base de 5 750 francs, la question ne se pose plus : ils ne relèvent plus du dispositif de la CMU.
Vous m'avez interrogé sur les effets d'appel et de sortie du dispositif, en me reprochant l'imprécision des fourchettes. Je ne rappellerai pas d'autres débats au cours desquels on a entendu des chiffres parfois tout à fait fantaisistes. J'attirerai cependant votre attention sur un point : lorsqu'une mesure comme celle que nous proposons est arrêtée, avant qu'elle ne s'applique pleinement, il faut le temps que les intéressés se rendent compte qu'ils sont concernés et fassent les dossiers de demande : cela prend quelques mois.
Inversement, et heureusement, il y aura ceux qui après en avoir bénéficié, accéderont à la retraite à laquelle leur âge leur donnera désormais droit et qui sortiront du dispositif.
La fourchette que nous avons indiquée tente de tenir compte de l'écart possible entre le niveau initial du dispositif, sa crête et le niveau auquel il est vraisemblable qu'il se maintiendra au fil des années. Elle intègre donc l'effet d'appel et l'effet de sortie.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-27 et II-15.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Nous avons découvert avec une certaine surprise l'amendement n° II-15, présenté par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Nous avons ensuite découvert l'amendement n° II-27 de la commission des finances, qui est identique.
Nous nous étonnons. En effet, la mesure proposée par l'article 70 bis est une mesure véritablement sociale, attendue par de nombreux chômeurs âgés. Notre rapporteur indique d'ailleurs, « sur le fond, [...] partager le souci du Gouvernement et de l'Assemblée nationale d'améliorer la situation de ces chômeurs en fin de droits ayant quarante années de cotisations d'assurance vieillesse ».
Il est infiniment regrettable qu'il se laisse arrêter ensuite par d'autres considérations, peut-être - je m'interroge - plus politiciennes que sociales.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. Il est vrai que le rapport a été présenté à la commission avant la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, ce qui nous a privés des informations communiquées à nos collègues députés.
Aujourd'hui, nous savons que cette allocation équivalent retraite permettra aux salariés concernés de bénéficier d'une somme correspondant au cumul de l'allocation de solidarité spécifique majorée et de l'allocation spécifique d'attente, soit 7 550 francs par mois. Le nouveau plafond de ressources sera de 9 000 francs au lieu de 6 013 francs pour une personne seule, et de 13 000 francs au lieu de 9 449 francs pour un couple, ce qui représente une très nette réévaluation.
Cette allocation sera prise en charge par le fonds de solidarité. Il convient donc que le législateur lui donne une base légale dans la présente loi de finances.
Le groupe socialiste est particulièrement heureux de pouvoir contribuer, par son vote, à ce progrès attendu par nombre de gens modestes.
Bien entendu, il ne peut que s'agir d'un premier pas avant que la question des retraites ne soit mise à plat sous tous ses aspects : durée de cotisations, âge et taux de remplacement, pénibilité du métier exercé.
Le Conseil d'orientation des retraites a remis son rapport, et le Premier ministre a pris des engagements. Nous espérons pouvoir nous saisir bientôt de cette question dans les conditions les plus favorables aux salariés.
Dans l'immédiat, nous voterons contre l'amendement de suppression de la commission.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je voudrais d'abord souligner que qualifier de « carotte » la disposition que visent à supprimer les présents amendements n'est pas très correct. C'est faire bien peu de cas de la forte attente sociale des salariés qui travaillent depuis des années dans des conditions extrêmement difficiles, qu'ils soient 50 000, ou 100 000, ou un nombre compris entre les deux, et c'est tenir leur vécu pour peu de chose !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, et dans des conditions très pénibles !
M. Roland Muzeau. Cela étant, venons-en à la question de fond.
Oui, monsieur le rapporteur pour avis, l'Assemblée nationale a été le théâtre d'un débat animé au sein de la majorité plurielle. Mais, j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici même, le temps des majorités « godillots » est terminé, avant même d'avoir commencé pour nous. (Sourires.) C'est tout à notre honneur d'avoir un débat franc, constructif, qui débouche soit sur des compromis, soit sur des accords parfaits, soit sur des désaccords : c'est la vie politique, c'est la démocratie qui s'exerce au sein même d'une majorité. C'est là une preuve d'honnêteté donnée à nos électeurs respectifs, donnée aux Français.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Roland Muzeau. Le parti communiste français revendique l'accès à la retraite à soixante ans pour tous les salariés qui ont cotisé plus de quarante ans. Tel est l'objet de la proposition de loi que vous avez discutée et qui n'a pas été retenue. Nous l'avons bien évidemment regretté, et nous continuons à le déplorer.
Cela étant, la disposition en débat est somme toute positive, car, je le rappelle, elle concerne de 50 000 à 100 000 personnes, et il est profondément injuste d'en demander la suppression. Je ne doute pas que l'Assemblée nationale la rétablira, mais notre assemblée ne se grandit pas à rejeter ainsi les aspirations fortes de salariés qui ont travaillé durant toute leur carrière dans des conditions extrêmement pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous avais posé deux questions auxquelles je n'ai pas l'impression que vous ayez répondu.
Je vous les rappelle.
Les bénéficiaires du RMI relèveront-ils toujours de la CMU lorsqu'ils basculeront dans la nouvelle allocation équivalent retraite ? Par ailleurs, lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a déclaré que l'allocation équivalent retraite serait dégressive. Pouvez-vous nous expliquer les raisons et les modalités de cette dégressivité ?
Si vous ne pouvez pas répondre tout de suite, ce que je regretterais, peut-être pouvez-vous vous engager à le faire rapidement par écrit ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai relevé dans l'intervention de M. Muzeau le mot « compromis », et c'est bien de cela qu'il s'agit.
Lors de la discussion sur l'épargne salariale, nous avons eu l'occasion d'évoquer ensemble le problème des retraites. Je n'ai pas senti alors la même ouverture d'esprit ni le même enthousiasme qu'aujourd'hui à mettre en place une mesure forte, à engager un débat fort et à parvenir à une solution.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu des informations dont elle dispose, la commission des finances maintient un avis défavorable.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je croyais, monsieur le rapporteur, avoir répondu à vos questions. Mais sans doute n'ai-je pas été assez précis !
J'ai déjà exposé que, à partir du moment où les bénéficiaires du RMI accèdent à un niveau de revenus supérieur au plafond de la CMU, il était bien évident qu'ils n'en relevaient plus.
Quant à la règle de la dégressivité, elle recouvre le fait que si, dans un couple, l'un des conjoints perçoit déjà une retraite, l'allocation versée est fixée de telle sorte que les revenus du couple ne dépassent pas le seuil de 13 000 francs. La dégressivité est donc un simple « calage ».
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-27 et II-15, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 70 bis est supprimé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi.

