SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Education nationale
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (p.
3
)
MM. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Mme Annie David, rapporteur pour avis de la commission des
affaires culturelles pour l'enseignement technique ; MM. Jean-Claude Carle,
Georges Mouly, Pierre Martin, Ivan Renar, René-Pierre Signé, Daniel Goulet, Mme
Hélène Luc, MM. Jean-Marc Todeschini, Michel Guerry, Serge Lagauche.
4.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
4
).
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Mauritanie
(p.
6
).
6.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
7
).
REVENDICATIONS DES GENDARMES (p. 8 )
MM. Jean-Claude Carle, Alain Richard, ministre de la défense.
LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 9 )
Mme Gisèle Printz, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé.
OUVRAGE DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE
SUR LES CONTRÔLES D'IDENTITÉ (p.
10
)
MM. Jean-Pierre Schosteck, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
DÉLAIS DE MOBILISATION DE CRÉDITS
DE RÉINDUSTRIALISATION (p.
11
)
MM. Alain Lambert, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
SITUATION AU PROCHE-ORIENT (p. 12 )
Mme Hélène Luc, M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
DÉLOCALISATION DES ENTREPRISES FRANÇAISES (p. 13 )
MM. Aymeri de Montesquiou, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
CRITIQUES DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE
SUR LES DISPOSITIONS ANTITERRORISTES
DE LA LOI « SÉCURITÉ QUOTIDIENNE » (p.
14
)
MM. René Garrec, Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
OBLIGATIONS DES COLLECTIVITÉS LOCALES
EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT (p.
15
)
MM. Gérard Miquel, Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
MULTIPLICATION
DES DYSFONCTIONNEMENTS JUDICIAIRES (p.
16
)
MM. Dominique Braye, Lionel Jospin, Premier ministre.
CONSÉQUENCES
DE LA JURISPRUDENCE « PERRUCHE » (p.
17
)
MM. Robert Calméjane, Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé.
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
7. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 19 ).
Education nationale
(suite)
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
(p.
20
)
M. Jean-René Lecerf.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.
Crédits des titres III à VI. - Rejet (p.
21
)
Article 65 (p.
22
)
MM. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances ; Serge
Lagauche, François Marc, Ivan Renar, le ministre, Philippe Richert, rapporteur
pour avis de la commission des affaires culturelles ; Jacques Legendre,
Jean-Philippe Lachenaud.
Rejet de l'article.
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (p. 23 )
MM. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Jacques Legendre, François Zocchetto, Ivan Renar, Serge Lagauche,
Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Sueur.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.
Crédits du titre III (p. 24 )
MM. le rapporteur spécial, Ivan Renar, le ministre, Eric Doligé.
Rejet par scrutin public.
Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 25 )
8. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 26 ).
Suspension et reprise de la séance (p. 27 )
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
9.
Décision du Conseil constitutionnel
(p.
28
).
10.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
29
).
Emploi et solidarité
III. - VILLE (p.
30
)
MM. Eric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre
André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme
Nelly Olin, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ;
M. Christian Demuynck, Mme Valérie Létard, M. Roland Muzeau, Mme Gisèle Printz,
M. Jean-Paul Alduy.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
Crédits des titres III, IV et VI. - Rejet (p.
31
)
Article 71 (p.
32
)
Amendement n ° II-83 du Gouvernement et sous-amendement n ° II-28 rectifié de la commission. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial, Pierre André, rapporteur pour avis ; Jean-Paul Alduy, Mme Nelly Olin, rapporteur pour avis ; MM. Roland Muzeau, Alain Joyandet, Gérard Larcher. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Article 71 bis (p. 33 )
Amendement n ° II-29 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 72. - Adoption (p.
34
)
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p.
35
)
MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Gérard
Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Jean-Paul Alduy,
Mme Evelyne Didier, M. Georges Mouly, Mme Yolande Boyer, MM. Yves Rispat,
Jean-Pierre Sueur, Bernard Fournier.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
Crédits des titres III, IV et VI. - Rejet (p. 36 )
11.
Transmission d'un projet de loi
(p.
37
).
12.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
38
).
13.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
39
).
14.
Ordre du jour
(p.
40
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures quinze.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À UNE COMMISSION
MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à
moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87
(2001-2002).]
Education nationale
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, au début de ce rapport, je voudrais poser le
cadre budgétaire dans lequel s'inscrit la politique gouvernementale et citer
quelques chiffres.
Le budget de l'enseignement scolaire, qui s'élève à 346 milliards de francs, a
connu, entre 1997 et 2001, une augmentation de 54 milliards de francs et, entre
2001 et 2002, une augmentation de 13 milliards de francs. Dans le même temps,
l'effectif des élèves scolarisés a diminué de quelque 300 000, ce qui fait que
le coût moyen annuel de l'élève a augmenté de 18 % en cinq ans.
En citant ces chiffres, il n'est pas question pour moi de condamner de
manière systématique l'accroissement de la dépense en faveur de l'enseignement.
Il s'agit en effet de préparer l'avenir de nos enfants, celui de nos jeunes,
donc l'avenir du pays.
Au cours de ce débat, nous devrons chercher à savoir si cette augmentation
entraîne des améliorations, si elle rend les enseignants plus heureux
d'enseigner, les élèves plus heureux d'apprendre et, par conséquent, le système
éducatif plus efficace.
Pour le savoir, il faut évidemment des indicateurs plus subtils que les
chiffres. Quelques faits s'imposent, mais je ne m'y appesantirai pas, car tout
le monde les connaît, et, à les relever, on risque de caricaturer la réalité,
ce que je ne veux pas faire.
Ainsi, on parle beaucoup de la violence dans les établissements. Sans doute
généralise-t-on trop, même si elle mine certains établissements. Il se trouve
que, ces temps-ci, on en parle moins, pour des raisons évidentes, mais elle
existe toujours : elle rend les professeurs désemparés, elle rend les élèves
malheureux, elle pourrit la vie dans certains établissements, nous ne le
méconnaissons pas.
Je constate, monsieur le ministre, que les sorties du système sans
qualification, qui ont baissé régulièrement pendant à peu près une décennie, ne
baissent plus. Peut-être a-t-on atteint un seuil incompressible ? J'espère que
ce n'est pas le cas. On en est aujourd'hui à 60 000 ; elles ont tendance à
remonter un peu, et ce n'est pas un bon indicateur.
Par ailleurs, on ne peut pas dire que les inégalités sociales aient été
vraiment corrigées ni que, face aux risques d'échec scolaire, tous les petits
Français soient égaux ; il reste encore beaucoup à faire.
Ces quelques faits démontrent fort bien, me semble-t-il, qu'il ne suffit pas
de dire : « toujours plus », qu'il faut dire : « toujours mieux ».
J'organiserai mon propos autour de quelques thèmes et, tout d'abord, je
parlerai non pas de pédagogie mais de quelques mesures qui ressortissent à la
pédagogie.
Je veux d'emblée, monsieur le ministre, saluer un certain nombre de points
positifs.
Ainsi, il me semble bon, parce que cela correspond aux besoins du temps et à
l'état de notre société, de relancer l'internat. Que le budget consacre 80
millions de francs par an à la création des bourses d'internat, c'est une bonne
mesure.
La création du fonds de rénovation des internats est une bonne chose
également. Mais j'observe que la somme de 30 millions de francs qui lui est
affectée est bien faible, et je me demande comment ces fonds vont être
mobilisés.
C'est une bonne chose aussi que le renforcement du dispositif médico-social ;
je n'y insiste pas non plus, mais il s'agit d'une action qui doit être
poursuivie.
Quant aux bourses de mérite, créées par M. Allègre, vous en augmentez le
nombre. Vous en prévoyez pour 10 000 élèves par niveau dans les lycées, 5 000
francs étant accordés à chaque élève ; c'est une mesure significative qui
devrait encourager les meilleurs.
Bonne chose aussi que la rénovation de la formation des enseignants !
Vous voulez éviter que les formateurs en instituts universitaires de formation
des maîtres, les IUFM, soient, en quelque sorte, des professionnels de la
formation et ne fassent que cela. Il faut en effet qu'ils soient aussi immergés
de temps en temps dans les classes, qu'ils aient une connaissance de la réalité
de l'enseignement. Vous tendez à favoriser la mise en place de formateurs en
service partagé ; j'approuve cette mesure.
J'approuve aussi, bien entendu, la professionnalisation de la deuxième année,
l'insistance étant mise, la première année, sur les disciplines. Cette
organisation me paraît rationnelle et raisonnable.
Je m'interroge néanmoins, monsieur le ministre, sur la mise en application de
ces excellentes orientations. Il semble qu'elles aient quelque peine à se
traduire dans les faits. Vous nous direz peut-être quelles sont vos intentions
et, j'espère, quelle est votre détermination à ce sujet.
Bonne chose, enfin, que la mise en place d'une formation continue, qui
prolongera en quelque sorte la formation initiale ! J'espère que cette
disposition, elle aussi, entrera en vigueur assez rapidement.
J'en reviens aux chiffres, non pas pour en citer, mais pour faire une
remarque.
Ces bonnes mesures que je viens d'énumérer ne mobilisent, en fait, qu'un
pourcentage très faible des crédits. Le reste de la masse des crédits sert à
autre chose, et le débat que nous allons avoir doit nous permettre de saisir
justement à quoi ils servent.
J'en viens à quelques remarques un peu plus critiques, monsieur le
ministre.
Je regrette, pour ma part, que les nouvelles orientations tracées pour le
collège soient encore très floues et que vous ayez autant de mal à faire entrer
dans les faits ce que vous paraissez souhaiter.
Les mesures de réforme annoncées par Mme Ségolène Royal tardent à se
concrétiser. En fait, s'applique au niveau du collège, ce phénomène tout à fait
spécifique de notre système d'enseignement ; je veux parler de l'espèce de
latence, plus encore de l'espèce de viscosité, voire de tendance au blocage,
qui fait que les réformes ne passent pas, que les intentions du ministre sont
souvent mal comprises dans les établissements et rarement appliquées dans leur
totalité. Ce n'est pas que les enseignants manifestent une mauvaise volonté,
mais notre système éducatif a du mal à s'adapter.
Il y aurait bien une solution, monsieur le ministre : qu'une plus grande
autonomie soit donnée aux établissements et que plus de responsabilités soient
accordées aux enseignants. Dans un rapport qu'il a rédigé sur le sujet, M.
Joutard, éminent universitaire, collaborateur de ministres, et non suspect de
partialité, a insisté, lui aussi, sur cette nécessité de développer l'autonomie
des établissements. Vous avez fait quelques efforts, vous avez tracé quelques
pistes : ce sont les fameux « itinéraires de découverte ». Mais c'est encore
trop peu, monsieur le ministre, et cela ne porte pas sur l'essentiel !
Je formulerai une autre remarque, également d'ordre pédagogique, sur les
objectifs.
Vous avez fixé des objectifs dans l'enseignement primaire comme dans
l'enseignement secondaire. Je vais m'arrêter un instant sur ceux de
l'enseignement primaire.
Les priorités y sont si nombreuses qu'il manque, me semble-t-il, un signe fort
pour exprimer quelle est « la » priorité : trop de priorités tuent les
priorités.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il y en a une sur laquelle il faudrait
de nouveau mettre l'accent fortement - je regrette que ce ne soit pas le cas
actuellement : je veux parler de l'acquisition et du renforcement des savoirs
fondamentaux. L'acquisition d'une langue étrangère, c'est très bien ;
l'ouverture à l'art et la culture, c'est évidemment très bien ; l'apprentissage
de la citoyenneté, c'est parfait. Mais tout cela ne doit-il pas s'organiser à
partir de la priorité absolue que doit être le renforcement des savoirs
fondamentaux ?
Or, monsieur le ministre, que constate-t-on ? Quand on examine le « bleu », on
voit que, dans l'agrégat consacré à l'enseignement primaire, cette acquisition
et ce renforcement des savoirs fondamentaux ont disparu en tant que priorité :
il s'agit, là encore, d'une anomalie.
Dans le peu de temps qui me reste maintenant, il me faut parler un peu des
emplois et de la gestion de ces emplois.
Je vais relever quelques points qui ont été pour moi des surprises - il
m'arrive encore de découvrir des choses ! Il faut dire que le monde que vous
gérez est si vaste, monsieur le ministre, que c'est bien compréhensible. Ainsi,
j'ai découvert - c'est la Cour des comptes et l'inspection générale qui l'ont
relevé - que le nombre moyen d'élèves par classe baisse, même si c'est de façon
modeste, et que, ce qui est surprenant, le nombre moyen d'heures de cours par
enseignant, lui, tend à diminuer de manière importante.
Il y a là un phénomène qu'il faut expliquer. Parmi les explications, il y a,
bien sûr, l'amélioration des conditions de travail de certains enseignants ; je
pense aux enseignants des lycées professionnels, dont le nombre d'heures de
cours, en tout cas les maxima de service, ont été réduits. Il y a bien d'autres
explications, mais celle-là est importante. Quoi qu'il en soit, la Cour des
comptes a évalué ce que représentait pour une seule académie, l'académie de
Nantes, la diminution de ce nombre moyen d'heures d'enseignement. J'ai été
surpris d'apprendre qu'entre 1994 et 1998 cela représentait 1 180 emplois.
C'est considérable !
Je relève une nouvelle fois que la spécialisation disciplinaire des
enseignants du second degré entraîne des effets pervers. Vous voulez parer aux
difficultés de la rentrée et veiller à ce que les élèves aient toujours des
professeurs devant eux. J'observe d'abord que le nombre de classes non pourvues
a cessé de diminuer. C'est bizarre, mais c'est ainsi : vous voulez qu'il n'y
ait plus de classe sans professeur, mais, comme dans votre système les
enseignants sont très spécialisés, soit ils ne sont pas employés de manière
continue, soit il faut leur demander de faire des heures supplémentaires. Aussi
le volume de ces dernières ne se réduit-il pas, il reste à peu près stable.
Je vais en terminer - je ne suis pas épuisé, mais mon temps l'est
(Sourires)
- en évoquant le service des enseignants. En vérité, la fin
de mon propos m'y conduit.
Vous vous faites une fierté de la hausse des dépenses. Elle est en effet
substantielle, puisque, en 1994 et aujourd'hui, c'est deux fois plus que pour
le budget de la police. Je fais cette comparaison sans malice, évidemment !
(Sourires.)
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Sans aucune malice !
(Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar.
Non, bien sûr !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Comment s'explique cette augmentation du volume de la
dépense ? Par la progression des pensions et, surtout, par les plans de
revalorisation successifs, le protocole Durafour et le plan Jospin.
J'en arrive à un regret : pourquoi ne pas avoir profité de ces occasions
extraordinaires pour au moins tenter de redéfinir le service des enseignants
afin de l'adapter aux besoins actuels de l'enseignement ? Le corps enseignant
va largement se renouveler, nous avons tous les chiffres en mémoire. Pourquoi
ne pas saisir cette opportunité pour redéfinir le service des enseignants et
l'adapter aux tâches d'aujourd'hui ?
M. Jean-Claude Carle.
Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Le modèle de l'enseignant qui fait son cours, puis
rentre chez lui est obsolète, il ne correspond plus à la réalité. Mais le
service auquel sont contraints les enseignants remonte évidemment à plusieurs
décennies. J'aurais dû faire la recherche historique, sans doute est-il fort
ancien.
Monsieur le ministre, j'en viens à ma conclusion : personne ne nie votre
habileté, tout le monde la loue. Je suis tenté de vous appliquer une épithète
homérique :
polutropos
, l'homme aux mille tours.
(M. le ministre
sourit.)
Vous savez éviter les écueils, vous prévenez les tempêtes.
Mais, monsieur le ministre, à l'éducation, il faut aussi donner un cap, et,
s'il est un reproche à faire à ce Gouvernement - pas uniquement au ministre de
l'éducation nationale, qui, on le sait très bien, ne peut pas agir seul dans un
secteur aussi important - s'il est un reproche à faire, disais-je, à ce
Gouvernement, c'est de ne pas avoir clairement indiqué ce cap. Si tel était le
cas, peut-être comprendrions-nous mieux la nécessité des crédits que vous nous
demandez de voter.
En tout cas, le cap ne paraissant pas bien fixé, la commission des finances
n'a pas recommandé au Sénat l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 52,7 milliards
d'euros, soit 345,7 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement
scolaire pour 2002 est, de loin, le premier poste budgétaire de l'Etat. Sa
progression est de 4,11 %, près du double de celle du budget général.
Je rappelle que les crédits ont augmenté de 57 milliards de francs depuis
trois ans, alors que leur progression n'avait été - si je puis m'exprimer ainsi
! - que de 113 milliards de francs entre 1989 et 1999. Depuis 1997, ce poste a
absorbé plus de 40 % de l'augmentation des dépenses budgétaires.
Comme l'avait déjà constaté la commission d'enquête du Sénat consacrée à la
gestion des personnels de l'éducation, ces derniers chiffres traduisent
incontestablement un emballement de la dépense publique d'éducation, qui
résulte d'ailleurs pour l'essentiel du poids du passé et des dépenses directes
et indirectes de rémunération, alors que le coût des initiatives pédagogiques
engagées à l'école, au collège et au lycée paraît, en proportion, des plus
réduits.
Malgré cette débauche de moyens budgétaires, je ne suis pas persuadé que
l'école assure aujourd'hui de manière plus satisfaisante l'intégration de tous
les élèves, qu'elle favorise davantage l'égalité des chances - le délabrement
du système des bourses de collège en témoigne - et qu'elle joue un plus grand
rôle d'ascenseur social. Je suis même convaincu du contraire. Il suffit de
regarder ce qui se passe pour s'en convaincre.
Au-delà de ses résultats, souvent décevants par rapport aux moyens affectés,
notre système scolaire n'est pas non plus en mesure d'assurer un épanouissement
des élèves à la mesure de leurs capacités personnelles. Or ce sont bien là les
véritables enjeux qui nous permettent de nous prononcer sur la pertinence des
moyens engagés. J'y reviendrai.
S'agissant des emplois, près de 11 000 créations sont annoncées, pour un coût
de 2,1 milliards de francs. Mais il faut constater que le nombre de créations
nettes n'est que de 4 300 ; alors que 4 200 sont destinés à résorber la
précarité et 2 312 sont des emplois de stagiaires.
Parmi les quelque 9 000 emplois d'enseignant créés, 2 400 seront affectés au
premier degré, dont 800 nouveaux emplois de professeur destinés à résorber les
inégalités de dotation entre les académies. Pour le second degré, qui
bénéficiera de la création de près de 6 600 emplois, 1 000 emplois nouveaux
seront affectés à la réforme du collège et à la relance de l'enseignement
professionnel.
Concernant les emplois non enseignants, je noterai un certain effort en faveur
des personnels médico-sociaux, notamment à destination des internats. Mais les
1 175 emplois d'ATOS - personnels, administratif, technicien, ouvriers et de
service - créés ne permettront sans doute pas de remédier au déficit structurel
d'encadrement constaté dans les établissements. On peut même se demander si les
emplois créés permettront de compenser les effets du récent accord sur la
réduction du temps de travail et d'accompagner, par exemple, l'effort de
construction et d'extension des collèges engagé par nos départements.
Nous savons tous à quel point les départements sont amenés à multiplier les
rénovations, les extensions, les constructions nouvelles, alors que les
créations d'ATOS, très en retrait, n'ont pas permis la mise à niveau des moyens
d'entretien de ces établissements.
Je veux, en revanche, saluer le plan de relance de l'internat scolaire,
politique utile qui s'accompagne d'une aide financière non négligeable aux
familles des élèves boursiers internes, alors que les bourses de collège
restent d'un montant dérisoire. Je souhaite aussi que les collectivités
territoriales participent au financement de ces internats, sans aller
toutefois, bien entendu, jusqu'à supporter le coût de leur encadrement.
Ces créations d'emplois s'inscrivent dans la programmation du plan
pluriannuel, qui prévoit une augmentation substantielle des postes mis aux
concours pour les cinq ans à venir et la création de 27 600 emplois pour la
période 2001-2003. Si cette programmation était attendue depuis longtemps par
la commission des affaires culturelles, je tiens cependant à souligner le
caractère exclusivement quantitatif du plan pluriannuel, qui n'est assorti
d'aucune orientation pédagogique nouvelle, concernant en particulier
l'obligation de service des enseignants.
En outre, les moyens attribués à l'enseignement scolaire doivent s'apprécier
au regard de l'évolution des effectifs scolaires du second degré, qui ont fondu
de 367 000 élèves depuis 1995 et qui devraient se stabiliser dans les cinq ans
à venir.
Si les personnels sont de plus en plus nombreux, leur gestion n'est pas sans
susciter des critiques. Les récentes conclusions de la Cour des comptes
viennent confirmer le constat effectué il y a déjà deux ans et demi par la
commission d'enquête du Sénat, même si la réforme du mouvement des enseignants
du second degré, engagée depuis trois ans, peut être considérée comme
positive.
J'aborderai ensuite l'utilisation des moyens budgétaires nouveaux et les
nouvelles orientations pédagogiques engagées pour l'école, le collège et le
lycée.
S'agissant du premier degré, la commission des affaires culturelles ne peut
que partager le souci du ministre de recentrer les programmes sur la maîtrise
des fondamentaux, d'autant que le phénomène de l'illettrisme et des élèves en
grande difficulté de lecture perdure et s'accroît même, comme le révèlent les
dernières journées d'appel de préparation à la défense et les évaluations
nationales. Cela témoigne d'une certaine incapacité de l'école à remédier au
poids des inégalités sociales et scolaires.
Vous avez, certes, monsieur le ministre, mis en place des aides personnalisées
et un système de repérage des élèves les plus en difficulté. Mais je ne peux
que m'inquiéter - et je ne suis pas le seul - de la philosophie des nouveaux
programmes, dont le projet est actuellement soumis aux enseignants du premier
degré. Celui-ci consisterait à instituer une sorte d'apprentissage
interdisciplinaire du français, en abandonnant les anciennes plages horaires
spécifiques. Gardons-nous, monsieur le ministre, des expérimentations
pédagogiques généralisées de façon trop hâtive et qui peuvent être
dévastatrices pour les jeunes en difficulté ! Nous savons le tort que
l'introduction rapide des mathématiques modernes a provoqué chez les jeunes les
plus fragiles. Ne commettons pas les mêmes erreurs une nouvelle fois !
J'en viens à votre objectif, ambitieux, pour l'enseignement des langues
vivantes, qui devrait être étendu à tous les élèves de CM 1 et même à la grande
section de maternelle à la rentrée 2005. Je rappelle cependant que sa
généralisation en CM 2 l'an dernier s'est réalisée dans des conditions
difficiles, faute d'enseignants qualifiés, et que l'évaluation des élèves
concernés en classe de sixième s'est révélée encore décevante. Je ne suis pas
certain que les 100 emplois et les 100 millions de francs supplémentaires
affectés à cette action en 2002 permettent d'améliorer sensiblement cette
situation.
J'ajoute que 19 millions de francs seront consacrés en 2002 aux classes à
projet artistique et culturel, dont 20 000 ont été mises en place à la dernière
rentrée, et qui sont de nature à réduire les inégalités avant le collège. Je
note cependant la faiblesse de l'aide apportée par l'éducation nationale pour
chaque appel à projet, ce qui conduira sans doute à solliciter une nouvelle
fois les collectivités locales.
Sur un plan plus général, il convient de se demander si les multiples
innovations pédagogiques annoncées dans le premier degré, auxquelles il faut
ajouter d'ailleurs l'enseignement des langues régionales et l'initiation
scientifique, ne risquent pas de conduire à une dispersion des efforts à
l'intérieur d'un horaire hebdomadaire nécessairement limité. Ne vont-elles pas
à l'encontre de la vocation même de l'école primaire, qui est l'acquisition des
fondamentaux dans une perspective d'intégration des élèves et d'égalité des
chances ?
Le collège, qui reste unique, doit désormais proposer un parcours de formation
conciliant exigences et pluralité d'itinéraires afin de mieux gérer
l'hétérogénéité des élèves. Son autonomie devrait être développée par une
globalisation des moyens qui sera progressivement étendue à toutes les classes.
La diversité des élèves sera prise en compte en cinquième et en quatrième, avec
la mise en place d'itinéraires pluridisciplinaires de découverte, qui viendront
s'ajouter, selon un schéma quelque peu complexe, aux parcours diversifiés et
autres travaux croisés existants.
Monsieur le ministre, un rapport rédigé par l'une de vos inspections générales
montre, vous le savez, que les mesures prises en application du précédent plan
de réforme du collège, lancé à la rentrée de 1999, sont pour la plupart restées
lettre morte et ont été très largement ignorées par les enseignants et les
établissements.
La commission des affaires culturelles ne peut donc qu'exprimer un certain
scepticisme quant à la mise en oeuvre effective et à l'efficacité de ces
mesures pédagogiques nouvelles, qui se succèdent de ministre en ministre et
finissent par se chevaucher, suscitant ainsi l'incompréhension, voire
l'indifférence, des équipes enseignantes et des familles.
Pour ma part, je crois que les établissements ont surtout besoin d'une
continuité pédagogique, de confiance et de soutien, d'une plus grande
autonomie, et qu'il convient d'abord de remédier aux disparités constatées
entre collèges, disparités qui sont sources d'inégalités scolaires, comme le
révèle officiellement, et pour la première fois, une étude réalisée par l'une
de vos directions.
Si les actions que vous avez engagées pour stabiliser les équipes enseignantes
dans les zones sensibles doivent être saluées, il faudrait aussi, sans doute,
engager une réflexion sur l'avenir du système d'éducation prioritaire, qui
évolue vers un système éducatif à deux vitesses, et sur la mise en place d'un
véritable dispositif d'aide au mérite, dont le mécanisme des bourses de collège
n'est plus aujourd'hui qu'une caricature.
J'évoquerai rapidement, avant de conclure, la politique menée en faveur de
l'enseignement des langues régionales.
S'agissant de la langue corse, plus de 27 000 élèves de l'île, dont près de 80
% dans le premier degré, bénéficient déjà de cet enseignement, ce qui montre
clairement le caractère symbolique de l'article 7, si controversé, du projet de
loi relatif à la Corse, qui a été heureusement modifié par le Sénat.
Pour ce qui est de l'enseignement dit « immersif » en breton, pratiqué par les
écoles de l'association Diwan, dont l'intégration dans le service public est
prévue par l'article 65 rattaché du projet de loi de finances, je crois qu'il
convient de ramener la controverse à de justes proportions : l'association est
placée en effet sous contrat d'association depuis 1994 et elle ne regroupe que
2 400 élèves.
Nous souhaitons cependant, monsieur le ministre, que vous nous donniez des
précisions sur cette intégration et sur les modifications que vous entendez
apporter pour faire en sorte que le nécessaire soutien aux langues régionales
soit parfaitement conforme à la Constitution et à la loi du 4 août 1994. Nous
pourrons ainsi nous prononcer en toute connaissance de cause.
D'une manière générale, notre commission regrette que ce problème de
l'enseignement des langues régionales n'ait jamais fait l'objet du moindre
débat au Parlement. Un tel débat ne pourrait-il être organisé au Sénat ?
Sous réserve de ces observations, en dépit de l'augmentation des moyens, mais
compte tenu des incertitudes subsistant quant à leur utilisation et à leur
efficacité, ainsi que du manque de clarté de certaines des réformes
pédagogiques annoncées, la commission des affaires culturelles a émis un avis
défavorable sur les crédits de l'enseignement scolaire pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme David, rapporteur pour avis.
Mme Annie David,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement technique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter pour la première fois le
projet de budget de l'enseignement technologique et professionnel, succédant
ainsi à ma collègue Hélène Luc, dont les conseils m'ont été précieux.
(Mme
Luc sourit.)
Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des années antérieures.
Huit millions d'actifs étant appelés à sortir du monde du travail dans les dix
ans à venir, des besoins considérables en professionnels qualifiés vont se
manifester au cours de la même période.
L'enseignement technologique et professionnel est donc appelé à jouer un rôle
essentiel, tant pour former les futurs actifs appelés à remplacer leurs aînés
que pour proposer des formations répondant à une élévation inéluctable du
niveau général des qualifications, aussi bien dans l'industrie que dans les
services.
Je crois cependant qu'il convient de rompre avec l'idée selon laquelle la voie
professionnelle est la seule voie pour remédier à l'échec scolaire, car
l'enseignement général et l'enseignement technologique ont aussi un rôle à
jouer dans l'accueil des élèves en difficulté.
Par ailleurs, la revalorisation de la voie professionnelle passe par la
promotion de passerelles véritables, autorisant les élèves concernés à renouer
avec la réussite ; la diversification de cette voie doit permettre une
élévation du niveau général des savoirs et offrir une qualification
professionnelle pour toute la filière, du certificat d'aptitude professionnelle
à la licence professionnelle, en passant par le brevet de technicien
supérieur.
Les moyens prévus pour 2002 restent difficiles à appréhender en raison du mode
de présentation des documents budgétaires. J'indiquerai cependant que les
crédits affectés à l'enseignement professionnel sont de l'ordre de 6,10
milliards d'euros, soit 40 milliards de francs, leur progression étant
parallèle à celle des crédits de l'enseignement scolaire. L'effort engagé
depuis trois ans en faveur des personnels enseignants se poursuit pour
accompagner la mise en oeuvre des innovations pédagogiques : 1 770 emplois de
professeurs des lycées professionnels, ou PLP, seront ainsi créés en 2002, pour
un coût de 18,7 millions d'euros, soit 122,7 millions de francs. Ces emplois
peuvent être ventilés entre 370 créations nettes, 500 emplois créés par
transformation d'heures supplémentaires et 900 emplois créés pour contribuer à
résorber l'emploi précaire, qui est, vous le savez, traditionnellement élevé
dans la voie professionnelle. J'ajouterai que 310 emplois non budgétaires de
PLP seront créés en formation continue et en apprentissage.
Il n'est pas inutile de rappeler que l'effort engagé depuis trois ans pour
résorber la précarité s'est traduit par la création de 4 460 emplois et que 6
280 emplois budgétaires de PLP ont été créés en cinq ans, dont 2 410 par la
précédente loi de finances.
S'agissant des emplois non enseignants, les lycées technologiques et
professionnels bénéficieront d'une bonification de dotation pour les personnels
ATOS compte tenu de leurs besoins particuliers en maintenance et en
entretien.
En outre, est prévue la création de trente emplois de conseiller en formation
continue, de treize emplois de conseiller d'orientation psychologue et de sept
emplois de directeur de centre d'information et d'orientation, ces centres
étant appelés à jouer un rôle important dans la généralisation de l'entretien «
plan de carrière » à quinze ans.
Ces créations d'emplois s'inscrivent dans un plan de relance du recrutement et
de résorption de la précarité : le concours externe de PLP a ainsi enregistré,
pour la session 2001, une augmentation de 19 % des ouvertures de postes,
l'augmentation étant de 25 % pour le concours destiné à résorber l'emploi
précaire. Sur les 2 300 PLP titularisés en 2001, 1 100 l'ont été au titre du
concours réservé et 900 au titre de la nouvelle voie de l'examen
professionnel.
Au total, l'augmentation du nombre de places au concours externe de PLP sera
de 40 % entre 2000 et 2002, contre 29 % pour le CAPES.
Le projet de budget prévoit, en outre, deux mesures de pré-recrutement pour
ouvrir, d'une part, 200 places en cycle préparatoire au concours externe de
PLP, assorties d'une rémunération annuelle de 135 000 francs, et pour créer,
d'autre part, 112 emplois de PLP stagiaire, destinés à accueillir les lauréats
des concours. Ces deux mesures devraient permettre d'anticiper les difficutés
de recrutement résultant notamment de la concurrence avec les entreprises dans
certaines spécialités.
A cet égard, lors de son audition en commission, M. Mélenchon, ministre
délégué à l'enseignement professionnel, a évoqué le recours à la formule des
professeurs associés, qui se partageraient entre le lycée professionnel et leur
entreprise. Ce projet suscite, comme j'ai pu le constater, le scepticisme de
certaines organisations syndicales.
Les mesures prévues pour améliorer la situation des personnels sont les
suivantes : création d'une échelle de rémunération des PLP bi-admissibles à
l'agrégation, accès plus aisé des PLP à la hors-classe, revalorisation - très
attendue - de l'indemnité de responsabilité des chefs de travaux.
Par ailleurs, 3,81 millions de francs seront consacrés à la rénovation des
diplômes professionnels, 35 millions de francs à la rénovation de huit grandes
filières de BTS et à la création du BTS « banques ». Près de 5 millions de
francs sont également prévus pour abonder la dotation affectée aux dispositifs
de validation des acquis implantés dans les lycées professionnels.
L'enseignement technologique et professionnel bénéficiera des mesures
générales prévues pour le second degré.
Au titre du plan pluriannuel, une infirmière au moins sera affectée dans
chaque lycée professionnel, ce qui me paraît un minimum compte tenu des risques
encourus par les élèves en atelier, outre les besoins d'écoute, de conseils et
de prévention de tous les adolescents.
La mise en oeuvre du plan de prévention des violences en lycée professionnel
se traduira par l'affectation de nouveaux CPE - conseillers principaux
d'éducation - dans ces établissements.
Le plan de relance de l'internat scolaire concerne aussi, en priorité, les
lycées professionnels puisqu'on y compte deux fois plus de pensionnaires qu'en
lycée général et davantage d'élèves boursiers susceptibles de bénéficier de la
nouvelle prime à l'internat.
S'agissant de l'évolution récente de l'effectif des lycéens professionnels,
les rentrées scolaires de 1999 et de 2000 avaient enregistré une baisse très
importante des inscriptions. Celle-ci pouvait certes s'expliquer par des
réformes pédagogiques, la concurrence de l'apprentissage, la reprise de
l'emploi, voire une certaine inadaptation de l'offre de formation, mais aussi,
sans doute, par une orientation excessive vers la voie technologique et
générale. On est fondé à se demander si des impératifs de gestion et un « effet
de système » n'ont pas conduit à privilégier l'orientation vers ces filières,
au détriment de la réussite des élèves.
Notre commission constate avec satisfaction que la nouvelle politique
d'orientation mise en place dans les académies, en s'inspirant des
préconisations de l'inspection générale, semble avoir contribué à inverser la
tendance, puisque 12 000 inscriptions supplémentaires en lycée professionnel
ont été enregistrées à la rentrée 2001.
Le développement du dispositif de l'entretien « plan de carrière » à quinze
ans, expérimenté l'an dernier dans quelques académies, participe aussi de
l'objectif consistant à passer d'une orientation subie par les élèves à une
orientation véritablement choisie.
Les sorties du système éducatif sans diplôme ou sans qualification touchent
respectivement 100 000 et 60 000 élèves. Les sorties sans qualification restent
malheureusement stables depuis 1994 et représentent environ 8 % des sorties.
J'ajoute que les abandons en cours de préparation au CAP et au BEP constituent
la moitié de ces sortants, que 15 000 lycéens de plus de seize ans abandonnent
chaque année leurs études pour entrer dans la vie active, que 16 000 collégiens
ont plus de seize ans, que 17 000 élèves triplent la classe de seconde et que
11 000 élèves abandonnent cette classe et leurs études sans qualification.
Bref, les élèves en grand retard scolaire semblent constituer l'essentiel des
sorties sans qualification ; une réflexion devrait être engagée pour réduire ce
volant de sorties qui alimentent la précarité sociale.
J'évoquerai rapidement les mesures de rénovation pédagogiques introduites et
poursuivies dans la voie professionnelle depuis la rentrée 2000.
Ces mesures se traduisent pour l'essentiel, d'une part, par une réduction des
volumes horaires et une augmentation des dédoublements de classe, qui sont
particulièrement nécessaires dans certaines disciplines générales, d'autre
part, par une généralisation des projets pluridisciplinaires à caractère
professionnel, les PPCP, qui sont, en fait, l'équivalent des travaux
pluridisciplinaires encadrés de la voie générale.
Je noterai seulement, dans le droit-fil des observations de l'inspection
générale, que l'expérimentation des PPCP a sans doute pâti d'un lancement
tardif, d'un soutien insuffisant des académies, d'un certain désintérêt des
élèves et d'une sur-représentation des disciplines professionnelles dans les
projets, au détriment des disciplines générales. Un ajustement des PPCP
s'impose, à l'évidence, pour adapter les projets aux attentes spécifiques des
élèves de BEP et de « bac pro ».
La rénovation de la voie technologique a fait l'objet, à la rentrée 2001, de
mesures ponctuelles, adaptées pour l'essentiel de la réforme du lycée général.
Les propositions du rapport Decomps sont autrement ambitieuses puisqu'elles
visent notamment à clarifier la lisibilité des séries industrielles, à
construire des parcours de réussite au-delà du baccalauréat, à moderniser le
contenu des formations de certaines séries, à faciliter les choix d'orientation
et de réorientation et, surtout, à installer le lycée des métiers.
Comme vous le savez, le lycée des métiers devrait permettre de réunir, sans
les confondre, les voies technologique et professionnelle, le CFA - centre de
formation d'apprentis - public, le centre de formation continue, le centre de
validation des acquis, les STS - sections de techniciens supérieurs - voire les
licences professionnelles : un tel objectif suppose un « peignage » de certains
diplômes qui présentent entre eux de fortes analogies, une procédure de
labellisation prenant en compte le dynamisme pédagogique des établissements, le
rôle de la région, la place du lycée dans la carte des formations, la capacité
d'accueil en internat, etc.
Alors que plus de 200 établissements susceptibles d'obtenir le label « lycée
des métiers » ont d'ores et déjà été repérés par les rectorats, pourriez-vous
nous fournir des indications complémentaires, monsieur le ministre, sur les
critères de labellisation retenus, afin que l'unité du service public de
l'éducation soit préservée et que les lycées non labellisés ne pâtissent pas
d'une image négative ?
En dépit des réserves exprimées par certains, je crois que cette formule est
de nature à renforcer l'attractivité de la filière professionnelle, à permettre
des réorientations, à offrir aux meilleurs élèves la possibilité de poursuivre
leurs études et, surtout, à faire sortir les lycéens professionnels d'une sorte
de ghetto culturel où certains se sentent enfermés.
Avant de conclure, j'évoquerai très rapidement la nécessité de rétribuer les
stages en entreprise des lycéens professionnels, faute de quoi les formations
sous statut scolaire seront pénalisées par rapport à l'apprentissage, ou encore
les sorties anticipées vers l'emploi des élèves d'origine modeste ou même
d'élèves chargés de famille seront encouragées.
Certes, ce dossier est difficile puisque les 400 000 lycéens professionnels
sont astreints à des stages obligatoires, alors que les entreprises ne sont pas
tenues de les accueillir. Je crois que l'éducation nationale a un rôle
essentiel à jouer pour mettre en place un système de rétribution, qui ne doit
cependant pas conduire à réduire le nombre de stages proposés par les
entreprises, ainsi que pour accélérer les négociations engagées avec les
branches professionnelles.
Sous réserve de ces observations, compte tenu de l'évolution positive des
moyens proposés, des réformes pédagogiques engagées et des perspectives de
revalorisation de la filière professionnelle, la commission des affaires
culturelles est favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement
technologique et professionnel pour 2002.
(Applaudissements.)
M. Ivan Renar.
Avec les félicitations du conseil de classe !
(Sourires.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
J'invite par ailleurs les intervenants à respecter scrupuleusement les temps
de parole qui leur sont impartis.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement scolaire est la première ligne du budget de la nation, M.
Philippe Richert vient de le dire - je salue, à cette occasion, la finesse de
son analyse ainsi que la qualité du rapport de notre collègue Mme David.
C'est la première ligne du budget de la nation, et nous ne consacrons que
trois heures et demie à sa discussion. C'est peu ! Je me réjouis néanmoins que
le débat ait lieu, cette année, un jeudi matin, et non plus, comme l'année
dernière, un vendredi soir ou, comme il y a deux ans, un dimanche
après-midi.
L'éducation nationale est, avec la sécurité, la première des préoccupations de
nos compatriotes. Je suis d'ailleurs frappé par l'analogie de comportement des
Français dans ces deux domaines.
En matière de sécurité, ils nous reprochent d'avoir un système judiciaire qui
accorde plus d'importance à l'agresseur qu'à la victime. De même, en ce qui
concerne l'éducation, il nous reprochent de nous soucier davantage, ou à tout
le moins autant, du statut des enseignants que de la réussite de l'enfant.
Ces deux sujets, bien que différents, sont intimement liés, car l'insécurité
commence souvent à l'école. Pour l'année scolaire 1999-2000, 225 000 «
incidents » ont été déclarés, chaque trimestre, dans les établissements
scolaires. Les faits graves sont en augmentation. Les signalements de port
d'armes blanches et de bombes lacrymogènes ont doublé. L'école primaire, à son
tour, est touchée.
La première chose à faire, c'est de remettre l'enfant au coeur du système
éducatif. C'est lui la finalité de l'éducation nationale, c'est à lui qu'il
faut donner toutes les possibilités d'acquérir le savoir, c'est à lui qu'il
faut donner les meilleures chances de réussir.
Pour cela, il faut tout d'abord concilier éthique et réalité : tous les
enfants sont égaux, mais aucun n'est pareil à l'autre. La confusion du droit et
du fait est à l'origine de bien des difficultés de l'enseignement scolaire.
Ainsi, au nom de l'éthique, vous vous cramponnez au collège unique. Monsieur
le ministre, la réalité, c'est 30 % des élèves qui ne maîtrisent pas les
disciplines de base et l'organisation actuelle du collège est bien incapable
d'y faire face.
Le deuxième remède, c'est de mobiliser tous les maillons du système éducatif,
c'est-à-dire les enseignants, bien sûr, mais aussi les personnels ATOS et
médico-sociaux.
Or force est de reconnaître que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Le nombre de
ces personnels augmente heureusement, mais cette croissance est sans commune
mesure avec celle du nombre des enseignants.
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des
personnels, dont j'étais l'un des rapporteurs, a montré qu'en vingt ans le
nombre des enseignants a augmenté de 40 %, alors que les effectifs d'élèves
n'ont progressé que de 17 %. Et il continue d'augmenter, alors que le nombre
d'élèves diminue aujourd'hui !
Nous avions également relevé que, en 1998, 30 000 enseignants - 80 000 selon
M. Claude Allègre - soit l'équivalent d'une trente et unième académie
virtuelle, n'étaient pas devant les élèves, ce qui représente environ 9
milliards de francs par an mal investis.
Dans le même temps, des élèves sont sans instituteur ou sans professeur. Nous
avions ainsi découvert que, chaque année, 5 % des heures d'enseignement dues
aux élèves n'étaient pas effectuées et ne faisaient l'objet d'aucun
remplacement. Résultat : en moyenne, les élèves du second degré perdent chaque
année trois semaines de cours et, de la sixième à la terminale, un élève perd
une demi-année d'enseignement.
Si les enseignants sont en surnombre, l'encadrement médico-social et les
personnels ATOS accusent, en revanche, de graves carences qui nécessiteraient
un effort volontariste.
Le cas des infirmières scolaires est exemplaire, à cet égard. Elles sont 6 000
pour toute la France ! Il en faudrait au moins le double. Dans mon département,
elles sont 81 seulement, et certaines ont 3 700 enfants à charge.
Le même constat s'impose pour les personnels ATOS. Les collectivités
territoriales construisent des établissements, mais l'Etat ne met pas en place
le personnel nécessaire à l'entretien et à la maintenance des bâtiments.
Or ces personnels infirmiers et de service ont une fonction éducative éminente
vis-à-vis des enfants. Les infirmières sont souvent des confidentes. Leur
mission dépasse la simple « bobologie ». Elles conseillent, rassurent les
enfants qui cumulent les handicaps sociaux, culturels. Elles évitent souvent
des drames en matière de drogue, de violence, de fugue, de problèmes liés à la
sexualité.
C'est pourquoi leur rôle est, d'une certaine façon, aussi important que celui
du professeur de mathématiques. Comment un enfant perturbé physiquement ou
psychologiquement peut-il être réceptif à l'algèbre ? « Bien dans son corps,
bien dans sa tête », dit le proverbe.
De même, un agent d'entretien qui surprend un élève en train de dégrader du
matériel contribue à l'apprentissage de la civilité.
Les enseignants sont essentiels, mais on ne peut avoir d'yeux que pour eux,
même si les corporatismes et les rapports de force sont plus importants chez
eux.
Il faut en prendre conscience : avec l'évolution actuelle de la société et la
crise de la famille, la vocation de l'école n'est plus seulement la
transmission du savoir.
L'école doit jouer un rôle plus large : elle doit non seulement transmettre le
savoir, mais aussi le savoir-être, le comportement et le savoir-faire qui
permettra au jeune de vivre plus tard de son savoir. C'est pourquoi il faut
ouvrir l'école sur le monde extérieur, que ce soit le monde associatif ou le
monde économique.
N'oublions pas que le système éducatif doit apporter une double réponse : une
réponse sociale en essayant de satisfaire au mieux le projet du jeune, le
souhait de la famille ; une réponse économique, en tenant compte du marché de
l'emploi pour permettre au jeune de s'insérer dans le monde du travail et lui
donner toutes les chances de réussir sa vie professionnelle.
Le système éducatif ne pourra apporter efficacement cette double réponse s'il
ne sort pas du préjugé culturel qui hiérarchise les différentes formes
d'intelligence.
Notre société privilégie encore trop l'intelligence abstraite. « Dis-moi le
nombre de tes années d'études après le bac, je te dirai qui tu es » : voilà qui
résume la conception de la réussite à la française !
Nous oublions l'autre forme d'intelligence, celle de la main, au sens le plus
large du terme, c'est-à-dire l'intelligence physique, manuelle, artistique.
C'est pourquoi les filières générales, professionnelles, technologiques ne
doivent plus être hiérarchisées, même si, bien sûr, chacune doit avoir ses
pôles d'excellence.
Les choses ne changeront que si l'on transforme le système actuel
d'orientation : il faut passer d'une orientation par échecs successifs à une
orientation positive.
Il est vrai que les choses évoluent. Mais reconnaissons que l'apprentissage,
les métiers du bâtiment et des travaux publics ou de la restauration, c'est
toujours pour les enfants des autres, ce n'est jamais pour les siens !
Il me semble qu'il y a trois principes simples, mais essentiels, à respecter
si nous voulons améliorer la situation.
Je suis convaincu, tout d'abord, que la réponse n'est pas dans l'inflation
budgétaire. Les résultats le prouvent, j'ai eu l'occasion de le dire à maintes
reprises.
Depuis quinze ans, le budget n'a cessé d'augmenter, mais les résultats ne
s'améliorent pas, au contraire : le nombre de jeunes qui sortent chaque année
du système éducatif sans aucune qualification augmente depuis 1996, le nombre
d'établissements minés par la violence et les incivilités croît de façon
préoccupante et de nombreuses inégalités persistent.
De leur côté, les enseignants ne sont pas satisfaits, alors que plus de 90 %
des 346 milliards de francs du budget 2002 leur sont destinés.
Arrêtons cette fuite en avant, pour le plus grand bien de tous. Nous ne
réformerons pas le système contre les enseignants. Ce n'est pas possible, ni
souhaitable d'ailleurs. Votre prédécesseur en a fait l'amère expérience. Et
pourtant, il posait de vraies questions.
Sa posture était provocatrice. Vous, vous avez adopté une autre attitude :
l'hypnose. Lui, il a braqué les enseignants ; vous, vous les hypnotisez !
(Rires.)
Et c'est efficace : le climat est moins agité, on le voit. Mais le danger de
l'hypnose, monsieur le ministre, vous le savez, c'est le réveil !
(Exclamations amusées.)
Et plus nous continuons dans cette voie du toujours plus, plus le réveil sera
difficile. Pour ma part, je préfère donc le toujours mieux, comme l'a très bien
dit M. Gouteyron.
Or, à budget constant, nous pouvons faire à l'évidence beaucoup mieux,
notamment en redéployant le budget vers les deux maillons essentiels du système
éducatif dont j'ai parlé précédemment : les personnels du secteur médico-social
et les personnels ATOS.
Les trois principes de réforme de l'éducation nationale sont le développement
du partenariat et de la proximité dans le cadre d'un Etat régalien recentré sur
ses missions éducatives essentielles.
L'éducation nationale reste encore trop fermée, trop cloisonnée. On parle
encore aujourd'hui de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé
des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se
traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive. Le
partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité éducative
: les collectivités locales, les familles, les professions.
Quant à la proximité, elle consiste à raisonner au niveau du bassin de
formation et à responsabiliser davantage les établissements.
Enfin, ce partenariat, cette proximité doivent être envisagés dans le cadre
d'une Etat régalien.
Le ministère doit se recentrer sur sa mission essentielle : la pédagogie, la
réglementation des diplômes et la préservation de leur unicité et de l'équité
sur tout le territoire. Il doit oser laisser faire par d'autres des tâches
qu'il ne sait pas ou qu'il ne peut plus faire. Là n'est malheureusement pas
votre volonté.
Monsieur le ministre, autant vous étiez vif au ministère de la culture, autant
vous semblez inerte à l'éducation nationale.
(M. le ministre marque son
étonnement.)
M. Nicolas About.
Peut-être plus prudent !
M. Jean-Claude Carle.
Je le dis avec beaucoup de respect, tant pour l'homme que pour la fonction.
C'est dommage, monsieur le ministre, mais ce budget ne prépare pas
suffisamment l'avenir de nos enfants. Au mieux, il assure la paix sociale de
certaines catégories de fonctionnaires à l'approche des élections. Le groupe
des Républicains et Indépendants ne votera donc pas ce budget de l'enseignement
scolaire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
On s'en serait douté !
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'était «
jadis et naguère » le secrétariat d'Etat à l'enseignement technique ; c'est
aujourd'hui le ministère de l'enseignement professionnel. Je m'en réjouis.
Cela dit, les chiffres sont effectivement difficiles à appréhender.
La formidable mutation de notre société, sous le coup des avancées
technologiques et les nouveaux défis lancés à notre économie se sont traduits
par une demande croissante de main-d'oeuvre. Malheureusement, nous avons
constaté un manque flagrant de main-d'oeuvre qualifiée.
A ces raisons générales s'ajoute le départ progressif en retraite de toute une
génération. On mesure dès lors à quel point s'impose une politique en faveur
d'un enseignement professionnel confirmé et solidement organisé.
Il faut donc revaloriser l'enseignement technique. Je le souhaite d'autant
plus que, lors de mes nombreuses années d'enseignement en collège technique et
en lycée professionnel, j'ai souvent déploré le processus d'orientation vers le
technique, c'était l'orientation par l'échec. Tous les participants étaient
fautifs, coupables : les enseignants du secondaire, les parents d'élèves.
C'était un véritable processus culturel : ici, on refusait d'orienter des
élèves qui avaient la moyenne ; là, des enseignants vivaient comme une défaite
personnelle l'orientation de leurs élèves vers le technique.
C'est certainement encore vrai aujourd'hui, même si c'est dans une moindre
mesure. « On préfère alimenter la machine à casser les élèves et les envoyer
ensuite à la fac par wagons, comme si les voies professionnelles et techniques
n'avaient pas, elles aussi, des débouchés », comme le dit si bien M.
Mélenchon.
Ajoutons à cela les sorties regrettables et fâcheuses du système sans
qualification, l'ambiance qui règne dans trop d'établissements, le rapport de
violence entre les élèves et les enseignants, même si ce n'est pas là la
caractéristique exclusive des établissements d'enseignement professionnel.
Il convient donc, pour le moins, de revaloriser encore l'enseignement
professionnel. Un effort a été engagé, et il a déjà eu des conséquences
positives.
Ce fut d'abord, la création des baccalauréats professionnels. Et, aujourd'hui,
c'est grâce à l'enseignement professionnel et technologique que 62 % d'une
classe d'âge décroche le baccalauréat. En fait, c'est un constat heureux, les
baccalauréats professionnels ont motivé tant les professeurs que les élèves, et
la désaffection à l'égard de l'enseignement professionnel diminue.
Cette revalorisation est due aussi à la rénovation des diplômes, à la création
de BTS, à la validation des acquis. C'est là un travail de fond, un travail de
motivation mené dans l'opinion. C'est bien.
J'ai eu l'occasion d'accompagner M. Mélenchon durant des heures sur le terrain
et de l'observer au contact tant des enseignants et des représentants des
parents que des élèves. J'ai constaté sa volonté, la conviction de ses propos
et son langage direct dans les nombreux échanges qu'il a eus avec les jeunes.
C'est à cette occasion que je l'ai entendu présenter avec précision le schéma
des lycées de métiers, projet susceptible, à mes yeux, de faire sortir
l'enseignement professionnel de son isolement.
Il est probablement nécessaire d'informer précisément, voire de convaincre,
les directeurs d'établissement et les enseignants, mais, pour ma part, je n'ai
perçu aucune réticence sur place.
Comment ne pas être favorable au regroupement des enseignements technologiques
et professionnels du second degré : formation continue, apprentissage,
validation des acquis, section de techniciens supérieurs, etc. ? Cela
faciliterait, me semble-t-il, les passerelles. La mise en place d'un tel
système ne se fera peut-être pas sans quelques difficultés. Il faut donc
établir une charte de qualité, une « labellisation », si vous me permettez
l'expression.
A ce stade de mon intervention, je souhaite vous poser une question : quelle
place sera réservée aux établissements qui ne répondront pas aux critères de
labellisation ?
Que dire des moyens humains, enseignants et non enseignants, mis en oeuvre
dans le cadre du présent budget ? On a rappelé tout à l'heure que 1 770
créations d'emplois de professeur de lycées professionnels permettront, entre
autres, la résorption de l'emploi précaire dans les postes de formation
continue et d'apprentissage en groupement d'établissements, GRETA, et en centre
de formation d'apprentis (CFA).
Sont également bienvenus les conseillers en formation continue, les
conseillers d'orientation psychologique, les services d'information et
d'orientation, appelés à jouer un rôle dans la programmation, le déroulement et
les suites de l'entretien « plan de carrière » ; c'est intéressant pour les
jeunes de quinze ans.
C'est leur donner plus d'autonomie dans le choix de leur orientation, en leur
permettant de bénéficier d'un accompagnement individualisé dans l'élaboration
de leurs parcours scolaire et professionnel. Cela va aussi dans le sens d'une
plus grande responsabilisation de ces jeunes.
Nous sommes au coeur de la raison d'être de tout enseignement. Le jeune élève
est un citoyen. L'enseignement professionnel doit prendre une part dans la
formation à la citoyenneté, à la responsabilité. J'ai noté avec grand intérêt,
à ce propos, la volonté d'innovation pédagogique comme l'éducation civique,
juridique et sociale.
La production n'est plus ce qu'elle était. Le taylorisme n'est plus et le
cheminement conduisant à la formation de l'homme passe, pour une part, par la
formation continue et par la nécessaire élévation du niveau de qualification.
Il passe aussi par le contact avec l'entreprise.
Certes, les entreprises ne sont pas tenues d'accueillir les stagiaires des
lycées professionnels, et se pose le problème de la rétribution des lycéens en
stage d'entreprise. Je souhaite qu'aboutissent les négociations, avec l'espoir
qu'une heureuse conclusion ouvrira plus aisément la porte de l'entreprise aux
jeunes. Une implication plus forte des chambres consulaires dans la démarche
d'ensemble pourrait peut-être y contribuer.
J'ai aussi le ferme espoir - cela va dans le même sens - que le système des
professeurs associés se développe dans l'enseignement professionnel secondaire.
L'intérêt évident pour les jeunes devrait lever les craintes des professeurs de
spécialité, craintes que je comprends aisément.
Ma dernière réflexion, monsieur le ministre, concerne la difficile et
importante question de l'intégration scolaire et du passage à l'insertion
professionnelle et sociale du jeune handicapé.
Une circulaire de mars dernier souligne « la nécessité de favoriser la
préparation de l'insertion professionnelle des jeunes présentant des
difficultés cognitives » et « de préparer ces jeunes à accéder après leur
passage en collège à des dispositifs de formation professionnelle adaptés aux
compétences qu'ils ont pu acquérir ». Le texte précise encore que « des
partenariats doivent être établis afin d'assurer, à la sortie de l'UPI, des
solutions diversifiées de formation professionnelle. »
Certes, le problème est plus facile à énoncer qu'à résoudre, mais j'ai cru
pouvoir en faire mention, monsieur le ministre, sachant que cet aspect ne
saurait laisser personne indifférent.
Il importe plus que jamais de conduire une véritable politique de
revalorisation des métiers. La politique menée en matière d'enseignement
professionnel, telle que je le perçois aujourd'hui, m'amène à me rallier aux
conclusions de la commission des affaires culturelles quant au vote de ce
budget.
(M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que
les effectifs d'élèves ont continué de diminuer entre la rentrée 1996-1997 et
la rentrée 2001-2002, à concurrence de 2,7 % dans l'enseignement primaire et de
2,2 % dans l'enseignement secondaire, soit tout de même 309 000 enfants sur
cinq ans, le budget de l'enseignement scolaire aura, pour sa part, augmenté de
19 % sur la même période.
Avec 4,11 % d'augmentation, vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, en
présentant votre projet de budget, d'avoir bénéficié pour l'année 2002 de « la
plus forte progression en valeur absolue depuis le budget que vous aviez fait
adopter en 1993 ».
M. René-Pierre Signé.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
Vous seriez donc, monsieur le ministre, celui qui fait augmenter le plus les
dépenses. Serez-vous le ministre qui fera le plus progresser l'éducation et la
réussite de nos enfants ?
A priori
, je serais disposé à partager votre satisfaction si je ne
m'inquiétais pas de l'utilisation qui sera faite de cette véritable manne et
des résultats tangibles qu'elle devrait engendrer.
Autrefois directeur d'école, je me pose maintenant la question de savoir si
l'élève, qui doit être placé au coeur de nos préoccupations, bénéficie
raisonnablement des retombées de cet effort national important, auquel il ne
faut pas oublier d'ajouter celui des collectivités locales, qui atteint 25 % du
budget national.
Alors que vous nous annoncez la création de milliers d'emplois, pourquoi les
directeurs et les directrices d'école, en grève administrative depuis de longs
mois, continuent-ils de contrarier la gestion des effectifs ? Ils n'obtiennent
pas, disent-ils, le temps de décharge qui leur permettrait d'assurer le rôle
administratif, pédagogique et social qui leur revient. Je vous avais déjà
alerté en septembre 2000 sur ce point.
L'appoint des jeunes appelés aides-éducateurs - « éducateurs », est-ce là que
le bât blesse ? - a-t-il, au-delà de la création d'emplois, apporté le « plus »
attendu ? Peut-on aujourd'hui en faire le bilan et donner des précisions sur la
formation qu'ils ont suivie et sur leur future orientation ?
Le malaise des jeunes et le mal-vivre des enseignants tendent à nous démontrer
que notre école traverse une crise profonde. A des enseignants sans pouvoirs
répondent des enfants sans devoirs. Un laxisme nuisible s'installe, qui est
générateur de violence, conduit à l'échec et ne fait que renforcer l'inégalité
des chances de réussite et d'insertion sociale.
Savoir lire, écrire et compter avant l'entrée en sixième demeure une exigence.
Est-elle atteinte ? Les statistiques ne le prouvent pas. D'après une étude
récente de l'OCDE, 18 % des jeunes de quinze ans d'un pays développé ont du mal
à lire correctement. Dans cette enquête, la France occupe la treizième position
sur les trente-deux pays de référence. L'apprentissage de la langue française
est-il plus difficile à l'école aujourd'hui qu'à l'époque de Jules Ferry, où
des petits ruraux, patoisants parfois, de condition modeste, turbulents
peut-être, mais respectueux de la discipline, offraient à la République les
citoyens dont elle avait besoin ? Dans les esprits d'alors, la gratuité de
l'enseignement constituait une chance à saisir pour profiter du formidable
tremplin de promotion socioprofessionnelle qu'offrait l'éducation. De nos
jours, est-ce encore le cas ? Cette chance existe toujours. Sait-on le
reconnaître et en tirer profit ?
La réalité, c'est aussi la violence. Les enseignants, désemparés,
culpabilisés, inquiets face aux questions de discipline, ont souvent le
sentiment de ne pas savoir faire, de ne plus savoir faire ou d'être trop
rigides.
La durée des études en institut universitaire de formation des maîtres s'est
allongée. Le poids de la culture disciplinaire l'emporte, mais faute de
formation pratique, d'encadrement sur le terrain, les jeunes professeurs
connaissent peu la réalité de la gestion d'une classe, de la psychologie de
l'enfant violent, des relations à tenir avec les parents. De quels moyens - et,
bien entendu, je ne parle pas de moyens financiers - disposent-ils pour se
faire respecter, écouter et entendre ? Comment, dans ces conditions,
peuvent-ils espérer transmettre leur savoir, le savoir ? Quel exemple ces
enseignants doivent-ils donner dans notre société où les repères disparaissent
les uns après les autres, où les valeurs sont mises en cause les unes après les
autres ?
La découverte et l'apprentissage de la vie en commun, l'intégration dans la
société ne se font pas d'une façon anarchique. Les jeunes doivent apprendre à
connaître et à accepter les règles du football s'ils veulent pratiquer ce
sport, sinon ils sont exclus du groupe.
Cette comparaison est de circonstance, car, hier soir, monsieur le ministre,
vous étiez au stade de Nantes, et vous demandiez aux jeunes, lors de
l'interview, de s'inscrire sur les listes électorales avant le 31 décembre.
A quel titre les règles de l'école devraient-elles échapper aux jeunes ?
Comment espérer, dans une classe, favoriser une atmosphère à la fois confiante
et studieuse si l'on se contente de limiter le territoire de l'élève aux murs
de son école, de son collège ou de son lycée, alors qu'il évolue simultanément
dans un environnement familial, rural ou urbain, quelquefois associatif, voire,
pour certains, policier ou judiciaire ? Ce n'est qu'en associant tous les
acteurs de son environnement, soucieux de poursuivre le même objectif, que l'on
redéfinira les bases de l'autorité, élément indispensable à l'épanouissement du
jeune.
Comment redonner confiance à un élève déstabilisé, souvent issu d'une famille
éclatée, tant que votre administration centrale continuera d'affecter dans des
établissements sensibles de la région parisienne - et ce n'est qu'un exemple -
40 % d'une promotion annuelle de nouveaux professeurs ? Vous-même le
reconnaissez, monsieur le ministre, aucune politique contre la violence
n'aboutira tant que certaines équipes enseignantes seront renouvelées chaque
année.
Vous avez pris, il est vrai, des mesures incitatives en offrant un bonus de
carrière exceptionnel aux professeurs qui s'engagent à rester cinq ans dans un
des 101 établissements sensibles d'Ile-de-France. Peut-on déjà en mesurer les
effets ? Espérons, monsieur le ministre, que le souci de ces volontaires sera
de se préoccuper davantage des élèves que de l'évolution de leur carrière !
Enfin, pourquoi ne pas donner aux chefs d'établissement une certaine
autonomie, qui leur permettrait de constituer une équipe cohérente dont les
membres, fût-ce de façon relative, se seraient choisis ou manifesteraient leur
volonté de travailler ensemble ? C'est à ces conditions que l'on peut espérer
voir le respect à l'école prendre le pas sur l'indiscipline, l'absentéisme et
la violence de ceux qui, ayant connu l'échec scolaire, font un véritable rejet
du système en dépit de la compétence et du courage constant du monde
enseignant. Restaurer l'autorité, c'est aussi restaurer l'égalité des
chances.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Martin.
J'en viens donc à ma conclusion.
Il est temps de rétablir l'autorité des enseignants, de redéfinir un cadre de
règles vis-à-vis tant des adultes que des élèves pour restaurer la confiance de
notre système éducatif, de rendre les établissements plus autonomes et plus
responsables, et de constituer un front commun pour la réussite de l'enfant.
C'est une réforme en profondeur, bien plus que des mesures aux retombées
politiques immédiates, qu'il faut engager. Mais la mise en chantier d'une telle
action ne sera rentable qu'à long terme. Etes-vous prêt à le faire, monsieur le
ministre ? Il s'agit d'une question non pas d'argent mais de volonté politique.
Celle-ci existe-t-elle vraiment ? Je n'en suis pas sûr. Aussi voterai-je, comme
mon groupe, contre votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est
toujours bon de rappeler que l'éducation nationale publique a le devoir de
permettre à tous les jeunes, indépendamment de leur origine sociale, d'acquérir
non seulement des connaissances mais aussi les moyens de s'approprier leur
indépendance et d'entrer dans la vie active par des voies gratifiantes
choisies. L'enseignement scolaire joue un rôle essentiel dans ce processus
d'acquisition et d'appropriation.
A ce titre, des enseignants plus nombreux, plus disponibles et des classes
moins chargées sont, bien sûr, l'une des clés de l'amélioration du système
éducatif.
Dès lors, pour l'essentiel, le titre III du projet de budget qui nous est
soumis nous apporte des éléments de satisfaction.
La création de près de 10 000 emplois budgétaires est une bonne nouvelle. Pour
les postes d'enseignant, les créations d'emplois permettront de compenser les
départs à la retraite et d'aller au-delà, alors même que les effectifs des
élèves sont en diminution. On peut ainsi espérer une baisse du nombre d'élèves
par classe et des enseignants un peu plus à l'aise dans leur travail
pédagogique.
Les revalorisations nombreuses, la poursuite de l'évolution des instituteurs
et des directeurs vers le statut de professeur et directeur des écoles, la
poursuite de l'effort pour la résorption des emplois précaires et pour la
réduction des heures supplémentaires sont également des éléments satisfaisants,
qui permettront de rendre plus attractifs les emplois de l'éducation nationale
et les possibilités d'évolution en son sein, à un moment où les recrutements
s'avèrent véritablement nécessaires. De même, l'effort porté sur les personnels
non enseignants est louable.
Cependant, des questions importantes se posent. Par exemple, la violence à
l'école est devenue une source d'inquiétude réelle et prégnante pour tous nos
concitoyens. Les moyens accordés aux établissements situés en zones d'éducation
prioritaires permettent, on a pu le constater, des avancées importantes vers la
pacification et, partant, l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
Mais de nombreux établissements se trouvent dans des situations semblables ou
équivalentes à celles des établissements classés en ZEP et ils en sont même
parfois très proches géographiquement : ils accueillent les mêmes catégories
sociales et connaissent les mêmes problèmes. Beaucoup attendent avec impatience
un classement en ZEP et un supplément de moyens pour remédier à des situations
qui se dégradent. Aussi serait-il souhaitable, monsieur le ministre, de pouvoir
reconsidérer, quelquefois en urgence, les critères de classement en ZEP de
certains établissements.
Par ailleurs, il faut noter que les conseillers principaux d'éducation et les
conseillers d'orientation psychologue ont un rôle essentiel à jouer dans le
renforcement du respect de l'école, respect qui fait l'objet d'une importante
campagne de communication, mais qui, malgré la sollicitation de vedettes, ne
pourra s'imposer que si les moyens nécessaires y sont consacrés sur le
terrain.
Les demandes et les attentes qui s'expriment auprès de ces personnels leur
font fréquemment jouer un rôle d'assistants sociaux, ce qui ne leur permet
guère - par exemple, lorsqu'il n'y a qu'un seul conseiller d'éducation pour un
collège - d'assumer les tâches qui devraient être les leurs. Nous doutons que
la création de 80 postes de CPE au titre de la violence et de l'exclusion et de
25 au titre du développement scolaire soit suffisante. La même remarque vaut
pour ce qui est des conseillers d'orientation psychologues.
Par ailleurs, en ce qui concerne la violence en milieu scolaire, se pose
également la question du contenu des enseignements dispensés. N'est-il pas
envisageable, par exemple, de commencer l'éducation civique, juridique et
sociale dès le collège et de sensibiliser très en amont les élèves aux
questions de la vie en commun et des valeurs et des règles démocratiques ?
Autre sujet de préoccupation : la véritable faiblesse des créations d'emplois
de personnels médico-sociaux, avec seulement 25 médecins et 149 infirmiers et
infirmières. Il est évident que cette catégorie de personnels joue un rôle
essentiel dans la vie du système scolaire. Le manque en ce domaine n'est pas
nouveau, mais le combat reste toujours indispensable.
Le manque de temps se traduit ici par une insuffisance d'écoute, de conseil et
de prévention. J'insiste sur le fait que le taux de suicide des adolescents en
France est parmi les plus élevés du monde, que les maladies sexuellement
transmissibles sont de nouveau en forte progression et que le nombre de
contaminations par le virus du sida est reparti sur une courbe ascendante,
particulièrement chez les jeunes. Ces questions appellent un programme
audacieux qui pourrait s'articuler autour des personnels médico-sociaux.
Pour ce qui est du sida, au lendemain de la journée du 1er décembre, la
question de l'outre-mer est particulièrement aiguë. La zone Caraïbes est la
deuxième au monde pour la prévalence du sida eu égard au nombre d'habitants,
après l'Afrique subsaharienne. Les départements français de cette région
doivent donc faire l'objet d'une attention toute particulière. L'éducation
nationale se doit de jouer pleinement son rôle en termes non seulement de
formation des enseignants et de contenus pédagogiques mais aussi de mise à
disposition de moyens d'information et de prévention.
Enfin, monsieur le ministre, j'aimerais savoir où nous en sommes de
l'application du plan de cinq ans sur la généralisation des services éducatifs
et d'action culturelle, lancé à la fin de l'année 2000. Nous pensons, en effet,
qu'après un an un bilan s'impose.
Culture et art sont plus que jamais de formidables barrages contre
l'obscurantisme. Le contact avec les arts et les artistes dans toutes les
disciplines, avec la culture scientifique, ainsi que la découverte qu'il n'y a
pas de talent sans une gigantesque quantité de travail sont devenus plus que
jamais des enjeux de civilisation.
L'enseignement technique et professionnel a, pour sa part, toujours été un peu
le parent pauvre de l'éducation nationale, ne serait-ce que pour sa
déconsidération dans l'esprit majoritaire de la population.
Or, de plus en plus, les besoins de professionnels qualifiés deviennent une
réalité cruciale : nous l'avons constaté à Toulouse à la suite de la
catastrophe, nous le constatons ailleurs quand il s'agit de trouver un
plombier. L'enseignement professionnel constitue pour nous tout autre chose
qu'une voie de garage. Il est une voie diversifiée d'acquisition des savoirs,
qui doit autant qu'une autre permettre l'épanouissement et l'évolution de
l'individu dans la société. Revaloriser l'enseignement professionnel est donc
capital.
Le projet de budget qui nous est proposé présente, dans ce domaine, des
aspects tout à fait positifs.
La création de 1 770 emplois de PLP, dont 350 emplois nets, va dans ce sens,
de même que la revalorisation, bien qu'insuffisante, des chefs de travaux ou la
création d'une échelle de rémunérations de PLP bi-admissibles à l'agrégation.
Les innovations pédagogiques telles que les projets pluridisciplinaires à
caractère professionnel ou le projet de « lycée des métiers » visent de bons
objectifs.
Cependant, la revalorisation de l'enseignement professionnel passera
immanquablement par la création de passerelles entre les diplômes, CAP, BEP,
BTS et enseignement supérieur. Ces passages possibles, couplés à la
valorisation des acquis professionnels, ouvriront la voie de la mobilité dans
le plan de carrière ; ils permettront de recréer un ascenseur social toujours
en panne, tout en rendant l'enseignement professionnel plus attractif. Pour
l'instant, ces passerelles nous semblent encore en nombre trop restreint.
Les entretiens « plan de carrière » nous paraissent aller dans le sens d'une
meilleure orientation des élèves, une orientation choisie plutôt que subie.
Toutefois, monsieur le ministre, un bilan précis de l'action menée sur ce
terrain serait nécessaire pour savoir si les résultats sont à la mesure des
espoirs et si l'expérience doit se poursuivre et s'étendre.
Les plans pluridisciplinaires à caractère professionnel sont, quant à eux, des
éléments gratifiants pour les élèves, avec des objectifs de projets concrets et
la mise en évidence de l'intérêt de disciplines différentes et de leur
articulation dans la réalité. Mais force est de constater qu'ils ne sont pas
encore tout à fait entrés dans les moeurs des différents partenaires. Nous
pensons, pour notre part, qu'ils constituent une innovation intéressante et à
généraliser.
Enfin, je voudrais dire un mot du « lycée des métiers », une belle idée, mais
qui n'est pas sans susciter quelques inquiétudes.
Le regroupement des filières d'un même métier présente un intérêt certain : il
permet en effet de rendre plus visibles et concrètes les passerelles que j'ai
évoquées, offrant ainsi une meilleure mobilité des élèves dans leur orientation
et une diversité accrue de leurs possibilités d'évolution grâce à la rencontre
synergique entre enseignants et élèves.
En même temps, cette concentration ne risque-t-elle pas d'évoluer vers une
diminution de l'offre de la formation ? Sur quels critères sera décidée
l'implantation géographique de ces lycées des métiers : les seules activités
présentes dans un bassin d'emploi ou des critères de long terme basés sur
l'évaluation des besoins du pays ? Autant de questions auxquelles, nous en
sommes certains, monsieur le ministre, vous nous apporterez des réponses.
L'idée de labelliser ces établissements est par ailleurs une source non
négligeable d'inquiétude. Des précisions à cet égard nous semblent
nécessaires.
En tout état de cause, monsieur le ministre, nous suivrons de près l'évolution
de ce projet. Mais, pour l'heure, nous voterons votre budget, qui, je le
répète, présente de nombreux éléments positifs et va dans le bons sens.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble
bien loin le temps où l'on supprimait des postes dans l'éducation nationale en
prétextant l'évolution démographique.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Un sénateur du RPR.
Ça commence bien !
M. Jean Chérioux.
Il faut écouter religieusement M. Signé ! Ne faisons pas comme lui !
M. René-Pierre Signé.
Il y a des vérités qui dérangent !
M. Jean Chérioux.
Non !
M. René-Pierre Signé.
Votre démarche, monsieur le ministre, est exactement contraire, et ce budget
le démontre avec éclat. L'augmentation des crédits est de 15 milliards de
francs, soit la moitié de l'augmentation des dépenses de l'Etat. Avec un total
de 403 milliards de francs, il représente 23 % des dépenses, soit 4,11 % de
plus que le précédent, alors que le budget de l'Etat lui-même n'augmente que de
2 %. Ces crédits débouchent notamment sur la création de postes : plus de 10
000 emplois, 8 800 d'entre eux relevant de l'application du plan
pluriannuel.
L'adoption de ce plan pluriannuel de recrutement constitue un premier motif de
contentement. Il s'agit de rien de moins que de la formation de celles et ceux
qui deviendront les maîtres de demain.
Le 27 février 2001, monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan de
rénovation de la formation des enseignants, à savoir le recrutement, d'ici à
2005, de 185 000 enseignants de la maternelle au lycée.
Votre volonté de réforme se traduit notamment par la rénovation de la seconde
année d'IUFM, qui va permettre aux futurs enseignants de mieux prendre en
compte la réalité de la classe.
La société a changé et les élèves aussi, nécessitant une reconsidération des
objectifs et des modalités de l'enseignement dans notre pays. Il ne s'agit plus
aujourd'hui de posséder un savoir pour le transmettre, il faut également
apprendre à le transmettre ; l'égalité des chances, si souvent évoquée, en
dépend. Pour les enseignants, c'est la certitude de travailler pour l'école
avec la reconnaissance légitime de leurs concitoyens.
Par ailleurs, on peut insister sur le renforcement de l'apprentissage de deux
savoirs fondamentaux, lire et écrire, et même trois en ajoutant compter, pour
revenir au trépied de Jules Ferry qui a été évoqué tout à l'heure. Tout part de
là : le succès comme l'échec.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Vous ne négligez pas pour autant l'éducation artistique, culturelle et
sportive. L'élève doit être appréhendé dans sa globalité, ce qui présuppose un
enseignement complet.
Quant au développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, 80 millions de francs y sont affectés. Leur maîtrise est
indispensable, à voir la place qui leur est faite en tout domaine, et aux
savoirs fondamentaux s'en ajoute donc un quatrième qui a trait au numérique.
L'apprentissage des langues vivantes à l'école mérite d'être soutenu, comme
c'est le cas. Votre politique est volontariste et les moyens sont là : 100
millions de francs supplémentaires. Au moment de l'introduction de l'euro,
premier pas vers l'Europe citoyenne, il peut être pertinent de construire un
vivier culturel européen qui passe notamment par l'apprentissage des autres
langues européennes. Mais il ne faudrait pas que les enfants soient obligés de
choisir leur langue en fonction des possibiités offertes. Les professeurs
d'espagnol ou d'italien n'existent pas toujours dans certains collèges,
notamment dans les collèges ruraux.
Cela est à verser au chapitre de l'inégalité des chances et de sa version
rurale. Le risque d'accumuler un retard scolaire reste trois fois plus élevé
pour les enfants issus des familles les plus modestes. Mais l'appartenance à
une zone rurale pénalise aussi les élèves et les deux facteurs se conjuguent
parfois. L'éducation nationale, premier des services publics, au-delà de
l'éducation, doit s'impliquer aussi dans l'aménagement du territoire, car la
fermeture d'une école est une épreuve redoutable pour une commune et un élu. On
doit l'éviter autant qu'il est possible par divers moyens, car les écoles
clairsemées ont un coût qui n'est pas seulement fonctionnel.
Ne pourrait-on pas planifier sur cinq ans cette gestion des classes et des
écoles compte tenu de l'évolution démographique scolaire que l'on connaît et
pour éviter ces décisions couperets ?
S'agissant des sections d'enseignement général professionnel adapté, les
SEGPA, c'est une question à laquelle je porte intérêt, avec mon collègue et ami
Louis Le Pensec. A l'Assemblée nationale, vous avez fait une proposition et dit
votre disposition au dialogue, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous dire où
nous en sommes ?
M. Louis Le Pensec.
Très bonne question !
M. René-Pierre Signé.
Je dirai maintenant un mot sur la modernisation d'une voie professionnelle
rénovée, qui a acquis ses lettres de noblesse ; elle est non plus ce qu'elle
fut trop longtemps, la voie de repli de ceux qui avaient échoué dans
l'enseignement général, mais bien la voie des métiers parmi les plus nobles.
Près de 700 000 élèves, près de 400 000 en sections technologie de second
cycle, 1 700 lycées professionnels, 236 000 bacheliers, etc., tous ces chiffres
montrent l'importance de cet enseignement professionnel nécessaire à notre
économie, qui a besoin de professionnels performants. Il nous permet surtout
d'avoir la main-d'oeuvre la mieux formée du monde. Alors que, depuis près de
vingt ans, l'enseignement professionnel connaissait une baisse réelle de ses
effectifs, la tendance vient d'être inversée. Un travail de fond a été réalisé
qui a permis, à la rentrée de 2001, de marquer un renversement de cette
évolution négative pour notre pays.
M. Philippe Marini.
Quelle incroyable autosatisfaction !
M. René-Pierre Signé.
Nous avons ainsi enregistré dix mille entrées supplémentaires en seconde
professionnelle et en première année de CAP.
Ce renversement de tendance procède, en fait, de la reconnaissance accordée
aux enseignants, qui ont bénéficié du statut de professeur de lycée
professionnel,...
M. Philippe Marini.
Voilà !
M. René-Pierre Signé.
... de l'aide au recrutement et de la création de postes. C'était votre
volonté, monsieur le ministre. Il convient de souligner la grande part que vous
y avez prise. Depuis 1997, les enseignants professionnels ont en effet
bénéficié de 6 280 créations de postes. Ces chiffres résument assez bien la
différence entre deux politiques de l'enseignement professionnel.
Ce budget, particulièrement bon, allie le renforcement des possibilités de
recrutement à la revalorisation de la situation des enseignants, ce qui donne
une vertu attractive supplémentaire à l'enseignement professionnel. Il sera, il
est déjà un élément déterminant dans notre démarche de formation tout au long
de la vie.
Un parcours éducatif valorisé, un bon niveau de formation initiale et une
formation continue structurent une « voie des métiers », avec un projet
pluridisciplinaire à caractère professionnel, fondé sur le travail en équipe et
sur le triptyque « école, entreprise, mobilité », c'est-à-dire sur une
évolution permanente des conditions de travail. Voilà résumée cette option
professionnelle de plus en plus attractive !
Au final, on ne peut que constater la continuité de l'effort consenti depuis
1997.
M. Philippe Marini.
Cocorico !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
Vous travaillez, monsieur le ministre, à l'amélioration des conditions de
travail des personnels et des élèves. Vous donnez les moyens d'un enseignement
de qualité, d'un enseignement capable d'accepter l'hétérogénéité croissante des
élèves. Vous assurez, enfin et surtout, la démocratisation de notre système
éducatif. On sait aujourd'hui que la main qui dirige l'école est la main qui
construit l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
La formule est digne du musée !
M. René-Pierre Signé.
Je voterai donc, avec l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste, cet
excellent budget, qui réconcilie quantitatif et qualitatif.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Encore ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Quel thuriféraire ! Quel flatteur !
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ancien
enseignant moi-même et élu du département de l'Orne depuis trente ans, j'ai pu
suivre avec une particulière attention l'évolution de l'école en milieu rural.
J'ai d'ailleurs été à l'origine des regroupements pédagogiques, et mon
département avait été pilote en la matière.
Nous étions, je crois, en 1975, et Suzanne Ploux siégeait au banc du
Gouvernement.
(M. le rapporteur spécial opine.)
Ce rappel n'est pas inutile, car je veux vous dire aujourd'hui, monsieur le
ministre, l'inquiétude du monde rural, dont l'avenir dépend aussi de vous, tant
il est vrai qu'un territoire sans école est, à terme, un territoire condamné,
un territoire virtuellement mort.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, ce n'est pas d'argent que je vais
vous parler. Non, je vais vous parler d'avenir et des espoirs que je fonde sur
le monde rural. Nos communes rurales tiennent par-dessus tout à leurs écoles et
se battent en permanence. Je pense, par exemple, à la commune de Valframbert,
dont le maire s'est démené avec acharnement pour conserver toutes ses classes,
à l'école de Larré, la commune ayant, dans ce cas, assuré gratuitement une
garderie, alors que cette charge était bien au-dessus de ses moyens. Je pense
encore aux équipements remarquables de l'école de Lonlay-l'Abbaye, à l'école de
Saint-Clair de Halouze où les parents gèrent une cantine « bio », et à tant
d'autres communes encore où l'on rivalise d'efforts et d'imagination pour
sauvegarder le bien le plus précieux : l'école.
Chaque année, au mois de septembre, monsieur le ministre, revient l'angoisse
des effectifs, qui conditionnent le maintien de l'école, de la classe ou du
RPI, le regroupement pédagogique intercommunal. Les statistiques, les
quotients, les ratios, les arbitrages administratifs parisiens sont autant
d'épées de Damoclès au-dessus de nos têtes, sans qu'il soit tenu compte de la
réalité et des spécificités du terrain - j'allais dire du terroir - qui
provoquent bien des conflits dont on pourrait faire l'économie.
Chaque année, en effet, avec une régularité de métronome, vous rallumez, sans
le savoir, sans doute, des conflits entre parents, enseignants, élus, et les
inspecteurs d'académie qui tentent de les éviter doivent cependant, selon
l'expression consacrée, « rendre des postes ».
La situation de nos campagnes, monsieur le ministre, est difficile, vraiment
difficile, alors, que signifie l'expression « rendre des postes » ? En milieu
rural, c'est synonyme de fermetures de classes, avec leur cortège de
conséquences dommageables sur la vie quotidienne.
Vous savez que des budgets très importants doivent être consacrés aux
équipements informatiques, à la mise aux normes des cantines, au transport
scolaire ou à la scolarité de ces enfants de communes sans école qui sont
scolarisés, à leurs frais, dans d'autres communes.
Certains maires me disent leur crainte, au regard de leur maigre budget
communal, de voir s'installer, dans leur commune, de nouvelles familles avec
des enfants d'âge scolaire. Savez-vous que les coûts de scolarité s'élèvent à
plus de 5 000 francs, par élève et par an, pour un enfant de classe maternelle,
non compris les frais d'accompagnement dans les transports ?
Nous aboutissons, alors, à une aberration puisque, d'un côté, nous cherchons à
revitaliser le tissu rural et que, d'un autre côté, nous décourageons les élus
par des contraintes financières et techniques démesurées qu'ils ne peuvent plus
supporter.
J'ajouterai quelques mots sur les cantines scolaires.
Dans l'Orne, en Normandie, pays de production de viande normande de qualité,
nous arrivons, par l'effet d'une réglementation européenne que je n'ose
qualifier et de son application drastique, à voir les cantines fournies en
viande surgelée plutôt qu'en viande provenant de la boucherie située à moins de
trois cents mètres de l'école, au motif qu'il faut un camion réfrigéré pour
transporter les produits alimentaires. Le résultat est simple : soit la cantine
ferme, soit les repas sont assurés par la cantine centrale de l'hôpital de la
commune voisine, distante d'une dizaine de kilomètres.
Les parents, souvent eux-mêmes producteurs de viande bovine, refusent, et on
les comprend, que leurs enfants mangent de la viande surgelée ou que leur
soient servis des repas préparés à l'hôpital.
Non, monsieur le ministre, c'est franchement inacceptable !
Il faut souvent 250 000 francs à 300 000 francs pour mettre une cantine aux
normes, des normes, d'ailleurs, évolutives. Et qui paie ? La commune, toujours
la commune, les dotations globales d'équipement ne suivant que très rarement
les augmentations des investissements nécessaires. Surtout, les exigences
techniques et sanitaires sont de plus en plus contraignantes.
Un mot aussi de la médecine scolaire, si vous le voulez bien.
Les zones rurales connaissent toutes le même phénomène de dévitalisation et de
faiblesse de la carte sanitaire. L'Orne, hélas ! ne fait pas exception. Là
encore, je ne vous parlerai pas d'argent, mais je vous livrerai des réflexions
que m'inspirent ces quelques chiffres : pour 42 000 élèves de l'enseignement
public répartis sur 6 123 kilomètres carrés, on ne compte que cinq médecins
scolaires en activité ! C'est un constat. Si les postes supplémentaires
existent au plan budgétaire, les candidats, eux, font défaut, ce qui implique
que les enfants sont privés de la surveillance médicale que l'Etat procure à
leurs petits camarades des villes.
Monsieur le ministre, il faut engager une véritable réflexion de fond sur
l'avenir de l'école en milieu rural car, comme je l'ai déjà dit à votre
collègue ministre de l'agriculture, et comme je le dirai au ministre de la
santé, le monde rural est un ensemble cohérent qui attend une politique globale
pour assurer son avenir et celui de ses enfants, et ce dans tous les domaines.
Pourquoi aider des jeunes agriculteurs à s'installer - et nous savons ce qu'il
en coûte, plus de 76 millions d'euros ! - dans un secteur où ils n'auront pas
d'école pour leurs enfants, pas ou peu de loisirs accessibles, pas de médecin
pour venir les soigner, des services publics défaillants et un commerce de
proximité inexistant ?
Je dois enfin attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un autre
aspect de la situation. A l'heure où nos journaux télévisés se font l'écho de
l'incivilité et de la violence en milieu scolaire, vous disposez, dans nos
campagnes, d'un environnement encore relativement protégé qui est prêt à
accueillir des enfants plus défavorisés pour leur donner un enseignement de
qualité et, surtout, ce qui est très précieux, dans un contexte social
différent.
Ne pourrions-nous pas, là encore, réfléchir ensemble sur la manière d'utiliser
l'outil social qu'est l'école pour aider à pallier les difficultés résultant de
la surcharge des classes en zones urbaines et périurbaines ? Nombreuses
seraient les écoles, nombreux seraient les maires et les familles de mon
département prêts à accueillir des enfants. Pourquoi ne pas tenter quelques
expériences ? C'est cela aussi, la solidarité et la solidité du couple
ville-campagne.
C'est cette solidarité et cette égalité dans le traitement que nous, élus
ruraux, attendons. Nous espérons enfin être entendus. La France à deux vitesses
que j'ai dénoncée tant de fois à cette tribune n'est pas la France. Ce constat
est encore plus intolérable s'agissant de l'éducation nationale, la clé de
voûte de l'égalité entre les citoyens et, sans doute, la plus grande et la plus
belle conquête de la République. Si tel n'était pas le cas, il faudrait alors
rayer ce mot des frontons des mairies de nos villages et de nos villes rurales,
monsieur le ministre !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en
prolongement des excellentes interventions de mes amis Ivan Renar, au nom du
groupe communiste républicain et citoyen, et Annie David, rapporteur pour avis
de la commission des affaires culturelles, que je félicite pour son rapport,
enrichi par rapport à l'année dernière, je souhaite aborder la question,
cruciale, du recrutement et de la formation des enseignants, question à
laquelle notre pays doit faire face dans les années à venir.
Deux dimensions doivent être prises en considération, la dimension
quantitative du renouvellement de près de la moitié du corps enseignant sur la
prochaine décennie et la dimension qualitative de la préparation à un métier
délicat, en incessante mutation, qui doit bénéficier d'une recherche
permanente, à l'image du reste de la société.
A ce propos, monsieur le ministre, quelles seront les conséquences du
transfert à Lyon de l'INRP, l'Institut national de recherche pédagogique ?
Les orientations prises dès maintenant seront décisives pour satisfaire les
besoins considérables de recrutement, pour réussir les adaptations et les
transformations nécessaires dans la formation des enseignants, gages de la
réussite des nouvelles générations d'élèves, donc de la réussite future de la
France dans le monde.
C'est pourquoi les engagements du Gouvernement doivent être forts, précis et
programmés. Nous avons avancé dans ce sens.
Certains d'entre eux le sont déjà, à l'instar du plan pluriannuel de
recrutement que nous avons adopté l'année dernière, 165 000 postes devant être
mis aux concours des cinq prochaines années. Il en est de même des dispositions
complémentaires portant sur l'information, le calendrier des concours et les
mesures d'accompagnement des stagiaires.
Cependant, une crainte importante subsiste, confortée par les données
relatives aux inscriptions aux concours qui nous parviennent de plusieurs
académies. On redoute, en effet, que la réalisation du plan pluriannuel ne soit
compromise ou tout au moins affectée par une possible « crise des vocations »,
selon la formule usitée.
L'existence d'un vivier de candidats est un enjeu fondamental et appelle, de
notre point de vue, l'extension d'une disposition qui vient d'être mise en
oeuvre, notamment pour l'enseignement professionnel, je veux parler du
rétablissement des prérecrutements sur le modèle des anciens IPES.
Cette mesure stimulerait, à l'évidence, l'émergence d'un vivier nouveau de
postulants et, autre aspect que je tiens à mettre en avant, permettrait, en
favorisant la démocratisation des études supérieures, de diversifier plus et
mieux les origines, les profils, les expériences des futurs enseignants, et
d'enrichir, par le fait, les apports à l'ensemble du système éducatif et de ses
acteurs, élèves, parents et personnels.
La création des IUFM, voilà dix ans, a marqué une étape importante dans la
formation des enseignants. Je peux en témoigner pour m'y être impliquée comme
parlementaire ayant participé à l'élaboration de la loi d'orientation de 1989
et en tant qu'actrice, sur le terrain, pour l'IUFM de Créteil, avec l'exécutif
du conseil général du Val-de-Marne.
Ainsi, monsieur le ministre, notre conseil d'administration a entamé une série
de concertations s'étalant sur plusieurs jours pour débattre de la formation
des enseignants. Il faudrait, pensons-nous, que nous arrivions à maintenir,
dans l'académie de Créteil, les élèves professeurs qui y auront été formés.
Mais, aujourd'hui, il nous faut envisager des développements nouveaux dans les
contenus de formation, pour faire des enseignants de véritables professionnels
aptes à permettre aux enfants de développer leurs potentialités de manière
optimale, aptes à traiter les difficultés scolaires, à mesurer tous les enjeux
de l'intégration et de la citoyenneté, à oeuvrer toujours mieux au sein d'une
équipe plurielle par ses missions et par ses compétences, à travailler en
réseau et à maîtriser les nouvelles technologies et leurs continuelles
évolutions.
C'est dire si l'environnement du métier d'enseignant deviendra de plus en plus
complexe et riche d'exigences nouvelles en termes de connaissances à maîtriser,
de recherches à mener sur l'enseignement, recherches qui devraient connaître
des développements nouveaux, et en termes d'anticipation constante des
problèmes à surmonter, tant pour la classe que pour l'enfant.
La pratique du métier devra donc nécessairement se modifier pour permettre à
l'école de tous d'être vraiment l'école de chacun, une école de haute qualité,
ouverte sur la vie, sur le monde, sur toutes les formes de la connaissance, sur
la personne, dans son individualité tout comme dans sa relation à l'autre et à
la société. Moins que jamais l'enseignement sera un travail solitaire ; au
contraire, il sera plus que jamais un travail solidaire.
Le temps de la réflexion et de l'action, monsieur le ministre, s'impose donc
pour que les instituts de formation puissent remplir leur mission de la manière
la plus efficace et la plus accomplie qui soit - et je sais que c'est une de
vos préoccupations - au service de ce métier d'enseignant qui doit pouvoir
demeurer attractif et gratifiant, tant il est précieux et décisif pour
construire l'avenir de toute une nation.
Dans l'académie de Créteil, nous avons décidé, en liaison avec le recteur,
d'expérimenter le « lycée des métiers » dans quatre établissements.
Aussi, monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen souhaitent que vous nous fassiez part de vos intentions, notamment sur
la question du rétablissement des pré-recrutements.
Monsieur le ministre, le 11 septembre dernier, nous étions ensemble à
Choisy-le-Roi, avec Marie-George Buffet, pour soutenir les élèves du collège
Matisse, qui avaient élaboré une charte contre la violence. Avant-hier soir, à
Créteil, nous avons entendu plus de 300 collégiens, représentant les 101
collèges du Val-de-Marne, confronter leurs points de vue. C'était très
intéressant !
Enfin, je me réjouis que vous ayez décidé de confier à Mme Martine Storti,
inspectrice générale de l'éducation nationale, une mission en vue de la
reconstruction du lycée français de Kaboul.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
Mme Hélène Luc.
Jeudi dernier, déjà, lors de la discussion du budget de la coopération, j'avis
suggéré à M. Védrine que la France participe à cette tâche.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Je suis prête à m'investir dans cette mission.
Ce sera l'honneur de la France, qui reconnaîtra ainsi l'importance du français
à l'étranger, puisque de nombreux professeurs français enseignent dans ce grand
lycée de Kaboul. Ce sera aussi un hommage rendu aux femmes afghanes qui ont
continué d'enseigner dans des conditions épouvantables, parfois même dehors ou
dans des caves, en bravant l'interdiction des talibans.
Votre décision est une très bonne chose, et je vous remercie de l'avoir prise
rapidement.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - M. le rapporteur spécial applaudit
également.)
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
J'applaudis la fin de votre intervention, chère
collègue !
M. le président.
La parole est à M. Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon
collègue et ami René-Pierre Signé l'a souligné, le projet de budget qui nous
est présenté aujourd'hui est reconnu comme l'un des meilleurs que l'éducation
nationale ait connus.
M. Hilaire Flandre.
Le plus coûteux !
M. Jean-Marc Todeschini.
Son montant le place de loin en tête du budget de l'Etat, avec une remarquable
progression de 4,1 % des crédits de l'enseignement scolaire.
Notre école a besoin de moyens ; ce budget les lui donne. Elle a aussi besoin
de sérénité et de confiance ; les voies tracées depuis plusieurs années,
notamment par vous-même, monsieur le ministre, les lui apportent.
L'amélioration des moyens a permis de restaurer la confiance dans les
relations entre parents, élèves et personnels. Sachant que les effectifs
d'élèves diminuent de 0,5 % par an, l'augmentation des crédits permettra de
créer des postes destinés à corriger les inégalités et à améliorer les
conditions de travail de tous.
En effet, je viens de le dire, les crédits de l'enseignement scolaire
augmentent de 4,11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, quand
le budget global de l'Etat ne progresse que de 2 %. Cela représente la plus
forte croissance des crédits de l'enseignement scolaire depuis six ans.
M. Hilaire Flandre.
On achète la paix sociale !
M. Jean-Marc Todeschini.
Plus de 10 000 emplois seront créés, dont 8 800 en application du plan
pluriannuel de recrutement, qui devient aujourd'hui une réalité. De même sera
poursuivi le rattrapage en faveur des ATOSS.
Ce budget apportera donc une amélioration à la situation des personnels, même
si, monsieur le ministre, certaines catégories méritent encore une attention
particulière, - j'y reviendrai.
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2002 permet également de tenir les
engagements pris sur la maîtrise des savoirs fondamentaux dès l'école primaire,
plus particulièrement du français, ainsi que sur l'initiation à une langue
vivante dès le CE2, et plus tard en grande section de maternelle. Pour cette
initiation aux langues vivantes, 110 millions de francs sont prévus ; la France
pourra ainsi rattraper son retard sur d'autres pays européens.
Je relève avec intérêt la relance des internats, qui offrent un cadre apaisé à
des enfants en difficulté et qui peuvent devenir pour eux une clé pour la
réussite.
Des mesures nouvelles sont également prises en faveur des élèves socialement
défavorisés, grâce à la création de 10 000 nouvelles bourses des collèges,
auxquelles s'ajoutent 80 millions de francs destinés à aider les familles des
élèves boursiers internes.
Je soulignerai enfin les efforts qui portent sur le plan « Handiscol » pour
l'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire, la
pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire et le doublement de la prime
d'équipement versée en première année de lycée professionnel.
Toutes ces mesures recueillent l'approbation du groupe socialiste.
Je salue encore la fin du déclin de l'enseignement professionnel, positive
pour notre pays.
Je veux maintenant insister sur l'importance de la validation des acquis
professionnels, qui m'apparaît comme une responsabilité essentielle de
l'éducation nationale, en liaison avec les partenaires sociaux. Elle seule
garantit l'homogénéité et le niveau des qualifications acquises dans l'ensemble
du pays.
La validation des acquis professionnels est une révolution culturelle,
bénéfique à la fois pour la gestion des ressources humaines dans les
entreprises et pour l'enrichissement des enseignements.
Il est important de maintenir le concept de « professionnalisation durable »
enchaînant formation initiale, formation continue et validation des acquis
professionnels, chaque étape étant sanctionnée par un diplôme reconnu au niveau
national. Malheureusement, cette validation des acquis professionnels reste
insuffisamment pratiquée dans les entreprises et dans certaines universités.
Le budget pour 2002 prépare également l'avenir en renforçant les recrutements
et en accordant une place particulière à la formation des futurs enseignants.
Ainsi, monsieur le ministre, vous avez annoncé, le 27 février 2001, un plan de
rénovation concernant notamment la deuxième année d'IUFM, plan qui permettra
aux futurs enseignants de mieux prendre en compte la réalité des classes.
J'en viens aux critiques formulées par le rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, qui a estimé que ce budget traduisait un
emballement de la dépense publique d'éducation.
Bien sûr, la qualité d'un budget ne s'apprécie pas seulement à ses éléments
financiers, même si ceux-ci sont indispensables. Néanmoins, je préfère un
budget qui prévoit des créations de postes et une augmentation des moyens à un
budget qui les réduit.
Je rappellerai pour l'exemple qu'en 1996 le budget de l'enseignement scolaire
a été réduit de 1,47 % et que 5 212 postes d'enseignants ont été purement et
simplement supprimés en 1997.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Jean-Marc Todeschini.
Il est facile de critiquer l'augmentation des dépenses publiques
d'enseignement scolaire, mais c'est ce même enseignement public et laïque qui
garantit l'unité de la République et offre à chacun de nos enfants les mêmes
outils de promotion sociale et de liberté.
M. Philippe Marini.
Il faudrait accroître l'efficacité de l'enseignement et non le seul nombre
d'enseignants !
M. Jean-Marc Todeschini.
A cet égard, je tiens à souligner l'incohérence de certains élus - élus de
l'opposition, il est vrai - qui n'hésitent pas à qualifier votre ministère de «
budgétivore » et, dans le même temps, se félicitent, par exemple, du plan de
relance de l'internat et regrettent que l'on n'y ait pas affecté davantage de
moyens ! Ce sont les mêmes élus qui, à la moindre prévision de fermeture de
classe, n'hésitent pas à s'insurger et à protester.
J'aborderai maintenant la réforme du statut des directeurs d'école.
Aujourd'hui, en Moselle, par exemple, 139 écoles restent sans directeur et
doivent recourir à un instituteur ou à un professeur des écoles faisant
fonction ».
Certes, la revalorisation, programmée sur deux ans, de l'indemnité de sujétion
spéciale apporte une première réponse, mais des problèmes persistent, et la
grève administrative décidée par les directeurs se poursuit. Nombreux sont ceux
qui dénoncent le fait que les décisions relatives aux décharges horaires,
laissées au libre choix des départements, entraînent des disparités importantes
à travers la France.
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, d'affirmer à l'Assemblée nationale
que la question des directeurs d'école n'avait jamais été traitée sérieusement,
et certainement pas par les gouvernements précédents.
M. René-Pierre Signé.
Ils n'ont rien fait !
M. Jean-Marc Todeschini.
Peut-on espérer s'acheminer vers une prochaine solution du problème et rendre
attractives ces tâches de directeur d'école, dont on connaît l'importance ?
Je ne m'étendrai pas sur la situation des professeurs des écoles dans les
sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, mais leur
revendication se poursuit, et je sais que vous êtes disponible pour l'examiner,
monsieur le ministre.
J'en viens à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
La signature d'un accord-cadre par quatorze syndicats représentant l'ensemble
des catégories de personnels et 75 % des agents témoigne de la qualité du
dialogue social que mène votre ministère et du pilotage exemplaire de ce
dossier.
Cependant, il semblerait que l'application de cet accord se heurte à des
difficultés au rectorat de Nancy, où une grève administrative est organisée,
grève qui concerne également toutes les inspections académiques lorraines.
Ce mouvement spécifiquement régional échappe aux syndicats et, si le
déclencheur en a été la réduction du temps de travail, il porte aussi, bien
entendu, sur d'autres points, par exemple sur les conditions de travail.
Connaissant les efforts que vous déployez, monsieur le ministre, pour engager
le dialogue nécessaire au sein de votre ministère, nous souhaiterions entendre
votre sentiment sur ce conflit ?
Pour terminer, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur une
situation locale et vous livrer quelques remarques.
J'évoquerai d'abord le cas de l'école maternelle de Luppy, dans le département
de la Moselle, qui a dû attendre jusqu'à cette semaine - c'est-à-dire trois
mois après la rentrée ! - pour que prenne fin une grève des parents d'élèves
avec occupation des locaux et que s'achève un conflit qui durait depuis février
2001.
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas si extraordinaire que cela, alors ! Il y a des problèmes ! Tout
n'est pas parfait !
M. Jean-Marc Todeschini.
Je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez ce dossier, dont plusieurs
parlementaires vous ont saisi ; vous leur avez répondu. Il semble aujourd'hui
réglé, mais je tenais à vous dire qu'il est inhabituel de voir, en Moselle, un
tel mécontentement lors d'une rentrée scolaire.
M. Philippe Marini.
C'est bien ! Ils commencent à se poser des questions !
M. Jean-Marc Todeschini.
Comme les parents d'élèves sont largement satisfaits du ministre de
l'éducation nationale et de cette rentrée, il était anormal que ce ne soit pas
le cas dans mon département.
Pour que l'administration soit crédible, elle se doit de respecter ses propres
règles. Ses décisions doivent découler de normes connues, respectées et
réellement appliquées, et ne pas être prises au mépris de toute concertation
avec les parents d'élèves.
M. Philippe Marini.
Quelle différence entre le début et la fin de l'intervention !
M. le président.
Monsieur Marini, vous qui êtes rapporteur général, je vous en prie, donnez
l'exemple ! Laissez parler l'orateur !
M. Philippe Marini.
C'est la présence de M. Signé qui me fait réagir !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Serge Lagauche.
Il n'a rien dit !
M. Philippe Marini.
Mais je ne le ferai plus, je vous le promets, monsieur le président.
M. Jean-Marc Todeschini.
Les critères présidant à l'élaboration de la carte scolaire doivent être aussi
objectifs que possible, et la procédure doit associer réellement les élus. Le
dialogue et l'écoute mutuelle doivent être de mise.
A votre niveau, monsieur le ministre, la volonté de transparence qui a présidé
à l'établissement de la carte scolaire sur la base de critères aussi objectifs
que possible est révélatrice de la concertation mise en place, avec, en
particulier, un réel partenariat entre les parents et les professeurs. Je
souhaite que ce soit aussi le cas à l'échelle des départements - dont le mien,
bien entendu.
Pour terminer, monsieur le ministre, je soulignerai à quel point nous avons
conscience que le contenu de ce budget pour l'éducation nationale n'a jamais
été aussi favorable, au moment où « l'ardente obligation » - selon vos propres
termes - de notre système éducatif d'assurer la réussite de tous les élèves
doit plus que jamais être réaffirmée. C'est un enjeu majeur pour l'avenir de
notre société il y va de l'épanouissement personnel des enfants et, plus
encore, de leur intégration citoyenne.
Le projet de budget, qui confirme la priorité accordée à l'éducation, vient
après une rentrée sereine. On ne peut donc que se féliciter de voir se
poursuivre la rénovation de notre système éducatif.