II. - SANTÉ ET SOLIDARITÉ

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la discussion d'un budget important tant par ses objectifs que par les sommes en jeu : 14,8 millions d'euros destinés à conduire en 2002 un certain nombre d'actions.
Depuis 1997, le budget de la santé et de la solidarité a augmenté d'un tiers. Si nous ne contestons pas le bien-fondé de cette augmentation considérable, nous pouvons cependant nous interroger quelques instants sur l'utilisation passée de ces sommes.
Je n'accumulerai pas les chiffres, monsieur le ministre ; je souhaite simplement examiner la situation et dresser quelques constats.
Premier constat : jamais autant d'argent n'aura été consacré aux minima sociaux, alors que jamais depuis les Trente Glorieuses notre pays n'a connu une telle prospérité !
Deuxième constat, qui, d'ailleurs, apporte peut-être un début d'explication au premier : les charges de fonctionnement de votre ministère - ou, plus exactement, du ministère de Mme Guigou, mais je considère qu'aujourd'hui vous le représentez - ont considérablement augmenté.
Vous savez que, sur l'initiative du Sénat notamment, des agences pourvues de moyens très importants, tant sur le plan budgétaire que sur le plan des effectifs, ont été mises en place. On aurait pu penser que le ministère de la solidarité et de la santé transférerait des moyens à ces agences. Or il s'avère que les moyens se sont ajoutés.
Puisque je parle du fonctionnement, monsieur le ministre, je relève que les moyens en personnel de l'administration centrale ont considérablement augmenté depuis 1997 puisqu'ils ont connu une hausse de 16 %, alors que ceux des services déconcentrés n'ont augmenté que de 5 %. Or ce sont les personnels des services déconcentrés qui sont sur le terrain, dans les administrations, auprès du public et de ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'aide. Ce n'en sont pas moins les effectifs de l'administration centrale qui ne cessent de gonfler !
Le budget de la santé et de la solidarité est un budget exceptionnel, en constante augmentation : les minima sociaux augmentent, les frais de fonctionnement de l'administration centrale augmentent... Bref, il vous faut trouver des moyens financiers supplémentaires.
Vous n'avez que deux solutions : transférer certaines charges soit vers d'autres administrations ou à l'intérieur de votre propre administration, soit - et c'est, hélas ! la solution que vous avez choisie - vers la sécurité sociale et les collectivités locales.
Ces transferts aux collectivités locales ont été évoqués dans le cadre d'autres projets de budget. Dans votre domaine de compétence comme ailleurs, monsieur le ministre, ils risquent de déclencher le fameux effet de ciseaux. Et je ne parle pas des difficultés que vous avez rencontrées pour trouver les financements des encore plus fameuses 35 heures, qui ont aussi beaucoup occupé nos débats et qui contribueront à augmenter considérablement le déficit de la sécurité sociale.
Votre politique, monsieur le ministre - celle de Mme Guigou - se caractérise donc par de nombreux transferts, et par toutes sortes d'opérations de gestion que la commission des finances a dénoncées.
Il y a aussi des dysfonctionnements, et je voudrais insister tout particulièrement sur un dossier d'une grande importance pour nos hôpitaux, notamment dans les départements et les régions, celui du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO.
Les subventions de ce fonds sont indispensables pour restructurer nos hôpitaux. Hélas ! les démarches administratives freinent considérablement le déblocage des crédits. Ainsi, vous proposez aujourd'hui d'augmenter les crédits alors même que des crédits déjà inscrits au FIMHO ne sont pas encore consommés !
Monsieur le ministre, je regrette d'avoir à vous adresser ces observations que j'aurais souhaité faire à Mme Guigou - c'est cependant avec plaisir que nous vous accueillons ! ( M. le ministre délégué sourit.) Nous aurions de même souhaité poser nos questions à Mme Guigou, d'autant que nous les lui avons déjà posées à plusieurs reprises et qu'à ce jour elle ne nous a toujours pas répondu !
Si elle avait été présente, je lui aurais dit que, lorsque nous l'interrogeons c'est non pas pour la mettre en difficulté, mais pour essayer de comprendre, car, quand on comprend, on est en général plus compréhensif. Hélas ! nous n'avons toujours pas de réponse...
Je prendrai deux exemples tirés du questionnaire budgétaire.
A la suite du contrôle de la Cour des comptes, nous avons interrogé Mme Guigou sur l'augmentation continue des crédits de la politique de communication du ministère : pas de réponse !
Nous l'avons interrogée sur la mission interministérielle de lutte contre la drogue, qui a fait l'objet d'un contrôle de M. du Luart : pas de réponse !
Cette situation est regrettable, car elle nous ôte toute possibilité de connaître ses arguments et de les commenter.
Mais j'en reviens au projet de budget : les dépenses indispensables toujours repoussées, les nouvelles demandes que générera certainement le retour du chômage, la hausse continue des minima sociaux, le taux de croissance qu'il faudra bien revoir à la baisse, tous ces éléments nous font craindre que l'avenir ne soit difficile.
Et, monsieur le ministre, nous pensons que cet avenir n'a pas été suffisamment préparé par votre gouvernement. En effet, quand tout va bien c'est qu'il faut préparer l'avenir en prévision de périodes plus difficiles. Mais je n'ai pas l'impression que le Gouvernement soit un adepte de La Fontaine...
On sait aussi - et ce n'est pas M. le président de la commission des finances qui dira le contraire - que, compte tenu de la situation générale des finances de la nation, il faut plus que jamais contrôler la dépense publique et veiller à son utilité : chaque franc dépensé doit être un franc efficace.
Priorité doit donc être donnée aux dépenses en faveur de ceux de nos compatriotes qui ont le plus besoin d'aide. Inutile de doter de moyens supplémentaires des administrations centrales déjà bien pourvues !
Mais, d'après l'expertise que nous avons pu conduire, il semble bien, monsieur le ministre, que le ministère de la santé et de la solidarité n'ait pas d'outils de gestion modernes.
La loi organique relative aux lois de finances adoptée sous l'impulsion, notamment, du président de notre commission des finances sera prochainement mise en oeuvre, mais votre ministère n'a pas encore, si nos renseignements sont exacts, commencé à étudier le sujet ! Vos services ne disposent pas des outils de gestion et de prévision performants qui leur seront nécessaires pour se préparer à cette nouvelle « constitution » financière, à laquelle vous devrez pourtant, comme les autres, vous soumettre.
J'en viens, monsieur le ministre, à des aspects plus techniques, que je souhaite aborder sous l'angle des objectifs recherchés, car la question est bien de savoir à quoi l'argent ponctionné aux Français doit être utilisé en matière de santé et de solidarité.
Vous le savez, monsieur le ministre, chaque jour dans notre pays, 1 000 personnes ou meurent du cancer ou apprennent qu'elles sont touchées par cette maladie. Le Gouvernement a-t-il fait de celle-ci une priorité nationale ? Tous les moyens que nous pourrions mettre en oeuvre sont-ils consacrés à la recherche et au dépistage ? Je crains que non !
Personne en effet ne saurait prétendre que, dans nos départements, les hôpitaux croulent sous les moyens en personnels ou les moyens financiers, techniques, immobiliers... Il n'est que de voir les nombreuses manifestations - et les rallonges budgétaires accordées en catastrophe qui leur font suite - pour en prendre conscience.
Quant aux médecins, ils ne bénéficient pas de conditions de travail et de rémunération en relation avec la difficulté de leurs études et le dévouement dont ils font preuve chaque jour. Je pense là tout particulièrement aux médecins généralistes, qu'ils exercent en ville ou en milieu rural.
Je veux insister tout particulièrement sur le thème de la solidarité, parce que je crois que l'on se trompe dans notre pays.
La solidarité, monsieur le ministre, consiste-t-elle à favoriser prioritairement certaines catégories sociales qui veulent prendre leur retraite avant les autres, ou encore à mobiliser des moyens financiers colossaux pour la réduction du temps de travail ? Ne devrait-elle pas plutôt être orientée vers ceux qui en ont vraiment besoin, vers les exclus de la société qui n'en bénéficient pas aujourd'hui ? Je pense évidemment aux handicapés qui attendent une place en établissement, et tout particulièrement aux handicapés qui vieillissent de plus en plus nombreux, et c'est heureux, mais dont les parents s'inquiètent pour l'avenir.
J'ai cependant le sentiment, monsieur le ministre, que ces priorités n'en sont pas pour les pouvoirs publics. Je constate sur le terrain, comme beaucoup d'élus locaux, que, s'il arrive que la situation d'une personne en difficulté s'améliore, c'est plus souvent grâce aux associations qui se dévouent mais qui, pour financer leur action, sont obligés de quêter sur la voie publique !
Tous les moyens mis en oeuvre ont, finalement, très peu contribué à apaiser la douleur, à renforcer la solidarité et la fraternité, et ils n'ont sûrement pas permis de combattre suffisamment la maladie.
Monsieur le ministre, si l'on veut privilégier les solidarités essentielles, il faudra changer complètement de politique. C'est pourquoi - et cela ne vous étonnera pas - la commission des finances propose le rejet des crédits de la santé et de la solidarité.
Puisque nous avons accepté de nous plier à la procédure expérimentale des questions-réponses pour rendre nos débats un peu plus vivants, je vais, monsieur le ministre, vous poser cinq questions qui se rattachent au corps de mon propos.
Premièrement, comment expliquez-vous que, malgré le recul du chômage et la croissance économique, les crédits finançant les minima sociaux ne cessent de progresser ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous expliquer pourquoi les crédits du FIMHO ne sont pas employés en totalité et, dans le même temps, pourquoi il est aussi difficile de faire aboutir les dossiers relevant de ce fonds ?
Troisièmement - et c'est une question que j'ai déjà posée à Mme Guigou, mais qui est restée sans réponse - comment le protocole hospitalier de mars 2000 sera-t-il financé au cours de l'exercice 2002 ?
Quatrièmement, de la même façon, comment la prime de Noël, qui est une bonne mesure, sera-t-elle financée ?
J'en viens à ma cinquième question, que je vous pose en fait à la demande de notre collègue Michel Mercier.
Si le transfert d'une partie de la charge de l'APA aux départements a donné lieu à débat, le financement des 35 heures dans le secteur hospitalier public risque d'en faire autant, bien que les choses se passent de manière un peu plus discrète. Il semble en effet que, parmi les 45 000 emplois dont vous avez annoncé la création pour faire face à la réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier public, une bonne part - de mémoire, environ 8 000 - devrait être prise indirectement en charge par les départements.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur cet autre transfert de charges ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de la clarté de vos questions... et de vos critiques !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cela permet un dialogue direct !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. En effet ! Je vais donc tenter de vous répondre directement !
S'agissant tout d'abord de la concomitance de la hausse des dépenses liées aux minima sociaux et de la réduction du chômage, je vous sais gré, monsieur le rapporteur spécial, d'avoir reconnu que, malgré un infléchissement de la courbe sur les six derniers mois, le nombre des demandeurs d'emploi était en recul depuis quelques années. Si je déplore comme vous l'augmentation persistante des dépenses consacrées aux minima sociaux, dont l'existence est nécessaire, celle-ci ne sera pas, à la différence de ce qui avait été constaté pour les précédents exercices, la cause principale de la progression des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Cela étant, l'écart se creuse-t-il, dans notre pays, entre ceux qui sont à l'écart du progrès de la société et ceux qui bénéficient de cette évolution générale et y contribuent ? Je le crois, monsieur le rapporteur spécial, et cela peut donc expliquer la hausse des dépenses liées aux minima sociaux, qui connaît d'ailleurs un ralentissement. Ce dernier a permis au Gouvernement de dégager des marges de manoeuvre pour élaborer ou poursuivre l'application d'autres politiques, en particulier les programmes de santé publique, dont la dotation, vous l'avez souligné, progresse de près de 60 %.
En outre, le nombre des bénéficiaires du RMI a baissé en métropole depuis plus d'un an, comme cela avait d'ailleurs été relevé, me semble-t-il, lors du précédent débat budgétaire. La réduction de la dotation correspondante traduit cette évolution, alors même que sont pris en compte la prévision de revalorisation de l'allocation, la poursuite de l'alignement du montant du RMI servi dans les départements d'outre-mer sur celui qui est en vigueur en métropole et l'allongement de un à deux trimestres de la période de cumul autorisé du minimum avec les revenus d'activité, dans l'optique du programme de lutte contre les exclusions.
En ce qui concerne l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés, elle reflète notre souci commun de ces personnes, dont vous avez d'ailleurs abondamment parlé, monsieur le rapporteur spécial.
Des progrès sont certainement nécessaires dans la gestion et le contrôle des mécanismes d'attribution au sein des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
A cet égard, lors du débat à l'Assemblée nationale, nous avons annoncé un important processus de rénovation de ces commissions, qui prendra en compte plusieurs des recommandations figurant dans le rapport établi par la mission d'évaluation.
S'agissant toujours des minima sociaux, le financement de la couverture maladie universelle est-il une dépense excessive ou nécessaire ? A l'époque où nous avons décidé de créer la CMU, il existait des aides médicales dont le montant était variable et qui relevaient des collectivités locales, notamment des villes.
M. Jean Chérioux. Non, des départements !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Des départements, oui, mais des villes aussi. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Chérioux, que la carte santé était un dispositif mis en place par les villes.
M. Jean Chérioux. Non, il relevait des départements !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Par conséquent, l'instauration de la couverture maladie universelle, qui a bien entendu coûté très cher, au titre d'un autre budget, était-elle une bonne initiative ?
Je pense pour ma part que cette mesure représente un progrès. Le seul fait d'avoir été amené à la prendre démontre que certains de nos concitoyens éprouvent de grandes difficultés à accéder aux services de santé, tout n'étant d'ailleurs pas réglé à cet égard. Pourtant, nous disposions d'un système d'assurance-maladie que beaucoup nous enviaient ; mais cela n'était pas suffisant...
En effet, quand on commence, dans ce pays, à « dériver », à s'écarter du mouvement général de la société qui, je le crois tout de même, nous procure à tous davantage de bien-être, les conséquences sont très graves et le décalage avec le reste de la population s'accroît très vite. Ce constat explique l'effort que nous avons consenti.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué Je vous en prie, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. S'agissant de ce thème essentiel des minima sociaux, monsieur le ministre, je ne remets pas en cause, pour ma part, le fait que nous devions faire preuve de solidarité à l'égard de nos concitoyens les plus démunis : là n'est pas la question.
La question est de savoir pourquoi, en période de croissance et d'amélioration de la situation de l'emploi, les dépenses consacrées aux minima sociaux continuent d'être aussi élevées. Ce paradoxe est au coeur du débat budgétaire concernant le ministère de l'emploi et de la solidarité.
En effet, je crois que l'on ne s'attaque pas aux racines du mal. Que constate-t-on ? Lorsque des emplois sont créés, les personnes immédiatement « employables », comme on dit, sont embauchées...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. ... et celles qui se trouvent au bord de la route y restent. C'est ainsi que l'on dénombre simultanément 2,3 millions de chômeurs et 800 000 offres d'emploi non satisfaites.
Or il me semble qu'il serait préférable que les crédits très importants alloués à la solidarité soient utilisés pour s'attaquer aux racines du mal, c'est-à-dire redéployés en faveur de l'insertion par l'emploi et par la formation. Cela nous ramène presque à la discussion du précédent budget, mais ce point est à mon sens très important.
Cette question doit être posée, car dépenser autant d'argent sans réussir à réinsérer nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi est désolant. Devons-nous nous contenter de leur distribuer des allocations, que ce soit au titre du RMI ou de la CMU ? Je voulais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que nous devrions orienter notre action au profit de ceux qui en ont le plus besoin, en l'occurrence, s'agissant du domaine de l'emploi, ceux qui sont dépourvus de formation et complètement à l'écart de la société.
Nous devons concentrer les moyens sur cet objectif, car sinon le chômage cessera de régresser. Notre pays continuera de compter 2 millions de chômeurs « structurels », même si je n'aime pas ce terme, et, parallèlement, 1 million d'offres d'emploi non satisfaites. La tâche du ministère de la solidarité et de l'emploi est de parer à cette menace.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne souhaite pas faire preuve d'esprit de contradiction à votre encontre, monsieur le rapporteur spécial, mais tous les gouvernements ont tenté d'appliquer la recette que vous préconisez, et aucun, jusqu'à présent, n'y est vraiment parvenu. J'ai l'impression de participer à un jeu de rôles, si vous me permettez cette image !
Il serait bien entendu préférable que nous puissions insérer tout le monde par le biais de l'emploi, mais ce n'est pas si simple ! Si cela l'était, nous l'aurions fait depuis longtemps !
En ce qui concerne les minima sociaux, j'ai évoqué la régression du nombre des bénéficiaires du RMI, mais j'aurais pu citer d'autres exemples d'une telle évolution. A cet égard, vous ne souhaitez pas, bien sûr, une diminution des dépenses liées à l'allocation aux adultes handicapés, même si la meilleure façon d'aider ces personnes serait, je suis bien d'accord avec vous sur ce point, de les insérer dans le monde du travail.
Sur ce plan, nous avons accompli des efforts considérables. Ainsi, nous avons assorti d'un suivi individuel le programme de recherche d'emploi de l'ANPE et nous avons accompagné pendant plus d'une année les publics concernés, en particulier les jeunes, dans cette recherche d'emploi personnalisée. Les résultats ont d'ailleurs suivi - vous le reconnaissez vous-même - puisque le nombre de chômeurs a baissé de manière très importante, mais, pour les cas les plus difficiles, nous ne sommes pas au bout de nos peines et vous le savez très bien, monsieur le rapporteur spécial !
Cependant, au cours de ces six derniers mois où la courbe du chômage s'est quelque peu redressée, les jeunes ont trouvé assez facilement des emplois, ce qui signifie que l'impulsion que nous avons donnée continue de produire ses effets. Je ne prétends pas que tout soit parfait, car il est certain qu'un chômage important subsiste dans notre pays, en dépit de nos efforts. Si nous établissons une comparaison avec d'autres pays à cet égard, nous pouvons estimer que les progrès sont réels, même s'ils demeurent encore insuffisants.
S'agissant maintenant du FIMHO, je rappelle, monsieur le rapporteur spécial, qu'il a pour objet de financer des projets d'établissements publics et privés sous dotation globale et de contribuer ainsi à l'adaptation de l'offre de soins en soutenant les opérations d'investissement qui s'inscrivent dans des objectifs régionaux d'amélioration, d'harmonisation et de modernisation de l'offre : rapprochement entre plusieurs établissements de santé, modernisation d'établissements qui s'engagent dans des activités diverses ou dans un processus de modifications structurelles concernant notamment la psychiatrie ou les urgences, y compris d'ailleurs dans le secteur privé.
Depuis trois ans, le FIMHO a ainsi permis d'engager 232 opérations de recomposition de l'offre hospitalière, qui ne sont pas toutes achevées, car des années de négociation sont parfois nécessaires pour trouver un accord entre les diverses spécialités.
Quoi qu'il en soit, les différents acteurs du système de santé soulignaient la nécessité d'une reprise de l'investissement en faveur du patrimoine hospitalier. Sur quatre ans, le montant des autorisations de programme affectées s'élèvera à 354 millions d'euros, soit 2 327 millions de francs, permettant de financer 280 opérations, ce qui n'est pas rien ! La part des crédits de paiement déjà délégués ne traduit aucunement la désuétude des opérations envisagées, qui sont d'ailleurs pilotées par les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH. L'exécution des programmes est parfois un peu lente : en 1998, elle a été tributaire, d'une part, des délais de mise en oeuvre de la sélection des opérations, qui sont en voie de réduction pour 2002, et, d'autre part, des délais de préparation puis d'instruction des dossiers techniques.
Enfin, le champ d'intervention du FIMHO a été élargi, à la suite de la conclusion du protocole du 14 mars 2000, au financement des opérations internes d'investissement hospitalier, ce qui a empêché l'affectation des autorisations de programme avant la fin de l'année. Dans ces conditions, le délai d'affectation entraîne évidemment des répercussions sur le délai de délégation, donc sur l'engagement et le déroulement des travaux.
S'agissant du FIMHO 2000, le Gouvernement a décidé d'accélérer les notifications de programmes, qui seront connues des agences régionales avant la fin du premier trimestre de 2002. Ainsi, en ajoutant près de 100 millions d'euros à l'occasion du collectif de printemps de 2000 et en décidant, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale en première lecture, d'augmenter encore de 152 millions d'euros les crédits, le Gouvernement manifeste clairement sa volonté de poursuivre la mise en oeuvre de cette politique en 2002.
A propos du protocole hospitalier et du FIMHO, je voudrais indiquer au passage que seulement deux manifestations se sont déroulées aujourd'hui devant mon ministère.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Seulement deux ? ( Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Vous me reprochez - en termes très mesurés, il est vrai, monsieur le rapporteur spécial, et je vous en remercie - à la fois de dépenser trop et de ne pas dépenser suffisamment. Il faudrait savoir !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je n'ai pas dit que vous ne dépensez pas suffisamment !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Il faut dépenser mieux !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Si je le pouvais, je dépenserais beaucoup plus encore !
En ce qui concerne le plan cancer, j'y ai fait allusion hier à l'Institut Gustave-Roussy, à l'occasion d'une visite assez agitée. En effet, on peut proposer un plan cancer sans que cela satisfasse quiconque pour autant !
En outre, j'ai rencontré ce matin pour la première fois les spécialistes du cancer de la prostate.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tournez-vous vers ces messieurs, monsieur le ministre ! ( Rires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je me suis également intéressé au cancer du sein et au cancer du col de l'utérus, madame Beaudeau, et j'en suis assez fier. Cependant, ce n'est bien sûr jamais assez.
S'agissant du cancer de la prostate, nous allons élaborer un plan, dont l'exécution sera coûteuse. J'ai décidé de prendre quand même cette initiative - j'ignore si ce sera en janvier ou en février - parce que c'est nécessaire. Mais comment financera-t-on ce plan ? Les chiffres de la mortalité due au cancer que vous avez avancés sont proches de la vérité, monsieur le rapporteur spécial. On compte 750 000 cancéreux en France et nous devons bien entendu lutter contre cette affection, c'est-à-dire mettre un plan en oeuvre, comme cela a été fait pour le cancer du sein sur l'ensemble du territoire et comme cela le sera, l'année prochaine, pour les cancers colorectaux, dans une dizaine de départements.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne serai plus très long, monsieur le président, mais la question est d'importance. Dès que je commence à dire des choses intéressantes, on veut m'interrompre ! (Rires.)
De tels plans coûtent horriblement cher, mais le ministre grec de la santé m'a annoncé ce matin que le modèle français était adopté en Grèce, où seront mises en place des agences de santé et des agences régionales de l'hospitalisation, à l'imitation de la réforme que nous avons entreprise.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. C'est l'organisation mise en place par M. Juppé, cela !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est une organisation que nous avons bien améliorée, sans l'avoir entièrement corrigée. Mais nous l'avons bien améliorée ! (Nouveaux rires.)
Ce matin, le ministre britannique Alan Milburn a demandé à la France d'admettre les malades en provenance de son pays, dont le voyage aller et retour sera désormais remboursé. Notre système de santé est formidable, même s'il ne sera jamais suffisant. Voilà quelques années, nous étions limités par la technique, en particulier dans le domaine du cancer. Si j'avais le temps, je vous raconterais l'histoire du cancer de la prostate, pour lequel les choses ont traîné pendant trois ou quatre années car on avait seulement une vision chirurgicale, qui était fausse, je crois.
Aujourd'hui, nous sommes limités non par la technique mais par les finances. Les dépenses de santé, qui ne se limitent pas seulement aux 722 millions de francs de l'assurance-maladie, s'élèvent à 1 000 milliards de francs par an. C'est beaucoup et ce n'est pas assez. Je veux bien que l'on harmonise. Cependant, je voudrais que les Français sachent que, à chaque fois, entre l'offre et la demande, il faut procéder à un ajustement. Il convient de pouvoir le faire presque automatiquement dès lors que - et nous le ferons en juin au cours d'un débat de santé publique - les lignes de santé publiques seront adoptées. Trois mois après, on parlera des finances. Peut-être alors pourrons-nous financer.
Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu aux autres questions qui m'ont été posées.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis dans l'obligation d'essayer de faire respecter une règle du jeu qui avait été fixée pour assurer la fluidité du débat budgétaire. J'en suis conscient, cela représente des inconvénients et peut conduire notamment un ministre ou un rapporteur à interrompre son propos alors qu'il livre un certain nombre d'informations à notre assemblée.
Je m'efforce de faire la part des choses, sachant que, lors des treize réponses que vous pourrez encore apporter, monsieur le ministre, vous aurez l'occasion de fournir les compléments d'information que cet hémicycle attend.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, vous faites très bien la part des choses.
Je veux remercier M. le ministre d'avoir accepté de participer à la discussion rénovée de ces fascicules budgétaires et je tiens à mon tour à le rassurer : le nombre de questions est tel qu'il pourra apporter des précisions supplémentaires sur les points qu'il a déjà évoqués.
Monsieur le ministre, vous vous prêtez de bonne grâce à ce débat et c'est donc très bien parti. Je tenais à le préciser pour l'ensemble des intervenants.
M. le président. Je note avec satisfaction les circonstances atténuantes que vous voulez bien accorder aux uns et aux autres, monsieur le président Lambert !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité. Monsieur le ministre, nous avons en effet engagé un dialogue et nous souhaiterions tous, en particulier les membres de la commission des affaires sociales, qu'il se poursuive. Pour ma part, j'ai envie de vous poser des questions qui se rapportent directement à la santé mais que je n'avais pas prévu d'aborder dans mon propos. Ainsi, monsieur le ministre, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui l'imagerie médicale en France vous paraît-elle satisfaisante ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Non !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Dans ce domaine, notre pays se classe en effet avant-dernier devant la Turquie. Je n'en dirai pas davantage car ce point sera sans doute évoqué par un certain nombre d'orateurs d'ici à la fin de la discussion.
Pour examiner les crédits relatifs à la solidarité pour 2002, la commission des affaires sociales a adopté la grille d'analyse que notre collègue Jean Chérioux avait utilisée depuis 1997. Je tiens d'ailleurs à le remercier très chaleureusement de m'avoir fait confiance pour poursuivre le chemin qu'il a tracé depuis cinq ans.
Face à l'immensité des besoins dans les domaines de la lutte contre les exclusions et de la solidarité envers les personnes âgées ou handicapées, la question est non pas de savoir si ce budget permet de dépenser plus, mais de contrôler si le ministère se donne les moyens de dépenser mieux.
Une fois de plus, la commission des affaires sociales a constaté que ce budget se caractérisait par un certain attentisme et ne répondait pas aux difficultés à venir. C'est pourquoi, je le dis très clairement, elle a émis un avis défavorable sur les crédits relatifs à la solidarité pour 2002.
Concernant le volet relatif à la lutte contre les exclusions, il est vrai que, cette année, une économie nette de 470 millions de francs a pu être réalisée sur le revenu minimum d'insertion - RMI - grâce à une conjoncture plus favorable qui a permis une baisse du chômage de longue durée, vous l'avez dit, monsieur le ministre. Toutefois, cette économie paraît encore fragile au regard des sommes globalement en jeu car le RMI représente au total une dépense de près de 46 milliards de francs. L'économie annoncée est d'autant plus incertaine que nous savons déjà que la prime de fin d'année, qui n'est pas inscrite dans ce budget, mais qui a pourtant été confirmée par le Premier ministre avant-hier, représentera près de 2 milliards de francs de dépenses nouvelles.
S'agissant de la couverture maladie universelle, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement table sur une économie de 450 millions de francs en 2002 sur ce dispositif alors que, on le sait, la question de l'effet de seuil pour les personnes titulaires d'un minimum social, tel que le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés, qui dépasse d'à peine plus de cinquante francs le seuil pour obtenir la couverture complémentaire, n'est toujours pas résolue.
Enfin, les marges de manoeuvre qui sont apparues semblent minces au regard de l'explosion des besoins constatée depuis deux ans en matière d'hébergement d'urgence des personnes étrangères en situation précaire.
Nous avons pris acte que le Gouvernement tentait enfin de répondre à cette question en prévoyant le financement de places nouvelles en centres d'accueil et d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile. Toutefois, on peut s'étonner que les sommes consacrées à ce poste soient près de cinq fois plus importantes que celles qui sont réservées aux centres d'hébergement et de réinsertion d'urgence traditionnels, qui sont pourtant confrontés au même problème, et donc à des risques de saturation depuis deux ans. Dernièrement, des reportages télévisés ont montré combien ces centres rencontrent des difficultés.
Ma première question est la suivante : dans la mesure où les personnes étrangères en situation précaire actuellement hébergées en CHRS - centre d'hébergement et de réinsertion sociale - n'iront pas, à l'évidence, rejoindre massivement les centres d'accueil spécifiques pour demandeurs d'asile, et ce pour des raisons pratiques ou juridiques, est-il envisagé en cours d'année de permettre des virements internes de crédits permettant de répondre aux besoins des CHRS à partir des sommes exclusivement réservées aux demandeurs d'asile ?
S'agissant de l'action relative aux personnes handicapées, nous avons pris acte de la poursuite du plan triennal d'action décidé en janvier 2000, qui vient conforter les crédits prévus au titre du plan précédent. Mais la mise en place de crédits supplémentaires, permise par une conjoncture favorable, fait l'impasse sur la question des dysfonctionnements des dispositifs actuels qui semblent avoir atteint leurs limites. L'augmentation continue du nombre de titulaires de l'allocation aux adultes handicapés est symptomatique des dysfonctionnements des COTOREP qui ont largement ouvert le bénéfice de l'allocation à des personnes considérées comme affectées d'un handicap social ou encore à des victimes de troubles psychiques mal déterminés.
Vous avez fait allusion, monsieur le ministre, au fonctionnement des COTOREP. Elles aggravent les incapacités individuelles en privilégiant l'assistance, au lieu d'inciter à l'autonomie et à l'intégration. Elles ne peuvent prendre que des décisions binaires sans pouvoir assurer des modulations entre les différentes catégories de prises en charge ou permettre des aller et retour entre les divers modes d'accueil en fonction des différents âges de la vie. Enfin, leurs décisions ne sont nullement coordonnées et les COTOREP sont dans l'incapacité d'intégrer les conséquences financières des décisions qu'elles prennent.
Les COTOREP devraient être articulées dans le cadre d'un réseau homogène, sous l'autorité d'une agence unique assurant un vrai rôle de coordination. Il s'agirait notamment d'assurer une meilleure adéquation entre les besoins des personnes handicapées à prendre en charge et les places disponibles dans les institutions sociales et médico-sociales qui connaissent des phénomènes de saturation. Ces phénomènes sont aggravés par des dysfonctionnements comme celui que j'ai constaté et qui a conduit à créer un centre d'aide par le travail pour adultes autistes dont toutes les places sont loin d'être occupées. Autorisation : vingt places, occupation : cinq places !
Ma deuxième question est la suivante : dans le cadre de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 relative aux personnes handicapées, dont la préparation est annoncée - c'est la deuxième loi -, quelles sont les orientations du Gouvernement en matière de réforme des COTOREP ?
Monsieur le ministre, je pourrais vous citer bien d'autres exemples de dysfonctionnements de la COTOREP. Tout récemment encore, j'ai eu à en connaître un tout à fait gravissime que j'aurai peut-être l'occasion de vous exposer ici même.
Concernant toujours les personnes handicapées, l'une des clés de la réussite est de faciliter, pour ceux qui le peuvent, l'accès à la vie autonome. Pour cela, il est important que les personnes handicapées puissent accéder à des soins infirmiers à domicile. Outre le retard du projet de décret annoncé sur ce dossier, on ne peut que regretter, comme le font les associations de personnes handicapées, que les mesures envisagées ne prennent pas suffisamment en compte le droit à compensation que réclament les personnes handicapées.
De toute façon, la pénurie des infirmières exerçant à titre libéral, qui sera encore aggravée par les récentes mesures prises en matière de réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier, rend très difficile la vie des personnes handicapées, en particulier en milieu rural. Au-delà de la mise en place des sites pour la vie autonome, les personnes handicapées ont besoin d'un accès plus facile à des soins infirmiers sur tout le territoire.
D'où ma troisième question : quelles mesures entendez-vous prendre pour développer les soins infirmiers à domicile en faveur des personnes handicapées et, surtout, quels moyens financiers et humains entendez-vous mettre en place pour que le nouveau décret ne soit pas une simple coquille vide ?
Enfin, s'agissant du secteur social et médico-social pris en charge notamment par les départements, tous les observateurs ont le sentiment que les années 2000 et 2001 vont marquer la fin d'un cycle de modération des dépenses, et notre collègue M. Joyandet y a fait allusion tout à l'heure. A partir de 2002, sous les effets conjugués de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et de la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, les départements devront faire face à de fortes augmentations de dépenses. Ces dépenses nouvelles ne sont pas contestables quand elles sont utiles. En revanche, il est regrettable que, par imprévoyance, le Gouvernement prenne le risque d'aggraver une situation déjà tendue. A cet égard, on ne peut que regretter que ne soit toujours pas publié le décret relatif aux heures d'équivalence dans les chambres de veille alors même que la jurisprudence de la Cour de cassation tend à mettre à la charge des établissements des dépenses lourdes sur une base rétroactive.
Les services extérieurs de la direction du travail ne font qu'aggraver les choses lorsque des directeurs d'établissement se voient dresser des procès-verbaux alors même qu'aucune mesure n'est prise sur le plan réglementaire pour clarifier la situation.
Dans ce contexte, la décision prise dans le projet de loi de modernisation sociale de majorer le taux de l'indemnité de précarité charge encore la barque, si vous me permettez cette expression, des établissements qui ont traditionnellement recours à de nombreux contrats à durée déterminée.
Enfin, les conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail est mise en oeuvre dans le secteur hospitalier remettent en cause la perspective de la parité entre le médico-social et le secteur sanitaire, faisant courir le risque d'une remise en cause globale des accords qui avaient été conclus dans le secteur au cours de l'année 2000.
J'en viens à ma dernière question. Un amendement au projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale offre une chance au Gouvernement d'ouvrir la voie d'un véritable dialogue sur les conditions dans lesquelles sont examinés les accords collectifs devant la commission nationale d'agrément. Le Gouvernement devrait désormais présenter des orientations sur les évolutions de masse salariale pour l'année en cours. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous donnerez des instructions pour que le rapport qui sera présenté devant la commission nationale ne soit pas simplement un effet d'affichage mais réponde aux souhaits de tous les intervenants du secteur de disposer d'un état des lieux très précis sur l'ensemble des dépenses salariales à venir dans le secteur social et médico-social ?
Je vous remercie des réponses que vous apporterez à ces différentes questions. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur les crédits de la santé pour 2002.
Cette position se fonde principalement sur quatre griefs, qui me donneront l'occasion de poser autant de questions.
Premier grief, le financement des formations médicales et paramédicales se caractérise cette année par un désengagement financier de l'Etat. Les crédits consacrés à cette formation diminuent ainsi de 40 millions d'euros, soit une baisse de 30 %.
En réalité, cette diminution apparente cache deux opérations de débudgétisation massive aux dépens, une nouvelle fois, de l'assurance-maladie.
Ainsi, à compter de 2002, les dépenses des écoles de formation relevant d'un établissement public de santé et les dépenses liées aux stages pratiques des résidents seront supportées par l'assurance-maladie, via la dotation globale hospitalière.
Ces deux transferts représentent, au total, 61 millions d'euros - soit 400 millions de francs - de dépenses nouvelles pour l'assurance-maladie.
Pratique, hélas !, récurrente, la débudgétisation atteint cette année un niveau sans précédent, puisqu'elle concerne plus du quart - 27 % - du montant de l'agrégat « offre de soins » en 2001.
J'aimerais, par conséquent, monsieur le ministre - et ce sera ma première question - que vous nous expliquiez les raisons qui justifient, à vos yeux, cette débudgétisation.
Le deuxième grief que je souhaite soulever a déjà été évoqué par M. le rapporteur spécial. Or, monsieur le ministre, vous avez apporté à sa question une réponse qui ne me paraît pas tout à fait claire. C'est pourquoi je reviens sur ce point : l'aide aux investissements hospitaliers relève, en 2002, de la gesticulation politique.
Les crédits de la santé ont aussi pour vocation de financer le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, créé en 1998 et plus communément appelé fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, ou FIMHO.
Ce fonds se caractérise par une faible utilisation de ses crédits. Voilà quelques minutes, vous nous avez expliqué qu'en 1998 il s'agissait d'obtenir des délais pour opérer une sélection entre les opérations, qu'en 1999 des raisons techniques d'affectation justifiaient la non-utilisation des fonds. Pour 2000, quelles sont ces raisons ? En effet, sur les 2 milliards de francs qui ont été ouverts sous forme d'autorisations de programme de 1998 à 2001, seuls 282 millions de francs ont été effectivement dépensés sur la même période, soit 14 % des crédits votés par le Parlement.
L'arrêté du 21 mai 2001 a annulé 50 millions de francs d'autorisation de programme et 25 millions de francs de crédits de paiement sur les crédits du FIMHO, témoignant, en quelque sorte, du « succès » rencontré par le fonds.
Il convient, dès lors, de ne pas se laisser abuser par l'affichage d'autorisations de programme très importantes qui, comme toutes les « autorisations de programme dormantes », risquent de devenir, à brève échéance, des « autorisations de programme annulées ».
Le projet de loi de finances 2002 inscrivait, au titre du FIMHO, 300 millions de francs, mais zéro franc pour les crédits de paiement. Confronté à la « grogne » d'une partie de sa majorité plurielle, qui menaçait de ne pas voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a été contraint de mobiliser en urgence des moyens supplémentaires pour les établissements hospitaliers. Se refusant à augmenter la dotation hospitalière incluse dans l'ONDAM 2002, il a été obligé de recourir à des expédients en mobilisant les différents fonds hospitaliers existants.
Le Gouvernement avait, à ce titre, promis 1 milliard de francs supplémentaire pour le FIMHO. En réalité, cette promesse s'est traduite par l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement majorant les autorisations de programme à ce titre de 1 milliard de francs et les crédits de paiement de seulement 100 millions de francs, soit 10 % seulement.
A l'évidence, le Gouvernement n'a pas les moyens de sa politique : il n'affiche que 198 millions d'euros, soit 1,3 milliard de francs - la somme paraît plus importante en francs (Sourires) - pour l'hôpital. Pourtant, chacun en convient, les besoins en investissements hospitaliers sont considérables, comme en témoignent les retards que connaît notre pays en matière d'imagerie médicale.
Ma deuxième question, monsieur le ministre, est donc simple : comment pouvez-vous expliquer, plus précisément que vous ne l'avez fait tout à l'heure, pourquoi le Gouvernement n'a inscrit, pour le FIMHO, que 100 millions de francs en crédits de paiement, alors qu'il affiche, parallèlement, 1,3 milliard de francs d'autorisations de programme ?
Troisième grief, les crédits nécessaires au remplacement des personnels hospitaliers semblent avoir été une nouvelle fois oubliés. Vous n'avez pas eu le temps de répondre à ce sujet à M. le rapporteur spécial. Peut-être le trouverez-vous tout à l'heure !
Le protocole signé le 14 mars 2000 prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de personnels hospitaliers. Si ces crédits ont bien été inscrits dans le collectif de juin 2000, rien de tel n'avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 2001.
La somme nécessaire est donc finalement inscrite dans le projet de collectif pour 2001, qui vient d'être déposé au Parlement. Mais il sera trop tard pour la répartir en 2001. Or les personnels sont en place et les établissements doivent les payer, ce qui pose de graves problèmes de trésorerie aux gestionnaires hospitaliers.
En outre, persistant dans cette méthode, qui, du point de vue comptable, présente une certaine particularité, le Gouvernement n'a pas davantage inscrit dans ce projet de loi de finances les 2 milliards de francs dus au titre de l'année 2002. Une nouvelle fois, il faudra, en cours d'année, procéder par régularisation.
Donc, monsieur le ministre, ma troisième question est la suivante : pour quelle raison le Gouvernement a-t-il choisi de ne pas inscrire ces crédits en loi de finances initiale pour 2002 ?
Enfin, monsieur le ministre, dernier grief : le projet de budget consacré à la santé ne fait nullement mention du financement en 2002 du plan gouvernemental dit « Biotox ».
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah ! Il est arrivé !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Si 90 millions de francs sont bien inscrits dans le projet de collectif de 2001, qui vient d'être déposé au Parlement, aucun crédit n'était, jusqu'à ces dernières minutes, prévu dans le présent projet de loi de finances.
Le Gouvernement a, en réalité, choisi de faire supporter à l'assurance-maladie, qui sera déficitaire, rappelons-le, de près de 13 milliards de francs en 2002, l'essentiel de la charge financière liée au financement de ce plan. Il a ainsi fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoyant, à hauteur de 1,3 milliard de francs en 2001, le versement d'une contribution de la caisse nationale de l'assurance-maladie des travailleurs salariés au budget de l'Etat.
La commission des affaires sociales, monsieur le ministre, a, à cette occasion, dénoncé la confusion de l'action publique, qui fait peser le poids de la lutte contre le bioterrorisme sur la sécurité sociale. Elle a considéré, pour sa part, que cette lutte constituait pour le Gouvernement l'occasion unique d'affirmer l'existence d'un véritable budget de la santé publique correspondant aux missions régaliennes de l'Etat et distinct de celui de l'assurance-maladie.
Je voudrais, par conséquent, que vous nous expliquiez, monsieur le ministre - c'est ma quatrième question -, pour quelle raison l'Etat a été incapable d'assurer la prise en charge de cette mission régalienne que constitue le financement d'un plan de lutte contre le bioterrorisme. Quelques crédits semblent devoir être inscrits en toute dernière minute, mais ils sont bien loin du 1,3 milliard de francs qui est mis à la charge de la Caisse nationale de l'assurance-maladie.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces quatre questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je répondrai d'abord à M. Blanc sur les questions relatives aux minima sociaux et aux COTOREP.
La baisse du nombre des bénéficiaires du RMI a permis au Gouvernement non seulement de financer sans surcoût majeur l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus démunis en métropole, mais aussi d'aligner, comme je l'ai dit tout à l'heure, le montant du RMI dans les départements d'outre-mer sur les montants servis en métropole et de mettre enfin un terme à une inégalité majeure.
Ces revalorisations successives ont ainsi permis d'améliorer la situation des bénéficiaires du RMI sans toutefois créer de « désincitation » à la reprise d'un emploi, puisque le Gouvernement a revalorisé plus fortement le SMIC que les minima sociaux : 4,05 % en juillet 2001, contre 2,2 % pour le RMI.
Vous vous réjouissez d'avoir voté un revenu minimum d'activité, le RMA, tendant à faciliter l'insertion professionnelle des titulaires des minima sociaux au sein des entreprises. Tel n'est pas la position prise par le Gouvernement, qui a exprimé son avis très défavorable lors de l'examen de cette proposition de loi.
Enfin, concernant le financement de l'allocation de parent isolé, l'API, je constate que, depuis que cette allocation est financée par l'Etat, le Gouvernement a eu le souci constant de favoriser l'insertion des parents isolés dans la vie économique du pays.
Les mesures de cumul entre le revenu d'activité et certaines allocations, prises dès la fin de l'année 1998 en application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ont permis de lever les obstacles financiers à la reprise d'un emploi et ont, en effet, couvert les parents isolés au même titre que les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique.
Les efforts du Gouvernement se sont ensuite poursuivis avec, d'une part, la création de l'aide à la reprise d'activité des femmes, annoncée lors d'une conférence de la famille en juin 2002, et, d'autre part, l'allongement de la période de cumul intégral d'un trimestre à deux trimestres entre l'allocation et le revenu issu de la reprise d'une activité, conformément aux engagements pris dans le programme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Concernant vos incertitudes sur les économies prévues au titre de la CMU, j'aurais voulu vous rassurer, mais je m'aperçois que vous n'avez pas posé de question précise sur ce sujet. Je passe donc aux COTOREP.
Plusieurs des recommandations contenues dans le rapport de la mission d'évaluation ont déjà été prises en compte. Des mesures de rénovation ont ainsi été annoncées, notamment le 25 janvier 2001 et lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
La définition d'une nouvelle architecture passe par le principe, qui sera prochainement soumis à la concertation des partenaires, de la fusion des deux sections des COTOREP, ainsi que, sur le plan national, par la mise en place d'un comité de pilotage des directeurs d'administration centrale et, sur le plan local, par le renforcement des liens entre les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, et les équipes des directions départements du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les DDTEFP - grâce à des équipes d'animation conjointes et à des conventions portant sur les moyens - et par le développement de contrats d'objectifs entre l'administration centrale et les services déconcentrés.
Pour faciliter le travail en réseau, plusieurs mesures sont prévues, notamment la création de postes de médecins coordonnateurs, et une circulaire sera publiée sur la fonction médicale précisant le rôle de chacun et la prise en compte de ses besoins dans l'élaboration d'un nouveau système d'information.
Concernant les personnels, diverses mesures sont prises - je pense aux actions de formation pour les personnels administratifs et médicaux - et les rémunérations des médecins ont été revalorisées.
Sur le plan des moyens, les efforts poursuivis pour doter les COTOREP d'une gestion électronique des documents devraient - et ne n'était pas un luxe ! - améliorer les conditions d'archivage.
Le plan de relogement et de réhabilitation des COTOREP, l'entretien et l'équipement des locaux seront poursuivis en 2002.
Ce processus de rénovation devrait également conduire à mieux articuler l'action de ces commissions avec les autres dispositifs concernant les personnes handicapées et les personnes âgées et avec les mesures pour l'emploi.
Il est vrai que nous avions songé à ériger les COTOREP en agences. Nous avons toutefois choisi, monsieur Blanc, d'explorer les possibilités d'une optimisation des ressources et des volontés qui existent au sein des services. Il nous paraissait préférable, en effet, de ne pas changer l'institution mais de rendre plus efficace la politique qui y est menée.
S'agissant de la prime de Noël pour les bénéficiaires du RMI, dont le principe a été décidé, le Gouvernement n'en a pas encore fixé les modalités ; nous sommes en train de les préparer. Je précise que la baisse des crédits affectés au RMI devrait permettre, une fois les comptes consolidés, de dégager des excédents au titre de la gestion de 2001.
J'en viens aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
Je crois, monsieur le rapporteur, que l'heure n'est plus à faire des virements internes entre la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, et les CHRS. Il s'agit maintenant d'accroître les moyens affectés à ces deux types de centres. C'est ce que nous faisons avec la création de 2 000 places de CADA et de 500 places de CHRS. Je pense que le fonctionnement du dispositif d'accueil d'urgence en sera amélioré.
S'agissant du contentieux sur les équivalences d'heures effectuées en chambre de veille, je vous répondrai que les conditions juridiques de mise en oeuvre de ce dispositif ne sont pas encore réunies à ce jour.
Les dispositions conventionnelles comportent des dispositifs d'équivalence qui ne correspondent plus à la loi et que des tribunaux ont sanctionné en appel.
Aucun contentieux n'a complètement abouti à ce jour.
Toutefois, plusieurs associations condamnées sont aujourd'hui mises en demeure de payer au requérant les heures réalisées, les décisions de justice étant exécutoires.
En ce qui concerne la mise en conformité juridique du dispositif, un décret en cours de signature doit conforter les dispositions conventionnelles et tarir le contentieux.
En ce qui concerne les incidences financières des contentieux en cours pour les associations, nous ferons un examen au cas par cas. Cet examen est déjà engagé dans les services afin de remédier aux situations qui entraîneraient une mise en cause sérieuse du fonctionnement des organismes concernés.
Monsieur Blanc, le décret étendant le champ des compétences du service de soins infirmiers à domicile aux handicapés et permettant de moderniser le mode de fonctionnement par le passage à la dotation globale va sortir avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Je pense que vous n'aurez pas à craindre que ce soit une coquille vide en raison de la pénurie d'infirmières.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ah ça !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne nie pas, bien entendu, qu'il existe une pénurie d'infirmiers dans un certain nombre d'endroits, mais le Gouvernement essaie d'y remédier. Cette année le nombre des infirmiers en formation atteint 26 436. C'est beaucoup plus que jamais !
Je suis convaincu que la réforme de l'ensemble du service de soins infirmiers à domicile en fera un instrument attractif, capable de mobiliser les professionnels et de répondre aux besoins des personnes âgées, désormais des personnes handicapées, dans de meilleures conditions.
Je vous rappelle qu'un plan de création de 4 000 places de service de soins infirmiers à domicile sur cinq ans a été adopté en 2001. Au demeurant, je ne peux tout de même pas inciter les infirmiers à choisir cette voie s'ils ne le souhaitent pas ! Il en va de même d'ailleurs, pour de nombreuses spécialités dans les professions médicales.
Vous m'avez interrogé sur le plan d'installation des IRM. Certes, notre pays n'en est pas suffisamment doté. Mais que voulez-vous que j'y fasse ? Que j'invente l'argent ? C'est ce que j'ai fait finalement, contraint et forcé, en ayant recours aux indices. Cette pratique n'avait jamais été mise en oeuvre. Comme vous le savez, en vertu d'une décision centralisée, je devais choisir, moi, le ministre, de façon très arbitraire entre les exigences, en général aussi importantes et aussi fondées les unes que les autres, de nos différents services.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. En général, il pleut là où c'est mouillé !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, parfois, mais en fait c'est chacun son tour ; ce qui gomme les différences !
J'ai en main le plan des installations dans les différentes régions. Evidemment, je ne peux vous en donner connaissance dans le détail.
Certes, nous manquons de scanners, d'IRM et d'appareils de radiothérapie. J'ai chargé une commission de travailler sur le sujet. Avec elle, nous avons ouvert les indices. Les radiologues et échographistes que j'ai reçus hier, au sujet de l'affaire Perruche, ont exprimé leur satisfaction à propos de la manière dont nous travaillons.
Après avoir examiné les indices dont nous disposerons, nous déterminerons les appareils nécessaires selon les régions. Nous veillerons alors, évidemment, à ce qu'ils soient fournis.
Il ne faut pas oublier en outre que 141 appareils supplémentaires d'IRM ont été fournis en 2001, soit 50 % de plus que prévu, et que la plupart des pays européens ont moins d'un appareil pour 143 habitants, excepté l'Allemagne et la Finlande.
Une réflexion est menée à cet effet. J'espère que nous nous en tirerons à notre avantage.
Je ne nie pas une seconde que nous soyons sous-équipés. Cependant, j'ai constaté hier à Gustave-Roussy qu'un certain nombre d'équipements de pointe, de scanners couplés avec IRM, étaient en fonctionnement. Ce n'est pas mal, mais leur nombre est évidemment insuffisant par rapport aux besoins.
S'agissant des 2 milliards de francs attribués par le protocole hospitalier, vous avez raison de dire qu'ils ne figurent pas dans le projet de loi de finances ; ils seront inscrits dans le projet de loi de finances rectificative. Il est de bonne gestion, m'a-t-on dit, qu'une mesure temporaire étalée sur trois ans figure les trois années, en l'occurrence, dans les budgets 2000, 2001 et 2002.
MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial, et Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2002 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, mais ils figureront dans la loi de finances rectificative.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pour 2001 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, c'est le budget 2001 qui sera appliqué en 2002. (Sourires.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est de l'argent perçu en 2001 qui sera versé en 2002 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sur le plan Biotox, je ne partage pas du tout votre sentiment, monsieur le rapporteur. Vous dites que c'est du devoir régalien de l'Etat de doter le pays de ce dont il a besoin en la matière. Nous avons, en l'occurrence, besoin d'antibiotiques, comme nous avons besoin de vaccins, d'appareils de réanimation personnelle, etc.
Comme j'en ai fait la démonstration plusieurs fois, et je ne comprends pas que vous ne soyez pas d'accord, il s'agit de médicaments. S'ils ne sont pas utilisés en urgence, ce que j'espère bien entendu, ils seront employés pour leur usage habituel. Nous n'en avions pas suffisamment. C'est pourquoi nous avons décidé d'en commander pour près de 1 milliard de francs à deux firmes : Aventis-Pasteur et Bayer.
Nous avons fait en sorte que nos stocks soient à flux tendus, et que les médicaments concernés ne soient pas en voie de péremption.
Par conséquent, les médicaments seront utilisés quoi qu'il arrive.
Ces médicaments sont remboursés par l'assurance-maladie. Personne n'a protesté quand la plus importante a été soumise à l'assurance-maladie. S'agissant d'autres commandes, nous avons effectivement décidé qu'elles seraient à la charge de l'Etat.
La commande la plus importante concernait bien les fluoroquinolones, pour un milliard de francs. Si, comme je l'espère, nous n'utilisons pas tous ces médicaments à l'occasion d'une attaque bioterroriste, nous les utiliserons en temps voulu, de manière étalée, au cours des années.
Nous essayons d'opérer une mutualisation au sein de l'Europe. Nous avons même rencontré des Américains, des Canadiens, etc., pour discuter d'un projet de mutualisation de nos ressources qui pourraient être affectées à la lutte contre la menace terroriste.
Je ne vois donc pas ce que vous pouvez trouver à redire.
Quand, au début, on a fait des réserves, ce que nous avons d'ailleurs condamnés, vous n'avez pas protesté, monsieur Barbier. Ensuite, les médicaments ont été achetés en pharmacie et l'assurance-maladie a remboursé. Or, il s'agissait des mêmes médicaments, les fluoroquinolones. Qu'y a-t-il donc de nouveau ? Rien. Si nous n'en n'avons pas besoin, évidemment, j'en serai très content.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, il ne faut pas confondre les médicaments à caractère stratégique, qui seront éventuellement stockés dans les hôpitaux militaires ou ailleurs, et les médicaments qui seront à la charge de l'assurance-maladie.
En tout cas, il n'est pas raisonnable de laisser les assurés sociaux supporter cette charge.
Il s'agit de faire face à un danger stratégique pour notre pays, ce qui, effectivement, relève des obligations régaliennes de l'Etat. Autant il est judicieux de prévoir une éventuelle fabrication et un éventuel stockage de ces produits, autant il ne me semble pas normal d'obliger les assurés sociaux à les payer.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je souhaiterais très brièvement, monsieur le président, revenir sur deux points concernant les COTOREP.
Je pense que l'idée de l'agence serait une bonne solution. En tout cas, il ne me semble pas possible de pouvoir continuer ainsi. Il faut dépasser le pilotage à vue pour parvenir à une véritable coordination. Aujourd'hui, nous voyons trop de COTOREP fonctionner alternativement avec une présidence « travail » et une présidence « DASS ». Finalement, les uns et les autres se renvoient la balle.
Mon second point concerne le service de soins infirmiers à domicile et la pénurie d'infirmières. A ce propos, je m'attendais à ce que vous me répondiez que, depuis le temps, on aurait pu ouvrir davantage les portes des écoles d'infirmières.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. On les a ouvertes !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui, mais depuis cette année seulement et, entre-temps, on a augmenté la durée de formation d'un an !
Je vous rappelle que gouverner, c'est prévoir. Or vous êtes au gouvernement depuis 1997. Il aurait fallu prévoir que l'on manquerait d'infirmières. Je regrette que les portes n'aient pas été ouvertes plus tôt et que, avec l'application des 35 heures chères à M. Chaboux, on aggrave encore la pénurie d'infirmières.
La question qui se pose aujourd'hui est celle des infirmiers à domicile et des infirmiers libéraux qui ne peuvent plus travailler parce qu'ils ont atteint leur quota. Ils se trouvent devant le dilemme suivant : ou continuer à prodiguer leurs soins gratuitement ou tout arrêter parce qu'ils ont atteint leur quota.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. S'agissant des quotas, d'abord, il n'y a pas un syndicat qui nous dise qu'il faut les relever.
Cela dit, je n'ignore pas que, dans certains endroits, parce qu'il faut bien répondre à la demande de soins, des dépassements se produisent. Mais cela ne concerne qu'une infime minorité : 5 %, 6 % ou 7 %. Evidemment, ceux-là sont dans l'embarras !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Surtout en milieu rural !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Absolument !
Quoi qu'il en soit, il nous faut remédier à cette situation. Mais ce n'est pas simple ! Surtout quand les syndicats vous expliquent que 93 % des gens sont contents, qu'il n'y a pas de dépassement, et qu'ils vous prouvent qu'il faut faire je ne sais combien d'heures supplémentaires pour dépasser le quota journalier. C'est donc très compliqué !
Il reste que, en milieu rural, c'est vrai, il peut y avoir des soins qui ne sont pas assurés.
En revanche, monsieur Blanc, vous ne pouvez pas me dire que nous aurions pu ouvrir plus largement l'accès aux écoles et former des infirmiers plus tôt. Force m'est tout de même de vous rappeler que le gouvernement précédent a fermé les écoles d'infirmières, et que non seulement il n'a pas créé de nouveaux postes mais qu'il en a supprimé 200 !
Moi, en 1998, en arrivant au Gouvernement, j'ai obtenu 1 000 postes ; j'en avais demandé beaucoup plus, mais c'était déjà ça ! En 1999, j'en ai obtenu 1 200, et plus de 8 000 en 2000. Alors ne dites pas que nous n'avons rien prévu ! Certes, ce n'est pas assez, mais à chaque fois on m'a répondu que cela entraînait des dépenses supplémentaires.
Aujourd'hui, nous formons 26 436 infirmiers ! Les écoles sont pleines à 100 % ! On pourrait même en ouvrir d'autres !
Concernant les COTOREP, la fusion de deux secteurs, c'est-à-dire le reclassement professionnel et l'évaluation médico-sociale, permettra de commencer à opérer le début de coordination que, comme nous, vous appelez de vos voeux.
Par ailleurs, je ne suis pas du tout d'accord avec votre analyse concernant les fluoroquinolones. Si nous avions procédé autrement, les gens se seraient précipités dans les pharmacies pour acheter des fluoroquinolones avec une ordonnance délivrée par leur médecin habituel. Et qui aurait remboursé ? L'assurance-maladie ! C'est précisément ce que nous avons voulu éviter.
Qu'aurait-il fallu faire ? Fallait-il mettre cela au compte des dépenses militaires alors qu'on ne savait même pas s'il existait vraiment une menace toxique ? Et même si la menace avait été avérée, les personnes atteintes seraient allées à l'hôpital ! Est-ce qu'on aurait fait une comptabilité à part sous prétexte que les personnes avaient été contaminées par une certaine bactérie ? Allons donc ! On ne peut pas soutenir cette thèse ! Ce sont des malades, et ils sont pris en charge par l'hôpital, un point c'est tout ! Les autres dépenses sont prises en charge par le budget. Si nous n'avions pas prévu les inscriptions nécessaires, vous n'auriez pas manqué de nous le reprocher !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Nous sommes tous les deux médecins et nous savons bien que les médecins ne prescrivent pas comme ça ! Ils sont raisonnables !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Eh bien, pas tant que cela, figurez-vous ! La consommation des fluoroquinolones à l'automne 2000 était de 10 000 boîtes par semaine. Dès que les premiers cas aux Etats-Unis ont été connus, pendant deux semaines, on est passé brutalement à 100 000 boîtes par semaine ! Et il est évident que les médecins, sans doute sous la pression des patients, ont prescrit, ce que l'on ne peut d'ailleurs pas vraiment leur reprocher. En tout cas, il fallait bien faire quelque chose !
M. le président. Mes chers collègues, nous passons maintenant aux questions.
La parole est à M. Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'Organisation mondiale de la santé classe le système de santé français au premier rang, le Gouvernement réaffirme dans le budget pour 2002 la place majeure qu'il accorde à la politique de santé.
Les moyens des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, qui continuent d'être renforcés, illustrent le rôle prépondérant qu'elles exercent, au niveau régional, à la fois dans l'élaboration et dans la mise en oeuvre de la politique de santé ; ce sont les ARH qui se verront confier la gestion du programme de financement des équipements coûteux décidé par le Gouvernement pour combler le retard de la France en matière, notamment, d'IRM et de scanners.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, qui est engagée dans plus de 3 000 démarches d'accréditation voit son champ d'action élargi en termes de recommandations de bonnes pratiques.
Témoigne aussi de cette volonté politique forte l'annonce faite par le Gouvernement, lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de moyens supplémentaires pour les hôpitaux et, en particulier, le milliard destiné au FIMHO, le fonds d'investissement et de modernisation des hôpitaux. Ce fonds permet, avec le fonds d'accompagnement social de modernisation, ou FASMO, de financer des opérations de recomposition hospitalière. Les critères d'atribution ont été élargis par la circulaire du 4 mai 2000, ce qui est effectivement nécessaire pour accélérer la modernisation des établissements hospitaliers. D'ailleurs, ce fonds est de plus en plus sollicité.
Toutes ces mesures et tous ces outils sont essentiels et efficaces, mais peut-être prennent-ils mal en compte la dimension territoriale de l'offre de soins. S'agissant du FIMHO, il peut paraître paradoxal qu'aucun texte ne semble prévoir de critères d'équilibre géographique dans l'allocation des subventions, alors que les inégalités territoriales sont importantes, en particulier en termes de démographie médicale.
En effet, plus que le nombre global de médecins - même si c'est là un problème réel -, c'est l'inégale répartition entre les territoires qui paraît le plus à craindre. La poursuite du plan d'augmentation des différents quotas d'étudiants, les subventions aux organismes de formation, les créations d'emplois dans la fonction publique hospitalière témoignent de l'effort entrepris par le Gouvernement en matière de renforcement des moyens.
Toutefois, ces mesures ne suffiront pas, je le crains, à résoudre les problèmes de certains territoires. En effet, la majorité des étudiants sont attirés par les mêmes spécialités et les mêmes territoires : l'héliotropisme et l'attraction de la capitale jouent aussi sur la démographie médicale.
Aujourd'hui, certains territoires doivent déjà faire face à une véritable crise sanitaire, crise qui risque de s'aggraver dans les années à venir. Le constat est unanime ; les départements ruraux, pour de mulitples raisons, n'attirent plus les jeunes médecins, aussi bien en cabinet qu'à l'hôpital, rendant par là même les conditions de travail des médecins y exerçant plus difficiles encore.
C'est le cas dans le département de la Manche, que je connais bien, ainsi que dans de nombreux départements situés au nord de la Loire. Dans la Manche, le nombre de médecins généralistes ne cesse de diminuer, et cette tendance s'accentue depuis une dizaine d'années. De 633 médecins généralistes en 1995, nous sommes passés à 425 en 2000, soit une densité en nette diminution, de 130 pour 100 000 habitants en 1995 à moins de 100 en 2000, alors que la moyenne nationale est de 170. De même, le vieillissement de la population médicale est plus important dans la Manche. Or la carence en médecins remplaçants et la non-reprise de cabinets médicaux sont deux phénomènes déjà très inquiétants.
La situation de certaines spécialités est également critique, en particulier en milieu hospitalier : la densité des médecins anesthésistes - réanimateurs n'est que de 11,7 pour 100 000 habitants en Basse-Normandie, et seulement de 9,4 pour 200 000 habitants dans le Cotentin, pour une moyenne nationale de 14,3 pour 100 000 habitants, avec des pics de 18,8 dans certaines régions « favorisées ».
Nous assistons, dans ce domaine si sensible pour le fonctionnement des hôpitaux, à une véritable paupérisation. Les centres hospitaliers concernés perdant toute attractivité du fait de conditions de travail dégradées et de gardes répétitives, bien souvent à la limite de la réglementation, ils sont contraints de faire appel à des vacataires, dont le coût, à certaines périodes de l'année, est prohibitif et générateur de dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale. Sans parler du fonctionnement précaire et aléatoire que cela peut engendrer pour les opérations chirurgicales programmées ni du traitement inégalitaire entre vacataires et praticiens hospitaliers, les établissements étant dépendants des négociations sur les vacations, parfois dans des conditions qui pourraient leur attirer les foudres des chambres régionales des comptes.
Ce dysfonctionnement est malheureusement tout aussi réel pour d'autres spécialités telles que l'imagerie médicale et la gynécologie obstétrique.
Personne ici ne contestera que la politique de santé et l'aménagement du territoire doivent être liés ; l'égal accès pour tous à des soins de qualité est évidemment un aspect de l'égalité des territoires au sein de la République.
Dans ces conditions, ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, d'envisager la reconnaissance de zones prioritaires de santé ?
S'il n'est pas question de revenir sur le principe fondamental de la libre installation des médecins, ne serait-il pas envisageable d'instituer un système d'incitation forte, de discrimination positive en faveur de ces départements en crise et d'instaurer, à titre temporaire, un plafonnement au niveau actuel pour les régions sur-dotées ?
Les aides à l'installation en milieu rural ou en zone urbaine sensible pour les médecins et infirmières libérales décidées par le Gouvernement dans la loi de modernisation sociale sont des mesures qui vont dans le bon sens.
Mais il faut, je crois, créer des incitations permanentes, de manière à pousser les jeunes médecins, infirmiers ou infirmières à s'installer dans ces départements qui en ont cruellement besoin : avancement de carrière plus rapide en milieu hospitalier, financement de l'équipement à l'installation en cabinet, mesures fiscales permanentes. Je salue et je soutiens la politique dynamique et ambitieuse menée par votre ministère, mais je n'oublie pas que la situation, dans certains points de notre territoire, réclame des mesures plus fortes : c'est la santé des populations concernées qui en dépend. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Votre analyse recueille toute mon approbation, monsieur le sénateur.
Vous savez que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a prévu une aide à l'installation pour les professionnels. Dès les prochaines semaines, dans huit régions, dont la Basse-Normandie, avec les ARH, les URCAM, les DRASS, les DDASS, etc., les professionnels de santé et les collectivités territoriales - ce qui est fait en Haute-Normandie, et donc dans la Manche, est un véritable modèle à cet égard - vont sélectionner les zones où peuvent être identifiées de réelles difficultés quant à l'accès aux soins et où le remplacement des professionnels s'avère difficile. C'est vrai, il y a des médecins qui partent et qui ne sont pas remplacés, même dans des cabinets de groupe.
Au ministère, pendant deux jours, nous allons conduire une réflexion sur la démographie médicale.
Deux rapports, l'un qui émane de la direction générale de la santé, l'autre qui a été établi par le professeur Nicolas, donnent à penser qu'il n'y a pas péril en la demeure, sauf dans certains points du territoire, tels ceux que vous avez évoqués, mais qu'à partir de 2015 ou 2002 la situation deviendra très grave.
Peut-on envisager une installation autoritaire ? Ce n'est pas dans les habitudes de notre pays, du moins en ce qui concerne les médecins, car, chez les enseignants - profession noble s'il en est ! -, on va là où on vous demande d'aller. Mais, c'est vrai, ce n'est pas le genre des médecins. Alors, que peut-on faire ? Nous avons proposé 10 000 euros à l'installation pour un praticien hospitalier dans une zone qui n'est pas réputée particulièrement attractive ; mais tout est affaire de goût ! Evidemment, si tout le monde veut s'installer à Nice... En plus de 10 000 euros, les praticiens gagneraient deux ans de carrière sur cinq ans. Est-ce que ce sera suffisant ? Je n'en sais rien. Si tel n'est pas le cas, nous irons plus loin.
Il faut bien reconnaître que, d'une manière générale, les professions pénibles ne sont plus choisies. C'est un changement de mentalité que je constate tous les jours, dans mon ministère, dans la rue, dans les hôpitaux partout !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Les 35 heures !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Certes, de ce point de vue, cette mesure ne facilite pas la tâche.
Vous savez que l'internat a été organisé différemment. Désormais, tous les médecins généralistes seront internes pendant quatre ans.
Par ailleurs, nous avons mis en avant trois spécialités dans lesquelles nous manquons de praticiens : en anesthésie - réanimation, en obstétrique, en pédiatrie. Il a été question d'inclure les psychiatres. Or la France a deux fois plus de psychiatres que les pays environnants. Mais peut-être sont-ils particulièrement mal répartis, notamment au détriment du secteur public.
J'ai rencontré récemment des chirurgiens de Paris. La baisse des vocations est très importante dans leur discipline. Peut-on imposer le choix d'une telle spécialité ? Si une personne n'a pas la vocation, il est difficile... - voire dangereux ! - de la forcer à embrasser une carrière de chirurgien... En tout cas, c'est un problème que nous n'avons pas résolu. Mais nous avons le moyen d'y remédier. On fera choisir arbitrairement sur des listes de spécialités déficitaires. Encore faut-il le décider, ce qui n'est pas facile.
Concernant la médecine générale et les secteurs où manquent des praticiens, au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, nous avons prévu une aide à l'installation ; il s'agit donc bien de discrimination positive. Nous ne connaissons pas encore le montant de cette aide. Nous allons en discuter. Nous nous inspirerons de l'exemple de la Manche.
M. le président. La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin. Nous avons en France deux secteurs : d'une part, l'hospitalisation publique, d'autre part, le système privé. A priori , ces deux systèmes sont complémentaires. Mais, à y regarder de plus près, cette complémentarité n'est souvent qu'apparente. Je vais m'en expliquer très simplement.
Si vous souffrez d'une affection cardiaque ou d'un cancer, vous pourrez être soigné dans n'importe quelle région et dans n'importe quel établissement, qu'il relève du secteur public ou du secteur privé. En revanche, si vous êtes atteint d'une affection comme le sida, il faudra, comme on dit chez moi, vous « lever de bonne heure » pour trouver un établissement privé qui veuille bien vous soigner. Puisque les réactions sont très différentes, on ne peut pas tout mettre sur le même plan.
Monsieur le ministre, vous avez posé, au travers du FIMHO, un certain nombre de règles qui, globalement, vont dans le bon sens.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Des règles, mais pas d'argent !
M. François Fortassin. Vous avez aussi, par la signature d'un protocole, fait en sorte que les cliniques privées qui sont en difficulté ou qui ont de moins bonnes pratiques médicales ne sombrent pas dans l'oubli. Mais nous vous appelons, vous et vos services, à la vigilance. C'est quand même la première fois qu'en France, des actionnaires, en l'occurrence des patrons, incitent leurs salariés à faire grève !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cela a surpris, en effet !
M. Guy Fischer. C'est louche ! (Sourires.)
M. François Fortassin, Je veux bien qu'on relève le niveau des rémunérations du secteur privé, notamment des infirmières et du personnel soignant, puisqu'ils sont nettement moins payés que dans le secteur public. Mais il faudrait quand même veiller très scrupuleusement à ce que les fonds qui seront dispensés ne servent pas à augmenter les salaires des médecins, tout au moins de ceux qui sont, à mes yeux, surpayés ou, pis encore, à faire les choux gras des actionnaires. C'est un élément d'une extrême importance.
Enfin, monsieur le ministre, s'il est normal que tous les élus et tous nos concitoyens se soucient de ne pas aggraver le déficit de la sécurité sociale, il est moins normal - pour moi, en tout cas - que les actes des médecins généralistes ne soient pas payés au niveau convenable, notamment dans les zones urbaines.
MM. Paul Blanc et Gilbert Barbier, rapporteurs pour avis. Très bien !
M. Guy Fischer. Il a raison ! Cela va tout juste passer à 121 francs !
M. François Fortassin. A l'évidence, il coûte plus cher à un médecin de s'installer dans des villes comme Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse, ne serait-ce que du fait des loyers. De plus, en raison de la circulation, les visites leur prennent plus de temps que dans les zones rurales.
Loin de moi l'idée, en augmentant les honoraires des médecins, de favoriser ceux d'entre eux - ils sont très rares, mais il en existe encore - qui font de la médecine « d'abattage ». Ce point précis mériterait sans doute un contrôle. Car, à l'évidence, - du moins est-ce mon sentiment - si la médecine est libérale dans ses pratiques, elle ne saurait être totalement libérale dès lors que les honoraires dépendent des deniers publics.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, sur la première question, je comprends le sens de vos critiques. Le secteur public et le secteur privé complémentaires, différents, caractérisent le système de santé français que le monde entier envie.
D'un secteur à l'autre, les malades, vous l'avez dit très justement, ne sont pas les mêmes. Si certaines pathologies sont traitées de la même manière, on demande à l'hôpital public un effort considérable. On lui demande, par exemple, d'assurer les urgences en permanence. La tenue de ce service est bien difficile puisque les urgences sont maintenant l'un des succès, certes, mais un succès pervers de l'hôpital, qui répond en permanence, nuit et jour, à cette attente, en offrant assistance, plateau technique et prise en charge. Cela n'existe pas dans les cliniques.
Il y a bien d'autres exemples que vous auriez pu citer - que vous avez d'ailleurs cités - qui concernent les pathologies. Elles ne sont pas les mêmes. Pourtant, les cliniques assurent 60 % de l'activité chirurgicale de notre pays.
Telle est la situation. Il faut en tenir compte. D'ailleurs, entre nous - je le dis parce que nous sommes entre nous ! - lorsque les uns et les autres, quelle que soit la travée sur laquelle vous siégez, vous venez nous encourager à aider une clinique de votre circonscription, vous ne faites pas la différence ! C'est ainsi, c'est aussi un avantage de notre système.
Je reconnais qu'il est difficile de faire comprendre à l'étranger que le privé soit payé par le public. On me perçoit mal quand je dis que, en effet, le secteur est payé par les mêmes enveloppes, moins d'ailleurs en fonction des missions spécifiques de l'hôpital public qui fait notamment de l'enseignement et de la recherche. Nous nous dirigeons vers une tarification à la pathologie qui, je l'espère, remettra les choses un peu plus en équation.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Justement, où en est-on ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Franchement, ce n'est pas facile, c'est même très difficile, mais, enfin, nous y parviendrons.
Les critiques entendues sont, à mon avis, à la fois fondées et infondées. Que 60 % ou presque - en tout cas, 40 à 50 % de l'obstétrique par exemple - soient pris en charge par les cliniques privées, nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte et laisser aller à vau-l'eau l'ensemble des cliniques qui nous rendent un service considérable et qui versent des salaires moindres que l'hôpital. Votre remarque, monsieur le sénateur, est très juste.
Le dispositif d'aide que nous avons mis en place récemment attribue 3,9 milliards de francs aux hôpitaux et 1,7 milliard de francs aux cliniques privées.
Mais rassurez-vous, cette aide aux cliniques est suivie par un observatoire tripartite - Etat, syndicats et patronat - notamment en ce qui concerne les salaires des infirmières et du personnel. La différence sur le salaire mensuel d'une infirmière était, en gros, de 3 000 francs. Le service public peut s'enorgueillir d'avoir réussi à payer ses infirmières à ce tarif, car elles font du travail. Mais il faut reconnaître que, dans le secteur privé, elles en font parfois plus encore.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ce n'est pas le discours habituel, mais, moi, je connais la réalité. Donc, nous avons - et je crois que c'était sage - permis ce rattrapage.
Evidemment, c'est l'assurance-maladie qui finance. Pour 2002, elle finance l'hôpital public à hauteur de 284 milliards de francs et les cliniques privées - qui sont, je vous le signale, tout de même importantes dans notre pays - à hauteur de 46 milliards de francs. Mais il n'empêche que c'est elle qui finance, il n'y a aucun doute.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Tout le monde paye !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il y a des dépassements, mais ce n'est pas l'assurance - maladie qui les prend en charge.
Nous avons veillé - vous vous en êtes inquiété - à ce que ce soit non pas les propriétaires des cliniques qui soient avantagés, mais le personnel.
Pour ce qui est des rémunérations des médecins généralistes, voulez-vous mon sentiment ? Vous avez raison...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ah !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je l'ai dit très clairement à plusieurs reprises. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons saisi la commission de la nomenclature de l'assurance - maladie pour étudier comment - à quel niveau et dans quels délais - nous pourrions améliorer la tarification tant des visites que des consultations. Les tarifs n'ont pas été augmentés depuis quatre ans.
Je comprends leur demande, elle est légitime. Sans quoi, ils seront obligés de multiplier les actes au détriment de la santé publique et du portefeuille de cette dernière ! S'ils en arrivaient là, cela reviendrait pratiquement au même sur le plan financier, mais la qualité des soins dispensés risquerait de baisser.
Ce matin a eu lieu la dernière manifestation en date des médecins vacataires. Savez-vous combien touche un médecin vacataire ? Une « vacation » est devenue pratiquement un mot péjoratif ! Je tiens pourtant beaucoup à ce pont entre l'hôpital et la ville. Le médecin vacataire touche 130 francs ! Quand il consacre la matinée, ce n'est pas sérieux !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Trois heures et demie !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il touche quatre fois moins qu'un plombier !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, ce n'est pas sérieux ! Je le sais à la fois comme médecin et comme ministre de la santé.
Mais savez-vous combien il en coûterait de les augmenter ? Quatre cents à cinq cents millions ! Pourtant, il va bien falloir le faire un jour, et au plus vite ! Ce sont les contradictions auxquelles nous sommes confrontés, sans parler de celles qui sont contenues dans le dossier des internes, lesquels n'ont pas très bien compris mes dernières propositions.
Il paraît qu'hier ils étaient 5 000 dans la rue. Je ne les ai pas comptés, mais ils étaient nombreux.
Alors que l'application de la directive européenne est prévue pour 2009, nous allons instaurer pour la première fois le repos de sécurité en faveur des anesthésistes - c'est moi qui l'ai créé, je ne suis pas suspect.
Et voilà que les internes demandent à en bénéficier. Il existe a une directive européenne - c'est parfait, me direz-vous. Le repos de sécurité, c'est soit onze heures après une garde, soit le jour suivant. Savez-vous combien cela représente en moyenne pour les internes ? Je dis « en moyenne », parce qu'il faut distinguer selon les spécialités, certains prennent beaucoup de gardes et d'autres moins. En moyenne, cinquante-cinq jours par an seront donc dégagés au titre du repos de sécurité, ce n'est quand même pas mal ! Evidemment, cela aura un coût parce qu'il faudra multiplier les postes d'internes. Je le conçois, c'est normal.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et s'il n'y en a plus ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Aucun risque ! Je vous signale que le numerus clausus, que d'aucuns - pas vous - avaient baissé, est maintenant à 4 700 et j'espère le faire passer à 5 700 l'an prochain : nous en avons bien besoin. Cela signifie un petit effort financier.
Il faut distinguer selon les spécialités. Je comprends bien les internes qui prennent neuf gardes - je dis bien neuf, pas cinq, ni trois, ni même deux ! Dans des spécialités comme la réanimation, la chirurgie, l'obstétrique, c'est indispensable, sauf à compromettre la continuité des soins. Il faudra distinguer entre ceux-là et les autres, comme nous l'avons fait pour les personnels hospitaliers. C'est un effort considérable, nous le consentons progressivement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme n'aurait pas manqué de le dire notre excellent collègue Alain Gournac, le projet de budget relatif aux personnes handicapées est décevant, surtout en raison des enjeux considérables que représente ce secteur. En effet, ce ne sont pas moins de 3 millions de personnes handicapées qui ont des besoins immenses en termes d'accueil, de prise en charge à domicile et d'aide pour la vie quotidienne. Je reconnais volontiers, monsieur le ministre, que l'enjeu est énorme.
Le Gouvernement a présenté cet été un plan d'action en faveur des personnes handicapées. C'est bien, mais cela demeure insuffisant si le budget ne se donne pas les moyens de mener une politique volontariste pour permettre une meilleure intégration. C'est surtout cet aspect - qualitatif et non plus quantitatif - qui est important.
Il importe aussi, parallèlement, de mener les réformes nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des dispositifs existants. Bien des dossiers demeurent en suspens. J'en exposerai quelques-uns brièvement.
Tout d'abord, en ce qui concerne les maisons d'accueil spécialisées, les MAS, il manque encore de nombreuses places, en particulier des places adaptées aux personnes atteintes de traumatismes crâniens ou de syndromes autistiques.
Autre sujet qui revient souvent : le problème posé par l'amendement Creton n'est toujours pas résolu. L'encombrement des établissements d'éducation spécialisée perdure toujours - et cela depuis des années -, au détriment des enfants handicapés qui ne peuvent accéder aux structures qui leur sont destinées.
Autre dossier en suspens, le traitement fiscal de l'épargne des parents d'enfants handicapés qui veulent anticiper les difficultés financières que risquent de connaître leurs enfants après leur disparition. Ainsi, la fiscalisation des produits d'assurance de rente de survie et d'épargne de survie apparaît tout à fait anormale. En dépit de la loi de financement de la sécurité sociale votée en 1998, qui a exonéré ces produits de toute fiscalisation, l'administration fiscale persiste à leur appliquer les prélèvements sociaux. Monsieur le ministre, intervenez auprès de votre collègue de Bercy !
Concernant une aide de vie autonome, là encore, des efforts doivent être accomplis, en particulier pour que les personnes handicapées ne rencontrent plus autant de difficultés pour trouver des infirmières.
Le décret pour l'extension du service des soins infirmiers à domicile aux personnes handicapées est toujours en attente. Pourriez-vous nous préciser quand il paraîtra, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Telles sont les quelques questions, peu nombreuses, que je souhaitais vous poser, monsieur le secrétaire d'Etat. Ces questions portent surtout sur des dysfonctionnements. J'attends de vous que vous précisiez les mesures que vous entendez prendre pour y remédier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur Chérioux, à la fin de l'année 1998, le nombre de jeunes adultes handicapés maintenus, en application de l'amendement Creton, dans les établissements d'éducation spécialisée, faute de places disponibles dans un établissement pour adultes, demeurait élevé malgré une légère décrue des effectifs enregistrée entre 1997 et 1998.
Au 31 décembre 1998, 3 920 jeunes adultes relevaient encore du dispositif, ce qui représentait une baisse de 2 % par rapport à 1997. Les dernières données recueillies auprès des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, au mois de novembre 2002, font apparaître que 3 201 jeunes adultes bénéficient encore de ce dispositif. Sachez que ces données sont encore incomplètes et qu'elles mériteront d'être précisées par la suite.
Pour ce qui est de la rente-survie, je précise qu'il s'agit d'un contrat d'assurance permettant de verser une rente viagère à l'enfant handicapé de l'assuré après le décès de ce dernier. Ce dispositif avait connu des incertitudes voilà quelques années. Une table ronde, organisée sur l'initiative des pouvoirs publics entre les assureurs et les associations de personnes handicapées, avait permis d'aboutir à un moratoire satisfaisant.
Il n'y a donc plus lieu, comme le reconnaissent les associations, de nourrir des inquiétudes quant aux droits acquis par les bénéficiaires des rentes viagères.
Les parents d'enfants handicapés souscripteurs d'un contrat de rente-survie bénéficient d'avantages fiscaux et les bénéficiaires de la rente viagère n'ont pas à inclure cette rente dans les revenus pris en compte pour l'attribution d'allocations telles que l'AAH ou l'allocation logement.
Ces avantages accordés aux bénéficiaires de la rente-survie sont parfaitement logiques. Ils visent à ce que les efforts consentis par les parents pour, après leur décès, mettre leurs enfants à l'abri de difficultés matérielles et soudaines, ne soient pas annihilés par une réduction, à même hauteur, de l'effort de solidarité.
Il nous apparaît cependant difficile d'aller au-delà, au risque de créer des inégalités.
S'agissant des sites pour la vie autonome, autre sujet que vous avez évoqué, je vous indique, monsieur Chérioux, que le développement des moyens de compensation fonctionnelle du handicap est indispensable pour offrir aux personnes handicapées qui le souhaitent la possibilité de demeurer dans leur milieu de vie ordinaire, grâce à des aides techniques adaptées, des aides humaines, des aides animalières et des aménagements de logements.
Les pouvoirs publics ont soutenu le développement d'expérimentations en matière d'aide technique sur quatre sites dénommés « sites pour la vie autonome », dans l'Isère, dans le Morbihan, dans la Loire et dans la Saône-et-Loire.
Ces expérimentations ont montré la nécessité de disposer d'un lieu unique de traitement administratif et financier des demandes, d'une évaluation médico-sociale par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d'ergothérapeutes, d'assistantes sociales et d'une coordination des interventions des multiples partenaires financiers.
Dans le cadre du plan triennal annoncé par le Premier ministre au conseil national consultatif des personnes handicapées, le 25 janvier 2000, il est prévu la généralisation progressive de ce dispositif à l'ensemble des départements d'ici à 2003. A cet effet, 200 millions de francs de mesures sont prévues. Quinze sites ont été créés en 2000, 28 sites ont été financés en 2001, et 27 nouveaux sites seront financés en 2002, ce qui couvre 70 départements.
Une circulaire du 19 juin 2001 a été adressée aux préfets afin de préciser le rôle de pilotage et d'animation du nouveau dispositif incombant aux DDASS et leur indiquant les principaux instruments de ce dispositif. Il est souhaitable que celui-ci s'incrive à terme dans un cadre réglementaire stabilisé, ce qui devrait permettre, d'une part, la réforme de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales dont les travaux sont largement avancés aujourd'hui, notamment pour les équipes techniques d'évaluation, et, d'autre part, la réforme envisagée de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, s'agissant par exemple des mécanismes de financement des solutions de compensation des incapacités.
Pour ce qui est de la question des infirmières, je dirai, et ce n'est pas une boutade, que Bernard Kouchner a largement développé le sujet de manière comparative et décrit à la fois la situation antérieure ainsi que les différents progrès qui ont été annoncés pour prendre en compte une évolution légitime dans le secteur public et dans le secteur privé.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voudrais intervenir très brièvement sur deux points.
D'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il de l'insuffisance du nombre de places adaptées aux personnes atteintes de traumatismes crâniens ou du syndrome autistique ?
Ensuite, en ce qui concerne les rentes-survie, je n'ai pas très bien compris votre réponse.
Pour ma part, je considère qu'il est anormal que des prélèvements sociaux portent sur ces rentes ; or il apparaît que Bercy n'est pas de cet avis. J'ai par ailleurs cru comprendre que c'était pour éviter d'éventuelles inégalités que les prélèvements continuaient. Je me permets donc d'insister : ce n'est pas normal !
Il s'agirait en effet d'une inégalité, certes, mais en faveur de personnes souffrant d'un handicap très grave dans leur propre vie par rapport à leurs concitoyens. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'employez pas un bon argument.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chaque année, la présentation du budget des affaires sociales me donne l'occasion de parler de la couverture sociale des 1 900 000 Français qui vivent à l'étranger.
Compte tenu de la nouvelle procédure, mon propos se limitera à la Caisse autonome de sécurité sociale des Français de l'étranger, que je préside. Mais je regrette de ne pas pouvoir vous entretenir des retraites, du chômage et des difficultés d'application des conventions entre la France et certains pays, notamment africains.
Depuis trente ans, la Caisse autonome de sécurité sociale des Français de l'étranger fonctionne d'une façon satisfaisante, puisqu'elle présente, une fois de plus cette année, un bilan positif.
Son originalité, vous la connaissez : il s'agit d'un système d'assurance volontaire destiné aux Français de l'étranger expatriés, et ce quel que soit leur statut, qu'ils soient salariés, non-salariés, retraités, mères de famille. Lorsqu'ils sont à l'étranger, tous les Français peuvent bénéficier d'une couverture de sécurité sociale de source française.
Au cours de l'année écoulée, à plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de vous entretenir de l'évolution de la Caisse des Français de l'étranger et des mesures qui sont applicables à cette dernière.
Il est clair que la loi de modernisation sociale, qui est en cours d'examen par le Parlement est, dans son article 8, entièrement consacrée à cette caisse de sécurité sociale. Je me réjouis, bien entendu, que le Parlement - Assemblée nationale et Sénat - ait voté conformes ces propositions consensuelles.
Je ne reviendrai pas sur les mesures nouvelles induites par cet article. Je me bornerai à citer la création d'une troisième catégorie bis de cotisants qui seront aidés par l'Etat pour le paiement de leurs cotisations maladie et l'allégement des cotisations maladie pour tous les jeunes Français de moins de trente-cinq ans ainsi que la suppression de toute rétroactivité pour ces mêmes personnes.
Cette diminution des cotisations permet à nombre de jeunes qui partent à l'étranger et qui n'ont aucune couverture sociale de source française d'adhérer à notre caisse.
Nous sommes aujourd'hui dans l'attente du vote définitif de ce texte. Nos compatriotes expatriés attendent avec impatience la mise en vigueur des nouvelles dispositions de cet article 8. Nous serons vigilants, vous l'imaginez, sur la date de parution des décrets d'application, d'autant plus que nous espérions que cette loi entrerait en vigueur plus tôt.
Un second sujet mérite également de retenir notre attention : la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger est une caisse d'assurance volontaire, non obligatoire, et, de ce fait, soumise à la concurrence. Son pilier, ce sont les grandes entreprises françaises qui envoient leurs salariés à l'étranger, qui adhèrent à la caisse et qui paient leurs cotisations en première catégorie. Or ce sont elles qui sont les plus soumises à la concurrence des assureurs privés, qui leur proposent des assurances au premier franc.
Nous voulons que ces entreprises continuent de cotiser à cette caisse de sécurité sociale, qu'a voulu le législateur, par la loi Bettencourt du 31 décembre 1976, d'abord, mais aussi par la loi Bérégovoy de 1984, donc toutes sensibilités politiques confondues. La Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger doit pouvoir leur proposer un certain nombre d'aménagements. C'est le seul moyen pour elle de faire face aux assureurs privés.
J'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat : il faut que vous donniez des instructions à vos représentants au sein du conseil d'administration pour qu'ils réservent un accueil favorable à nos propositions.
Si nous n'obtenons pas ces assouplissements, si nos délais d'intervention sont trop longs, si nous ne sommes pas en mesure de faire face à la concurrence très vive des assurances privées, la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger n'aura plus le même niveau d'efficacité, le même impact vis-à-vis de nos concitoyens.
Soyons clairs, la Caisse des Français de l'étranger ne pourra survivre que si elle est en mesure de concurrencer de façon efficace ces assureurs privés dont je viens de vous entretenir et qui, eux, n'ont pas à convaincre une tutelle qui ne fait toujours pas la différence entre les caisses d'assurances obligatoires et les caisses d'assurances volontaires. C'est un régime extrêmement original, je l'avoue, mais les Français qui vivent à l'étranger l'apprécient.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, permettez-moi, avant de répondre à votre question, d'apporter une précision à M. Chérioux.
Monsieur Chérioux, une enveloppe supplémentaire de 20 millions d'euros affectée notamment aux autistes et aux traumatisés crâniens a été inscrite récemment dans la loi de financement de la sécurité sociale. Elle vient s'ajouter à la poursuite du plan quinquennal lancé en 1999 en matière de création de places et à l'enveloppe de 50 millions de francs déjà dévolue à l'autisme qui a été mise en oeuvre dans le cadre du plan triennal concernant ce secteur.
Cette précision étant apportée, j'en viens à la question qui était la vôtre à l'instant, monsieur Cantegrit, et qui concerne les dispositions de la loi de modernisation sociale en cours de discussion.
Je tiens à souligner l'intérêt que porte le Gouvernement aux Français de l'étranger, en particulier à leur protection sociale. L'article 8 de la loi de modernisation sociale, actuellement en troisième lecture, vise à permettre ou à faciliter l'accès à l'assurance maladie volontaire de la Caisse des Français de l'étranger à un nombre significatif de nos compatriotes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour souscrire une assurance volontaire.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit des mesures qui encourageront les jeunes expatriés à s'affilier à l'assurance volontaire maladie de la CFE dès le début de leur carrière.
Les dispositions de la loi de modernisation sociale s'appliqueront dès le 1er janvier 2002. Les textes réglementaires d'application ont d'ores et déjà été préparés mais, compte tenu des délais, le Conseil d'Etat ne pourra les examiner qu'à la mi-janvier. Le ministère des affaires étrangères prépare actuellement une circulaire qu'il adressera à tous les postes consulaires qui seront chargés d'examiner les demandes d'aide des Français expatriés.
S'agissant de l'assujettissement des pensions aux cotisations d'assurance maladie, l'assujettissement des pensions françaises perçues par les Français de l'étranger à la cotisation d'assurance maladie est légitime dans la mesure où cette cotisation revêt un caractère de solidarité.
Par ailleurs, je rappelle que le bénéfice d'une pension française ouvre droit pour ces compatriotes à la prise en charge, s'ils le souhaitent, de leurs soins en France selon les règles de droit commun. Tels sont les deux éléments dont je souhaitais vous faire part pour répondre à votre question.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne m'avez pas répondu sur le point précis que j'ai évoqué, à savoir la concurrence de la part d'assureurs privés à laquelle est soumise la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, qui est une caisse d'assurance volontaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat - j'attire aussi l'attention de M. Kouchner sur cette question -, j'aimerais que vous soyez mon interprète auprès de vos collaborateurs qui assistent - ce que nous apprécions - au conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger que je préside. Le prochain aura lieu dans dix jours. La CFE est une caisse d'assurance volontaire, et non obligatoire, c'est-à-dire que les Français expatriés ont le choix d'y adhérer ou non pour conserver une couverture de la sécurité sociale française. Cette caisse étant soumise à la concurrence d'assureurs privés, à laquelle il nous faut faire face, nous devons obtenir un minimum de souplesse, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, afin d'avoir la même pugnacité et la même rapidité d'intervention que nos concurrents.
Monsieur le ministre, notre principal client, TotalFinaElf, vient de nous quitter, car un assureur privé a fait à ce groupe une proposition supérieure à celle de la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. C'est ainsi que nous avons perdu plus de mille de nos compatriotes, qui ont quitté la CFE, et donc la sécurité sociale française.
Voilà pourquoi j'insistais sur la nécessité d'être en mesure de proposer certains aménagements, portant, par exemple, sur la modulation de cotisations, cela, bien sûr, avec prudence et sous votre contrôle, je le conçois.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ma question concerne la couverture maladie universelle.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire un bref rappel.
La loi du 27 juillet 1999, créant la couverture maladie universelle, compte parmi les réformes sociales majeures de cette législature.
Indiscutablement, l'accès aux soins d'environ cinq millions de personnes, jusque-là exclues du système de santé, a effectivement été rendu possible par l'affiliation immédiate et automatique à un régime de base de sécurité sociale et par la couverture complémentaire gratuite pour les plus démunis, garantissant la prise en charge à 100 % des dépenses de santé, ticket modérateur et forfait hospitalier compris, sans avoir à faire l'avance des frais.
De plus - il convient de le noter ici, tant les craintes de la majorité sénatoriale étaient grandes concernant l'accélération des « dérapages » des dépenses de santé - la CMU n'a pas eu d'impact démesuré sur les dépenses remboursées par le régime général.
Toutes les différentes études en témoignent, les associations humanitaires le soulignent, le bilan de la CMU est globalement positif. Pour autant, le dispositif n'est pas exempt de limites, voire de défauts, qu'il nous appartient de gommer pour donner tout son sens et toute sa portée au principe d'universalité.
Lors de l'examen de ce texte, dès juin 1999, un grand nombre de parlementaires de la majorité plurielle, et les parlementaires communistes en particulier, avaient déploré le caractère particulièrement injuste et pénalisant du plafond de ressources retenu initialement, à savoir 3 500 francs. Nous avions alors proposé de porter ce dernier au niveau du seuil de pauvreté tel qu'il est défini par les organismes internationaux - 3 800 francs - afin notamment d'intégrer dans le champ de la CMU les bénéficiaires de minima sociaux.
A défaut de voir cette demande entendue, nous avions alors argumenté en faveur de l'accès de plein droit à la CMU, c'est-à-dire sans condition de ressources pour les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés et ceux du minimum vieillesse, à l'instar de ce qui était prévu pour les titulaires du RMI. Il nous avait alors été objecté l'argument de l'enveloppe budgétaire.
Dans le même temps, notre groupe avait proposé un dispositif de nature à lisser les effets de seuil et permettant à toutes les personnes dépassant cette barre fatidique d'accéder, à des tarifs préférentiels, à une couverture complémentaire.
Il est vrai que, depuis janvier 2001, le seuil a été porté à 3 600 francs. Toutefois, comme, dans le même temps, les minima sociaux ont été revalorisés, le problème des bénéficiaires de l'AAH, du minimum vieillesse, au regard de la CMU n'a pas pour autant été résolu.
De plus, la sortie du dispositif du million d'allocataires de l'ancienne aide médicale a été reportée au 31 décembre 2001. Dans le PLFSS de cette année, il a été acquis que les sortants du dispositif continueront durant un an à bénéficier de la dispense d'avance de frais.
Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'aujourd'hui la question de la « révision indispensable des conditions d'attribution de la CMU » demeure posée. J'emprunte là, d'ailleurs, l'intitulé d'une partie du rapport d'Odette Grzegrzulka, députée chargée du suivi de l'application de la loi, rapport qui est riche d'enseignement et dont je partage totalement les conclusions.
Monsieur le ministre, l'examen des crédits de votre ministère nous amène à nouveau à vous demander de rehausser le niveau du seuil de ressources de la CMU, afin de mettre définitivement un terme à l'exclusion de ce droit de certaines catégories de personnes, les personnes handicapées, notamment, et cela quelquefois pour une cinquantaine de francs. Nous renouvelons notre demande, car nous pensons que les marges de manoeuvre financières existent.
Je vous rappelle qu'initialement le nombre de bénéficiaires potentiels a été évalué à 6 millions de personnes, avec un financement assuré pour 9 milliards de francs. Or, en raison principalement des effets de la reprise économique, on recense actuellement 4,4 millions de bénéficiaires. Toutes les ressources du fonds de financement de la CMU pour l'année 2000 n'ont pas été consommées : 5,7 milliards de francs ont été dépensés sur les 8,3 milliards de francs qui étaient prévus.
Pour la deuxième année consécutive, la dotation de ce fonds enregistre une économie de l'ordre de 500 millions de francs. De plus, par arrêté du 14 novembre 2001, 521 millions de francs de crédits du chapitre 46-82 relatif à la CMU et à l'aide médicale ont été annulés.
Comment, dans ces conditions, comprendre que l'on ne puisse satisfaire aujourd'hui cette demande, qui n'a rien perdu de sa légitimité ?
Pourquoi proposer des demi-solutions aux 600 000 titulaires de l'AAH, qui n'ont droit à l'exonération du forfait hospitalier qu'à partir du deuxième mois d'hospitalisation ?
Outre l'ouverture du dispositif de la CMU aux bénéficiaires de minima sociaux, des solutions de nature à permettre à toutes les personnes dont les revenus dépassent le seuil d'accéder à une mutuelle sont, elles aussi, très attendues.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé que la concertation avec les organismes complémentaires en vue de mettre en place une aide à la mutualisation était bouclée. Pouvez-vous nous apporter des précisions quant au champ des personnes concernées, aux modalités de la délivrance de cette aide et à son montant ?
Il a été fait référence à la mobilisation pour 2002 de 700 millions de francs sur les crédits d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance pour aider à l'acquisition des contrats de couverture complémentaire.
Afin que, sur l'ensemble du territoire, le droit ouvert soit le même pour tous, comment comptez-vous faire pour éviter toute disparité de traitement dans la gestion des enveloppes par chaque caisse ?
Enfin, vous avez, à juste titre, monsieur le ministre, mis l'accent sur le rôle des opérateurs de la couverture maladie complémentaire, les mutuelles notamment, dans le fonctionnement de la CMU. Un certain nombre d'entre elles nous ont fait part de résolutions adoptées par leurs assemblées générales, actant de leur volonté de se retirer du dispositif faute, pour les pouvoirs publics, de prendre en compte le coût réel moyen par « CMUiste ».
En conséquence, le Gouvernement est-il prêt à revoir très rapidement le montant de sa contribution au financement de la CMU pour le bon fonctionnement du dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir rappelé, au début de votre intervention, que la CMU n'avait engendré aucun dérapage des dépenses, comme le craignait la majorité de votre assemblée.
Ce budget est fondé sur l'hypothèse d'une stabilisation du nombre de bénéficiaires de la CMU au cours de l'année 2002 à environ 4,8 millions de personnes.
Il est vrai que le problème principal, parfois vécu douloureusement, auquel nous confronte le fonctionnement de la CMU, est celui de l'effet de seuil entraîné par le plafond de ressources.
Deux solutions sont possibles.
La première consisterait à relever ce plafond, mais elle aurait pour effet de déplacer ce problème et ne le ferait nullement disparaître.
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a engagé une concertation avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et les organismes dispensateurs de couvertures maladie complémentaires afin d'élaborer un nouveau dispositif permettant de réduire le coût d'acquisition d'un contrat de couverture maladie complémentaire par les personnes dont les ressources sont à peine supérieures au plafond de la CMU.
Le dispositif proposé présente les caractéristiques suivantes.
Il profitera à titre pérenne à toutes les personnes, relevant du régime général de la sécurité sociale, dont les ressources n'excèdent pas de plus de 10 % le plafond de ressources de la CMU. Pour les personnes isolées, cela correspondra à des ressources comprises entre 3 600 et 3 960 francs par mois. Il sera financé au moyen des crédits d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance maladie.
L'aide versée par les caisses primaires d'assurance maladie sera utilisée par les bénéficiaires pour acquérir un contrat assurant une couverture maladie complémentaire équivalente à celle qui est procurée par la CMU. Les bénéficiaires de ces contrats seront dispensés de l'avance des frais. Le montant de l'aide s'établira, en moyenne, à 750 francs par an pour une personne seule, soit la moitié environ du coût d'un contrat « équivalent-CMU ».
Des négociations à l'échelon local entre les caisses primaires et les organismes complémentaires détermineront les tarifs auxquels ces contrats devront être offerts.
Ce nouveau dispositif ne fera pas obstacle au développement de partenariats locaux en matière d'accès aux soins des personnes démunies, élargis notamment aux conseils généraux.
Ces dispositions seront prochainement mises en oeuvre par voie d'avenant à la convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Je considère donc que les conditions sont à présent réunies pour que les personnes dont les ressources sont à peine supérieures au plafond de la CMU, et parmi elles celles dont le droit à la CMU s'éteindra au début 2002, puissent conserver une couverture maladie de bonne qualité. Ce nouveau dispositif constituera un complément très utile à cette grande réforme sociale qu'est la CMU.
S'agissant de la situation des bénéficiaires de l'AAH au regard du droit à la CMU, il faut se replacer dans le contexte.
Les titulaires de l'AAH n'ont pas vocation à bénéficier de la CMU et le mode d'attribution directe de cette allocation au regard d'un handicap ne doit pas télescoper le mode d'attribution de la CMU sous condition de ressources. Le code de la sécurité sociale prévoit leur affiliation au régime général sans participation contributive.
Pour bénéficier de la CMU complémentaire, une personne seule doit disposer de ressources inférieures au montant mensuel nécessaire pour bénéficier de la CMU. Or le montant de l'AAH est légèrement supérieur. Mais une partie des titulaires isolés de l'allocation était précédemment bénéficiaire de l'aide médicale. Ils ont vu, à ce titre, leurs droits prolongés jusqu'au 31 décembre 2001 si leurs ressources annuelles sont inférieures à 7 317 EUR, soit environ 48 000 F.
Par ailleurs, le ministère a veillé à ce que les ressources des personnes hospitalisées ou placées dans une maison d'accueil spécialisée soient désormais appréciées selon des conditions plus favorables. Ainsi, certaines personnes qui effectuent un long séjour en établissement hospitalier pourront remplir la condition de ressources pour l'accès à la CMU. Ce sont les termes de la lettre qui a été adressée en juillet 2001 à l'ensemble des partenaires de la CNAMTS et à la CNAF. Une décision générale tendant à ouvrir l'accès à la CMU à tous les titulaires de l'AAH du seul fait qu'ils en sont titulaires ne va pas de soi, parce qu'elle créerait des disparités par rapport à d'autres types d'allocataires et par rapport aux références de ressources qui ont une vocation générale ou universelle, et non pas liée spécifiquement à l'AAH.
M. le président. La parole est à Mme San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la qualité et la constance de la politique conduite par le Gouvernement en faveur des personnes handicapées méritent d'être soulignées à bien des égards.
En premier lieu, cette politique s'accompagne des moyens à la hauteur de ses ambitions. Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, de citer quelques chiffres : le montant des crédits consacrés aux personnes souffrant d'un handicap par le budget de la solidarité s'élève, pour 2002, à 38 milliards de francs, soit une progression de 5,8 %. Si l'on y ajoute les autres crédits budgétaires et ceux de l'assurance-maladie, au total, toutes institutions publiques confondues, la solidarité nationale y consacre environ 90 milliards de francs, sous diverses formes.
En deuxième lieu, il s'agit d'une politique s'inscrivant sur la durée et qui n'a eu de cesse d'être amplifiée et améliorée en fonction des besoins et des enjeux. La mise en oeuvre des deux plans pluriannuels en est, à cet égard, une parfaite illustration.
Enfin, et peut-être surtout, il s'agit d'une politique cohérente et novatrice. Elle est novatrice car elle est pensée non plus seulement en termes de protection d'une minorité, mais en termes d'intégration des personnes handicapées dans une société qui doit être destinée à tout le monde et planifiée pour tous.
Afin de favoriser l'autonomie et les perspectives d'insertion des personnes handicapées dans la vie ordinaire, plusieurs mesures de fond ont été mises en place et des moyens nouveaux ont été développés, conformément au plan triennal de janvier 2000.
Sans être exhaustif, on pourrait citer le plan « handiscol » en faveur de l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés ; l'extension progressive des « sites pour la vie autonome », en vue de la compensation fonctionnelle du handicap ; le développement des services auxiliaires de vie qui jouent un rôle primordial dans le maintien à domicile.
Je souhaite insister sur les mesures en faveur de l'insertion professionnelle et du maintien de l'emploi.
Le 9 octobre dernier a été signé un protocole sur l'emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique de l'Etat, qui prévoit notamment des sanctions financières et en termes de postes en cas de non-respect d'un taux d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés d'ici à trois ans. C'est une très bonne chose.
En outre, le budget « solidarité » prévoit pour les personnes handicapées bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, une attribution plus juste de cette allocation par la suppression de l'évaluation forfaitaire des ressources afin de ne plus pénaliser les salariés qui exercent une activité professionnelle réduite. Il prévoit aussi le renforcement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel et la création de places supplémentaires dans les centres d'aides par le travail.
Nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que le handicap a de multiples facettes et que les délais d'attente sont très longs dans ces centres.
Pourquoi une collectivité locale ne peut-elle recruter en contrat emploi-solidarité des personnels de catégorie B dont le handicap peut être réversible ?
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, le cumul des revenus serait appréciable pour les bénéficiaires, quand on sait que le montant maximum de l'AAH est de 557,12 euros, soit 3 654,50 francs.
Le fait d'occuper un emploi salarié relevant du milieu ordinaire du travail ne peut que contribuer à la réinsertion professionnelle. C'est le principe même du droit des personnes handicapées de bénéficier d'une citoyenneté réelle qui est ainsi posé ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je serai bref, mais il s'agit d'un sujet important. Des progrès ont été enregistrés dans ce domaine. Il est vrai que la société française a du mal à se mobiliser. On le constate quelques années après la création de l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH et on peut le déplorer. Il faut effectivement remédier à cette situation.
S'agissant de la création des places, la semaine dernière encore, j'ai moi-même été saluer la transformation d'un atelier protégé en SCOP, société coopérative ouvrière de production. Comme vous pouvez le constater, les deux sujets se rejoignent.
La question que vous posez mérite effectivement une étude. Je n'ai pas de réponse complète à vous apporter ! Vous aurez compris que, parfois, la conjugaison du statut d'insertion et de l'allocation entraîne le dépassement du plafond fixé. A ce moment-là, on retombe dans une espèce de situation complètement kafkaïenne. De ce point de vue, il nous faut sans doute faire évoluer les choses. Je transmettrai le message de manière que puissent être évités les désagréments causés par certains dispositifs cumulatifs.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Dans un élan de galanterie tout naturel, j'ai laissé notre collègue Mme Demessine évoquer certains problèmes liés à des distorsions dans le dispositif de la CMU eu égard à l'effet de seuil et à la CMU complémentaire. Je serai donc assez bref.
Ma question porte également sur la CMU et sur le bilan qui pourrait être dressé trois ans après son adoption.
Récemment, Mme Guigou a demandé, me semble-t-il, une étude sur le coût réel de la CMU. N'aurait-il pas été plus utile d'engager une réflexion complète sur ce dispositif, notamment pour mettre fin à certains aspects inégalitaires, en particulier l'effet de seuil - M. Paul Blanc l'a également souligné - tout à fait pervers.
Nous étions hostiles à l'instauration d'un plafond de ressources non dégressif et nous avions raison puisque, mardi dernier, à l'Assemblée nationale, Mme Guigou a annoncé que vous envisagiez, dès l'année prochaine, de mettre en place un nouveau dispositif autorisant le relèvement de 10 % du seuil des ressources mensuelles ouvrant droit à l'équivalent de la CMU complémentaire. On ne peut que s'en réjouir, tout en constatant que vous avez attendu bien longtemps pour réagir.
Malgré cela, vous n'avez pas réglé le problème essentiel du coût de la CMU. En effet, nombreuses sont les mutuelles qui, à l'heure actuelle, ne veulent plus ou plutôt ne peuvent plus assurer la CMU pour 1 500 francs.
Pour étayer mon propos, permettez-moi de prendre comme exemple la situation de la mutuelle nationale des personnes handicapées, Intégrance. Cette dernière nous a fait savoir qu'elle était contrainte de suspendre sa participation au dispositif CMU, ce pour des raisons bien simples.
Son équilibre financier est, à l'heure actuelle, compromis par le déficit qu'elle doit supporter face à l'insuffisance de l'aide de l'Etat pour couvrir le coût réel de la consommation moyenne des bénéficiaires de la CMU. Il s'agit d'un problème que ne connaissent pas, je le rappelle au passage, les caisses primaires d'assurance maladie qui sont remboursées au franc le franc et ne contribuent pas à l'abondement du fonds réservé à la CMU.
Or, cette mutuelle refuse, par souci de justice, de faire supporter plus longtemps ce déficit par ses adhérents, composés à 74 % de personnes handicapées et de familles aux revenus parfois modestes, qui, en contrepartie de leur cotisation à la mutuelle, ont droit, pour un grand nombre d'entre elles, à un panier de soins inférieur à celui des bénéficiaires de la CMU.
Malheureusement, cet exemple n'est pas un cas isolé.
En réalité, l'ensemble des mutuelles souhaitent non seulement que ce forfait soit réévalué, mais également qu'il soit mis un terme à cette distorsion de concurrence entre organismes complémentaires, distorsion qui résulte, je le rappelle, de la coexistence de deux systèmes : l'un contenu dans une enveloppe fermée, l'autre figurent dans une enveloppe non limitée.
Je souhaite profiter de la présence de M. Kouchner dans l'hémicycle pour évoquer la situation des internes en pharmacie et en médecine.
Monsieur le ministre, vous avez reçu, ces derniers jours, des internes en médecine. Je ne voudrais pas que l'on caricature leur démarche. Je fais allusion non pas à vous, monsieur le ministre, mais à la presse, qui a écrit : « Les 35 heures : les internes veulent leur part du gâteau. » Sincèrement, ce n'est pas possible !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je n'écris pas les articles !
M. Dominique Leclerc. Ce que veulent les internes, vous le savez, c'est le respect du décret de janvier 2000, qui découle d'une directive européenne de 1993. Or vous leur proposez d'instaurer le repos de sécurité en le finançant aux dépens de leurs jours de congés.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Pas du tout !
M. Dominique Leclerc. Mais si ! Ce qu'ils veulent, c'est la comptabilisation des gardes dans leur temps de travail.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est fait !
M. Dominique Leclerc. Non, vous l'avez avoué vous-même ! Chacun sait quelle place essentielle tiennent aujourd'hui les internes dans le dispositif hospitalier.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Arrêtez !
M. Dominique Leclerc, leur statut n'est pas celui d'étudiants en formation ! Monsieur le ministre, compte tenu des propos qui sont tenus dans cet hémicycle par nos collègues qui soutiennent l'action de votre gouvernement s'agissant des 35 heures, vous ne pouvez pas continuer à cautionner de telles injustices et de telles tensions ! En outre, vous les accentuez.
On connaît tous les difficultés que vous rencontrez avec vos fonctionnaires pour amener les uns et les autres à approcher les 1 600 heures. Vous savez quelle est la vie quotidienne des internes. La distorsion est tellement grande ! Ils vivent au sein de la société : ils ne sont ni sourds ni aveugles ! Ce sont les disparités dans la société qui sont créatrices de bien des conflits actuels.
C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas caricaturer la démarche des internes. Eux aussi ont droit à une vie familiale ! Ils ne peuvent plus assurer autant de gardes si les repos compensateurs sont pris sur les congés auxquels ils ont droit.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ils ne sont pas pris sur les congés !
M. Dominique Leclerc. Telle est leur demande ! En outre, ils veulent aussi pouvoir se former et assurer des soins sécurisés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Ma réponse sera brève en ce qui concerne la CMU.
S'agissant tout d'abord de l'effet de seuil, l'aménagement concerne toutes les personnes qui dépassent le seuil de 10 %, de manière qu'elles puissent accéder à la couverture complémentaire. L'aide s'élèvera à 750 francs en moyenne pour une personne seule et elle sera modulée selon l'âge et la composition de la famille.
Par ailleurs, une étude demandée au directeur du fonds de la CMU et relative à l'évaluation du forfait de 1 500 francs que les organismes complémentaires déduisent de leurs contributions est en cours. Elle devrait permettre éventuellement d'ajuster ce forfait aux dépenses maladie engagées par les bénéficiaires. Nous en tiendrons compte dès que nous aurons les résultats définitifs.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur Leclerc, pas vous ! Vous avez lu la presse, vous en avez le droit ! Moi aussi, je l'ai lue : elle caricature la position du Gouvernement. Jamais, vous pouvez me croire, je n'ai proposé que les internes, dont je connais la vie et l'importance à l'hôpital, et qui ont à assurer plus de gardes encore, voient réduits leurs jours de congés. Jamais, je dis bien « jamais », je ne le ferai ! Je préfèrerais m'en aller !
Au début, on a également caricaturé ma position sur les praticiens hospitaliers, les PH, et, dans les rues, on a dit : « c'est un scandale, le peuple aura ta peau ! ». Par la suite, toutes les organisations intersyndicales de PH ont signé un accord parce que ce qui était dit n'était pas vrai. Aujourd'hui, caricaturer la position du Gouvernement est une manière de négocier. Monsieur Leclerc, je vous invite à faire la différence - je la fais ! - entre ceux qui n'assurent pas de garde ou très peu et ceux qui en assurent beaucoup parce qu'ils y sont obligés. Sachez aussi que c'est moi qui, en France, ait introduit le repos de sécurité. On ne va tout de même pas m'accuser aujourd'hui de ne pas l'avoir fait ! D'ailleurs, personne n'a eu l'occasion de le prendre, sauf les internes, qui seront les premiers à le faire.
Statutairement, les internes doivent assurer cinq gardes : quatre gardes de nuit - une par semaine éventuellement - et une garde le week-end. Ceux-là - c'est-à-dire ceux qui, théoriquement, seraient dans la moyenne - se sont vu proposer cinquante-cinq jours de repos. Ce n'est tout de même pas rien ! Auparavant, ils ne bénéficiaient de rien du tout et, d'ailleurs, ils s'en contentaient. C'était l'honneur des internes et de tous les médecins, dont je suis, qui prenaient les gardes ! Nous étions heureux non seulement d'apprendre notre métier, mais aussi d'être responsable de l'hôpital. Cette culture évolue. Il n'empêche que les internes travaillent énormément. Du jour au lendemain, donc, les internes qui assuraient les cinq gardes statutaires se sont vu proposer cinquante-cinq jours de repos pris non pas sur leurs vacances, mais sur leur temps de travail.
Il est cependant vrai, monsieur Leclerc, que certains internes assurent beaucoup plus de gardes, et je souhaite que l'on procède à une réorganisation complète de celles-ci. Sans citer de nom, je prends l'exemple d'un CHU où il y a 126 internes ; savez-vous combien de ces internes prennent des gardes ? Vingt-cinq !
Evidemment, ces vingt-cinq internes sont très défavorisés par rapport aux autres, mais je ne veux pas qu'un glissement se produise qui conduirait tout le monde à prendre de fausses gardes.
Ceux qui, pour des raisons de service et de santé publique - c'est d'ailleurs précisé dans l'arrêté que je leur ai proposé, excusez-moi si je n'ai pas été assez clair -, ne prendront de garde ni pendant les vacances, ni pendant leurs formations ne seront jamais pénalisés de ce fait.
Ceux-là, mais ceux-là seuls, qui, du fait de la réorganisation des gardes, devront en prendre six, sept, huit ou neuf, le feront sur le temps de travail, mais pas les autres, sinon je provoquerais un mouvement : les autres internes viendraient faire des gardes qui ne seraient pas nécessairement utiles. Il faut, savoir, en effet, que durant les gardes, - j'en ai assuré suffisamment pour le savoir - on ne travaille pas tous : selon les spécialités, c'est très variable, mais il est évident qu'au grand jamais je n'aurais empiété sur le temps de vacances des intéressés.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai noté avec intérêt la création de 2 000 places en centre d'accueil de demandeurs d'asile et de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS.
Ma question porte précisément sur la situation financière préoccupante des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, et, plus largement, sur la nécessité de mieux prendre en compte leur rôle irremplaçable au sein des dispositifs de lutte contre l'exclusion.
Je prendrai l'exemple des CHRS du Rhône. Entre 1997 et 2000, la hausse de 9,75 % de leur budget a uniquement permis de couvrir l'augmentation des charges de personnel, conformément à la convention collective du secteur. Quant aux dépenses de fonctionnement directement liées au projet d'insertion des personnes accueillies, elles n'ont pas été réévaluées durant quatre ans. De ce fait, ces établissements se trouvent constamment dans une logique de gestion de la précarité et estiment qu'ils ne sont entendus ni par le Gouvernement ni par la DGAS.
Depuis trop longtemps déjà, la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale tire la sonnette d'alarme. L'été dernier, j'ai moi-même provoqué une réunion à la préfecture du Rhône pour mettre autour d'une même table toutes les parties prenantes à l'occasion de l'élaboration du schéma départemental de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion. Rien n'en est résulté et les CRHS du Rhône sont aujourd'hui dans une situation hautement paradoxale : ce schéma, conformément à la loi contre les exclusions, devait être un outil pour améliorer les conditions d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes en difficulté, mais, dans le même temps, les moyens financiers alloués sont en régression.
L'inquiétude des directeurs de CHRS est amplifiée par les transferts de crédits de la rubrique « crédits pérennes » à la rubrique « crédits ponctuels », lesquels ne sont pas forcément reconductibles l'année suivante.
De plus, je crois savoir qu'une circulaire sera prochainement signée en application du décret CHRS du 3 juillet 2001, circulaire demandant aux DDASS de circonscrire le plus possible l'activité des équipements à l'hébergement d'urgence, selon les préconisations de la DGAS. Ainsi, seraient abandonnées, tout ou en partie, des missions fondamentales d'accompagnement des plus démunis pour cantonner les CHRS dans la mission d'accueil de nuit qui était la leur lors de leur création.
Ma question est double. D'une part, est-il exact que la DGAS entend réduire la mission des CHRS à un rôle d'hébergement-repas ? D'autre part, avez-vous la volonté de créer une instance de concertation qui ait enfin pour mission de démarrer une réflexion sur les missions fondamentales des CRHS - en adéquation avec la loi contre les exclusions - et sur leur financement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, apporter un soutien plus affirmé à ces structures dont le rôle est essentiel est une préoccupation tout à fait légitime.
Vous le savez, année après année, leurs moyens ont connu une progression supérieure à la progression d'ensemble, puisqu'elle a été de plus de 3 % l'année dernière, et que la progression prévisionnelle pour 2002 est de 3,5 %. Dans la région Rhône-Alpes, que vous connaissez bien, la progression a été de plus de 10 % sur trois ans.
J'en viens à vos questions, auxquelles je tiens à apporter des réponses claires et sans ambiguïté.
Non seulement, il n'a jamais été question de réduire les missions des CHRS, qui sont définies par la loi du 29 juillet 1998 : bien au contraire, les nouvelles dispositions reconnaissent la diversité de ces missions et donnent les moyens de les exercer dans un cadre rénové et transparent.
Les instances de concertation ayant pour mission de réfléchir aux missions fondamentales des CHRS que vous appelez de vos voeux existent.
Le projet de circulaire est actuellement soumis - comme l'avait été précédemment le projet de décret - à la concertation entre, d'une part, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, d'autre part, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Ces instances feront remonter leurs observations dans les prochains jours et, bien évidemment, elles savent qu'elles ont une écoute.
M. le président. La parole est à M. Vantomme. M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne voudrais pas débuter ma première intervention publique au Sénat sans saluer l'effort sans précédent consenti par le Gouvernement dans le cadre de sa politique de santé publique en faveur des grands programmes prioritaires, qu'il s'agisse de la lutte contre le cancer, des actions contre le suicide, du renforcement de la contraception ou des plans nutrition et santé mentale.
Je crois essentiel de se donner les moyens de répondre aux enjeux fondamentaux de la santé publique aujourd'hui, en termes de prévention, de dépistage, d'information, mais aussi de recherche et de formation. Le projet de budget de la santé pour 2002, avec une progression de près de 7 % des crédits par rapport aux dotations inscrites pour 2001, participe pleinement à ces objectifs.
Je crois également nécessaire d'anticiper sur les besoins et les enjeux de demain, en termes d'accélération de la recherche, de prévention, de soins ou de démographie médicale.
A cet égard, j'ai accueilli favorablement l'annonce, au mois d'octobre, d'un dispositif spécifique pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, mais je me demande s'il ne serait pas possible, dans le cadre d'une approche globale et peut-être plus efficace, d'étendre ce plan à l'ensemble des maladies « dégénératives », telles que la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques ? Une telle approche ne permettrait-elle pas de favoriser la recherche dans ce domaine et de traiter plus tôt et plus largement l'ensemble de ces maladies ?
Je voudrais en venir maintenant à la seconde partie de ma question, qui concerne plus généralement les problèmes de santé mentale.
L'Organisation mondiale de la santé, dans son rapport consacré à l'année 2001, rappelle qu'une personne sur quatre présente un ou plusieurs troubles mentaux ou de comportement au cours de sa vie, et ce quel que soit le pays.
Le 14 novembre dernier, M. le ministre délégué à la santé a présenté au conseil des ministres une communication sur la santé mentale et a proposé un plan global d'actions destiné à placer l'usager au centre d'un dispositif à rénover.
La réorganisation de l'offre de soins, proposée par le Gouvernement, prévoit trois déclinaisons : l'adaptation de l'hospitalisation complète, le renforcement des alternatives à l'hospitalisation complète et l'organisation de centres d'accueil intersectoriels de soixante-douze heures.
La mise en oeuvre de cette politique de santé mentale volontariste n'en soulève pas moins des questions auxquelles il me serait agréable que vous puissiez apporter des réponses.
La pénurie de personnel infirmier se constate à l'échelle nationale. Cependant, certaines régions seront plus que d'autres confrontées à ce problème, et cela pour les raisons suivantes : le départ à la retraite de bon nombre d'agents hospitaliers dans les cinq prochaines années et la création de postes hospitaliers dans l'ensemble des régions au titre des 35 heures, ce qui favorise les mutations en nombre vers les régions au climat plus propice. Des transferts sont actuellement en cours et devraient s'accentuer dans les trois mois qui viennent.
Ne faudrait-il pas par conséquent engager une politique spécifique afin d'essayer de maintenir sur place des personnels compétents et indispensables ?
A ce titre, une prime d'installation avait été mise en place par l'arrêté du 19 juillet 1971 pour certaines communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, ainsi que de l'agglomération lilloise, en faveur d'agents prenant leur premier poste. L'extension de ce texte à d'autres départements sinistrés serait une mesure incitative. Y seriez-vous favorable, monsieur le ministre, ou envisagez-vous d'autres réponses ?
Autre sujet, le nombre actuel de psychiatres - plus de 13 000 - peut sembler suffisant si l'on ne prend pas en compte les disparités géographiques. En outre, parmi les médecins, les psychiatres sont ceux dont la moyenne d'âge est la plus élevée : 48 ans.
La spécialité sera parmi les premières touchées par les effets du numerus clausus. Dès 2012, une diminution de 12 % du nombre de psychiatres est quasi inéluctable compte tenu des choix déjà opérés et d'un délai minimum de onze ans avant que ces choix ne se matérialisent. En conservant un nombre de 176 DES en psychiatrie à l'avenir, la diminution du nombre de psychiatres serait de 40 %. Ainsi, à l'horizon 2020, il ne resterait que 7 800 psychiatres, soit environ 5 400 spécialistes de moins pour des missions qui ne cessent d'augmenter, avec des charges croissantes. L'équation ne pourra être résolue par de simples transferts vers les généralistes ou des paramédicaux.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, l'augmentation du nombre d'étudiants en DES de psychiatrie ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, à question précise, réponse précise !
Je suis très fier que ce gouvernement ait présenté un « plan Alzheimer », qui, je le précise, a été très bien accueilli par les professionnels et, sourtout, par les familles de malades. J'ajoute qu'il concerne d'ores et déjà les maladies apparentées. Si la maladie d'Alzheimer touche, hélas ! de nombreuses personnes dans notre pays - mais cela tient au fait que l'on vit plus longtemps - et est de ce fait au centre du plan, il est clair dans notre esprit qu'elle n'est pas la seule maladie qui doive être prise en compte.
Par ailleurs, vous m'avez posé des questions précises sur le plan de santé mentale. La France compte aujourd'hui 13 300 psychiatres contre 8 400 en 1984, soit une hausse de 57 %. Est-ce trop ou pas assez ? En réalité, de nombreux psychiatres ont quitté l'hôpital public pour le secteur privé. Peut-être ne les payait-on pas suffisamment ? Mais il est difficile de concilier réductions budgétaires et augmentations de salaire ! Sans doute les économistes y parviennent-ils, mais moi, je ne sais pas faire !
Les choses, vous le savez, ont évolué, et je ne vous ferai pas l'injure de rappeler les grandes lignes du plan de santé mentale, si ce n'est pour dire qu'il s'est, en particulier, traduit par l'ouverture des gros hôpitaux périphériques vers les hôpitaux généraux, parallèlement au renforcement du secteur et à la prise en charge communautaire.
Ce plan est-il facile à mettre en oeuvre ? Non !
Peut-il l'être immédiatement ? Non !
A cet égard, j'ai bien conscience d'avoir déçu quelques psychiatres aux idées avancées mais je pense avoir eu raison de dire qu'une mise en oeuvre immédiate n'était pas possible parce qu'il y a des besoins en lits et parce qu'il s'agit de pathologies mentales - les maires le savent - qu'il est difficile de traiter. Il est facile de parler d'appartements thérapeutiques et plus difficile de les réaliser. Je veux y parvenir, mais il faut nous laisser le temps nécessaire.
S'agissant du personnel infirmier, 26 000 sont en formation. J'ai proposé - à la demande d'ailleurs de la profession - qu'il y ait une année de spécialité d'infirmier psychiatrique parce que je crois, et je pense que vous en serez d'accord avec moi. Même si trois années sont nécessaires pour former un infirmier général, on n'apprend pas en médecine générale la prise en charge des patients psychiatriques.
S'agissant de la prime d'installation, elle a été mise en place pour les médecins exerçant à l'hôpital public. Pourquoi ne pas l'accorder aux infirmiers pour combler le déficit démographique ? Il faudra sans doute le faire. Je n'ai pas réfléchi plus avant, mais votre question est pertinente, car nous avons en effet besoin d'infirmiers psychiatriques. Je visite parfois, notamment la nuit, les hôpitaux psychiatriques périphériques, et il m'arrive encore d'assister à des scènes dont je rougis.
Cela étant, il ne suffit pas d'augmenter le numerus clausus pour la psychiatrie, il faut aussi inciter les étudiants à choisir cette spécialité. Peut-être devrons-nous imposer un quota aux concours de l'internat, même si la psychiatrie ne figurait pas parmi les trois disciplines que nous avions mises en avant au départ. En effet, à population égale, on compte, je le répète, deux fois plus de psychiatres en France que dans les pays environnants, ces derniers, en particulier l'Italie et la Grande-Bretagne, étant néanmoins plus performants que nous.
Quoi qu'il en soit, une grande réunion se tiendra au ministère, un « Ségur » de la démographie médicale sera organisé, à l'occasion duquel nous débattrons des problèmes d'installation et de nombre de spécialistes avec toutes les parties concernées.
M. le président. La parole est à M. André.
M. Pierre André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, frappé d'un malaise cardiaque à la tribune de notre assemblée, j'étais, quelques mois plus tard, victime d'une mort subite. J'ai pu toutefois ressusciter, grâce à Dieu, grâce aussi à une parfaite organisation des soins d'urgence dans l'hôpital qui m'a accueilli. Qu'il me soit permis de remercier à cet instant tous ceux à qui je dois la vie, tout particulièrement la brillante équipe du service de cardiologie du Val-de-Grâce.
Vous m'objecterez, monsieur le ministre, que si tous les sénateurs commencent à évoquer leurs « bobos » en séance, le débat sur le projet de budget de la santé risque d'être long ! (Sourires.) Pourtant, voyez-vous, si je peux prendre la parole aujourd'hui, si je peux assumer normalement mes mandats de sénateur et de maire d'une ville moyenne dans de bonnes conditions de sécurité, c'est parce que j'ai eu la chance de bénéficier de l'implantation d'un défibrillateur cardiaque.
En France, chaque année, de 30 000 à 50 000 personnes sont victimes d'une mort subite, ce chiffre étant de six à sept fois supérieur à celui des tués dans les accidents de la route. Ces victimes sont très souvent des adultes dans la force de l'âge. La mort subite est due à une fibrillation ventriculaire, et seul un choc électrique délivré dans les trois minutes peut permettre de sauver la personne.
Voilà une vingtaine d'années, ce constat a donné l'idée à un médecin français de miniaturiser ces énormes défibrillateurs que l'on aperçoit dans certaines séries télévisées, notamment dans Urgences , pour les rendre implantables dans le corps.
Le défibrillateur permet de traiter efficacement les récidives de fibrillation ; c'est aussi un moyen de prévenir, chez les personnes à risques, un phénomène dont elles ne réchappent pratiquement jamais.
Malheureusement, monsieur le ministre, la France prend du retard dans ce domaine puisque seulement dix-huit défibrillateurs par million d'habitants y sont implantés, contre vingt-six en Angleterre, trente-sept en Italie, quatre-vingts en Allemagne et davantage encore aux Etats-Unis. Derrière la sécheresse de ces statistiques, vous savez quelle détresse humaine peut exister.
Hélas ! la sécurité sociale ne rembourse pas les défibrillateurs. Les hôpitaux publics ou militaires doivent donc les financer sur leurs budgets propres et le secteur privé, qui traite pourtant 50 % des malades cardiaques, ne peut pratiquer cette technique. C'est là une discrimination grave dans l'accès aux soins et une source d'inégalité des chances de survie pour nombre de patients.
Certes, un défibrillateur coûte cher, entre 80 000 et 100 000 francs, ce qui signifie que seules les personnes les plus favorisées peuvent s'en faire implanter un. Je sais, monsieur le ministre, que ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais telle est la réalité. Devant celle-ci, je voudrais simplement savoir quelles dispositions le Gouvernement pourrait prendre pour mettre fin à une situation profondément injuste et dangereuse. (Applaudissements.)
M. le président. Mon cher collègue, nous sommes heureux que vous ayez pu, en pleine forme, formuler votre question !
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je suis moi aussi très heureux, monsieur André, que vous puissiez intervenir ce soir.
Comme vous l'avez dit très justement, vous avez survécu, au contraire de nombre de personnes frappées par cette pathologie, grâce à une intervention pratiquée en urgence.
Que puis-je ajouter au constat que vous avez dressé ?
S'agissant des défibrillateurs non implantables, il existe en effet une discrimination entre les professionnels qui sont habilités à l'utiliser en urgence et les autres, en particulier les pompiers. Je me suis insurgé à maintes reprises contre cet état de chose, et j'espère avoir obtenu gain de cause, en tout cas pour l'urgence immédiate.
Une seconde discrimination, que vous avez également soulignée, existe par ailleurs entre l'hôpital public, qui peut implanter des défibrillateurs miniaturisés, et les cliniques privées, dans lesquelles pratiquer cet acte chirurgical ne peut être envisagé, puisqu'il ne figure pas dans la nomenclature des actes professionnels.
Cela étant, je ne suis pas la sécurité sociale ! Je formule des demandes, la commission de nomenclature se réunit et prend des décisions, que je peux ensuite accepter ou non. La navette peut durer longtemps...
Enfin, aucun défibrillateur implantable ne fait l'objet de l'inscription nécessaire au tarif interministériel des prestations sanitaires. Je m'efforcerai, plus encore que par le passé, d'agir dans le sens que vous souhaitez, monsieur André, car c'est là un problème de santé publique qui devrait être réglé très rapidement. (M. Chérioux applaudit.)
M. Pierre André. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a une voie !
M. le président. La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais aborder la question de l'aide personnalisée à l'autonomie, l'APA. C'est là une grande réforme, que l'on doit à l'actuel gouvernement. Elle entrera en vigueur dans quelques jours, et il me semble important de l'évoquer au cours de ce débat.
Récemment, j'ai entendu s'élever un certain nombre de critiques, émanant en particulier de quelques présidents de conseil général. Selon ces derniers, la mise en place de l'APA va coûter cher à leurs collectivités locales. Pourtant, puisque l'ambition est de passer d'une prestation spécifique dépendance touchée par 130 000 personnes aujourd'hui à une allocation qui, demain, sera perçue par plus de 800 000 bénéficiaires, il est tout de même normal qu'une telle mesure soit plus coûteuse. On ne comprendrait pas qu'il en aille autrement.
A cet égard, le dispositif financier mis en oeuvre prévoit toute une série de compensations. Je pense ainsi au fonds de l'APA, qui représentera 5,7 milliards de francs pour 2002, c'est-à-dire plus de la moitié de la dépense supplémentaire engendrée par la réforme.
De plus, une péréquation entre les départements est désormais prévue, qui n'existait pas dans l'ancien dispositif, et un certain nombre de départements ont gagné de l'argent ou en ont dépensé moins qu'ils n'en versaient autrefois au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui était plus coûteuse pour eux que la PSD.
Ces précisions étant apportées, j'aimerais savoir quelles dispositions seront prises afin que la réforme puisse effectivement entrer en vigueur au 1er janvier prochain, c'est-à-dire dans quelques jours.
Sur ce point, il est très important que tous les textes d'application soient publiés et qu'un gros effort d'information soit accompli en direction des personnes qui seront chargées d'appliquer la réforme. A ce titre, il est essentiel de multiplier les centres locaux d'information et de coordination.
Il faudra aussi très vite former les personnels, car l'APA n'est pas sous-tendue par la même philosophie que le PSD. Il s'agit en effet d'une allocation à la fois universelle et personnalisée, et il conviendra donc de faire du « sur mesure », de prendre en compte les aspirations de chaque bénéficiaire, d'étudier quels aménagements doivent être effectués dans le logement, bref d'envisager toutes les formes d'aide qui permettront de lutter contre la dépendance et d'accroître la part d'autonomie. A cet égard, une large formation devra être assurée.
Enfin, Mme Guinchard-Kunstler a récemment déclaré que cette réforme, nécessaire et très ambitieuse, devrait entraîner la création de 40 000 emplois dans les deux ou trois années à venir. Il est vrai que si le dispositif doit profiter à 800 000 allocataires, les besoins en personnel seront importants, et apparaît alors le problème du recrutement. Les conditions d'emploi seront-elles suffisamment motivantes ? Quelle formation devront avoir ou recevoir les personnes recrutées ?
Telles sont les questions que je souhaitais poser au Gouvernement, en rappelant à quel point nous sommes, pour notre part, attachés à cette très forte réforme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, mais cela mérite d'être rappelé : la loi a été votée au mois de juillet dernier, les décrets d'application sont parus le 20 novembre, le processus avance à grands pas et l'APA entrera donc en vigueur, comme prévu, le 1er janvier 2002. Actuellement, environ 250 000 personnes sont allocataires de la PSD, notre ambition étant que 800 000 personnes bénéficient à terme de l'APA.
S'agissant des conditions de ressources pour prétendre à l'APA, un barème a été établi. Le montant versé sera inversement proportionnel aux revenus quand l'APA sera accordée à titre individuel ; si la personne concernée vit déjà de façon continue dans un établissement, celui-ci recevra une dotation visant à compenser les frais de séjour.
Je n'entrerai pas dans tous les détails, mais, au-delà des dispositifs de financement, le montant de l'enveloppe affectée à l'accompagnement médical sur la période 2000-2004 s'élève à 6 milliards de francs.
De ce point de vue, la loi a prévu un mécanisme transitoire permettant de couvrir l'ensemble de la montée en charge du dispositif, afin notamment d'éviter toute rupture de droits pour les personnes qui bénéficiaient auparavant de la PSD et qui pourraient momentanément pâtir du basculement d'un dispositif à l'autre : une allocation différentielle leur sera versée. Tout est donc, vous le voyez, prêt à fonctionner.
En ce qui concerne enfin les besoins en personnel liés à l'instauration de l'APA, le chiffre de 40 000 emplois que vous avez cité, monsieur le sénateur, représente l'hypothèse basse ; l'hypothèse haute est de plus du double. Telle est la théorie, mais il est vrai que nous devons tenir compte des réalités de la formation, du recrutement, du degré de mobilité accepté par les personnes pour occuper les emplois, des dispositions techniques et financières à prendre pour que les services naissent et vivent sur tout le territoire.
A ce propos, je me suis rendu hier à Besançon avec ma collègue Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, afin de visiter des services. Tous les aspects que j'ai évoqués sont en train d'être étudiés ou traités.
Un défi est devant nous, cela est vrai, et nous devons tous le relever.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je voudrais intervenir très brièvement pour préciser que personne ne conteste le principe de l'APA : c'est le financement qui est discuté, car il reste en grande partie à la charge des départements.
A cet égard, le programme pluriannuel de dépenses publiques pour 2003-2005 fait apparaître une progression de 6,6 % des dépenses des administrations publiques locales. On ne peut pas, d'un côté, regretter que les dépenses des collectivités locales, notamment celles des départements, augmentent, et, de l'autre, mettre à leur charge des dépenses nouvelles.
M. Philippe Adnot. Très bien !