Ce budget, le plus important du pays, progresse plus qu'il ne l'a jamais fait
depuis 1993 et augmente plus, en pourcentage, que l'ensemble du budget de
l'Etat. Cela prouve l'attention que porte le gouvernement de Lionel Jospin à
l'éducation et à la formation.
Votre budget, monsieur le ministre, est un excellent budget qui permet de
préparer l'avenir. Les membres du groupe socialiste lui apporteront leur
soutien.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini.
Tout va bien, sauf en Moselle !
M. le président.
La parole est à M. Guerry.
M. Michel Guerry.
Monsieur le ministre, mon propos portera sur l'enseignement scolaire dispensé
à l'étranger à travers le réseau d'établissements de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.
Sous l'égide du ministère des affaires étrangères, l'agence remplit une
mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui est sans
pareille. Son réseau d'enseignement scolaire national est le premier dans le
monde.
Cette mission, l'agence la remplit dans des conditions financières qui,
aujourd'hui, ont atteint leurs limites.
Les rémunérations des enseignants titulaires de l'éducation nationale,
recrutés localement, viennent d'être réajustées par l'agence. Ce réajustement
n'a pu être réalisé qu'en supprimant des postes d'expatrié et en asséchant les
réserves financières de l'agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'un minimum de sang neuf venant
régulièrement de métropole est indispensable pour garantir un niveau
pédagogique convenable dans nos établissements à l'étranger. Malheureusement,
ce ne sera vraisemblablement plus possible.
Depuis plusieurs années, nous assistons également à la paupérisation de nos
compatriotes vivant hors de France.
A l'étranger, nos établissements sont privés et payants.
L'agence dispense des bourses aux familles très modestes, mais l'augmentation
incessante des frais d'écolage et des seuils trop élevés de revenus pour
l'obtention des bourses excluent progressivement les familles à revenus
intermédiaires de nos établissements.
A titre d'exemple, monsieur le ministre, je citerai quelques chiffres qui
permettent de mieux comprendre les difficultés que rencontrent les familles
françaises à l'étranger pour scolariser leurs enfants dans les établissements
du réseau de l'agence : mis en parallèle, le coût annuel d'écolage par élève et
le revenu mensuel minimum retenu par l'agence pour accorder une bourse en 2001
à un couple avec un enfant sont, à cet égard, particulièrement
significatifs.
A New York, au lycée français, les frais annuels d'écolage varient entre 50
120 et 75 180 francs suivant les classes, et le revenu minimum retenu est de 10
200 francs par mois. A Tokyo, au lycée franco-japonais, les frais annuel
d'écolage varient entre 29 000 et 35 000 francs, et le revenu minimum retenu
par l'agence est de 13 200 francs par mois. A Athènes, au lycée
franco-hellénique, les frais annuels s'établissent entre 14 700 et 18 000
francs, et le revenu minimum est de 5 833 francs par mois. A Rio de Janeiro, au
lycée Molière, les frais annuels sont de 27 160 francs et le revenu minimum est
de 5 318 francs par mois.
Les coûts d'écolage sont donc de trois à sept fois supérieurs aux revenus
minima mensuels.
Les ministres des affaires étrangères successifs, de gauche ou de droite, ont
toujours déclaré qu'aucun enfant français ne devait être exclu de notre système
d'éducation pour des raisons financières.
M. Hubert Védrine déclarait en septembre dernier devant les sénateurs et les
élus des Français de l'étranger, lors de l'ouverture de la cinquante-quatrième
session de l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de
l'étranger, que des relations de collaboration plus étroites devraient voir le
jour entre le ministère des affaires étrangères et votre ministère, monsieur le
ministre.
Au Conseil supérieur des Français de l'étranger, nous ne voyons d'autre
solution pour sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes qu'une implication
réelle du ministère de l'éducation nationale.
Nous n'y verrions que des avantages si votre ministère prenait en charge
l'envoi de davantage de professeurs dans nos établissements à l'étranger et
accordait un budget supplémentaire pour les bourses.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle, entre le
ministère des affaires étrangères et le vôtre, dans un domaine qui est
traditionnellement celui de l'éducation nationale ?
M. Védrine nous a dit, il y a quelques jours, que la question était à l'étude.
Sans vouloir être désobligeant, je ne peux m'empêcher de m'interroger. Depuis
plusieurs années, on en parle, mais rien de concret ne vient !
Monsieur le ministre, comment concevez-vous la collaboration entre l'AEFE et
votre ministère ?
Envisagez-vous d'allouer une partie des crédits de l'exercice 2002 au
financement de bourses pour les enfants français scolarisés à l'étranger ?
Pouvez-vous vous engager par ailleurs à étudier la possibilité d'accorder aux
enfants français de l'étranger la prime de rentrée dans les mêmes conditions
qu'aux écoliers de France ?
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1997,
le gouvernement de Lionel Jospin a fait de l'éducation nationale une priorité
constante, en optant pour une augmentation continue des moyens mis au service
de la modernisation de notre système éducatif et de l'école pour tous.
Le projet de budget pour 2002 respecte les engagements pris, en particulier
ceux qui l'ont été dans le cadre du plan pluriannuel de recrutement, et prépare
l'avenir dans la continuité des réformes engagées, lesquelles ne se limitent
pas à « quelques initiatives pédagogiques », malgré ce qu'en dit M. le
rapporteur pour avis.
Pour réduire les inégalités et l'échec scolaire, il faut d'abord mettre
l'accent sur les acquis fondamentaux, à savoir la maîtrise de l'oral et
l'apprentissage de la lecture.
Cet objectif est au coeur de la réforme de l'enseignement primaire, parce que
ne pas savoir lire ou mal maîtriser la lecture, comme 15 % des enfants qui
entrent en classe de sixième,...
M. Hilaire Flandre.
Ça, c'est un « acquis » de la gauche !
M. Serge Lagauche.
... c'est être voué à l'échec.
A la maternelle, priorité est donnée à l'expression orale pour mieux préparer
l'accès à la lecture et à l'écriture.
Dès la dernière rentrée, deux dispositifs contre l'échec scolaire ont été mis
en place : un repérage systématique des compétences et des difficultés est
réalisé au début de la grande section de maternelle, un autre a lieu au début
du cours préparatoire. En parallèle, sont développés des dispositifs relais et
de remédiation.
Ces mesures sont renforcées dans le plan interministériel d'aide aux élèves
atteints de troubles du langage, qui est entré en application cette année.
L'école maternelle est, en outre, une étape essentielle dans la socialisation
des enfants, et la scolarisation dès l'âge de deux ans peut à cet égard être un
atout. Je souhaiterais d'ailleurs connaître, monsieur le ministre, l'évolution
du taux de scolarisation des enfants de deux ans au cours des dernières
années.
L'apprentissage des langues vivantes à l'école se voit consacrer 100 millions
de francs. L'éducation artistique, avec la mise en place, dès la rentrée
prochaine, de 20 000 classes à projet artistique et culturel dans les écoles
primaires, mais aussi le développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication bénéficient d'un important effort
financier.
Les nouvelles technologies ne doivent pas devenir un autre facteur
d'exclusion. Or une « fracture numérique » existe déjà puisque seuls 15 % des
foyers français sont connectés à internet, pourcentage qui recouvre en fait de
fortes inégalités géographiques et sociales. Heureusement, toutes les écoles
primaires, soit 60 000 établissements, seront connectées à internet avant l'été
2002. Sachant que 65 % de ces écoles n'y avaient pas accès à la rentrée 2000,
il faut reconnaître que c'est un effort considérable d'accélération de
l'équipement.
Réduire les inégalités passe aussi par la création de 10 000 bourses au mérite
supplémentaires et le développement de l'internat scolaire public. Nous le
savons, le contexte familial et social est un lourd facteur dans la réussite
scolaire. L'internat scolaire peut s'avérer être un cadre éducatif
stimulant.
Un fonds d'aide à la création d'internats est donc prévu : dans les cinq ans à
venir, chaque département devra posséder au moins un internat en collège, en
lycée et en lycée professionnel. Afin que son coût pour les familles ne soit
pas un facteur discriminant, une prime à l'internat sera attribuée
automatiquement à tout boursier interne à compter du 1er janvier 2002.
Le plan de scolarisation des enfants et adolescents handicapés, « handiscol »,
lancé en 1999, est poursuivi, avec notamment une enveloppe de 170 millions de
francs destinée, entre 2001 et 2003, à l'équipement, essentiellement en
matériel informatique, des élèves déficients sensoriels ou moteurs. Une
formation expérimentale de personnes ressources auprès de leurs collègues
travaillant avec de jeunes déficients visuels ou auditifs a été mise en
place.
A la rentrée de 1999, le nombre d'unités pédagogiques d'intégration destinées
aux jeunes présentant un handicap mental en collège avait doublé. Pouvez-vous
nous préciser, monsieur le ministre, quel a été le développement de ces unités
depuis 1999 et quel est leur nombre à ce jour ?
L'autre axe majeur de la réforme de l'enseignement réside dans la
transformation et la diversification de la pédagogie. Il concerne tous les
niveaux de notre système scolaire, de la maternelle au lycée. La pédagogie doit
favoriser le développement de toutes les formes d'intelligence, de l'esprit
d'initiative, du sens critique, de l'imagination, de la sensibilité et de la
capacité à travailler en équipe.
Les itinéraires de découverte au collège, les travaux personnels encadrés au
lycée ou les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel dans
l'enseignement professionnel participent de cette dynamique.
Il est important également de développer l'interdisciplinarité : au lycée,
l'éducation civique, juridique et sociale, conçue comme une nouvelle activité
pédagogique et non comme une discipline supplémentaire, constitue de ce point
de vue un bon cadre. Le cloisonnement des disciplines se révèle en effet de
plus en plus artificiel et il peut même ôter tout sens aux apprentissages en «
décontextualisant » les savoirs. Ne craignons pas de nous interroger sur le
sens, et parfois le non-sens, que peuvent recouvrir les savoirs scolaires pour
les élèves.
Parallèlement, de nouvelles demandes liées à l'évolution de notre société, par
exemple l'exigence de savoirs plus opérationnels, davantage en prise avec le
monde réel, et d'une plus grande ouverture sur le monde, doivent être mieux
prises en compte.
L'Europe est notre avenir, et les enfants d'aujourd'hui sont les futurs
porteurs de l'identité culturelle européenne. Or les enseignements sur l'Europe
restent sous-développés, même si le passage à l'euro donne lieu à une forte
communication sur ce thème.
Dans son rapport annuel, l'inspection générale de l'éducation nationale,
l'IGEN, relève que « l'école, le collège et le lycée français campent sur leurs
positions nationalement acquises et n'enseignent l'Europe sous toutes ses
formes qu'à la marge, sans conviction particulière et dans la dispersion ». La
plupart des disciplines, y compris l'histoire et la géographie, n'insistent pas
assez sur la dimension européenne et, malgré des efforts pédagogiques, on « en
reste, pour beaucoup, à l'esprit des anciens programmes, centrés plus sur
l'étude des Etats que sur la présentation d'une Europe en gestation ».
C'est en tout cas le point de vue de l'IGEN, monsieur le ministre, mais je
connais votre attachement à la dimension européenne, et je ne doute donc pas
que des initiatives seront prises prochainement.
Le renouvellement de la pédagogie passe forcément par une refonte de la
formation des personnels. Vous avez donc annoncé, au début de l'année, un plan
de rénovation de la formation des enseignants.
En matière de formation initiale, il s'agit d'améliorer à la fois leur
préparation au métier et leur accompagement, au cours des deux premières années
de titularisation, vers plus de professionnalisation. Les futurs enseignants
seront également initiés aux nouvelles méthodes pédagogiques, comme l'aide
individualisée aux élèves ou les travaux personnels encadrés.
Leur formation intégrera des aspects très pratiques : préparation des conseils
de classe, rôle du professeur principal, rapports avec les parents.
La formation continue, qui vise principalement l'actualisation ou
l'approfondissement des connaissances, est renforcée. De nombreuses actions ont
été menées au cours de l'année scolaire 2000-2001 pour accompagner les
priorités et nouvelles orientations des premier et second cycles.
Notons aussi que la formation à distance, l'interactivité et l'accès à des
outils de référence au sein même des établissements se développent grâce à
Internet.
Je note avec satisfaction que M. le rapporteur pour avis a approuvé le
développement de l'internat scolaire, la programmation des recrutements et la
réduction des emplois précaires. Je ne peux cependant m'abstenir de relever les
fortes contradictions qui sous-tendent tout son rapport.
On ne peut ainsi à la fois critiquer une augmentation des crédits
principalement destinée au personnel et demander dans le même temps plus
d'emplois médico-sociaux et ATOS.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Mais si !
M. Serge Lagauche.
On ne peut pas non plus déplorer « une conception sans doute exagérément
sélective de notre enseignement, qui tend à privilégier dès l'école primaire un
apprentissage disciplinaire trop théorique au détriment des facultés créatives
des élèves » pour ensuite remettre en cause l'enseignement artistique et
culturel au motif qu'il éloigne les élèves des apprentissages fondamentaux ou
regretter que, dans le deuxième cycle, les enseignements soient organisés en
grands domaines d'activités plutôt qu'en champs disciplinaires.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
On fera une relecture ensemble, monsieur Lagauche
!
M. Serge Lagauche.
La position de la commission des affaires culturelles manque de cohérence,
tout comme la position de la majorité sénatoriale sur l'ensemble du projet de
loi de finances. Alors que dans son analyse générale celle-ci dénonçait la
dérive budgétaire, lors de l'examen de chaque projet de budget, elle plaide en
faveur de plus d'emplois - ici, en personnels ATOS - ou de plus de moyens - par
exemple pour la recherche.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Nous relirons ensemble mon rapport !
M. Serge Lagauche.
A l'inverse, le groupe socialiste, comme le Gouvernement, a une position
claire : il apporte son plein et entier soutien au projet de budget que vous
nous présentez, monsieur le ministre, car il se situe dans la continuité de
l'important effort budgétaire et réformateur engagé depuis le début de la
législature.
(Applaudissements sur les travées socialistes et du celle
groupe communiste républicain et citoyen.)
4
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du
Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. René Garrec, Paul Girod, Jean-Pierre Schosteck, Patrice
Gélard, Jean-Jacques Hyest, Simon Sutour et Robert Bret.
Suppléants : MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Jacques
Mahéas, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet et Bernard Saugey.
Mes chers collègues ; nous allons maintenant interrompre nos travaux, nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous
la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
5
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE MAURITANIE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai l'honneur et le plaisir de saluer la présence, dans
notre tribune présidentielle, d'une délégation du Sénat de la République
islamique de Mauritanie, conduite par son président, M. Dieng Boubou Farba.
Je salue tout particulièrement celui qui a pris l'initiative heureuse et
couronnée de succès de réunir à Nouakchott, en février 2001, les présidents des
sénats et secondes chambres des pays d'Afrique et du monde arabe, amorçant
ainsi le cycle des forums régionaux, le prochain devant se tenir à Rabat en
2002.
Je suis convaincu que cette rencontre renforcera, s'il en était besoin, les
liens d'amitié qui unissent nos deux pays et nos deux institutions.
Je forme des voeux pour que la Mauritanie, pays francophone, qui occupe une
place géostratégique déterminante en Afrique, poursuive dans la voie du succès
et du développement économique.
(Mmes, MM. les ministres, Mmes, MM. les
sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
Je ne doute pas que chaque intervenant aura à coeur, dans un souci d'élégance,
de respecter scrupuleusement son temps de parole, afin que toutes les questions
et les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
REVENDICATIONS DES GENDARMES
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre de la défense, les gendarmes sont en colère. Pour la
première fois, le corps le plus aimé et le plus respecté de la nation manifeste
au grand jour son mécontentement.
Les gendarmes expriment avant tout leur mécontentement devant l'insuffisance
de leurs moyens et les mauvaises conditions dans lesquelles ils doivent remplir
leur mission. De la vie familiale perturbée à l'ordinateur personnel que
certains d'entre eux sont contraints d'acheter à leurs frais pour pouvoir
travailler, les exemples ne manquent pas, à cet égard.
(Mme Pourtaud
proteste.)
Ils expriment ensuite leur mécontentement devant l'obligation qui leur est
faite d'assumer des tâches que d'autres ne peuvent plus ou ne veulent plus
accomplir. Alors que la sécurité est la première préoccupation des Français,
est-ce bien le rôle des gendarmes de contrôler l'emplacement des panneaux
publicitaires ou la conformité aux règles d'urbanisme ? Il existe des
administrations dont c'est la mission, mais ces administrations, il est vrai,
sont passées aux 35 heures, elles !
Ils expriment enfin leur mécontentement devant le manque de reconnaissance
d'une société qui accorde plus d'attention aux droits du délinquant qu'à ceux
de la victime. Qu'un gendarme ait recours à la force pour faire respecter la
loi, il est aussitôt suspecté, tout comme l'est d'ailleurs le policier en
mission dans un quartier ou l'enseignant qui tente de faire observer la
discipline dans sa classe. Ce n'est pas acceptable !
Dès lors, ne nous étonnons pas du malaise qui ronge en profondeur la
gendarmerie depuis des mois.
Les gendarmes sont attachés à leur statut militaire : c'est le coeur même de
leur engagement, ils en sont fiers et ne le remettent pas en cause. Ils ne
réclament ni droit de grève ni mise en place de structures syndicales, ils
veulent simplement être écoutés et mieux considérés.
S'ils se réjouissent des avancées obtenues par les policiers, ils ont
cependant le sentiment de ne pas être traités avec équité. Les déclarations
décevantes du Premier ministre, hier soir, ne les ont pas rassurés. Une réunion
de travail sera organisée samedi prochain : et après ?
Voilà deux ans que le dialogue avec le Gouvernement est ouvert. Les besoins
sont connus. Ce que les gendarmes attendent aujourd'hui, ce sont des
décisions.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle double.
A court terme, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour
améliorer la situation matérielle et financière des gendarmes ? Je parle ici de
mesures durables et non pas de mesures de circonstance comme celles que vous
avez annoncées hier soir au Sénat.
Aujourd'hui, vous puisez dans les crédits d'équipement militaire pour financer
l'augmentation des indemnités des gendarmes. Demain, comme l'a très bien dit
hier notre collègue Alain Lambert, vous désarmerez les gendarmes pour financer
le passage aux 35 heures.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Claude Estier.
Ça suffit ! Et les deux minutes trente ?
M. Jacques Mahéas.
Il essaie de justifier l'injustifiable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Respectez le règlement !
M. Jean-Claude Carle.
Par ailleurs, à moyen et à long terme, qu'entendez-vous faire pour permettre à
la gendarmerie d'assumer sa mission avec efficacité et restaurer ainsi, au
travers de ce corps, l'autorité de l'Etat aujourd'hui contestée ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le Gouvernement mène depuis des mois un dialogue approfondi avec les
représentants statutaires des gendarmes, ainsi qu'avec les élus des unités,
puisque nous avons mis en place un système de représentation élective dans la
gendarmerie.
M. Hilaire Flandre.
Ça n'a pas l'air de marcher !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Le Gouvernement estime que ces représentants ont
exprimé et expriment fidèlement les sentiments et les aspirations de leurs
collègues.
Nous avons déjà pris des décisions importantes, d'une portée qui n'avait pas
été telle depuis des années, en matière de rémunérations, mais des problèmes
demeurent, et le Gouvernement prend en compte la volonté loyale des militaires
de la gendarmerie nationale d'obtenir les moyens de mieux remplir leur mission
de sécurité au service des Français.
Le Gouvernement, comme le Premier ministre l'a souligné hier soir, souhaite
reprendre la concertation qui s'est déjà engagée dans le cadre du statut
militaire, que veulent en effet conserver les gendarmes. Ces derniers désirent
également demeurer au sein du ministère de la défense, même si cela ne
correspond pas à l'opinion de tout le monde. Nous pensons que cette
concertation doit concerner tous les éléments utiles au bon accomplissement de
la mission et porter à la fois sur le problème de l'harmonie des traitements
entre les deux grandes forces de police et, plus largement, sur le nouveau
projet d'avenir pour la gendarmerie nationale devant les nouveaux risques et le
nouveau contexte d'insécurité auxquels elle doit s'adapter.
C'est donc sur ces points que je travaillerai avec les représentants légitimes
de la gendarmerie. M. le Premier ministre m'en a donné mandat, et je pense que
nous trouverons des solutions bien acceptées par tous.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir respecté rigoureusement le
temps de parole qui vous était imparti.
LUTTE CONTRE LE SIDA
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé.
Samedi 1er décembre, la mobilisation a été forte, sur les cinq continents, à
l'occasion de la quatorzième journée mondiale de lutte contre le sida. Pandémie
la plus meurtrière de l'humanité, le sida, en vingt ans, a tué 20 millions de
personnes.
En France, nous sommes actuellement confrontés à un climat de relâchement de
la vigilance à l'égard du sida, relâchement qui ne touche pas que la seule
communauté homosexuelle : c'est ce que montre l'enquête de l'observatoire
régional de la santé en Ile-de-France consacrée aux « connaissances, attitudes,
croyances et comportements face au VIH-sida en 2001 » et rendue publique le 28
novembre dernier. Ainsi, selon cette enquête, « la représentation sociale du
sida se modifie et s'accompagne des premiers signes effectifs d'un relâchement
des comportements de prévention ».
La population française a une connaissance très floue des modes de
transmission. Par exemple, 24,4 % des personnes interrogées, contre 14 % en
1994, croient encore possible la contamination par piqûre de moustique. On
assiste parallèlement à une détérioration de l'image du préservatif et à une
moindre utilisation de celui-ci : en 2001, 29 % des hommes déclaraient s'en
servir, contre 37 % en 1998. Tout aussi inquiétants sont le désintérêt des
jeunes pour cette maladie et le fait qu'ils craignent beaucoup moins que leurs
aînés une contamination par le VIH, parce que le sida n'est plus considéré
comme une maladie mortelle.
Or on dénombre encore, malheureusement, entre 3 000 et 4 000 nouvelles
contaminations par an en France. Il est donc nécessaire de renforcer la
prévention. Mercredi 28 novembre, vous avez présenté en conseil des ministres
un plan triennal de lutte contre le sida. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
nous préciser les mesures et les moyens mis en oeuvre, ainsi que la stratégie
élaborée pour atteindre les groupes les plus exposés ?
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Madame le sénateur, les chiffres que vous
avez fournis sont hélas ! les bons, à une exception près. En effet, on dénombre
environ 1 700 cas nouveaux de contamination par le VIH chaque année dans notre
pays, et non pas de 3 000 à 4 000 comme vous l'avez indiqué.
Malheureusement, le relâchement que vous avez signalé est la rançon d'un
succès thérapeutique partiel et de l'efficacité des trithérapies. Ce
relâchement affecte la prévention et la protection, en particulier chez les
plus jeunes et, surtout, parmi les populations les plus marginalisées, qui sont
les plus difficiles à toucher.
Nous devons réagir devant cette situation déplorable, qui témoigne en même
temps de l'efficacité des traitements actuels, bien qu'à quelque chose malheur
ne soit jamais bon ! En effet, la mortalité due au sida a reculé de 85 % en
France, ce qui est quand même un résultat extraordinaire quelque six ans après
l'introduction des trithérapies.
Le plan que nous avons mis en place prévoit des moyens financiers importants,
à hauteur de près de 500 millions de francs. Il est axé sur la prévention,
c'est-à-dire sur l'information de groupes bien précis, alors qu'il n'était
guère possible jusqu'à présent de conduire une action ciblée. Ainsi, des films
seront projetés dans des lieux très particuliers où se rencontrent les
homosexuels.
Parallèlement, des informations seront adressées au grand public. Puisque les
groupes les plus vulnérables comptent souvent des femmes d'origine étrangère,
nous devrons par exemple traduire en vingt-cinq langues les brochures que nous
éditons. Nous essaierons de faire en sorte, je le répète, que cette campagne
atteigne les groupes les plus en danger.
Par ailleurs, si le traitement est efficace, ses effets secondaires très
lourds ne sont pas suffisamment pris en compte dans notre pays. Nous allons
tenter de remédier à cet état de chose.
Il nous faut également encourager la recherche, cette mission incombant, bien
entendu, au département ministériel qu'anime M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Nous devons d'ailleurs collaborer avec les ministères de l'éducation nationale,
de la recherche, de la famille, etc., afin d'élaborer la meilleure
stratégie.
J'ajouterai enfin que la France s'honore d'avoir été la première à proposer la
prise en charge du traitement dans les pays du tiers monde. Une conférence sur
ce thème se tiendra bientôt à Ouagadougou, et j'espère que cette action pourra
débuter à compter de janvier ou de février. Dix pays se sont joints à nous, y
compris les Etats-Unis.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
OUVRAGE DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE
SUR LES CONTRÔLES D'IDENTITÉ
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ma question s'adressait
a priori
à Mme le ministre de la justice, dont
l'absence ne me dérange cependant pas trop dans la mesure où le thème que je
vais aborder concerne l'ensemble du Gouvernement.
Un pamphlet vient d'être publié par le Syndicat de la magistrature. Il porte
un titre évocateur :
Vos papiers ! Que faire face à la police ?
Sa
couverture représente un policier affublé d'une tête de porc, et il s'apparente
à un manuel exposant comment se soustraire à la police.
De plus, ce syndicat, réuni en congrès le week-end dernier, a lancé une
polémique en s'en prenant aux policiers au motif que ceux-ci osaient regretter
que le travail qu'ils accomplissent péniblement soit ruiné aussitôt par
d'autres.
Dois-je rappeler que ces magistrats contestent ainsi aux policiers le droit de
porter un jugement sur leur action alors qu'ils ne sont pas davantage habilités
à critiquer celle de la police et de jeter le discrédit sur le travail et
l'honneur de fonctionnaires qui assurent, au péril de leur vie, notre sécurité
?
Mais il y a pis encore : ce même syndicat dénonce le « caractère arbitraire »,
je cite, des dispositions antiterroristes de la loi que nous avons votée
récemment et invite à refuser, au besoin, de les appliquer.
Cela est inadmissible !
M. Gérard Larcher.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Schosteck.
La loi votée par le Parlement, promulguée dans les formes définies par la
Constitution, est la loi de la République
(Très bien ! sur les travées du RPR)
et il est inacceptable que ceux qui
sont chargés de la faire appliquer s'autorisent à s'en dispenser
eux-mêmes,...
Un sénateur du RPR.
C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Schosteck.
... et ce sans tenir compte un seul instant du moindre devoir de réserve.
De plus, les mesures antiterroristes ont été prises pour garantir la sécurité
publique, dans un contexte de guerre que nous connaissons.
Elles sont nécessaires, et la loi ne peut pas ne pas être appliquée au seul
motif qu'une profession qui n'appréhende pas la réalité de l'adversaire
invisible que nous avons à affronter peut se soustraire à ses devoirs.
L'une des ombres tutélaires, Portalis - sa statue est dans l'hémicycle - qui
veille sur nos travaux, disait : « Les magistrats sont la bouche de la loi
».
M. le président.
Veuillez poser votre question mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Schosteck.
J'y viens, monsieur le président.
Ces déclarations nous confirment, si besoin était, la nécessité de conserver
en matière d'action publique un contrôle de l'exécutif sur l'administration de
la justice.
Ma question est donc double. Que comptez-vous faire pour que cette loi soit
appliquée ? Le Gouvernement est-il toujours aussi convaincu que l'indépendance
des magistrats, spécialement ceux du parquet, constitue une garantie pour la
démocratie ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je salue la présence au
banc du Gouvernement de M. le Premier ministre.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit
également.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, j'ai déjà dit à plusieurs
reprises ce que je pensais de la couverture et de certains passages du livret
émanant d'une organisation syndicale. J'ai aussi dénoncé la manière choquante
et insultante dont on traite ainsi la police nationale, la police de notre
pays.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
La police est là pour assurer la sécurité et faire appliquer le droit. Vous
savez bien qu'elle le fait quelquefois dans des conditions difficiles, parfois
même avec des morts et des blessés.
M. Serge Vinçon.
De plus en plus souvent !
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est donc plus que malvenu de la mettre en
cause dans un livre et de la représenter en couverture avec une tête de
porc.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est pourquoi, après avoir saisi ma collègue de
la justice et fait vérifier juridiquement la possibilité de saisir la justice,
j'ai déposé hier matin, en tant que responsable de la police nationale, une
plainte auprès du parquet de Paris...
MM. Dominique Braye, Gérard Larcher et Jean Chérioux.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... pour injures et diffamation publiques envers
la police nationale.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Renar
applaudit également.)
Je pense que cet élément d'information ne vous
surprendra pas.
Concernant la seconde partie de votre question, monsieur Schosteck, j'aurai
l'occasion de répondre à l'un de vos collègues, qui m'a informé que sa question
porterait sur le problème de la loi relative à la sécurité quotidienne,
contestée, semble-t-il. Avant de développer tout à l'heure et pour rester dans
le temps qui m'est imparti, je dirai simplement que la loi est votée par le
Parlement et qu'elle s'applique à tous. La police l'applique. Les magistrats
doivent bien sûr l'appliquer : c'est leur métier !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées de l'Union
centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants et du RDSE.)
DÉLAIS DE MOBILISATION DE CRÉDITS
DE RÉINDUSTRIALISATION
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, est relative à la nécessité d'accélérer les processus de mise en
oeuvre des mesures d'urgence décidées par l'Etat.
Le Gouvernement peut être amené à adopter des mesures exceptionnelles pour
faire face, dans l'urgence, à des situations graves qui menacent certains de
nos compatriotes. Ce fut le cas de la tempête de 1999, de la crise de la fièvre
aphteuse, des inondations, notamment dans la Somme, et, récemment, de la
situation de Moulinex en Basse-Normandie, un des plus grands sinistres
industriels de l'après-guerre.
M. Gérard Larcher.
En effet !
M. Alain Lambert.
Au-delà de l'importance des moyens financiers annoncés, qui peut prêter à
débat, ce qui rassemble tous les Français, c'est la nécessité d'accélérer le
processus de versement des aides. Tout retard ruine l'espoir des familles dans
l'action de l'Etat. La réindustrialisation des sites industriels fermés est
très urgente. La situation des sous-traitants est tragique.
Monsieur le ministre, quelles procédures pouvez-vous mettre en oeuvre pour que
les crédits annoncés puissent être immédiatement consacrés aux actions décidées
pour créer autant d'emplois qu'il en a été supprimé, ainsi que l'engagement en
a été pris ?
Vous avez souhaité que les collectivités territoriales - et ce sera le cas du
conseil régional de Basse-Normandie, présidé par M. René Garrec - cofinancent
avec l'Etat des actions qui sont choisies d'un commun accord. Pouvez-vous, cet
après-midi, prendre l'engagement solennel, au nom du Gouvernement, que les
crédits d'Etat seront utilisables au même rythme que les crédits des
collectivités ? En un mot, pouvez-vous, dans cette très douloureuse situation,
garantir que les crédits annoncés se traduiront immédiatememnt en actes,
rendant ainsi espoir à tous ceux qui souffrent ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, je sais avec quel soin et quel souci vous suivez, avec certains de
vos collègues, la question dramatique liée à la tragédie - il n'y pas d'autre
mot ! - de Moulinex en Normandie.
Je veux vous répondre précisément sur la procédure et sur le fond, puisque les
deux sont liés, en vous disant trois choses.
Premièrement, s'agissant de la réindustrialisation de ces sites, la procédure
de sélection des organismes compétents pour le développement économique local a
été lancée début septembre. La première phase de sélection est achevée. Des
conventions seront passées avant la fin du mois avec les organismes retenus.
Ceux-ci seront au travail début 2002 dans tous les bassins d'emploi affectés
par la restructuration de Moulinex. Ils identifieront les projets créateurs
d'emplois, soutenus, je vous le confirme, par une garantie d'emprunt
exceptionnelle à 70 %.
Une dotation du secrétariat d'Etat à l'industrie de 40 millions de francs
permettra d'assurer le financement de l'ensemble de ces actions, qui
bénéficieront par ailleurs d'un soutien des collectivités territoriales.
L'objectif commun, c'est, dans chaque bassin d'emploi, la création d'un nombre
d'emplois équivalent à ceux qui ont été détruits par la restructuration.
Deuxièmement, plusieurs mesures territoriales visant la requalification des
sites, le soutien des pôles d'activité et l'accueil d'activités nouvelles
feront l'objet d'un engagement de l'Etat d'environ 120 millions de francs sur
trois ans, dont une partie très importante, je vous le confirme, sera engagée
dès 2002. Evidemment, la mise en oeuvre concrète de ces actions inscrites dans
la convention entre les collectivités territoriales et l'Etat dépendra de leur
degré de préparation. Il faut donc que nous nous mobilisions tous. Pour ce qui
concerne l'Etat, nous mettrons dès le début 2002 à la disposition du préfet de
la région Basse-Normandie les moyens nécessaires au financement des dépenses
prêtes à être engagées. Donc, pour répondre à votre question, les crédits
seront là.
Troisièmement, la semaine dernière, j'ai moi-même, par lettre exprès, rappelé
au préfet et aux services financiers de Basse-Normandie la nécessité impérieuse
de respecter les délais les plus brefs dans la totalité des procédures qui
engagent l'Etat, pour l'instruction, pour le versement des aides destinées aux
entreprises en difficulté ou à leurs salariés comme pour l'examen des demandes
d'étalement des dettes fiscales.
Répondant à votre question, je demande donc de nouveau à tous de se mobiliser,
et très rapidement, car, vous l'avez fort bien souligné, la rapidité, la
disponibilité et la simplicité sont les règles qui doivent prévaloir dans cette
circonstance douloureuse. Je renouvelle l'engagement que les crédits seront là
et qu'ils pourront être mobilisés à tout moment.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
plusieurs travées de l'Union centriste.)
SITUATION AU PROCHE-ORIENT
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, depuis quelques jours, le Proche-Orient
s'embrase dangereusement. Par dizaines, des enfants, des femmes et des hommes
sans défense sont sacrifiés aveuglément, des familles sont meurtries à
jamais.
Des odieux attentats perpétrés à Jérusalem et Haïfa aux brutales représailles
ordonnées par le Premier ministre israélien, c'est bien l'idée même de la
recherche de la paix qui est remise en cause. Or, il n'y a pas de solution
militaire au conflit, il y a seulement une solution politique.
M. René-Pierre Signé.
Oui !
Mme Hélène Luc.
Alors que la plupart des dirigeants de ce monde, y compris George W. Bush,
reconnaissent le bien-fondé de la coexistence entre un Etat d'Israël dont la
sécurité devra être enfin garantie et un Etat palestinien dont le droit à
l'existence sera enfin reconnu, ce sont les extrémistes qui, aujourd'hui,
voudraient imposer leur stratégie suicidaire, dont personne ne peut prévoir les
conséquences.
La tentative d'éliminer Yasser Arafat de la scène politique serait lourde de
conséquence pour l'avenir. Comme vous l'avez déclaré hier soir, monsieur le
Premier ministre, ce n'est pas le bon choix.
La France, tout en exprimant sa solidarité avec le peuple israélien, s'honore
d'apporter un soutien nécessaire et remarqué à cet homme qui, dans un contexte
particulièrement difficile, représente la légitimité pour toute solution à la
crise actuelle.
Aujourd'hui, il faut agir avant qu'il ne soit trop tard afin que ces deux
peuples ne soient pas emportés par le vertige d'une vengeance sans fin.
La diplomatie française a pris une position qui la distingue et qui l'honore,
en appelant les deux parties à faire preuve de responsabilité.
M. René-Pierre Signé.
Le Premier ministre !
Mme Hélène Luc.
Monsieur le Premier ministre, la France devrait proposer et mettre en oeuvre
une initiative avec l'Europe, les Etats-Unis, en associant les Etats concernés
comme l'Egypte, pour l'envoi dans les plus brefs délais d'une force
d'interposition sous l'égide de l'ONU, pour arrêter la violence et permettre de
créer les conditions d'une reprise authentique des négociations. Elle peut
aboutir rapidement à une conférence internationale.
M. Dominique Braye.
La question !
Mme Hélène Luc.
Monsieur le Premier ministre, la France peut, par ses initiatives, donner une
chance à la paix. Elle a l'autorité morale, reconnue par les deux pays, pour y
contribuer. Elle devrait faire savoir immédiatement qu'elle est prête...
M. le président.
Posez votre question, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
... à participer à une force d'interposition. La situation dramatique appelle
des décisions fortes.
M. Patrick Lassourd.
La question !
Mme Hélène Luc.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais avoir votre avis sur cette
proposition.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Vous avez dépassé le temps qui vous était imparti, madame Luc !
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Madame la
sénatrice, M. Hubert Védrine étant à Bruxelles - il vous prie d'excuser son
absence -, il m'a demandé de répondre à votre question.
Les attentats survenus samedi et dimanche à Jérusalem et à Haïfa ont provoqué
la révulsion, soulevé l'indignation. Rien ne peut justifier de tels actes
criminels. En outre, ce sont les espoirs de paix que les terroristes cherchent
à détruire.
La France a renouvelé ses appels aux dirigeants palestiniens et israéliens
pour engager le sursaut nécessaire qui mettra fin à l'effusion de sang. Tout
doit être fait pour juguler la violence kamikaze qu'a choisie le terrorisme
pour s'exprimer. Nous l'avons clairement demandé à l'autorité palestinienne,
mais la vraie urgence aujourd'hui, c'est d'aider l'autorité palestinienne à
mener concrètement la lutte contre le terrorisme.
Dès lors, toute politique, toute action visant à affaiblir Yasser Arafat et
l'autorité palestinienne ne peut qu'être source de dangers plus grands encore.
On ne peut à la fois leur demander d'agir et leur ôter les moyens d'agir.
C'est ensemble qu'Israéliens et Palestiniens doivent sortir de l'impasse,
c'est ensemble qu'il leur faut, en priorité, retrouver les ressorts d'une
coopération en matière de sécurité pour le bien de chacun. Si les parties ne
peuvent y parvenir seules, elles doivent accepter que leurs partenaires de la
communauté internationale les aident à surmonter les obstacles et les
oppositions internes qui existent dans chaque camp. Le réengagement américain,
soutenu par l'Union européenne, peut les aider à y parvenir. C'est le sens de
la coalition internationale pour la paix et la sécurité au Proche-Orient que
nous souhaitons voir se constituer avec tous les partenaires intéressés à la
recherche de la paix.
M. Roland Muzeau.
Sharon la refuse !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
La communauté internationale doit se mobiliser
davantage pour aider les parties à rompre la spirale de la violence : avec le
temps qui passe, au Proche-Orient, ce sont des morts supplémentaires et des
souffrances inutiles infligées aux populations.
Quant à l'éventualité d'une force de protection, la France soutient - elle l'a
soutenu dès le sommet de Gênes - un tel mécanisme de surveillance. Encore
faut-il que les parties en soient d'accord, ...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... qu'elles se soient entendues pour faire cesser la
violence. Nous sommes en tout cas prêts à y contribuer. Tel est l'objectif
auquel je peux vous assurer que la France continue à travailler avec toute sa
détermination.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
DÉLOCALISATION DES ENTREPRISES FRANÇAISES
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, devant l'inversion probable de la croissance économique
mondiale, aggravée par les attentats du 11 septembre, vous avez sollicité le
peuple français dans son patriotisme économique. Vous avez eu raison.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Vous vous êtes placé ainsi dans le droit-fil du président Bush, qui est
tenant d'un libéralisme tonique.
(Exclamations ironiques sur les travées socialistes.)
Ce dernier a
illustré son appel au peuple américain en montrant l'exemple et en injectant
instantanément 1,6 % du PIB américain, soit plus de 800 milliards de francs.
Certes, il en avait la possibilité, dans la mesure où son budget est en
excédent depuis 1998. Or cela ne vous est, hélas ! pas possible, même à votre
échelle, puisque vous avez annoncé un déficit accru.
M. Patrick Lassourd.
Quelle gabegie !
M. Aymeri de Montesquiou.
Tout au contraire, vous avez accepté - et vous avez même décidé, en tant
qu'actionnaire principal avec 44,2 % des parts - l'implantation de la holding
de Renault aux Pays-Bas.
Considérez-vous que le binôme « impôts-charges » décourage les entreprises
françaises de rester sur notre territoire, comme l'a laissé entendre le rapport
Charzat ? Et, par-dessus tout, monsieur le ministre, considérez-vous que la
délocalisation du coeur de l'entreprise française la plus emblématique soit une
illustration de cet appel au patriotisme économique ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Et Toyota ?
M. le président.
Souhaitez-vous intervenir, monsieur Signé ?
(Allez-y, monsieur Signé ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Patrick Lassourd.
Collez-lui du sparadrap !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, ma réponse vous permettra au moins de compléter votre information.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne reviendrai pas sur vos comparaisons budgétaires, car les situations ne
sont pas les mêmes aux Etats-Unis et en France. Je dirai d'un mot, pour ne pas
nous entraîner dans un long débat, qu'il serait plus facile aujourd'hui d'avoir
un excédent budgétaire si M. le Premier ministre, en arrivant, n'avait pas
trouvé dans sa « corbeille » 300 milliards de francs de déficit.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives exclamations sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Je vous remercie de m'approuver !
(Sourires sur les travées
socialistes.)
M. Dominique Braye.
Quel humour !
M. Patrick Lassourd.
Qu'avez-vous fait de la croissance ? Et la « cagnotte » ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
S'agissant de
Renault, je vais parfaire votre information, monsieur de Montesquiou :
l'opération annoncée par les deux constructeurs n'a en aucun cas pour effet de
déposséder les organes sociaux de leurs compétences, les conseils
d'administration de Renault seront composés de la même manière qu'avant et
l'activité de Renault en France reste inchangée. Il en est de même pour les
dividendes versés aux actionnaires.
La constitution d'une société de « pilotage » du groupe aux Pays-Bas permet à
Renault et à Nissan de franchir une étape supplémentaire dans leur alliance et
de gérer dans une société commune un certain nombre de grandes décisions
stratégiques. Surtout, monsieur le sénateur, ce que vous n'avez pas mentionné,
elle permet d'agir sans modifier en rien l'activité en Europe et en France tout
en étant à l'abri, compte tenu de la spécialité de droit néerlandais, de toute
ingérence extérieure.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Voilà la réalité
!
Quant au patriotisme économique, il pourra s'exprimer car cette opération
Nissan-Renault est une très belle opération du point de vue des intérêts de la
France : elle favorisera la constitution du troisième ou du quatrième groupe
mondial de l'automobile, ce qui n'était pas évident il y a quelques années. De
cette façon, la recherche, les installations industrielles, les savoir-faire,
les nouveaux modèles pourront être développés, notamment en France, et les
ingénieurs, les salariés et les sous-traitants de Renault pourront ainsi être
présents sur tous les marchés du monde, y gagner des parts de marché et
développer l'emploi.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
CRITIQUES DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE
SUR LES DISPOSITIONS ANTITERRORISTES
DE LA LOI « SÉCURITÉ QUOTIDIENNE »
M. le président.
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, ma question s'adressait à Mme le garde des
sceaux, mais elle est absente. J'ai cependant cru comprendre de la réponse du
ministe de l'intérieur à mon éminent collègue M. Schosteck qu'il partageait sa
réponse entre nous deux.
J'en viens à mon propos.
Si j'en crois les citations publiées récemment dans la presse, le 2 décembre
dernier, le Syndicat de la magistrature a appelé l'ensemble des magistrats
judiciaires « à soulever d'office lors de décisions particulières les moyens
tirés de l'inconstitutionnalité de dispositions législatives » destinées à
lutter contre le terrorisme qui figurent dans la loi sur la sécurité
quotidienne.
M. Jean Chérioux.
C'est inacceptable !
M. René Garrec.
Le Syndicat de la magistrature demande aux magistrats d'« en écarter au besoin
l'application », et même d'annuler des procédures liées à l'application de la
loi.
Face à des propos qui visent à s'opposer au texte voté par le Parlement - sur
l'initiative du Gouvernement, je le rappelle, monsieur le ministre, et Dieu
sait que nous étions à vos côtés à ce moment-là - je voudrais connaître votre
réaction. Je souhaite surtout savoir quelles mesures vous envisagez de prendre
afin de sanctionner de telles consignes, voire ceux qui les suivraient.
Je vous rappelle que l'article 10 de l'ordonnance de 1958 sur le statut des
magistrats précise qu'est interdite aux magistrats toute démonstration de
nature politique incompatible avec la réserve que leur impose leur
fonctions.
J'aimerais que votre réponse ne soit pas celle qu'aurait pu me faire Mme le
garde des sceaux et selon laquelle vous ne pourrez rien faire tant que le
Congrès du Parlement n'aura pas été réuni à Versailles.
M. René-Pierre Signé.
Qui ne l'a pas réuni ? C'est Chirac !
M. René Garrec.
Le seul objet de ce Congrès, je le rappelle pour mémoire, était de modifier la
composition du Conseil supérieur de la magistrature et son rôle de
nomination.
M. René-Pierre Signé.
C'est la faute à Chirac !
M. René Garrec.
Cette réforme, que nous connaissons bien pour l'avoir votée - je l'ai
personnellement votée - n'est en effet pas nécessaire pour faire respecter la
discipline des magistrats, elle ne change rien à la procédure statutaire, dont
le garde des sceaux est responsable au premier chef puisqu'il lui appartient de
saisir le Conseil supérieur de la magistrature des manquements
disciplinaires.
Ne nous dites pas non plus...
M. René-Pierre Signé.
Il fait les questions et les réponses !
M. René Garrec.
... que le garde des sceaux prendra une circulaire après nous avoir répété que
celles-ci ne pouvaient concerner que la politique pénale à mettre en oeuvre par
les procureurs. Au demeurant quel crédit les membres du Syndicat de la
magistrature y accorderont-ils après que leur secrétaire a affirmé ne plus
accorder « aucune confiance » au garde des sceaux ?
(La question ! sur les travées socialistes.)
Dans une autre affaire concernant ce même syndicat, vous-même, monsieur le
ministre de l'intérieur, ici présent,...
M. René-Pierre Signé.
La question !
M. René Garrec.
... avez indiqué avoir porté plainte.
Hier soir, M. le Premier ministre nous a fait savoir...
M. René-Pierre Signé.
La question !
M. René Garrec.
Vous auriez dû écouter le Premier ministre, mon cher collègue !
Mme Hélène Luc.
M. Garrec a dépassé son temps de parole, monsieur le président !
M. le président.
Moins que vous, madame Luc !
M. René Garrec.
Hier soir, le Premier ministre a fait savoir qu'il avait retardé la nomination
à un nouveau poste d'un magistrat. Envisagez-vous, monsieur le ministre,...
M. René-Pierre Signé.
Ah ! voilà la question !
M. René Garrec.
... en l'absence de Mme le garde des sceaux, de saisir sans délai le Conseil
supérieur de la magistrature ?
Pensez-vous au contraire, à l'instar du Syndicat de la magistrature, que les
dispositions sur le terrorisme que le Gouvernement nous a présentées et que
nous avons votées marquent l'installation d'un état d'exception et une
suspension des libertés publiques ? Ou bien pensez-vous, comme M. le Premier
ministre, qui est ici présent, que la multiplication de ce type de faits...
M. René-Pierre Signé.
Nous ne vous écoutons plus !
M. René Garrec.
Cela ne fait pas de mal, d'écouter de temps à autre !
(Protestations sur les travées socialistes.)
Moi, je vous écoute avec
plaisir.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Garrec !
M. René Garrec.
Ou bien pensez-vous, disais-je, que la multiplication de ce type de fait n'est
aucunement due à des dysfonctionnements de la justice ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, ma collègue Mme Lebranchu
est à Bruxelles, où se tient une réunion du Conseil européen « justice ». J'y
serai d'ailleurs moi-même demain pour un Conseil consacré aux affaires
intérieures.
Un syndicat de magistrats de l'ordre judiciaire...
M. Charles Revet.
De gauche !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ne soyez pas en contradiction avec la question
de M. Garrec !
M. Charles Revet.
Mais non !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Un syndicat de magistrats de l'ordre judiciaire
a appelé l'ensemble des magistrats à soulever d'office dans les procédures qui
leur sont soumises une prétendue inconstitutionnalité de certaines dispositions
de la loi relative à la sécurité quotidienne. Or ces dispositions, faut-il le
rappeler, ont été adoptées dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et
par le Sénat,...
M. René-Pierre Signé.
C'est comme pour la présomption d'innocence !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... après un travail très sérieux, notamment
s'agissant de toutes les mesures anti-terroristes à caractère temporaire
proposées, vous l'avez dit, monsieur Garrec, par le Gouvernement pour lutter
contre d'éventuels actes terroristes.
M. René-Pierre Signé.
Ils les ont votées !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Seul le Conseil constitutionnel a le pouvoir
général d'apprécier la constitutionnalité des lois, lorsqu'il est saisi dans le
cadre des procédures prévues par la Constitution.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Hélas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Pour conclure, je tiens à rappeler que les
magistrats ont pour mission de veiller à l'application de la loi, et d'abord de
l'appliquer eux-mêmes.
Faut-il le rappeler, la loi est l'expression de la volonté populaire, formulée
par les représentants élus de la nation au Parlement, qui sont seuls habilités
à la voter.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Dominique Braye.
Exactement !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Enfin, je ne peux pas ne pas faire allusion à la
question que vous avez évoquée au sujet du Conseil supérieur de la
magistrature, mais je crois que c'est un sujet qui ne peut souffrir de
commentaires divergents : un projet de loi constitutionnelle a été adopté dans
les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat pour modifier la
composition de ce Conseil, et l'on pouvait effectivement envisager que, dans le
cadre des réformes voulues par tous, cette réforme interviendrait dans le cadre
d'une réunion du Congrès en janvier 2000.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est un faux-fuyant !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais force est de constater qu'un certain nombre
de parlementaires, que vous connaissez bien, ont préféré faire autrement et
n'ont pas permis la réunion du Congrès.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est le Président de la République !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Cela n'a rien à voir !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Faut-il rappeler que, si cette modification de
la Constitution, avait abouti, le Gouvernement aurait effectivement présenté un
projet de loi organique,...
M. Jean Chérioux.
C'est faux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... notamment au sujet de la responsabilité des
magistrats ?
Il n'a pas dépendu du Gouvernement que ce dispositif ne soit pas voté : vous
savez très bien que vous êtes à l'origine du gel de cette réforme...
M. René-Pierre Signé.
Voilà !
M. Serge Vinçon.
C'est faux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... qui aurait permis de régler un certain
nombre de questions.
(Vives protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je veux enfin, pour terminer, vous dire que l'immense majorité des magistrats
fait son travail conformément à la loi et au droit, et que je fais confiance à
ma collègue Mme la garde des sceaux pour savoir ce qu'elle a à faire concernant
les procédures disciplinaires.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations redoublées sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire observer que je vous ai
accordé quelques minutes de temps de parole supplémentaires, malgré les
protestations de M. Signé !
(Sourires.)
OBLIGATIONS
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
M. le président.
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, ma question s'adresse à M. Yves Cochet, en sa qualité de ministre en
charge de l'environnement.
La qualité de l'eau et la gestion des déchets sont deux sujets qui touchent au
quotidien de nos concitoyens, à leur qualité de vie, et qui les préoccupent.
Ces deux sujets ont donné naissance, il y a presque dix ans déjà, à deux
grandes lois : la loi sur l'eau et la loi sur les déchets.
La loi relative à l'élimination des déchets a défini les grandes orientations
d'une politique intelligente de gestion et de valorisation des déchets. Elle a
laissé dix ans aux collectivités locales pour mettre en oeuvre le dispostif
visé et atteindre l'objectif ambitieux qu'elle s'était fixé : l'interdiction de
la mise en décharge des déchets bruts au 1er juillet 2002.
En 1997, cet objectif semblait hors d'atteinte. La gestion des déchets était
une question complexe, et elle coûtait cher.
Le Gouvernement a pris une série d'initiatives pour permettre la réalisation
des objectifs de la loi de 1992. Ce fut tout d'abord la relance de la
concertation avec les élus locaux et les industriels. Ce fut ensuite la mise en
place de différentes mesures visant à soutenir les efforts des collectivités
locales dans leurs investissements en faveur de la collecte sélective des
déchets et de la construction d'unités de traitement : la TVA sur le service
public du traitement des déchets a été abaissée au taux réduit de 5,5 % lorsque
les communes ont fait le choix de la collecte et du tri sélectif, et les
barèmes d'aides aux collectivités locales, dans le cadre du dispositif
Eco-emballages, ont été revalorisés.
Les résultats sont là : près de 80 % de la population de notre pays vit
aujourd'hui dans une commune qui pratique le tri sélectif, grâce au partenariat
avec une société agréée.
Ma question est donc simple : pouvez-vous, monsieur le ministre, d'une part,
dresser un bilan de l'application du dispositif Eco-emballages au regard des
objectifs de la loi de 1992 et, d'autre part, tracer quelques perspectives pour
l'avenir en matière de valorisation des déchets ? Je pense, par exemple, au
compostage.
Par ailleurs, s'agissant de la loi sur l'eau, et plus particulièrement de la
question des eaux usées, pouvez-vous nous indiquer les moyens dont vont
bénéficier les communes ou les syndicats de communes pour atteindre l'objectif
fixé par la loi et traiter correctement la question attenante, celle des
déchets des stations d'épuration, à savoir les boues d'épuration ?
(
Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.
)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, vous avez fait allusion à la qualité de l'eau. C'est en effet un
sujet qui préoccupe tous nos concitoyens, comme vous l'avez dit, mais aussi
l'ensemble du Gouvernement.
D'ailleurs, cette recherche de qualité, voire parfois cette restauration de la
qualité, est un des objectifs majeurs du projet de loi sur l'eau qui sera
bientôt présenté à l'Assemblée nationale.
Vous avez posé la question des moyens des communes pour un meilleur
assainissement. Vous le savez, l'assainissement collectif n'est obligatoire que
pour les communes de plus de 2 000 habitants. Dans les communes rurales,
l'assainissement individuel est aidé par les agences de l'eau, qui ont la
possibilité d'octroyer des subventions, voire des prêts à taux zéro. Certains
conseils généraux, vous le savez bien, monsieur le sénateur, aident également
les communes pour leur assainissement.
J'en viens aux déchets.
En application de la loi Royal de 1992, les communes peuvent se faire aider
par deux sociétés, Eco-emballages et Adelphe, à la fois financièrement et
techniquement.
A titre d'exemple, je citerai trois actions et trois conséquences de ces
actions qui ont été menées en vertu de cette loi.
Première action : depuis le 1er janvier 1999, depuis presque deux ans
maintenant, nous pouvons bénéficier du taux réduit de TVA pour les collectes
sélectives. Cette mesure a été très incitative, je puis vous l'assurer,
monsieur le sénateur.
Deuxième action : les contributions des conditionneurs d'emballage ont
globalement doublé entre 1999 et 2001 puisqu'elles ont atteint 1,3 milliard de
francs en 2001 - vous me permettrez de parler encore en francs, M. le ministre
de l'économie est parti !
(Sourires.)
Il est en outre prévu d'augmenter fortement, dès le 1er avril 2002, la
contribution au poids du matériau d'emballage afin de favoriser davantage les
efforts des entreprises en matière de prévention. En l'occurrence, il y aurait,
certes, un petit effort à faire en matière d'emballage : plus d'un kilo par
Français et par jour, c'est beaucoup trop, je vous l'accorde !
La troisième action vise la contribution au recyclage organique ; c'est une
mesure à laquelle je tiens beaucoup.
La circulaire du 28 juin 2001 a précisé la stratégie et les démarches
permettant de redonner au traitement organique des déchets la fiabilité et la
qualité qui lui avaient peut-être fait défaut dans les années quatre-vingt.
Vous vous souvenez peut-être de ce que l'on appelait à l'époque le syndrome
Valorga. Cela a bloqué pendant quinze ans le développement de cette filière ;
il n'en est plus de même aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
MULTIPLICATION
DES DYSFONCTIONNEMENTS JUDICIAIRES
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adressait à Mme la ministre de la justice, qui est absente. Je
vais donc la poser à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, à
moins que M. le Premier ministre ne souhaite me répondre personnellement !
(Exclamations sur les travées socialistes. - Rires sur les travées du
RPR.)
Il y a presque un an, Jean-Claude Bonnal, dit le Chinois, responsable de six
morts, dont deux policiers, était remis en liberté par la chambre d'accusation
de la cour d'appel de Paris.
(Oh ! sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber.
C'est du réchauffé !
M. Dominique Braye.
Jeudi dernier, un trafiquant de drogue congolais arrêté en possession d'un
kilo d'héroïne et ayant avoué de nombreux convoyages du même genre était libéré
sur décision d'un juge des libertés et de la détention de Versailles.
Ce jour encore, deux jeunes Israéliennes en provenance de Bogota, arrêtées en
possession de neuf kilos de cocaïne, étaient remises en liberté par un juge
d'instruction de Bobigny, après 48 heures de garde à vue.
(Protestations sur
les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Et tous ceux qui sont arrêtés ?
M. Dominique Braye.
Dans le premier cas, la décision judiciaire a eu pour conséquence des morts
d'hommes et, dans les deux autres cas, les trafiquants de drogue se sont
volatilisés dans la nature.
Ces fautes judiciaires se sont, hélas ! multipliées au cours des derniers
mois. Monsieur le ministre, les forces de l'ordre sont abasourdies en voyant
ainsi leur long et dangereux travail réduit à néant en une seconde par des
décisions aberrantes.
M. Gérard Larcher.
Il n'y a pas que les forces de l'ordre qui sont abasourdies, les citoyens le
sont également !
M. Dominique Braye.
En tout cas, pour décourager et inquiéter nos concitoyens, on ne peut pas
mieux faire !
Le Président de la République lui-même s'est ému à juste titre
(Exclamations et rires sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen)...
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Dominique Braye.
... de ces dysfonctionnements graves et répétés de notre justice.
Mais les juges sont-ils les seuls en cause ? La loi sur la présomption
d'innocence, dans certains cas, est aussi responsable de ces bavures
judiciaires.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Borvo.
Vous l'avez votée.
M. Dominique Braye.
Il faut donc, de toute urgence, en réviser les dispositions néfastes. Mais
cela ne suffira pas : il faut également donner à la justice les moyens
d'appliquer correctement les lois que nous votons.
(Brouhaha persistant sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Monsieur le ministre, il est grand temps que vous entendiez le désarroi des
forces de l'ordre devant ces dysfonctionnements judiciaires qui incitent les
criminels et les délinquants à poursuivre leurs exactions en toute impunité.
M. Jean-François Picheral.
Caricature !
M. Dominique Braye.
La sécurité est le premier souci des Français et la première de leurs
libertés.
M. René-Pierre Signé.
La question !
M. Dominique Braye.
Si je n'avais pas été interrompu, mon intervention aurait duré moins longtemps
!
Mais, ce qui est le plus grave, c'est que ces aberrations judiciaires sont en
train de briser la foi et l'engagement qui caractérisent les forces de
l'ordre.
M. Robert Bret.
Démagogie !
M. Dominique Braye.
Voilà pourquoi les policiers, et maintenant les gendarmes sont dans la rue !
Voilà pourquoi les Français n'ont plus confiance dans leur justice !
Alors, monsieur le ministre, que comptez-vous faire concrètement, et surtout
rapidement, ...
M. Roland Muzeau.
Ce que vous n'avez pas fait !
M. Dominique Braye.
... pour rétablir enfin l'efficacité de notre justice et redonner espoir et
foi dans leur mission aux forces de l'ordre ?
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Que comptez-vous faire concrètement, et surtout rapidement, pour que la
justice protège enfin plus les honnêtes gens et les victimes que les truands et
les voyous ?
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Il ne le mérite pas !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je ne porte évidemment pas de jugement sur le mérite des sénateurs
qui posent des questions. En revanche, je peux apprécier l'importance des
questions soulevées, et ce quel que soit le ton polémique utilisé.
A l'évidence, il n'y a pas eu de multiples dysfonctionnements dans les
décisions des juges car, si cela avait été le cas, et compte tenu de votre état
d'esprit, monsieur le sénateur, à propos duquel je reviendrai à la fin de ma
réponse, vous n'auriez pas manqué de les citer tous. Si vous n'en avez cité que
trois, c'est sans doute que vous n'aviez pas d'autres éléments à votre
disposition pour nourrir...
M. Dominique Braye.
C'est parce que nous n'avons que deux minutes et demie pour poser notre
question.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie d'écouter M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Vous ne pouvez pas, monsieur le sénateur, à la fois
solliciter une réponse de ma part et m'interrompre, comme vous le faites, au
cours de mon propos.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Si
vous le voulez bien, j'aimerais pouvoir vous répondre tranquillement sur ce
sujet d'importance.
M. Hilaire Flandre.
En disant la vérité !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Il n'y a donc pas eu de multiples dysfonctionnements.
Les exemples que vous avez cités évoquaient des décisions de magistrats du
siège, c'est-à-dire de magistrats totalement indépendants du parquet, bien sûr,
mais également du ministre de la justice, ce qui ne signifie pas que nous
n'entendrons pas agir.
(Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Je dirai, après le ministre de l'intérieur, qui s'est exprimé au nom de Mme la
garde des sceaux, que les magistrats de notre pays font leur travail de façon
scrupuleuse, en respectant la loi, en veillant à ne pas faciliter l'action des
criminels. Ils méritent, de ce point de vue, que cesse cette offensive générale
menée contre eux, qui n'est pas bonne pour nos institutions.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
S'agissant des deux premiers cas que vous avez évoqués - nous venons de
prendre connaissance du dernier et Mme la garde des sceaux s'en préoccupe
certainement - nous ne sommes pas restés inactifs.
Le président de la formation judiciaire qui a mis en liberté M. Bonnal, dit le
chinois, accusé d'avoir tué quatre personnes dans un restaurant, puis deux
policiers, devait recevoir, le mercredi suivant, en conseil des ministres, une
promotion sur une proposition qui n'émanait - je vous le précise puisque vous
polémiquez - ni du Premier ministre ni du garde des sceaux. Il m'a semblé alors
impossible que cette promotion lui soit accordée. C'est pourquoi j'ai demandé
au Président de la République que son nom soit retiré du mouvement prévu pour
la nomination de procureurs généraux.
M. Dominique Braye.
Heureusement !
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je crois qu'en l'occurrence j'ai agi ; c'est bien clair
!
(Applaudissements sur les travées socialistes.).
S'agissant de la personne qui avait sur elle un kilo d'héroïne, la ministre de
la justice a immédiatement demandé qu'une enquête disciplinaire de l'inspection
soit diligentée. Au vu des conclusions de cette enquête, elle décidera si elle
doit engager ou non une procédure disciplinaire. Le Président de la République
n'a pas évoqué autre chose quand il s'est exprimé sur ce sujet ; j'espère
d'ailleurs que son propos se limitait à ces cas de dysfonctionnement.
Nous verrons ce que nous aurons à faire pour les autres cas qui pourraient
nous être signalés.
En ce qui concerne les moyens de la justice, je tiens à rappeler que, dans le
budget de 1997, tel que nous l'avons trouvé - mais nous l'avons modifié - il
était prévu de créer trente postes de magistrat et les crédits de la justice ne
devaient augmenter que de 1,7 % par rapport à 1996. Or, au cours des quatre
dernières années, il a été créé plus de postes de magistrats que pendant les
dix-sept années précédentes et le budget de la justice à progressé de 30 %.
Nous accordons donc bien, nous, des moyens supplémentaires à la justice.
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Quant à la loi sur la présomption d'innocence, je vous le rappelle, monsieur
le sénateur, elle a été adoptée après qu'une commission mixte paritaire se fut
réunie et eut abouti à un texte commun. Autrement dit, cette loi résulte bien
de votes identiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Vous ne pouvez pas à
la fois vous plaindre de ce que telle ou telle formation syndicale de
magistrats proclame ne pas vouloir appliquer la loi et, au premier mouvement de
protestation, demander qu'elle soit changée alors que vous l'avez vous-même
votée il y a moins de deux ans !
Cela étant, j'ai demandé à un député - mais d'autres parlementaires peuvent
parfaitement s'associer à son travail - de conduire une mission pour examiner
ce qui, dans les procédures, est effectivement susceptible de compliquer la
tâche de la police. Nous en tirerons des conclusions pratiques de manière que
rien ne puisse, au nom de la présomption d'innocence, favoriser les délinquants
ou les criminels.
Enfin, en ce qui concerne les forces de police ou de gendarmerie, là aussi,
les créations de poste ont été massives. Là aussi, la sécurité a été affirmée
comme une priorité essentielle du Gouvernement. Là aussi, nous avons accordé
des avantages indemnitaires qui, dans le passé, n'avaient jamais été accordés à
nos forces de l'ordre. D'ailleurs, ces dernières savent que nous nous occupons
d'elles, même si certains mouvements ont pu se produire et se produisent
encore. Au demeurant, il est souhaitable que l'expression des aspirations ou
des mécontentements, s'agissant notamment de la gendarmerie, demeure dans le
cadre habituel qui est celui de l'armée.
Je ne peux que vous inviter très sincèrement, mesdames, messieurs les
sénateurs, à essayer de travailler avec nous sur ces questions de sécurité qui
inquiètent tous nos concitoyens. Ne les exploitez pas politiquement : ce n'est
l'intérêt de personne, pas plus le vôtre que celui de quiconque.
(Très bien ! et applaudissements prolongés sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
CONSÉQUENCES DE LA JURISPRUDENCE « PERRUCHE »
M. le président.
La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane.
Monsieur le ministre délégué à la santé, la Cour de cassation, réunie en
assemblée plénière, a tout récemment confirmé sa jurisprudence de l'arrêt «
Perruche », reconnaissant le principe d'indemnistation du fait d'être né
handicapé, à la suite d'une faute de diagnostic prénatal.
Cette jurisprudence a des conséquences redoutables : d'abord pour les enfants
handicapés et leur famille, ensuite pour les spécialistes de la médecine
foetale, dont la pratique se trouve ainsi mise en cause.
Peut-on admettre le principe même de la réparation intégrale du préjudice subi
par l'enfant handicapé du fait de sa naissance ?
J'attire donc votre attention, monsieur le ministre, sur les blessures
ressenties par les parents d'enfant handicapé qui mènent un combat quotidien
pour les intégrer dans notre société et qui craignent que leur enfant ne fasse
l'objet d'une exclusion encore plus grande à la suite de ces décisions.
Quant aux enfants handicapés eux-mêmes, ils risquent d'être victimes
d'inégalités impossibles à justifier. En effet, « l'action de vie dommageable »
multiplie les discriminations entre les personnes qui se trouvent dans la même
situation de besoin. C'est bien ce qui se produira puisque, en l'état actuel de
la jurisprudence, le montant de l'indemnisation dépendra des juges du fond et
pourra donc varier selon les juridictions.
Et je ne fais qu'évoquer les divergences qui existent déjà entre la Cour de
cassation et le Conseil d'Etat, divergences qui peuvent conduire à exclure de
l'indemnisation les enfants handicapés nés dans les hôpitaux publics.
De plus, seules pourraient ainsi prétendre à une indemnisation les victimes
d'une erreur de diagnostic ou d'un défaut d'information avant la naissance. Il
y a une rupture d'égalité flagrante.
Enfin, monsieur le ministre, comme l'a indiqué, dans son avis du 29 mai 2001,
le Comité consultatif national d'éthique, saisi à votre demande, les recours
judiciaires en vue de la reconnaissance d'un droit à ne pas naître handicapé «
conduiraient sans doute à ce que s'exerce une forte pression sociale en faveur
de l'élimination des foetus anormaux selon des critères médicaux de gravité...
tendance qui peut être étymologiquement et historiquement qualifiée d'eugénique
».
Il convient également de bien mesurer les conséquences qui résultent, pour le
corps médical, du fait d'admettre l'existence d'un lien de causalité direct
entre l'erreur de diagnostic et le handicap.
On peut craindre, comme le manifeste déjà l'appel à la grève lancé à compter
du 1er janvier prochain par de nombreux professionnels, que le diagnostic
prénatal par échographie ne régresse rapidement en France, que les assureurs
n'acceptent de plus en plus difficilement, à l'avenir, de nouveaux contrats en
responsabilité civile professionnelle pour l'activité d'échographie
obstétricale et que, en tout état de cause, les tarifs ne soient revus à la
hausse dans des proportions considérables.
Les médecins auront désormais beaucoup de mérite à accepter des risques
judiciaires évidents en ne recommandant pas des interruptions de grossesse pour
des motifs de précaution.
Dans ces conditions, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le
Gouvernement doit d'urgence prendre une initiative législative afin d'éviter
des inégalités de toutes sortes ? Plusieurs parlementaires ont d'ores et déjà
déposé une proposition de loi en ce sens ; nous attendons que vous y apportiez
au moins votre soutien.
Seules des dispositions relevant de la solidarité nationale seront à même
d'établir une égalité de traitement à l'égard de tous les enfants handicapés et
de permettre aux médecins de continuer à exercer leur activité dans la
sérénité.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Monsieur le sénateur, je comprends votre
émotion, tout comme celle d'un certain nombre de Français qui se trouvent
devant une situation effectivement difficile à démêler.
Permettez-moi tout d'abord de souligner que, à l'origine de l'arrêt Perruche
rendu par la Cour de cassation, il y a la plainte des parents. Cette plainte
correspond sans doute à la nécessité de compléter, dans des cas particuliers,
l'indemnisation « normale », à la charge de la société - c'est la première
leçon qu'il faut en tirer -, mais elle est aussi l'expression d'un acte d'amour
: ces parents auraient voulu que leur enfant soit mieux protégé.
Se sont greffées sur ce problème, dans une précipitation d'esprit qui a sans
doute fait naître un peu de confusion, de nombreuses interrogations, dont le
Gouvernement tient compte.
Il y a d'abord les interrogations, bien compréhensibles, des médecins, qui se
voient contestés dans des pratiques qui ne sont pas faciles et qui ne peuvent
pas être sûres à 100 %. Comment ne pas voir que leur émoi est légitime ?
Mais il y a surtout les interrogations des familles de handicapés. Face à
cette émotion-là, le Gouvernement n'est pas non plus resté inactif. Hier, Mme
Ségolène Royal a reçu une délégation de leur comité national, ce qui a donné
lieu à une discussion très longue et très riche.
La première conclusion que l'on peut tirer de tout cela, c'est que, bien sûr,
il faut agir, mais en se gardant de toute précipitation, en prenant de la
distance par rapport à l'émotion qui nous a tous saisis à la suite de cet arrêt
de la Cour de cassation. Nous devons donc, dans la sérénité, réfléchir à un
certain nombre de problèmes.
Vous avez vous-même, monsieur le sénateur, évoqué la question de la causalité.
Après tout, de quoi est-on responsable quand on pratique un tel examen ?
Evidemment, si la faute médicale est avérée, le médecin doit être poursuivi.
C'est d'ailleurs le sens du projet de loi relatif aux droits des malades, que
le Sénat va être amené à examiner dès le mois de janvier 2002.
Il est, par ailleurs, nécessaire de revoir les premières lois sur la
bioéthique, et je remercie le Premier ministre d'avoir fait en sorte, malgré
les difficultés du calendrier, que le Parlement puisse être saisi, également
dès le mois de janvier, de nos propositions à cet égard.
Je tiens enfin à vous signaler, mesdames, messieurs les sénateurs, que le
Gouvernement a immédiatement entrepris une action de concertation avec les
médecins spécialistes concernés. C'est ainsi que les représentants des
radiologues et des échographistes sont reçus en ce moment même au ministère de
la santé, et ce qu'ils nous disent va beaucoup plus qu'on ne pourrait
l'imaginer dans le sens de la modération.
En tout cas, dans cette affaire, le Gouvernement se donne pour ligne de
conduite de ne pas répondre à l'émotion par l'improvisation et d'agir sans
inutile précipitation.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ;
nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze,
sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002.
Education nationale
(suite)
I. - ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
(suite)
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire, la parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai choisi
de centrer mes propos sur un problème qui nous concerne au premier chef, les
relations entre les collectivités territoriales et l'éducation nationale.
Nous avons en effet à examiner aujourd'hui les crédits que l'Etat va
consacrer, pour l'année 2002, au financement du service public de
l'enseignement. Ces chiffres, impressionnants, qui font du budget de
l'enseignement scolaire - et de loin ! - le premier de l'Etat ne doivent pas
nous dissimuler l'effort consenti par les collectivités locales dans le domaine
de l'éducation.
Cet effort est essentiel. Les collectivités locales consacrent près de 90
milliards de francs par an à leur contribution au service public éducatif. Ces
crédits sont consacrés prioritairement aux dépenses légales prévues par les
lois de décentralisation : la construction, la réhabilitation et l'entretien
des établissements, le transport scolaire, postes financièrement lourds s'il en
est.
Mais, au-delà de ces obligations légales, les collectivités locales se sont
investies, au fil des ans, dans de nombreux domaines qui ne relevaient pas de
leurs compétences initiales et qui ont tendance à prendre de plus en plus
d'ampleur.
Revenons sur chacun de ces points en commençant par la participation des
collectivités locales aux investissements. Je ne m'étendrai pas sur l'«
héritage » que l'Etat a laissé aux communes, aux départements et aux régions
lors du transfert des compétences en 1986. Chacun sait que le parc des
bâtiments éducatifs, jusqu'alors placé sous sa tutelle, n'avait pas fait
l'objet de beaucoup d'attention avant d'être transféré aux collectivités
locales.
Héritage lourd, mais qu'il était impossible de refuser. Aujourd'hui encore,
plus de quinze ans après le transfert des compétences, les opérations de
rénovation sont loin d'être achevées.
Je citerai l'exemple du département du Nord, où nous avons mis en place un
programme de reconstruction de cinquante-sept collèges à structure métallique,
les collèges « Pailleron », de sinistre mémoire. Ce programme, d'un coût total
de plus de trois milliards de francs, a fait l'objet d'une seule dotation de
l'Etat, en 1994, d'un montant de 25 millions de francs. Cette dotation relève
plus de l'aumône que d'une véritable politique de soutien à l'effort
considérable du département. Elle représente en effet moins de 1 % du budget
total de la programmation, à peine le tiers du coût d'un collège neuf de petite
dimension.
Les opérations de rénovation concernent, outre les collèges « Pailleron », les
collèges « béton », dont la vétusté nécessite une remise à neuf, et les locaux
de demi-pension qu'il faut adapter aux normes, agrandir et moderniser, pour
garantir l'application des exigences réglementaires en matière d'hygiène et de
sécurité, tout en les rendant plus attractifs. A cela vient s'ajouter le très
lourd chantier du désamiantage, dont la maîtrise d'ouvrage incombe elle aussi
aux collectivités locales et sur lequel l'Etat s'est trop partiellement
engagé.
Ces charges pèsent déjà lourdement sur les budgets locaux, sans que l'Etat
semble manifester le moindre scrupule, à tel point d'ailleurs qu'il n'a pas
hésité, ces toutes dernières années, à mettre en oeuvre des projets novateurs,
et souvent ambitieux, dont la réalisation repose en partie sur la générosité
des collectivités locales.
C'est le cas du plan « Handiscol », dont l'objectif consiste à scolariser les
élèves handicapés dans les établissements relevant de l'enseignement général.
Ce plan est du plus haut intérêt, puisqu'il vise à mieux intégrer les enfants
handicapés en leur faisant partager le quotidien de leurs condisciples.
Mais les conditions de sa réussite reposent, une fois encore, sur la
participation des collectivités locales : l'accès des élèves handicapés n'est
en effet possible que si des installations spécifiques sont réalisées dans les
établissements.
De même, le transport de ces jeunes du domicile vers le collège ou le lycée
est à la charge des départements. Or le transport d'un élève handicapé coûte en
moyenne 30 000 francs par an, en raison des conditions particulières qui sont
requises.
Autre cas, celui du plan de relance de l'internat scolaire. Vous souhaitez,
monsieur le ministre, que chaque département soit doté d'ici à cinq ans d'au
moins un internat en collège, un internat en lycée et un internat en lycée
professionnel, de façon à favoriser l'accueil d'élèves fragilisés par un
contexte familial ou social précaire.
Cette initiative est tout à fait intéressante. Mais ne lui consacrer que 30
millions de francs au titre du fonds d'aide à la création d'internats scolaires
revient, une fois encore, à confier de manière insidieuse aux départements et
aux régions la responsabilité de réaliser, et donc de financer, cette
opération.
Permettez-moi de citer un nouvel exemple : dans le département du Nord, le
collège d'Aulnoye-Aymeries sera reconstruit et doté d'un internat. Son coût
d'objectif avoisine aujourd'hui les 150 millions de francs, contre 90 millions
de francs pour des établissements similaires. L'internat d'un seul collège
coûte au département du Nord le double de votre enveloppe nationale !
Si l'effort des collectivités locales au titre de l'investissement est donc
considérable et tend à s'alourdir de manière régulière, ces dernières sont
aussi de plus en plus présentes dans le fonctionnement du service public
éducatif. Le plan de relance de l'internat scolaire constitue d'ailleurs une
transition bienvenue pour aborder ce problème.
Lorsque les internats seront achevés, il conviendra de pourvoir à
l'encadrement des élèves. Là encore, nous avons toutes les raisons d'être
inquiets. En effet, certains responsables académiques l'ont d'ores et déjà
indiqué, ils souhaiteraient en faire assurer le financement par les
collectivités locales, ce qui serait évidemment inacceptable.
Bien des domaines font ainsi l'objet d'une très forte implication des
collectivités locales : l'informatisation des collèges et des lycées,
compétence partagée avec l'Etat, mais de manière confuse ; le soutien scolaire
par le biais du financement d'activités d'encadrement pédagogique et, dans
certains cas, en finançant partiellement des postes d'emplois-jeunes mis à
disposition des établissements ; les activités extra-pédagogiques et, plus
particulièrement, les activités sportives, dont 43 % des financements sont
assurés par les collectivités locales, la participation de l'Etat se limitant à
la prise en charge du traitement des enseignants. Encore n'ai-je pas évoqué le
sport à l'école, la plupart du temps assuré par des moniteurs à statut de
fonctionnaire territorial ! Voilà pour l'existant.
M. René-Pierre Signé.
Et alors, c'est normal !
M. Jean-René Lecerf.
Pour l'avenir on évoque de temps à autre la possibilité de transférer aux
départements la prise en charge des personnels d'encadrement sanitaire et
social, conformément au rapport Mauroy sur la décentralisation. Monsieur le
ministre, vous allez faire des propositions sur cette question dans les
semaines à venir. Nous les attendons avec intérêt, mais aussi avec
vigilance.
De la même façon, Mme Royal a proposé récemment l'extension du suivi médical
mené par les centres de protection maternelle et infantile jusqu'à l'entrée en
classe de sixième, alors que la loi le met à la charge des départements jusqu'à
l'âge de six ans. Derrière les bonnes intentions, ne faut-il pas voir une
nouvelle manoeuvre de l'Etat pour imposer aux collectivités locales une charge
supplémentaire ?
Plus que jamais, le budget de l'éducation scolaire est consacré au financement
des dépenses de personnel. La tendance qui semble aujourd'hui dominante
consiste à faire financer par les collectivités locales des domaines
essentiels, qui relèvent de l'investissement, voire de la prise en charge
d'initiatives pédagogiques.
Cette évolution ne laisse pas de nous inquiéter, à la fois parce qu'elle vient
alourdir les finances des collectivités locales et parce qu'elle risque de
porter atteinte à la qualité du service public de l'enseignement, qui doit
cependant constituer la priorité essentielle de votre budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, nous avons assisté depuis ce matin à un large échange
de vues, à une confrontation d'idées entre les uns et les autres. Dans une
assemblée comme la vôtre, les approches sont légitimement différentes.
Je remercie MM. les rapporteurs d'avoir bien voulu exposer leur point de vue
sur les différents aspects du projet de budget qui vous est présenté. Ils l'ont
fait avec leur talent, leur sensibilité et leur approche personnelle de la
question.
La discussion qui a suivi a permis à plusieurs sénateurs de prendre la défense
de ce budget qu'ils ont abordé dans sa globalité. Je les en remercie.
Puisqu'il nous reste à examiner les crédits de l'enseignement supérieur, je ne
vais pas vous infliger un exposé sur les tenants et les aboutissants de ce
projet de budget. Vous l'avez étudié ; nous nous sommes rencontrés longuement
en commission, avant et après l'été, et nous avons ainsi pu confronter nos
points de vue et nos appréciations.
Quelles que soient les sensibilités des uns et des autres, on admet - certains
pour souhaiter qu'on fasse mieux encore, d'autres pour s'interroger sur l'usage
qui en est fait - que le budget qui vous est présenté est, par l'ampleur de son
accroissement, quantitativement sans précédent.
Il traduit une volonté politique, celle du Gouvernement, auquel j'ai l'honneur
d'appartenir. Nous avons souhaité, depuis bientôt cinq ans, et en particulier
depuis deux ans, marquer un vrai changement de cap.
J'admets volontiers qu'on ne soit pas d'accord. Il n'en demeure pas moins que
notre volonté, clairement assumée, est de faire de l'investissement public de
la nation en faveur de la formation des jeunes la priorité des priorités. Je
souhaite, pour ma part, qu'au cours des années à venir cet effort continue à
être consenti par la nation, donc par les assemblées qui la représentent. Sur
certains points, j'aimerais même qu'il soit amplifié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous voudrez bien m'excuser si je n'apporte
pas à toutes vos questions une réponse détaillée. Je suis tout à fait disposé à
le faire par écrit ou devant vos commissions.
Je rappellerai simplement ici la philosophie générale de l'action que nous
menons, puisque, en définitive, sur le financement, il y a non pas
l'acceptation du budget engagé, mais la reconnaissance commune de l'effort
accompli. Permettez-moi, d'évoquer après vous l'esprit de notre action.
Lorsque la responsabilité m'a été confiée, ainsi qu'à Jean-Luc Mélenchon, de
prendre la tête de cette grande maison, j'ai souhaité, en accord avec le
Premier ministre, commencer par le commencement, c'est-à-dire revisiter notre
système d'éducation à la lumière de quelques idées simples, qui sont très
aisées à exposer.
D'abord, plus que jamais, il s'agit d'affirmer notre volonté de construire une
école de l'exigence, une école de haut niveau intellectuel et culturel.
En même temps, il nous faut nous obstiner, contre vents et marées, surmontant
les obstacles, à offrir l'égalité des chances, autant qu'il est possible. Mais
je sais bien que ce combat est un combat permanent qui ne sera jamais
définitivement gagné, qui nécessitera en permanence des efforts.
Ce combat pour l'égalité des chances, il nous pousse à accorder non pas
seulement une deuxième chance, mais aussi une troisième, voire une quatrième
chance. Nous en parlerons d'ailleurs également à propos de l'enseignement
supérieur puisque nous mettons en place des réformes qui permettent notamment à
notre université d'offrir la formation continue, la formation tout au long de
la vie, c'est-à-dire des possibilités nouvelles qui n'existaient pas par le
passé.
C'est à la lumière de ces quelques principes, de cet idéal éducatif
républicain que nous avons engagé un certain nombre de changements, d'abord à
l'école, à l'école primaire, à l'école élémentaire.
Tout à l'heure, M. Gouteyron m'interrogeait sur notre ligne directrice et il
exprimait son désir que cette ligne directrice s'ordonnât autour de la langue
nationale. Monsieur le sénateur, même si nos philosophies ne sont pas tout à
fait les mêmes, je puis vous assurer que c'est ma conviction.
C'est ma conviction, mais c'est aussi l'esprit des mesures que nous avont
prises pour l'école depuis deux ans, en particulier à travers le plan que j'ai
annoncé au mois de juin 2000. Une partie de ces réformes sont entrées en
application dès la rentrée dernière. D'autres, plus importantes encore,
entreront en application à la rentrée prochaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous prendrez connaissance du nouveau
programme de l'école qui sera arrêté et diffusé à la fin du mois de janvier ou
au début du mois de février prochain, vous pourrez constater à quel point la
règle centrale de notre école républicaine consiste précisément à donner à
chaque enfant de ce pays la clef, ou, plus précisément, les clés d'accès à
notre maison commune.
Cette maison commune, c'est, à l'évidence, notre langue, la langue que nous
avons en partage. Or, un enfant qui, pour une raison ou pour une autre, se
trouve écarté de l'accès à cette maison commune est un enfant blessé, mutillé,
excommunié. Et c'est le début d'une forme de violence qui s'exprime, plus tard,
d'une façon plus brutale, comme l'attestation d'une exclusion culturelle ou
sociale.
Nous avons donc pris, comme je viens de le dire, des mesures qui s'appliquent
dès cette année. Par exemple, nous avons mis l'accent, c'est une nouveauté, sur
l'expression orale à l'école maternelle, notamment dans la grande section
maternelle. Nous avons par ailleurs établi, pour la première fois, une
évaluation à l'entrée de cette grande section pour détecter - non pour les
ficher, mais pour les aider - les enfants qui sont en difficulté d'expression
orale. Dans ce cadre, nous apportons aux maîtres des outils pour leur permettre
d'épauler certains enfants, pour en arracher d'autres à la noyade et les faire
ensuite progresser.
Dans le même esprit, à l'école primaire, à l'entrée en CP, nous avons
introduit un système d'évaluation. Cette nouveauté permet, elle aussi, de
détecter les faiblesses et les points forts des enfants. C'est en effet en
s'appuyant sur les points forts que l'on peut parfois corriger les faiblesses.
Là encore, les maîtres disposent d'outils nouveaux pour permettre aux enfants
d'accéder au niveau nécessaire.
Nous savons très bien que c'est à ce moment-là que le combat pour la langue
doit être mené avec ardeur. Les inégalités culturelles apparaissent dès le plus
jeune âge. On constate qu'à l'entrée à l'école primaire les enfants disposent,
selon les cas, d'un vocabulaire de 600 à 1 600 mots et qu'ils sont, ou ne sont
pas, capables de construire des phrases.
Si nous ne mettons pas dès ce moment - là toute notre énergie collective à les
aider avec amour, avec attention, avec affection, avec détermination, comme
savent le faire nos maîtres appuyés par la collectivité nationale, à trouver le
chemin de la langue, alors, nous n'accomplirons pas notre mission.
Lorsque vous prendrez connaissance de ce nouveau programme pour l'école, vous
constaterez que j'ai souhaité qu'une fois passés les premiers apprentissages de
la langue, c'est-à-dire dès le CE 1, on ne cesse pas d'apprendre et
d'enseigner, d'enseigner encore la langue nationale. On a parfois eu trop
tendance à penser qu'avec la maîtrise de la lecture et de l'écriture, la
connaissance de la langue était gagnée pour longtemps ! Or c'est une oeuvre
fragile qu'il faut sans cesse reprendre.
C'est pourquoi, dans le nouveau programme, nous apportons les moyens
nécessaires. Nous préconisons que, chaque jour, par des exercices courts mais
fréquents et variés, on permette à l'enfant de lire, de lire à voix basse, de
lire à voix haute, de faire de petites dictées, et donc de s'approprier la
langue.
Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs se sont inquiétés -
et cette interrogation est tout à fait légitime - de savoir si l'introduction
d'une langue étrangère obligatoire à l'école ne risquait pas de perturber la
progression vers cet acquis fondamental de la langue, d'en infléchir le cours.
Vous vous êtes aussi demandé si l'éveil artistique à l'école pouvait,
éventuellement, nuire à cette préoccupation première. Je me permets de vous
répondre que non seulement cet éveil de la sensibilité, l'introduction
obligatoire d'une langue vivante à l'école, l'expérimentation par les élèves
eux-mêmes dans le cadre de la nouvelle pédagogie d'apprentissage des sciences
ne nuisent pas à cet apprentissage fondamental de la langue, mais qu'au
contraire ils y contribuent.
Les linguistes savent d'ailleurs bien que c'est de la comparaison entre la
langue nationale et une autre langue que naît le jeu des parentés, des
dissemblances et des ressemblances. J'ajoute que rien ne permet mieux d'accéder
à une langue nationale ou étrangère qu'un jeu théâtral, une récitation, un
chant choral, qui est à la fois fait d'une partition musicale et d'une
partition de mots.
Ce sont d'ailleurs des partitions de haute qualité que nous recommandons aux
écoles. Mais j'arrête là mon exposé sur ce thème parce que je devrais y
consacrer des heures et des heures. Il mériterait peut-être aussi un autre
cadre. Mais nous n'en avons pas le temps.
Je souhaite simplement dire, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que
chacun d'entre vous, quelle que soit son appartenance politique, y attache une
importante extrême, que, oui, la langue nationale doit être l'ossature de notre
système d'enseignement, et ce dès l'école primaire, mais aussi au collège. Et
vous pourrez constater que c'est bien notre objectif dans le cahier des
exigences qui sera publié à la fin du mois de janvier prochain.
La langue nationale est le sésame ouvert aux autres disciplines. Combien
d'enfants connaissent des difficultés en mathématiques parce qu'ils ne
comprennent même pas les mots utilisés pour formuler une question ou un
problème ?
Ce sujet est passionnant, important, déterminant et décisif. Je puis vous
assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'y engage toute la force de ma
conviction, toute mon énergie ainsi que toute ma capacité d'enthousiasme, qui
n'est pas complètement émoussée, contrairement à ce que j'ai pu entendre ce
matin.
(Sourires.)
Je consacre toute mon énergie à mes fonctions de ministre de l'éducation
nationale, comme je l'avais fait pour mes fonctions de ministre de la
culture.
En fait, j'ai plutôt pris vos remarques comme un hommage rétrospectif à
l'action que j'ai pu mener en tant que ministre de la culture. Et je relève que
c'est aussi de culture qu'il s'agit avec l'école.
Tout sera fait pour gagner cette bataille de la langue, de l'écriture et de la
lecture, je vous le confirme.
Nous allons poursuivre notre action avec la réforme du collège. La nouvelle
sixième a été mise en place cette année. Les premières semaines sont destinées
à assurer une parfaite connaissance de la terminologie utilisée par les
maîtres, la mise en commun des mots, mais aussi la mise à niveau des élèves par
une aide individualisée.
Plusieurs d'entre vous souhaitaient, à commencer par vous, monsieur Gouteyron,
un système qui, au sein du collège, permette de concilier deux exigences
apparemment contradictoires.
D'un côté, le collège doit être un collège républicain, un creuset social et
culturel, où les enfants doivent être scolarisés jusqu'à l'âge de seize ans. Il
est tout à fait normal que nous puissions offrir un toit commun à l'ensemble
des enfants jusqu'à l'âge de seize ans.
Si j'avais à formuler un voeu pour le futur, j'aimerais que la scolarité soit
obligatoire jusqu'à dix-huit ans. C'est un voeu personnel qui n'engage que
moi-même et non le Gouvernement. Mais cette question devra être posée dans le
futur.
Donc, d'un côté, le collège doit offrir à l'ensemble des élèves une culture
commune, une culture de base, une culture partagée. Mais, d'un autre côté, vous
avez raison de le dire les uns et les autres, il doit reconnaître la diversité
des intelligences et des talents : intelligence plus conceptuelle pour l'un,
plus sensible pour celui-ci, plus pratique pour celui-là.
A partir de la rentrée 2002, nous lancerons les itinéraires de découverte en
classe de cinquième puis en quatrième et le choix de certains enseignements en
troisième. A cela s'ajoute la possibilité de placer en lycée professionnel sous
statut de collégiens des élèves de troisième et la réhabilitation du brevet
d'enseignement fondamental.
Tout cela va dans le sens de la reconnaissance de la diversité des talents et
des intelligences, à condition que - ce travers nous guette tous - sous couvert
de reconnaissance de cette diversité, nous ne reconstituions pas des filières
de ségrégation qui enfermeraient définitivement des enfants dans une voie de
façon irréversible, irrémédiable.
Tout au contraire, notre système républicain doit donner à chaque enfant, quel
qu'il soit, non pas seulement une deuxième chance, mais aussi une troisième et
la possibilité, en permanence, de rebondir en fonction de son talent et de ses
possibilités.
Voilà quelques-uns des points très importants qui changent ou qui vont
changer, voilà quelques-unes des applications pédagogiques qui découlent des
crédits sur lesquels vous vous interrogez et que nous vous demandons de bien
vouloir accepter.
Messieurs les rapporteurs, vous souhaitez une plus grande autonomie des
enseignants. Je vous rappelle à cet égard qu'un maître, un professeur, c'est un
être humain, et qu'un vrai maître, un vrai professeur, ce n'est pas simplement
un exécutant de normes établies par des lois ou par des décrets. A chaque
instant, il invente sa relation avec l'élève.
Un vrai maître est un être inventif, créatif, donc, d'une certaine manière,
autonome. Il apporte sa propre sensibilité, son propre talent. Et les grands
professeurs sont ceux qui savent, dans le cadre des règles nationales, éveiller
chez l'enfant la capacité d'avancer, de progresser et de prendre confiance en
soi.
Nous avons pris des mesures dans le cadre de la réforme du collège. Dans les
prochains mois, elles vont permettre d'établir une sorte de « contrat » entre
l'équipe pédagogique de chaque collège et l'inspecteur d'académie.
Un collège, tout républicain qu'il soit, doit se préoccuper d'égalité
républicaine. Or les collèges diffèrent selon qu'ils sont à la campagne ou à la
ville et selon les animateurs de l'équipe.
Il faut cependant reconnaître la diversité des tempéraments, pas seulement des
élèves, mais aussi des pédagogues, des professeurs et des chefs
d'établissement. Nous avançons dans ce sens, mais, naturellement, dans le cadre
d'un statut national, de règles nationales qui font l'originalité, la richesse
et la puissance de notre système.
En ce qui concerne le lycée, nous poursuivons les actions engagées
antérieurement par M. Claude Allègre avec, en particulier, la mise en place de
nouvelles méthodes pédagogiques qui répondent au souci exprimé par les uns et
les autres d'en appeler davantage au pouvoir d'initiative des élèves et qui
tendent à faire « jouer ensemble » les disciplines.
Ces nouvelles méthodes doivent être mises en oeuvre en pleine harmonie avec
les maîtres et en respectant, bien entendu, les disciplines de base, qui
doivent être enseignées dans leur exigence et leur rigueur. Toutes ces actions
contribuent à transformer et à faire progresser notre système, parfois décrié
ici ou là.
Je regrette beaucoup, en raison du temps qui nous est accordé, de ne pouvoir,
comme je le voudrais, vous apporter des compléments d'information sur
l'ensemble des questions posées.
Parmi les sujets qui ont été abordés ce matin, il en est un, très important,
qui porte sur la rénovation de la formation des maîtres. On ne comprendrait pas
que nous engagions un plan pluriannuel de recrutement de nouveaux maîtres si
nous ne cherchions pas, en même temps, à rénover la formation.
S'agissant des recrutements, d'abord, en deux ans, ce sont 30 % de plus de
postes de professeurs de l'enseignement secondaire et 20 % de plus de postes de
l'enseignement primaire qui auront été mis au concours. Contrairement à ce que
je lis ici ou là, les vocations ne sont pas taries. Vous le constaterez au
prochain concours : le nombre des candidats qui se présenteront sera, sinon en
augmentation, en tout cas stable.
S'agissant de la formation, elle fait actuellement l'objet d'expérimentations
nouvelles dans les IUFM, et la réforme sera pleinement appliquée à la rentrée
prochaine. Nous souhaitons que notre système de formation, tout en conservant
le caractère universitaire des instituts, soit beaucoup plus proche de la
réalité des classes, avec des professeurs qui partagent leur temps entre
l'école, le collège, le lycée et l'institut de formation, avec des
apprentissages fondamentaux plus étroitement assurés et des formations
permettant aux maîtres de mieux appréhender les difficultés rencontrées
aujourd'hui dans les classes et facilitant leurs relations avec les familles,
les associations, les communes, en un mot avec l'ensemble du milieu dans lequel
se trouve l'école, le collège ou le lycée.
Nous mettrons également en place un accompagnement des nouveaux maîtres au
cours de leurs deux premières années d'enseignement, grâce à des tuteurs et à
des stages en IUFM. Dès l'an prochain, les jeunes maîtres ne seront plus «
jetés à l'eau » sans être, à chaque fois que cela sera possible, aidés,
accompagnés, conseillés. C'est un élément très important.
S'agissant du lycée des métiers, dont M. Jean-Luc Mélenchon aurait pu vous
parler mieux que moi, l'idée principale est de revaloriser mieux encore un
enseignement qui ne doit pas être considéré comme un enseignement par défaut,
si vous me permettez l'expression.
C'est un enseignement à part entière qui y sera dispensé. Je réponds là, entre
autres, à M. Georges Mouly, qui s'est exprimé longuement sur ce sujet. Dans son
département, la Corrèze, le lycée professionnel de Neuvic, isolé en milieu
rural - la question de la ruralité a d'ailleurs été évoquée par plusieurs
d'entre vous à juste titre - figure parmi les premiers établissements qui
bénéficieront de cette appellation. Centré sur le machinisme agricole, ce lycée
possède des classes de BTS et répond à l'essentiel des exigences du cahier des
charges des lycées des métiers. Cet exemple illustre notre volonté de faire de
ces lycées des acteurs majeurs du développement local et régional.
J'en reviens à la ruralité. Je ne vais pas vous accabler de chiffres ; je
dirai seulement qu'un effort important a été accompli au fil des années. En
effet, les élèves des campagnes bénéficieront d'un taux d'encadrement qui est,
en moyenne, supérieur à celui des élèves des villes. A plusieurs reprises, M.
Signé a attiré mon attention sur ce sujet.
Nous avons entrepris toute une série de changements et fait vraiment
l'impossible pour préserver les collèges ruraux. Non seulement ils permettent
aux adolescents de ne pas être trop éloignés de leur famille, mais, surtout,
ils sont, c'est ma conviction, de véritables centres de vie, d'échanges, de
rencontres.
Combien de collèges, par ailleurs, ouvrent, conformément à la manière dont ils
imaginent leur action, leurs portes au-delà des heures de classe ? Combien de
collèges ruraux, ou urbains bien sûr, mais notamment ruraux, ouvrent en fin de
journée aux parents, aux associations, un centre multimédia destiné aux élèves
? Combien de collèges organisent parfois des activités sportives ou éducatives
?
Bref, dans de nombreux endroits, un collège est, je le répète, un lieu de vie,
un foyer intellectuel que nous devons, coûte que coûte, préserver, et je
partage, sur ce point, votre sentiment, monsieur Signé. J'y veillerai avec
attention, notamment au moment de la répartition des moyens, qui sera établie
au cours des prochaines semaines. M. Todeschini m'a interrogé sur l'aménagement
du temps de travail. Un accord national a été conclu avec les organisations
syndicales, lesquelles représentent 80 % des personnels. Cet accord doit
évidemment, ensuite, être transposé site par site, ville par ville, département
par département. Dans la majorité des cas, la mise au point se fait dans de
bonnes conditions, et j'espère, malgré quelques malentendus qui ont pu se
produire ici ou là, que nous réussirons, grâce au dialogue et à la prise en
compte des situations spécifiques, à appliquer harmonieusement l'aménagement et
la réduction du temps de travail sur l'ensemble du territoire national.
Des propositions m'ont été faites s'agissant des directeurs d'école. Les
rapporteurs doivent les connaître, puisqu'elles figurent dans le projet de
budget. Il s'agit de propositions indemnitaires et de propositions de décharge,
qui ne sont pas minces.
L'essentiel du désaccord qui peut subsister porte sur le calendrier
d'application des changements proposés, mais, je dois le dire, c'est la
première fois que ce dossier est traité avec une telle volonté politique
d'aboutir. Je souhaite que le bons sens l'emporte et que la fonction de
directeur d'école, pour laquelle j'ai beaucoup de respect, puisse être exercée
pleinement et dans de bonnes conditions.
M. Michel Guerry s'est fait le porte-parole des élèves des lycées situés hors
du territoire national, qui permettent non seulement à des Français expatriés
de suivre normalement leurs études, mais aussi à des étrangers d'accéder à la
culture française. Il est bon que l'on fasse entendre la voix de ces lycées, si
vous me permettez cette image.
La question des bourses pour les lycéens français de l'étranger méritait aussi
d'être posée. Les crédits ont augmenté régulièrement au cours des derniers
exercices. Mais, comme vous le savez, cette question relève de l'autorité du
ministre des affaires étrangères, auquel je ne veux pas me substituer.
Toutefois, je ne manquerai pas de lui transmettre les observations que vous
avez formulées tout à l'heure.
Il n'est pas non plus en mon pouvoir d'affecter des crédits du ministère de
l'éducation nationale à ces lycées. Si tel était le cas, je veillerais à ce que
les arbitrages soient opérés différemment. Mais, pour l'heure, les compétences
du ministre de l'éducation nationale s'exercent principalement sur le
territoire français, hormis quelques soutiens exceptionnels ; c'est l'exemple
de l'Afghanistan, que Mme Luc a évoqué tout à l'heure.
Sur le plan pédagogique, comme pour le choix des personnels et de leur statut,
il va de soi, en revanche, que ces établissements relèvent pleinement de la
tutelle du ministère de l'éducation nationale.
Mesdames, messieurs, je prie ceux d'entre vous à qui je n'ai pas répondu
complètement de bien vouloir m'excuser. Je suis prêt à le faire à l'occasion
d'une prochaine rencontre, voire par écrit. Je crois toutefois avoir évoqué les
points principaux.
M. Louis Le Pensec.
Monsieur le ministre, vous avez oublié les SEGPA.
Mme Hélène Luc.
C'est important !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Madame, la question ne se traite pas
comme ça ! Nous devons l'examiner sérieusement, chiffres à l'appui.
Les professeurs de ces sections accomplissent d'une façon tout à fait
remarquable la mission très difficile qui leur est confiée. Pour les rencontrer
souvent, je sais avec quelle intelligence, quel talent et quelle force de
caractère ils réussissent à faire progresser des élèves. La question qui se
pose est de savoir comment parvenir à intégrer dans l'enseignement secondaire,
selon un calendrier et des processus à imaginer, ces personnels qui
appartiennent à l'enseignement primaire.
Des solutions sont possibles avec de la bonne volonté, d'autant que nous avons
déjà réussi, en 1992, à intégrer dans l'enseignement secondaire les professeurs
d'enseignement général de collège - les PEGC, comme on disait à l'époque - eux
aussi professeurs de l'enseignement primaire, grâce à un système, des modalités
et un calendrier que nous avions alors mis au point avec les uns et les autres.
Il subsiste d'ailleurs, dans le budget de cette année, des mesures
complémentaires pour des PEGC en voie d'intégration.
C'est sur cette base que nous essaierons de reprendre la discussion.
Personnellement, je souhaite que nous nous retrouvions, avec les intéressés,
autour d'une table pour avancer sérieusement sur cette question...
M. Louis Le Pensec.
Très bien !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
... et faire en sorte que ces
professeurs soient pleinement reconnus et intégrés dans l'enseignement
secondaire, puisqu'ils enseignent dans les collèges.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que, au-delà de nos
divergences bien naturelles dans une démocratie, vous ne pouvez pas ne pas être
frappés par les trésors de dévouement, d'imagination et d'intelligence des
équipes pédagogiques, comme je le suis moi-même, en tant non seulement
qu'acteur, mais aussi de témoin, puisque, comme vous d'ailleurs, en tant
qu'élu, j'ai la chance de visiter des établissements et de voir ce que tous
entreprennent dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées
professionnels et dans les lycées d'enseignement général. Je le dis d'autant
plus franchement que j'y ai toujours cru très profondément et que j'y crois
encore plus ces dernières années.
Nos maîtres ont eu à affronter des situations extrêmement difficiles : le
chômage de masse, une croissance démographique très forte, une démocratisation
sans précédent, aussi bien pour les garçons que pour les filles. Eh bien !
n'est-il pas normal, au moment même où les effectifs se stabilisent, ou
éventuellement diminuent - et c'est le sens des mesures nouvelles que je vous
propose : de nouveaux postes, de nouveaux crédits pour l'enseignement du
français, pour l'enseignement des langues, pour l'éveil artistique, pour
l'enseignement des sciences - n'est-il pas normal, dis-je, que ces maîtres, qui
ont réussi l'exploit de former dans des conditions très difficiles des
générations et des générations d'élèves, puissent aujourd'hui accomplir leur
métier avec le sentiment d'être pleinement reconnus par la nation ?
J'ai la chance de recevoir de nombreuses délégations étrangères qui viennent
en France voir de près ce qui s'y passe. Je peux vous dire que, quelle que soit
notre appartenance politique, nous pouvons tous ici, collectivement, être fiers
de notre école républicaine, de notre éducation nationale.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 320 686 621 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 210 411 286 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 99 420 000 euros ;
« Crédits de paiement : 57 010 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 31 690 000 euros ;
« Crédits de paiement : 18 750 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 65, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés à l'enseignement scolaire.
Article 65
M. le président.
« Art. 65. - Les personnels enseignants recrutés sur contrat définitif ou
provisoire en fonction dans un établissement d'enseignement privé du premier ou
du second degré géré par l'association Diwan à la date d'intégration de cet
établissement dans l'enseignement public en application de l'article L. 442-4
du code de l'éducation peuvent, à compter de cette même date et dans la limite
des emplois budgétaires prévus à cet effet par la loi de finances, demander à
être nommés puis titularisés dans les corps correspondants de la fonction
publique.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'intégration, de
vérification de l'aptitude professionnelle et de classement de ces
personnels.