(M. Guy Fischer remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai, à mon tour, un rapide constat de santé dans un registre tout à fait différent de celui qui a été évoqué par notre sympathique collègue Pierre André. En effet, j'évoquerai la santé d'un département rural...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah !
M. Daniel Goulet. ... parmi d'autres, l'Orne : 6 123 kilomètres carrés et 290 000 habitants.
Je citerai simplement quelques chiffres issus d'une étude objective réalisée par le quotidien Ouest-France , qui justifieront mes préoccupations.
S'agissant des médecins spécialistes, on en dénombre 51 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 91 pour 100 000 habitants. Le département compte six pédiatres, soit deux pour 100 000 habitants. Il y a un dentiste pour 2 500 habitants, et il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste.
En outre, les médecins généralistes qui cessent leur activité ne trouvent pas de successeurs, ce qui est compréhensible compte tenu de la non-revalorisation des honoraires et de l'augmentation croissante des tracasseries administratives.
Je dirai un mot de la médecine scolaire. Pour 42 000 élèves dans l'enseignement public, on compte seulement cinq médecins scolaires en activité.
La médecine du travail n'échappe pas à la règle et nous faisons le même constat d'incurie.
Je dirai un mot également sur l'hôpital.
En zone rurale, l'hôpital est plus particulièrement confronté à la spécificité de ce milieu, et notamment à une population vieillissante qui est de plus en plus dépendante.
Je prendrai deux exemples.
A Vimoutiers, une toute petite ville rurale de 4 600 habitants, 6 500 pour le bassin de vie, l'hôpital doit faire face à un déficit en personnel de plus de neuf personnes avant même la mise en place des 35 heures. Quel sera le déficit lorsqu'il faudra appliquer la réduction du temps de travail ?
Cet hôpital a, par ailleurs, un besoin urgent de modernisation et d'humanisation. A cet effet, un projet de 26 millions de francs doit être réalisé en trois tranches. Vous voyez, monsieur le ministre, ce que cela représente sur le plan financier. Je souhaite que votre ministère puisse faire bénéficier cet hôpital de l'enveloppe supplémentaire annoncée par le Gouvernement.
On peut dresser le même constat pour la commune de Ceton, un gros bourg percheron. Là aussi, la maison de retraite a besoin de personnel et d'une restructuration, la commune ne pouvant en assurer seule le coût.
Je pourrais très bien m'arrêter là et vous dire, monsieur le ministre : que faites-vous, que pouvez-vous faire face à cette situation ?
En réalité, je vais vous parler d'avenir et d'espoir pour le monde rural, et pas seulement d'argent et de moyens immédiats.
Pourquoi aider les jeunes agriculteurs à s'installer dans un secteur où ils n'auront pas d'écoles pour leurs enfants, où ils auront peu de loisirs accessibles, des services publics défaillants, où le commerce de proximité sera inexistant et où ils n'auront pas de médecin pour les soigner ?
Comment, après le drame de Moulinex, réussir la réindustrialisation de la région que je représente et, par conséquent, le retour à l'emploi, compte tenu des conditions sanitaires que je viens de rappeler ?
C'est un véritable appel au secours que nous vous lançons. Nous espérons enfin être entendus.
La France à deux vitesses, que j'ai dénoncée tant de fois dans cette enceinte, n'est pas la France.
Ce constat est encore plus intolérable s'agissant du secteur de la santé.
Je tente de mettre en place, avec les services de la région et certaines collectivités territoriales candidates, dans le cadre de contrats de pôle intercommunaux existants, quelques « maisons de la santé ». Il s'agit d'expériences, afin de mettre les médecins, en particulier les jeunes qui sortent de la faculté, dans des conditions d'accueil favorables, en leur fournissant des locaux et les moyens nécessaires pour l'exercice de leur profession, comme nous l'avons d'ailleurs déjà fait pour d'autres secteurs de l'économie et pour des services publics défaillants.
Monsieur le ministre, acceptez-vous de soutenir cette initiative en engageant une sorte de table ronde avec vos collègues de Bercy - pour étudier bien sûr des mesures d'incitation fiscales -, de l'éducation nationale et, surtout, de l'enseignement supérieur, avec votre collègue de l'agriculture aussi, afin de faire de l'Orne un département pilote sur la santé, comme il l'a été avec succès en matière d'enseignement en milieu rural, par l'expérience réussie des regroupements pédagogiques ? (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il est une remarque générale à laquelle je ne peux que souscrire : les départements ruraux se dévitalisent. Je n'en suis pas satisfait, vous non plus. Vous le savez, 80 % de la population française vit dans les villes. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Ne me demandez pas de porter un jugement moral.
Je vous répondrai précisément. J'ai sous les yeux l'article auquel vous avez fait allusion. Je crois que sa teneur est d'ailleurs un peu exagérée. S'agissant du manque de médecins, « il n'y a pas une seule cause », dit un médecin. Il poursuit : « Tout d'abord, les médecins aspirent à une vie plus régulière ; autrefois ils étaient des militants de la santé au détriment de la vie privée. » Il est vrai qu'ils étaient cela. La culture dont je parlais tout à l'heure est effectivement en train de se modifier. Je ne dis pas que c'est bien ou que c'est mal ; je ne les accuse de rien ; c'est ainsi ! Ils pensent aussi à leur famille, à leur vie privée. Nous l'avons bien sûr constaté lorsque nous avons ouvert le dossier de la réduction du temps de travail.
Vous me demandez très précisément ce que je compte faire. Tout d'abord, je suis d'accord pour rencontrer mes collègues, mais, vous le comprenez, si tous les ministères doivent se réunir, la concertation sera très longue.
Les pédiatres et les ophtalmologistes ne manquent pas seulement dans l'Orne, mais dans ce département ils font cruellement défaut. Quant à savoir si je peux, grâce à une discrimination positive, les inciter à s'installer, la réponse est : « oui ». Nous l'avons fait. Il faudra voir dans quelle mesure cela fonctionne. A Essay, il existe un syndicat de communes. Sur l'initiative d'un médecin, M. Heuzé, a été créée une structure qui comprend des professionnels de santé, un cabinet de médecins, dentistes - il en manque aussi, bien sûr -, infirmières et kinésithérapeutes. Peut-il y avoir des regroupements sur l'initiative des collectivités locales ? J'encouragerai de tels regroupements. C'est notre politique. Récemment, une émission de France 3 Normandie a alerté le public sur ce problème, et j'en suis heureux. Nous sommes prêts à soutenir ces initiatives. Elles s'inscrivent dans la politique globale de prise en charge des urgences.
Vous n'avez pas évoqué les urgences. Or, à cet égard, se pose un problème, qui est général dans notre pays. En effet, les médecins généralistes, pour les raisons que vous avez évoquées et qui sont mentionnées dans cet article, assument de moins en moins d'urgences, ce qui surcharge l'hôpital.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 comporte un dispositif expérimental, qui sera étendu. Nous voulons savoir comment le faire. Un financement a été prévu pour que l'aide à l'installation en zone rurale soit effective. Ce sera une aide matérielle s'agissant de l'installation elle-même. Comment inciter les médecins à remplacer ceux qui partent à la retraite, et donc à reprendre leur clientèle et à prendre la suite ? Je ne vois pas comment nous pourrions le faire autrement que par une incitation par la loi. Il y aura, il le faut, des incitations matérielles. Nous sommes disposés à les prévoir.
S'agissant du problème général de la revalorisation des actes médicaux, j'ai répondu tout à l'heure. Cependant, là, je ne suis pas seul à décider. Mme Guigou et moi-même avons demandé à la commission concernée de la sécurité sociale d'examiner ce problème, qu'il faudra trancher. Mais nous soutiendrons les dispositifs précis dans l'Orne, que j'ai cités.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 29 604 337 euros. »

L'amendement n° II-120, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits figurant au titre III de 3 831 475 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement dont nous avons abondamment parlé. Le plan gouvernemental de lutte contre le bioterrorisme comprend le développement des activités de prévention, d'alerte et de gestion des crises. Dans l'exposé des motifs de cet amendement est décrit le dispositif et figure la répartition des crédits sur les différents chapitres concernés. Il vous faudrait accepter de financer les moyens supplémentaires en effectifs proposés pour la mise en oeuvre du dispositif.
Un certain nombre d'emplois seront créés. En tout cas, je le souhaite infiniment. Monsieur le rapporteur, j'ai entendu les critiques sur les services déconcentrés. Ceux-ci seraient satisfaits de voir arriver trente médecins inspecteurs de santé publique, trente-six ingénieurs d'études sanitaires, dix agents contractuels hors catégorie, un attaché d'administration centrale, cinq secrétaires administratifs et seize agents contractuels.
L'établissement des recueils de données élémentaires pour la santé publique n'est plus suffisamment assuré tant ces données se multiplient. Ce n'est pas parce qu'il y a moins de personnels, c'est parce qu'il y a beaucoup plus à faire. Avec le bioterrorisme, nous devons faire face, au nom même de ce que vous appelez les attributions régaliennes de l'Etat, à cette menace ; nous ne devons pas être démunis. Il est donc nécessaire d'assurer l'établissement des recueils dans les régions.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Et d'acheter des antibiotiques !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Et j'achèterai en plus des antibiotiques ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Cet amendement nous pose un problème, aussi bien sur la forme que sur le fond.
Je rappelle que le plan Biotox a été annoncé en octobre dernier. Cet amendement nous est parvenu à l'instant. Les ministères examinaient encore ensemble il y a quelques instants cette affaire. Je comprends que cela soit très compliqué, mais, sur la forme, c'est excessivement difficile.
S'agissant du fond, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que nous avions relevé un nombre considérable de créations de postes de fonctionnaires. Nous nous demandons si les emplois que vous nous proposez de créer ne pourraient pas résulter de redéploiements de postes plutôt que d'empiler de nouvelles structures et de prévoir des postes supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
En tout cas, je me crois mandaté par la commission des finances pour émettre un avis défavorable sur cet amendement. Je précise qu'il en sera de même s'agissant de l'amendement n° II-121 qui « gage » ces créations de postes sur les crédits du RMI.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Compte tenu de tout ce que vous avez reclamé, c'est un peu fort !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-120, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 329 516 476 euros. »