« Les maîtres titularisés sont admis au bénéfice des dispositions de la loi n°
85-489 du 9 mai 1985 relative aux conditions de cessation d'activité de maîtres
de l'enseignement public ayant exercé dans certains établissements
d'enseignement privés.
« Les personnels non enseignants recrutés sur contrat à durée indéterminée en
fonction dans un établissement d'enseignement privé du second degré géré par
l'association Diwan à la date d'intégration de cet établissement dans
l'enseignement public peuvent, à compter de cette même date, et dans la limite
des emplois et crédits prévus à cet effet par la loi de finances, demander à
être recrutés par l'Etat sur contrat à durée indéterminée de droit public. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, nous abordons
la discussion de l'article 65, qui, vous le savez bien, suscite des
interrogations chez nombre d'entre nous. Je rappellerai le contenu de cet
article et le contexte dans lequel il s'inscrit, car le sujet est
d'importance.
Monsieur le ministre, vous avez signé, le 28 mai 2001, avec l'association
Diwan, un protocole d'accord qui porte sur l'intégration, dans l'enseignement
public des établissements, des personnels enseignants et non enseignants et, si
l'on peut dire
ipso facto
, de la méthode utilisée dans ces
établissements, méthode dite d'« immersion ».
Je rappelle que l'intégration des personnels prévue par le protocole d'accord
- il faut que vous le sachiez, mes chers collègues - ne sera pas assurée
exactement dans les mêmes conditions que celles qui figurent dans le décret
d'application de la loi Debré : sur certains points, elles sont plus
intéressantes pour les personnels.
Si cet article 65 a soulevé quelques interrogations - et le mot est faible,
monsieur le ministre - c'est parce que ces établissements, ces personnels, et
surtout la méthode ne correspondent absolument pas à l'idée que nous nous
faisons des établissements scolaires publics et de l'école républicaine -
j'emploie le mot que vous aimez utiliser, monsieur le ministre ! Je l'aime
aussi !
Mes chers collègues, la méthode d'immersion consiste à enseigner non pas le
breton, mais en breton : dans les cours de récréation, à la cantine, si cantine
il y a, dans toutes les relations entre les enseignants et les élèves, dans les
rapports des élèves entre eux, c'est le breton qui est la langue de
communication.
Le Conseil supérieur de l'éducation nationale, consulté, a refusé ce
dispositif. On connaît l'arrêt du Conseil d'Etat saisi en référé. Nous avons lu
dans la presse la position du ministre délégué, M. Mélenchon. Vous comprendrez,
monsieur le ministre, que nous ayons, nous aussi, le droit de nous
interroger.
Il y a une situation de fait : ces établissements existent et, en 1994, l'Etat
avait passé un contrat avec eux. C'est en prenant en compte cette situation de
fait que la commission des finances, au nom de laquelle je m'exprime, a décidé
de s'en remettre à la sagesse du Sénat. Cela n'entraîne ni la condamnation ni
l'adhésion de personne, en tout cas pas ma propre adhésion, car, à titre
personnel, je ne peux pas être favorable à cet article 65.
Sans aller plus loin, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous disiez
comment vous comptez sortir de l'imbroglio actuel. Une décision du Conseil
d'Etat est intervenue ; vous avez pris des engagements ; vous avez signé le
protocole d'accord. Si l'article 65 est voté, les personnels pourront être
intégrés, mais pas les établissements. Quelles mesures envisagez-vous ?
Monsieur le ministre, pensez-vous vraiment que cette intégration soit
envisageable telle quelle pour les établissements, les personnels, et surtout
la méthode, car c'est elle qui pose problème ?
Je ne voudrais pas que la confusion s'introduise dans l'esprit de quiconque :
le sentiment que je viens d'exprimer à titre strictement personnel n'est pas
une prise de position contre les langues régionales ; je suis favorable à
l'enseignement des langues régionales et je suis peut-être dans cette assemblée
l'un des seuls - on ne doit pas être très nombreux ! - à en pratiquer une à peu
près convenablement.
M. Ivan Renar.
Ah bon !
M. Adrien Gouteyron.
Mais oui, monsieur Renar, et je vous le prouverai quand vous voudrez !
Monsieur le ministre, il ne s'agit pas de l'enseignement des langues
régionales ! Nous sommes pour l'enseignement de ces langues, qu'il s'agisse du
breton, du basque ou de l'alsacien, monsieur Richert. C'est tout autre chose :
pouvons-nous accepter que l'enseignement du français soit introduit
progressivement, comme s'il s'agissait d'une langue étrangère, dans des écoles
de la République ? Telle est la question qui nous est posée !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Legendre.
C'est une vraie question !
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
socialiste a toujours été favorable au développement et à la promotion des
langues et cultures régionales.
M. Hilaire Flandre.
Tout ce qui peut diviser !
M. Serge Lagauche.
A ce titre, nous avons approuvé le développement des formations et cursus en
faveur des langues régionales au sein de l'éducation nationale et avons soutenu
les réformes menées depuis plus de vingt ans dans ce sens.
Mais il existe un large fossé entre le soutien à l'enseignement des langues
régionales et l'intégration au service public d'établissements pratiquant
l'enseignement par immersion dans une langue régionale.
Le groupe socialiste du Sénat, que je représente, s'est donc montré réservé,
dans sa plus grande majorité - à l'exception de nos camarades bretons, au nom
desquels mon collègue François Marc interviendra - sur le processus
d'intégration des écoles Diwan dans le service public de l'éducation.
Ce processus est à l'heure actuelle suspendu du fait de la décision en référé
du Conseil d'Etat du 30 octobre dernier. Cette juridiction, qui doit se
prononcer sur le fond dans les mois à venir, a néanmoins d'ores et déjà émis
des doutes sur la légalité, au regard de l'article 2 de notre Constitution, du
protocole d'accord que vous avez signé avec l'association Diwan, monsieur le
ministre, et de ses deux textes d'application.
Certes, l'article 65 de la loi de finances pour 2002 n'a pas été remis en
cause par le Conseil d'Etat : pour l'heure, et dans l'attente de la décision
sur le fond, il reste valide et ne procède qu'à un simple tranfert de crédits.
Symboliquement, son maintien est significatif.
Comment concevoir, en effet, que, dans le cadre du service public, certaines
écoles enseignent la grammaire française, l'histoire de France et tant d'autres
disciplines étroitement liées à l'usage de la langue française en langue
régionale ? Dans ce cas, il ne s'agit plus de promouvoir une langue régionale :
cette mission, le service public de l'éducation s'en acquitte fort bien.
Nous savons votre attachement, monsieur le ministre, à la politique en faveur
des langues et cultures régionales, mais il nous semble que le processus
d'intégration des écoles Diwan s'inscrit non pas dans ce contexte, mais dans
une conception du français comme deuxième langue.
La maîtrise de la langue française constitue pourtant le premier facteur
d'intégration dans la société française et le premier moyen de développer une
culture et une identité communes. A ce titre, elle doit rester la langue
d'immersion enseignée par le service public de l'éducation.
Au-delà de la question de la langue, les conséquences de l'application du
protocole d'accord signé avec l'association Diwan pourraient faire surgir
d'autres problèmes.
En autorisant une association à intégrer le service public de l'éducation
nationale tout en continuant à maintenir ses particularismes contraires au
caractère laïque de la République, vous risquez, je le crains, monsieur le
ministre, de créer un précédent, que, demain, toutes tendances confondues, des
structures associatives à vocation religieuse, ethnique ou pédagogique pourront
invoquer. Ce processus dépasse donc le strict cadre de l'enseignement en langue
régionale.
Les motifs d'inquiétudes sont donc pour nous d'ordre tant juridique que
politique au regard du principe de laïcité fondateur de notre République. C'est
pourquoi le groupe socialiste que je représente votera contre l'article 65 de
la loi de finances.
(Applaudissements sur la plupart des travées socialistes
et sur celles du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Marc.
M. François Marc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 65
qu'il nous est aujourd'hui demandé d'examiner est la traduction des mesures
budgétaires - emplois et crédits - inscrites dans la loi de finances pour 2002
au titre de l'intégration des personnels des écoles Diwan. Cette intégration
est prévue dans le protocole établi entre le ministère de l'éducation nationale
et l'association Diwan au printemps dernier. Le budget pour l'enseignement
scolaire prévoit les implications budgétaires de cette intégration, mais il est
indispensable d'en préciser les modalités.
En adoptant l'article 65, il s'agit donc, on l'a compris, de rendre possible
ce processus d'intégration. Cette adoption est une condition nécessaire au bon
aboutissement de ce dossier dès la rentrée de septembre 2002.
Compte tenu des interrogations qui se sont manifestées ces derniers jours en
ce qui concerne ce dossier, je tiens à préciser ici quelques-uns des arguments
qui doivent nous inciter à soutenir le Gouvernement dans sa démarche.
S'agissant de l'association Diwan, qui compte vingt-cinq écoles, trois
collèges et un lycée, il importe de rappeler qu'elle a développé depuis plus de
vingt ans, en Bretagne, une pratique confirmée de l'apprentissage des langues.
A l'issue de leur formation dans les différents établissements, les élèves de
cette filière innovante possèdent un excellent niveau en français, comme cela
peut se constater à l'entrée en classe de sixième, et obtiennent au
baccalauréat de remarquables résultats.
L'association Diwan bénéficie d'un soutien actif des collectivités
territoriales de Bretagne et a souscrit des contrats d'association type loi
Debré depuis 1994.
L'association demande aujourd'hui, pour des raisons de fonctionnement faciles
à comprendre - locaux, sécurité, personnel - son intégration dans l'éducation
nationale. Soucieux de respecter pleinement les engagements pris en 1997 devant
les électeurs en matière de langues régionales, le Gouvernement a souhaité
répondre favorablement à la demande et un protocole a été signé en ce sens le
28 mai 2001.
Quels sont les éléments du débat en cours ?
Le débat actuel trouve son origine dans le fait que le Conseil d'Etat a
manifesté des réticences - peut être des objections sur le fond, mais tout n'a
pas été jugé - en ce qui concerne certaines dispositions signées le 28 mai
dernier. Il importe donc, dans les semaines qui viennent, de réexaminer les
paragraphes litigieux du protocole pour aboutir à une formulation plus
satisfaisante de l'accord conclu entre le Gouvernement et l'association.
Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré que tout serait mis en
oeuvre afin de rechercher un bon aboutissement du dossier. Cette volonté
d'aboutir est partagée par le président de l'association.
A cet égard, je ne doute donc pas qu'un accord sera rapidement trouvé. Les
choses sont donc tout à fait simples.
Pourquoi, alors, la subite montée de fièvre constatée ces derniers jours ? Les
deux mille écoliers de Diwan mettraient-ils en danger la République ? A lire
Le Figaro
du 14 novembre 2001, on pourrait effectivement le croire ! Un
universitaire qualifie, dans les colonnes du quotidien, la méthode pédagogique
de l'association Diwan de « poison violent » et le fonctionnement de ces écoles
de « pratiques et de principes objectivement totalitaires ».
Je crois, mes chers collègues, que nous ne devons pas donner crédit à ces «
jeteurs d'anathèmes » qui, manifestement, se trompent de débat, et de siècle !
Nous vivons, tout de même, à l'heure de la grande communication, de la radio,
de la télévision et d'internet !
On peut d'ailleurs, à titre illustratif, rappeler qu'un jeune scolarisé passe,
en moyenne, selon les statistiques des années 1990, neuf cents heures à l'école
contre mille heures devant son téléviseur, ce qui signifie que tout élève qui
fréquente les écoles Diwan parle déjà couramment le français et continuera à le
faire, de façon régulière, tout au long de sa scolarité.
Je me réjouis, pour ma part, de voir que les députés ont, sur cet article 65,
adopté une position unanimement favorable.
M. Hilaire Flandre.
Pour des raisons électorales !
M. François Marc.
Avec nos collègues socialistes bretons, Yolande Boyer, Odette Herviaux, Louis
Le Pensec, Pierre-Yvon Tremel, Claude Saunier et avec un certain nombre
d'autres membres du groupe socialiste, ainsi que Marie-Christine Blandin,
sénatrice rattachée, je recommande que nous évitions les amalgames simplistes
et que nous en restions à la finalité première de l'article 65, c'est-à-dire à
l'inscription budgétaire des moyens financiers qui permettront au Gouvernement
de mettre en oeuvre ses engagements en faveur des langues régionales.
La République a vocation à intégrer, non à exclure. Les valeurs de la laïcité
sont et doivent rester des valeurs de tolérance et d'ouverture. C'est dans cet
esprit que l'action intelligente et généreuse conduite aujourd'hui par Jack
Lang, notre ministre de l'éducation nationale, doit pouvoir être activement
soutenue et encouragée.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Hilaire Flandre.
Il n'y a pas d'écoles publiques en Bretagne ?
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me
permettrez tout d'abord de formuler quelques réflexions et d'apporter quelques
précisions sur cet article 65, qui vise à conférer le statut de fonctionnaire
aux enseignants des établissements du premier et du second degré gérés par
l'association Diwan.
Je précise d'emblée qu'avec mes amis du groupe communiste républicain et
citoyen je suis tout à fait favorable au développement de l'apprentissage des
langues régionales en France, car je suis favorable au développement des
cultures régionales.
Elles font, en effet, partie de la richesse de notre pays, de notre patrimoine
commun, de nos racines.
Trop souvent encore, et malgré des progrès notables, les moyens manquent à
l'essor de ces cultures régionales. Notre attitude est sans ambiguïté sur ce
point.
L'immersion totale, méthode prônée par les écoles Diwan, soulève une tout
autre question, plus complexe et plus difficile. Ce débat traverse d'ailleurs,
je crois, tous les partis, y compris le mien. Je sais, par exemple, que mes
collègues élus de Bretagne sont pour l'adoption de cet article. Leur point de
vue est respectable, comme l'est celui qui vient de nous être exposé et que
j'ai écouté attentivement.
En tant qu'élu de la nation, je pense que la promotion des langues régionales
est un objectif nécessaire qui ne doit cependant pas occulter la nécessité de
maintenir la langue française comme langue de la République unie dans sa
diversité.
Le français, lui aussi, doit être soutenu et défendu face à la déferlante
anglo-saxonne. Monsieur le ministre, c'est avec passion que vous avez dépeint,
tout à l'heure, cet apprentissage de la langue française à partir de la
maternelle. Mais l'immersion totale permet-elle d'assurer l'avenir du français
?
J'entends bien les explications sur les qualités de cet enseignement qui
permettrait de favoriser le bilinguisme, mais je reste circonspect. On peut
craindre, en effet, qu'à l'instar de ce qui se passe dans certains pays
européens l'anglais ne s'impose, dans un contexte de développement des langues
régionales cantonnées dans un rôle secondaire face à la domination de la langue
de Shakespeare. Verra-t-on, à terme, un bilinguisme s'imposer dans notre pays,
mais sans le français ?
Pour conclure, cet article 65 soulève des questions importantes, comme l'a
montré le Conseil d'Etat, dans un arrêt récent qui a suscité lui-même une
lourde controverse. Il est vrai que cette question mériterait un vaste débat
dans le pays et, ici, au Parlement ; les discussions du projet de loi sur la
Corse ou sur le préambule de la Constitution nous l'ont montré. Est-il sain
d'en débattre en catimini, à l'occasion d'un article de projet de loi de
finances ? Je n'en suis pas certain.
En l'état, et en souhaitant que se tienne un grand débat sur la question, avec
mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je voterai contre
cet article 65.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.
- M. le rapporteur spécial applaudit également.)
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, cette question, je le sais, traverse en effet les
différents courants de pensée. En Bretagne même, des personnalités qui
s'apparentent à la majorité sénatoriale apportent plutôt leur soutien au point
de vue qui est le mien, de même que des députés bretons ou des sénateurs
bretons. Qu'ils en soient remerciés ! Mais je respecte naturellement les
opinions des uns et des autres.
Je voudrais vous dire très simplement mon sentiment, d'abord pour éclairer
votre propre vote.
Il ne s'agit pas, par la décision que vous avez à prendre, de ratifier
définitivement l'intégration dans le service public des écoles Diwan.
M. Hilaire Flandre.
C'est la politique des petits pas !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Ce ne serait le cas que dans la mesure
où le texte, l'arrêté que j'ai pu moi-même établir, serait définitivement
considéré comme conforme au droit. Or le Conseil d'Etat, se fondant sur un
certain nombre d'arguments juridiques, a pris une décision de suspension.
S'agissant de la décision que vous avez à prendre, et même si je ne suis pas
assez naïf pour penser qu'il n'y a pas d'arrière-plan linguistique, moral et
politique à cette affaire, elle s'analyse juridiquement comme une décision de
nature technique et financière.
M. Hilaire Flandre.
Mon oeil !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Mais venons-en aux questions de
fond.
Deux considérations doivent être présentes, me semble-t-il, dans notre débat
que je résumerai en deux questions : oui ou non, l'école de la République
accepte-t-elle d'accorder, ici ou là, une place à certaines innovations et à
certaines expérimentations ? Quelle vision avons-nous du plurilinguisme et,
dans ce plurilinguisme, de la place de la langue nationale, des langues
étrangères et des langues régionales ?
S'agissant de la première considération, c'est-à-dire, en fait, de
l'autonomie, sujet que nous avions déjà abordé avec M. le rapporteur spécial,
je pense que c'est aussi la possibilité, pour une grande maison comme
l'éducation nationale, d'accepter ou d'encourager un certain nombre
d'expérimentations pédagogiques.
J'ai moi-même souhaité, lorsque j'ai été appelé à ces fonctions, créer un
conseil national de l'innovation pour repérer, partout à travers la France,
ceux des établissements qui, dans divers domaines, vont de l'avant, inventent,
sont pionniers et qui, à partir d'idées neuves, nous permettent d'avancer plus
loin dans toutes sortes de domaines, qu'il s'agisse de l'enseignement des
sciences, de l'apprentissage des langues ou de l'apprentissage de la langue
française.
Je souhaite personnellement que nous puissions partout encourager
l'innovation, dans le respect, naturellement, des grands principes nationaux.
C'est dans cet esprit que j'ai souhaité soutenir un certain nombre de collègues
ou de lycées expérimentaux aux quatre coins de la France qui ont mis au point
des méthodes pédagogiques nouvelles, hors normes, si je puis dire, en tout cas
hors du droit commun et de la tradition, pour tenter de récupérer des élèves «
décrocheurs » et de les remettre sur le droit chemin.
On ne peut pas, d'un côté, s'interroger sur le sort des élèves qui échouent et
qui quittent le système sans qualification et, dans le même temps, ne pas, en
permanence, rechercher des réponses au problème qui soient appropriées.
Souvent, ce sont des équipes pionnières et courageuses, je n'hésite pas à le
dire, qui se dévouent pour trouver des solutions novatrices et sanctionnées par
le succès.
Lors de la dernière rentrée, une dizaine ou une quinzaine de collèges ou de
lycées expérimentaux ont été agréés par la puissance publique.
La méthode de l'immersion est, en ce sens, une innovation. C'est une méthode
d'apprentissage qui pourrait valoir pour d'autres langues, y compris, soyons
clairs, pour des langues étrangères.
M. Hilaire Flandre.
Pour le français, ce ne serait pas mal !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Claude Hagège, professeur au Collège
de France, qui se bat, vous le savez, avec beaucoup de détermination pour les
langues, considère lui-même que l'immersion est une méthode d'apprentissage des
langues qui est certainement l'une des plus efficaces qui soit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de quoi ne pourrait-il pas y avoir
de place, dans notre système, pour une expérimentation d'apprentissage d'un
langue qui, aujourd'hui, concerne 2 600 élèves sur les 13 millions que compte
notre système d'éducation nationale ? Ne peut-on pas faire une petite place,
une toute petite place à une innovation linguistique qui ne concerne que 2 600
élèves ?
S'agissant maintenant de la seconde considération, c'est-à-dire le
plurilinguisme, c'est en effet une grande bataille qu'il nous faut mener. Je
crois que nous pouvons, nous, Français, être à l'avant-garde du combat pour le
plurilinguisme. C'est pourquoi j'ai proposé le plan pour l'apprentissage d'une
langue étrangère dès le plus jeune âge. Dans trois ans, les enfants de ce pays
apprendront deux langues vivantes étrangères en classe de sixième. Tous les
linguistes nous le démontrent, plus un enfant apprend une langue tôt, mieux il
s'en imprègne, plus durable est sa mémorisation. De plus, lorsque l'enfant est
tout jeune, son oreille musicale est au zénith.
Le plurilinguisme concerne aussi, naturellement, les langues et cultures de
France. Trop longtemps, dans notre pays, un système ultra-centralisé a éradiqué
les cultures particulières.
M. Hilaire Flandre.
C'est comme cela que l'on a construit la République !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Oui, c'est ainsi qu'on a construit la
République, en effet ! Quand, au moment de la Révolution française, face à un
pays quasiment illettré, l'abbé Grégoire a souhaité que la langue française
soit la langue de la République, c'était parce qu'elle pouvait contribuer à
unifier le pays, et c'est ce qu'elle a fait !
L'abbé Grégoire voulait faire reculer l'ignorance et l'obscurantisme. Gloire à
l'abbé Grégoire ! Gloire à Condorcet ! Gloire à ceux qui ont fait de la langue
française, en effet, la langue de la liberté, la langue de la République, la
langue du savoir !
Cependant, nous ne sommes plus en 1789 : nous sommes en 2001. Et en 2001, la
langue nationale, la langue de la République a pleinement - et plus que jamais
- sa place dans notre système d'éducation.
Pour en revenir au plurilinguisme, toutes les expériences montrent que, plus
vous donnez la chance à un enfant d'apprendre très jeune une, deux, trois
langues vivantes, mieux il maîtrisera sa langue nationale. D'ailleurs,
franchissez les frontières ! Voyez au Luxembourg, voyez dans certains
Länder
allemands, voyez aux Pays-Bas ! Là où l'école donne la
possibilité d'apprendre dès le plus jeune âge deux, voire trois, langues
vivantes, les enfants maîtrisent mieux leur langue nationale... et les autres.
M. Marc, qui s'exprimait au nom des sénateurs socialistes bretons, le
soulignait justement.
Tout à l'heure, je n'ai cessé d'entendre que le mot « efficacité ». A quoi
s'apprécie l'efficacité d'une pédagogie ? A ses résultats. Or les enquêtes
montrent que les élèves qui, avec leur famille, ont choisi l'enseignement Diwan
- car c'est une démarche volontaire, ce n'est pas obligatoire - réussissent
remarquablement leurs études : ils obtiennent quasiment tous leur baccalauréat
et obtiennent les meilleures notes en langue française, en littérature. C'est
donc bien que le breton, tel qu'il est enseigné dans les écoles Diwan, non
seulement ne nuit pas à l'apprentissage du français, mais contribue à la
réussite de ces enfants.
Si nous croyons vraiment au plurilinguisme, mesdames, messieurs les sénateurs
- et nous sommes nombreux ici, sur différents bancs et travées, à y croire -
nous devons veiller à ce que la France soit à la pointe du combat pour la
diversité linguistique. C'est la condition pour que la langue française
recommence d'être enseignée dans les autres pays d'Europe.
Le plan que nous avons retenu pour l'enseignement des langues vivantes, dont
l'application est plus avancée dans certaines régions que dans d'autres, a eu
pour conséquence qu'en Allemagne, en Italie, aujourd'hui, on apprend le
français à l'école primaire. Et, tout à coup, les enfants des autres pays
retrouvent le chemin vers l'apprentissage de notre langue nationale ! Nous
sommes donc gagnants sur tous les plans.
Par ailleurs - et je parle devant quelques éminents sénateurs alsaciens - en
Alsace, nous avons mis au point, avec les deux départements et le président de
la région, un accord, que je crois très important, par lequel et l'Etat et les
collectivités locales s'engageaient avec force à assurer le bilinguisme de
l'enseignement dès l'école maternelle, en tout cas à l'école primaire, puis au
collège.
Nous avons également créé, voilà une dizaine d'années, les « sections
européennes », qui permettent, au collège, puis au lycée, non seulement un
enseignement renforcé des langues étrangères, mais aussi, monsieur Gouteyron,
un enseignement de matières dites fondamentales dans une langue étrangère.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Mais pas toutes les matières fondamentales !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Non, mais la géographie, l'histoire,
les mathématiques, par exemple.
Où est la frontière ? A partir du moment où l'on refuserait de soutenir une
expérience originale concernant une poignée d'enfants, on pourrait mettre en
cause les sections européennes : en effet, au nom de quoi apprendrait-on
l'histoire, la géographie, les mathématiques dans une langue étrangère ? Au nom
de quoi, en Alsace, pourrait-on apprendre l'histoire ou le calcul tour à tour
en alsacien, en allemand ou en français ? Où est la limite ?
Je répondrai encore à une question posée par M. Gouteyron.
Il n'est pas impossible que le texte, dans sa rédaction actuelle, comporte
quelques maladresses d'expression et réclame telle ou telle adaptation. Je n'en
dirai pas davantage aujourd'hui, car nous y travaillons en ce moment. Nous
consultons les meilleurs juristes, et la solution que je proposerai le moment
venu tiendra naturellement compte des objections juridiques réelles qui
pourraient être formulées.
Permettez-moi de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous
avez voté la loi Toubon relative à l'emploi de la langue française. Les travaux
préparatoires, vous le savez, sont censés éclairer le juge.
A l'époque, un député, aujourd'hui sénateur, M. Le Pensec, avait demandé au
ministre, M. Jacques Toubon, si l'enseignement Diwan entrait dans le champ
d'application de son projet de loi et si ces écoles seraient ou non, en
infraction. Vous en avez peut-être gardé le souvenir, la loi Toubon comporte
une disposition explicite prévoyant que certaines dérogations peuvent être
accordées dans le domaine de l'enseignement des langues régionales et des
langues étrangères ; et M. Toubon avait répondu
expressis verbis
à M. Le
Pensec que le système Diwan entrait parfaitement dans le champ de ces
dérogations.
Je crois donc très profondément que l'accord est conforme à la loi, même si
deux ou trois points de détail doivent être améliorés. Le moment venu, je me
permettrai de vous en faire part.
Au-delà même du droit à l'expérimentation, que notre système d'éducation ne
doit pas décourager, au-delà même du combat pour le plurilinguisme, qui est un
combat déterminant pour la création d'une véritable Europe de la culture, de
l'éducation et de la jeunesse, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que
nous devons aussi nous mettre à la place de la Bretagne.
Très peu de gens parlent le breton, mais l'immense majorité des Bretons
s'identifient aux combats qui ont été menés depuis des années pour la
reconnaissance des cultures de la Bretagne.
Je me souviens, ministre de la culture, m'être trouvé à Lorient pour le
festival interceltique - c'était la première fois qu'un ministre de la culture
s'y rendait ! En ce temps-là, on disait que c'était très ringard,...
M. Hilaire Flandre.
Maintenant, c'est remplacé par les
rave parties !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
... que c'était très vieillot. On a
entendu parfois des paroles plus désobligeantes encore.
Eh bien, à partir du festival de Lorient ou de manifestations organisées dans
d'autres villes de Bretagne est né un mouvement culturel puissant, profond, qui
a renouvelé la poésie, la musique, l'écriture, la langue. Et ce mouvement
culturel profond, qui ne s'est pas nécessairement exprimé en langue bretonne,
est une lame de fond grâce à laquelle, j'y insiste, nombre de Bretons,
notamment les jeunes générations, se sont reconnus.
La mesure que nous proposons ne concerne que 2 600 élèves - une poignée !
Mais, au-delà, c'est une question de reconnaissance de la Bretagne, et c'est,
d'une certaine manière, une forme de réparation historique d'injustices qui ont
pu être infligées à d'autres régions de France.
C'est la raison pour laquelle, personnellement, je me bats avec conviction
pour la reconnaissance des langues et des cultures de France, comme je me bats
pour le soutien déterminé et farouche de notre langue nationale.
(Applaudissements sur certaines travées socialistes.)
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, ce matin, au nom de la
commission, j'ai formulé un certain nombre de remarques sur l'article 65.
J'avais indiqué que, bien sûr, il s'agissait pour nous de ramener la
controverse au niveau que mérite le petit nombre d'élèves concernés. J'avais
aussi rappelé que les langues régionales font partie de notre socle
culturel.
Etant président du conseil général du Bas-Rhin, j'ai signé avec vous, monsieur
le ministre, l'accord auquel vous faisiez allusion. Vous savez donc que, comme
d'autres élus, je suis très attaché à la mise en place d'une politique
volontariste en matière de langues régionales.
Cependant, je faisais également trois remarques. D'abord, il est, bien sûr,
indispensable que cet enseignement s'exerce dans le respect des dispositions de
l'article 2 de la Constitution et de la loi du 4 août 1994. Ensuite, nous avons
besoin de précisions sur les aménagements susceptibles d'être apportés au
protocole et à ses textes d'application, dont l'élaboration, visiblement,
rencontre encore des difficultés. Enfin, et peut-être surtout, je souhaite que
les langues régionales fassent l'objet d'un véritable débat, y compris au
Parlement, dans les prochains mois.
Monsieur le ministre, vous avez répondu aux interrogations de la commission
des affaires culturelles de façon parfois complète, parfois incomplète. Vous
disiez notamment, tout à l'heure, que le texte pouvait encore être modifié à la
marge : nous aurions souhaité savoir quelles modifications vous envisagiez
d'apporter.
Je m'exprimerai maintenant à titre personnel.
Je voterai l'article 65, c'est-à-dire l'intégration des personnels de
l'association Diwan dans les cadres de la fonction publique. Il ne s'agit pas
pour moi de donner un blanc-seing à une méthode pédagogique ; il s'agit de
rendre possible l'expérimentation et, grâce à elle, d'intégrer des enseignants,
des pédagogues qui, demain, pourront trouver leur place dans le système
éducatif national.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu des réponses que vous avez données,
monsieur le ministre, j'apporterai ma voix à ce texte, en souhaitant que le
débat puisse continuer et que le Conseil d'Etat pourra bientôt statuer
définitivement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 65.
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
J'ai hésité à prendre la parole. Chacun ici connaît mon attachement à la
langue française, et le fait que je m'inquiète du vote qui nous est demandé
aujourd'hui, aurait pu apparaître comme une opposition, au nom de la langue
française, à la langue bretonne. Or, tel n'est absolument pas le cas.
Tout Français qui souhaite apprendre sa langue régionale doit avoir la
possibilité de le faire, car c'est son choix. Quand on aime la langue
française, on doit respecter toute langue qui est ressentie, avec la charge
affective que cela suppose, comme langue maternelle. Je tenais à apporter cette
précision.
Monsieur le ministre, vous vous êtes fait l'avocat du plurilinguisme, et ma
pensée est en parfaite harmonie avec la vôtre lorsque vous rappelez que tout
jeune Français, outre sa langue nationale, doit connaître au moins deux
langues. Dans la période où nous vivons, c'est devenu nécessaire.
Actuellement s'achève l'année européenne des langues, décidée par le Conseil
de l'Europe et par l'Union européenne.
Il se trouve que je suis, au sein du Conseil de l'Europe, le rapporteur de
cette manifestation. Il y aurait donc quelque contradiction de ma part à ne pas
souhaiter qu'en France on mette en application le plurilinguisme !
Enfin, je tiens à rappeler qu'il y a quelques années la commission des
affaires culturelles du Sénat à mis en place, sur mon initiative, une mission
d'information sur l'enseignement des langues étrangères en France : nous
pensions aux autres langues, mais aussi aux langues régionales.
Tout cela pour dire que je partage - comme, j'en suis persuadé, l'immense
majorité des membres du Sénat - votre souhait de permettre à tous ceux qui en
font la demande d'apprendre une langue régionale.
Cependant, monsieur le ministre, ce qui est ici en cause, ce n'est pas le
fond, c'est la méthode.
Vous nous demandez en effet d'intégrer, ou presque, dans le service public une
association qui dispense un enseignement qui fait de la langue bretonne la
première langue de ses élèves.
Certains pays ont, certes, recours à la pratique de l'immersion, et celle-ci
ne me choque pas, non plus d'ailleurs que les méthodes mises en oeuvre dans les
sections européennes. Ce qui me choque, c'est qu'en France on puisse commencer
l'apprentissage complet d'une langue autre que le français avant celui de notre
langue.
Nous nous engageons là dans un processus que je crois d'autant plus dangereux
que je partage les craintes exprimées par notre collègue Ivan Renar sur la
menace que pourraient représenter pour les langues nationales européennes, d'un
côté, l'anglo-américain, de l'autre, les langues de proximité.
Nous respectons les langues régionales, mais elles ne sauraient se substituer,
dans notre pays comme dans les autres, aux langues nationales.
Vous avez dit, monsieur le ministre, être vous-même conscient des difficultés,
raison pour laquelle vous tentiez de faire des propositions à la marge.
Permettez-nous de ne pas les accepter. En revanche, si vous-même ou votre
successeur trouviez une solution induisant moins de difficultés pour permettre,
comme nous le souhaitons sincèrement, à tous ceux qui le veulent d'apprendre
une langue régionale, vous pourriez toujours en saisir le Parlement.
Aujourd'hui, je crois qu'il y aurait imprudence à vous suivre, et je ne
pourrai voter cet article 65. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. René-Pierre Signé.
Mais combien de temps cela va-t-il durer ?
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Je n'ai pas l'habitude de parler très longuement, mon cher collègue, et je
vous ai, pour ma part, laissé vous exprimer sans vous interrompre. Je vous
prierai donc de ne pas empiéter sur mon temps de parole !
M. le président.
Vous disposez de cinq minutes, monsieur Lachenaud !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ce sera plus bref, monsieur le président.
Votre plaidoyer, monsieur le ministre, ne nous a pas convaincus.
Je suis personnellement favorable à l'expérimentation, à l'innovation
pédagogique et à la recherche, que ce soit dans les établissements privés,
publics ou sous contrat d'association. Mais, monsieur le ministre, ce n'est pas
vraiment là le sujet !
De même, nous sommes favorables à l'apprentissage d'une, de deux, de trois,
bref, de plusieurs langues, régionales ou étrangères, mais après le français
!
Le français est la langue de notre pays et, constitutionnellement, c'est la
langue de tous les Français.
Vous dites que ce dispositif est de portée limitée, qu'il n'est que technique,
juridique et financier. Mais non ! Quand il sera mis en place, il deviendra
irrévocable !
C'est une politique des « petits pas » : étape par étape, on n'en met pas
moins en place une réforme que nous n'approuvons pas.
Il reste, en outre, d'importantes questions auxquelles vous n'avez pas
répondu. L'article 65 ne créera-t-il par un précédent que voudront suivre
d'autres associations, pour d'autres publics, d'autres langues et en d'autres
lieux ?
Je ne comprends pas pourquoi on ne s'en tient pas au contrat d'association,
qui constitue le dispositif le mieux adapté à ce type d'innovation et
d'expérimentation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, personnellement, je ne peux donc
voter l'article 65.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le ministre, vous avez défendu l'article 65 avec passion et lyrisme,
de façon très séduisante, mais, dans le même temps, vous avez fait la
démonstration de la nécessité d'un vrai débat parlementaire sur cette
question.
M. Jacques Legendre.
Tout à fait !
M. Ivan Renar.
Oui, l'école de la République doit accueillir les autres langues, tout le
monde en est d'accord ! Oui aussi à l'expérimentation, mais, en l'occurrence,
il s'agit tout de même d'un dossier un peu plus « chaud » que vous avez bien
voulu le reconnaître, et si je me permets de vous le dire, ce n'est pas par
frilosité !
Il s'agit, on le voit bien, d'un débat qui traverse tous les groupes, d'un
vrai débat donc. Raison de plus pour que le Parlement légifère et traite la
question dans son ensemble. On évitera ainsi de créer une situation
inégalitaire, qui se retournera d'ailleurs contre ceux qui
l'expérimenteront.
Des expériences ont lieu dans les lycées et collèges européens. Vous en avez
fait état et, en effet, qu'un professeur français enseigne en Allemagne les
mathématiques, la physique ou la chimie en français, alors qu'un professeur
allemand enseigne dans un lycée français ces mêmes disciplines en allemand,
constitue une expérience intéressante : il y a un véritable échange, une
progression naturelle des élèves, une égalité de traitement.
Mais, en l'espèce, il ne s'agit pas de cela.
Par ailleurs, je suis, avec notre ancien collègue Félix Leyzour, à l'origine
de l'amendement - MM. Gouteyron et Legendre peuvent en témoigner - qui a
introduit dans la loi Toubon la dérogation que vous avez mentionnée. M. Leyzour
était sénateur de Bretagne, lui aussi communiste, et très sensible à la
question des langues régionales. Notre amendement avait été accepté par
l'ensemble du Sénat.
Je le rappelle pour vous démontrer qu'il ne s'agit pas de frilosité de notre
part. Mais je ne vais pas relancer le débat !
Je confirme que nous ne voterons pas l'article 65, mais, par honnêteté
intellectuelle, je dois signaler à la Haute Assemblée que notre collègue Gérard
Le Cam, s'il y avait eu un scrutin public, aurait, lui, voté cet article. Je
tenais à le préciser parce que c'est une vérité qui sera peut-être un jour
historique !
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 65.
M. Louis Le Pensec.
Les Bretons l'approuvent !
Un sénateur du RPR.
Les Alsaciens aussi !
(L'article 65 n'est pas adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement scolaire.
II. - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, pour la
septième fois, j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission des
finances, le projet de budget relatif à l'enseignement supérieur.
Le présent projet de budget est le dernier de la législature ; il ne sera
cependant pas pour nous l'occasion de faire le bilan de la politique
universitaire que vous avez menée à la suite de Claude Allègre.
La commission des finances a établi un rapport écrit qui traite de l'ensemble
des questions, qu'il s'agisse de l'organisation universitaire, des problèmes
pédagogiques ou de la vie étudiante. Je vais donc concentrer mes observations
sur deux points : l'investissement et les dotations de fonctionnement des
universités.
Auparavant, je citerai quelques chiffres : 8,736 milliards d'euros, 1 544 000
étudiants, non compris les étudiants en IUT et en IUFM, et 136 000 personnels.
Voilà ainsi « cadré » le projet de budget de l'enseignement supérieur pour
2002.
Je réserve pour la conclusion une observation générale sur le niveau des
crédits et sur leur progression entre l'année 2001 et l'année 2002.
Ayant lu l'excellent rapport de notre collègue de la commission des affaires
culturelles, nous avons décidé de focaliser nos interventions sur des sujets
très précis, dans l'esprit, en quelque sorte, de la méthode expérimentale des
questions-réponses.
Monsieur le ministre, je l'ai dit, je vais vous interroger sur
l'investissement et sur le fonctionnement. Vous ne serez d'ailleurs pas surpris
par mes questions puisque ce sont les mêmes que celles que je vous ai posées
lorsque, à l'invitation de la commission des affaires culturelles, j'ai assisté
à la présentation, devant cette commission, de votre projet de budget.
En matière d'investissement, le constat est tout simplement dramatique : les
crédits inscrits tant au titre V qu'au titre VI s'élèveront à 723 millions
d'euros, soit une baisse de 13,7 % !
Les opérations prennent toutes du retard : les crédits de paiement, qui sont
la traduction du rythme réel d'engagement des travaux sur le terrain, baissent.
Comment, dans ces conditions, satisfaire les besoins en matière de rénovation,
de sécurité, d'accueil, de recherche, de bibliothèque ? Un exemple : les
crédits de paiement de Jussieu s'élevaient à 88 millions d'euros il y a deux
ans, ils ne sont plus que de 23 millions d'euros.
Ce constat s'aggrave encore lorsqu'on prend en compte l'évolution des crédits
de maintenance. Vous gérez, monsieur le ministre, quatorze millions de mètres
carrés de bâtiments universitaires. Pour avoir la charge, dans nos
collectivités locales, des collèges ou des lycées, nous savons ce que
représente une telle surface. Or, pour assurer la maintenance, vous ne disposez
que de 230 millions d'euros de crédits. C'est très faible, et c'est
insuffisant, car, pour entretenir le patrimoine universitaire, il faudrait des
crédits de maintenance de deux à trois fois supérieurs.
Sur ce constat, tout le monde s'accorde, et la Cour des comptes a d'ailleurs
appelé votre attention sur les retards dans l'exécution des programmes.
Quelles sont les conséquences ?
Elles sont dramatiques pour l'accueil comme pour les conditions de travail et
de recherche des étudiants.
Quant à l'exécution des contrats de plan Etat-régions, elle ne prendra pas
sept ans, mais risque plutôt, au rythme où vont les choses, de s'étaler sur une
durée de huit ou dix ans !
M. Eric Doligé.
C'est dramatique !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
La question, monsieur le ministre, est de savoir si,
devant ce constat, vous vous livrez à une analyse de la situation et si vous en
recherchez les causes. Quelles sont les raisons d'un tel retard ? Pourquoi les
crédits ne sont-ils pas consommés et pourquoi en est-on réduit à les ajuster à
la baisse ?
Vous avez fourni à la commission des finances du Sénat un certain nombre de
réponses, en faisant état de difficultés de procédure, de problèmes liés à
l'établissement des programmes pédagogiques, à l'organisation de la maîtrise
d'ouvrage ou à l'obtention de la participation des collectivités locales.
M. Eric Doligé.
Cela, c'est totalement faux !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Vous avez également évoqué les difficultés
rencontrées par l'Etat dans la mise en oeuvre de son programme de construction,
en raison de divers accidents de parcours, tels qu'une vingtaine d'appels
d'offres restés infructueux ou des contentieux avec des maîtres d'oeuvre.
Il convient, monsieur le ministre, de procéder à un audit extrêmement précis
et détaillé, qui nous permettra de redresser la barre et de parvenir à relancer
le rythme des constructions universitaires. Cela est vital ! Il faut analyser
l'ensemble des processus, apporter des remèdes juridiques et techniques. Tel
est le sens de ma première observation.
Ma seconde observation portera sur les crédits de fonctionnement des
universités. Ces derniers, nous le reconnaissons très franchement, augmentent
de manière extrêmement importante, plus fortement que les années précédentes.
En effet, la progression est de 1,155 milliard d'euros, soit un taux de
croissance variant de 7,4 % à 7,6 % selon le périmètre retenu. Mais retenons le
second chiffre !
Toutefois, se pose le problème du mode de répartition de ces crédits. Qu'il
s'agisse des magistrats de la Cour des comptes, des présidents d'université ou
de membres de cette assemblée, nous sommes nombreux à critiquer la mise en
oeuvre du système analytique de répartition des moyens, dénommé San Remo.
Chaque année, on tente de nous apaiser en nous expliquant que ce dispositif
sera amélioré et réformé. Malheureusement, nous ne voyons pas vraiment les
signes ou les effets d'une telle évolution. Nous constatons au contraire, une
fois de plus, que San Remo ne donne pas entièrement satisfaction. Ainsi,
plusieurs universités, notamment celle de La Rochelle, ont protesté assez
énergiquement, ces derniers mois, contre le mode de fonctionnement actuel du
système.
Par ailleurs, San Remo n'a pas permis, malgré la progression des moyens, un
redéploiement de ceux-ci au profit des universités pour lesquelles les taux
d'encadrement sont les plus faibles. A mon sens, les universités récentes et
les universités à dominante littéraire ou juridique sont pénalisées par un
système de répartition qui consiste à comparer les dotations théoriques aux
dotations réelles et à mesurer l'écart par rapport aux normes qu'ils serait
souhaitable de respecter.
Cela étant, vous nous affirmez, monsieur le ministre, que le dispositif a été
quelque peu amélioré.
A cet égard, il faut tout d'abord reconnaître que la répartition d'une
fraction des crédits est désormais liée à la mise en oeuvre de la politique
contractuelle. Toutefois, cette fraction ne représente qu'environ un septième
des dotations. Or, certains des objectifs assignés à la politique contractuelle
nous paraissant pertinents, nous souhaiterions que la part des moyens affectée
en fonction de celle-ci soit accrue, d'autant que la conclusion de contrats
amène un renforcement de l'autonomie des universités. Ce point est extrêmement
important, à nos yeux : nous sommes pour l'autonomie, orientée par des
objectifs, insérée dans un dispositif contractuel et soumise à évaluation.
Au-delà de cette légère amélioration du fonctionnement de San Remo, monsieur
le ministre, vous avez chargé la commission Laugénie de proposer quelques
autres ajustements. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous apporter
la démonstration qu'il ne s'agit pas de simples aménagements à la marge, mais
nous avons, pour notre part, le sentiment que, d'aménagements en ajustements,
le système se trouve complètement dénaturé et a perdu de sa transparence, tout
en restant aussi critiquable qu'auparavant. Au travers des deux remarques que
j'ai formulées, je me suis inscrit dans une problématique strictement
financière, puisque la première d'entre elles visait les causes et les
conséquences de la réduction des crédits d'investissement, et la seconde la
nécessité de rationaliser et de réformer en profondeur - en concertation avec
les présidents d'université - le mode de répartition des moyens de
fonctionnement.
En conclusion, j'indique que la commission des finances du Sénat a émis un
avis défavorable sur les crédits de l'enseignement supérieur. Elle aurait
souhaité, monsieur le ministre - ce propos vous surprendra peut-être dans ma
bouche - et sans vouloir engager un débat sur les évolutions respectives des
crédits de l'enseignement scolaire et de ceux de l'enseignement supérieur, que
ce projet de budget soit plus ambitieux ; elle aurait voulu que vous affirmiez
nettement la priorité qui doit être donnée à l'enseignement universitaire, que
l'on prépare l'avenir de notre pays et que les crédits connaissent un
accroissement plus marqué.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 8,73 milliards
d'euros, soit 57,3 milliards de francs, le projet de budget pour 2002 de
l'enseignement supérieur marque l'une des plus faibles progressions constatées
depuis quinze ans - elle est deux fois inférieure à celle des crédits de
l'enseignement scolaire - et témoigne donc d'un manque d'ambition pour un
secteur dont dépend pourtant directement l'avenir de notre pays.
Certes, les moyens ne sont pas tout ; l'Université pâtit aussi d'une
organisation trop centralisée et d'une vision trop conservatrice, et il serait
souhaitable de lui accorder davantage d'autonomie. Il reste que l'évolution
générale des crédits est décevante, même si ce projet de budget permettra de
créer 3 500 emplois supplémentaires, dont 2 000 au titre du plan pluriannuel et
1 500 pour réduire le recours à l'emploi précaire. S'agissant des enseignants,
1 000 emplois seront créés, dont 600 d'enseignant-chercheur, pour un coût de 64
millions de francs.
En ce qui concerne la création de 1 000 emplois non enseignants, je relève que
150 d'entre eux seront affectés, et c'est heureux, aux bibliothèques
universitaires, mais aussi que 1 500 emplois gagés sont prévus au titre de la
résorption de l'emploi précaire, c'est-à-dire qu'ils seront financés sur les
ressources propres des universités. Cette charge sera pérennisée, les recettes
ne l'étant pas !
Ces créations d'emplois s'inscrivent par ailleurs dans la perspective de
départs en retraite qui conduiront à recruter plus de 16 500
enseignants-chercheurs dans les dix ans à venir. Je rappellerai que le plan
pluriannuel prévoit la création sans crédits jusqu'en 2003 de 1 700 emplois
budgétaires et de 900 emplois d'attaché temporaire d'enseignement et de
recherche - ATER - et qu'il permettra d'ouvrir 3 600 postes au concours chaque
année de son exécution.
Le renouvellement du corps des enseignants-chercheurs, sans doute moins massif
et plus étalé dans le temps que celui du corps des professeurs du secondaire,
est donc inéluctable, mais devra s'accompagner d'une amélioration de sa
gestion, qui a été récemment critiquée par la Cour des comptes, et d'un
aménagement du statut, en tenant compte des préconisations du rapport
Espéret.
Les subventions de fonctionnement, quant à elles, connaîtront une hausse
bienvenue de 7,8 %, celle-ci devant enfin permettre de procéder à un rattrapage
au profit des universités sous-dotées, en particulier dans les filières
littéraires et de sciences humaines, dans l'attente d'une réforme déjà amorcée
du système San Remo de répartition des moyens entre les établissements.
Par ailleurs, les autorisations de programme et les crédits de paiement
s'élèveront respectivement à 5,9 milliards de francs et à 4,7 milliards de
francs en 2002, ce qui devrait permettre d'accélérer la mise en oeuvre des
contrats de plan Etat-région, les CPER, notamment pour l'Ile-de-France. Le
volume des contrats de plan a été recalibré en fonction du retard constaté dans
la consommation des crédits, qui a d'ailleurs été dénoncé par la Cour des
comptes. A n'en pas douter, une réflexion doit être engagée sur la mise en
oeuvre des contrats de plan et, plus largement, sur le patrimoine immobilier
universitaire : la commission des affaires culturelles a décidé de créer une
mission d'information à cet effet, ce qui s'inscrit dans le droit-fil de
l'intervention de M. le rapporteur spécial.
J'évoquerai maintenant très rapidement l'évolution des effectifs étudiants,
qui sont appelés à se stabiliser dans les dix ans à venir. Ces projections
semblent annoncer un plafonnement du mouvement de démocratisation universitaire
engagé depuis le début des années quatre-vingt. A cet égard, je crois que le
système des aides aux étudiants, qui contribue incontestablement à cette
démocratisation, a révélé ses limites, même si le plan social, dont l'exécution
est en voie d'achèvement, a permis de relever de 15 % le montant des bourses,
qui sont aujourd'hui attribuées à 30 % des étudiants.
Par ailleurs, on peut observer que le total des dépenses d'action sociale en
faveur des étudiants, qui représentent près du cinquième du budget de
l'enseignement supérieur, n'augmentera que de 1,3 % en 2002, alors que sa
progression avait été de 25 % au cours des quatre dernières années.
Je crois que le moment est venu de repenser l'actuel dispositif d'aides aux
étudiants, qui est complexe, peu efficace et insuffisamment redistributif,
comme le montre le fait que 30 % des étudiants sont aujourd'hui obligés de
travailler pour financer leurs études ; toute réforme en ce domaine doit
s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus large portant sur l'ensemble des
jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, qu'ils soient ou non étudiants.
Il reste que la démocratisation de l'enseignement supérieur, sans doute
réussie sur le plan quantitatif, n'est que relative : le rapport écrit de la
commission des affaires culturelles comporte à cet égard quelques chiffres
significatifs sur les chances inégales de réussite au DEUG, sur l'inadaptation
des premiers cycles à la nouvelle population des bacheliers, en dépit des
quelques mesurettes annoncées, et sur l'insuffisante ouverture des grandes
écoles, mais aussi des deuxième et troisième cycles universitaires, aux
étudiants d'origine modeste.
En outre, je rappellerai la nécessité, pour l'Université, de s'ouvrir au monde
extérieur. S'agissant de l'harmonisation européenne des cursus dans le cadre du
système dit « 3-5-8 », pourtant engagée par votre prédécesseur, monsieur le
ministre, je m'interroge sur l'avenir de ceux de nos diplômes qui n'entrent pas
dans le moule européen, c'est-à-dire les DEUG, les DUT et les BTS, tous
préparés en deux ans, mais aussi la maîtrise, préparée en quatre ans : sont-ils
condamnés à terme ou la durée des études nécessaires à leur préparation
devra-t-elle être harmonisée, c'est-à-dire allongée ?
En ce qui concerne la mise en place expérimentale du système européen de
transfert de crédits, dit ECTS, qui est destiné à encourager la mobilité des
étudiants entre universités, la commission des affaires culturelles a souhaité
que des garde-fous soient mis en place pour éviter la constitution, à l'échelon
européen, d'une sorte de « libre-service » des formations supérieures qui
pourrait menacer l'homogénéité des niveaux de formation de nos étudiants.
Pouvez-vous nous apporter des assurances sur ce point, monsieur le ministre
?
J'évoquerai enfin la nécessité d'assurer un meilleur accueil des étudiants
étrangers dans nos universités, de développer les programmes européens
d'échanges et de promouvoir notre enseignement supérieur à l'étranger, pour
souligner quels moyens budgétaires dérisoires sont affectés à ces actions,
notamment à l'agence Edufrance.
J'en terminerai en indiquant que, pour permettre à nos universités d'être plus
efficaces, nous devons leur donner la maîtrise de leurs moyens, c'est-à-dire
renforcer leur autonomie, qui est aujourd'hui trop limitée, alors que son
principe était inscrit dans la loi de 1984. Cela suppose aussi une véritable
évaluation des établissements et des formations qu'ils dispensent.
Considérant que la progression modeste des crédits ne s'accompagne pas
d'innovations pédagogiques adaptées, que les perspectives d'ouverture
européenne restent confuses et que l'autonomie des universités est encore
entravée par un centralisme excessif, la commission des affaires culturelles a
donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur
pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Je reviendrai cette année, monsieur le ministre, sur deux problèmes que
j'évoquais déjà devant vous l'an dernier à cette tribune.