La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, Mme Odette Terrade, qui souhaitait intervenir sur le titre IV, m'a demandé de la suppléer, ce que je fais, vous le constatez, avec un très grand esprit de solidarité.
D'un montant modeste de 115 millions de francs, le budget consacré aux droits des femmes augmente de 7,28 % par rapport à celui de 2001.
Particulièrement sensible aux droits des femmes, notre groupe se félicite de ce choix politique, qui doit permettre, nous y serons vigilants, de poursuivre les actions engagées, comme le renforcement des permanences locales d'accueil, d'écoute, d'orientation et d'accompagnement des femmes victimes de violences ou le financement de mesures visant à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévues par la loi du 9 mai 2001.
En revanche, nous sommes préoccupés - mais, là, ma question s'adresse davantage à M. le ministre de l'économie et des finances - par l'annulation de 5 millions de francs sur des crédits d'intervention du service des droits des femmes, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2001.
Les inquiétudes que je vous exprime sont d'autant plus vives qu'une grande part de ces crédits correspond à des aides financières en faveur d'associations partenaires de votre ministère et du secrétariat d'Etat aux droits des femmes.
Or ces mêmes associations, dont le travail de terrain est largement reconnu, sont de plus en plus sollicitées tant dans le cadre des relations partenariales que le secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle entretient avec elles que par nos concitoyennes et nos concitoyens.
Une telle réduction de crédits va forcément compromettre les initiatives qui ont été prises. Vous reconnaîtrez avec moi qu'en cette année où l'on fête le centenaire de la loi de 1901, ce n'est pas un signe encourageant pour les associations qui oeuvrent quotidiennement pour l'information, l'écoute et l'orientation des femmes ainsi que pour le développement de leurs droits.
Si les droits des femmes concernent tous les ministères, nous savons cependant à quel point le secrétariat d'Etat aux droits des femmes joue un rôle fondamental d'impulsion d'une politique volontariste et innovante en faveur des femmes.
Qu'il s'agisse de la précarité de l'emploi, des conditions de travail, du temps partiel non choisi, des contrats de travail à durée déterminée, de la réduction des écarts de salaires à travail identique, de la reconnaissance des acquis professionnels et de leur validation ou de la lutte contre les violences envers les femmes, toutes ces situations doivent trouver des réponses efficaces et des moyens d'impulsion à la hauteur des ambitions affichées.
Par ailleurs, concernant la loi de juillet 2001 sur l'IVG et la contraception, monsieur le ministre, nous sommes impatients de voir publiés les décrets sur l'information et de connaître les moyens que le Gouvernement compte mettre en place pour favoriser son application rapide. En effet, vous le savez, aujourd'hui encore, de nombreux médecins continuent d'ignorer la loi et de trop nombreuses femmes sont toujours contraintes de se rendre à l'étranger faute d'obtenir un rendez-vous dans les délais.
Quels moyens sont envisagés, notamment pour les hôpitaux, alors que seuls quatre établissements publics sur douze mettent en pratique l'allongement du délai d'IVG à douze semaines en Ile-de-France ?
Il convient de se soucier de la responsabilité du secteur public, notamment en région parisienne, et sur le sens que nous entendons donner à la véritable mission de service public que constitue l'accès à l'IVG.
S'agissant de la contraception, quels moyens budgétaires seront affectés pour les campagnes publiques d'information, pour garantir l'efficacité des séquences d'éducation à la sexualité tout au long de la scolarité des jeunes, pour augmenter le nombre d'infirmières scolaires - dont le rôle, entre autres, en terme d'information, de conseils et de soutien des adolescents est primordial - et pour procéder au remboursement des contraceptifs ? A ce sujet, je vous rappelle que le stérilet reste encore très partiellement remboursé, ce qui, nous le savons, pénalise les femmes les plus démunies.
De même, est annoncée depuis longtemps la prise en charge d'une pilule générique dite de troisième génération ; or, aujourd'hui, le remboursement de cette pilule, utilisée par 1 600 000 femmes, serait remis en cause au motif qu'elle serait dangereuse pour la santé. Dès lors - je vous pose la question, monsieur le ministre - pourquoi reste-t-elle sur le marché ?
La mise en place d'une véritable politique de développement de la contraception, notamment envers les jeunes générations, reste un défi à relever.
A l'occasion de l'examen de ces crédits, nous avons souhaité rappeler ces enjeux importants car ils sont au coeur des progrès de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) .
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exécution de ce budget demeure étroitement liée au contexte économique et social général.
Sur certains points - les volets politiques de santé publique, la lutte contre les exclusions, par exemple - nous sommes en présence d'un budget globalement positif.
Bien que le chemin reste encore long pour privilégier la prévention et pour développer en France une démarche d'éducation à la santé, il convient de noter que, cette année, un effort particulier est accompli par l'Etat pour les programmes de santé publique, singulièrement en ce qui concerne le dépistage des cancers du sein, du côlon, de l'utérus. Reste à savoir si, dans les faits, ces ambitions trouveront concrètement à se réaliser.
A juste titre, monsieur le ministre, vous considérez que l'« on ne peut distinguer la prévention du reste, l'appareillage ou la prise en charge, notamment ».
Qu'entendez-vous faire pour combler les retards de notre pays en matière d'imagerie médicale et, par conséquent, pour assurer une couverture égale de l'ensemble du territoire ?
Un effort particulier est accompli en direction des CHRS, et notamment des centres destinés aux réfugiés, ce qui apporte un premier élément de réponse aux attentes fortes des associations qui, depuis cet été, alertent les pouvoirs publics sur leurs difficultés.
D'autres points méritent d'être soulignés, même si les décisions prises nous semblent moins positives.
Les quatre chapitres budgétaires que sont le RMI, la CMU, l'AAH et l'API connaissent ainsi des fortunes différentes.
Concernant plus particulièrement le tassement, prévu initialement, des crédits du RMI et la réduction de 100 millions de francs supplémentaires votée par l'Assemblée nationale, nous entendons l'argumentation avancée.
Effectivement, le nombre d'allocataires potentiels semble en diminution. Toutefois, en 2002, les conditions économiques seront différentes. De plus, le Gouvernement a décidé d'aligner l'allocation des départements d'outre-mer sur celle de la métropole et d'augmenter d'un trimestre les possibilités du cumul entre le RMI et un emploi.
Concernant, enfin, le volet « offre de soins », dont les dépenses diminuent sensiblement, je retiens tout de même que ce budget traduit les engagements du Gouvernement. L'accent est mis sur la formation des personnels de santé et les quotas d'étudiants infirmiers sont revus à la hausse.
Si, effectivement, le nombre de bourses est en augmentation, il n'en demeure pas moins que toutes les aides-soignantes ayant passé le concours d'infirmière ne se verront pas attribuer une bourse.
Enfin, s'agissant du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux le FIMHO, cette année, la ligne qui y est consacrée enregistre une diminution de 300 millions de francs de crédits, alors que les projets et les demandes sont supérieurs aux possibilités de fonctionnement.
Bien qu'appréciant l'effort consenti par le Gouvernement en direction des hôpitaux - qui sont nombreux à attendre les fonds nécessaires aux restructurations souvent imposées et à la réhabilitation des locaux -, j'émettrai quelques réserves concernant le montant exact des crédits débloqués et la répartition des aides.
C'est pour des raisons bien différentes de celles de la majorité sénatoriale, qui estime que ce budget est lourd de menaces pour l'avenir, qui craint que la politique suivie par le Gouvernement dans le secteur hospitalier n'aboutisse à amplifier le risque d'une explosion des dépenses, que le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ce budget.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, l'Institut de veille sanitaire voit ses crédits diminuer de 228 673 euros. Or cet institut est chargé, d'une part, d'observer et de surveiller l'état de santé de la population pour l'ensemble des risques susceptibles de l'affecter et, d'autre part, d'alerter les pouvoirs publics en cas de menace pour la santé publique. Il abrite en son sein l'unité de la santé au travail, qui est plus spécialisée dans la surveillance des risques professionnels.
Cette unité a-t-elle vraiment les moyens d'assurer sa mission ? Etant donné tous les risques nouveaux qui apparaissent, j'en doute fortement, et je souhaite que vous nous donniez les raisons de cette baisse des crédits de l'Institut de veille sanitaire, car nous pensons - et nous ne sommes pas les seuls - qu'ils auraient dû, au contraire, être revus à la hausse.
S'agissant, en amont, de la prévention des risques professionnels, je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur les modalité de formation des étudiants en médecine en matière de santé au travail.
Quels enseignements peut-on tirer des programmes de faculté de médecine s'agissant de la médecine du travail ? Tout simplement que l'étude des risques professionnels constitue - à moins, bien sûr, d'effectuer une spécialisation en médecine du travail - un parent pauvre des études médicales. Le programme de cours d'une faculté de médecine de province que je connais bien - qui s'apparente d'ailleurs à celui de la plupart des autres facultés de médecine françaises - l'illustre clairement : une vingtaine d'heures de cours, tout au plus, sont dispensées sur les questions de santé au travail. De plus, elles n'interviennent que durant la seule sixième année de médecine, avec un contenu certes varié et pertinent, mais forcément superficiel et trop rapide.
Que dire d'un cours de deux heures qui ambitionne de couvrir toute la question des cancers professionnels ? Pourtant, une sensibilisation plus précise des futurs médecins généralistes, notamment, à la santé au travail permettrait des dépistages plus précoces, des soins plus ciblés et des actions de préventions plus efficaces.
La dernière observation que je souhaiterais formuler à l'occasion du vote des crédits de la santé et de la solidarité, se résumera à une question : pourquoi, dans les plans de lutte contre les cancers, les cancers professionnels sont-ils totalement ignorés, au point de n'être jamais cités ? Or ces cancers sont le révélateur le plus caractéristique du déni ordinaire des droits les plus fondamentaux que sont le droit à la vie et le droit à la retraite.
Le droit à la dignité est aux antipodes des campagnes de culpabilisation développées actuellement, qui visent à rendre l'individu seul responsable de la maladie qui le tue.
Vous le savez, monsieur le ministre, les cancers professionnels ont un coût humain et économique extraordinairement lourd pour les victimes, mais aussi pour la collectivité. La prévention est un choix politique qui s'oppose à une raison économique à trop courte vue.
Je vous demande donc, monsieur le ministre de la santé, d'user de tout votre pouvoir pour que ces questions fassent l'objet d'un plan gouvernemental prioritaire dans le cadre des programmes de santé publique.
M. le président. L'amendement n° II-121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits figurant au titre IV de 3 840 000 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cet amendement n'a plus d'objet.
M. le président. C'est exact !
L'amendement n° II-121 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 16 158 000 euros ;

« Crédits de paiement : 4 847 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 258 017 000 euros ;
« Crédits de paiement : 29 676 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 71 ter , qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la santé et à la solidarité.

Article 71 ter



M. le président.
« Art. 71 ter . - I. - L'article L. 5124 18 du code de la santé publique devient l'article L. 5124-20.
« II. - Après l'article L. 5124-17 du même code, sont insérés deux articles L. 5124-18 et L. 5124-19 ainsi rédigés :
« Art. L. 5124-18 . - Toute demande d'autorisation d'importation parallèle délivrée dans les conditions fixées par le décret prévu par le 12° de l'article L. 5124-20 est accompagnée du versement d'une taxe dont le barème est fixé par décret dans la limite de 9 150 EUR.
« Son montant est versé à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« Cette taxe est recouvrée selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances des établissements publics administratifs de l'Etat.
« Art. L. 5124-19 . - Les médicaments bénéficiant d'une autorisation d'importation parallèle délivrée dans les conditions fixées par le décret prévu au 12° de l'article L. 5124-20 font l'objet d'une taxe annuelle instituée au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé suivant les modalités prévues aux articles L. 5121-17, L. 5121-18 et L. 5121-19. »
L'amendement n° II-30, présenté par M. Joyandet, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« I. - Supprimer le I de l'article 71 ter.
« II. - Dans le II de cet article remplacer (deux fois) respectivement les références : "L. 5124-18, L. 5124-19 et L. 5124-20" par les références : "L. 5124-17-1, L. 5124-17-2 et L. 5124-18". »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Nous sommes là en plein syndrome du pont de la rivière Kwaï ! Pour les détails, je vous renvoie à mon rapport écrit.
L'article L. 5124-18 du code de la santé publique deviendrait l'article L. 5124-20, afin de pouvoir insérer deux articles additionnels créant deux nouvelles taxes au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il ne serait pas nécessaire, dans ces conditions, de procéder ensuite à de nouvelles modifications.
Certes, nous n'aboutirions pas ainsi à une numérotation linéaire, mais cette numérotation serait comptatible avec la rédaction actuelle des autres chapitres ou des autres textes auxquels il convient de faire référence dans le texte que nous avons voté.
C'est un peu technique, mais j'espère avoir été suffisamment clair pour convaincre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement ayant mûrement réfléchi à cette nouvelle querelle des Anciens et des Modernes - et je ne désignerai ici ni l'ancien ni le moderne - il s'en remet à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-30, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article n° 71 ter, modifié.

(L'article 71 ter est adopté.)

Article additionnel après l'article 71 ter



M. le président.
L'amendement n° II-132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 71 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 5211-5-1 du code de la santé publique, le montant de : "30 000 francs" est remplacé par le montant de : "4 580 euros".
« II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 5211-5-2 du code de la santé publique, le montant de : "5 000 000 de francs" est remplacé par le montant de : "763 000 euros". »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Nous vous proposons une transformation technique, dont je vous ferai grâce de l'économie à cette heure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Après mûre réflexion et compte tenu de l'excellente ambiance qui a présidé à tous nos débats cet après-midi, je me sens obligé, avec l'accord du président de la commission des finances, d'émettre un avis favorable. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-132, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 71 ter.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé et la solidarité.

5

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Daniel Eckenspieller pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel deux lettres par lesquelles il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, les 6 et 7 décembre 2001, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
Acte est donné de ces communications.

7

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Aménagement du territoire et environnement (suite)

II. - ENVIRONNEMENT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, aux deux rapporteurs pour avis, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq minutes au maximum. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rapport spécial sur le projet de budget pour 2002 du ministère de l'environnement s'intitule : « Environnement, un affichage politique ». Je pourrais m'en tenir là et recueillir des mains du président le prix spécial de la plus courte intervention de tous les rapporteurs ! (Sourires.)
Je pense, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vous savez d'ores et déjà où je veux en venir : le Gouvernement classe chaque année ce budget parmi les « budgets prioritaires », mais cette priorité n'est qu'apparente car, pour accroître son périmètre politique, le ministère de l'environnement a délibérément sacrifié la dépense d'investissement.
Si priorité a été donnée, c'est à l'affichage de progressions « mirobolantes » des crédits, grâce à de nombreuses modifications du périmètre budgétaire : tout au long de la législature, telle la grenouille de La Fontaine, que j'évoquais l'an dernier à cette même tribune, le budget de l'environnement a gonflé de manière largement factice.
Si l'on fait la somme des crédits préexistants qui ont rejoint le budget de l'environnement, ce sont 381 millions sur les 761 millions d'euros du budget pour 2002 - soit plus de 50 % ! - qui résultent de simples modifications du périmètre budgétaire et qui ne sont que de la « poudre aux yeux ».
On nous annonce une augmentation de 6,3 % pour cette année, mais un autre calcul me permet d'obtenir un pourcentage de 4,1 %. Et ces progressions « mirobolantes » sont d'autant moins crédibles que les crédits votés par le Parlement sont très mal consommés : à peine 43 % en 2000 !
Autrement dit, monsieur le ministre, 57 % des crédits que votre gouvernement nous a demandé de voter en loi de finances pour 2000 n'ont pas été utilisés ! L'exercice, déjà très formel, que l'on nous demande ici n'est qu'un exercice de dupes !
Je dois toutefois indiquer que les crédits les mieux consommés sont traditionnellement les crédits de fonctionnement et je m'étonne que vous n'ayez pas réussi à maintenir votre taux de consommation grâce à la déformation de la structure du budget.
Les dépenses ordinaires représentaient, en 2000, 42 % de votre budget ; en 2002, elles atteignent 82 % ! Vous avez négligé les dépenses en capital, qui sont tombées de 58 % du budget à seulement 18 %...
En effet, votre priorité numéro un a été, non pas telle ou telle politique environnementale, mais l'emploi public : vous allez augmenter de 10 % vos effectifs en 2002. J'estime que de tels recrutements ne sont absolument pas raisonnables dans le contexte budgétaire actuel.
J'en arrive ainsi à la première question que je souhaitais vous poser. J'ai appris que la moitié des 300 créations d'emplois prévues pour 2002 dans votre ministère devait permettre le passage aux 35 heures. Comment cela est-il compatible avec l'engagement formulé ici même l'an dernier par M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique, d'appliquer les 35 heures dans la fonction publique « à effectifs constants » ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer quel est le coût de l'application des 35 heures pour votre ministère ?
Si l'on s'attache aux politiques environnementales proprement dites, on ne peut qu'être étonné du détournement du fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, abondé par les agences de l'eau, qui devrait ne financer que des dépenses d'intérêt commun aux agences.
Ni la Cour des comptes ni nous-mêmes n'avons compris le critère de répartition entre les dépenses du FNSE et celles de votre budget. D'où ma deuxième question : pouvez-vous très simplement définir ce critère ? En quoi le financement de compteurs dans les logements sociaux, pour ne prendre qu'un exemple, relève-t-il plus du FNSE que du budget général de l'Etat ?
Sur la politique de l'eau, j'ai aussi une inquiétude : je redoute un scénario du type « ADEME » pour les agences de l'eau.
S'agissant de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, je le rappelle, on a d'abord augmenté les taxes de 50 %. On a ensuite diminué de moitié les subventions aux collectivités locales pour les installations de traitement des déchets. L'Etat s'est, de ce fait, trouvé à la tête d'un magot non-consommé, sur lequel il a fait main basse pour financier les 35 heures. N'est-ce pas exactement ce qui va se passer avec les agences de l'eau ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles seront les conséquences des dispositions qui viennent d'être adoptées par l'Assemblée nationale et nous assurer que l'intégration des redevances des agences dans le budget général ne va pas conduire, demain, au même processus que celui que je viens de rappeler ?
S'agissant de la politique de prévention des risques industriels, je regrette très vivement que le ministère n'ait promu cette politique au rang de « priorité » qu'après l'accident de Toulouse. En effet, cette politique n'a souvent bénéficié que de reconductions de crédits d'une année sur l'autre et les effectifs qui y étaient affectés ont régressé en part relative dans les effectifs totaux du ministère. La priorité, c'étaient les services centraux !
Ma troisième question porte sur la « rallonge budgétaire » improvisée qui a été votée à l'Assemblée nationale. La dotation pour la prévention des risques industriels est importante : 100 emplois, soit près de 3 % de vos effectifs, et 8 millions d'euros, soit plus de 1 % du budget. Ce n'est pas la mesure en elle-même que nous critiquons. Nous nous demandons seulement si le ministère a été à ce point imprévoyant...
Dernier sujet que je souhaite évoquer, l'ADEME, bien sûr. J'ai consacré à cet établissement un rapport qui est paru en mars dernier et je tiens d'abord à souligner les efforts entrepris depuis la publication de mon rapport d'information et du rapport de l'inspection générale des finances. S'il fallait démontrer la pertinence de ces rapports, les modifications entreprises y suffiraient !
Cette année encore, les crédits de paiement de l'ADEME diminuent pour s'ajuster aux besoins de l'établissement. Soit ! Je ne peux pas critiquer cette « saine gestion » puisque j'avais moi-même dénoncé le gonflement hypocrite des crédits de l'ADEME en 1999 et 2000.
Toutefois, je souhaite connaître le montant prévisible des crédits de paiement qui devront être budgétés pour l'ADEME en 2003 et 2004 ?
N'y a t'il pas là une petite bombe budgétaire à retardement que vous laissez au prochain gouvernement ? En effet, en 2003 et 2004, il faudra bien financer l'ADEME par des ressources nouvelles. Les crédits de paiement sont tombés si bas qu'il faudra au moins les tripler. Or les dotations en autorisations de programme ont continué de progresser. Il faudrait au moins 350 millions d'euros cette année et vous n'en avez prévu que 90 millions. Comment trouvera-t-on la différence ?
En ce qui concerne l'énergie éolienne, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour protéger les oiseaux et les sites contre l'implantation anarchique des éoliennes.
D'autre part, comment comptez-vous indemniser les consommateurs qui, lorsqu'ils paient leur facture, financent sans le savoir un « courant idéologique » qui vaut 55 centimes le kilowattheure au lieu de 18 centimes pour de l'électricité produite dans des conditions « classiques » ?
En résumé, mes chers collègues, dans la mesure où ce budget est essentiellement tourné vers le fonctionnement, où il sacrifie une fois de plus les dépenses d'investissement liées à la protection de l'environnement - plus de 400 millions d'euros ont été détournés de l'environnement en deux ans - et où il n'est pas sincère puisque le taux de réalisation des crédits est systématiquement surévalué, je vous propose, au nom de la commission des finances, de rejeter ce projet de budget pour 2002. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai apprécié la qualité et la vivacité de votre propos mais je dois vous dire que sa précision n'est, elle aussi, qu'apparente. Je souhaite donc apporter quelques correctifs aux chiffres que vous avez mentionnés et, du même coup, mieux préciser les orientations que les chiffres de ce budget traduisent.
Ce projet de budget présente une hausse de 7,4 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, pour atteindre 769,54 millions d'euros, et de 6,6 % en moyens d'engagement - dépenses ordinaires et autorisations de programme -, pour atteindre 1 046,9 millions d'euros.
Certes, des transferts sont intervenus. Mais, après tout, nous sommes fiers que le ministère ait vu son périmètre augmenter, de telle manière, par exemple, que les crédits de l'office pour la protection des rayons ionisants, l'OPRI, soient désormais intégrés dans ce budget, en même temps que la gestion du personnel de cet organisme a été rattachée au ministère.
A structure constante, le budget connaît une augmentation de 5,3 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement et de 5 % en dépenses ordinaires et autorisations de programme. La progression demeure donc importante.
Vous parlez d'affichage. Eh bien, oui, le Gouvernement affiche, pour la cinquième année consécutive, la priorité qu'il accorde au budget de l'environnement.
Lors de mon audition par votre commission, j'ai indiqué que la sous-consommation globale des crédits était principalement due à une hypothèse un peu trop volontariste dans les premières années d'inscription budgétaire des crédits de paiement de l'ADEME.
Depuis deux ans, en effet, nous essayons de créer plus d'emplois. Il ne s'agit pas de dépenser à tout prix les crédits : nous nous soucions simplement de répondre à la demande de nos concitoyens de voir s'accroître les services rendus dans le domaine de l'environnement.
En dépit de la diminution des crédits de l'ADEME, le budget de l'environnement progresse. Je ne crois pas que c'est faire là de l'affichage au sens où vous l'entendez, monsieur Adnot. En effet, hors ADEME, c'est une progression de 16 % que nous aurions pu afficher pour 2002 !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. En emplois !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Non ! Je parle du budget !
Par ailleurs, si l'on met de côté la sous-consommation liée aux crédits de l'ADEME, l'exécution du budget de l'environnement est fort honorable et n'a pas à rougir de la comparaison avec les autres ministères : en 2000, le montant de la dépense du budget de l'environnement hors ADEME était de 472 millions d'euros, alors que, en loi de finances pour 2000, l'inscription était de 393 millions d'euros. Le ministère de l'environnement a donc consommé l'ensemble de sa loi de finances et une partie de ses reports de 1999, pour se situer à un niveau de consommation de 74 % de ses crédits disponibles.
Vous m'avez posé d'autres questions, notamment sur l'emploi. Je ne comprends pas pourquoi cette priorité vous déplaît. Si l'on crée des emplois, c'est non pas pour avoir un plus grand ministère - encore que telle est évidemment mon intention - non pas pour être simplement fier du nombre d'emplois, mais pour répondre aux besoins de nos concitoyens. L'an prochain, ce sont en effet 400 emplois nouveaux qui seront créés au ministère de l'environnement, dont 150 permettront de renforcer le contrôle des installations classées.
Faut-il vous rappeler qu'en 1997, quand nous sommes arrivés au gouvernement, les effectifs de ce ministère étaient légèrement inférieurs à 2 400 personnes ? Ils seront en 2002 de près de 3 500, ce qui représente une augmentation de plus de 45 %.
Les moyens de fonctionnement ont forcément suivi cette évolution pour faire face à une croissance très forte de nos missions et à une attente de plus en plus grande de nos concitoyens.
D'ailleurs, ces emplois ne sont pas en administration centrale. Ils sont majoritairement et prioritairement dirigés vers les directions régionales de l'environnement, les DIREN - pour 162 - et vers les inspections des installations classées - pour 150. Il s'agit en fait de la reconnaissance de nos capacités d'expertise dans ces domaines.
Vous dites que M. Sapin ne serait pas content de savoir que cette évolution correspond à l'application des 35 heures. Ce n'est pas tout à fait exact. Certes, mon ministère a été le premier ministère civil à signer un accord de 35 heures voilà quelques mois. Des négociations sont également en cours au ministère de la défense, mais elles ne sont pas encore tout à fait achevées. Je suis très fier d'avoir obtenu ces résultats sans remettre en cause l'objectif général de stabilisation des emplois publics.
En effet, le coût direct de la mise en place des 35 heures au sein du ministère de l'environnement s'élève à un peu plus de 3 millions d'euros. Le dispositif se décline en quatre mesures : les crédits d'astreintes, les heures supplémentaires, les indemnités de sujétions spéciales pour l'annonce de crue, les indemnités versées aux observateurs de crue.
A cet égard, peut-être avez-vous lu dans Le Figaro ou Le Parisien que le préfet du port nous met en garde contre d'éventuels débordements de la Seine. Autant dire que j'espère qu'il ne pleuvra pas trop, ni dans la baie de Seine ni dans la vallée de la Somme.
La politique de l'eau s'inscrit dans une tradition. Vous dites que ses crédits sont réduits dans ce projet de budget. Tel n'est pas mon sentiment. Je peux vous donner, comme vous le souhaitez, la répartition exacte des actions entre le budget général et le Fonds national de solidarité pour l'eau.
Les opérations à caractère régalien sont financées sur les crédits du budget général. Il s'agit de la police de l'eau, du plan risques et des dépenses de fonctionnement de la direction de l'eau.
Les autres politiques sont financées sur les crédits du Fonds national de solidarité pour l'eau. Ses principaux domaines d'intervention concernent les réseaux de mesures, les données sur l'eau, la connaissance, les politiques de lutte contre les pollutions d'origine agricole, la restauration des milieux dégradés, l'assainissement, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau, les offices de l'eau et les comités de bassin outre-mer, la restauration des rivières et des zones humides, les poissons migrateurs...
Vous posez la question de savoir si l'on peut demander aux agences de l'eau, qui perçoivent des redevances auprès des citoyens, de faire l'effort de participer, par le biais d'un prélèvement, à cette politique. Je réponds, bien sûr, par l'affirmative. C'est d'ailleurs M. Juppé qui y a songé le premier en instaurant ce prélèvement sur les agences de l'eau afin d'abonder, par voie de fonds de concours, les crédits du chapitre budgétaire du ministère de l'environnement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur la prévention des risques industriels. Vous avez souligné que le Gouvernement - et je m'en félicite - a décidé, à la suite du tragique accident de Toulouse, de renforcer les moyens de prévention des risques technologiques.
Outre la création de 100 postes d'inspecteur, quelques postes seront créés à l'INERIS, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, notre laboratoire d'expertise, d'évaluation et de contrôle. Quelques postes - peu nombreux - seront également créés au sein de l'administration centrale, à la DTPR, la direction de la prévention de la pollution et des risques.
Au total, près de 10 millions d'euros de moyens d'engagement supplémentaires ont été ainsi ajoutés au projet de loi initial. Je m'en félicite mais je ne m'en satisfais pas, surtout lorsque j'apprécie l'immensité du problème. A l'issue des tables rondes régionales, aura lieu mardi prochain, au ministère, le débat national auquel tous les acteurs des risques industriels sont conviés.
Je me félicite de la création de 150 emplois à la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Si on les additionne aux 870 équivalents-temps plein actuellement employés en tant qu'inspecteur dans les installations classées, on arrive à 1 020 emplois. Mais il en faudrait, bien entendu, 2 000.
On compte en France environ 1 250 usines classées Seveso, mais il y en a peut-être 3 000 qui devraient être classées usines à risques. Il est du rôle de l'Etat et de la responsabilité du Gouvernement de répondre à cette demande de nos concitoyens, qui est réelle.
En outre, les comités locaux de prévention seront généralisés et un plan de prévention des risques technologiques sera créé pour maîtriser l'urbanisme. Un débat démocratique sera organisé pour faire émerger des idées nouvelles. Peut-être la sécurité interne dans les usines classées Seveso n'est-elle pas suffisante ? Comment les CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, pourraient-ils être mieux associés aux études de danger ? Ce sont deux pistes de réflexion.
Je reviens brièvement sur la situation de l'ADEME. Voilà deux ans que vous « chatouillez » le Gouvernement à ce propos. Vos critiques, permettez-moi de vous le dire, sont contradictoires, et je m'en explique.
Les crédits budgétaires de cette agence ont été effectivement revus à la baisse pour permettre un meilleur phasage entre les engagements et les paiements. Je vous l'ai indiqué tout à l'heure. Ils devront en effet être réajustés à la hausse, progressivement, en fonction de la montée en puissance des « services votés », comme l'ensemble des dotations, qui, sur le budget de l'Etat, répondent à cette mécanique d'autorisations de programme et de crédits de paiement. Il n'y a là rien que de très naturel et je ne vois aucune bombe à retardement.
Vous persistez à vouloir porter le débat sur la désaffectation des taxes autrefois perçues par l'ADEME. Peut-être n'est-il pas inutile de s'expliquer de nouveau. Je vous dirai simplement que, oui, le Gouvernement a souhaité marquer un engagement fort de sa politique environnementale en inscrivant, comme il le fait depuis quelques années maintenant, au sein du budget, les crédits de l'ADEME.
Je ne reviens pas sur la gestion, qui a fait l'objet de polémiques, y compris dans certains journaux, voilà plus de six mois. Je crois d'ailleurs qu'il en avait été question lors de mon audition en commission. Evidemment, l'ADEME a beaucoup à faire. Elle doit notamment accroître son effort en matière de maîtrise de l'énergie pour respecter le protocole de Kyoto. Nous avons connu de bons succès à Bonn, puis à Marrakech. Aussi 152 millions d'euros y seront consacrés.
La qualité de l'air est une grande préoccupation de nos concitoyens : 106,7 millions d'euros y seront consacrés l'an prochain.
Je termine sur une problématique entre les éoliennes et les oiseaux qui me tient à coeur et qui ne relève pas d'une politique purement « écolo-écolo ». (Sourires.) Figurez-vous qu'on aime les deux, car ce n'est pas incompatible !
Une directive européenne à laquelle M. Lepeltier, semble porter grand intérêt, vise à faire couvrir 22 % de la consommation européenne d'électricité par l'énergie renouvelable. La France est elle-même invitée à faire passer la part d'électricité d'origine renouvelable d'environ 15 % actuellement à 21 % en 2010. Sur ces 15 %, 14,9 % proviennent de l'hydraulique et 0,1 % - peut-être, et encore ! - de quelques petites éoliennes par-ci, de quelques petites photovoltaïques par là, mais c'est epsilonesque.
Au regard des capacités industrielles, c'est l'éolien qui, à court terme, offre les plus grandes perspectives de croissance du potentiel d'électricité renouvelable en France. Je n'exclus pas qu'il puisse exister d'autres types d'électricité renouvelable : peut-être un peu de photovoltaïque, un peu de micro centrale, mais pas trop, car il faut faire attention aux pêcheurs. Là aussi, il faut prendre garde à l'éventuel conflit écolo-écolo. Donc, on se méfie. Comme nous sommes très ouverts au dialogue, nous organisons des groupes de travail, auxquels participent aussi bien les pêcheurs que les protecteurs des poissons, aussi bien les ornithologues que les éoliens. Et il n'y a pas de problème !
J'ai rencontré M. Bougrain Dubourg, que vous connaissez peut-être, qui est un homme très dynamique. Lui ne pense pas que quelques dizaines, centaines, voire milliers d'éoliennes, soient un vrai danger. D'autant plus qu'à peu près les deux tiers de celles-ci seraient off-shore , ce qui éviterait tout problème, même pour les vols d'oiseaux migrateurs. Il peut arriver par ci, par là, qu'un grand oiseau soit éventuellement touché. Mais, quand ils volent en formation, ils ne sont jamais atteints.
J'en viens au prix de l'électricité. Vous me demandez, monsieur le rapporteur spécial, pourquoi nous continuons de produire de l'électricité aussi chère, alors qu'on peut avoir le kilowatt-heure à 18 centimes, dites-vous. Ce chiffre correspond, non pas au prix facturé au consommateur final, mais au prix à la sortie de la centrale nucléaire. Néanmoins, je ne manque pas de poser régulièrement la question à M. Roussely.
Bien sûr, depuis 1974, depuis le gouvernement Messmer, la France a consenti un effort considérable pour développer un immense programme électronucléaire puisque nous y avons consacré 1 500 milliards de francs.
Heureusement qu'on arrive à un kilowat-theure à 18 centimes, sinon on pourrait s'étonner, après tant d'investissements, de ne pas avoir l'un des meilleurs résultats de l'Union européenne ! Mais quel était le prix du kilowatt-heure nucléaire en 1950, ou même en 1973 ? A l'époque, il était très cher. Or, la politique de la France, c'est la diversification, pour ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
On va donc avoir des arrêtés tarifaires. Celui sur l'énergie éolienne existe déjà. Il correspond à une véritable diversification, y compris d'ailleurs dans des perspectives d'exportation. Les Danois, les Espagnols, les Hollandais, les Allemands, vous le savez, ont maintenant de grandes industries éoliennes. La France, qui en a les capacités industrielles et intellectuelles, peut faire de même.
Il faut donc aider au départ, pendant quelques années, avec des tarifs garantis, cette industrie naissante qui est une sorte de start up dans le domaine de l'énergie électrique renouvelable en attendant de rattraper, au fur et à mesure, les prix du marché.
Je prends le pari que, si nous soutenons bien ce secteur, qui relève, non pas du bricolage dominical d'écolo, mais d'un véritable projet industriel, nous aurons dans vingt ans une grande industrie éolienne et d'autres énergies renouvelables. Nous serons ainsi compétitifs sur le marché mondial, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le budget de l'environnement, après avoir rappelé quelques chiffres, je ferai une remarque d'ordre général avant d'orienter mes questions sur certains aspects spécifiques des politiques d'intervention du ministère.
Les crédits demandés au titre de l'environnement pour 2002 sont, on le sait, en progression de 6,3 %.
Mais il convient de souligner que, comme les années précédentes, cette augmentation résulte pour une large part de la prise en charge de structures existantes et du renforcement des structures et des moyens de fonctionnement du ministère.
Les moyens affectés aux politiques environnementales stricto sensu ne bénéficient pas de la même faveur !
Ma remarque d'ordre général portera - pour le regretter - sur le problème chronique de la sous-consommation des crédits du ministère de l'environnement mis en évidence par la Cour des comptes.
Comme l'a relevé le rapporteur spécial de la commission des finances, les reports de crédits de 2000 pourraient atteindre un nouveau record avec un montant de 513,75 millions d'euros, ce qui représente 72 % du budget 2001 voté en loi de finances initiale.
Cette sous-consommation concerne principalement les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, mais également ceux du Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, alimenté par des prélèvements opérés sur les agences de l'eau.
S'agissant de l'ADEME, et comme l'a excellemment dénoncé, M. le rapporteur spécial en 1999 et 2000, par pur souci d'affichage politique et pour faire « passer la pilule » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, les dotations en crédits de paiement ont été largement surévaluées en loi de finances. Mais n'ont été délégués ensuite, en cours d'année, que les crédits dont l'Agence avait effectivement besoin.
Le même phénomène se constate sur les dotations au FNSE, le taux de consommation des crédits étant inférieur à 8,6 % au 1er août 2001.
En outre, la Cour des comptes s'interroge sur la logique qui prévaut dans la répartition des dépenses entre le budget de l'Etat et le FNSE, allant même jusqu'à se demander si les actions de solidarité financées par le FNSE ne devraient pas plutôt relever du budget général.
La commission des affaires économiques, hostile, dès son instauration, au premier prélèvement sur les agences de l'eau en 1996, ne peut que partager une telle analyse.
Mais votre rapporteur pour avis, mes chers collègues, souhaiterait également pointer - pour les dénoncer fortement - les divergences constatées dans les réponses apportées par le Gouvernement à cette sous-consommation des crédits.
Dans le cas de l'ADEME, et pour la deuxième année consécutive, les crédits de paiement diminuent fortement, compte tenu des reports importants. Mais, s'agissant du FNSE, et malgré l'importance des reports, les crédits sont augmentés pour 2002.
Il s'agit, il est vrai, dans un cas, du budget de l'Etat et, dans l'autre, d'un prélèvement « facile » opéré sur les agences de l'eau ; chacun appréciera ce double langage.
Ainsi, force est de constater, au-delà des critiques formulées à l'encontre d'une stratégie guidée par le seul souci de l'affichage et traduisant un rééquilibrage subtil au sein de l'échiquier politique, que l'intérêt général est loin d'y trouver son compte et que le vote du Parlement sur les dépenses budgétaires n'a plus guère de sens.
S'agissant des crédits d'intervention du ministère, et plus particulièrement de la politique de l'eau, je constate que, si les crédits du FNSE augmentent, les dépenses strictement budgétaires consacrées à la protection de l'eau diminuent de 23 %, ce qui est regrettable.
A propos des actions menées pour protéger l'eau, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les conséquences à attendre de la nouvelle réglementation du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA.
Certes, les taux de subvention sont à peu près maintenus, mais le zonage prioritaire introduit des discriminations entre agriculteurs.
De plus, le champ des travaux subventionnables est modifié dans un sens plus restrictif.
Plus généralement, monsieur le ministre, et compte tenu des difficultés majeures que rencontrent les agriculteurs, pensez-vous que ceux-ci aient encore les moyens et la volonté de s'engager dans une telle démarche ?
Dans le même ordre d'idée, pour améliorer la qualité de l'eau, et c'est un objectif que je partage, l'application depuis juillet 2001 du deuxième programme d'action contre les nitrates se traduit par des contraintes supplémentaires et renforcées, notamment dans les zones vulnérables. Et déjà s'annoncerait un troisième programme de mesures encore plus contraignantes !
Monsieur le ministre, je ne méconnais pas le bien-fondé de ces politiques visant à la restauration de la qualité de l'eau, mais ne pensez-vous pas qu'il faille prendre également en compte la réalité du tissu économique et social de ce secteur agricole ?
Compte tenu des modifications incessantes de la réglementation et des normes, certains agriculteurs ayant fait l'effort de se mettre aux normes ne le seront bientôt plus, et beaucoup d'autres n'ont plus les ressources financières pour appliquer ces nouvelles mesures.
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que l'application de certaines de ces réglementations entraîne la disparition des exploitations les plus fragiles, forçant ceux qui veulent survivre à augmenter leur superficie pour supporter ces coûts supplémentaires, ce qui n'est souhaitable du point de vue ni de l'aménagement du territoire ni de l'emploi ?
Enfin, à propos de la discussion du projet de loi sur l'eau, j'estime que les manoeuvres conduites en ce moment au sein de la majorité plurielle peuvent avoir des conséquences désastreuses sur notre gestion de l'eau en France. Je suis en effet quasiment convaincu que l'article additionnel adopté à la sauvette par l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2001 serait censuré, dans sa rédaction actuelle, par le Conseil constitutionnel. Vous prenez alors le risque, le Conseil s'étant reconnu le droit d'examiner la « régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi déjà promulguée », de voir sanctionner l'inconstitutionnalité de la loi du 16 décembre 1964, qui fonde le système des redevances des agences de l'eau.
Que se passera-t-il, alors, à compter du 1er janvier 2002 et quelles seront les bases juridiques du système de financement des agences ? Nous attendons, monsieur le ministre, des réponses sur ce point précis.
En outre, je constate que les droits du Parlement sont à nouveau bafoués sur un sujet aussi fondamental et que, ce soir, plus personne ne connaît le contenu exact du projet de loi qui doit être examiné en janvier prochain. C'est inacceptable !
S'agissant des dotations consacrées à la protection de la nature, il convient de souligner, pour le regretter également, que seules les dépenses ordinaires progressent, alors que les crédits de paiement sur les titres V et VI diminuent fortement.
En ce qui concerne la mise en place de Natura 2000, le feuilleton judiciaire se poursuit dans des conditions qui portent gravement atteinte au droit de propriété.
En effet, on peut légitimement s'inquiéter de ce que le décret du 8 novembre 2001 n'associe en aucune manière à la procédure de désignation des sites les représentants des professionnels concernés, qu'il s'agisse des agriculteurs, des forestiers, des chasseurs, des propriétaires ou des exploitants, alors même que le projet de décret qui avait été transmis lors des débats sur le projet de loi autorisant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive n° 92/43 « Habitats naturels » le prévoyait expressément.
De plus, aucune mesure de publicité n'accompagne cette procédure, alors même que la transmission d'une proposition de site susceptible d'être reconnu d'intérêt communautaire entraîne, dès ce stade, des contraintes de gestion fortes qui peuvent aller jusqu'à l'interdiction pure et simple d'une activité économique.
J'en veux pour preuve l'ordonnance du Conseil d'Etat du 9 juillet 2001 suspendant l'application d'un arrêté du 6 février 2001, relatif aux contingentements de plantations de vignes pour la campagne 2000-2001. Cet arrêté autorisait la plantation de vignes sur les parcelles situées dans le Haut-Rhin, incluses dans une liste de sites transmise par l'Etat français et susceptibles d'être retenues dans le futur réseau Natura 2000 ; il a été considéré que la plantation de ces vignes impliquant des travaux de terrassement, ces derniers pourraient faire disparaître la faune et la flore, de type méditerranéen, caractéristiques des « pelouses calcaires » identifiées sur ces parcelles et correspondant à des habitats naturels prioritaires.
Il est donc confirmé que les contraintes s'imposent dès le début de la procédure de désignation des sites, et non pas seulement au stade de la négociation du contrat d'objectifs et de gestion de la parcelle définitivement incluse dans le réseau.
La Commission européenne a d'ailleurs déploré récemment que, dans certains Etats, les propriétaires fonciers et les utilisateurs soient insuffisamment consultés et informés tout au long du processus de désignation.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation, et pouvez-vous prendre l'engagement de corriger, dans les plus brefs délais, le décret « procédure » du 8 novembre 2001 ?
Enfin, vous n'êtes pas sans savoir que la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse est loin d'avoir favorisé le rétablissement d'un climat apaisé sur un sujet aussi sensible.
Il est clair que le Gouvernement a échoué dans cette entreprise, faute d'une réelle concertation avec les chasseurs et faute d'avoir voulu effectivement faire évoluer la réglementation européenne.
Les contentieux sur les dates de chasse se multiplient, comme par le passé, qu'il s'agisse de l'ouverture ou de la fermeture de la chasse au gibier d'eau. Ainsi, l'arrêté du 8 janvier 2001 relatif aux dérogations concernant les dates de fermeture, pour permettre la chasse en petites quantités de certains oiseaux, a été annulé par le Conseil d'Etat, le 27 juillet 2001.
Sur ce point précis, que proposez-vous, monsieur le ministre, pour permettre, en France, l'application de l'article 9 de la directive « Oiseaux » autorisant expressément ce type de chasse ?
Compte tenu de ces observations et de ces critiques, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'environnement. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits en loi de finances initiale au budget de votre ministère pour 2002 s'élèvent à plus de 761 millions d'euros - près de 5 milliards de francs - soit une hausse de 6,3 % par rapport à 2001. Si l'on neutralise l'effet du transfert de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, pour raisonner à périmètre constant elle n'est plus que de 4 %. Elle est en revanche de 7,4 %, vous venez de nous le dire, monsieur le ministre, si l'on intègre les amendements déposés par le Gouvernement lors de la discussion en première lecture et qui traduisent les mesures annoncées par le Premier ministre à la suite de la catastrophe de Toulouse.
Vous m'avez compris, monsieur le ministre, la progression des crédits de votre ministère est d'une grandeur quelque peu insaisissable. Mais je vous accorde que, quel que soit le chiffre que l'on retienne, elle est hors normes, comparée à la hausse du budget de l'Etat, fixée à 2,2 %.
Cette forte hausse apparaît cependant presque modeste au regard des trois précédents budgets, qui ont abouti à vous confier, aujourd'hui, une enveloppe de cinq milliards de francs - 5,5 milliards si l'on y ajoute les crédits du Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE - alors que, en 1997 et 1998, le budget de votre ministère ne s'élevait qu'à 1,8 milliard de francs.
Il a donc plus que doublé en 1999, tout le monde s'en souvient, sous l'effet de la création de la taxe générale sur les activités polluantes et de l'inscription au bleu de votre ministère des taxes affectées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
En 2000, les crédits de fonctionnement de votre administration ont crû de 26 % sous l'effet, en particulier, de la création de la nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. La création du Fonds national de solidarité pour l'eau, doté de 500 millions de francs, est encore venue grossir les moyens financiers mis à la disposition de votre ministère.
En 2001, le rattachement de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et de sa dotation - 1,33 milliard de francs - aurait provoqué à nouveau une nouvelle explosion apparente de vos crédits si celle-ci n'avait pas été compensée en partie par la contraction très brutale des crédits de l'ADEME, ramenés de 1,7 milliard de francs en 2000 à 492 millions de francs en 2001. Celle-ci marquait l'aveu des pathologies d'une croissance artificiellement dopée. Vous nous en avez dit quelques mots, monsieur le ministre.
Je m'étais alarmé, l'an dernier, de l'augmentation exponentielle des reports de crédits et de la dégradation des taux de consommation des crédits de paiement. Ces craintes ont été confirmées par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2000. Elle a relevé que le taux de consommation des crédits n'a cessé de se dégrader, passant de 85 % en 1997 à 47 % en 2000 : autrement dit, le ministère a utilisé, cette année-là, moins de la moitié des crédits qui lui étaient attribués.
Cette situation ne se limite pas à la gestion de l'ADEME, évoquée par mon collègue Jean Bizet. La Cour des comptes en conclut qu'il s'agit d'un phénomène très général. Lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles du Sénat - vous nous l'avez redit ce soir -, vous avez estimé que l'exécution du budget pour 2000 était bonne. En êtes-vous si sûr ? Quelles assurances pouvez-vous nous donner que le budget de cette année et celui pour l'année 2002 qui nous est soumis correspondront plus fidèlement au volume des crédits que vous demandez au Parlement ?
Puis-je souligner qu'un aussi faible taux de consommation des crédits, et son corollaire, l'ampleur des reports de crédits sur l'exercice suivant, faussent toute possibilité de contrôle parlementaire ?
Ainsi nous constatons que, dans le projet de budget que vous nous présentez pour 2002, les crédits de paiement du titre V baissent de 35 % et ceux du titre VI de 25 %, mais cette forte contraction correspond-elle à une diminution des moyens de paiement dont vous disposez, à la nécessité d'éponger d'amples reports de crédits non consommés ou encore à la volonté de mieux ajuster vos ressources à des besoins naguère surestimés ? Un peu de ces trois considérations sans doute, mais dans quelles proportions ? C'est en ce sens aussi, et même surtout, que votre budget est, pour nous, insaisissable.
Monsieur le ministre, je n'entrerai pas dans l'analyse détaillée de votre budget qu'ont parfaitement réalisée mes collègues Philippe Adnot et Jean Bizet, dont je partage les conclusions et les questions restées sans réponse, notamment sur la redevance.
Je centrerai mon propos, cette année, sur le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et sur son avenir. Je souhaite connaître les réflexions que vous inspirent les perspectives tracées par notre collègue Louis Le Pensec dans le rapport qu'il a rendu au Premier ministre.
Il y brosse un bilan très positif de l'action de ce conservatoire. C'est un constat qui est, je crois, très généralement partagé. Depuis sa création en 1975, le Conservatoire a acquis 810 kilomètres de côtes, soit 162 000 hectares, répartis entre 465 sites. Présent sur l'ensemble des côtes françaises, il est donc devenu un acteur de premier plan dans la politique nationale de protection de la nature et des sites.
Le Conservatoire, dont la stratégie d'intervention a été validée par le gouvernement en 1995, s'était fixé comme objectif global l'acquisition, d'ici à 2050, de 200 000 hectares, soit 21 % du linéaire côtier. Ces acquisitions, complétées par les autres modes de protection existants, devraient permettre d'atteindre l'objectif du « tiers naturel » ou du « tiers sauvage ». M. Le Pensec ne remet pas en question cette stratégie et propose même d'accélérer le rythme des acquisitions pour prendre de vitesse, en quelque sorte, le renchérissement du coût des terrains. Partagez-vous cette analyse, monsieur le ministre ? Comment conviendrait-il, selon vous, de réactualiser cet objectif ? Quelles en seraient les implications financières pour l'Etat ?
Le rapport souligne également l'intérêt d'enrichir les missions du Conservatoire, de façon à lui confier un rôle central dans la gestion du littoral : son champ d'intervention devrait, non pas se borner à la frange terrestre, mais s'étendre à certains points du domaine maritime. Le Conservatoire devrait être consulté lors de l'élaboration de certains documents d'aménagement du territoire ou d'urbanisme, comme les schémas de mise en valeur de la mer ou les schémas de cohérence territoriale. Enfin, on pourrait aussi lui confier ponctuellement le rôle d'opérateur pour la mise en oeuvre de programmes nationaux ou communautaires, comme Life ou Natura 2000.
Votre ministère envisagerait-il favorablement cette extension du rôle du Conservatoire ? Quel serait, en ce domaine, le point de vue des autres administrations concernées ?
J'en viens au coeur des propositions formulées par le rapport. Celui-ci part du constat que le Conservatoire du littoral, dont le patrimoine s'est considérablement étendu, n'a plus les moyens d'assurer pleinement ses responsabilités de propriétaire. Il observe également que le partenariat fructueux tissé avec les collectivités territoriales, et particulièrement les communes, présente des limites et des faiblesses.
Il propose, en conséquence, de confier à des structures intermédiaires toute une série de compétences allant de la mise en oeuvre du programme d'aménagement et du dispositif conventionnel à la maîtrise d'ouvrage des travaux et au suivi de gestion. Ces structures intermédiaires auraient le statut d'établissement public de l'Etat à compétence territoriale limitée. Il s'agirait là d'une nouvelle catégorie d'établissement public que, je le souligne, seule une loi pourrait créer. Ces établissements seraient placés sous la tutelle du Conservatoire du littoral, qui jouerait le rôle de tête de réseau, et ils seraient dirigés par des conseils d'administration composés d'élus locaux, les conseils de rivages.
C'est une proposition intéressante, qui mérite examen et sur laquelle nous souhaiterions, monsieur le ministre, connaître le point de vue de votre ministère.
Enfin, notre collègue Louis Le Pensec prône un renforcement significatif des moyens du Conservatoire du littoral, puisqu'il suggère le doublement, d'ici à 2005, des moyens humains et de la subvention versée par l'Etat. J'ai relevé que, dans le projet de budget pour 2002 de votre ministère, les crédits versés au Conservatoire du littoral augmentaient de 7 %, que cette hausse concernait principalement les crédits de fonctionnement, permettant en particulier la création de quinze emplois non budgétaires, et que les crédits d'investissement n'enregistraient qu'une hausse nominale de 0,3 %.
Devons-nous considérer ces mesures, appréciables, comme des mesures ponctuelles ou bien comme l'amorce encore timide du renforcement des moyens du Conservatoire du littoral préconisé par M. Le Pensec ?
S'il est indispensable de renforcer les moyens de fonctionnement du Conservatoire du littoral, il convient également de réfléchir à l'adaptation de ses moyens d'investissement. Cette réflexion doit porter non seulement sur l'évolution des enveloppes financières consacrées chaque année à la politique d'acquisition foncière, mais également sur les assouplissements qu'il convient d'apporter au système.
L'achat, cette année, du site remarquable des Salins d'Hyères montre que la politique d'achat du Conservatoire du littoral peut, au gré des opportunités qui se présentent, être soumise à de brusques à-coups. L'attitude compréhensive du ministère de l'environnement, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que l'aide de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse ont ponctuellement permis de faire face à cette lourde dépense. Mais ne pensez-vous pas qu'une réflexion est aujourd'hui nécessaire pour adapter le système actuel aux fluctuations inévitables de la politique d'achat ?
Soyez certain, monsieur le ministre, que le Sénat et la commission des affaires culturelles, qui portent depuis longtemps un vif intérêt au Conservatoire du littoral, seront très attentifs aux réflexions que vous nous communiquerez.
Cependant, par-delà la question du Conservatoire du littoral, les observations que nous avons été amenés à faire, tant sur l'exécution des précédents budgets, dont vous n'aviez pas la responsabilité, que sur le projet de budget pour 2002, rejoignent les conclusions de nos collègues de la commission des finances et celles des affaires économiques. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de l'environnement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. M. Bizet m'a interrogé sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. J'y suis particulièrement sensible pour avoir vécu plus de cinquante ans en Bretagne. Les problèmes de cette région sont réels et ils ne sont pas encore résolus : vous avez peut-être lu la page qui y est consacrée dans un journal du soir aujourd'hui. Il faut donc essayer d'améliorer la situation.
Ce programme a fait l'objet, en 1993, d'un accord entre différents ministères et les organisations professionnelles. Son volet « élevage » repose sur l'attribution d'aides financières, à hauteur de 60 % du montant des projets, financées par les agences de l'eau, l'Etat et les collectivités locales, au profit des éleveurs afin qu'ils réalisent les améliorations nécessaires à la maîtrise des pollutions de leur exploitation.
Ce que l'on appelle le PMPOA n° 1, qui est en phase d'achèvement, n'a pas produit les efforts escomptés, nous l'avons tous constaté, du fait, entre autres, de la fiscalité, de la dérive des coûts, de la faible application du principe pollueur-payeur ou non-pollueur - non-payeur - le principe vaut dans les deux sens - et d'une efficacité environnementale très limitée, comme la presse s'en fait l'écho aujourd'hui.
Dès lors, le programme a été profondément réorienté pour être élargi aux plus petites exploitations situées dans les zones prioritaires et son assise juridique a été confortée. A l'issue de nombreuses conversations, débats, rencontres et réunions, la Commission européenne vient d'approuver les propositions du nouveau dispositif en fixant les conditions suivantes que je vais vous détailler.
Premièrement, l'attribution des aides d'Etat à un taux de 60 % ne devra pas être poursuivie au-delà de 2006, c'est-à-dire à la fin du PMPOA n° 2.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. C'est court, monsieur le ministre !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Uniquement dans les zones vulnérables, monsieur le rapporteur !
Deuxièmement, pour être éligibles, les éleveurs souhaitant adhérer au programme devront se manifester avant le 31 décembre 2002 ; ils ont donc encore plus d'un an pour le faire. Et ceux qui sont situés en zone vulnérable devront respecter, à cette date, les exigences minimales au titre de la directive « nitrates » qui ne nécessitent pas d'investissement particulier, à savoir, l'élaboration d'un plan de fumure prévisionnel, la tenue à jour d'un cahier d'épandage et le respect du plafond d'apport organique fixé par la directive « nitrates » à 170 kilogrammes de nitrates par hectare et par an.
Enfin, troisièmement, 80 % des financements nationaux du programme doivent être affectés dans les zones vulnérables.
Les textes réglementaires définissant les modalités de mise en oeuvre du nouveau dispositif seront prochainement signés par les ministres concernés. Le décret est en cours de signature.
Afin d'assurer une transition avec l'ancien dispositif, les élevages de plus de 90 unités de gros bétail continueront d'être éligibles sur l'ensemble du territoire, tandis que les élevages situés en zone prioritaire seront éligibles aux aides, indépendamment de leur taille.
Les préfets de région devront délimiter les zones d'actions prioritaires après avis du conseil d'administration de l'agence de l'eau.
Le coût du nouveau programme - c'est une fourchette assez large sur six ans - est estimé entre 6 milliards et 10 milliards de francs en fonction du taux d'adhésion des éleveurs éligibles et du coût moyen des travaux.
Je ne doute pas que les éleveurs auront à coeur de se mettre aux normes et, en conséquence, d'utiliser cette faculté de percevoir des aides publiques pour ce faire.
Vous m'avez également interrogé sur le dossier Natura 2000. C'est le grand point d'interrogation ! Mais nous avons beaucoup travaillé avec la Commission européenne et même récemment avec M. Barnier, car ce dossier a fait l'objet de trop nombreux contentieux aussi bien communautaires que nationaux.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Il reste beaucoup à faire, monsieur le ministre !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Effectivement ! J'ai rencontré par deux fois l'ensemble des préfets et je leur ai demandé de presser le pas, tout en instaurant une concertation la plus large possible, mais en « défragilisant » les dispositions du décret de 1995, je n'ose pas dire le « décret Barnier », parce que c'est le même commissaire Barnier que nous avons revu récemment et avec lequel nous avons eu une conversation très ferme, mais très franche. Je vous rappelle que lui-même a été très ferme à propos de la Wallonie.
M. Barnier a prévu une sorte d'épée de Damoclès. En effet, il nous a dit : si vous ne transmettez pas le dossier, on va tout simplement suspendre, voire supprimer les fonds structurels. Il faut donc agir dans de bonnes conditions de concertation.
Dès lors, il nous fallait disposer de textes qui garantissent une sécurité juridique et qui soient en même temps opérationnel, de manière que le réseau Natura 2000 puisse être mis en oeuvre le plus rapidement possible. Ces dispositifs ont été agréés et examinés par le Conseil d'Etat pour éviter de trop nombreux contentieux. Comme je vous l'ai dit, le commissaire Barnier a été clair : si on n'exécutait pas nos obligations, des sanctions pourraient être prises, à savoir la suspension des fonds structurels.
Le décret relatif à la procédure de désignation des sites Natura 2000, qui a été publié le 9 novembre 2001, est le strict reflet de la volonté du législateur telle qu'elle a été exprimée dans la loi d'habilitation du 3 janvier 2001 et reprise dans l'ordonnance du 11 avril 2001.
En ce sens, il conforte le rôle essentiel des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale dans la désignation des sites et précise le statut juridique de ces derniers sites, afin de permettre aux différents acteurs de mettre en oeuvre, de façon sûre et pérenne, la gestion contractuelle des milieux naturels et des espèces pour lesquels ces sites sont désignés. Il prévoit également la motivation de ces avis ainsi que de la proposition du préfet au ministre s'il s'en écarte.
Ce décret sera suivi très prochainement - dans quelques jours - d'un deuxième décret relatif à la gestion des sites - documents d'objectifs et contrats Natura 2000 - et à l'évaluation des incidences des programmes ou projets susceptibles d'affecter des sites Natura 2000 - contenu et champ d'application. Ces sujets ont fait l'objet d'une large concertation, au sein notamment du Comité national de suivi Natura 2000.
Dans certaines de nos campagnes, j'ai entendu des gens fantasmer : « On ne pourra plus chasser ! On ne pourra plus construire ! » Il ne s'agit pas de créer des musées ! Ce que nous voulons, c'est protéger certaines espèces et certains espaces, et non pas faire de ces sites des « espaces mis sous cloche ».
La priorité donnée aux mesures de gestion contractuelles a été clairement reprise, notamment pour les agriculteurs, dans le cadre du contrat territorial d'exploitation, le CTE. Il s'agit, là encore, d'une invention de M. Le Pensec, dont on va reparler bientôt.
Les mesures réglementaires à mettre en oeuvre le cas échéant dans les sites selon les régimes existants - les réserves, les parcs... - feront l'objet d'une concertation dans le cadre du document d'objectifs.
Aucun régime d'autorisation spécifique aux sites Natura 2000 n'a été créé. Dès lors, un régime de publicité foncière n'apparaît plus nécessaire. De plus, il a été précisé que les activités piscicoles, la chasse - je tiens à dissiper les fantasmes à cet égard - et les autres activités cynégétiques, pratiquées évidemment dans les conditions et sur les territoires autorisés par les lois, ne constituent pas des activités perturbantes ou ayant de tels effets.
Vous m'avez également interrogé sur la chasse, monsieur le rapporteur pour avis.
Bien sûr, il y a l'actualité ! Nous nous préparons dans de bonnes conditions, notamment parce que nous n'avons aucune volonté, par je ne sais quelle étroitesse mentale ou par dogmatisme, de ne pas nous entendre à la fois avec les associations de protection de la nature et avec les chasseurs.
Dominique Voynet a eu le courage de transcrire en droit français une directive qui datait d'une vingtaine d'années. Depuis une quinzaine de mois, c'est fait ! Il existe maintenant une loi. Mais cela ne suffit pas, parce que, notamment pour le gibier d'eau, se pose encore un problème qu'il nous faut régler.
La situation est la suivante : le décret du 1er août 2000, qui prévoyait des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau échelonnées selon les espèces, les zones et les départements du 10 août au 1er septembre pour l'ouverture et du 31 janvier au 20 février pour la fermeture, a été soumis au Conseil d'Etat. Nous pensions que celui-ci allait se réunir voilà une dizaine de jours et qu'il aurait émis un avis sur ce point. Tel n'a pas été le cas ! Finalement, il rendra son avis au cours de la seconde quinzaine du mois de janvier.
Cependant, plusieurs arrêtés préfectoraux fixant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau dans les départements, pris sur le fondement du décret du 1er août 2000, ont été suspendus par les tribunaux administratifs à la demande d'associations de protection de la nature, pour non-conformité des dates qu'ils fixaient - donc du décret - avec la directive « Oiseaux » du 2 avril 1979.
Je ne peux évidemment pas préjuger les conclusions du Conseil d'Etat, mais nous examinons actuellement la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif qui permettrait aux chasseurs d'exercer leur loisir dans des conditions juridiquement acceptables au regard du droit communautaire et du droit national et qui prendrait en compte les intérêts des uns et des autres. Bien entendu, un arbitrage interviendra lorsque ces intérêts seront contradictoires.
Ce dispositif sera soumis à la concertation, et je dois rencontrer la semaine prochaine les présidents des fédérations et organismes concernés afin qu'on puisse aboutir à un consensus, mot que je n'hésite pas à employer parce que je suis ambitieux et parce que, dans leur immense majorité, les chasseurs sont raisonnables, de même que les protecteurs de la nature, et notamment des oiseaux.
Je crois donc que nous allons aboutir à un consensus et nous prendrons ensuite des décisions - des décrets, des arrêtés - qui seront discutées avec tous les intéressés, c'est-à-dire les associations ornithologiques et les chasseurs eux-mêmes, à condition toutefois que tous acceptent de discuter ensemble.
J'ai personnellement bon espoir et j'ai même reçu des garanties du milieu associatif. Vous connaissez M. Bougrain-Dubourg que j'ai déjà cité. De même, je rencontrerai la semaine prochaine M. de Ponchalon. J'essaierai de les réunir la semaine suivante, avant Noël, afin que la date du 31 janvier prochain ne soit plus une échéance dramatique.
En ce qui concerne le Conservatoire de l'espace littoral, vous avez souligné, monsieur Dupont, l'excellence et l'ambition du rapport de M. Louis Le Pensec, qui a été remis le 20 juillet dernier à M. le Premier ministre.
Le Conservatoire a acquis depuis sa création, voilà vingt-six ans, 62 000 hectares, 831 kilomètres de rivages et 465 sites préservés dans leur richesse naturelle et leur beauté. L'objectif est d'atteindre le plus rapidement possible, peut-être même avant 2050, 200 000 hectares, soit un tiers du littoral. La pertinence de cet objectif a été réaffirmée par M. Le Pensec et je suis tout à fait d'accord.
Les secteurs d'intervention prioritaires font l'objet d'acquisitions, le plus souvent dans le cadre des zones de préemption des espaces naturels sensibles délimitées par les départements. Ces interventions progressives, souvent négociées à l'amiable, devraient permettre le maintien du « tiers naturel » des côtes françaises. Nous avons même essayé d'appliquer le principe en Corse. Le débat a été enrichissant et vos collègues de l'Assemblée nationale ont pris, à cet égard, une décision tout à fait intéressante.
La restauration des côtes françaises et leur ouverture au public, dans la limite de leur bonne conservation, sont de nature à permettre un aménagement équilibré des rivages français.
M. Le Pensec a réaffirmé que la préservation durable du littoral français passe par la maîtrise du foncier et l'intervention publique. L'objectif ambitieux de 200 000 hectares doit être maintenu. Un effort particulier est en cours et un travail est réalisé afin de clarifier le rôle du Conservatoire, propriétaire, et celui des collectivités locales, gestionnaires.
Le rapport Le Pensec a aussi mis l'accent sur la nécessité de faciliter l'intervention du Conservatoire et sa cohérence, notamment en prévoyant une coordination entre la gestion de la partie terrestre, propriété du Conservatoire, et le domaine public maritime. Ces orientations s'inscrivent dans le cadre de la gestion intégrée des zones côtières préconisée par l'Union européenne.
L'année 2001 est ainsi marquée par l'intervention du Conservatoire sur les anciens Salins d'Hyères, qui recouvrent 900 hectares. Il a fallu du temps pour parvenir à une décision, car il s'agit d'une opération très coûteuse, même si la région PACA a consenti - et je l'en remercie - une sorte de prêt-relais.
La décision est intervenue assez récemment. Cette intervention sur les Salins d'Hyères est nécessaire, et elle est nécessaire maintenant, sinon le site sera perdu, d'autant qu'il attire les touristes.
Pour 2002, les moyens du Conservatoire ont été renforcés puisque sa dotation budgétaire a été augmentée de 21 % et que dix-sept emplois ont été créés, dont deux permettront de mettre en oeuvre des mesures de résorption de l'emploi précaire. Sur les quatre dernières années, les effectifs du Conservatoire auront augmenté de 40 %. Mais, comme le dit dans son rapport M. Le Pensec, il faut encore aller plus loin.
Des solutions seront proposées aux emplois-jeunes, qui pourront s'inscrire dans le cadre des plans de résorption de l'emploi précaire ou bénéficier d'aides à la formation leur permettant de passer des concours.
Le renforcement des moyens humains est donc en cours. Il devra être poursuivi et permettra de régulariser la situation par intégration progressive des personnels au statut précaire.
Enfin, une collaboration s'est établie avec les services du ministère de l'économie et des finances sur les points précis que sont la récupération d'une partie de la TVA sur les travaux ou la péréquation des ressources entre les communes soucieuses de préserver leurs espaces naturels et les autres.
Les arbitrages n'ont pas encore été rendus, mais je suis comme vous très attentif à la prise en compte effective de ces diverses propositions.
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1992, la loi sur les déchets a imposé aux collectivités locales de moderniser la gestion de leurs déchets d'ici à 2002. Les collectivités locales, conscientes des enjeux, se sont donc largement impliquées, et des dizaines de milliards de francs d'investissement ont été consacrés à la politique de modernisation de la gestion des déchets. Parallèlement, l'Etat a mis en place des soutiens à l'investissement gérés par l'ADEME, et a permis la création d'organismes tels que Eco-Emballages ou Adelphe.
Dix ans plus tard, tout en reconnaissant le succès de cette loi, mais face à une production sans cesse croissante des déchets, il est nécessaire de repenser notre politique d'amélioration de la gestion de déchets, tout en intégrant les mesures apportées par la loi sur l'intercommunalité de 1999.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre position sur quelques points.
Tout d'abord, quel est le territoire pertinent pour l'élimination des déchets ?
La loi du 12 juillet 1999, en distinguant les deux activités de traitement et de collecte, pose le principe du territoire pertinent. Compte tenu de l'importance des investissements et des enjeux financiers, sociaux, environnementaux, la planification est une nécessité. Or, aujourd'hui, les plans figent les limites administratives à l'échelon départemental. Le choix de la loi de 1992 était de se limiter au territoire départemental, mais, avec le choix de l'intercommunalité, le département est-il, dans tous les cas, le territoire le plus adapté ?
En relation toujours avec la loi de 1999, monsieur le ministre, je voudrais vous soumettre le problème de la compétence de la collecte et de celle du traitement. Les EPCI règlent souvent les problèmes de collecte, et il est, du moins en milieu rural, souvent indispensable de se regrouper pour réaliser le traitement, qu'il s'agisse d'enfouissement ou d'incinération.
Monsieur le ministre, les opérations de compostage étant liées à la collecte des déchets verts et à un territoire, ne serait-il pas plus opportun de lier cette activité à la compétence collecte ou, mieux, de laisser le libre choix au niveau départemental ?
Il en est de même en ce qui concerne le tri.
Cela permettrait, me semble-t-il, de mieux prendre en compte les structures locales, d'être plus efficace et de diminuer les coûts et la pollution liés au transport. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous me donniez votre sentiment sur ce sujet.
Autre problème consécutif à cette loi : les communes ou groupements de communes doivent unifier le mode de financement sur leur territoire avant le 15 octobre 2002. L'objectif, on le comprend, est de rationaliser et de sécuriser le système de financement par le regroupement des moyens, mais cette date butoir commence à être une source d'angoisse pour nombre d'élus. N'est-il pas possible de reculer cette date afin que les communes puissent réfléchir en toute sérénité au mode de financement idéal compte tenu de leur situation ?
De même, ne faut-il pas remettre en question et moderniser le financement aval des déchets ?
Aujourd'hui, les collectivités collectent et traitent des déchets ménagers et assimilés qui ne sont pas dans le champ des ressources des services de collecte et de traitement. Ainsi, les commerçants, les artisans et les administrations ne contribuent pas à ces services, sauf si la redevance d'enlèvement des ordures ménagères - la REOM - est instituée ou lorsque les collectivités ont retenu la redevance spéciale.
Cependant, dans la pratique, cette redevance spéciale est peu appliquée, notamment parce qu'il est difficile de définir la frontière entre déchets ménagers et déchets commerciaux. Que proposerez-vous afin que les producteurs de déchets commerciaux, industriels et artisanaux contribuent équitablement aux frais d'élimination de ces déchets ?
Puisque j'ai abordé le financement aval, je ne peux oublier le financement amont. C'est la loi de 1992 qui a contribué à la première mise en place d'un financement amont lors de l'acte d'achat. Aujourd'hui, en 2001, ne peut-on pas penser à consolider cette loi, particulièrement sur l'extension du financement amont limité aux seuls emballages ? L'usager et le contribuable ne doivent pas être les seuls à supporter les coûts de collecte et de traitement des déchets.
Enfin, la législation communautaire a contribué à la mise en place de filières de valorisation et d'élimination dédiées, dont la responsabilité incombe au producteur des biens mis sur le marché. Ces filières ont cependant l'inconvénient de multiplier les systèmes de collecte et d'augmenter les coûts pour un résultat mitigé. Ne vaudrait-il pas mieux fixer des objectifs de recyclage par famille de matériaux - emballages, véhicules en fin de vie, piles, etc. -, dont la gestion serait assurée par un organisme distinct créé sur le modèle d'Eco-Emballage ?
Enfin, le système d'aides de l'ADEME est en place jusqu'au 30 juin 2002. Sachant que ces aides avaient une importance majeure pour les collectivités locales, qu'adviendra-t-il après cette date ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je m'attendais à ce que vous ne me posiez qu'une seule question, monsieur le sénateur, mais vous m'en avez posé sept ! (Sourires.) Comme je dispose de deux minutes de moins que vous, je ne vous répondrait que sur deux points, qui sont tout de même les plus importants : d'une part, les territoires, d'autre part, puisque nous sommes dans le cadre de la discussion budgétaire, les aspects financiers de la collecte des déchets.
Le département est-il le territoire le plus adapté pour l'élimination des déchets ? C'est en tout cas l'échelon qui a été retenu et Mme Voynet l'a confirmé en avril 1998 dans une circulaire réaffirmant le caractère volontariste de la politique de traitement des déchets ménagers.
En avril 1998, on était à peu près à mi-parcours entre la loi de 1992 et l'échéance de 2002, et c'est la raison pour laquelle Mme Voymet a tenu a rappelé les orientations en matière de collectes sélectives, de taux de récupération, de revalorisation, etc. Elle a bien fait puisque les deux tiers, voire les trois quarts des départements ont révisé leurs plans départementaux. Cette circulaire a donc donné une impulsion.
Il n'en reste pas moins qu'une coordination interdépartementale peut être nécessaire, mais cela ne se fait évidemment pas sans difficulté. Je pense par exemple à l'Ile-de-France, non pas parce que nous nous y trouvons mais parce que Paris est dans une situation particulière et a du mal à gérer ses propres déchets. C'est évidemment la ville qui génère le plus de déchets, mais elle a peu d'espace pour les traiter. La nécessité de la coordination interdépartementale est, là, évidente.
Il faudrait engager une réflexion. Après tout, les conseils généraux ne pourraient-ils pas s'en saisir aussi ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Ils le peuvent !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Mais ils le font rarement.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. En effet !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il faut bien dire que cela inquiète tous les élus, notamment les maires, et les établissements publics intercommunaux. On le comprend puisque l'échéance est en 2002.
Il est vrai que de nombreux investissements sont réalisés. Les communes ont été amenées la plupart du temps à transférer les compétences en matière de traitement des déchets à des structures intercommunales, dont la taille était plus pertinente s'agissant d'investissements de type industriel, représentant une lourde charge financière. Bien entendu, cela a engendré des situations assez complexes, la collecte et le traitement des déchets étant parfois confiés à deux établissements publics de coopération intercommunale différents.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la loi de juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui a rationalisé les périmètres et instauré des modalités de financement de l'élimination et de la valorisation des ordures ménagères. L'application de cette loi relève du ministère de l'intérieur, mais les modalités du transfert de compétences aux EPCI ont été clarifiées.
En effet, seule la compétence globale, recouvrant à la fois la collecte et le traitement, ou le traitement peuvent faire l'objet d'un transfert : il n'est plus possible de transférer à deux organismes distincts l'une et l'autre de ces compétences. En outre, il n'est plus non plus possible de transférer la compétence relative à la seule collecte. Enfin, le financement doit, à terme, être uniforme au sein d'un même périmètre intercommunal, ce qui constitue une tentative de rationalisation.
D'une manière générale, le suivi et la qualité du service public d'élimination des déchets ménagers et assimilés, le contrôle de l'évolution des coûts et de leurs modalités de financement tant par les ménages que par les autres bénéficiaires du service public représentent évidemment une préoccupation extrêmement forte du ministère, ainsi que de l'ADEME. C'est pourquoi nous avons créé, le 5 juillet 2001, le conseil national des déchets, qui se réunira prochainement et s'attachera à nous faire au plus vite des propositions pour l'année 2002, ainsi que, dans une optique plus prospective, pour la période 2002-2012.
M. Daniel Soulage. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage. J'ai bien compris que les compétences en matière de collecte et d'élimination des ordures ménagères sont clairement définies et que le tri et le compostage relèvent de la compétence « traitement ».
Cela étant, je voudrais simplement souligner, monsieur le ministre, qu'un certain nombre de problèmes se posent parfois, notamment en cas de transfert des compétences en cascade et non en étoile. Je n'entrerai pas dans ce débat, mais je pense qu'il aurait été beaucoup plus opportun de traiter le problème du compostage, où des masses d'eau importantes sont en jeu, à l'échelon par exemple des syndicats d'arrondissement.
En outre, dans ma région, un certain nombre de centres de tri faisant largement appel à du personnel en stage d'insertion professionnelle ont été constitués sous une forme associative. Or le transfert des compétences à un syndicat départemental complique terriblement, voire empêche, le recours à ce genre de formule. A l'échelon européen, il me semble que le tri est associé à la collecte. Par conséquent les modalités de répartition des compétences ne devraient pas être fixées de façon aussi absolue : un peu d'huile dans les rouages serait bienvenue !
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le ministre, je viens de remettre à la délégation du Sénat pour la planification un rapport sur les nuisances de l'automobile : vous ne serez donc pas étonné que ma question porte sur la pollution automobile et sur la nécessité d'accélérer le développement des voitures à énergie propre.
Je voudrais tout d'abord souligner que le dispositif présenté dans le projet de loi de finances - je parle naturellement du crédit d'impôt - n'est pas à la hauteur de l'enjeu, et ce pour trois raisons.
En premier lieu, son montant, qui est de 10 000 francs, est largement insuffisant. On sait bien, en effet, que le surcoût d'une voiture à énergie propre est nettement supérieur, et l'on ne peut pas demander aux Français d'être vertueux d'un point de vue à la fois écologique - utiliser une voiture à énergie propre implique un certain nombre de contraintes - et financier.
En deuxième lieu, l'indemnisation de 5 000 francs qui est prévue dans le projet de loi de finances pour les automobilistes qui feront détruire un véhicule vieux de plus de dix ans est, à mon sens, inefficace. En effet, lorsque l'on vise deux objectifs à la fois, on prend le risque de n'en atteindre aucun. Comment imaginer que des personnes possédant une voiture très ancienne auront subitement les moyens d'acheter une voiture à énergie propre, dont le prix est plus élevé que celui d'une voiture traditionnelle ?
En troisième lieu, le dispositif est mal ciblé, car il ne concerne pas exclusivement les véhicules émettant peu de gaz à effet de serre. Or, aujourd'hui, la question la plus grave en matière d'environnement, comme je l'indique d'ailleurs dans mon rapport, est celle des gaz à effet de serre et du réchauffement climatique, puisque le problème de la pollution de l'air est en voie d'être résolu de par la conception des véhicules actuellement construits.
Ce dont nous avons besoin, en matière fiscale, c'est d'un système à la fois volontariste et simplifié. Dans le rapport adopté par la délégation du Sénat pour la planification, je suggère à cette fin la création de deux primes fondées chacune sur un seul critère : une prime au rebut et une prime ou crédit d'impôt à la voiture propre majorée.
Nous avons estimé que le montant de la première prime devrait atteindre 5 000 francs pour la mise au rebut de véhicules de plus de dix ans, sans que soit prévu aucun autre critère d'attribution. L'objectif est de rajeunir le parc. Si l'âge moyen des véhicules est aujourd'hui de sept ans et demi, des voitures très anciennes, quelquefois vieilles de plus de vingt ans, circulent encore : ce sont elles qui polluent, 20 % des véhicules étant responsables de 60 % de la pollution de l'air. Ainsi, un véhicule construit voilà quinze ans pollue davantage que vingt véhicules neufs ; l'objectif est donc d'éliminer du parc le maximum de vieux véhicules.
Par ailleurs, il faut inscrire cette prime dans la durée, pour limiter l'effet d'anticipation, qui avait pu jouer pour des primes mises en place dans le passé.
En ce qui concerne la prime ou crédit d'impôt à la voiture propre majorée, nous reprenons en quelque sorte le principe de la prime de 10 000 francs, qui était toutefois largement insuffisante. Cette prime vaudrait aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, ce qui signifie que les flottes captives, notamment les flottes d'entreprise, seraient concernées. Ce point est très important, car l'utilisation de petits véhicules de livraison se développe de plus en plus en ville, pour les besoins du commerce. Par conséquent, la question de l'autonomie se pose beaucoup moins, ce qui permet de recourir à l'énergie électrique.
En outre, cette prime serait octroyée pour les véhicules émettant le moins de gaz à effet de serre, puisque les véhicules neufs, je le répète, n'engendrent presque plus aucune pollution chimique de l'air. La prime concernerait donc des véhicules fonctionnant à l'électricité, avec des moteurs hybrides, au gaz naturel de ville, le GNV, qui ne propulse pour l'heure que des flottes d'entreprise, ou, à terme, équipés d'une pile à combustible.
Monsieur le ministre, que pensez-vous de ces propositions ? Ne croyez-vous pas qu'elles nous permettraient de nous engager, si elles étaient appliquées, sur la voie de l'abandon du pétrole, option indispensable pour prévenir le réchauffement climatique, conformément aux objectifs de la lutte contre les gaz à effet de serre et du plan national qui avait été adopté à ce titre en 1999 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vos questions sont très pertinentes, car vous connaissez bien les problèmes que vous évoquez. Vos propositions sont intéressantes et recoupent d'ailleurs l'action du Gouvernement, qui a d'ailleurs en partie été inspirée par les débats parlementaires qui se sont tenus ces dernières années sur des thèmes environnementaux, auxquels ont participé certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, siégeant à droite comme à gauche de l'hémicycle. Je me souviens, à ce propos, que M. Jégou et moi-même avions des opinions assez convergentes sur ce point précis.
Le Gouvernement a choisi d'instaurer en 2002 un crédit d'impôt de 2 500 francs pour l'achat d'un véhicule fonctionnant au GPL ou au gaz naturel ou d'un cyclomoteur électrique. Ce crédit d'impôt est porté à 15 000 francs en cas de destruction d'une voiture ayant été immatriculée avant le 1er janvier 1992, donc vieille de plus de dix ans.
Nous avons également prévu des aides à l'achat d'autobus roulant au gaz, ainsi que la prorogation du dispositif visant à inciter à l'acquisition de véhicules électriques neufs.
Ces mesures étant nouvelles, nous ne pouvons bien sûr mesurer leur efficacité. Cela étant, certaines personnes m'ont dit qu'elles s'étaient adressées, après le 1er janvier 2001, à des constructeurs français pour acheter un véhicule fonctionnant par exemple au GPL. Or elles ont rencontré des difficultés dans leur démarche, car nos constructeurs n'avaient peut-être pas encore compris que leur intérêt était de proposer ce type de véhicules mixtes à bicarburation dans l'ensemble de leurs gammes. Ils ont réagi depuis, et les acheteurs auront peut-être plus de chance en 2002 !
Par ailleurs, vous avez avancé une autre proposition, monsieur le sénateur, visant à la création d'une simple prime à l'achat de véhicule. Cette suggestion, qui a eu un certain retentissement dans la presse, me fait penser aux « balladurettes » ou aux « jupettes » de naguère.
A cet égard, d'un point de vue politique, je m'étonne toujours que des personnes défendant une vision libérale de l'économie puissent promouvoir une mesure d'inspiration keynésienne !
Certes, les voitures actuelles sont, d'une manière générale, quels que soient les constructeurs, plus propres que leurs devancières. C'est d'ailleurs heureux, car nous avons suffisamment incité nos constructeurs à concevoir des voitures plus économes et moins polluantes. La qualité de l'air s'en est trouvée améliorée, du moins au regard de la teneur en certains polluants. Depuis dix ou vingt ans, des innovations techniques ont donc permis de rendre les voitures moins polluantes, mais cela ne doit pas nous amener à aider les gens à acheter des véhicules. Il s'agit d'une forme de soutien artificiel, qui a montré ses limites, puisque l'arrêt du dispositif a engendré, dans le passé, des difficultés pour les constructeurs, dues à l'effet de seuil.
En ce qui concerne le crédit d'impôt, je pense, tout comme vous, qu'il doit aussi concerner les petits véhicules utilitaires, en particulier les véhicules de livraison. Une telle mesure devrait être prise, car les gestionnaires de parc automobile sont peut-être plus faciles à toucher que les particuliers et prennent des décisions de grande ampleur. Malheureusement, la surface financière de mon ministère ne me le permet pas, aussi conviendrait-il que j'entame une négociation avec M. Fabius pour obtenir les moyens nécessaires. L'année prochaine, nous serons toujours là (Sourires)...
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Ce n'est pas sûr !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous verrons ! Quoi qu'il en soit, étendre le bénéfice du crédit d'impôt aux flottes de véhicules est une très bonne idée.
En conclusion, je voudrais souligner que le recours à la technologie n'est pas l'unique moyen de lutter contre la production excessive de gaz à effet de serre. Nous devons également inciter nos concitoyens à prendre les transports en commun, comme le fait actuellement, par exemple, la nouvelle municipalité parisienne. Les lignes devront être plus nombreuses et desservies par des véhicules, quels qu'ils soient, plus rapides, plus confortables, plus sûrs, plus fréquents et circulant la nuit.
La solution ne réside donc pas seulement dans la technologie. Elle réside aussi dans le fait que, de toute façon, même si on avait des voitures plus propres - elles le sont de plus en plus, je m'en félicite - des problèmes d'embouteillage, des problèmes de masse surfacique au sol se posent. La chaussée n'est pas extensible à l'infini. Je préfère qu'il y ait un bus, voire un tramway, un métro, un train de banlieue, un RER, qui, finalement, du point de vue de l'énergie dépensée par kilomètre et par voyageur, est tout de même plus intéressant que les véhicules individuels à moteur thermique.
M. Serge Lepeltier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Je souhaiterais simplement revenir sur deux points.
D'abord, vous avez beaucoup insisté sur le GPL. Actuellement existent des mesures d'incitation, pour encourager l'usage du GPL. Mais soyons très vigilants, car ce carburant émet des gaz à effet de serre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le diesel aussi !
M. Serge Lepeltier. C'est la raison pour laquelle j'indiquais qu'il convenait de recentrer nos incitations sur les énergies qui n'émettent pas de gaz à effet de serre. Le diesel en émet, certes, mais moins que l'essence. A ce seul titre, il est plus écologique que l'essence, ce qui est paradoxal compte tenu de tout ce qui a pu être dit et de ce qui était vrai voilà une dizaine d'années.
Ensuite, vous avez évoqué le système libéral et vous êtes surpris que des libéraux ou, en tout cas, des personnes appartenant au système libéral puissent proposer l'octroi de primes. Monsieur le ministre, l'incitation est libérale. Ce qui n'est pas libéral, c'est la contrainte. Nous cherchons, nous, par l'incitation fiscale, à changer les comportements. En effet, quand on est dans la contrainte, on est dans l'interdiction, et là on n'est plus dans le libéralisme !
Un sénateur du RPR. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, votre projet de budget est en progression sensible, plus de 7 %, ce qui est bien sûr positif. Je suis toujours étonnée de constater que nos collègues de la majorité sénatoriale, si soucieux d'économiser les deniers publics, demandent toujours plus de crédits pour certains budgets.
Ma question a trait aux conséquences de la catastrophe de Toulouse. Une partie de l'augmentation des crédits de votre ministère correspond au plan d'urgence annoncé par le Gouvernement à la suite de cette catastrophe et à la prise de conscience des graves menaces auxquelles nous expose notre développement économique et industriel.
L'augmentation des crédits de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, avec, à la clé, la création d'une centaine d'emplois affectés au contrôle des sites classés, et le renforcement des moyens de l'INERIS sont autant de mesures qui témoignent d'une réelle volonté d'accroître le nombre des procédures de contrôle et d'expertise.
Ces mesures, pour importantes qu'elles soient, permettront-elles véritablement de mieux maîtriser les risques technologiques et industriels ?
Certains exigent la délocalisation des sites classés Seveso et la fermeture définitive du site AZF. Les récentes déclarations de Thierry Desmarest ne sont guère rassurantes pour l'ensemble des salariés.
Bien entendu, après ce drame, rassurer la population est une nécessité. Mais évitons de verser dans la démagogie en négligeant la part de responsabilité des uns et des autres dans cette catastrophe tragique. Tandis que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale pense qu'il y aurait eu « sous-estimation » du risque, on a de bonnes raisons de soupçonner TotalFinaElf de vouloir, aujourd'hui, se désengager d'une activité qu'il juge peu rentable.
N'oublions pas que, sur les trente personnes qui ont perdu la vie ce 21 septembre, vingt-deux étaient des salariés d'AZF.
Ne négligeons pas les conséquences, sur le plan économique et social, qu'impliqueraient des mesures aussi radicales que les délocalisations des productions dangereuses.
On sait qu'en France, sur les 1 250 sites classés Seveso, plus de la moitié sont situés en zone urbanisée. Il faut donc avoir une certaine responsabilité pour répondre à ce genre de question.
Ne devons-nous pas d'abord, monsieur le ministre, insister pour que la priorité des entreprises soit la sécurité ? D'ailleurs, notre groupe a déposé deux amendements sur ce sujet au cours de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2002.
Or la recherche actuelle, par les grandes compagnies de pétrochimie, d'une réduction systématique des coûts se traduit par des diminutions d'emplois, par le développement de la sous-traitance et par le recours à des formes précaires d'emploi, qui mettent directement en cause la sécurité sur les sites de production.
Ainsi, dans de nombreuses entreprises à risques, on observe une réduction importante du nombre des postes qui étaient autrefois directement affectés à la sécurité sur le site de production. C'est le cas, par exemple, des effectifs de pompiers professionnels, jugés insuffisamment rentables pour être maintenus.
De telles équipes de sécurité, spécialement formées aux risques propres à chaque site, jouent pourtant un rôle essentiel, y compris en matière de prévention. Il faut toujours rappeler que, sur le site de Toulouse, leur effectif était passé de vingt-cinq à trois !
Comment ne pas souligner aussi que, dans les entreprises dangereuses, la fonction de maintenance est primordiale pour assurer aux équipements un état optimal de sécurité. Elle suppose des exigences en matière de formation aux règles et procédures de contrôle des matériels et produits manipulés.
Lorsqu'on réduit la maintenance, le recours aux intérimaires et l'accroissement du turnover sont autant de pratiques qui déstabilisent et fragilisent les collectifs de travail, déstructurent la cohérence et les synergies qui existent au niveau des ateliers sur un même site de production.
Reconnaissons, monsieur le ministre, que l'emploi est au coeur des préoccupations de sécurité. En ce sens, un haut degré de sécurité exige le retour d'une politique riche en emplois stables, plus qualifiés et mieux sensibilisés aux questions de sécurité.
Cela nécessite aussi, comme mon collègue Yves Coquelle l'a rappelé ici même voilà quelques semaines, un renforcement du rôle des CHSCT, ainsi qu'une relation régulière et privilégiée entre la DRIRE et les CHSCT.
Monsieur le ministre, après ces observations, je souhaiterais connaître les initiatives que vous comptez prendre, en coordination avec d'autres ministères, pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Madame la sénatrice, la tragédie de Toulouse nous oblige en effet à réfléchir assez profondément sur la société dans laquelle nous vivons et la manière dont, avec le progrès industriel lui-même, nous générons de façon coextensive des risques qui peuvent se transformer en dommages. Au-delà, bien sûr, du plan d'urgence et de la gestion de la crise réalisés par le Gouvernement et pour lesquels nous avons débloqué, dans les premiers jours qui ont suivi le 21 septembre, plus de 1,5 milliard de francs en matière scolaire, en matière d'habitat et, bien entendu, en matière sanitaire, le Premier ministre et le Gouvernement ont voulu que s'ouvre un débat général et très approfondi, sans aucun tabou, dans toute la société.
Pour cela, nous avons fait des visites de terrain. Je me suis rendu sur les quatre ou cinq sites les plus représentatifs de l'industrie, non seulement la chimie de l'azote, mais aussi la pétrochimie, comme à Dunkerque, ou la chimie organique, comme Rhodia, par exemple, au sud de Lyon, dans le couloir de la chimie. C'est très impressionnant. Nous avons été également à l'usine du Grand-Quevilly, près de Rouen, qui est finalement la grande soeur de l'usine qui a explosé à Toulouse et qui appartient au même groupe, Grande Paroisse.
Nous avons donc rencontré tous les acteurs : les exploitants eux-mêmes, les syndicats, les CHSCT, les riverains, les élus, les associations, les médias, bref, ceux qui s'intéressent à ces problèmes de sécurité industrielle.
Nous avons également rencontré les représentants nationaux de chacun de ces différents types d'acteurs, ainsi que les patrons. Ils étaient vingt-cinq patrons qui représentaient, peut-être, 25 % du PIB et 60 % du risque industriel en France. Etaient notamment présents M. Francis Mer d'Usinor, des gens de GDF, d'EDF, de Rhodia, de Grande Paroisse, de TotalFinaElf et d'Air liquide. Je leur ai posé la question suivante : quel est votre avis et quelles sont vos propositions, mesdames, messieurs ? ou plutôt messieurs car il n'y avait que des hommes à ce niveau de responsabilité. (Mme Borvo s'exclame.) Je parle des patrons ! (Sourires.)
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Même au ministère de l'environnement, les femmes ne sont pas assez nombreuses !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Au ministère de l'environnement, c'est l'alternance !
Nous avons aussi rencontré les syndicats, les confédérations syndicales, les grandes associations de l'environnement, les associations d'élus, notamment l'association des maires de France, présidée par M. Jean-Paul Delevoye, et l'association des maires de grandes villes.
Puis, nous avons organisé vingt-six débats régionaux, le dernier à Lyon le 5 décembre dernier. Dans quelques jours, mardi prochain pour être précis, se tiendra au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement le dernier débat national s'étant tenu en présence de M. le Premier ministre ainsi que de Mme Marie-Noëlle Lienemann et de M. Christian Pierret qui ont été associés à l'ensemble de cette réflexion.
Quelles sont nos intentions ? Au vu des centaines de propositions qui ont été faires, le débat semble se focaliser essentiellement sur trois domaines.
Le premier, c'est le risque interne aux entreprises elles-mêmes : comment faire pour que les industriels, les syndicats, les CHSCT et les travailleurs eux-mêmes aient une meilleure culture du risque, afin que, grâce à la vigilance, les niveaux de risque soient abaissés et que la sécurité soit accrue ?
Pour cela, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, nous allons essayer d'élargir le périmètre des prérogatives du CHSCT. Il s'agit, d'une part, de développer la coordination avec les DRIRE et l'inspection des installations classées. D'ailleurs, il vaut mieux dire « installations classées » que « sites classés », car les sites classés sont moins dangereux que les installations classées. Il s'agit, d'autre part, au sein du CHSCT, d'accroître les pouvoirs, notamment en matière d'alerte, concernant les problèmes de sécurité industrielle. Tel est le volet social.
Le deuxième volet - il sera débattu une dernière fois mardi prochain et sera éventuellement traduit dans une loi, mais je ne veux pas dévoiler ce que dira M. le Premier ministre, mardi soir - c'est le volet urbanisme-usines à risques. Il y a là, à l'évidence, une cohabitation dont la proximité peut être assez dangereuse. A cet égard, les paysages sont d'ailleurs très contrasté. Ainsi, à Toulouse, c'est la ville qui a rattrapé l'usine, laquelle, auparavant, en 1924, était à la campagne. A Dunkerque, au contraire, ce sont les usines plus récentes, qui datent de vingt ou vingt-cinq ans, qui ont enserré un petit village, Mardyck. Là, ce sont plutôt les usines qui ont rattrapé la ville.
Le troisième volet, c'est le volet démocratique. Je le répète, mais pas comme un slogan fétichiste, la démocratie est un facteur efficace d'amélioration de la sécurité industrielle en France.
Pour la sécurité, il faut bien sûr, vous l'avez dit vous-même, des professionnels, y compris au sein des entreprises, notamment des pompiers. Mais la sécurité, c'est l'affaire de tous. On le voit bien, au moment où les maires font déposer de l'information dans les boîtes aux lettres de leurs concitoyens, comme ils sont en principe tenus de le faire au titre des plans particuliers d'intervention. En effet, cela n'est pas suffisant. Il faut aussi organiser des exercices et inciter la population à participer. Nous allons créer des commissions locales d'information sur les risques technologiques, à l'instar des CLIS, les commissions locales d'information et de surveillance, autour des centrales nucléaires. Cela permettra d'assurer une sorte de vigilance citoyenne active, incitant à s'informer, à discuter et à exercer non seulement un droit de contrôle mais également des pouvoirs et des moyens de contre-expertise, auxquels vous tenez beaucoup.
Ainsi, nous parviendrons, je l'espère, à élever le niveau de sécurité industrielle en France, afin que : « plus jamais ça ! », comme on le dit à Toulouse.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. J'attendrai donc mardi prochain pour connaître les décisions qui seront prises.
Monsieur le ministre, je partage les orientations que vous avez énoncées et qui sont très générales. J'insisterai de nouveau sur le fait que les directions d'entreprise, dans leur stratégie d'emploi et de redéploiement interne, ont une responsabilité en matière de sécurité.
M. le président. La parole est à Mme Herviaux.
Mme Odette Herviaux. L'actualité nous joue parfois des tours, et vous l'avez évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre. Un article paru dans un grand quotidien du soir a eu le don de me mettre un peu en colère et d'illustrer parfaitement le sujet que j'aborderai dans quelques instants.
Auparavant, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous dire que, aux yeux du groupe socialiste, le budget que vous nous soumettez pour 2002 traduit, comme les budgets précédents, la volonté de prendre réellement en compte tout ce qui concerne les questions de l'environnement. Il semble important de rappeler qu'en quatre ans les crédits attribués dans ce domaine ont presque triplé, alors qu'ils étaient restés quasiment stables entre 1993 et 1997.
Vous avez vous-même, monsieur le ministre, utilisé les termes d' « ambitieux et de réaliste » pour qualifier ce budget, et notre groupe apprécie le souci du Gouvernement d'avoir voulu faire de votre ministère un ministère de plein exercice qui prenne réellement en compte la nécessité d'élargir le périmètre et les secteurs d'intervention, de promouvoir des politiques environnementales volontaristes et de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens en ce qui concerne l'environnement et la protection contre les risques.
Ambitieux, donc, votre budget l'est aussi dans le domaine de la création d'emplois.
Réaliste, il l'est également, puique vous nous avez expliqué la baisse des autorisations de programme par votre souhait d'adapter les dotations, notamment celles de l'ADEME, à la réalité des paiements sans pour autant nuire à sa capacité d'intervention.
On ne peut tout à la fois reprocher à votre ministère des effets d'annonce et regretter, par ailleurs, que vous procédiez à un ajustement réaliste des consommations !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, avec une progression de 7,4 %, votre budget nous satisfait. Cependant - et ce sera l'objet de ma question -, je souhaiterais attirer votre attention sur un point particulier qui concerne la prévention des pollutions dans le cadre de la politique des bassins versants - c'est d'actualité à en croire l'article de presse que je citais tout à l'heure - et la reconquête de la qualité de l'eau.
Cette originalité française semble avoir séduit l'Europe puisque le Parlement européen, dans une directive, ainsi que le Conseil, le 23 octobre 2000, ont établi un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Ne serait-il pas temps, à ce sujet, d'élargir les aides à l'ensemble des bassins versants où il existe une véritable volonté de préservation de la qualité de l'eau, plutôt que de les restreindre aux bassins où les taux de nitrate dépassent les normes autorisées ?
Originaire et élue d'une région, la Bretagne, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et qui, à mon avis, a été trop longtemps décriée et montrée du doigt - elle l'est encore aujourd'hui - pour la mauvaise qualité de son eau, je souhaiterais être le porte-parole de tous ceux qui se sont engagés concrètement depuis plusieurs années sur le terrain de la reconquête de la qualité de l'eau en vous apportant un certain nombre d'informations dont on ne parle pratiquement jamais - n'en déplaise à cet article de presse - et qui vous permettraient de ne pas mettre systématiquement au pilori les agriculteurs, du moins ceux qui sont volontaires pour essayer de reconquérir une eau de qualité.
Il est temps que l'on cesse d'entendre « qu'il n'y a pas aujourd'hui d'éléments convaincants d'une amélioration de la qualité de l'eau » car nous avions - et nous avons toujours - une obligation de résultat, et cela me semble en bonne voie, au moins dans un bassin versant, sur le grand bassin de l'Oust, que je connais bien.
Ce grand bassin représente à lui seul un quart des bassins versants de Bretagne, 40 % de leurs agriculteurs et, avec 300 000 hectares, 35 % de leur superficie.
Il présente une double originalité : celle de regrouper huit bassins versants contigus, constitués en associations et rassemblés dans une unité et une identité d'action, ce qui permet une économie d'échelle et celle de fédérer élus, acteurs économiques volontaires et animateurs de bassin afin de pouvoir réaliser directement le maximum d'actions de terrain.
Quant aux résultats, tant décriés par certains, quelques années seulement après la mise en place de ce bassin versant, on peut dire qu'ils peuvent être considérés comme encourageants. Ainsi, sur le bassin le plus ancien, le taux d'atrazine - substance qui dépasse les nitrates en termes de pollution - a été divisé par vingt, passant de 8 microgrammes à 0,4 microgramme par litre lors de pics, une large majorité de mois faisant apparaître des résultats inférieurs aux normes autorisées.
La courbe des nitrates sur les points de prélèvement s'est partout stabilisée, et s'est souvent même infléchie grâce aux investissements de nombreux acteurs sur le terrain.
Par ailleurs, 85 % des agriculteurs de ce secteur sont engagés dans des actions d'analyse de sols et de conseils agronomiques individualisés pour lutter contre la surfertilisation azotée.
La couverture végétale des sols en hiver pour éviter leur lessivage représente, cette année, environ 14 000 hectares, dépassant largement les objectifs qui étaient de 1 000 hectares par bassin.
De plus, des efforts ont également été réalisés pour mieux utiliser les produits phytosanitaires grâce à un classement de parcelles à risques : sur 15 000 hectares, le réglage des pulvérisateurs et les plans de désherbage communaux devraient améliorer la situation.
Cela étant, si certains agriculteurs polluent, ils ne sont pas les seuls. Ainsi, les taux de diuron sont systématiquement au-dessus des normes en bordure des routes à quatre voies et des routes départementales.
Par ailleurs, plus de 100 kilomètres linéaires d'aménagement paysager ont été réalisés par la reconstitution de haies et de talus, et sept projets d'aménagement hydraulique sont en cours de réalisation.
Ainsi, monsieur le ministre, même sans faire preuve d'un optimisme exagéré, on peut constater que les pratiques évoluent et que les Bretons, discrètement comme toujours, sans effet d'annonce mais avec la volonté et la ténacité qui les caractérisent, se sont attaqués concrètement aux problèmes de la reconquête de la qualité de l'eau.
Ce sera, bien sûr, long et coûteux ; toutefois pour les aider dans cette implication forte et afin de ne pas retarder les actions ni de décourager les bonnes volontés, il serait souhaitable que toutes les dotations individuelles proposées dans votre budget concernant l'ensemble des programmes en cause soient versées directement et le plus rapidement possible aux associations des bassins versants, accélérant ainsi les processus et évitant à chacun des complications administratives et des remboursements tardifs, ce qui risquerait de démobiliser tous les acteurs de ces actions basées sur le volontariat.
Tel est le sens de ma question : envisagez-vous de faire verser directement aux associations qui en ont la responsabilité les subventions concernant l'évolution des pratiques agronomiques, dans le cadre des contrats d'objectifs et dans le respect de votre enveloppe budgétaire ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Madame la sénatrice, je ne vais pas revenir sur tous les points que vous avez évoqués, car je crois avoir déjà répondu aux différents rapporteurs en ce qui concerne le PMPOA n° 2, qui, je l'espère, sera plus efficace que le PMPOA n° 1.
Cependant, je veux vous apporter quelques éléments complémentaires en ce qui concerne les textes d'application de la directive relative aux nitrates, qui ont pour objet de renforcer les actions à mener dans les bassins versants où l'eau est trop polluée.
Comme vous le savez, en Bretagne, il existe un véritable problème - l'article de presse auquel vous avez fait allusion le montre bien - puisque, dans la moitié ou presque des communes et des cantons, l'eau n'est pas potable. C'est tout à fait anormal et j'en suis aussi contrit que vous, madame, car je suis également originaire de cette région.
Les arrêtés préfectoraux d'application ont été signés, dans les départements bretons, en juillet dernier. Le périmètre des zones d'excédents structurels, les ZES, seront revus à la hausse, répondant ainsi au voeu de l'association « Eau et rivières de Bretagne », que vous connaissez sans doute ( Mme Herviaux acquiesce ), et dont j'ai été un militant dès sa création. A l'époque - c'était dans les années 1972 - elle s'appelait d'ailleurs APPSB, c'est-à-dire « Association pour la protection des salmonidés en Bretagne ».
Pour tenir compte du recensement général effectué en 2000 et des nouvelles références techniques sur les rejets des animaux, le nombre de cantons classés en zone d'excédents structurels augmentera donc notablement, même si toute la Bretagne n'est pas concernée, comme l'aurait souhaité l'association à laquelle je viens de faire allusion.
Par ailleurs, le projet de loi sur l'eau, MM. les rapporteurs l'ont évoqué, sera examiné dès le 8 janvier à l'Assemblée nationale, et il vous sera alors proposé de rééquilibrer l'ensemble des redevances et de créer, notamment, une taxe sur les excédents d'azote afin de lutter contre la pollution.
Ce sera typiquement une redevance « non-pollueur - non-payeur », car ceux qui utilisent déjà de bonnes méthodes agricoles - c'est-à-dire 75 % des agriculteurs bretons - ne paieront rien. Quant aux 25 % restants, il leur suffira de pratiquer une agriculture plus raisonnable pour ne pas être touchés. Ainsi, personne ne paiera cette redevance « azote », ce qui est bien mon souhait. En effet, il ne s'agit pas pour moi de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, mais d'obtenir que les agriculteurs utilisent des méthodes plus saines pour l'environnement et pour la santé humaine.
Le projet de loi sur l'eau aura donc à cet égard une réelle efficacité, à condition, bien sûr, que le débat parlementaire ne déséquilibre pas trop un texte dont la préparation aura nécessité plus de trois ans et demi de rencontres, de réunions, de concertations. Nous avons ainsi rencontré les agriculteurs, mais aussi les pêcheurs et tous ceux qui, à un titre ou à un autre, utilisent l'eau. Or tout le monde est, à un moment donné, utilisateur !
Vous savez également que le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire qui s'est tenu le 9 juillet 2001 a pris une décision particulièrement importante, puisque le préfet de Bretagne a été chargé d'élaborer avec l'ensemble des acteurs concernés un plan de réorientation de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire au service d'un développement économique régional pérenne et respectueux de l'environnement. Autrement dit, c'est le modèle productiviste breton qui est en cause et sur lequel il faut réfléchir.
Le président du conseil général des Côtes-d'Armor, le bien nommé M. Lebreton, a également pris une initiative très intéressante avec ce qu'il a appelé le « compromis breton ». Il a peut-être d'ailleurs, ce faisant, quelque peu brûlé les étapes, parce que c'est en général à la fin d'une négociation que l'on parvient à un compromis, mais peu importe : c'est sans doute un homme raisonnable.
Quant au préfet du Finistère, que vous connaissez bien également, il n'a pas hésité, au cours de l'été dernier, à reconnaître, s'agissant des zones d'excédent structurel, que certains agriculteurs avaient un petit peu « triché » sur l'extension de leur porcherie. Il a alors pratiqué ce que j'appellerai pudiquement des « réductions de cheptel ». Eh bien, s'il faut en faire d'autres, nous le ferons !
De la sorte, grâce à ces mesures de dialogue, de réflexion, de planification, d'aide et d'incitation, mais aussi de fermeté, j'espère que non seulement en Bretagne mais également dans l'ensemble de la France - voire de l'Europe, où il nous faudra réexaminer, comme le prévoit le calendrier européen, la politique agricole commune - nous parviendrons à marier plus harmonieusement la santé, l'environnement et l'agriculture.
M. le président. La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais exprimer ma grande inquiétude devant l'importance croissante du prélèvement opéré par le Fonds national de solidarité sur l'eau. le FNSE, sur les moyens financiers des agences de l'eau.
J'étais, il y a quelques semaines encore, président de la commission « programme » de l'agence Artois-Picardie, et je suis très heureux de saluer la présence dans cet hémicycle de notre collègue Paul Raoult, qui assume, aujourd'hui, cette responsabilité.
C'est en fonction de la situation de ce bassin que je tenterai de vous faire partager mes préoccupations.
Ces dernières années, les grandes agglomérations de ce secteur, notamment la métropole lilloise, ont multiplié les grands travaux d'assainissement, avec la construction ou la requalification totale - ce qui revient au même - d'un parc de stations d'épuration capable de traiter de façon satisfaisante les eaux usées domestiques dans des délais ne s'éloignant pas trop des prescriptions de la directive européenne de 1991 et de la loi de 1992.
Parallèlement, les entreprises ont été averties qu'elles ne pourraient plus, à court terme, continuer d'envoyer leurs effluents industriels vers des stations qui n'ont pas été conçues pour les traiter. Tout cela a d'ailleurs suscité une abondante littérature sur les risques de « déraccordement » et les conséquences tragiques qui en résulteraient sur le plan de l'emploi.
La solution réside dans la maîtrise de la pollution par les industriels eux-mêmes, mais elle ne pouvait aboutir qu'avec des aides, parfois particulièrement significatives, de l'agence.
Ainsi, dans le secteur de l'ennoblissement textile, qui cumule des difficultés considérables et un coût d'épuration fort important, les aides de l'agence ont pu atteindre 50 % en subvention, et de 30 % à 40 % en avance remboursable sans intérêt. Ce niveau d'aide, qui s'avérait pourtant indispensable pour la pérennité de cette branche, risque malheureusement de ne plus pouvoir s'appliquer dans le futur en raison de nouveaux textes européens sur l'encadrement des aides de l'Etat, mais il est impératif que, à tout le moins, l'agence assume les engagements déjà contractés.
A cette situation particulière s'ajoutent les implications financières engendrées par les inondations catastrophiques du secteur des wateringues de la fin de 1999 et, bien sûr, de la Somme, au printemps dernier, ainsi que le souci des élus de voir, dans le prochain programme, l'agence intervenir plus activement dans la gestion des eaux pluviales.
On pourrait encore évoquer la volonté de requalification des rivières et des canaux, terriblement dégradés depuis des décennies dans notre région, où la faiblesse des dénivellations est à l'origine de faibles débits. Cette volonté est illustrée, par exemple, par le dossier, désormais bien avancé, de remise en navigation du canal de la Deule à l'Escaut.
Lorsqu'on sait, en outre, qu'il est aujourd'hui quasiment impossible de signer de nouveaux contrats pluriannuels d'assainissement ou de nouveaux contrats ruraux pour l'eau, on comprend que l'inquiétude des élus rejoigne celle des industriels devant la mise en cause des capacités d'intervention de l'agence.
Enfin, en constatant à la fois le caractère quelque peu homéopathique des taux de consommation des crédits affectés au FNSE en 2000, les risques d'opacité liés à des implications croisées du FNSE et des agences sur des actions similaires et l'extrême rigidité des interventions du fonds au regard de la souplesse et de la rapidité de réaction des agences, on ne peut que souhaiter une limitation stricte du prélèvement opéré sur les agences, tant cette année que dans les années à venir.
Monsieur le ministre, les comités de bassin constituent de véritables parlements locaux de l'eau. Le système, mis en place avec les agences, de gestion de l'eau décentralisée par bassins a fait école en Europe, mais il a besoin de continuité et de confiance pour préserver son efficacité. Ne pensez-vous pas qu'il serait urgent de rassurer l'ensemble des acteurs de l'eau sur le devenir des agences, les pouvoirs de leurs comités de bassin et de leurs conseils d'administration, et leur capacité à faire face à la hauteur de leurs responsabilités ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. J'espère rassurer M. Lecerf. En tout cas, je puis lui dire que le projet de loi sur l'eau vise, notamment, au renforcement des capacités des agences : l'ensemble du titre III du texte leur est consacré.
Bien sûr, on ne peut que se féliciter du fait que le système français en matière de gestion de l'eau, mis en place par les lois de 1964 et de 1992, ait fait école en Europe. En particulier, la manière dont, en France, a été envisagé le découpage du territoire via les bassins hydrographiques a été reprise par la directive d'octobre 2000 que, pour une bonne part, nous avons transposée par anticipation, puisqu'elle s'inspire de notre législation, et que nous transposerons pour une autre part avec le futur projet de loi sur l'eau.
Pour le reste, ainsi que vous l'avez signalé, monsieur Lecerf, les agences de l'eau attribuent des aides significatives sous forme d'avances remboursables ou de subventions.
Le bilan provisoire du programme actuel fait ressortir un taux d'engagement supérieur à 95 % pour les années 1997 à 2001. Compte tenu du niveau de leurs recettes et de leur fonds de roulement, les agences ont donc la capacité d'assumer les engagements déjà contractés.
Bien sûr, en fin de programme, les conseils d'administration sont plus sélectifs dans les décisions d'aide en fonction des marges de crédits qui restent disponibles. C'est le cas dans le bassin Artois-Picardie.
Dans cette conjoncture, les agences de l'eau doivent financer prioritairement les investissements nécessaires pour éviter que la France ne soit mise en cause par la Commission et par la Cour de justice des communautés ; il existe évidemment toujours des risques de contentieux !
C'est donc à juste titre que les grandes agglomérations du bassin, notamment la métropole lilloise, multiplient les travaux d'assainissement, et que les élus locaux veillent avec attention à ce que les industriels raccordés ne rejettent pas de polluants toxiques dans les réseaux publics.
Le secteur de l'ennoblissement textile pourra être aidé par l'agence, à condition qu'il rattrape très vite son retard dans la mise en conformité de ses installations.
Notre volonté est évidemment de renforcer l'efficacité des agences de l'eau. Le projet de réforme des redevances vise à rendre celles-ci plus incitatives, tout en confortant les capacités d'intervention des agences et l'adaptation concrète des conditions d'aide aux priorités d'action arrêtées par les instances de bassin.
Enfin, le bassin Artois-Picardie a été bénéficiaire net des mesures de solidarité nationale financées par le FNSE, notamment pour accélérer le programme de restauration de la qualité de l'eau dans les canaux très pollués.
Permettez-moi d'évoquer un souvenir personnel. Alors que je me trouvais en campagne électorale à Lille, en 1985, j'ai pu constater que, par - 7°, l'eau d'une petite rivière était tellement polluée qu'elle ne gelait pas ! Nous avons même pu faire du canoë-kayak ! J'espère que, depuis, la qualité de l'eau de cette rivière s'est améliorée... et qu'il fait moins froid dans le Nord-Pas-de-Calais ! (Sourires.)
En tout cas, la qualité de l'eau dans les canaux très pollués s'améliore et une aide est accordée par l'agence et par les collectivités territoriales.
M. Jean-René Lecerf. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Confidence pour confidence, j'ai le souvenir d'une véritable vision d'Apocalypse à Marcq-en-Baroeul, ville dont j'ai été le maire jusqu'à il y a peu. Voilà quelques années, l'eau de la rivière qui traverse la commune, la Marcq, s'est enflammée ! Depuis, heureusement, bien des progrès ont été réalisés.
En ce qui concerne la participation des agences au financement du FNSE, les agences ne sont pas toutes sur un même pied. Ainsi, de toutes les agences de bassin, l'agence Artois-Picardie est la plus petite par la superficie qu'elle gère mais aussi celle qui a le fonds de roulement le plus tendu.
Le traitement égalitaire de situations inégalitaires n'est peut-être pas toujours le plus équitable.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'actualité, monsieur le ministre, porte à nouveau sur la grave question des inondations qui, depuis plusieurs années, en Bretagne, dans l'Aude, dans le Grand Bassin parisien, dans la Somme, en Camargue, dans l'Hérault et les Bouches-du-Rhône, plongent les habitants dans les pires difficultés. Souligner l'origine naturelle des inondations ne saurait conduire à considérer qu'elles relèvent de la seule fatalité.
C'est ce qui a conduit l'Assemblée nationale unanime ainsi que le Sénat à décider la mise en place de commissions d'enquête, afin de mieux comprendre les phénomènes en cause et de dégager des propositions.
Les inondations, qu'elles soient répétées ou exceptionnelles, observées au cours de ces dernières années ne sont pas des phénomènes nouveaux. Déjà en 1994, une précédente commission d'enquête avait présenté des analyses et des propositions, qui ont d'ailleurs connu un début d'application.
Nul ne peut dire que des moyens financiers n'ont pas été dégagés, mais la détresse des personnes les occulte vite.
Le président de la mission interministérielle sur les inondations de la Somme a souligné que les crues de mars 2001 résultaient d'une accumulation de pluies durant sept mois, jamais connue depuis un siècle. En Bretagne, une telle pluviométrie sur une longue période n'avait jamais non plus été observée depuis un siècle.
Quant aux dégâts consécutifs aux précipitations orageuses brutales et de forte ampleur qu'ont connues Vaison-la-Romaine, Nîmes, le Tarn et les Pyrénées-Orientales, ils appellent d'autres constats, impliquant plus encore l'urbanisation, voire l'imprévoyance de l'aménagement.
De nombreuses polémiques se sont développées sur ces catastrophes d'origine naturelle mais aux conséquences amplifiées par l'action de l'homme. La « rumeur de la Somme », selon laquelle les pouvoirs publics auraient noyé ce département en détournant la Seine, a pu prêter à sourire, mais la gravité des drames vécus a conduit le Gouvernement à parler haut et fort pour rétablir la vérité. Les différentes commissions d'enquête ont balayé cette rumeur qui, finalement, n'avait pour origine qu'une piètre manoeuvre politicienne.
Quoi qu'il en soit, ces différents événements ont amené les pouvoirs publics à renforcer leur action en partenariat avec les collectivités.
Vous disposez, monsieur le ministre, d'un budget important. Ce budget a pratiquement été multiplié par trois depuis 1997, passant de 302 millions d'euros, à 852 millions d'euros en 2002, et nous souhaitons qu'il soit largement consommé.
A l'intérieur de ce budget des mouvements contradictoires sont constatés. Les crédits destinés à la « réduction des risques liés aux crues et aux inondations » diminue de près de 50 %, ce qui nous inquiète vivement. Nous souhaiterions entendre vos explications sur ce point.
Il en est de même pour deux autres agrégats budgétaires : les crédits consacrés à la « gestion de l'eau, des milieux et de leurs usages », diminuent de 70 % et ceux de la « reconquête de la qualité des milieux » sont divisés par 6 !
Certes, monsieur le ministre, intervient la question des reports, mais il faut avouer qu'il est difficile de s'y retrouver !
Ces mouvements suscitent également des interrogations sur les décisions ministérielles que vous comptez prendre dans la lutte pour la prévention des inondations. Je pense notamment aux informations qui circulent sur les risques pour la région parisienne et à la mise en oeuvre des propositions issues des commissions d'enquête parlementaires.
L'Assemblée nationale a retenu vingt-quatre propositions, le Sénat trente-trois. Certaines se recouvrent, d'autres se complètent. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces questions importantes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Depuis 1997, et notamment dans les contrats de plan 2000-2006, les moyens d'intervention des programmes pluriannuels « Risques » et « Loire grandeur nature » ont été fortement accrus pour tenir compte de l'aggravation des dommages constatés dans plusieurs régions.
Comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur Muzeau, les inondations deviennent encore plus dommageables du fait de l'intervention humaine. Au demeurant, et je réponds là également à M. Lepeltier, c'est peut-être aussi du fait de l'activité humaine, à travers ses effets sur le climat, que les précipitations deviennent moins prédictibles ou prennent un caractère brutal et surprenant.
Les crédits consacrés annuellement par notre ministère à la cartographie des zones exposées aux risques naturels et à l'information préventive des élus et des populations ont été portés à 110 millions de francs par an. Les moyens financiers de l'annonce des crues s'élèvent à 50 millions de francs par an au lieu de 36 millions de francs en 1994. Les subventions aux collectivités locales pour financer les ouvrages de protection des lieux habités sont intégralement consacrés aux contrats de plan - 13 millions de francs - ainsi que l'essentiel des crédits affectés à la restauration des rivières : 90 millions de francs par an. Enfin, l'Etat consacre 89 millions de francs par an à l'entretien et à la restauration des cours d'eau et des ouvrages domaniaux dont mon ministère assume la responsabilité.
Il n'y a pas, monsieur Muzeau, de mouvements contradictoires de crédits à l'intérieur du budget consacré à la prévention des inondations entre 1997 et 2002. Les écarts de chiffres correspondent au fait que les subventions pour la restauration des rivières ont été financées depuis 2000 par le FNSE et que l'agrégat « Eau » retrace les seules dépenses budgétaires. Il y donc bien eu une augmentation globale des crédits d'Etat pour la prévention des inondations.
Vous me demandez ce qu'envisage le Gouvernement en matière de lutte contre les inondations.
Dans la préparation du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau, nous avons été inspirés par les travaux des commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale, qui ont recommandé que l'Etat et les collectivités locales se dotent de moyens nouveaux pour prévenir les dommages provoqués par les inondations. Je citerai notamment l'élargissement des possibilités d'intervention des collectivités locales en matière de gestion des rivières et des zones inondables, la possibilité de créer des servitudes de sur-inondation pour écrêter les crues, l'utilisation du fonds « Barnier » pour des actions de prévention des inondations.
Voilà quelques-unes des trente-trois mesures contenues, dans le rapport de l'Assemblée nationale.
M. Roland Muzeau. Il y en a bien plus dans le rapport du Sénat !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je n'en attendais pas moins de la sagesse de votre Haute Assemblée. (Sourires.)
A l'occasion du débat parlementaire qui aura lieu bientôt, le Gouvernement est tout prêt à examiner avec intérêt les amendements proposés par les commissions d'enquêtes.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2002 confirme cette année encore le souci du Gouvernement de prendre en compte l'environnement parmi ses engagements.
Avec un budget total de plus de un milliard d'euros, il bénéficie, parmi les ministères, de la plus forte croissance de dotations budgétaires en dépenses ordinaires et crédits de paiement, dont la hausse atteint 6,27 %.
Je saluerai notamment la poursuite, pour la quatrième année consécutive, du renforcement des moyens humains et financiers de votre ministère, ainsi que la prise en compte des grands défis lancés à notre société. Je pense à la sécurité environnementale et à la prévention des risques naturels ou industriels.
Parmi les différents volets de ce budget, l'eau tient une place très particulière.
Tous s'accordent désormais pour penser que l'eau, à travers sa préservation, sa gestion, la reconquête de la qualité des milieux et la lutte contre les pollutions, représente elle aussi un des principaux enjeux collectifs du xxie siècle.
Dans ce contexte, le projet de budget qui nous est présenté traduit des choix clairs. Les autorisations de programme sont presque reconduites, avec 35,9 millions d'euros, soit 1,2 % de moins, et les crédits de paiement proprement dits chutent de 56,6 %, à 10,6 millions d'euros.
En revanche, avec 21,9 millions d'euros, les dépenses ordinaires s'accroissent de 21,6 %.
Le Gouvernement a, de fait, choisi d'intensifier son effort dans les moyens de fonctionnement et dans les interventions destinées à promouvoir la politique de l'eau.
En raison des responsabilités locales que j'assume, je suis, monsieur le ministre, particulièrement attentif à l'évolution de cette dernière, qui sera au coeur du projet de loi que vous nous présenterez au début de l'année prochaine.
D'ailleurs, conformément aux orientations de la réforme que vous nous proposerez, le compte d'affectation spéciale n° 902/00, plus connu sous le nom de « Fonds national de l'eau », va voir accrue sa section B, le « Fonds national de solidarité pour l'eau », alimenté par le produit du prélèvement de solidarité pour l'eau versé par les agences de bassin.
En effet, il est prévu que ce prélèvement augmente de 7,1 % pour atteindre 81,63 millions d'euros, alors qu'entre 2000 et 2001 la contribution des six agences avait été identique. Le Gouvernement manifeste ainsi sa volonté de permettre à ce fonds d'assumer sa mission de péréquation.
Toutefois, je voudrais m'associer à Jean-René Lecerf pour dire combien ce prélèvement pose des problèmes de gestion financière à nos agences. C'est le cas en particulier pour l'agence Artois-Picardie, dont le programme d'aide, aussi bien aux industriels qu'aux collectivités locales ou territoriales, est bloqué.
Dans le passé, l'agence disposait d'un matelas financier extrêmement épais. Dès lors, les pouvoirs publics l'ont incitée à accorder, après délibération, des subventions en surnombre, qui ont mis son budget « à sec » - si je puis me permettre l'expression. Nous avons donc bloqué toutes les subventions liées aux contrats pluriannuels et nous avons arrêté tout nouveau programme. Dans ces conditions, le prélèvement supplémentaire ne me paraît guère judicieux.
Ce nouveau fonds n'a heureusement pas remis en cause l'existence du Fonds national pour le développement des adduction d'eau, le FNDAE, auquel les communes rurales demeurent très attachées.
Cependant, le sort récemment réservé aux crédits du FNDAE semble donner raison à ceux qui craignent pour l'indispensable territorialisation des actions à travers chacun des bassins, laquelle ne saurait être remise en cause.
Je veux parler de la ponction de 150 millions de francs par an destinée à alimenter le PMPOA puis, sous prétexte d'une sous-consommation, de la reprise de crédits pour une redistribution ultérieure.
Je compte, monsieur le ministre, sur votre vigilance pour éviter toute recentralisation trop importante par le biais du FNSE, dans le cadre du huitième programme des agences de bassin.
A cet égard, je souhaiterais obtenir de votre part des assurances quant à la mise à la disposition de ces agences de moyens financiers spécifiquement en rapport avec les échéances prochaines en matière de suppression du plomb dans les branchements et, subséquemment, les canalisations.
Si cette éradication ne doit être achevée qu'en 2013, il va de soi qu'il nous faut engager d'ores et déjà d'importants travaux de substitution.
Pour illustrer mon propos, je vais évoquer la situation d'un syndicat intercommunal de distribution d'eau que je connais particulièrement bien pour en être le président.
Il apparaît que 37 700 de ses branchements, soit 15 % d'entre eux, sont à remplacer dans 176 communes sur 340, pour une sommes dépassant les 400 millions de francs, même en ne changeant que partiellement les conduites principales.
Ayant décidé du principe du programme pluriannuel pour faire face à ce défi, le syndicat intercommunal s'est adressé à l'agence de bassin dont il relève afin qu'elle participe à son financement.
Or, il lui a été répondu que ce ne serait pas possible dans l'immédiat et que le sujet serait évoqué à l'occasion de la préparation du huitième programme des agences.
C'est pourquoi si les collectivités qui interviennent dans le domaine de l'adduction d'eau comptent prendre leurs responsabilités face à cet enjeu, il conviendrait que l'Etat manifeste sa volonté d'appuyer ces efforts à leur niveau ainsi qu'à celui des particuliers.
Cette démonstration pourrait être apportée soit par une aide directe, soit par un concours aux agences de bassin pour leur permettre de répondre aux attentes des opérateurs qui se mobilisent en vue de faire appliquer une mesure sur laquelle ils n'ont pas de prise.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous donner aux acteurs locaux les armes nécessaires pour triompher face au plomb puisqu'il nous faut, tel l'amiante, le bannir de notre univers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous avez exprimé une crainte concernant la recentralisation - c'est le mot que vous employez - du FNSE. Je vais m'efforcer de vous rassurer sans tricher. Vous m'avez ensuite interrogé sur le changement des canalisations en plomb.
Depuis l'origine, le Gouvernement a veillé à ce que le FNSE ne soit pas un instrument de recentralisation.
D'abord, le comité consultatif, qui regroupe des représentants des six comités de bassins de métropole, est un instrument de transparence des décisions du FNSE. Il se réunit deux fois par an. La prochaine réunion est prévue pour le 11 décembre.
Ensuite, plus de 80 % des crédits sont déconcentrés et plus de 45 % des crédits sont inscrits dans les contrats de plan Etat-régions, tandis que 66 % des crédits prévus en 2002 correspondent à des actions de solidarité et de péréquation en faveur des collectivités locales ou en faveur de la dépollution agricole, pour près de 20 %. J'ai déjà cité la lutte contre les pesticides et la couverture générale des sols.
Enfin, pour apaiser tout à fait vos inquiétudes quant à la recentralisation, je dirai que 17 % des crédits sont affectés à des programmes d'intérêt commun aux bassins en matière de données sur l'eau.
En ce qui concerne le changement des canalisations en plomb, vous vous souvenez que la lettre de cadrage du huitième programme, signée par Mme Voynet en novembre 1999, indiquait : « La prévention des contaminations bactériologiques et l'élimination à terme de la teneur en plomb dans les réseaux publics devront trouver des réponses par des actions contractualisées avec les collectivités décentralisées. » Il appartiendra donc aux élus locaux d'examiner avec l'agence les conditions d'octroi des aides qui pourraient être retenues.
Les délais d'application de la directive « eau potable » relative au plomb permettront une prise en compte étalée des dépenses dans la programmation normale du renouvellement des canalisations anciennes.
Afin de faciliter cette action de renouvellement, le Gouvernement propose un certain nombre de réformes dans le fameux projet de loi sur l'eau qui me tient tant à coeur.
D'une part, il s'agit de garantir que les provisions financières non affectées par les délégataires aux travaux prévus dans les contrats reviennent à la collectivité au lieu d'être réaffectés à d'autres investissements privés.
D'autre part, il s'agit de donner aux régies des moyens juridiques équivalents à ceux des délégataires pour provisionner à l'avance le financement de travaux futurs.
M. Paul Raoult. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. J'ai tout de même le sentiment d'être confronté à un problème aux implications financières considérables.
Le syndicat intercommunal de 340 communes, que je préside et qui regroupe environ 500 000 habitants, doit investir un montant de l'ordre de 400 à 500 millions de francs pour faire face à ces dépenses. C'est dire qu'il s'agit d'un engagement financier extrêmement lourd.
Nous aurons besoin de l'aide de l'Etat ou des agences pour mettre en oeuvre un tel programme afin de faire disparaître ces branchements pour l'horizon 2013. L'autre problème non résolu concerne la part du branchement « plomb » chez les particuliers, car certains n'auront pas l'argent pour réaliser cette transformation. Par conséquent, si les modifications ne sont apportées que sur les canalisations du domaine public sans être élargies au domaine privé, nous n'obtiendrons pas au robinet le résultat escompté.
M. le président. La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne le traitement et la gestion des déchets.
Face aux nombreux objectifs définis par la réglementaiton nationale et européenne en matière de traitement des déchets, certaines actions ont été menées. Je pense, en particulier, au développement des capacités de traitement modernes plus respectueuses de l'environnement, notamment eu égard à l'effet de serre, et au développement du tri sélectif.
Force est cependant de constater que, dans ce domaine, beaucoup de chemin reste encore à parcourir.
En effet, si la modernisation de la politique de gestion des déchets est un nouveau défi à relever, votre politique dans ce domaine nous laisse plus que dubitatifs.
Faut-il rappeler que, de nos jours, la population française produit globalement environ 25 millions de tonnes d'ordures ?
Faut-il rappeler aussi qu'il reste encore quelque 6 000 décharges illégales sur le territoire, et qu'il faudra investir d'importants moyens pour les réhabiliter ?
Faut-il rappeler en outre que, très prochainement, et en application de la loi du 13 juillet 1993, les collectivités locales, à compter du 1er juillet 2002, devront gérer la fin des décharges à l'exception des résidus ultimes ? Pourtant le Gouvernement n'a dressé ni bilan ni perspectives quant à l'avenir environnemental, politique et budgétaire de ces collectivités.
Les communes, qui seront en première ligne, devront opérer de nombreux investissements pour se conformer aux diverses échéances et exigences. Et certaines d'entre elles devront faire face à la double obligation de financer la collecte et le traitement des déchets d'aujourd'hui, et, au travers de la réhabilitation des décharges, d'assurer le traitement des déchets d'hier.
Pour financer leurs équipements et mettre en oeuvre les plans départementaux d'élimination des déchets, les collectivités locales bénéficient des aides publiques de l'ADEME, du moins en théorie.
En effet, les différentes mesures budgéraires et fiscales prises ces dernières années par ce gouvernement sont inquiétantes et ce, à plusieurs titres.
Tout d'abord, le barème d'aides de l'ADEME au profit des collectivités locales a été revu à la baisse et les taux de subventions ont été réduits de 38 %. Dans le même temps, le taux de la taxe sur les déchets a été augmenté et la gestion politique opaque des crédits de l'ADEME a suscité bien des interrogations, comme l'a dénoncé notre collègue Philippe Adnot dans un rapport d'information.
En effet, désormais, et depuis la mise en place de la TGAP, les ressources de l'ADEME sont budgétisées. Ce changement n'a pas été conduit de manière satisfaisante par le Gouvernement : surdimensionnement volontaire des crédits débouchant curieusement sur des taux de mandatement excessivement faibles, inadéquation entre les crédits votés et les besoins réels amenant de facto à une sous-consommation des crédits, voire à une non-consommation, et au report de ceux-ci d'année en année. Cette année encore, malgré les effets d'annonce, les crédits de paiement et les autorisations de programme sont une nouvelle fois en baisse.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous la baisse des autorisations de programme, alors que les besoins des collectivités locales, comme je l'ai expliqué, sont croissants dans ce domaine ?
Comment comptez-vous répondre aux fortes hausses de besoin de paiement de l'établissement prévues pour 2003 et 2004 ?
Enfin, étant donné que nous ne sommes pas favorables à la création de nouvelles taxes, quelles ressources existantes comptez-vous affecter au financement de cet établissement public ?
Pour ma part, je pense que la TGAP, affectée aujourd'hui au budget de l'Etat afin de financer la coûteuse réforme des 35 heures, pourrait retrouver sa véritable vocation première. J'espère que l'écologiste que vous êtes, monsieur le ministre, ne me contredira pas sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous me demandez quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d'aide à l'investissement des collectivités locales dans le domaine des déchets et vous souhaitez que soient relevés les taux d'aide de l'ADEME, dont la baisse, dites-vous, avait été décidée en 1999, ainsi que les autorisations de programme inscrites au chapitre 67-30, article 20, du projet de loi de finances.
La baisse des taux d'aide a été plus que compensée, pour les collectivités locales, par la diminution du taux de TVA sur le traitement des déchets et par l'accroissement des aides à Eco-emballages.
La dotation en autorisations de programme tient compte du portefeuille de projets identifiés par l'ADEME comme pouvant être aidés en 2002, du système d'aides actuel et des disponibilités d'engagement prévisibles de l'établissement à la fin de cette année 2001.
La dotation en crédits de paiement inscrite au projet de budget correspond, elle aussi, aux besoins identifiés, en tenant compte des disponibilités prévisibles de l'établissement à la fin de 2001.
Bien sûr, comme vous l'indiquez, il est vraisemblable, il est même certain que cette dernière dotation devra être majorée en 2003 et même en 2004. Mais nous ne renonçons pas à la budgétisation des ressources de l'ADEME, très justement décidée pour permettre d'adapter, année après année, les ressources aux besoins. Elle se traduit, bien sûr, par des évolutions à la baisse ou à la hausse des dotations.
Vous avez remarqué, dans votre propos, que le volume des déchets augmentait. Ce problème a été souligné lors des Assises nationales des déchets à La Baule, en septembre dernier. Ainsi que M. Pélissard le faisait remarquer, le volume des déchets a dépassé le kilogramme par habitant et par jour. C'est trop ! Il faut donc faire des efforts pour que ce volume diminue. Mais il faut également faire face à cette augmentation.
En tout cas, je puis vous dire que le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur la TGAP et sur la budgétisation des ressources de l'ADEME. Eventuellement, des crédits complémentaires nécessaires pour honorer les engagements de l'ADEME seront dégagés en 2003 et en 2004.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 38 786 512 euros. »