Je voudrais tout d'abord parler de l'accueil des étudiants étrangers par les
universités françaises, qui est un sujet essentiel pour l'avenir d'une
francophonie vivante et rayonnante. Or il faut bien constater que la France ne
tient plus, dans le domaine de l'accueil des étudiants étrangers, la place qui
fut jadis la sienne.
Les causes de ce recul sont multiples : instauration de visas, ouverture,
souvent avec notre aide, d'universités dans les pays africains - cela est bien
légitime - absence en France d'une tradition d'accueil qui aille au-delà des
conditions d'enseignement et qui se préoccupe de tous les aspects de la
présence de l'étudiant étranger en France.
Mais il faut souligner que nous sommes d'abord en proie à la concurrence
d'autres pays, d'autres systèmes d'enseignement supérieur, qui considèrent,
eux, que l'enseignement supérieur est un marché et qu'il convient de s'y
tailler une place. C'est le cas, par exemple, de l'Australie. Je ne suis pas en
train de militer pour que nous prenions une telle optique, sans doute un peu
marchande. Cependant, il me paraît nécessaire que nous conduisions une action
plus ambitieuse et plus énergique dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics français tentent en effet de
réagir, mais la réponse est encore lente à s'affirmer. Votre prédécesseur,
conjointement avec le ministre des affaires étrangères, avait créé Edufrance et
annoncé pour cet organisme de grandes ambitions, notamment en ce qui concerne
le nombre d'étudiants étrangers attendus. Pouvez-vous nous faire le point,
monsieur le ministre, sur l'action de cet organisme et, plus généralement, sur
l'action que vous menez, ou à laquelle vous vous associez, pour que la France
redevienne un des principaux pays d'accueil des étudiants étrangers ?
Je reviendrai maintenant, monsieur le ministre, sur un deuxième problème, très
différent, mais qui n'a pas, lui non plus, connu d'avancée positive depuis le
débat budgétaire de l'an dernier.
Vous le savez, notre pays compte de grandes écoles d'ingénieurs et de cadres
de l'enseignement privé. Vous connaissez le nom de plusieurs de ces écoles,
dont la notoriété n'est plus à faire. Je pourrais citer l'ECAM de Lyon, les
ICAM de Lille, de Nantes et de Toulouse, l'ISEN de Lille. Je m'arrêterai là
!
Qui n'a entendu parler de grandes écoles de commerce privées, comme l'ESSEC,
l'EDHEC ou l'ESSCA ? Ces écoles, dont plusieurs sont centenaires, ont fait
leurs preuves sans défaillir, année après année, contribuant, on ne peut plus,
au service de l'enseignement supérieur. Elles se sont d'ailleurs organisées,
depuis une trentaine d'années, au sein d'une fédération que votre
administration connaît bien et avec laquelle elle dialogue.
Quelques chiffres permettent de mesurer, si besoin est, le poids de ces écoles
dans le panorama de notre système de formation supérieure. Constituées en
réseau sur sept pôles régionaux, ces vingt-cinq écoles accueillent annuellement
plus de 17 000 étudiants. Elles délivrent quelque 3 200 diplômes par an,
habilités par la commission des titres d'ingénieurs ou visés par le ministère
de l'éducation nationale. Elles emploient pas moins de 4 000 salariés. Elles
entretiennent des laboratoires de recherche. Elles ont établi des liens et de
fortes relations avec l'étranger. Les insertions professionnelles - et c'est
très important - sont immédiates, et environ 110 000 anciens élèves sont
actuellement en activité. Ces grandes écoles constituent incontestablement une
force pour la France et apportent aux entreprises de notre pays les cadres dont
elles ont de plus en plus besoin aujourd'hui.
N'est-il pas alors de notre devoir, de votre devoir, monsieur le ministre, de
porter la plus grande attention à ces écoles et de les soutenir financièrement,
réellement ? En effet, jusqu'à présent, la participation de l'Etat à l'activité
de ces écoles reste faible. Elle est de l'ordre de 6 500 francs pour chacun des
10 200 étudiants concernés en formation initiale. Cette somme est très faible.
Elle représente environ 13 % du coût annuel d'un étudiant. Contrairement à ce
que disent vos services, monsieur le ministre, cette subvention est en baisse
si, légitimement, elle est rapportée au nombre d'étudiants dont l'augmentation
annuelle est raisonnable, de l'ordre de 2 %.
De plus, le montant global de cette subvention reste aléatoire. Il doit être
renégocié chaque année, ce qui est très contraignant. La totalité des
versements est faite aux écoles en décembre. Ainsi, la subvention pour 2001
n'est toujours pas complètement versée aux écoles. Pourtant, nous sommes au
début de la nouvelle année scolaire 2001-2002 et l'exercice comptable de ces
écoles est clos depuis août dernier.
Comment ces écoles assurent-elles leur équilibre financier ?
On nous parlera, bien sûr, de la taxe d'apprentissage. Elle apporte en moyenne
10 000 francs par étudiant, mais elle diminue du fait de son déploiement. En
conséquence, elle ne peut pas être la réponse à la demande.
Il y a aussi des prestations aux entreprises. C'est un complément intéressant,
mais qui reste limité. Il y a alors et surtout les frais de scolarité réclamés
aux étudiants et aux familles. Ils s'élèvent déjà, en moyenne, à 30 000 francs
par étudiant et par an. Ils deviennent, à juste titre, insupportables. Vous
comprendrez qu'il est impossible de les augmenter davantage. D'ailleurs, cela
enferme ces écoles dans une sorte de piège : dans la mesure où la participation
des familles est élevée, elles ont, dit-on, un recrutement élitiste,
socialement élevé, alors que bien des jeunes issus d'un milieu modeste
pourraient également s'épanouir et se former au sein d'écoles de cette qualité.
Par conséquent, diminuer le coût pour les familles de l'accès à ces écoles,
c'est incontestablement aussi un élément de démocratisation de l'enseignement
supérieur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a eu débat. Les écoles,
monsieur le ministre, vous ont demandé une participation de 40 000 francs par
étudiant en formation initiale. Je le répète : nous en étions à 6 500 francs.
Ce qui m'inquiète, c'est que je ne constate pas, par rapport à l'an dernier où
ce problème avait été évoqué, de véritables modifications de la situation. Or
il s'agit d'un ensemble d'écoles particulièrement importantes et utiles, qui
tiennent, pour le plus grand bien des étudiants et de notre pays, une place
incontestable dans l'enseignement supérieur.
Voilà pourquoi j'ai voulu consacrer une partie du temps qui m'était
aujourd'hui imparti à reposer clairement ce problème.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez enfin y apporter une
réponse, autrement que par une référence à une contractualisation qui n'a
concerné qu'un nombre très limité d'écoles. Ainsi, des jeunes Français ayant
fait la preuve de leurs qualités intellectuelles - car le niveau de recrutement
est élevé - et indépendamment de la situation financière de leur famille,
pourront trouver leur place au sein de ces écoles d'ingénieurs, qui sont une
chance pour notre pays.
Monsieur le ministre, j'espère qu'il ne me sera pas donné d'intervenir de
nouveau sur ce sujet au cours des années à venir. Ces écoles sont une chance
pour notre pays. Il convient de permettre leur réelle démocratisation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Zocchetto.
M. François Zocchetto.
Monsieur le ministre, l'enseignement supérieur est-il, en France, une priorité
aujourd'hui ? L'examen de votre budget pour l'année 2002 nous incite à penser
le contraire. En effet, ce budget ne permet pas à l'Université d'assumer la
totalité de ses missions dans de bonnes conditions. On demande à l'Université
d'en faire toujours plus par rapport au budget qui lui est alloué : accueillir
les étudiants de manière individualisée, organiser un soutien en petits
groupes, professionnaliser certains cursus, développer la formation permanente,
renforcer la recherche, déployer des activités internationales, etc.
Votre budget, monsieur le ministre, se caractérise à la fois par un effet
d'annonce, lié à l'augmentation marquée des dépenses de fonctionnement, et par
l'absence de réformes pourtant nécessaires.
En réalité, ce budget se situe dans la droite ligne de celui de l'année
dernière. L'effort quantitatif l'emporte sur l'aspect pourtant essentiel d'une
amélioration qualitative de l'enseignement. Les grands problèmes ne sont pas
résolus, notamment le taux d'échec en premier cycle, l'inégalité des chances ou
la faible ouverture à l'international. Tous ces dossiers en sont restés au
stade du diagnostic.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. François Zocchetto.
Il en est de même de la réforme des cursus et des diplômes, qui officiellement
est repoussée afin de poursuivre la concertation. Et pourtant, combien de
groupes de travail ont-ils été constitués, combien de rapports ont-ils été
écrits ? Vous avez multiplié les effets d'annonce. Les résultats se font
cruellement attendre. Je prendrai quelques exemples.
S'agissant de la revalorisation de la filière scientifique, des
expérimentations ont bien été lancées, mais elles n'ont toujours pas débouché
sur du concret. Or l'enjeu est de taille puisque le nombre d'étudiants dans
cette filière est en baisse régulière. En cinq ans, le nombre de jeunes qui
sont entrés en première année pour préparer un DEUG a chuté de 15 %. Cette
situation est dommageable à l'heure où nos besoins en chercheurs se font
particulièrement sentir dans les différents secteurs de l'économie. Les
expériences menées dans six universités ont donné de bons résultats. Pourquoi
ne pas les généraliser ?
Un autre exemple a trait à la redéfinition du métier des enseignants du
supérieur. Je regrette vivement que cette question n'ait pas été abordée.
Pourtant, mon collègue Yves Fréville a rendu des conclusions fort
intéressantes sur le recrutement et la gestion des personnels universitaires et
de la recherche dans le cadre du comité d'évaluation des politiques publiques
du Sénat. En donnant la parole aux intéressés, grâce à la mise en place d'un
forum Internet qui a reçu plus de 1 400 contributions, puis par la réalisation
d'un sondage auprès de 4 000 universitaires, un travail très important a été
fait. Il a mis en évidence l'opacité, la lourdeur, le caractère peu
intelligible à l'étranger des procédures de recrutement et d'avancement. Nous
sommes nombreux ici à nous demander si ces procédures ne vont pas conduire à la
« médiocratisation » de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les politiques mises en place au début des années quatre-vingt-dix ont permis
de reconstituer un « vivier » de futurs universitaires et d'adapter le format
des universités à ce que l'on appelait le « défi du nombre », compte tenu de
l'évolution démographique. Reconnaissons cependant que ces politiques
s'essoufflent aujourd'hui. Il faut, en effet, insister sur l'évolution du
contexte démographique des enseignants, caractérisé par de très nombreux
départs à la retraite aux cours des prochaines années.
S'agissant de la carrière des enseignants de l'enseignement supérieur, je
ferai des propositions dans trois directions.
La première vise à instaurer un contrat individuel pluriannuel passé entre
chaque universitaire ou chercheur et chaque président d'université ou directeur
de laboratoire, afin de mieux évaluer les activités scientifiques ainsi que les
performances des établissements.
La deuxième tend à améliorer la gouvernance des établissements, par la
création de conseils d'orientation, comportant, sur le modèle anglo-saxon, des
personnalités extérieures, afin de parvenir à une véritable autonomie des
universités, et donc de les libérer des corporatismes disciplinaires
aujourd'hui trop puissants.
La troisième a pour objet de rendre à l'Etat son rôle de pilotage de
l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment par la définition d'une
politique globale de l'emploi scientifique et par la mise en oeuvre d'une
véritable gestion prévisionnelle des emplois.
En dix ans, le budget de l'enseignement supérieur a doublé et a bénéficié de
23 000 créations d'emplois supplémentaires. Il est vrai qu'il s'agissait de
faire face à la croissance sans précédent des effectifs d'étudiants.
Je crois cependant, pour reprendre les conclusions d'Yves Fréville, que ces
moyens pourraient être mieux gérés. Si l'on veut favoriser un enseignement et
une recherche de qualité, il faut renforcer les politiques d'évaluation
individuelle et collective, et donc transformer le rôle du comité national
d'évaluation.
Je dirai quelques mots sur un sujet évoqué par l'orateur qui m'a précédé à
cette tribune : notre Université est encore trop peu ouverte sur
l'extérieur.
Les chiffres sont éloquents : d'après les statistiques du centre français pour
l'accueil et les échanges internationaux, le pourcentage d'étudiants qui
effectuent une mobilité au cours de leurs études universitaires se situe entre
3 % et 4 %, ce qui est ridiculement bas !
Vous avez annoncé cette année la création d'une bourse de mobilité d'un
montant de 384 euros, c'est-à-dire de l'ordre de 2 500 francs pour trois mois.
Il s'agit, certes, d'un premier pas, mais la durée même de ces bourses en
limite l'intérêt. Il aurait été beaucoup plus judicieux d'encourager les
séjours de longue durée, afin de permettre aux étudiants d'effectuer une année
complète, et non pas seulement un trimestre, dans une université étrangère.
Quant au nombre d'étudiants étrangers accueillis en France, il baisse de façon
régulière depuis vingt ans. Nous avions placé quelque espoir dans le dispositif
EduFrance, qui, malheureusement, s'est révélé un échec. Il appartient donc aux
universités elles-mêmes de faire connaître leurs cursus à l'étranger et
d'attirer les étudiants. Il faut les y aider. Or ce budget ne comporte rien
pour améliorer l'accueil des étudiants étrangers.
Enfin, l'achèvement du plan social en faveur des étudiants, prévu pour 2002,
s'accompagne de certaines déceptions. Certes, le nombre de bourses augmente
légèrement, mais ce budget ne comporte aucun crédit pour le câblage des
résidences universitaires ni pour l'équipement informatique des étudiants.
Quant au logement de ces derniers, il ne semble guère avoir retenu votre
attention non plus.
En conclusion, ce budget de l'enseignement supérieur pour l'année 2002 manque
singulièrement de souffle et de perspectives. Notre système universitaire
n'offre pas suffisamment de formations de qualité et la transparence dans la
gestion y est insuffisante ; il ne supporte pas toujours la comparaison avec
les universités étrangères et il ne permet pas une ouverture suffisante sur
l'extérieur.
Bref, ce budget ne permet pas d'assurer la réussite de la démocratisation de
notre Université. Je n'y trouve pas les réformes qui me semblent
indispensables. Je ne pourrai donc pas le voter !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'enseignement supérieur est au centre de l'évolution du pays et de sa place
dans l'espace européen et dans le monde ; c'est le maillon entre l'enseignement
scolaire ou professionnel et la vie professionnelle.
La diffusion du savoir et des connaissances, leur appropriation par le plus
grand nombre reste bien, l'actualité nous le rappelle depuis plusieurs
semaines, le meilleur chemin vers la démocratie, la citoyenneté, la justice et
la cohésion sociale. De fait, permettre l'accès à l'enseignement supérieur et à
l'excellence des connaissances au plus grand nombre, quelle que soit l'origine
sociale, reste un enjeu majeur.
C'est la raison pour laquelle je refuse, pour ma part, de considérer
l'enseignement supérieur comme une dépense, car c'est bien un investissement
pour notre pays, mais aussi pour l'avenir de notre jeunesse, qui doit trouver à
l'Université, après l'école, les instruments d'une meilleure assise dans le
monde et les conditions d'un meilleur exercice de la citoyenneté. Tout cela a
naturellement un coût, mais c'est celui de la construction d'une véritable
société de la connaissance.
Le projet de budget qui nous est présenté reste cependant en demi-teinte. Ce
qui nous est proposé est loin d'être négligeable, mais ne revêt pas le
caractère d'absolue priorité que devrait présenter l'enseignement supérieur.
L'évolution du budget montre une très légère augmentation et une part stable
dans le produit intérieur brut - à 0,6 % -, c'est vrai. Des progrès existent,
mais je reste sur ma faim et je ressens comme un goût d'inachevé, monsieur le
ministre.
Prenons les emplois. Bien sûr, nous sommes plutôt satisfaits de la création
nette de 1 600 emplois et de l'évolution vers la résorption de la précarité.
Mais la portée de ces créations est insuffisante pour permettre le
fonctionnement normal des université dans la conjoncture où nous sommes, car il
est nécessaire de rattraper un retard accumulé sur plusieurs années, d'une
part, et de mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, d'autre part. Or
cette dernière est mise en place sans créations d'emplois spécifiques et sans
refonte du système indemnitaire, alors même que les primes dans l'enseignement
supérieur sont parmi les plus faibles au sein de la fonction publique.
On note aussi une insuffisance au niveau des postes IATOS. A titre d'exemple,
l'université des sciences et technologies de Lille-Flandres-Artois, que je
connais bien, estime ses besoins à cent postes supplémentaires ; or seuls dix
sont créés au titre du budget de 2002. J'attendais que l'effort entrepris l'an
dernier soit poursuivi !
Nos universités ont dû faire face, ces dernières années, à un afflux
d'étudiants sans précédent. Avec courage et détermination, elles ont assumé
leur rôle et leurs missions, mais certaines sont au bord de l'étranglement
financier. Les moyens qui leur sont attribués ne correspondent plus à la hausse
de leurs charges.
L'université de Lille, que je citais tout à l'heure, a vu sa surface augmenter
de 43 000 mètres carrés en quatre ans, mais sa dotation globale de
fonctionnement n'a augmenté que de 800 000 francs sur la même période. Il
aurait fallu 6 millions de francs pour maintenir le niveau des charges et, pour
2002, l'écart entre la dotation théorique et la dotation réelle sera de 8,7
millions de francs. L'université devra fermer un certain temps à la rentrée de
Noël si aucune rallonge n'est accordée !
A cela s'ajoute la non-prise en compte des problèmes et des coûts d'entretien
des campus, de la sécurité, etc.
En revanche, je constate que les lettres et les sciences sociales et humaines
sont considérées de nouveau comme des disciplines à part entière, au-delà même
du quantitatif. J'ai donc rencontré, monsieur le ministre, des présidents
d'université heureux, même si d'autres le sont moins.
Je souhaiterais également insister sur un poste important, l'action sociale,
qui présente toujours d'importantes insuffisances, malgré les avancées du plan
social étudiant. Mais nous sommes, là aussi, en deçà des besoins. Nous
connaissons pourtant les liens évidents qui existent entre difficultés sociales
et difficultés scolaires : je rappellerai simplement que la grande majorité des
étudiants dépendent fortement de leur famille et que 100 000 étudiants environ
vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Si l'instauration d'une bourse sur critères sociaux pour les diplômes d'études
supérieurs spécialisés, les DESS, est un progrès dont nous pouvons nous
féliciter, la hausse générale du crédit des bourses reste très faible : elle
est de 1 % seulement. Quant à la revalorisation du taux des bourses, elle n'est
que de 1,2 %. On peut donc s'interroger sur la manière d'atteindre l'objectif
affiché de 15 % d'augmentation des bourses ! C'est une vraie préoccupation,
d'autant que les frais d'inscriptions, les coûts de restauration, de mutuelle
et de logement ont connu cette année des hausses importantes.
Enfin, nous ne voyons pas, dans ce budget, de programme vigoureux d'aide à
l'accès à des logements à prix modérés. Or nous touchons là aussi à un grave
problème : trouver un logement à Paris ou dans les grandes villes de province
relève du véritable parcours du combattant. Les places en cité universitaire
sont toujours insuffisantes et la rénovation des chambres et des cités à pris
beaucoup de retard. Les appartements proposés dans le privé sont souvent trop
chers, et soumis à la justification de garanties financières très fortes de la
part des propriétaires, avec les conséquences que cela représente en termes de
ségrégation.
Nous connaissons également le sort de ces étudiants qui ont recours à des
petits boulots sans aucun rapport avec l'objet de leurs études pour se
constituer une source de revenus. Or nous savons que ces boulots sont souvent
ingrats, mal payés et soumis à des horaires et des cadences sources de stress
très fort, comme c'est le cas dans certaines chaînes de restauration rapide,
par exemple. Comment s'étonner si ces étudiants se retrouvent généralement
exclus des filières les plus prestigieuses ? Elles sont incompatibles avec
l'exercice d'un travail rémunéré ! Et le risque que leurs études soient
compromises par abandon, par exemple, est bien plus important. On constate ici
une forte poche d'inégalités, en contradiction avec les buts de l'éducation
nationale.
En conclusion, nous approuvons les avancées contenues dans ce budget, mais,
dans le même temps, nous souhaitons qu'à l'avenir la barre soit fixée à la
hauteur où nous voulons mettre la France dans ce domaine.
Mais à chaque jour suffit sa peine et, pour le moment, monsieur le ministre,
nous voterons le budget que vous nous proposez.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement supérieur pour 2002 progresse de 2,23 % par rapport à 2001, pour
atteindre plus de 8,7 millions d'euros.
L'effort en faveur de l'enseignement supérieur se poursuit, après une hausse
de 2,7 % en 2001 et de 2,6 % en 2000, dans un contexte de tassement des
effectifs.
Ce budget est au service d'une politique ambitieuse de modernisation de notre
système d'enseignement supérieur à travers l'achèvement du plan social
étudiant, l'amélioration de la situation des personnels et la rénovation du
patrimoine universitaire dans le cadre du plan « Université du troisième
millénaire », ou U3M.
Le plan social étudiant, mis en place par la loi de finances initiale pour
1999 pour faciliter l'accès du plus grand nombre aux études supérieures, aura
permis d'accroître significativement le nombre d'étudiants aidés et d'augmenter
de 15 % le niveau moyen des aides. Le taux de 30 % de boursiers sera atteint
grâce à ce budget, avec la création de 4 000 bourses annuelles de mobilité et
de 12 000 bourses sur critères sociaux pour les étudiants de DESS.
Concernant les personnels, le projet de loi de finances met l'accent,
conformément au plan pluriannuel pour l'éducation, sur la création d'emplois,
avec 1 000 postes de personnel enseignant, 700 emplois d'enseignant-chercheur,
261 postes d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche et 39 postes
d'assistant des disciplines médicales.
Ces créations d'emplois permettront non seulement d'améliorer le taux
d'encadrement des étudiants, comme chaque année depuis 1997, mais aussi
d'accompagner les réformes pédagogiques en cours telles que la
professionnalisation des cursus, la pluridisciplinarité et les nouvelles
modalités de réorientation. Est également prévue la création de 1 000 emplois
de personnel non enseignant, dont 150 pour les personnels des bibliothèques.
Une attention particulière est portée à la santé et à la qualité de vie des
étudiants à travers la création de 26 emplois d'infirmière et de 42 emplois
dans les oeuvres universitaires, dont 10 postes d'assistante sociale.
Grâce à une augmentation de 58,7 % des autorisations de programme, les travaux
de rénovation du patrimoine universitaire prévus dans le plan U3M seront
accélérés, en particulier le désamiantage du campus de Jussieu. Parallèlement,
les crédits de maintenance sont en forte progression.
La construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur constitue,
depuis 1997, une priorité de l'action gouvernementale. Cette construction
passe, en premier lieu, par une architecture commune des formations et des
diplômes, qui s'articule autour d'une réorganisation des niveaux d'études que
sont la licence, les diplômes à bac + 5 réunis sous le terme de mastère et le
doctorat.
La licence professionnelle a, d'ores et déjà, attiré un nombre important
d'étudiants : 9 000 inscrits en 2000-2001, contre 4 000 en 1999-2000. Mise en
place pour faciliter l'insertion sur le marché de l'emploi européen, elle est
fondée sur un partenariat étroit entre universités, entreprises et branches
professionnelles.
Pour favoriser la mobilité des étudiants, notamment entre universités
françaises et européennes, le système européen de transfert des crédits, qui
s'applique dans les grandes écoles et dans un nombre limité d'universités, sera
généralisé d'ici à trois ans.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication participent
aussi de l'ouverture de notre système d'enseignement supérieur sur
l'international. On dénombre, depuis cette rentrée universitaire, dix campus
numériques, qui regroupent des centres de formation professionnelle, le Centre
national d'enseignement à distance, des universités françaises ou étrangères et
des entreprises. Ces campus proposent des cours en ligne ou en vidéo, en
formation initiale et continue, avec un système de tutorat. Malheureusement,
leur coût pour les étudiants, sans commune mesure avec celui des inscriptions
universitaires, pose un problème.
J'aborderai maintenant un point particulier, celui du statut des
enseignants-chercheurs.
Le rapport Espéret, qui vous a été remis le 24 septembre dernier, monsieur le
ministre, propose de prendre en compte dans leur rémunération les nouvelles
tâches de ces personnels, comme l'enseignement à distance, le tutorat ou les
tâches administratives.
Il suggère, en outre, d'instituer un contrat individuel pluriannuel entre
chaque enseignant et son établissement. Un certain nombre d'enseignants du
supérieur ont exprimé leur inquiétude de voir la répartition de leurs
différentes tâches modulée au cas par cas et leur temps consacré à la recherche
fondamentale, ainsi que leur autonomie de travail, en pâtir.
Je sais que vous avez lancé une phase de concertation sur ce sujet, mais
pouvez-vous d'ores et déjà nous apporter, ainsi qu'aux enseignants, des
précisions susceptibles de nous rassurer ?
Pour finir, je reviendrai sur l'analyse de ce budget par la commission des
affaires culturelles. Les critiques sur lesquelles elle se fonde pour rejeter
les crédits de l'enseignement supérieur se révèlent, en réalité, bien minces.
Notre rapporteur regrette, bien entendu, que ce budget ne soit pas prioritaire
: quand un budget l'est, il est taxé de budgétivore, quand il n'est pas
prioritaire, il faudrait qu'il le soit ! (
M. le ministre sourit.
)
La commission juge l'accueil des étudiants étrangers insuffisant. C'est faire
peu de cas des premiers résultats, déjà très prometteurs, de l'agence
Edufrance, trois ans seulement après sa création, résultats que le rapport ne
manque d'ailleurs pas de relever.
En 1999, EduFrance mettait en place un département d'ingénierie pédagogique.
En 2000, elle s'est chargée directement de l'accueil de 359 étudiants
étrangers. Par ailleurs, elle participe à l'appel d'offre EUMEDIS lancé par la
Commission européenne, dont l'objectif est de créer un campus électronique
entre les pays européens et ceux de la rive sud de la Méditerranée.
La tendance continue à la baisse du nombre d'étudiants étrangers accueillis
est d'ores et déjà inversée : en 1999-2000, leur nombre était de 128 000,
contre 121 500 en 1998-1999.
Quant aux dysfonctionnements en matière de maîtrise d'ouvrage et à la
sous-consommation des crédits d'investissement, n'oublions pas qu'ils peuvent
être également dus à des appels d'offres infructueux ou à des défaillances
d'entreprises. Et si des retards ont pu être constatés dans l'application des
contrats de plan, c'est parce que nombre de projets n'étaient pas finalisés et
qu'ils ont exigé plus de temps pour l'expertise.
En fait, M. le rapporteur appelle à la poursuite des efforts engagés tout au
long de cette législature plus qu'il ne procède à une critique sérieuse, sur le
fond, des crédits affectés à l'enseignement supérieur. Il fallait bien trouver
quelques raisons d'être contre.
Le groupe socialiste approuve totalement la poursuite de l'effort budgétaire,
mais aussi de la démocratisation et de la modernisation de notre enseignement
supérieur permises par ce budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Université
serait-elle devenue le parent pauvre de l'éducation nationale ? Cette question,
posée de façon abrupte, j'en conviens, résume toute une série d'interrogations
que soulève l'examen du projet de budget pour l'enseignement supérieur.
En effet, ce budget affiche une faible progression. A structure constante, il
s'agit même de l'augmentation la moins importante depuis quinze ans, ce qui
place la France au-dessous de la moyenne des Etats membres de l'Organisation de
coopération et de développement économiques pour la part du produit intérieur
brut consacrée au budget de l'enseignement supérieur. Décidément, les enquêtes
de l'OCDE ne nous sont guère favorables, ces derniers temps !
Cette tendance est d'autant plus préoccupante que l'Université doit faire face
à de nouvelles missions, alors même que celles qui constituaient sa vocation
initiale ne sont plus réellement assurées. L'une des missions fondamentales de
l'enseignement supérieur ne repose-t-elle pas en effet sur la transmission des
savoirs, dans un cadre général pour le premier cycle d'études, et dans un cadre
plus spécialisé, à finalité plus directement professionnelle, pour les deuxième
et troisième cycles ?
Il faut bien reconnaître que cette mission n'est plus assurée que de manière
très imparfaite.
Si l'on considère le taux d'échec des étudiants en DEUG, que seuls 45 % des
étudiants réussissent en deux ans, il apparaît de manière éclatante que le
recrutement en première année d'université devient un problème préoccupant.
Trop de jeunes étudiants arrivent sur les bancs de l'Université sans avoir été
suffisamment suivis dans le choix de leur orientation.
Une étude récente du ministère de l'éducation nationale soulignait ainsi
l'échec massif en DEUG des étudiants titulaires d'un bac technologique et, plus
encore, d'un bac professionnel.
Ces jeunes étudiants choisissent l'Université le plus souvent par défaut
d'orientation ou fréquemment aussi parce qu'ils n'ont pas été admis dans les
filières supérieures à finalité professionnelle, comme les IUT ou les BTS. Non
préparés à des études théoriques, ils subissent ainsi un échec qu'ils vivent
d'autant plus mal sur le plan personnel qu'ils avaient placé de grands espoirs
dans leur réussite universitaire. Une orientation mieux suivie aurait pu les
mener, dès la sortie du lycée, vers une filière mieux adaptée à leur cursus,
qui leur aurait permis en même temps de construire un projet professionnel
cohérent.
Ces difficultés auxquelles se heurte un nombre croissant d'étudiants sont
encore renforcées par certaines aberrations dont l'extrême banalité ne doit pas
masquer la gravité.
Savez-vous, monsieur le ministre, que, dans bon nombre de nos facultés, il
n'existe plus de documents de travaux dirigés, les crédits impartis à cette
dépense suffisant à peine à un trimestre ? Et je passe sous silence la grande
misère de certains centres de documentation, dont le moins que l'on puisse dire
est que l'ancienneté des manuels ne s'accorde guère à la boulimie législative
de ces dernières années.
Savez-vous, monsieur le ministre, que, dans certaines universités, des
enseignants assument des heures supplémentaires représentant de deux à quatre
fois leurs obligations de service, au détriment, bien évidemment, de leur
reponsabilité d'encadrement des travaux de recherches ?
Par ailleurs, l'Université n'est plus véritablement en mesure d'assurer des
conditions de logement satisfaisantes aux étudiants : le parc des logements
étudiants s'est dégradé ces dernières années et les programmes d'investissement
n'ont pas été suffisamment ambitieux pour faire face aux besoins nouveaux.
De manière générale, la programmation des investissements est insuffisante et,
surtout, les taux de réalisation sont particulièrement décevants. Le dernier
rapport annuel de la Cour des comptes le démontre avec éloquence, en faisant
référence à la dégradation des conditions d'utilisation des crédits et à la
sous-utilisation des moyens.
Dans le budget de 2002, les dépenses en capital sont en baisse de 13,7 % par
rapport à 2001 ; les dépenses de maintenance et de mise aux normes de sécurité
des bâtiments sont en diminution de plus de 12 %. Autant de chiffres qui sont
révélateurs des retards accusés dans les réalisations !
Depuis la décentralisation, la carence de l'Etat en ce domaine apparaît
d'autant plus spectaculaire qu'elle contraste singulièrement avec le dynamisme
affiché par les départements et les régions pour les collèges et les lycées.
Sans doute faut-il y voir l'une des raisons de la proposition du rapport Mauroy
relative au transfert, au niveau régional, de la compétence en matière
d'universités.
Sur ce point, je souhaiterais souligner l'importance de l'effort financier
consenti par les régions, souvent même par les départements, dans le cadre de
la réalisation des contrats de plan. Ces efforts significatifs sont, la plupart
du temps, consentis pour pallier une certaine inertie de l'Etat, parfois même
sous sa pression, comme ce fut le cas, hier, lors de la mise en place du plan
Université 2000 ou, aujourd'hui, avec le plan Université du troisième
millénaire.
L'Université doit par ailleurs faire face à de nouvelles missions, censées la
rendre plus attractive, je n'oserais dire compétitive, au regard de la
situation de nos voisins européens.
Les moyens consacrés aux nouvelles technologies sont très insuffisants, et nos
universités souffrent d'un sous-équipement notoire dans ce domaine. Les
établissements à vocation scientifique sont mieux lotis que la moyenne des
autres, mais la situation du parc informatique place la France en mauvaise
position par rapport à celle de ses voisins européens.
Cette situation contribue à une perte d'attractivité de l'Université
française. Dans un contexte qui se veut de plus en plus ouvert à
l'international, l'Université doit adapter ses programmes et ses modes
d'organisation à une nécessaire harmonisation. Encore faut-il qu'elle s'y
prépare correctement !
L'expérimentation menée dans le cadre du projet de réforme des cursus, le
3-5-8, qui viendrait se substituer aux trois cycles actuels, pourrait
constituer une piste de travail intéressante, à la condition que les
universités soient associées, bien en amont, à sa mise en oeuvre. Or, pour le
moment, nous entendons surtout s'exprimer des inquiétudes sur un dispositif qui
manque encore de limpidité et qui suscite plus de questions que de réponses.
De nombreux universitaires font aujourd'hui part de leur inquiétude sur la
qualité de thèses de doctorat qui devront être réalisées en trois ans par des
étudiants allocataires d'enseignement et de recherche astreints, par la même, à
un service d'enseignement pour lequel un important travail de préparation leur
est naturellement nécessaire. Il paraît difficile, et ce serait pourtant leur
intérêt, de leur conseiller de négliger leurs étudiants au profit de la qualité
de leurs travaux de recherche !
De même, la création éventuelle de diplômes à points cumulables, dont la
finalité reposerait essentiellement sur les équivalences qui seraient proposées
avec les universités étrangères, difficile à mettre en oeuvre, n'irait pas sans
poser de problèmes. Au rythme annuel ou semestriel des cursus actuellement en
vigueur, viendrait se substituer une sorte d'enseignement
zapping,
où
chacun pourrait suivre les cours qui l'intéressent, sans garantie de la
cohérence de l'ensemble. Ce système, si séduisant puisse-t-il paraître sur le
plan de la plus stricte pédagogie, nécessiterait la mise en oeuvre de moyens
considérables d'encadrement pour parvenir à mener à bien un projet d'une
dimension aussi novatrice. Or, ces moyens ne sont pas à l'ordre du jour.
Mais, au-delà des moyens, se profile, aussi et surtout, la question de
l'utilisation qui en est faite.
N'oublions pas qu'il existe des établissements qui, sans bénéficier de moyens
financiers plus importants que les autres, bien au contraire, parviennent à
assurer un enseignement de qualité, dans un environnement approprié. C'est le
cas, par exemple, dans le département du Nord, à travers le réseau de facultés
et d'écoles qui dépendent de l'Université catholique. Cette université
contribue largement au rayonnement de l'enseignement supérieur de la métropole
lilloise, alors que, comme les autres universités catholiques, elle ne
bénéficie que d'un soutien financier fort limité des pouvoirs publics.
Est-il normal que les subventions à l'enseignement supérieur privé ne soient
pas plus élevées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient en 1997 ? Est-il normal
qu'elles relèvent du seul fait du prince, sans aucune garantie législative ?
Est-il normal que l'aide de l'Etat pour les étudiants de l'enseignement privé
soit si dérisoire au regard du coût de la prise en charge d'un étudiant du
public ?
Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de reconnaître la contribution
de l'enseignement supérieur privé au service public de l'enseignement, en le
dotant demain d'une législation inspirée par les lois Debré et Guermeur ? Un
tel dispositif lui permettrait de bénéficier de subventions de fonctionnement à
un niveau comparable à celui des établissements publics et donnerait toute sa
dimension au principe constitutionnel de liberté d'enseignement.
Ces différentes interrogations font apparaître, sur un plan plus large, la
nécessité d'engager un processus d'évaluation de l'enseignement supérieur, ce
qui est très souvent réclamé. Il ne s'agirait pas, bien évidemment, de mettre
en oeuvre une nouvelle usine à gaz, mais il faudrait associer l'ensemble des
partenaires de l'enseignement supérieur pour définir une méthode susceptible de
déboucher sur un constat sincère de la situation et sur la recherche commune de
solutions adaptées pour rendre notre Université plus performante.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, comme M. Serge Lagauche vient de le dire, ce projet de
budget se traduit par des chiffres tout à fait significatifs : 3 500 postes
sont créés ; les crédits de fonctionnement augmentent de 7,8 % ; 30 % des
étudiants sont boursiers et les bourses sont revalorisées de 7 % ; en cinq ans,
le budget de l'enseignement supérieur a augmenté de 20 % au total, alors que
les effectifs n'ont pas connu la même progression.
Mes chers collègues, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de la
commission des affaires culturelles, déjà évoqué par M. Lagauche. J'ai été
frappé, à la page 9, par le titre du paragraphe I : « Une évolution générale
des crédits décevante ». Puis, j'ai lu le premier sous-titre A : « La création
de 3 500 emplois » et le titre de la section 1 : « Les emplois enseignants : un
progrès par rapport à 2001 ». La section 2 s'intitule : « Les emplois non
enseignants : un effort substantiel ». Je poursuis : à la page 20, le B
s'intitule : « Une hausse attendue des crédits de fonctionnement », avec en
section 1 : « Des moyens nouveaux » et en section 2 : « Un rattrapage
nécessaire pour les universités sous-dotées ».
(Sourires.)
Mes chers collègues, comme vous le savez, je suis nouveau dans cette assemblée
; je ne perçois peut-être pas encore toutes les finesses de la dialectique des
commissions sénatoriales !
(Nouveaux sourires.)
M. Eric Doligé.
Il faut lire entre les lignes !
M. Jean-Pierre Sueur.
Je trouve cependant quelque peu paradoxal de juger décevant un budget, qui, à
la lecture du rapport, se révèle incontestablement positif.
M. Hilaire Flandre.
Il faut voir surtout les résultats !
M. Jean-Pierre Sueur.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il est important de noter
que nous rattrapons le taux d'encadrement qui existait dans les universités
françaises avant l'explosion démographique des années 1980. On compte
aujourd'hui un enseignant pour 18,95 étudiants. On n'en était pas là, il y a
quatre ou cinq ans, vous le savez bien ! On ne peut donc que constater un
effort important, qu'il faudra poursuivre. Pourquoi ?
Vous le savez, mes chers collègues, il y a deux circuits dans l'enseignement
supérieur français.
Il y a, d'une part, les classes préparatoires aux grandes écoles, les IUT, les
STS, toutes filières soumises à contingentement. Il faut y être admis pour
suivre les enseignements. Ces filières jouissent d'un très bon taux
d'encadrement.
Il y a, d'autre part, les premiers cycles universitaires, qui accueillent la
plus grande partie des bacheliers, en particulier ceux qui n'ont pas réussi à
entrer dans les filières dont je parlais précédemment ou qui n'avaient ni le
goût ni le désir d'y accéder. Là, les taux d'encadrement étaient beaucoup plus
mauvais.
Il y a là, à mes yeux, une question de justice et d'équité. Favoriser la
réussite de tous et lutter contre l'échec en premier cycle doit nous conduire à
oeuvrer de manière continue pour un meilleur taux d'encadrement des étudiants,
tout particulièrement, bien sûr, dans le premier cycle. Ce projet de budget le
permet, et il est très important qu'il puisse s'inscrire dans la durée, dans
une programmation.
Il faut un plan pluriannuel pour l'enseignement supérieur comme il en existe
un pour l'enseignement secondaire, car les coups d'accordéon sont néfastes. Les
jeunes enseignants chercheurs eux-mêmes veulent avoir une certaine visibilité
de l'avenir. C'est une question d'équité entre les générations.
Cette démarche nous permettra également d'obtenir ce taux d'encadrement auquel
nous aspirons afin de réduire le plus possible les échecs au cours du premier
cycle universitaire.
Permettez-moi, en conclusion, monsieur le ministre, de vous poser quelques
questions.
La première porte sur l'autonomie des universités, dont on parle tant.
Bien sûr, nous devons veiller à conserver un statut national des enseignants,
des diplômes nationaux, des objectifs fixés à l'échelon national. Sinon, on
irait vers le modèle des universités concurrentielles, certaines étant bien
dotées, d'autres sous-dotées. Je souhaite néanmoins vous demander quelles sont
vos intentions pour donner plus d'autonomie et de liberté de gestion à nos
universités, pour leur permettre de résoudre plus facilement toute une série de
problèmes qu'elles rencontrent dans leur fonctionnement courant.
Il n'y a pas de contradiction entre une plus large autonomie et le maintien
dans le service public.
A ce propos, contrairement à l'un de nos collègues, je ne crois pas que le
rapport Mauroy préconise la régionalisation des universités. Les régions
doivent, certes, être des partenaires essentiels pour les universités, mais il
est également très important qu'il existe un véritable aménagement du
territoire en matière universitaire, que toutes les régions aient des premiers
cycles, des deuxièmes cycles et des troisièmes cycles de qualité, faute de quoi
les régions riches auront les moyens d'abriter des universités prestigieuses et
les autres devront se contenter d'universités d'un niveau plus modeste.
Le rôle de l'Etat en matière d'enseignement supérieur est donc, du point de
vue de l'aménagement du territoire, absolument fondamental. Mais cela ne nous
interdit pas d'aller vers plus d'autonomie dans la gestion des
établissements.
Je veux également vous interroger, monsieur le ministre, sur vos intentions en
ce qui concerne la contribution des universités à la formation continue.
Les universités prennent une part importante dans la formation tout au long de
la vie, mais cette part me paraît encore insuffisante.
On parle beaucoup de la validation des acquis professionnels. Or des documents
émanant de votre ministère montrent que quatre universités seulement assurent
aujourd'hui la moitié de la validation des acquis professionnels pour toute la
France. Cela signifie que cette pratique n'est pas encore véritablement entrée
dans les moeurs de nos universités et qu'il reste beaucoup à faire pour que
celles-ci jouent le rôle éminent qui doit leur revenir dans la formation
permanente.
Enfin, monsieur le ministre, vous savez qu'il est essentiel de développer la
recherche universitaire ; d'ailleurs vous vous y employez. A cet égard, la loi
du 12 juillet 1999 est très positive, car elle favorise l'établissement de
liens entre les laboratoires de recherche dépendant des universités et le monde
économique, en vue d'utiles transferts de technologie. Cette loi permet
notamment à des chercheurs oeuvrant au sein des universités de valoriser
facilement leurs travaux dans le champ de l'industrie, par la création de
petites et moyennes entreprises, et il peut s'agir de très petites entreprises
à haute dimension technologique.
Malheureusement, les décrets d'application de cette loi ne sont toujours pas
parus. Je vous demande donc de faire en sorte qu'ils puissent paraître
rapidement.
Monsieur le ministre, je tiens, pour terminer, à vous remercier de ce projet
budget. L'objectivité me conduit à dire que c'est un bon budget, qui prouve que
vous avez confiance en l'avenir.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier vos rapporteurs, MM.
Jean-Philippe Lachenaud et Jean-Léonce Dupont, qui ont bien voulu présenter
leurs appréciations, et celles des deux commissions auxquelles ils
appartiennent, sur ce projet de budget.
Sur les aspects proprement techniques et budgétaires, ce qu'ont dit MM. Serge
Lagauche et Jean-Pierre Sueur me dispensera d'être très long.
On peut retourner les chiffres dans tous les sens, on peut leur faire dire le
contraire de ce qu'ils signifient, on n'arrivera jamais à contester que le
budget de l'enseignement supérieur pour 2002 est à la fois en très sensible
augmentation et prometteur.
Prenez les emplois. Le plan pluriannuel qui a été retenu nous permet, par
exemple, de faire progresser cette année de 60 % - ce n'est pas rien ! - les
créations d'emplois.
Prenez les crédits de fonctionnement des universités. Vous savez à quel point
les universités, car c'est vital pour elles, souhaitent, depuis des années, que
les crédits de fonctionnement puissent leur permettre d'aller de l'avant. Or ce
projet de budget fait apparaître à cet égard une augmentation de 8 %, la plus
forte depuis une vingtaine d'années.
Prenez les crédits d'investissement. Bien sûr, peut se produire ici ou là - je
vais y revenir - telle ou telle difficulté d'exécution. Mais, cette année
encore, les autorisations de programme et les crédits de paiement marquent une
hausse assez spectaculaire, à laquelle il faut, en outre, ajouter les
dispositions qui figurent dans le projet de loi de finances rectificative qui
sera prochainement examiné par le Sénat.
J'ai obtenu de M. le Premier ministre une décision exceptionnelle, qui
consiste à libérer la totalité des autorisations de paiement concernant des
dépenses de mise en sécurité, qui auraient dû normalement s'étaler sur les
trois ou quatre années qui viennent. Ce sont ainsi 2 600 millions de francs
qui, aux termes du projet de loi de finances rectificative pour 2001, vont
permettre à nos universités d'accélérer des travaux qui, sans cette mesure,
n'auraient pas pu être achevés avant trois, quatre, cinq ou six ans.
Je puis vous assurer que les présidents d'université ont été très heureux
d'apprendre que le Premier ministre avait décidé d'inclure cette disposition
dans le projet de loi de finances rectificative.
En outre, la conférence des présidents d'université a formulé une appréciation
positive sur le présent projet de de budget en déclarant qu'il était excellent
et qu'il répondait aux voeux qu'ils avaient exprimés en matière d'emplois, de
crédits de fonctionnement et d'investissement.
Certes, on peut toujours faire mieux, mais, je le répète, ce budget marque
incontestablement un véritable changement de cap, et je souhaite vivement que
cette politique soit poursuivie, voire amplifiée dans les années qui viennent.
D'ailleurs, je partage totalement le sentiment de Jean-Pierre Sueur quant au
caractère néfaste des « coups d'accordéon ».
M. Lachenaud a mis l'accent sur certains retards en matière d'exécution des
investissements.
Vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, ce phénomène n'est pas propre
aux crédits d'investissement des universités. Il se produit notamment
s'agissant d'investissements qui associent différents partenaires : des
collectivités locales, l'Etat et, éventuellement, d'autres financeurs.
Certes, ce n'est pas une raison pour s'accommoder des retards constatés ici ou
là.
Je suis de ceux qui pensent que notre système, encore beaucoup trop lourd,
mériterait d'être simplifié. Je suis également de ceux qui pensent qu'une plus
grande maîtrise de l'organisation et de la mise en place des investissements
devrait être confiée aux universités elles-mêmes ou aux régions. Des progrès
ont été accomplis à cet égard, mais ils demeurent, à mon avis, trop timides.
Dès lors que le contrat de plan a retenu un certain nombre d'opérations, mieux
vaut confier à ceux qui en ont la capacité sur le terrain la responsabilité de
l'exécution, avec un minimum de tutelle scientifique, technique ou
architecturale.
J'admets cependant volontiers qu'il nous faudra, dans l'avenir, pour les
investissements dans les universités comme pour les autres investissements
d'Etat, procéder à un certain nombre d'améliorations dans le sens d'une plus
grande souplesse et d'une accélération de l'exécution.
Vous n'auriez pas tort, monsieur Lachenaud, sur la question des crédits de
maintenance si n'existait pas un mécanisme de souplesse, à savoir la
possibilité d'utiliser, pour les universités, le chapitre 36-11, qui permet de
procéder à un certain nombre de dépenses nécessaires.
Je reconnais cependant que, du point de vue d'une présentation fonctionnelle
plus rigoureuse, il serait préférable que nous disposions de crédits de
maintenance plus importants et plus réguliers. A cet égard, vos avis et vos
propositions rejoignent mon propre sentiment.
S'agissant du fonctionnement, vous avez évoqué les fameuses normes « San Remo
», qui ont pu effectivement avoir des effets fâcheux pour un certain nombre
d'universités.
M. Zocchetto s'est interrogé sur la suite que j'ai donnée à différents
rapports que j'avais demandés.
Il n'est plus là pour entendre ma réponse, mais il pourra certainement en
prendre connaissance : je n'ai pas pour habitude de mettre les rapports dans un
tiroir !
Je juge même que, lorsqu'on confie à une personnalité la responsabilité d'une
enquête sur tel ou tel sujet, il est inadmissible d'expédier le fruit de son
travail dans un placard ou dans une cave ! C'est pourquoi l'ensemble des
rapports que nous avons commandés font l'objet d'une exécution.
En particulier, le rapport Laugénie sur le financement des universités a été
pris en considération cette année dans la répartition des crédits. Nous y avons
apporté une plus grande souplesse. J'en veux pour preuve que l'un d'entre vous,
qui s'est montré par ailleurs si exagérément critique à l'égard de nos
universités, a reconnu que les universités littéraires avaient bénéficié cette
année d'un soutien. De même, tous ceux qui, l'an dernier, protestaient contre
les anomalies liées au système « San Remo » considèrent que, cette année, de
bonnes mesures ont été prises pour rectifier le tir et établir une plus grande
équité entre les universités.
Sur les questions relatives aux écoles d'ingénieurs et à l'enseignement privé,
je connais la préoccupation du sénateur Legendre. Je ne lui reprocherai pas son
obstination. Je suis moi aussi obstiné lorsque je défends une cause.
Même si le budget de cette année n'apportera pas les milliards de francs que
vous attendez, monsieur le sénateur, il est tout de même en augmentation de 3
%, donc d'un taux supérieur à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat. Par
ailleurs, nous maintiendrons le contact avec les écoles d'ingénieurs pour
assurer cette réévaluation que vous appelez de vos voeux.
Je veux aussi répondre à une question que le sénateur Lagauche a posée
concernant le rapport Espéret et, ce faisant, tordre le cou à un bodard qui est
propagé - c'est peut-être de bonne guerre - ici ou là pour créer
l'inquiétude.
Un rapport est un rapport ! Je respecte le président de l'université de
Poitiers, M. Espéret. Il a établi son rapport avec ses collègues. Mais un
rapport n'engage pas l'Etat.
Dans le même temps, ce rapport est, pour nous, une base pour avancer,
progresser, réfléchir et agir, d'autant plus qu'il contient de très bonnes
propositions.
Mais je le dis ici avec clarté, surtout à des parlementaires, ce serait un
non-sens juridique de parler de contrat à propos d'un professeur de
l'enseignement supérieur qui est sous statut.
Sur ce fait, il ne doit y avoir aucune équivoque. Les professeurs de
l'enseignement supérieur sont des fonctionnaires d'Etat. Ils accomplissent une
mission de service public. Ils sont, par conséquent, dans une situation
statutaire et il n'est absolument pas question qu'un contrat sous quelque forme
que ce soit, puisse être conclu entre tel professeur et telle université.
En revanche, et cela se pratique depuis toujours, si je puis dire, la
répartition des services s'établit par discussions au sein des conseils
d'universités ou des conseils des unités de formation et de recherche, et cela
n'a jamais soulevé de problèmes autres qu'entre collègues pour savoir qui
assure tel enseignement et à quel moment.
De ce point de vue, le rapport Espéret contient une idée attendue depuis très
longtemps, à savoir qu'indépendamment de la mission de recherche qui doit être
intégralement préservée, puisqu'il s'agit de professeurs-chercheurs, la partie
proprement pédagogique de la mission de l'enseignant puisse éventuellement
comporter des activités pédagogiques diverses : animation de petits groupes,
notamment en DEUG, mais aussi animation ou direction d'un campus numérique
aujourd'hui en co-développement, participation à la formation continue - la
question a été posée par M. Sueur - ou à d'autres missions nationales ou
internationales.
Dans le budget qui vous est proposé, figure à cet égard une mesure que peu de
personnes ont mise en valeur : la globalisation partielle, encore trop modeste
- c'est néanmoins un commencement - des primes attribuées par les universités.
Cette globalisation partielle des primes se traduira, dès l'année 2002, par des
décharges d'enseignement qui pourront être décidées au bénéfice d'enseignants
préférant s'attacher, je le répète, à la formation continue, à un campus
numérique ou à d'autres activités qui seront, enfin, pleinement reconnues.
Cela dit, cette possibilité ne sera naturellement offerte que dans le cadre
tout à fait limité du nombre d'heures qui est établi pour
l'enseignant-chercheur et non au-delà.
Je vous remercie, monsieur Lagauche, d'avoir posé la question du statut des
enseignants-chercheurs, car certains ont cherché à créer l'inquiétude sur ce
sujet. Le statut des professeurs demeurera un statut national. Il n'est pas
question de contractualisation, ce qui serait absurde et contraire à notre
droit. Par ailleurs, le mode de calcul de leur nombre d'heures restera
inchangé, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, dans tel ou tel
libelle.
M. Legendre a quant à lui traité de l'accueil des étudiants étrangers. Il est
vrai que, sur ce sujet, il y a eu des reculs ou des stagnations. Vous avez
vous-même souligné, monsieur le sénateur, que cela tenait à un certain nombre
de raisons, notamment à la politique des visas, que le Gouvernement auquel
j'appartiens a profondément transformée.