La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, à la suite de ma première question, qui portait sur l'adduction d'eau, la seconde aura trait, fort logiquement, à l'assainissement à travers deux aspects de cette mission de service public essentielle pour la préservation de l'environnement.
Le premier aspect se situe au niveau de ce que l'on appelle le raccordement à l'égout au domicile des particuliers, notamment les plus modestes, qui, dans un habitat comme celui que connaît, notamment, l'ex-bassin minier du Nord - Pas-de-Calais, n'est pas relié au réseau d'assainissement collectif.
Les résidents sont cependant au fait des nécessités d'un tel raccordement, d'autant qu'ils sont tenus de le pratiquer. Ils déposent des demandes de subventions auprès d'un organisme spécialisé naguère dans la lutte contre les taudis, le PACT : protéger, améliorer, conserver, transformer.
Si je prends l'exemple de Saint-Amand-les-Eaux, dans le Valenciennois, des centaines de demandes ne sont pas satisfaites, faute de moyens. Pourtant l'enjeu financier par logement n'est pas insurmontable : de 8 000 à 15 000 francs.
Quant au second aspect de ma question, il porte sur le problème des boues de station d'épuration.
Il est en effet notoire que l'épandage de ces dernières, qui est actuellement pratiqué dans le respect des dispositions en vigueur, risque d'être rendu considérablement plus difficile du fait d'un prochain et, semble-t-il, probable durcissement des normes en la matière.
Pas plus tard que ce matin, à l'agence, j'apprenais qu'il était question d'interdire l'épandage des boues provenant des stations d'épuration reliées à un abattoir. Dans le cas de l'agence de l'eau Artois-Picardie, cela signifie que l'on ne pourrait plus épandre sur les terres agricoles les boues provenant des vingt-deux stations d'épuration auxquelles sont reliés vingt-cinq abattoirs.
D'ailleurs, les industriels du secteur agroalimentaire eux-mêmes sont, d'ores et déjà, de plus en plus réticents devant le recours à cette solution, et l'opinion se montre de plus en plus méfiante à son égard.
Or, d'un strict point de vue économique, il s'agit de la formule la moins onéreuse par rapport, notamment, à l'incinération de ces résidus, qui coûte beaucoup plus cher.
Qui plus est, d'un point de vue environnemental, l'épandage contrôlé en agriculture représente, selon l'audit réalisé pour le Comité national des boues, la solution optimale pour les petites et moyennes stations d'épuration.
Il est vrai que la tendance semble être au recours croissant à l'incinération, comme le montre le cas de la future station d'épuration que la Communauté d'agglomération du Boulonnais vient de concevoir avec l'appui technique de l'agence de l'eau Artois-Picardie.
En effet, il est d'ores et déjà prévu qu'une enquête publique sera diligentée au cours du déroulement du chantier pour permettre l'installation d'un incinérateur sur le site.
Tout se passe donc comme si, avec un aval officiel, les installations de l'avenir devaient être dotées d'incinérateurs. Si tel était le cas, il en résulterait, nécessairement, une modification des données économiques présidant in fine au calcul du prix de l'eau pour les usagers.
Là encore, je suis convaincu que les opérateurs de l'assainissement, quels que soient leurs statuts, sauront assumer leurs responsabilités.
Mais force est de constater qu'ils ne maîtrisent nullement cet éventuel accroissement de la sévérité en matière de normes à l'origine de la possible réorientation de leur politique en matière de boues.
C'est pourquoi, comme pour la suppression du plomb, il serait souhaitable que l'Etat indique qu'il est prêt à soutenir les efforts des collectivités désireuses de se doter des moyens d'abandonner l'épandage s'il doit être, lui aussi, de fait, prohibé.
Là encore, il pourrait s'agir soit d'une aide directe, soit d'un abondement des ressources des agences de bassin.
Monsieur le ministre, tout en nous éclairant sur les perspectives de réglementation en matière d'épandage de boues de stations d'épuration, pourriez-vous nous indiquer si l'Etat est disposé à permettre que soient réunies les conditions d'une protection optimale de l'environnement, tant au début qu'à la fin du processus d'assainissement ?
M. le président. La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ma question porte sur la relation entre l'environnement et l'agriculture, et comporte deux volets : la protection de l'eau et le potentiel des biocarburants.
L'émergence des préoccupations environnementales, ces vingt dernières années, a conduit à mettre en cause les méthodes intensives de production agricole. Ces dernières ont eu, il est vrai, des répercussions parfois lourdes sur l'environnement, notamment la pollution des nappes phréatiques dans certaines régions.
Conscients de leurs responsabilités et de l'attente croissante des consommateurs à leur égard, les agriculteurs se sont engagés, depuis quelques années, dans la voie de pratiques plus respectueuses de l'environnement. Leur participation à la protection et à la gestion concertée de l'eau s'est traduite par de nombreuses initiatives - Ferti-Mieux, Agri-mieux, mise en place de l'agriculture raisonnée, développement de l'agriculture biologique - et l'adhésion d'un grand nombre d'éleveurs au programme de maîtrise des pollutions agricoles.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le secteur agricole est très concerné par l'ensemble du projet de loi sur l'eau, notamment par la refonte de la redevance pour la consommation d'eau et la mise en place d'une redevance sur les excédents d'azote. Les exploitants, notamment les plus fragiles, s'inquiètent légitimement de son impact.
Les nouvelles redevances vont d'abord s'ajouter à la TGAP sur les phosphates et produits phytosanitaires décidée en 2000. Par ailleurs, le texte prévoit une modulation du taux de la redevance pour consommation d'eau en fonction de la ressource en eau. Dans les zones de ressource en eau à préserver, le montant atteindra un niveau tellement dissuasif qu'il condamne toute pratique de l'irrigation, y compris en cas de gestion collective. Selon l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA, l'impact sur le revenu pourrait atteindre des baisses allant jusqu'à plus de 40 %. Enfin, s'agissant de la redevance pour excédents d'azote, les plus touchés seront les systèmes aux potentiels agronomiques les plus faibles, dépourvus de cultures industrielles.
Il paraît souhaitable que le projet de loi tienne compte de ces éléments. Allez-vous, monsieur le ministre, apporter, en ce sens, votre pierre à l'édifice ?
En tout état de cause, la mise en oeuvre de ces redevances supposait que soient réglés les dossiers du PMPOA et du traitement des boues résiduelles.
La deuxième mouture du PMPOA vient fort heureusement d'être approuvée par la Commission après un an de débats internes. Soyez convaincu que les éleveurs attendent déjà les décrets avec impatience. Les conditions de financement fixées jusqu'en 2006 maintiennent les taux de subvention. Toutefois, les travaux subventionnables sont plus strictement encadrés et le nouveau programme aura vocation à intervenir de manière prioritaire dans les zones vulnérables, où les impératifs liés à la qualité de l'eau justifient une action renforcée.
Qu'en sera-t-il de l'accompagnement des éleveurs ne se situant pas dans ces zones ? On peut aussi se demander si les agriculteurs auront encore les moyens, la volonté et suffisamment d'assurances quant à leur avenir pour entrer dans ce programme.
Permettez-moi de dire aussi un mot sur le traitement des boues de stations d'épuration, question que mon collègue vient d'aborder. Actuellement, 60 % des 700 000 à 800 000 tonnes de boues produites chaque année font l'objet d'épandage. Cette pratique a soulevé des questions dans un contexte de sensibilité accrue de l'opinion publique aux risques sanitaires. Les intérêts divergents entre élus, industrie agro-alimentaire et grande distribution, d'une part, et agriculteurs, d'autre part, ont favorisé la concentration des rejets sur certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant.
Un accord national entre tous les acteurs concernés semblait sur le point d'aboutir en juiller dernier. Il reconnaîtrait l'intérêt économique et écologique de l'épandage agricole. Il comprendrait un engagement des représentants de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution à ne pas appliquer des mesures discriminatoires à l'encontre des produits issus de parcelles ayant reçu des boues.
Enfin, il prévoirait un dispositif de garantie pour les exploitants agricoles. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer ces orientations et la signature prochaine de cet accord ?
Si l'activité agricole produit des nuisances, elle peut aussi contribuer à atténuer certains problèmes environnementaux. Les cultures énergétiques, en particulier celles qui conduisent aux biocarburants, en sont un exemple.
Deux députés membres de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques ont remis un rapport très réaliste sur les énergies renouvelables, confirmant l'intérêt de la biomasse dans la réduction de la facture énergétique des transports et des émissions globales de CO2 de ce secteur.
Selon eux, une augmentation des surfaces agricoles consacrées aux cultures énergétiques est possible à hauteur de trois à quatre millions d'hectares et pourrait fournir l'équivalent de 20 % de la consommation d'hydrocarbures des transports. Ils préconisent que la France, à l'instar de certains pays, impose un quota de biocarburants dans l'essence, étende le bénéfice de l'exonération de la TIPP aux huiles végétales brutes et mette en place des incitations fiscales pour toute la filière des biocarburants.
Ces mesures me semblent relever de l'écologie concrète et pratique, qui change de l'écologie dogmatique marquant parfois votre ministère. Il manque simplement un peu de volonté politique.
La Commission européenne a adopté récemment deux propositions de directives visant à promouvoir les biocarburants dans les transports et à leur appliquer un taux d'accises réduit. Monsieur le ministre, allons-nous attendre que les biocarburants nous soient imposés par Bruxelles ou allons-nous aller de l'avant dans ce domaine ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Messieurs les sénateurs, vous m'avez tous deux fait part de l'inquiétude de certains agriculteurs qui craignent d'être lourdement pénalisés par les nouvelles redevances prévues par le projet de loi sur l'eau. Elles ont été conçues dans un souci d'équité et selon un principe de péréquation.
En outre, avec ces redevances, l'objectif du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement est non pas de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, mais de proposer des mesures incitatives, afin que notre agriculture soit plus respectueuse à la fois de la santé et de l'environnement.
La redevance « excédent nitrate » ne s'appliquerait - avec une marge de 25 kilos par hectare d'ailleurs - qu'aux personnes qui seraient effectivement en excédent par rapport à ce que nous proposons. Pour l'instant, il ne s'agirait que de 25 % des agriculteurs actuels. Il suffit donc que ces agriculteurs accomplissent un effort pour avoir une agriculture plus « raisonnée » ; vous avez prononcé ce mot vous-mêmes. Je préfère le terme « raisonnable », parce que l'agriculture raisonnée est un concept sur lequel je m'interroge, sachant qu'il pourrait y avoir un danger non du côté des agriculteurs, mais de celui des magasins, des distributeurs, des grandes surfaces, de voir apparaître des étiquettes de produits portant la mention « produit par l'agriculture raisonnée ».
Or le consommateur n'aurait aucune garantie bien que le prix de ce genre de produits risque d'être plus élevé.
Beaucoup de travail reste donc à faire dans le domaine de l'agriculture raisonnée, au sens où l'entend la profession agricole. Si les agriculteurs sont raisonnables, ils ne paieront pas de redevance sur l'excédent de nitrate.
En ce qui concerne la gestion de l'eau, bien entendu, chacun devra acquitter une redevance, mais celle-ci sera beaucoup moins élevée pour les agriculteurs qui s'engageront dans une gestion collective. Celui qui préférera réaliser seul des captages ou des forages sera évidemment davantage redevable. Mais, en cas de gestion collective, car il existe souvent une solidarité interne au bassin pour la gestion d'une nappe d'eau, eh bien ! la redevance sera beaucoup moins élevée. Cette incitation à une gestion commune figurera dans le projet de loi.
En ce qui concerne les boues d'épuration, une nouvelle réglementation a été mise en place depuis le mois de décembre 1997. Elle donne une garantie de qualité des boues, de traçabilité, d'organisation et de suivi des épandages. Des épandages respectant ces conditions constituent un excellent moyen, d'un point de vue à la fois environnemental et économique, de recycler les boues.
Pour prendre en compte les interrogations que vous avez soulevées et les réticences des différents partenaires, nous avons mis en place, depuis février 1998, avec le ministère de l'agriculture - vous y avez fait allusion - un comité national sur les épandages de boues de stations d'épuration urbaines en agriculture, qui associe l'ensemble des acteurs de la filière. Ses travaux ont permis de faire naître de nombreux points d'accord entre les différents acteurs, y compris en aval de la production agricole, sur l'intérêt et le bien-fondé de cette filière d'épandage des boues en agriculture dans les conditions fixées par la nouvelle réglementation de 1997.
Si une véritable politique de qualité est suivie par les agriculteurs, ces producteurs de boues, et si un dispositif offrant toutes les garanties est mis en place, recycler ainsi ces boues pourra se révéler très profitable pour tout le monde.
S'agissant des questions extrêmement précises sur l'Agence que vous avez posées tout à l'heure dans la première partie de votre question, monsieur Raoult, je vous répondrai par écrit. Vos questions sont en effet très pertinentes et légitimes, mais je ne dispose pas des éléments précis d'information sur un problème local qui appelle une véritable réponse.
Je conclus par les biocarburants. Pour ma part, je m'interroge ! Des parlementaires demandent de ne pas construire d'éoliennes. Mais si, il faut en construire ! Il ne faut pas les rejeter a priori. Nous devons regarder filière par filière ce qui peut être entrepris, d'un point de vue à la fois économique et écologique.
Les biocarburants sont susceptibles de permettre une diversification des productions agricoles. On a parlé de 4 millions d'hectares. C'est considérable ! Il est possible d'encourager au moins la recherche et de soutenir cette agriculture énergétique, mais des questions se posent en matière environnementale et énergétique : sommes-nous complètement convaincus que la production de ces biocarburants - avec les intrants, les tracteurs, les véhicules à moteur thermique - n'entraîne pas une dépense d'énergie plus grande que celle que l'on utilise pour se mouvoir ? Il s'agit d'une véritable question, dont je n'ai pas la réponse définitive.
Par ailleurs, du point de vue environnemental, l'introduction du bioéthanol et du biodiesel présente un certain intérêt pour lutter contre l'accroissement de l'effet de serre, mais les essais réalisés sur les véhicules font apparaître sur d'autres points un bilan très contrasté en termes de rejet de polluants : il n'y a pas qu'une diminution de CO², il y a plus de polluants.
Je ne suis pas certain qu'on puisse asseoir durablement cette filière biocarburant. Il faut donc continuer la recherche, y compris en matière fiscale. La réduction des droits d'accise, par exemple, peut être une solution en tenant compte de la réglementation communautaire. La Commission européenne étudie, dans le cadre du programme européen sur le changement climatique, la possibilité de déroger au régime des droits d'accise pour les biocarburants. Mais, du point de vue aussi bien économique, fiscal, écologique qu'énergétique, il nous faut poursuivre la recherche ! Pour l'instant, l'interrogation scientifique, le doute cartésien, m'habite encore !
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV. - 69 466 754 euros. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, finalement, dans ce genre d'échange, ce sont quelquefois les non-réponses qui sont intéressantes. Nous sommes trois rapporteurs et nous vous avons posé trois fois la question : qu'en est-il de ce qui vient de se passer à l'Assemblée nationale ? Quelles sont les conséquences du texte proposé par M. Emmanuelli ? Que va-t-il advenir des redevances ? L'Etat fera-t-il main basse sur leur produit ? Pouvez-vous nous garantir que les sommes jusqu'à présent affectées aux agences le resteront ?
Il est remarquable que vous n'ayez pas trouvé un seul mot pour nous répondre. J'en déduis que, ne pouvant prendre d'engagement, vous êtes bien embarrassé.
Je souhaite expliquer la raison pour laquelle nous allons, bien sûr, voter contre l'adoption de ces crédits. Tout à l'heure, vous avez parlé, monsieur le ministre, des inondations et de l'attitude du préfet Duport. Les crédits destinés à la protection des lieux habités contre les inondations passent de près de 12 millions d'euros à 3,3 millions d'euros dans votre budget. C'est explicite !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien ! Ce sont des sommes ridicules !
M. le président. La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Je voudrais souligner à mon tour le fait que nous n'avons pas obtenu de réponse à la question fondamentale posée par l'amendement présenté à l'Assemblée nationale par M. Emmanuelli dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Les implications juridiques des mesures proposées sur les bases de financement des agences sont très importantes : elles risquent de vider de sens la nouvelle loi sur l'eau.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus tout à l'heure relatifs à l'agriculture raisonnée, monsieur le ministre. Je suis surpris, car cela a fait l'objet, récemment, d'un vote au Parlement lors de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. Au travers de la modification de l'article 643, me semble-t-il, du code rural, une définition très précise de l'agriculture raisonnée a été donnée. Nous attendons tous la publication d'un décret d'application. Sur le plan européen, un consensus semble se dessiner à propos de l'agriculture raisonnée. Faut-il en déduire que la publication de ce décret est loin de faire l'unanimité au sein de la majorité plurielle et que vous n'êtes pas en phase sur ce point avec le ministre de l'agriculture ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur Adnot, en ce qui concerne les crédits consacrés aux inondations, si l'on tient compte des dépenses ordinaires et des autorisations de programmes, les crédits sont stables. Contrairement à ce que vous avez affirmé, ils ne sont pas divisés par quatre. Voilà une première réponse très précise.
S'agissant de l'amendement présenté par M. Emmanuelli, il faut examiner plus attentivement les bases juridiques et constitutionnelles, d'une certaine façon, sur lesquelles il repose. Les juristes du ministère travaillent sur ce sujet.
D'un point de vue strictement politique et juridique, il n'y a pas de contradiction entre cet amendement et la possibilité, lors de l'examen du projet de loi sur l'eau, le 8 janvier prochain, de modifier le mécanisme de la redevance. Cet amendement traduit simplement une crainte de M. Emmanuelli, car, depuis plusieurs années, des impôts de toute nature étaient prélevés, pour des sommes de l'ordre de 13 à 14 milliards de francs par an, sans que la représentation nationale en soit saisie. Il lui a donc paru légitime que le Parlement puisse en débattre. Mais, dans un impôt, il y a l'assiette, le taux, le mode de recouvrement. Sur quoi doit porter la discussion ? C'est peut-être sous cet angle qu'il faut appréhender l'amendement de M. Emmanuelli.
Pour ma part, je n'éprouve pas de crainte particulière, ni politique ni juridique, quant à une contradiction entre l'amendement de M. Emmanuelli et la prochaine loi sur l'eau. Le projet de loi sur l'eau va être examiné par le Parlement. Un amendement aura été voté et la nouvelle loi déterminera de nouvelles ressources pour les agences sous la forme de redevances qui seront modifiées.
S'agissant de l'agriculture raisonnée, mon inquiétude ne porte pas sur le fait qu'elle soit meilleure que l'agriculture que j'appelle « productiviste ».
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Conventionnelle !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Nous avons chacun nos qualificatifs ! Simplement, je ne voudrais pas qu'il y ait un dévoiement et que, par des étiquettes non normalisées, des distributeurs prétendent qu'il s'agit de produits issus de l'agriculture raisonnée. S'agit-il d'un nouveau label, d'une appellation d'origine contrôlée, d'une garantie de qualité, d'une traçabilité ?
Bien évidemment, je connais les projets - j'en ai discuté avec la FNSEA ou avec les « Jeunes agriculteurs », comme ils s'appellent maintenant -, même si je suis encore plus volontariste et ambitieux pour l'agriculture. D'ailleurs, avec M. Glavany - vous voyez que nous nous entendons très bien ! - nous avons créé, voilà environ un mois, avec la profession, l'« Agence-bio », pour promouvoir les méthodes agricoles biologiques en France, qui sont actuellement pratiquées par 2 % à peine des agriculteurs, avec une volonté de passer très rapidement à 5 %.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Il ne faut pas oublier les 95 % ou 98 % restants, monsieur le ministre !
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. On ne les oublie pas ! Comme vous le savez, ils sont soutenus par les pouvoirs publics depuis une quarantaine d'années, monsieur le rapporteur pour avis !
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 49 303 000 euros ;
« Crédits de paiement : 18 050 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 373 863 000 euros ;
« Crédits de paiement : 95 621 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'environnement.