Nous avons pris une série de mesures qui, je crois, devraient permettre
d'améliorer la capacité d'accueil de nos universités. Les chiffres dont je
dispose donnent à penser que, aujourd'hui, leurs portes s'ouvrent beaucoup plus
largement que dans le passé.
Je voudrais à présent revenir sur quelques-uns des points fondamentaux qui
caractérisent l'évolution de nos universités.
Pardonnez-moi de le dire avec franchise, mais, parfois, certains d'entre vous
regardent nos universités avec des « lunettes » qui datent d'une quinzaine
d'années, de l'époque où, face à l'explosion démographique, on a dû construire
parfois mal ou vite, sans tenir compte des besoins réels des professeurs et des
étudiants. Ces universités-là, dont il subsiste encore quelques « vestiges »,
nous devons d'ailleurs les rénover au plus vite pour qu'elles soient des
universités de belle qualité accueillant l'ensemble des étudiants dans de
bonnes conditions.
Pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que, souvent,
vous êtes fiers des universités de vos régions. C'est une forme de
schizophrénie habituelle dans notre pays : le discours national sur les
universités est un discours catastrophiste, alors même que, localement, députés
et sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, ne tarissent pas
d'éloges et vantent la modernisation, les transformations, l'ouverture de ces
établissements.
Pour avoir pris la peine de visiter près de la moitié de nos universités
depuis un an et demi, je suis pour ma part frappé - même si je n'en suis pas
moi-même le principal auteur, loin de là - par le renouveau des universités
françaises et, d'abord, par leur renouveau pédagogique.
A ce propos, je tiens à mettre les choses au point sur des idées que certains
propagent en permanence à propos des DEUG.
Des réformes ont été engagées en 1992, d'autres en 1997, et nous en
entreprenons un certain nombre actuellement. Dans une université qui ouvre
largement ses portes sans sélection, il n'est pas anormal que le taux de
réussite en DEUG se situe aux alentours de 45 % après deux ans d'études - il
était d'ailleurs de 30 %, voilà cinq ans - d'autant qu'il avoisine les 75 %
pour la troisième année.
L'important, c'est de permettre aux étudiants qui auraient fait fausse route
de se réorienter à temps et d'emprunter d'autres voies. C'est dans cet esprit
que j'ai souhaité encourager la pluridisciplinarité en première année. Ainsi,
en cours d'année ou à la fin de la première année, les étudiants pourront
rebondir sur d'autres formations.
C'est aussi dans cet esprit que s'inscrit la réforme de la première année des
études médicales qui, aujourd'hui, recueille un assez large consensus et qui,
lorsqu'elle sera mise en application, donnera aux étudiants qui n'auront pas
réussi le difficile concours sanctionnant la première année la possibilité de
s'engager sur d'autres chemins.
Parmi les mesures prises qui entreront pleinement en application à la rentrée
prochaine, il faut retenir la nomination d'un directeur des études en première
année, qui recevra les étudiants, les conseillera, les orientera, qui sera un
interlocuteur permanent. La transformation même du métier d'enseignant
permettra à ceux qui le souhaiteront de se consacrer davantage à l'animation de
petits groupes et à des séminaires destinés aux étudiants de première année.
Il s'agit là de toute une série de transformations qui sont de nature à
rénover profondément la pédagogie, notamment en premier cycle.
Par ailleurs, je suis personnellement très favorable à ce que nous puissions
continuer à encourager très fortement l'évaluation des enseignements et des
enseignants par les étudiants eux-mêmes.
Là où l'expérience a été engagée, dans de grandes écoles - je pense à
Sciences-Po - ou dans certaines universités, dont celle de Toulouse, les
professeurs en sont très heureux, et les étudiants aussi. Un tel dialogue entre
étudiants et professeurs est de nature à faire progresser la qualité de notre
enseignement.
En ce qui concerne la rénovation pédagogique, je vous invite à vous rendre
dans les régions, vous y constaterez que, partout, des expériences favorisent
le succès des étudiants.
Nous évoquions tout à l'heure l'ouverture internationale. A ce sujet, M.
Hubert Védrine et moi-même avons confié à M. Elie Cohen un rapport sur la
situation internationale des universités. Plusieurs propositions ont été
faites. Des mesures ont été prises.
Je ne peux que constater aujourd'hui que nos universités qui, dans le passé,
étaient en effet très repliées sur elles-mêmes, ouvrent aujourd'hui plus
volontiers leurs portes et leurs fenêtres à l'air du large. Elles ont établi
des ponts avec d'autres universités. Elles accueillent avec beaucoup plus de
chaleur les étudiants et les professeurs venant d'autres pays.
Un système de bourses a été développé. Toute une série de formes
d'organisations de l'accueil, visant en particulier à faciliter les formalités,
permettent désormais aux étudiants étrangers d'être mieux reçus. Toutefois,
nous devons nous démener pour que, sur ce plan, nos établissements soient aussi
accueillants et hospitaliers que certaines universités anglo-saxonnes.
S'agissant de l'envoi d'étudiants français dans d'autres pays, nous avons pris
des mesures qui, je crois, vont permettre de beaucoup avancer, notamment grâce
aux bourses de mobilité européennes que j'ai fait créer. Nous sommes le seul
pays en Europe à avoir créé de telles bourses qui, même si elles sont calculées
par périodes de trois mois, peuvent naturellement, contrairement à ce qu'a dit
tout à l'heure un sénateur qui est parti, profiter à des étudiants qui iraient
étudier huit mois ou un an dans une université européenne. Ce sont, au total,
12 000 bourses de trois mois qui ont été créées.
A cela s'ajoute le système des crédits et des unités capitalisables. Je me
réjouis à ce propos de constater que, la semaine dernière, le Conseil supérieur
des universités, qui examine les propositions de textes ministériels avec
beaucoup d'attention, de vigilance et non sans esprit critique, comme c'est
normal, a approuvé cette réforme très importante qui s'appliquera dans
l'ensemble du pays et qui permettra que les études réalisées à l'étranger par
les étudiants français soient prises en compte dans leur diplôme.
J'en viens maintenant à la rénovation scientifique et technologique. Cette
année, dix campus numériques se sont ouverts ; soixante autres sont en
préparation et verront le jour. Mais j'arrête là sur ce sujet parce que l'heure
avance !
Monsieur Jean-Pierre Sueur, nos universités vont disposer d'instruments
juridiques et de financements qui vont leur permettre d'accomplir, je le crois
vraiment, une véritable révolution culturelle.
Il s'agit de la loi sur la validation des acquis professionnels, qui vient
compléter celle que j'ai eu l'honneur de présenter en 1992, et des ECTS, ou
European Credit Transfert System.
Il s'agit aussi des unités
capitalisables - j'ai là le document cadre que je promulguerai d'ici à quelques
semaines - qui permettront de mettre en place un dispositif plus souple,
prévoyant la possibilité, pour un étudiant, d'abandonner ses études pour les
reprendre plus tard.
Cela dit, ce n'est pas un système de libre-service, comme certains l'ont dit
tout à l'heure, car cela se fera dans le cadre de diplômes nationaux et d'une
organisation solide, sérieuse.
Troisième élément : dans le cadre horaire actuel, les professeurs qui le
souhaitent pourront se consacrer davantage à des tâches nouvelles, notamment à
la formation continue.
Parmi ces mesures, bénéfiques pour nos universités, la formation continue,
monsieur Sueur, prend d'ores et déjà une place importante. L'université de
Nantes, par exemple, qui est la plus importante en nombre aujourd'hui, compte
33 000 étudiants en formation initiale et 11 000 en formation continue. C'est
un pas extrêmement important, et ce phénomène s'accentuera, j'en suis
convaincu, dans les prochains mois, améliorant encore le rôle des universités
dans ce domaine de la formaiton continue.
Mesdames, messieurs, tels sont quelques-uns des points sur lesquels je
souhaitais attirer votre attention. Je vous remercie de vos questions et de vos
observations.
Malgré les critiques que vous avez faites sur notre gestion, j'ai le sentiment
que, au-delà de l'engagement du Gouvernement et du ministère actuellement en
charge de l'enseignement supérieur, c'est l'ensemble de la communauté
universitaire qui est en pleine transformation, en pleine rénovation, et,
personnellement, je suis très optimiste sur l'avenir de notre système
universitaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C, concernant l'éducation nationale. - II. Enseignement supérieur.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, je veux confirmer que la
commission des finances a émis, cette année, un avis défavorable sur l'ensemble
des crédits et des titres.
Par ailleurs, je souhaite que le Sénat se prononce sur le titre III par
scrutin public.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 132 519 088 euros. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le ministre, je profite de cette explication de vote pour vous dire
non pas que je me plains, mais que je porte plainte, en quelque sorte, car des
étudiants vous n'avez pas parlé. Vous ne me donnez donc pas beaucoup de raisons
de voter le budget, bien que j'aie l'intention de le voter.
Vous avez dressé des perspectives exaltantes, concernant le plan social
étudiant, que je partage. Mais si je me félicite de ces succès remportés, il
n'en reste pas moins que des problèmes subsistent. On dénombre plus d'un
million d'étudiants dans ce pays, dont 100 000 vivent au-dessous du seuil de
pauvreté. Je ne vais pas reprendre ce que j'ai dit au cours de mon
intervention.
Vous n'aviez pas non plus répondu tout à l'heure aux questions que je vous
avais posées sur les problèmes de santé, et je le regrette. Ce n'est pas une
question de nombrilisme. Ce n'est pas non plus « le soupir de la créature
accablée », c'est le cri de protestation de cette même créature !
Etant donné que les étudiants auront, demain, la responsabilité de ce pays, de
leurs conditions d'études et de vie dépendent beaucoup de choses. Je regrette,
par conséquent, votre silence sur ces questions, monsieur le ministre. Bien
évidemment, il ne m'empêchera pas de voter ce budget.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le sénateur, je voulais
économiser le temps des uns et des autres. En outre, M. Sueur ayant
parfaitement répondu à vos questions, je n'avais pas cru bon de répéter ce
qu'il avait excellement dit.
M. Ivan Renar.
Ce sont vos réponses que je voulais entendre !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
On peut toujours se plaindre et dire
que les mesures prises ne sont pas suffisantes. Mais dans aucun pays d'Europe
30 % des étudiants bénéficient de bourses comme en France !
Certes, on peut toujours faire mieux, me direz-vous !
Qui plus est, leur montant a augmenté d'année en année, et cette année
encore.
Quant au plan social étudiant, non seulement il a été pleinement respecté,
mais nous sommes allés au-delà en créant 12 000 bourses destinées à favoriser
la mobilité internationale des étudiants, ainsi que des bourses attribuées sur
critères sociaux pour les étudiants en DESS. Ces deux nouvelles mesures
sociales, qui sont essentielles et qui n'avaient pas été réclamées,
représentent un effort très important de la collectivité.
N'oubliez pas non plus l'allocation logement, qui a été créée voilà une
dizaine d'années.
Je ne prétends pas que la situation en France est parfaite, mais, lorsque je
la compare avec celle des autres pays d'Europe, à partir de ce que me
rapportent mes homologues, elle est, pour nos étudiants, la moins mauvaise,
pour ne pas dire la meilleure. Consultez les étudiants britanniques, espagnols,
italiens ou allemands ! La situation française est même enviée !
Nous continuerons, naturellement, à améliorer, je l'espère, la condition des
étudiants en France, pour favoriser la démocratisation. Si notre système
universitaire ne permet pas à tous les étudiants d'origine sociale modeste de
parvenir à un haut niveau d'études supérieures - j'ai entendu certains évoquer
les insuffisances dans ce domaine - nous avons quand même réussi, en une
quinzaine d'années, à multiplier par cinq le nombre des étudiants d'origine
ouvrière entrant à l'Université française !
Nous avons encore des progrès à faire, c'est évident, et vous savez très bien
que, sur ce plan, je partage votre idéal. Il n'en reste pas moins que, cette
année, nous avons fait un pas supplémentaire vers plus d'égalité culturelle et
sociale !
M. Ivan Renar.
Je souhaitais que vous le signaliez, monsieur le ministre !
M. Eric Doligé.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé.
Monsieur le ministre, M. Renar vient de dire que vous aviez quelque peu oublié
les étudiants. Vous venez de vous rattraper en quelque sorte.
Personnellement, j'ajouterai que vous avez oublié les efforts des
collectivités, et c'est précisément en raison des investissements que je ne
voterai pas ce budget.
Je prendrai l'exemple que je connais le mieux, celui de l'université
d'Orléans, qui est connu aussi de mon collègue Jean-Pierre Sueur.
A la suite de la signature, voilà deux ans, d'un contrat de plan Etat-région,
une vingtaine de projets ont été prévus, pour lesquels la contribution
financière des collectivités sera plus importante que celle de l'Etat.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Rien n'a été fait, car les dossiers sont bloqués au
niveau du ministère, vingt directions étant concernées, chacune par un
dossier...
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Il n'y en a pas vingt !
M. Eric Doligé.
En tout cas, selon l'ancien préfet, il est impossible de renégocier le
dossier, car il faudrait reprendre contact avec chacune des directions
concernées.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Il n'y en a que deux !
M. Eric Doligé.
Consultez le dossier de cette université ; vous verrez que, deux ans après la
signature du contrat de plan et à un an de la renégociation, il est au point
mort. De ce fait, les étudiants attendent d'entrer à l'université, et d'autres
espèrent avoir des espaces dignes d'un enseignement de qualité.
Nous rencontrerons, dans quelques jours, le préfet et le président de la
région Centre pour faire le point sur un dossier qui est resté en suspens. Bien
que nous ayons les financements et que les collectivités se soient accordées
sur les maîtrises d'ouvrage, nous attendons toujours les signatures de l'Etat.
Cela n'est pas normal vis-à-vis des étudiants et d'une université de
qualité.
Voilà ce que je tenais à dire, et c'est pourquoi, en dépit des efforts que
font les collectivités pour aider l'Etat, je ne voterai pas ce budget qui,
selon moi, n'est pas de qualité.
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 200 |
M. le président. « Titre IV : 11 788 268 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 199 081 000 euros ;
« Crédits de paiement : 28 014 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 705 375 000 euros ;
« Crédits de paiement : 402 830 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Ivan Renar.
Même motif, même punition !
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'enseignement supérieur et, par là même, l'examen des dispositions
concernant le ministère de l'éducation nationale.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre un rapport sur les titres de
séjour des étrangers en France en 2000, établi en application de l'article 45
de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en
France.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de
ce jour, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la
loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et
financier.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au
Journal officiel,
édition des Lois et décrets.
10
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté
par l'Assemblée nationale.
Emploi et solidarité
III. - VILLE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et
la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget de la ville pour 2002 est, si l'on en
juge aux chiffres, nettement moins dynamique que le précédent, puisqu'il croît
seulement de 1,3 %. Ce ralentissement s'explique par la croissance
exceptionnelle de 70 % constatée l'année dernière. Cette forte croissance
résultait du fait que ce budget intégrait pour la première fois en année pleine
certains dispositifs tels que les grands projets de ville, les opérations de
renouvellement urbain et le fonds pour la revitalisation économique.
Les montants soumis à notre vote restent très modestes au regard des défis à
relever compte tenu de l'échec des politiques structurelles. Ce budget se
situant dans le peloton de queue des budgets civils, je rappellerai que les
crédits pour la ville s'élèvent à un peu moins de 400 millions d'euros. Afin de
fixer les idées, et si l'on en croit le « jaune », je signale que l'ensemble
des dépenses de l'Etat relatives à la politique de la ville s'élèveraient à
plus de 4 milliards d'euros, et l'ensemble des dépenses publiques relatives à
la politique de la ville, à environ 7 milliards d'euros. Au total, le budget de
la ville ne correspondrait donc qu'à environ 6 % des dépenses concacrées à la
ville !
Depuis déjà plusieurs années, le Gouvernement s'évertue à démontrer le
caractère prioritaire de la politique de la ville. Il ne s'agit
malheureusement, selon moi, que d'une politique en trompe-l'oeil, d'un discours
qui tend à pallier les lacunes structurelles et budgétaires de cette
politique.
Les articles rattachés au présent budget me semblent illustrer deux des
principaux défauts de cette politique : le manque d'évaluation et l'absence de
traitement des problèmes à la base. Deux d'entre eux, les articles 71 et 71
bis,
tendent à instaurer, pour les exonérations de charges sociales, un
mécanisme de sortie progressive du dispositif des zones franches urbaines.
Les zones franches urbaines, permettez-moi de vous le rappeler, font partie
des zones de redynamisation urbaine, ou ZRU. Ces zones bénéficient
d'exonérations fiscales et sociales, plus favorables encore dans le cas des
zones franches urbaines.
Le Gouvernement propose de mettre fin au dispositif des zones franches
urbaines, pour le remplacer par un régime unique, correspondant à des zones de
redynamisation urbaine, à peine renforcées. Pour ma part, je m'interroge sur le
bien-fondé de cette décision.
Comme c'est fréquemment le cas pour les instruments de la politique de la
ville, l'évaluation disponible sur les zones franches urbaines est lacunaire.
La principale information publiée, conclurait à un doublement de l'emploi,
depuis 1997, dans les zones concernées, pour un coût annuel de 300 millions
d'euros, c'est-à-dire 2 milliards de francs. Quels sont les emplois que l'on
doit à ce dispositif ? Le rapport au Parlement ne l'indique pas, soulignant,
notamment, l'absence d'obligations déclaratives nouvelles pour les entreprises
bénéficiant du dispositif.
Ma première question, monsieur le ministre, est la suivante : disposez-vous
d'évaluations du nombre d'emplois créés du fait des zones franches urbaines,
tant parmi les résidents que parmi les non-résidents ? Si tel n'était pas le
cas, et bien que nous soyons parvenus au terme du dispositif, n'eût-il pas été
préférable de le proroger dans l'attente d'une évaluation fiable de son
efficacité ?
L'autre article rattaché au budget de la ville, l'article 72, est relatif à
l'extension du dispositif des adultes-relais.
Les adultes-relais, mes chers collègues, sont des ex-chômeurs, recrutés pour,
aux termes de l'article 72, « améliorer, dans les zones urbaines sensibles et
les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre
les habitants de ces quartiers et les services publics ainsi que les rapports
sociaux dans les espaces publics ou collectifs ». La politique de la ville est
donc amenée, en ce cas comme en d'autres, à traiter de manière purement
symptomatique, voire « cosmétique », un problème né de l'échec des politiques
menées par ailleurs.
Je suis donc conduit, monsieur le ministre, à vous poser deux nouvelles
questions. Ne craignez-vous pas qu'il soit difficile de concilier les deux
objectifs de ce dispositif : d'un côté, satisfaire des besoins non satisfaits
et, de l'autre, réduire les statistiques du chômage ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il va advenir de ces personnes
quand elles sortiront du dispositif, ces contrats n'étant prévus que pour une
durée de trois ans ?
J'en viens maintenant à mes observations générales sur le budget de la ville,
remarques, qui, je le concède, reviennent chaque année, et que faisait déjà mon
prédécesseur avant moi - je le salue ce soir dans notre hémicycle.
La question de la sortie du dispositif des zones franches urbaines me conduit
tout naturellement à évoquer la question de l'évaluation de la politique de la
ville. C'est peu de chose que de dire que celle-ci est lacunaire.
Si le ministère de la ville impose aux collectivités la réalisation de
nombreuses études, il ne remplit pas les obligations qui devraient être les
siennes concernant l'évaluation des actions qu'il engage. Il est donc
absolument nécessaire de mettre en oeuvre, d'une part, un suivi de la
consommation des crédits et, d'autre part, une évaluation qualitative des
résultats obtenus par les différentes politiques menées. Monsieur le ministre,
quels sont les efforts actuellement en cours, au ministère de la ville, pour
améliorer l'évaluation des politiques menées ?
Ensuite, je souhaiterais souligner les difficultés résultant de la complexité
des modes de financement de la politique de la ville. Ce n'est pas une
spécialité de la ville, d'ailleurs ; dans bien des politiques, les financements
sont, en général, complexes.
En dépit des réformes introduites au cours des deux dernières années, avec la
création du fonds d'intervention pour la ville, le FIV, notamment, la situation
demeure insatisfaisante.
D'une part, la complexité et la lenteur des procédures de demande de
subvention demeurent un obstacle, notamment pour les associations qui
participent à la réalisation des objectifs de la politique de la ville. La
délégation des crédits déconcentrés, souvent tardive, empêche toute visibilité
quant aux montants des crédits disponibles dans les départements.
D'autre part, le financement des opérations plus importantes demeure complexe,
compte tenu de la dispersion des sources de financement.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une dernière série de
questions : le financement de la politique de la ville ne vous semblerait-il
pas devoir être simplifié ? En ce cas, quels sont les moyens qui devraient,
selon vous, être mis en oeuvre ?
Enfin, plus fondamentalement, je m'interroge sur la nature même de la
politique de la ville. On le voit dans le cas des adultes-relais, la politique
de la ville se développe en grande partie en raison des échecs des politiques
structurelles qui devraient être menées par ailleurs. Dans ces conditions, on
peut se demander s'il y a lieu de se réjouir de la multiplication par cinq des
crédits de la politique de la ville depuis 1998 !
Je me permets donc de souligner que la nécessité de développer un budget pour
la politique de la ville n'est que la traduction des échecs criants des
politiques de l'emploi, de la sécurité, de l'éducation et de la famille dans
certains quartiers.
Ne pas vouloir prendre les mesures nécessaires pour restaurer l'autorité,
qu'elle soit au sein de la famille ou de l'école, vis-à-vis de la police ou de
la justice, conduit et conduira toujours, hélas !, à voter plus de crédits pour
acheter la tranquillité des banlieues.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
les quelques observations qui m'ont été inspirées par ce budget. En raison,
notamment, de son manque de transparence, du fait de l'absence d'évaluation et
de l'opacité de ses financements, je vous proposerai, mes chers collègues, d'en
rejeter les crédits.
Monsieur le ministre, récemment, dans un département que je connais bien, le
préfet, qui avait reçu délégation de crédits du ministère de la ville, n'en a
pas informé la ville chef-lieu de canton, si bien que ces crédits sont
retombés, si j'ose dire, dans le giron du ministère sans que le maire en soit
même informé. L'incident n'a été découvert que quelque temps après. Cet exemple
montre bien le manque de transparence qui prévaut en la matière. Mais je me
permettrai de vous adresser une petite note sur ce dossier précis !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité
le montre chaque jour, nous vivons au quotidien une dégradation de la situation
générale dans nos villes et dans nos quartiers. Malheureusement, ce phénomène
fait tache d'huile dans les communes périurbaines et même dans nos petites
communes.
Au-delà des rapports, des chiffres, des conclusions d'experts, des
déclarations des uns et des autres, si la politique de la ville était une
réussite, nous le saurions !
La politique de la ville revêt, par nature, un caractère interministériel.
Elle est aussi directement liée à la politique économique et à celle de
l'emploi, qui ont une incidence directe sur les conditions de vie des habitants
des quartiers en difficulté.
Or, depuis plusieurs années, le Gouvernement ne cesse de négliger le volet
économique de la politique de la ville. J'en donnerai deux exemples avec les
zones franches urbaines, les ZFU, et l'établissement public d'aménagement et de
restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.
Nous vous le disons de nouveau, monsieur le ministre, c'est la mixité
économique qui favorisera la mixité sociale dans nos villes et nos
quartiers.
Dans ce sens, votre budget ne répond pas aux attentes de nos villes,
c'est-à-dire de 75 % de la population de notre pays !
Les crédits budgétaires d'Etat s'élèvent à 3,57 milliards d'euros et sont en
stagnation en euros constants.
Dans le budget total de 7 milliards d'euros, nous trouvons des fonds
européens, des prêts de la Caisse des dépôts et consignations que les
collectivités locales auront à rembourser, puis 167 millions d'euros de fonds
provenant des caisses d'allocations familiales, alors que ce sont des
organismes privés qui ne reçoivent aucune subvention de l'Etat.
A tout cela s'ajoutent 1,1 milliard d'euros provenant des collectivités
territoriales.
Compte tenu de ce qui précède, la commission des affaires économiques
s'interroge sur l'équilibre entre les transferts de compétences et les
transferts de charges opérés par l'Etat.
Une de nos craintes, monsieur le ministre, est qu'au nom de « l'effet levier »
de vos crédits, comme vous le déclarez régulièrement et comme on aime dire à la
FIV, vous ne favorisiez les communes les plus riches au détriment des plus
défavorisées, c'est-à-dire celles qui rencontrent le plus de difficultés.
Le 31 décembre 2001, le dispositif « zones franches urbaines » aura vécu.
Rarement un gouvernement aura mis un tel acharnement à critiquer un outil
particulièrement efficace, mais qui semblait vraiment le gêner.
L'objectif fixé en 1996 par les auteurs du dispositif était de créer en cinq
ans 5 000 emplois et 10 000 entreprises et obtenir que les quartiers
bénéficient de 20 % de ces emplois.
Votre ministère annonce la création de 23 000 à 26 000 emplois et de 7 000
entreprises. L'Association nationale des zones franches urbaines, de son côté,
tire le bilan suivant : 50 000 emplois ont été créés, c'est-à-dire dix fois
plus que ce qui était prévu ; entre 20 000 et 25 000 entreprises ont été
créées, 50 % à 55 % d'entre elles étant des créations pures ; le taux
d'embauche dans les quartiers varie entre 30 % et 35 %. Cela montre bien que
les premiers bénéficiaires sont bel et bien ceux qui vivent dans ces zones.
La réussite des zones franches urbaines s'explique par leur simplicité : un
territoire, des exonérations d'impôts.
En revanche, le système de remplacement des zones de redynamisation urbaine,
les ZRU, que vous nous proposez, est voué à l'échec, car il est trop complexe.
Il mélange subventions et défiscalisation dans des conditions confuses et peu
attractives pour les entreprises.
Mais, en marge de la réussite des zones franches urbaines, nous tirons
quelques enseignements.
Il est inadmissible qu'en 2001 aucune administration française ne soit en
mesure de nous communiquer deux chiffres simples portant sur une période de
cinq ans : le nombre d'emplois et le nombre d'entreprises créés.
Il serait souhaitable, cela a déjà été dit, que le Gouvernement mette en place
une procédure d'évaluation de toutes ses politiques qui soit aussi rigoureuse
que celle qu'il applique aux zones franches urbaines.
Monsieur le ministre, il est également inadmissible que certaines
administrations ou certains organismes, par exemple l'URSSAF, refusent
d'appliquer la loi, les réglementations ou les directives du Gouvernement.
Permettez-moi de vous demander quelles sanctions vous prendrez à l'encontre
des organismes qui entravent ou ont entravé sciemment l'application de la loi
relative aux exonérations fiscales et sociales.
(M. Larcher
approuve.)
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Très bien
!
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Il ne se passe pas un jour sans qu'un maire soit
menacé ou traduit devant les tribunaux civils ou administratifs,...
M. Gérard Larcher.
C'est exact !
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
... alors que certains, eux, restent à l'abri.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
C'est du vécu !
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Pour la politique de restructuration des quartiers
en difficulté, une enveloppe de 500 millions de francs est ouverte pour la
démolition de 150 000 logements. La commission des affaires économiques
souhaiterait que le Gouvernement rende public un échéancier des démolitions
envisagées dans les années à venir, ainsi qu'une évaluation du coût des
opérations.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
A propos du commerce en restructuration dans les
quartiers en difficulté, nous nous interrogeons sur l'efficacité de l'EPARECA.
Nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles cet établissement
n'est pas en mesure de remplir les missions qui lui ont été confiées.
La seule qualité de votre budget, monsieur le ministre, est d'être le reflet
de votre politique. Ce budget n'est pas clair, il ne dégage pas de ligne de
force capable d'apporter une ébauche de solution à la situation actuelle de nos
villes.
Par conséquent, la commission des affaires économiques demande au Sénat de
rejeter les crédits consacrés à la ville.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le temps qui m'est
imparti pour présenter ce soir l'avis de la commission des affaires sociales,
je m'attacherai à formuler trois préoccupations, car je crois faire partie des
maires qui parlent de la politique de la ville parce qu'ils la conjuguent au
quotidien.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
En 2001, le Gouvernement a conforté les
orientations prises en faveur du renouvellement urbain par le comité
interministériel des villes du 14 décembre 1999. Je reviendrai d'ailleurs sur
le Conseil national des villes et du développement urbain, le CNV, où je
souhaiterais que l'on travaille en amont plutôt qu'en aval.
Le comité interministériel avait annoncé la mise en place de deux outils : les
grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier propose un
programme en quatre points pour, selon le Gouvernement, « tourner la page des
cités-dortoirs » : l'accélération du programme des démolitions-reconstructions
d'immeubles, la sélection de nouveaux quartiers pour des opérations de
renouvellement urbain, des grands travaux de ville pour le désenclavement des
quartiers, enfin, un programme de rénovation des copropriétés dégradées, qui
répond à un besoin réel.
Des moyens sont annoncés, budgétaires pour une petite part, extrabudgétaires
pour une large part, grâce tant à des prêts qu'à l'intervention du 1 %
logement.
La commission des affaires sociales juge intéressantes les propositions du
Gouvernement, mais elle assortit son jugement de deux réserves fortes.
La volonté politique de consacrer des moyens financiers à ces programmes devra
être soutenue avec constance. La stabilité des crédits consacrés aux grands
projets de ville en 2002, soit deux ans après la création de cet outil
important, augure mal d'une mobilisation à long terme en faveur du
renouvellement urbain. Telle est ma première réserve.
Par ailleurs, la commission estime qu'il n'est possible de mettre fin aux
cités-dortoirs qu'en brisant la logique qui s'est installée depuis plusieurs
décennies, celle de la ségrégation entre les zones d'habitat et les zones
d'emploi. Cet objectif ne sera atteint que si l'on implante l'activité
économique dans les quartiers défavorisés : la zone franche en est une preuve
concrète.
Or, et c'est ma seconde réserve, le développement économique de ces quartiers
reste incertain.
Le pacte de relance pour la ville avait proposé un instrument qui a, depuis,
prouvé son efficacité : les zones franches urbaines.
Vous savez, monsieur le ministre - nous en avons souvent discuté ensemble -,
combien j'y suis attachée. Je les ai largement défendues, et je reconnais avoir
été, dans une certaine mesure au moins, écoutée.
Les entreprises ont été incitées à s'installer dans des quartiers sinistrés
et, cinq ans plus tard, le bilan de ces zones est plus que positif.
Dans le dernier rapport qu'il a remis au Parlement, en juillet dernier, le
Gouvernement admet, tardivement peut-être, la réussite de cette politique.
Après les conclusions aussi assassines qu'infondées d'un rapport rédigé en 1998
par l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, je me félicite que le
Gouvernement ait trouvé son chemin de Damas.
Le dispositif des zones franches arrive à échéance ; sans doute ne pouvait-il
pas être reconduit éternellement. Les acquis en termes d'activité et d'emploi
devraient être préservés grâce au mécanisme de sortie graduelle contenu dans le
projet de loi de finances.
En remplacement, le Gouvernement propose trois outils, dont les deux premiers
n'ont pas encore rempli leurs promesses.
Le fonds de revitalisation économique, d'abord, reste inopérant en raison de
sa complexité, dissuasive pour les petits entrepreneurs. Les annulations de
crédits dont il est victime - près de 15 millions d'euros en 2001 en moyens de
paiement - témoignent de cette inefficacité. Il est temps de revoir ce
mécanisme.
Le dispositif des adultes-relais, pour sa part, reste une mesure de traitement
social du chômage que le Gouvernement élargit aujourd'hui, puisqu'en 2001 les
recrutements n'atteignaient pas un tiers des objectifs annoncés.
Sans doute le nouveau régime unique d'exonération permettra-t-il d'atteindre
de meilleurs résultats s'il évite l'écueil d'une dispersion des moyens entre
les zones ciblées.
Le dernier point de mon intervention sera consacré à la montée de la violence.
Chaque élu - et vous êtes comme moi, monsieur le ministre, l'élu d'une ville
qui n'est guère facile - est conscient de ce phénomène alarmant.
A titre d'exemple, je rappellerai que les dégradations et les destructions de
biens, qui constituaient une part modeste des délits et des crimes dans les
années quatre-vingt, en représentent aujourd'hui 14 %.
Les professionnels de santé, que ce soit dans les cabinets médicaux, en visite
à domicile ou à l'hôpital, sont de plus en plus souvent victimes de ces
agressions.
Certes, le Gouvernement a proposé de sécuriser les cabinets médicaux en
rassemblant les médecins dans des « maisons médicales », d'élargir la vocation
initiale du fonds de revitalisation économique pour permettre aux officines de
s'équiper en rideaux de fer, vidéosurveillance ou sas de sécurité, et de
favoriser le recrutement de « médiateurs de santé » pour accompagner les
médecins. C'est une solution, mais nous ne devons pas reculer devant la
violence.
Sans doute était-ce là une première réponse nécessaire, mais elle augure d'une
démission assumée face au phénomène de la violence. Le plan anti-violence mis
en oeuvre par certains services publics, notamment par les caisses
d'allocations familiales, témoigne de cette évolution préoccupante, qui voit
des îlots de sécurité se créer en même temps que la violence s'installe
autour.
Assurément, le budget consacré à la politique de la ville n'est pas celui du
ministère de l'intérieur ; mais les efforts menés au nom de cette politique ne
peuvent qu'être vains si, par ailleurs, la sécurité n'est pas restaurée.
Monsieur le ministre, je crois avoir toujours été très claire et très franche.
En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, je m'en
remettrai à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la ville. Mais
cette position n'est pas, loin de là, un blanc-seing donné au Gouvernement ;
elle traduit simplement le fait que nous prenons acte de vos propositions, et
elle s'assortit d'une mise en garde solennelle : il ne peut y avoir de
politique de la ville si la violence dans les quartiers n'est pas jugulée et si
la politique de la ville, au travers de ses financements, n'est pas davantage
simplifiée. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- Mme Printz applaudit également.
)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion des dispositions du projet de loi de finances concernant la
politique de la ville pour 2002 nous place en face de plusieurs questions
essentielles du débat public ; il s'agit des problèmes de logement, de
sécurité, de scolarisation, d'emploi ou encore d'environnement.
Aujourd'hui, 80 % des Français vivent en milieu urbain, soit 44 millions de
personnes, dont un grand nombre est quotidiennement confronté aux difficultés
engendrées par la délinquance, la dégradation de l'habitat ou les problèmes de
transport.
Or, face à cette masse de difficultés à gérer, les crédits inscrits en faveur
du ministère de la ville marquent un piétinement certain dans le projet de loi
de finances pour 2002.
Avec 372 millions d'euros, soit une croissance de 1,3 %, ce budget n'est pas à
la hauteur des défis qu'il a la prétention de relever.
La vérité, c'est que, comme dans plusieurs autres domaines essentiels de la
vie des Français - la sécurité ou l'emploi, par exemple - le gouvernement
Jospin a engagé vis-à-vis de la ville une politique en totale inadéquation avec
les réalités du terrain.
La plupart des mesures de solidarité urbaine n'ont pas été suffisantes pour
permettre une réelle émergence des zones dites sensibles. Les situations
sociales se sont même souvent détériorées.
Le pourcentage de diplômés supérieurs reste deux fois inférieur à la moyenne
nationale. Le nombre de titulaires d'un baccalauréat représente à peine 24 %,
contre 37 % ailleurs. Le taux d'activité dans ces quartiers a régressé, passant
de 69,5 % en 1990 à 68 % en 1999, soit cinq points en dessous de la moyenne
nationale. Le taux de chômage, quant à lui, est resté en 1999 deux fois plus
élevé que la moyenne nationale, soit 25,4 % contre 12,8 %.
Ce que le Gouvernement nous a présenté comme sa grande réforme pour la ville,
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui devait, entre
autres choses, réformer le code de l'urbanisme et les règles applicables à la
copropriété, s'est réduit à un cortège de taxations supplémentaires et de
mesures coercitives imposées aux collectivités locales sans aucune
concertation.
De même, en matière de lutte contre l'insécurité, les débats qui ont eu lieu
dans notre assemblée ont déjà mis en évidence les graves lacunes de la
politique gouvernementale depuis 1997, lacunes qui se traduisent par une
augmentation galopante de la délinquance au cours des dernières années : hausse
inquiétante de 5,72 % au cours de la seule année 2000 et de près de 10 % pour
le premier semestre 2001 ; augmentation sensible des vols avec violence et des
dégradations de biens publics et privés ; surtout, explosion des violences
contre les personnes.
A quoi sert de concevoir une politique ambitieuse dès lors que le sentiment
d'insécurité devient largement dominant dans les catégories de la population
française les plus directement concernées, catégories qui sont bien souvent
aussi les plus fragiles ?
Comment espérer que de vagues mesures d'accompagnement, comme les contrats
locaux de sécurité - les recrutements se sont avérés difficiles et les
formations incomplètes - puissent constituer une réponse adéquate aux problèmes
endémiques d'insécurité urbaine ?
Les excellents rapports de nos collègues Eric Doligé, Pierre André et Nelly
Olin ont clairement mis en évidence les nouvelles dérives dans les zones
sensibles, où même les médecins sont empêchés d'accomplir leur devoir
d'assistance médicale tant les menaces qui s'exercent sur eux sont fortes.
Comme pour les contrats locaux de sécurité, il est peu probable que la
création conjointe par les caisses nationales d'assurance maladie et le
ministère de la ville de « maisons médicales » dans les quartiers difficiles
puisse apporter une solution durable, et rapide, à ce qu'il faut bien qualifier
d'actes antirépublicains.
A chaque fois qu'une zone sensible est qualifiée ou ressentie par ses
habitants comme une zone de « non-droit », c'est tout un pan de la politique de
la ville qui s'effondre, et je vous rappelle que le nombre de ces quartiers qui
font honte à notre démocratie est passé en cinq ans de 145 à 750.
Nous ne saurions, bien entendu, monsieur le ministre, vous en tenir pour seul
responsable. Dans ce dramatique délabrement de l'ensemble de la politique de
sécurité du Gouvernement, les responsabilités sont partagées entre plusieurs
ministères.
Le ministère de la justice d'abord, dont l'ambition réformatrice en matière de
présomption d'innocence n'a finalement conduit qu'à compliquer inutilement les
procédures et les missions des forces de l'ordre et des tribunaux.
M. Roland Muzeau.
Vous avez voté la loi !
M. Christian Demuynck.
Je n'insisterai pas ici sur l'incidence que peut avoir sur la vie de ces
quartiers la présence de délinquants connus de tous et arrêtés à de nombreuses
reprises, mais qui continuent, malgré tout, à sévir en toute impunité.
Le ministère de l'intérieur, ensuite, a prouvé qu'il n'avait pas pris la
mesure réelle de l'enjeu représenté par la sécurité en réduisant la part
relative à l'agrégat de la politique nationale de 55,5 % à 52,02 %. La forte
mobilisation syndicale de ces dernières semaines révèle pourtant le cruel
manque de moyens et d'effectifs auquel sont confrontées les forces de police et
de gendarmerie.
Daniel Vaillant n'est cependant pas le seul qui doive être incriminé. Il a dû
assumer le lourd passif laissé par son prédécesseur, M. Jean-Pierre Chevènement
: manque de formation des agents de police de proximité, faiblesses de la
politique d'affectation des forces de l'ordre sur le territoire, absence de
prise en compte des demandes formulées par les syndicats de police ainsi que
par les élus locaux, etc.
Votre ministère enfin : les crédits en faveur des grands projets de ville,
pourtant directement voués à prévenir la délinquance stagnent à 10,6 millions
d'euros, soit 210 000 euros par projet. Cette dotation insuffisante contraste
avec les annonces du Gouvernement et n'apporte pas de réponse satisfaisante aux
problèmes soulevés.
De même, les crédits du fonds d'intervention pour la ville concernant la
prévention de la délinquance, de la récidive et les aides aux victimes
d'infractions pénales n'étaient que de 3,31 millions d'euros en septembre 2001,
alors qu'ils avaient atteint 15,23 millions d'euros en 2000. Une telle
dégradation est incompréhensible dans le contexte actuel.
Ainsi, la politique de la ville que nous propose le Gouvernement n'a pas les
moyens de ses ambitions et elle pâtit des importantes erreurs de gestion
commises depuis 1997, erreurs dont la collectivité continue à payer le prix.
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la discordance
de la politique gouvernementale : le Gouvernement prétend à la fois développer
la politique d'intégration urbaine, à grand renfort d'effets d'annonce
d'ailleurs, mais, dans le même temps, il se désengage progressivement du
financement de ces mesures.
Alors que la part des financements de l'Etat reste constante, les
collectivités territoriales, par le biais des contrats de ville et des contrats
Etat-régions, ont en effet dû quadrupler leurs contributions depuis 1998,
passant de 357 millions d'euros à 1,11 milliard d'euros : savante opération de
passe-passe qui permet à l'Etat de se décharger à bon compte sur des
collectivités de plus en plus exsangues !
On voit mal comment, dans de telles conditions, le Gouvernement pourrait
encore justifier ses réticences à accorder aux maires des moyens suffisants
pour traiter au plus près les problèmes de sécurité, d'urbanisme et
d'environnement.
Ce projet de loi de finances est, en fait, le révélateur des incohérences de
la politique socialiste depuis 1997 : le Gouvernement a conçu la politique de
la ville comme une politique de traitement de la crise des quartiers, de la
même façon qu'il a conçu la politique de réduction du temps de travail comme
une politique de traitement de la crise du chômage, c'est-à-dire sans réelle
vision d'avenir, sans consultation, et au mépris de l'intérêt de la
collectivité à long terme.
Les Français, monsieur le ministre, sauront s'en souvenir lorsque viendra,
bientôt, le temps de faire les comptes.
Bien sûr, je ne voterai pas ce projet de budget.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l'on
examine tant les crédits de la ville dans le projet de loi de finances pour
2002 que les conclusions du comité interministériel de la ville du 1er octobre
dernier, les moyens et outils proposés tant en matière d'habitat et de
requalification urbaine que d'accompagnement des populations en difficulté
paraissent, à première vue - et malgré le ralentissement de l'effort budgétaire
consenti depuis 1998 - intéressants.
Par ailleurs, l'excellente analyse faite par le rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales, Mme Olin, a parfaitement mis en évidence non
seulement les atouts, mais aussi les lacunes et les faiblesses de ce projet de
budget.
Pour ma part, je me permettrai d'émettre quelques réserves, voire des
craintes, sur la mise en oeuvre de la politique de la ville sur le terrain,
laquelle ne transparaît pas directement dans le document budgétaire.
Deux exemples me semblent particulièrement significatifs de la difficulté de
passer de la théorie à la pratique.
Le premier est celui de l'accompagnement des populations en difficulté assuré
par les associations dans le cadre des contrats de ville. Bien que leur mission
soit largement reconnue et que des financements leur soient en principe
alloués, l'accès à ces crédits relève pour bien des associations d'un véritable
défi. Elles doivent d'abord comprendre les mécanismes de financement et définir
les financeurs susceptibles de retenir leur dossier. Or les services
instructeurs eux-mêmes ne sont pas toujours en mesure de leur indiquer si une
action relève de la politique de la ville ou du droit commun, voire des
deux.
Depuis le transfert des crédits de l'ancien fonds interministériel pour la
ville au fonds d'intervention pour la ville, le FIV, les nouvelles règles de
financement peuvent poser quelques problèmes aux associations dont le
rayonnement est intercommunal. En effet, contrairement à l'ancien FIV, le
contrat de ville impose une contrepartie locale en complément des financements
de l'Etat et de la région. Lorsqu'une association intervient sur un territoire
important, il lui est donc désormais nécessaire d'obtenir l'accord de toutes
les collectivités concernées, ce qui, dans la réalité, se révèle souvent
difficile.
La précarité de fonctionnement des associations induite par la reconduction
annuelle et toujours hypothétique des projets limite encore davantage la
possibilité de conduire une action qualitative inscrite dans la durée. La
pluriannualité des financements peut permettre une amélioration de la
qualification des intervenants et du contenu des actions. Pourtant, à ce jour,
selon l'enquête réalisée dans le cadre du rapport « Associations et politique
de la ville », seules 17 % des préfectures interrogées recourent à la procédure
des conventions pluriannuelles. Or n'oublions jamais que les associations sont
pratiquement nos seuls intervenants de proximité. Ce sont elles qui, au
quotidien, sont « envoyées au feu » dans les quartiers en difficulté, mais
elles interviennent dans des conditions bien trop précaires pour que leur
efficacité auprès des habitants soit optimale.
Deuxième sujet très important que je souhaite évoquer : les programmes de
requalification urbaine dans lesquels se sont engagées les communes et
agglomérations éligibles aux grands projets de ville, les GPV, pour la période
2000-2006.
Là encore, on se heurte à la lourdeur excessive des procédures, chaque échelon
des services déconcentrés de l'Etat ajoutant des contraintes à celles de
l'échelon précédent.
Dans le Valenciennois, par exemple, deux années de négociations avec les
différents partenaires signataires des conventions « contrat ville » auront été
nécessaires pour parvenir à un accord.
Depuis le mois de septembre 2001, le GPV est entré dans sa phase
opérationnelle. A ce stade, l'Etat a demandé des études sociales et urbaines
complémentaires avant d'envisager le début de l'instruction des dossiers. Les
études ont été lancées à l'automne 2001. Leurs résultats seront connus à la fin
de 2002. Les premiers projets verront donc le jour à la fin de 2003 ou au début
de 2004 puisque l'on estime à vingt-trois mois au minimum la phase
d'instruction d'un dossier d'investissement pour un GPV. Cela signifie que les
opérations lourdes, qui sont par là même les plus importantes pour changer la
physionomie des quartiers et surtout des logements, seront concentrées sur
2004-2006, soit une période très brève.
Le risque est réel que les communes et l'intercommunalité ne puissent assumer
financièrement un grand nombre d'opérations dans un délai aussi court. Comment
réaliser en trois ans ce qui aurait dû être fait en six ans ? Comment ne pas
comprendre l'impatience et l'incompréhension des habitants des quartiers qui
voudraient enfin « voir les choses bouger » ?
A la lenteur des opérations, il convient d'ajouter le manque de lisibilité des
modalités de mise en oeuvre des GPV. A l'origine, leur objet était de
subventionner des opérations de requalification urbaine à un taux largement
supérieur au droit commun - 80 %, voire 90 % - afin de permettre à des communes
à faible potentiel fiscal de lancer des opérations qu'elles n'auraient jamais
pu financer seules. En pratique, dans mon département, les premières notes
communiquées aux élus par les services de l'Etat sur la marche à suivre
énuméraient les dépenses subventionnables de manière très restrictive, ce qui
en réduisait d'autant l'impact. Cette pratique a soulevé un vif
mécontentement.
Aujourd'hui, on nous annonce, lors des réunions techniques entre services de
l'Etat et collectivités, que les voiries et réseaux divers ne seront
probablement financés qu'à hauteur de 20 % de la dépense subventionnable, alors
que les élus pensaient obtenir une aide équivalente à 80 % ou à 90 % du montant
de l'opération. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, à l'heure
d'élaborer des budgets communaux déjà difficiles à équilibrer, de telles
incertitudes accentuent les appréhensions des élus, qui, dès lors, hésitent à
s'engager dans une démarche aussi lourde.
Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que les crédits disponibles
pour les investissements au titre des GPV soient sous-consommés. Ne serait-il
pas plus logique, une fois le cadre du contrat établi, de laisser un peu plus
de souplesse et d'autonomie aux élus dans l'élaboration des programmations
annuelles ?
Permettez-moi de reprendre les propos d'un de mes collègues, maire de la ville
de Hem, qui rappelait que l'objectif n'est pas d'avoir une procédure « carrée,
mais des quartiers rénovés, des populations intégrées, des commerces et des
entreprises installées et des emplois créés ».
Telle doit être en effet notre ambition. Or, actuellement, on semble perdre de
vue cet objectif très simple. Aussi je voudrais conclure, monsieur le ministre,
en vous alertant sur la façon dont la politique de la ville est vécue dans nos
territoires. Si l'approche technocratique qui prévaut aujourd'hui n'est pas
rapidement corrigée, je crains que les efforts entrepris ne soient toujours en
décalage par rapport aux attentes des populations en difficulté.
(Applaudisements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps qui
m'est imparti étant particulièrement bref, j'irai directement à l'essentiel.
Les chiffres sont clairs : plus 15,6 % par rapport au budget 2001, qui avait
lui-même déjà augmenté de 47 % ; 538,16 millions d'euros pour les crédits
spécifiques « ville » en 2002, somme comprenant les dépenses ordinaires et les
autorisations de paiement, contre 144 millions d'euros en 1997, soit une
progression de 274 %.
L'effort public total, qui comprend l'effort des collectivités locales,
s'élève à 6,2 milliards d'euros pour la politique de la ville, auxquels
s'ajoutent 1,1 milliard d'euros de prêts de la Caisse des dépôts et
consignations.
Du strict point de vue budgétaire, l'effort est notable et la cécité qui
frappe la droite - hormis Mme Olin - est étonnante.
Mme Nelly Olin.
Un peu de décence, mon cher collègue !
M. Roland Muzeau.
J'ai dit : « hormis Mme Olin » !
Ce projet de budget marque - comme la loi SRU et l'accélération des programmes
de démolition-reconstruction - la volonté du Gouvernement de changer d'échelle.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'en félicite.
Les problèmes de la ville concernent 43 millions de nos concitoyens, près de
huit personnes sur dix. Pour faire face à cet enjeu de société, aux mutations
considérables des activités humaines concentrées dans les secteurs urbains, aux
exigences de la population des villes, c'est l'ensemble de la politique de la
nation qui doit être mis en mouvement.
Dans cet esprit, à titre d'exemple, nous désapprouvons la volonté des services
de l'Etat qui, comme dans le département des Hauts-de-Seine, veulent transférer
la charge des antennes de justice dans les GPV, les grands projets de ville
donc aussi à la charge des communes, alors que cela dépend exclusivement du
ministère concerné.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Nous sommes d'accord !
M. Roland Muzeau.
Nous vivrons encore longtemps les conséquences d'une planification urbaine en
crise profonde, comme de la politique de zonage affectant des territoires selon
leurs fonctions - activité, habitat, loisirs, chalandise - et entraînant un
perpétuel allongement des temps de transports.
Dans les évolutions lourdes des vingt dernières années, la montée d'un chômage
massif et d'une précarisation des populations les plus démunies s'est
concentrée dans certaines villes, dans certains quartiers, au sein de zones
déjà fragilisées par la conception même de l'organisation urbaine dominante.
M. Hilaire Flandre.
C'est votre fonds de commerce !
M. Roland Muzeau.
Il faut bien l'admettre, les différentes politiques de la ville menées n'ont
pas réglé au fond les problèmes, ni même eu tous les effets attendus : les
exclus de la croissance sont massivement restés des exclus.
Le renouvellement urbain ne prendra véritablement son essor que si l'on
s'attaque aux conditions économiques de revitalisation des villes. Or le volet
de l'emploi, qui ne dépend pas de votre budget, monsieur le ministre, repose
encore essentiellement sur une logique de traitement social du chômage.
Force est de constater que ce sont toujours les mêmes qui souffrent. Certains
cèdent au découragement. D'autres fuient les zones urbaines, dès qu'ils le
peuvent.
Force est aussi de constater que ce sont toujours les communes les plus en
difficulté qui supportent les charges les plus lourdes, et les solidarités
entre collectivités restent encore à construire.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Il répète tout ce que l'on a dit !
M. Roland Muzeau.
Lorsque nous le disions, vous ne l'entendiez pas !
Ce sont ces communes qui courent après l'ouverture d'un guichet de poste dans
les quartiers dits sensibles, qui s'opposent à la décision insensée,
incompréhensible et brutale d'un chef d'entreprise de fermer un site - vous ne
le dites pas ! - qui cherchent les moyens d'exercice du droit pour chacun de
vivre en sécurité dans les lieux de son choix, les moyens d'une éducation qui
ne laisse personne sur le bas-côté.
M. Christian Demuynck.
Pourtant, ils soutiennent le Gouvernement !
M. Roland Muzeau.
Par ailleurs, travailler et bénéficier d'un habitat digne de ce nom sont les
deux grandes questions qu'il convient de résoudre.
Selon certaines sociétés anonymes d'HLM, la politique de la ville signe vingt
ans d'échec.
« Nous avons trop longtemps été négligés dans l'élaboration de la politique de
la ville », estime pour sa part M. Michel Ceyrac, président du groupe 3F,
premier groupe d'habitat social en France.
Peut-être, mais nombre de bailleurs n'ont-ils pas depuis longtemps négligé la
ville et leur propre implication dans la mise en oeuvre du renouvellement ? La
réponse me semble aller de soi.