8

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Blanc une proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicapés congénitaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 124 distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1876 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 3528/86 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre la pollution atmosphérique. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2158/92 du Conseil relatif à la protection des forêts dans la Communauté contre les incendies.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1877 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 4045/89 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section « garantie ».

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1878 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Lettre rectificative n° 3 à l'avant-projet de budget pour 2002. - Etat général des recettes.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-1879 et distribué.

10

RENVOI POUR AVIS

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi de finances rectificative pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n° 123, 2001-2002), dont la commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 10 décembre 2001, à neuf heures trente, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
- budgets annexes de l'ordre de la Légion d'Honneur et de l'ordre de la Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 39).
- Justice (+ articles 74 à 76) :
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 31) ;
Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (services généraux, avis n° 92, tome IV) ;
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 92, tome V) ;
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 92, tome VI).
- Articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.

Scrutin public à la tribune

En application de l'article 60 bis , troisième alinéa, du règlement, le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2002 aura lieu, de droit, par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 11 décembre 2001.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 11 décembre 2001, à seize heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 11 décembre 2001, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois (n° 109, 2001-2002) sur la proposition de loi de M. Hubert Haenel et de plusieurs de ses collègues, portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap (n° 325, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 38 de M. Henri Revol à M. le ministre de la recherche sur l'avenir de la politique spatiale française et européenne à l'issue de la conférence interministérielle de l'agence spatiale européenne du 15 novembre 2001 ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 12 décembre 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de modernisation sociale (AN, n° 3316) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 13 décembre 2001, à douze heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 13 décembre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 8 décembre 2001, à une heure.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
CONSEIL D'ADMINISTRATION
DE L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL

Lors de sa séance du 7 décembre 2001, le Sénat a reconduit M. Daniel Eckenspieller dans ses fonctions de membre du conseil d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

En application de l'article 2 du décret n° 46-1100 du 17 mai 1946, M. le président du Sénat a désigné, le 6 décembre 2001, M. Michel Doublet en qualité de membre du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, en remplacement de M. Dominique Braye, démissionnaire.

NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE
ET DES FORCES ARMÉES

M. Jean Faure a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 123 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2001 (article 36, transformation de DCN en entreprise nationale), dont la commission des finances est saisie au fond.

OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION
Election de deux vice-présidents
et d'un secrétaire

Au cours de sa réunion du mercredi 5 décembre 2001, l'office a procédé à l'élection de Mme Dinah Derycke et M. Patrice Gélard, en qualité de vice-présidents, et de M. Robert Bret, en qualité de secrétaire, à la suite du renouvellement du Sénat du 23 septembre 2001.
En conséquence, le bureau est ainsi constitué :
M. René Garrec, président ;
M. Bernard Roman, vice-président ;
M. Christophe Caresche, Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Dinah Derycke et M. Patrice Gélard, vice-présidents ;
MM. Robert Bret et François Sauvadet, secrétaires.