Il importe également que l'Etat se fasse entendre auprès des sociétés anonymes
d'HLM, les SA HLM, et notamment les plus puissantes d'entre elles, et auprès de
grands collecteurs comme l'Office central interprofessionnel du logement,
l'OCIL, qui utilisent trop souvent les actions de la politique de la ville pour
améliorer leurs comptes et leurs bilans financiers.
Il ne s'agit plus seulement de parer au plus pressé, il s'agit de changer de
mode de vie pour bien vivre ensemble en ville. Il faut donc aider fortement les
différents acteurs, collectivités locales, associations qui, avec les services
de l'Etat, rejettent ghettos et zonages, et recherchent le moyen de retisser du
lien, de récréer de la solidarité.
Enfin, préoccupation lancinante, les collectivités locales et les associations
se heurtent toujours à l'excessive complexité des circuits, au manque de
souplesse des procédures,...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Voilà !
M. Hilaire Flandre.
On est tous d'accord !
M. Roland Muzeau.
Cela m'étonnerait !
Elles se heurtent toujours, disais-je, à l'insuffisante coordination des
sources de financement et à la lenteur des mécanismes de délégation des
crédits.
Arriverons-nous un jour à simplifier cela ? Nous l'espérons vivement !
Je note avec intérêt que le rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales a émis un avis de sagesse sur les crédits de la ville pour 2002.
Compte tenu de ces observations constructives, le groupe communiste
républicain et citoyen votera donc ce budget, tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
La solidarité gouvernementale !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Je pensais que vous émettriez un avis de sagesse
!
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Pas trop de louanges !
(Sourires.)
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Un peu tout de même !
(Nouveaux sourires.)
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année
encore, l'honneur me revient de défendre le budget de la ville au nom du groupe
socialiste et, comme je le fais depuis quatre ans, je me félicite de
l'augmentation de ses crédits. Il s'agit non pas d'un manque d'originalité de
ma part ou d'un manque de volonté de varier le contenu de mes interventions,
mais du constat de l'augmentation d'un budget qui traduit la volonté d'un
gouvernement de faire de la politique de la ville une priorité et d'inscrire
celle-ci dans la durée.
Depuis quatre ans, le Gouvernement a en effet entrepris une importante
revalorisation des moyens destinés à la politique de la ville. Cette
mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999, qui a augmenté
de plus d'un quart les crédits concourant au développement social urbain. Le
budget pour 2000 a poursuivi cette évolution de l'effort public en faveur de la
ville, de même que le budget pour 2001, soit une augmentation de 65 % en
seulement trois ans.
Les crédits pour 2002 poursuivent cette progression puisque le budget de la
ville, qui ne s'élevait qu'à 944 millions de francs en 1997, mobilisera 2,5
milliards de francs. Il permettra de financer la montée en puissance des
dispositifs de renouvellement urbain et de revitalisation économique mis en
place depuis trois ans. Sachant qu'un franc investi par le ministère de la
ville suscite au moins sept francs d'autres crédits ministériels, l'estimation
de l'effort public en faveur de la ville dépasse ainsi 40 milliards de
francs.
Aucun gouvernement n'a jamais mobilisé des moyens aussi importants pour la
ville.
Au-delà de l'aspect financier, c'est toute une façon de penser et
d'appréhender la ville qui a changé, et nous savons, monsieur le ministre, que
vous n'êtes pas étranger à cette nouvelle approche. Depuis votre nomination,
vous n'avez pas hésité à vous rendre sur le terrain, dans les villes et les
banlieues de tout le pays...
M. Hilaire Flandre.
C'est la moindre des choses !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Même à Garges-lès-Gonesse !
Mme Gisèle Printz.
... afin de vous rendre compte au plus près d'une réalité que vivent six
millions de nos concitoyens. En outre, vous êtes en permanence à l'écoute des
acteurs qui appliquent et font la politique de la ville au quotidien.
M. Alain Joyandet.
C'est la brosse à reluire !
Mme Gisèle Printz.
Vous avez su mobiliser les énergies au coeur des quartiers et réussi à faire
de la politique de la ville une réalité ancrée dans la durée.
Elle s'affiche désormais comme un véritable outil de développement social et
d'intégration des quartiers à la ville. Les cinquante grands projets de ville
et les soixante opérations de renouvellement urbain se fondent tout à fait sur
cette logique. L'entrée en application des 247 contrats de ville 2000-2006,
sous la responsabilité des sous-préfets à la ville, a également consacré ce
changement d'échelle puisqu'ils constituent une réponse adaptée à la lutte
contre les processus de ségrégation urbaine et sociale.
En 2002, 90 % des crédits seront toujours consacrés au financement de ces
contrats, avec des priorités d'intervention correspondant aux attentes des
habitants en matière d'éducation, de prévention et de sécurité,
d'environnement, de culture et d'accès à l'emploi et aux services publics.
Je souhaite insister sur ces deux derniers points, qui me semblent
particulièrement importants.
Les problèmes d'accès à l'emploi doivent être mieux pris en considération ; le
renforcement du programme « adulte relais » est en cela très important. Il faut
cependant aller plus loin, car les discriminations raciales à l'embauche sont
bien réelles et elles nuisent depuis des années à l'intégration des populations
issues de l'immigration. En outre, elles nourrissent un sentiment d'injustice
de plus en plus mal ressenti par des jeunes souvent réduits à des caricatures,
assimilés aux agissements répréhensibles d'une minorité.
Trois sites pilotes, dont celui de Thionville, en Moselle, ont été choisis
dans le pays pour mettre en oeuvre un diagnostic et des formations dans ce
cadre. J'ai ainsi pu me rendre compte de la motivation de l'ensemble des
partenaires qui se sont tous engagés à faire du contrat de ville le lieu
privilégié de construction d'une politique publique d'intégration.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce problème et, le mois dernier
dans la presse, vous avez fort justement déclaré : « Les jeunes issus de
l'immigration doivent avoir d'autres choix que d'être voyous, être intégristes
ou être Zidane. C'est à nous, les politiques, de rendre ces choix enfin
accessibles. »
Nous soutenons donc cette excellente initiative, qui devra être généralisée à
l'ensemble des contrats de ville, pour favoriser l'embauche et l'insertion
professionnelle de ces jeunes qui font beaucoup d'efforts et qui méritent de
s'en sortir.
Pour ce qui est de l'accès aux services publics, il est essentiel, pour
atteindre pleinement l'objectif, d'intégrer les quartiers à la ville. La
présence de services publics au sein des quartiers se développe. C'est une très
bonne chose. Toutefois, attention ! Nous connaissons les réticences de
certaines professions à se délocaliser - je pense, par exemple, à la justice ou
même aux personnels des préfectures et sous-préfectures. Les intentions sont
là, mais je crains que nous ne nous heurtions encore à des mentalités qui
doivent évoluer pour que soit mis fin au sentiment d'exclusion omniprésent dans
les quartiers.
Le comité interministériel de la ville qui a eu lieu le 1er octobre dernier a
démontré une volonté commune d'enrichir et d'amplifier les actions menées, pour
favoriser le développement d'une ville équilibrée et solidaire. Les efforts
seront ainsi intensifiés dans trois directions.
Tout d'abord, il faut tourner définitivement la page des cités-dortoirs, en
redonnant vie aux quartiers les plus en difficulté, en élargissant à trente
sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement urbain, en
accélérant les démolitions de logements obsolètes ou encore en améliorant
l'accessibilité de ces quartiers. Sur ce point, le programme d'accession à la
propriété lancé dans les quartiers populaires est une très bonne chose, car il
attirera des personnes extérieures qui n'auraient jamais souhaité être
locataires, permettant ainsi une mixité très importante. Un programme similaire
mené dans mon département a abouti à ce qu'un collège qui était classé en zone
sensible depuis dix ans ne le soit plus aujourd'hui.
Ensuite, les efforts seront intensifiés pour favoriser la réussite scolaire et
sociale des jeunes, afin qu'ils trouvent une place dans notre société.
Enfin, les efforts seront intensifiés pour améliorer le cadre de vie et
sécuriser la ville, notamment par un renforcement de la présence humaine. La
sécurité est en effet la première des libertés, et une présence humaine massive
y contribue efficacement. Toutefois, il convient de donner un vrai statut à ces
personnels. Si l'on prend l'exemple des agents locaux de médiation sociale, il
s'agit d'un travail à temps partiel, mal rémunéré, souvent perçu comme un job
d'appoint, alors que c'est un vrai travail à fortes responsabilités. Il ne faut
pas hésiter à former et à rémunérer les personnes à proportion du travail
demandé. Ce point pourrait faire l'objet d'une réflexion.
Je souhaite maintenant vous alerter, monsieur le ministre, sur le dispositif
du fonds de revitalisation économique, le FRE, destiné à stimuler les activités
économiques dans les quartiers sensibles.
Ainsi, depuis juin dernier, les entreprises de moins de onze salariés se
voient proposer des avantages financiers si elles souhaitent se développer ou
s'installer en zone urbaine sensible. Malheureusement, à ce jour, cette mesure
n'a pas obtenu le succès escompté.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord !
Mme Gisèle Printz.
Il s'agit pourtant d'une initiative très intéressante, et nous pensons qu'elle
doit être maintenue en y apportant des améliorations.
Je souhaiterais à présent dire quelques mots sur les associations, et plus
particulièrement sur leur financement. Comme vous le savez, monsieur le
ministre, les associations occupent une place fondamentale dans la mise en
oeuvre de la politique de la ville. L'augmentation des moyens budgétaires doit
aller de pair avec les subventions attribuées au monde associatif. Aussi, nous
ne pouvons que saluer l'effort réalisé dans ce budget en leur faveur. Le
dossier et le guichet unique ont été de réelles avancées. Mais, attention ! ces
réformes doivent être correctement appliquées par les administrations. Il n'est
en effet pas rare de voir des associations contraintes de remplir leur dossier
de demande de subventions en plusieurs exemplaires.
Il convient donc de veiller à l'application des règles de simplification.
Pourquoi ne pas aller encore plus loin dans ce sens ? Je pense notamment à
l'avance de fonds, pour les petites structures de quartiers et les associations
communales, qui n'ont ni les moyens ni la logistique des grands réseaux
associatifs nationaux. Les premiers versements sont parfois tardifs. Ne
serait-il pas possible, par exemple, de créer un groupement d'intérêt public
qui permettrait cette avance de fonds ?
Monsieur le ministre, ces quelques réflexions m'ont été suggérées par les
acteurs de terrain que j'ai rencontrés, qui croient en votre détermination et
veulent la réussite de votre politique.
Avant de conclure, je souhaite rendre hommage aux animateurs des équipes
intervenant dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales. Ces
chargés de mission accomplissent un travail considérable et leur implication
dans la politique de la ville contribue à sa réussite. Au-delà des mots, je
pense qu'il faut se pencher sur la question de leur statut, car ces personnes
restent confinées dans la précarité de leur poste.
En conclusion, monsieur le ministre, je ne serai pas plus originale que
l'année dernière ou les années précédentes en déclarant que votre budget est un
bon budget et que vos orientations sont excellentes. Nous vous faisons
confiance, ainsi qu'au gouvernement de Lionel Jospin, pour poursuivre et
coordonner cette politique ambitieuse. Le groupe socialiste votera ce budget
sans hésiter.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Ça c'est un scoop, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique
de la ville, c'est d'abord une grande ambition, une grande exigence, mais elle
implique de la modestie, de l'impartialité et surtout de la persévérance.
Je serai bref, car les excellents rapports de MM. Doligé, André et de Mme Olin
m'amèneront à me concentrer essentiellement sur le volet économique.
Votre budget, monsieur le ministre, a atteint un volume jamais atteint
auparavant, je vous en donne acte. De même, je vous donne acte du fait que vous
avez su écouter le terrain. A l'occasion d'un certain nombre de colloques,
notamment à Nantes, Montpellier, Vaulx-en-Velin, des orientations concrètes ont
pu être dégagées. Elles ont immédiatement été traduites dans les faits à
travers des contrats de ville, des grands projets de ville ou des ORU, les
opérations de renouvellement urbain.
Je vous donne acte également de ce que la loi Chevènement a donné une
impulsion à l'intercommunalité. Elle a permis de doter le territoire de
communautés urbaines, de communautés d'agglomérations ayant la compétence
politique de la ville, mais favorisant une vision plus globale, et donc une
action plus concrète dans le domaine de la politique de la ville.
Cela étant, monsieur le ministre, vous me permettrez d'être déjà beaucoup plus
critique à propos de la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains, qui, à mon avis, aura des effets exactement contraires à son exposé
des motifs. Elle gèle les terrains, elle crée la rente foncière et favorise
donc la ségrégation sociale.
Permettez-moi également d'émettre un avis très critique - c'est aussi de la
politique de la ville qu'il s'agit - sur la loi, pour l'aménagement et le
développement du territoire, qui, normalement, aurait du accélérer la mise en
oeuvre des fameux contrats d'agglomération, lesquels devaient mettre en
mouvement les contrats de ville. Ces derniers sont, en quelque sorte, le volet
lutte contre l'exclusion, lutte pour l'intégration sociale desdits contrats
d'agglomération, qui en fait se déclinent au futur incertain.
Je ne parlerai pas des contrats locaux de sécurité, car cela prendrait
beaucoup de temps.
Mme Nelly Olin,
rapporteur spécial.
Alors là, c'est la peau de chagrin !
M. Jean-Paul Alduy.
Je dirai simplement qu'il n'ont rien à voir avec un contrat et qu'ils
provoquent souvent un véritable désespoir chez celles et ceux qui avaient cru
en une démarche partenariale.
Je n'aborderai pas la sécurité, je n'aborderai pas le cadre de vie, je
n'aborderai pas non plus les dimensions nouvelles de démolition ou de
remodelage de nos cités. Je concentrerai mon propos, comme je l'ai dit, sur le
volet économique.
Lors de la réunion du comité interministériel des villes et du développement
social urbain, le CIV, qui s'est tenue au mois de décembre 1999, vous avez
annoncé un certain nombre de mesures, qui ont été évoquées tout à l'heure.
Force est de constater - et cela a déjà été dit par les orateurs précédents -
que le Fonds de revitalisation économique n'a pas donné les résultats
escomptés. L'information sur le terrain reste totalement insuffisante. La
mobilisation n'est pas au rendez-vous. Quant aux 150 équipes emploi-insertion
qu'ont-elle donné ? Quelle a été leur mobilisation ? On aurait aussi bien pu
prendre appui sur un certain nombre d'expériences qui avaient déjà porté leurs
fruits ; je pense notamment aux régies de quartiers, qui mobilisaient
l'ensemble des acteurs sociaux des quartiers en difficulté.
S'agissant des 10 000 adultes-relais, vous serez obligé, si cela n'a pas déjà
été fait, de faire appel aux collectivités locales si vous voulez atteindre vos
objectifs.
Le dispositif qui va démarrer le 1er janvier 2002 est ambigu. Il se répartit
sur l'ensemble des zones de redynamisation urbaine, les ZRU, une partie des
mesures portant sur l'artisanat et le commerce correspondant à peu près à
celles qui existaient dans les zones franches urbaines.
Quant aux autres mesures, qui prévoient des choses très compliquées, à mon
avis, elles ne porteront pas leurs fruits.
Je pense que vous me voyez venir avec les zones franches urbaines ! Je sais
que, peu à peu, vous avez évolué sur ce sujet, mais j'ai envie de vous inciter
à faire encore un petit effort.
De toute façon, si l'on avait procédé à une évaluation honnête, à la fois
quantitative et qualitative, en allant au contact des équipes de terrain et des
maires, on aurait compris que c'est l'exclusion économique qui engendre
l'exclusion sociale, et non l'inverse. Tant que l'on ne s'attaquera pas au
problème de l'exclusion économique de ces territoires, l'ensemble des autres
mesures ne donneront que des résultats précaires et très fragiles. Il faut
donc, prioritairement, mettre l'accent sur ce que l'on a appelé la
discrimination positive d'un certain nombre de territoires pour leur donner une
rente économique et, à partir de là, mettre en mouvement une dynamique de
l'emploi dans ces quartiers.
Venez dans ces zones franches, discutez avec leurs habitants ! Ils ont revu
des commerces, ils ont revu des gens cravatés, venant au bureau dans leur
quartier. Ils ont revu des services publics, ils ont revu des entreprises
citoyennes devant recruter sur place et se posant le problème des trajectoires
professionnelles de ces jeunes en difficulté ou de ces chômeurs de longue durée
qui allaient de guichet en guichet, de prime en prime.
Une voie est tracée. Certes, elle l'a été par le Gouvernement précédent et
donc, immédiatement, elle suscite la réticence. Mais je crois que si l'on
s'intéresse vraiment à la politique de la ville, on n'a pas le droit d'avoir un
regard partisan sur les politiques menées. Je ne l'ai pas pour la vôtre. Je
vous demande de ne pas l'avoir pour celle de vos prédécesseurs et de prendre
appui sur les orientations qui existent déjà pour aller plus loin et redonner à
cette politique de la ville les bases dont elle a besoin, à savoir une
politique du développement économique des quartiers concernés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter pour la quatrième année le
budget de mon ministère.
Permettez-moi d'insister brièvement, en introduction, sur la continuité et la
cohérence des orientations de la politique de la ville menée par le
Gouvernement.
Il est très important en effet que cette politique mobilise dans la continuité
les efforts des gouvernements successifs si l'on veut qu'elle produise tous ses
effets sur le moyen terme. Nous sommes nombreux à partager cette vision si j'en
juge par l'avis de sagesse qu'a émis la commission des affaires sociales, sur
proposition de son rapporteur, et par le ton constructif du rapport général et
du rapport de la commission des affaires économiques.
Reconnaissons ensemble que, sans la croissance et tant que ses moyens étaient
limités, cette politique innovante ne pouvait qu'amortir les effets les plus
dramatiques de la crise dans nos quartiers populaires.
Les rapporteurs ont pu constater, malgré leurs réserves sur certaines
modalités, que la politique de la ville a radicalement changé de dimension
depuis 1998.
Dans le contexte nouveau de croissance, le CIV du 30 juin 1998 a recentré
cette politique sur les priorités que sont l'emploi, la sécurité et
l'éducation. Le CIV du 2 décembre 1998 lui a conféré une dimension
intercommunale et lui a permis de rallier de nouveaux partenaires, en
particulier les départements. Ce CIV s'est également attaché à simplifier des
procédures de financement trop lourdes pour les collectivités locales et les
associations de quartier.
Les 247 nouveaux contrats de ville 2000-2006 ont été dotés par l'Etat de 2,4
milliards d'euros, alors que le XIe plan n'avait engagé l'Etat que pour 1,8
milliard d'euros. Le budget de mon ministère est ainsi passé de 115,10 millions
d'euros, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, en 1998, à 372,20
millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002, soit 223 %
d'augmentation, plus qu'un triplement.
Au-delà du seul budget du ministère de la ville, l'effort public global en
faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé chaque année de
manière plus rigoureuse dans le « jaune », dépassera 6 milliards d'euros en
2002, soit un doublement par rapport à 1998.
Mon budget a tout d'abord donné priorité à une remise à niveau des moyens des
contrats de ville dans les budgets 1999 et 2000. La quasi-totalité des
contributions éparpillées des différents ministères a également été regroupée
sur mon budget ; la nomenclature budgétaire a été simplifiée et la mise à
disposition des crédits au niveau local accélérée.
Le CIV du 14 décembre 1999 a permis de franchir un nouveau palier important,
au-delà des interventions traditionnelles de la politique de la ville désormais
confortées. Il a, en particulier, engagé un vaste programme de renouvellement
urbain centré autour de cinquante grands projets de ville et trente opérations
de renouvellement urbain.
Ce programme a été doté de 763 millions d'euros - soit 5 milliards de francs -
de crédits budgétaires sur la période 2001-2006 et de prêts de la Caisse des
dépôts dont la bonification permet de bénéficier de taux à 3 %. Il a été
complété par la création d'un Fonds de renouvellement urbain doté de 458
millions d'euros, soit 3 milliards de francs, alimenté par les fonds propres de
la Caisse des dépôts et consignations.
Le CIV de 1999 donne également une priorité nouvelle à la revitalisation
économique des quartiers, et je sais que ce sujet vous paraît, à juste titre,
déterminant pour la réussite de la politique de la ville.
Le Gouvernement a statué sur le devenir de l'expérience de quarante-quatre
zones franches urbaines, dont le coût important et l'absence de dispositif
d'évaluation suscitaient l'interrogation.
Sur la base de plusieurs rapports d'inspection et d'évaluation, qui en
soulignaient les résultats mitigés, et selon les atouts naturels des zones
d'activités concernées et le dynamisme des politiques locales, j'ai tranché en
faveur d'un maintien et d'une moralisation du dispositif pour qu'il profite
encore davantage aux habitants des quartiers. J'observe au passage que d'autres
grands observateurs, comme François Bayrou, mettent l'accent sur la nécessité
de renforcer les incitations à l'emploi dans les zones franches. J'ai pu
constater, dans un journal du soir, qu'il avait une approche pour le moins
critique du dispositif que je viens d'évoquer.
En outre, j'ai souhaité prolonger les exonérations de manière dégressive
pendant trois ans, pour éviter une fuite des entreprises au moment de la fin
programmée des zones franches. L'effort budgétaire supplémentaire que cela va
occasionner est important et me paraît devoir être souligné. C'est la raison
pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas renforcer la dégressivité, comme
la commission des affaires économiques l'a proposé.
Il souhaite d'autant moins la renforcer que je propose d'étendre à d'autres
quartiers des exonérations plus ciblées, de manière à rendre les 416 zones de
redynamisation plus attractives pour l'activité économique. Ces mesures font
l'objet de l'article 71 du présent projet de loi de finances, et je suis
heureux de constater qu'elles vous paraissent aller dans le bon sens.
Pour répondre à une interrogation de Mme le rapporteur pour avis et d'autres
élus sur l'interprétation de la loi en ce qui concerne la période d'embauche
qui ouvre droit aux exonérations dans les zones franches urbaines, je vous
propose d'apporter les précisions nécessaires dans cet article 71.
Il ne sert à rien d'entretenir des illusions sur le dispositif des zones
franches. Il est tout de même paradoxal que les tenants de l'économie libérale
veuillent maintenir sous perfusion, pour des périodes très longues, plusieurs
centaines d'entreprises, de commerçants ou d'artisans ! En outre, vous savez
tous très bien que nous devons respecter la réglementation européenne, qui ne
nous autorise ni à prolonger indéfiniment ce dispositif ni à l'étendre à
d'autres quartiers ou bassins de population.
C'est d'ailleurs un problème que j'ai découvert lors de ma prise de fonctions
dans ce ministère, car des engagements précis avaient été pris par le prédécent
gouvernement s'agissant du nombre d'habitants et de la superficie des
territoires concernés par ce dispositif. Heureusement, la Commission européenne
n'a pas été trop regardante sur ce dispositif-là - elle en avait critiqué
d'autres très sévèrement - et je m'en félicite. Je n'en dirai pas plus sur ce
point.
M. Alain Joyandet.
Nous sommes des libéraux interventionnistes !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
C'est aussi en pensant à ces autres quartiers que le
Gouvernement a prévu l'intervention, dans toute la géographie de la politique
de la ville, d'un Fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU et
doté de 500 millions de francs, qui permettra de soutenir le tissu commercial
existant et d'inciter à la création ou à l'installation de nouvelles
activités.
Cette priorité donnée à la revitalisation économique se veut aussi un signal
de retour à la société du travail, que viendront relayer les efforts des 150
équipes emploi-insertion en cours d'installation dans les quartiers pour
favoriser le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
Les décisions du CIV de 1999, dont la mise en oeuvre a été amorcée en 2000, se
sont traduites pleinement dans la loi de finances pour 2001, qui a connu une
augmentation sans précédent de 70 %, dépenses ordinaires et crédits de paiement
confondus ; cette augmentation a concerné l'ensemble des lignes budgétaires
d'intervention - fonctionnement et investissement - de mon ministère.
Ces nouveaux outils et les moyens supplémentaires de la politique de la ville
répondaient à une attente forte des acteurs, celle de « changer de braquet ».
De nombreuses réussites commencent à se faire jour, ce qui constitue un
encouragement à continuer.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier constituait donc
logiquement une nouvelle étape pour prolonger les efforts entrepris dans trois
directions.
Première direction : en finir avec les cités-dortoirs. Il s'agit d'élargir à
quarante sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement
urbain, d'accélérer le rythme de démolition de logements sociaux obsolètes,
jusqu'à 30 000 par an, d'intensifier les efforts de remise à niveau du bâti et
de construction d'une nouvelle offre de logements sociaux dans le cadre de la
loi SRU ; il s'agit aussi d'apporter des aides au traitement des copropriétés
en difficulté ou encore de lancer de grands travaux de desserte de certains
quartiers et de réduction des coupures urbaines qui les maintiennent en marge
des agglomérations.
Deuxième direction : améliorer la qualité de vie dans des villes apaisées. Les
organismes d'HLM bénéficieront d'une augmentation de crédits de 150 millions
d'euros pour améliorer l'environnement des quartiers, tandis que la présence
humaine sera renforcée - avec des gardiens d'immeuble ainsi qu'avec des
adultes-relais dont les salaires seront financés à 80 % par le ministère de la
ville - dans les lieux publics, les écoles et les HLM. Les professionnels de
santé seront également aidés dans leurs projets de sécurisation ou de
regroupement.
Je ne sais pas si cela donnera des résultats à long terme, mais, à court
terme, il fallait que ces professionnels se sentent soutenus pour rester auprès
de cette population qui a tant besoin d'eux.
Troisième direction : donner toute leur chance aux jeunes. Le Gouvernement
renouvellera ses aides pour la réfection des écoles dans les communes pauvres
et aidera à l'émergence de projets éducatifs impliquant école, parents,
associations et ville, pour favoriser la réussite scolaire et sociale des
enfants. Le Gouvernement accordera également des aides à la création de
nouveaux lieux d'accueil des jeunes, notamment en soirée. Les initiatives des
jeunes seront encouragées, par exemple lorsqu'ils veulent créer des entreprises
ou mettre en oeuvre des projets culturels. Leur mobilité sera stimulée, afin
qu'ils découvrent d'autres villes ou d'autres pays. Enfin, des plans locaux de
lutte contre les discriminations seront mis en oeuvre, comme le souhaite Gisèle
Printz.
Ces différentes mesures du dernier CIV mobiliseront de nouveaux moyens
financiers, inscrits, pour ce qui concerne l'Etat, principalement sur les
budgets du ministère de la ville et du ministère du logement, de l'équipement
et des transports, et cela pour partie dès 2002, je le souligne.
Je me permets de corriger à cette occasion l'affirmation de Gilles Carrez,
reprise dans le rapport de la commission des affaires sociales, selon laquelle
l'engagement des partenaires du 1 % dans la politique de renouvellement urbain
viendrait en lieu et place du budget de l'Etat. Il viendra bien en sus des 10
milliards de francs de crédits budgétaires que le Gouvernement consacrera à ces
nouvelles mesures.
Le projet de budget de la ville pour 2002 connaît donc à nouveau une
progression, pour consolider et accompagner la montée en puissance de ces
différents programmes.
Ainsi, par rapport à l'année 2001, le budget pour 2002 qui vous est soumis est
en augmentation globale de 15 % en dépenses ordinaires et autorisations de
programme ou de 1,5 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement. En volume,
le budget du ministère dépasse 530 millions d'euros. Au total, le budget
augmentera de près de 21 millions d'euros en dépenses ordinaires et de près de
52 millions d'euros en autorisations de programme.
Vous aurez noté que, dans un souci d'économie, les moyens de fonctionnement
propres à la délégation interministérielle à la ville et au développement
social urbain - nouvel article 37-60-10 - qui étaient restés stables depuis
trois ans, sont en légère réduction pour 2002.
La quasi-totalité des crédits est donc destinée à des actions de terrain, et
déléguée à plus de 90 % aux préfets.
L'augmentation des subventions de fonctionnement pour 2002 permettra
d'intensifier les actions menées dans le cadre des grands projets de ville et
de prendre en compte le démarrage des nouvelles actions issues du CIV du 1er
octobre, comme le renforcement des contrats éducatifs locaux ou les bourses de
mobilité pour les jeunes, par exemple. Ces efforts viendront compléter
l'abondement, décidé en 2001, des contrats locaux de sécurité.
Je précise à l'attention de Mme Nelly Olin que le programme «
ville-vie-vacances » a également bénéficié d'une rallonge budgétaire de 8
millions d'euros en cours d'année.
Pour l'investissement, l'augmentation significative, de 30 %, des moyens
d'engagement permettra de répondre à la montée en puissance du programme
national de renouvellement urbain et à son extension récente.
En réponse à vos interrogations sur la baisse des moyens de paiement, qui sont
effectivement en légère diminution pour l'exercice 2002, je vous précise que
leur montant permettra de répondre largement aux besoins compte tenu des
crédits dont disposent déjà les préfets ainsi que de la budgétisation du fonds
d'aménagement de la région Ile-de-France - le FARIF - et du transfert sur mon
budget des crédits correspondants. Les informations dont je dispose à ce jour
témoignent d'un niveau raisonnable de consommation des crédits d'investissement
et même d'un rattrapage des reports accumulés.
Je voudrais ici souligner que les communes concernées par la politique de la
ville sont souvent les plus pauvres. Elles rencontrent parfois des difficultés
pour mobiliser les contreparties nécessaires ou pour assumer le coût de
fonctionnement induit par de grands travaux. Mon budget prévoit une aide
spécifique pour ces communes - article 46-60-40 - et la dotation de solidarité
urbaine, la DSU, a été augmentée.
Je crois toutefois qu'il faudra, à l'avenir, se résoudre à réformer en
profondeur les finances locales pour permettre aux communes pauvres confrontées
à ces enjeux urbains de disposer des moyens nécessaires pour offrir à leurs
habitants l'égalité devant le service public et le cadre de vie qu'ils
méritent. Je sais que M. Fourcade y est sensible.
La consommation des crédits reste très importante sur les lignes
d'intervention en fonctionnement des contrats de ville. Les reports que vous
pouvez observer concernent donc essentiellement deux dispositifs nouveaux, les
adultes-relais - article 46-60-80 - et le Fonds de revitalisation économique -
article 46-60-60 - dont l'application a pris plus de temps que prévu ; ils sont
aujourd'hui pleinement opérationnels.
La mise en oeuvre de ce budget sera encore facilitée, cette année, par une
simplification et un resserrement de la nomenclature, qui feront de mon
ministère l'un de ceux présentant le plus de souplesse et la meilleure
adaptation à la mise en oeuvre de l'interministérialité et de partenariats
locaux.
Ces partenariats sont nécessaires à la réussite de cette politique, même s'ils
restent difficiles à mobiliser sur le terrain et occasionnent souvent des
délais trop longs dans la mise en oeuvre des actions ; Valérie Létard l'a
souligné pour les grands projets de ville. Je m'attache donc à poursuivre la
simplification des procédures engagée depuis mon arrivée, notamment par la
mutualisation des fonds et la généralisation des avances ou des conventions
pluriannuelles.
Cela étant, cette complexité est aussi peut-être le fruit d'une réussite.
Depuis deux ans, les conseils généraux, en particulier, sont pleinement devenus
des acteurs de cette politique de la ville, alors qu'ils l'étaient d'une
manière très modeste au cours du contrat de plan précédent, et les conseils
régionaux ont considérablement augmenté les moyens consacrés à cette politique.
Ils sont en train d'apprendre à travailler en partenariat avec les
collectivités locales concernées, et je suis sûr que, année après année, la
confiance venue, une certaine volonté de conserver le mérite de l'annonce ou de
l'inauguration s'estompera.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Bravo
!
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je suis également sensible à vos observations sur le
nécessaire renforcement des services déconcentrés de l'Etat, qui passe
notamment par la création de délégations inter-services, comme en
Seine-Saint-Denis, par exemple, et la mise en place de délégués de l'Etat dans
les quartiers. Tout cela est en cours.
J'ai par ailleurs demandé un renforcement des procédures de contrôle de
gestion et d'évaluation, dont vous avez souligné la nécessité. L'évaluation de
la politique de la ville sera coordonnée par le travail du nouveau Comité
national d'évaluation de la politique de la ville, que j'ai installé le 3
juillet dernier et qui réunit des élus et des experts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart des élus locaux sont aujourd'hui
convaincus de la nécessité de s'impliquer dans cette politique, et la loi SRU
achèvera de convaincre les plus réticents de la nécessité de participer à
l'effort de mixité sociale nécessaire à la sauvegarde du pacte républicain dans
nos villes et nos agglomérations.
Permettez-moi de finir par quelques observations concernant les réponses
nouvelles que nous pouvons apporter à la violence.
Je crois que ces réponses seront d'autant plus efficaces qu'elles sauront
mobiliser l'ensemble du corps social, pour lutter contre les peurs et les
injustices dont notre société urbaine est le théâtre. Chacun y a sa part :
voisin, parent, bénévole, élève, éducateur, élu ou policier.
C'est pourquoi j'ai la conviction que le développement de la médiation sociale
constitue une véritable « troisième voie » pour lutter contre l'insécurité,
entre la prévention et la répression. Elle permet en effet à la fois
d'intervenir très tôt, pour éviter que les conflits ne s'enveniment, et
d'intervenir de manière systématique, pour éviter que les premiers actes de
délinquance ne restent sans réponse. Des résultats encourageants valident cette
approche nouvelle, comme à Vénissieux, avec la création de l'office de la
tranquillité publique.
J'ai donc souhaité développer et conforter ces formes nouvelles
d'intervention. C'est l'objet principal du programme de recrutement en trois
ans de 10 000 adultes-relais qui doivent renforcer le travail de lien social et
la médiation des conflits de la vie quotidienne.
Le lancement tardif, en fin d'année, de ce projet n'a pas permis de l'engager
dès le début de l'année 2000, les crédits nécessaires ayant été votés en loi de
finances rectificatives en juillet 2000. La mise en oeuvre de ce programme n'a
donc concerné que les derniers mois de l'année 2000 et, surtout, l'année 2001.
A ce jour, 1 100 recrutements sont effectifs et la montée en puissance du
programme s'effectue désormais rapidement.
Il vous est proposé, dans l'article 72 de la présente loi de finances, de
lever l'obstacle important que constitue, pour les collectivités locales et
leurs établissements publics, l'impossibilité de créer de tels emplois.
L'ouverture de cette possibilité donnera toute sa dimension aux décisions
prises lors du Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001, c'est-à-dire
le recrutement de 4 000 adultes-relais pour les contrats locaux de sécurité,
ainsi que la décision, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, de
créer 1 000 postes dans le cadre de la lutte contre la violence à l'école, ou
encore, avec le ministère du logement, le recrutement de 1 500 adultes-relais
dans les HLM.
Au-delà de ce seul programme, j'ai encouragé d'autres formes de médiation
grâce, par exemple, aux 300 nouveaux délégués du Médiateur de la République,
dont la création a été décidée lors de ce comité interministériel des villes et
qui sont en cours d'installation dans les quartiers.
Le déploiement de 15 000 emplois-jeunes dans les quartiers a largement
contribué à l'émergence de la médiation sociale, ce qui justifie l'aide
particulière que nous accorderons à leur formation et à leur pérennisation.
Cette priorité nouvelle m'a également conduit à renforcer la présence et
l'accessibilité des services publics. A cet effet, j'ai ouvert le recrutement
et fait évoluer les modes d'intervention pour éviter que ce nouveau dispositif
n'engendre de véritables violences institutionnelles. Il faudra continuer dans
cette voie, en encourageant, par exemple, les prérecrutements dans la fonction
publique et, pourquoi pas, dans l'éducation nationale.
J'ai également décidé d'encourager toutes les villes à mettre en place des
cellules de veille éducative pour prévenir les phénomènes de décrochage
scolaire et, partant, le gâchis énorme que représente pour un pays le sacrifice
d'une partie de sa jeunesse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est une entreprise
de longue haleine. Elle a maintenant les moyens de son ambition. Aux hommes et
aux femmes de bonne volonté de la faire vivre sur le terrain, pour que nos
villes ne ressemblent pas demain à des villes de l'
apartheid
social et
pour qu'on y retrouve le goût de vivre ensemble !
Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d'entre vous ont insisté
sur le rôle des associations dans cette action collective. Pour rendre hommage
à tous ces bénévoles, à ces femmes et à ces hommes qui travaillent et militent
dans le secteur associatif, j'ai voulu réserver pour la fin quelques
informations sur ce sujet.
Tout d'abord, puisque M. le rapporteur spécial, en particulier, a évoqué ce
problème, j'insisterai sur le renforcement massif du soutien public aux
initiatives associatives.
En 1997, 301 millions de francs de crédits spécifiques pour la ville ont été
consacrés aux associations.
En 2000, les crédits de mon ministère affectés aux associations ont été
triplés pour atteindre 920 millions de francs.
Pour ce qui est de la simplification de la vie des associations, je rappelle,
d'abord, les décisions prises au cours du comité interministériel du 2 décembre
1998. Nous avons généralisé le dossier unique et institué l'engagement
simplifié, utilisé par 70 % des préfectures, pour les subventions inférieures à
50 000 francs.
Je rappelle ensuite la décision prise au cours du comité interministériel du
1er octobre 2001 de créer des centres locaux de soutien à la vie associative
et, en particulier, d'octroyer des aides à l'équipement informatique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter ces informations
sur la vie des associations parce que vous savez comme moi que peu de choses
seraient possibles aujourd'hui pour rendre au quotidien l'espoir aux habitants
des quartiers populaires sans l'intervention de ces associations. Je voulais à
la fois les en remercier et leur rendre hommage.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 7 041 620 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 28 233 467 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 228 672 000 euros ;
« Crédits de paiement : 57 168 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 71, 71
bis
et 72, qui sont
rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la ville.
Article 71
M. le président.
« Art. 71. - Le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996
relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est complété par
cinq alinéas ainsi rédigés :
« A l'issue de cette période, le bénéfice de l'exonération prévue au I est
maintenu de manière dégressive pendant les trois années suivantes au taux de 60
% du montant des cotisations, contributions et versements précités la première
année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la troisième année.
« Lorsque le taux de l'exonération prévue au I est fixé à 50 % du montant des
cotisations, contributions et versements précités conformément aux dispositions
du dernier alinéa du III, les taux de 60 %, 40 % et 20 % sont respectivement
remplacés par des taux de 30 %, 20 % et 10 %.
« Au cours de cette période de trois années, les entreprises mentionnées aux
II, III et III
bis
qui remplissent les conditions prévues aux articles
19 et 21 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction
négociée du temps de travail peuvent opter soit pour le bénéfice des
dispositions prévues ci-dessus, soit pour le bénéfice de l'allégement prévu à
l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.
« L'envoi de la déclaration mentionnée au XI de l'article 19 de la loi n°
2000-37 du 19 janvier 2000 précitée vaut option pour l'allégement prévu au même
article L. 241-13-1 pour l'ensemble des salariés de l'entreprise ou de
l'établissement y ouvrant droit. Cette option est irrévocable.
« A défaut d'envoi de cette déclaration, l'employeur est réputé avoir opté
pour l'application de l'exonération à taux réduit pour la période de trois ans
mentionnée ci-dessus. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 71 :
« I. - Le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à
la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Dans les cas visés aux III et III
bis
, l'exonération prévue au I est
applicable aux embauches réalisées à compter du 1er janvier 2002 par les
établissements implantés dans une zone franche urbaine avant cette date, dès
lors que l'embauche intervient dans les cinq années suivant la date de cette
implantation ou de cette création. »
« II. - Après le V du même article, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé
:
« ... - A l'issue des cinq années de l'exonération prévue au I, le bénéfice de
l'exonération est maintenu de manière dégressive pendant les trois années
suivantes au taux de 60 % du montant des cotisations, contributions et
versements précités la première année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la
troisième année.
« Lorsque le taux de l'exonération prévue au I est fixé à 50 % du montant des
cotisations, contributions et versements précités conformément aux dispositions
du dernier alinéa du III, les taux de 60 %, 40 % et 20 % sont respectivement
remplacés par les taux de 30 %, 20 % et 10 %.
« Les entreprises mentionnées aux II, III et III
bis
qui remplissent
les conditions prévues aux articles 19 et 21 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier
2000 relative à la réduction négociée du temps de travail optent, pour
l'ensemble des salariés qui ouvrent ou ouvriront droit à l'exonération
dégressive prévue aux deux premiers alinéas, soit pour le bénéfice de ces
dispositions, soit pour le bénéfice de l'allégement prévu à l'article L.
241-13-1 du code de la sécurité sociale pour ceux des salariés y ouvrant
droit.
« Pour l'application de l'alinéa précédent, l'envoi de la déclaration
mentionnée au XI de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 précitée vaut
option pour l'allégement susvisé. Toutefois, lorsque cette déclaration a été
envoyée avant le 1er janvier 2002, l'application de cet allégement à un ou
plusieurs salariés ouvrant droit à l'exonération dégressive prévue aux deux
premiers alinéas vaut option pour cet allégement et renonciation à cette
exonération dégressive pour l'ensemble des salariés de l'entreprise ou de
l'établissement y ouvrant droit. Cette option est irrévocable.
« A défaut d'envoi de cette déclaration, l'employeur est réputé avoir opté
pour l'application de l'exonération dégressive définie aux deux premiers
alinéas. »
L'amendement n° II-28, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« A. - Dans les premier et deuxième alinéas du texte proposé par l'article 71
pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996
relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer (deux
fois) les taux : "60 %, 40 % et 20 %" par les taux : "75 %, 50 % et 25 %".
« B. - A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour
compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative
à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer les taux : "30
%, 20 % et 10 %" par les taux : "37,5 %, 25 % et 12,5 %".
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A et
du B ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale
du dispositif de suppression progressive des exonérations de cotisations
patronales prévues au V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996
relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est compensée à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« D.- En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
"I. -". »
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-83.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
L'article 71 traite de l'instauration d'une période de
sortie des exonérations sociales dans les zones franches urbaines sous un
régime dégressif. La modification apportée par le Gouvernement vise deux
choses.
Dans son paragraphe I, l'amendement précise la loi relative au pacte de
relance pour la ville du 14 novembre 1996, modifiée par la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, en ce qui concerne
la période pendant laquelle s'appliquent les exonérations sociales en cas
d'embauche. Elle vise ainsi à exonérer les embauches réalisées au-delà du 31
décembre 2001 par des entreprises installées avant le 1er janvier 2002 en zone
franche urbaine et qui ont donc, à ce titre, des droits ouverts.
Ces dispositions devraient répondre aux inquiétudes exprimées par plusieurs
élus, dont Mme Olin et M. Alduy, quant à des interprétations différentes des
URSSAF.
Dans son paragraphe II, l'amendement présenté par le Gouvernement vise à
simplifier les déclarations administratives pour les entreprises. En effet, la
loi relative à la réduction du temps de travail amène les entreprises,
lorsqu'elles passent aux trente-cinq heures, à opter soit pour l'allégement
RTT, soit pour une autre forme d'exonération, en l'espèce celle des zones
franches urbaines, cette option étant irrévocable.
En instaurant un système de prolongation dégressive des exonérations en zone
franche urbaine, nous ouvrons un nouvel allégement, donc une nouvelle
obligation d'option lorsque les entreprises passent aux trente-cinq heures.
L'amendement précise, en outre, que le droit d'option vaut pour tous les
salariés concernés.
En revanche, je vous propose de ne pas soumettre à nouveau les entreprises qui
ont exercé leur droit d'option avant le 31 décembre 2001 à cette obligation,
leur option antérieure valant pour l'avenir.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-28
et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-83.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, l'explication que je vais
apporter sur cet amendement n° II-28 vaudra également pour l'amendement n°
II-29, à l'article 71
bis,
qui a le même objet.
Il s'agit d'amendements de coordination qui relèvent de la même logique que
celui qui a été présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, à
l'article 8.
Ces amendements tendent à rendre moins brutale l'extinction progressive des
exonérations fiscales dans les zones franches urbaines. Il s'agit plus
précisément d'aligner ce régime sur celui qui a été retenu pour la zone franche
de Corse. Nous proposons donc de faire passer les taux fixés à 60 %, 40 % et 20
%, à 75 %, 50 % et 25 %.
Les amendements n°s II-28 et II-29 tendent à instaurer une mesure analogue
d'exonération de charges sociales, pour les salariés, à l'article 71, et pour
les commerçants et artisans, à l'article 71
bis.
Par ailleurs, la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter
l'amendement n° II-83, proposé par le Gouvernement, dans la mesure où ce texte
représente une avancée par rapport au texte initial. Il permet en effet des
exonérations pour des embauches nouvelles, s'agissant d'entreprises existant
déjà au 31 décembre 2001. Toutefois, en fonction de l'avis du Gouvernement sur
nos amendements, je déposerai, éventuellement, un sous-amendement à
l'amendement n° II-83.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-28 ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement,
qui vise à augmenter substantiellement le niveau d'exonération que nous avons
proposé dans le cadre d'une sortie progressive du régime exorbitant des zones
franches urbaines.
Cette sortie progressive constitue un effort important pour le budget de
l'Etat, qui rembourse les exonérations de charges au budget de la sécurité
sociale. En prolongeant de trois ans le régime des exonérations, il me semble
que nous avons atteint un point d'équilibre.
Vous savez, les uns et les autres, tout le bien que le ministre de la ville ou
le Gouvernement pensent des zones franches urbaines !
(Sourires.)
Vous
avez néanmoins constaté que, malgré les critiques que je maintiens, nous avons
été d'un pragmatisme qui parfois m'étonne.
(Nouveaux sourires.)
Nous n'avons pas voulu décourager le tiers de ces villes qui, je le reconnais,
ont obtenu des résultats.
Des villes ont obtenu des résultats, certes. Mais était-ce grâce au dispositif
des zones franches ? Selon moi, elles ont su utiliser non seulement les
exonérations liées aux zones franches urbaines, mais aussi appliquer la loi
relative au renouvellement et au développement urbains. Elles ont su également
améliorer la sécurité et la qualité de vie. Elles ont su enfin, utiliser les
emplacements stratégiques en termes de transport ou de voirie autoroutière.
Pour ma part, je considère que la croissance des emplois tient plus au retour
de la croissance qu'aux exonérations liées à la zone franche urbaine !
Malgré cela, malgré la publicité quelque fois mensongère orchestrée par une
association que vous connaissez, les uns et les autres, et dont les élus de
gauche ont eu la sagesse de se retirer en raison des excès verbaux de son
président, le Gouvernement a décidé de prolonger de trois ans le régime des
exonérations, avec des taux qui, me semble-t-il permettent d'atteindre un point
d'équilibre.
Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons mis en place, depuis cette
année, le fonds de revitalisation économique, doté de 500 millions de francs,
qui apporte une aide importante non seulement au tissu économique existant,
mais aussi à toute entreprise qui souhaite s'installer dans nos quartiers ou
moderniser ses équipements.
Nous ne sommes pas insensibles aux projets de développement des entreprises,
bien au contraire ; nous ne souhaitons pas, non plus, le limiter à
quarante-quatre territoires. C'est pourquoi le fonds de revitalisation
économique touche l'ensemble des zones urbaines sensibles ainsi que les
territoires prioritaires des contrats de ville. C'est aussi pourquoi nous
créons un régime plus favorable pour 416 zones de redynamisation urbaine, à
compter du 1er janvier, ce qui rétablira un minimum d'équité.
Je vous rappelle aux uns et aux autres que n'ont pas forcément été retenus les
quarante-quatre sites qui avaient été considérés comme étant les plus en
difficulté, cela en fonction d'indices de difficultés sociales. Il est
important d'offrir à des sites qui ont autant de difficultés, si ce n'est plus,
que les quarante-quatre qui ont été retenus dans le cadre d'un choix équilibré
au niveau politique, la possibilité d'utiliser le dispositif du fonds de
revitalisation économique.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l'amendement.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
C'est bien dommage !
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Je m'attendais un peu à l'avis du Gouvernement.
Monsieur le ministre, à mon tour, je ne vais pas vous étonner en vous disant
que je vais transformer mon amendement en sous-amendement.
Vous avez déjà dû vous faire violence, en quelque sorte, pour amender
l'article 71 dans le sens que nous souhaitions. Ce sous-amendement que je
propose va vous obliger à aller encore un peu plus loin !
Monsieur le président, ce texte reprend, bien entendu, les éléments de mon
amendement concernant une sortie en sifflet plus favorable et une modification
des taux de l'exonération.
M. le ministre se fera une nouvelle fois violence, je l'espère, pour accepter
ce sous-amendement afin que nous puissions émettre un vote positif sur
l'amendement du Gouvernement.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° II-28 rectifié, présenté par M.
Doligé, au nom de la commission des finances, et qui est ainsi libellé :
« A. - Dans les premier et deuxième alinéas du texte proposé par le II de
l'amendement n° II-83 pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987
du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la
ville, remplacer (deux fois) les taux de : "60 %, 40 % et 20 % " par les taux :
"75 %, 50 % et 25 %".
« B. - A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de l'amendement
n° II-83 pour compléter le V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre
1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer
les taux de : "30 %, 20 % et 10 %" par les taux : "37,5 %, 25 % et 12,5 %".
« C. - Pour compenser la perte de recettes résultants des dispositions du A et
du B ci-dessus, compléter le texte de l'amendement n° II-83 par un paragraphe
ainsi rédigé :
« III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité
sociale du dispositif de suppression progressive des exonérations de
cotisations patronales prévues au V de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14
novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville
est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je maintiens mon avis défavorable, monsieur le
président.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Une avancée ayant eu lieu sur les zones franches
urbaines, nous émettrons un avis favorable. En revanche, nous n'avons obtenu
aucune réponse aux questions que la commission des affaires économiques se
posait.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Oh oui
!
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Puisque M. le ministre vient de nous donner une
leçon sur les zones franches et qu'il y aurait, si j'ai bien compris, des bons
et des mauvais maires, je souhaite qu'il nous communique la liste du tiers des
zones franches qui ont bien marché, celles où il y a de bons maires !
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Très bien
! C'est cela qu'il faut savoir !
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° II-28 rectifié.
M. Jean-Paul Alduy.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Ce sous-amendement comporte deux parties.
La première, en précisant la loi, va permettre d'éviter des contentieux
juridiques émanant d'entreprises s'étant installées dans des zones franches et,
ayant créé des emplois après le 1er janvier 2002, penseraient être exonérées,
ce que contestent des URSSAF de certains départements à la suite de la fameuse
circulaire.
Monsieur le ministre, j'approuve donc totalement cette première partie. Pour
une fois que nous avons un texte précis et clair qu'aucune URSSAF ne pourra
plus interpréter sur le terrain, vous me voyez totalement satisfait. J'avais
d'ailleurs posé une question orale sur ce sujet voilà quelques semaines.
En revanche, votre réponse sur la seconde partie du sous-amendement repose sur
une logique de méfiance à l'égard d'un dispositif fondamental qui a pourtant
été une réussite.
Je prendrai l'exemple de la ville de Perpignan, qui avait un taux de chômage
de 23 %, 17 % de RMIstes et 8 000 gitans. Dans un secteur en pleine
décomposition, grâce, précisément, à ce dispositif de discrimination positive à
l'emploi...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Et à un bon maire !
M. Jean-Paul Alduy.
Cela n'a rien à voir ! Grâce à ce dispositif, dis-je, ce sont 1 000 emplois
qui ont été créés, et je ne parle pas d'emplois transférés. Il s'agit bien de
créations nettes.
Un tel dispositif était donc bon ! Il est vrai que lorsqu'on utilise un
marteau, il est préférable de ne pas se taper sur les doigts. En l'occurrence,
on disposait d'un bon outil, et on l'a bien utilisé. Mais là n'est pas le
sujet.
Je comprends que, parmi les quarante-quatre zones franches en question,
certaines pourraient être progressivement sorties du dispositif et qu'au
contraire d'autres secteurs oubliés devraient y entrer. Mais, alors, que l'on
procède d'abord à une évaluation réelle avant de porter des jugements
définitifs sur des résultats qui, à l'évidence, sont liés non pas au fait que
les maires sont bons ou mauvais dans certaines villes, mais au contexte, à
savoir des partenaires rassemblés au bon moment, qui savent utiliser l'outil,
etc. !
Monsieur le ministre, je ne comprends pas votre attitude sur la seconde partie
du sous-amendement, qui dénote l'envie d'en terminer au plus vite avec les
zones franches.
Personnellement, je milite, au contraire, pour la relance après évaluation,
d'une seconde vague de création de zones franches...
M. Roland Muzeau.
Ben voyons !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Vous voulez des emplois, oui ou non ?
M. Roland Muzeau.
Je vais en parler !
M. Jean-Paul Alduy.
... précisément dans les secteurs où il est nécessaire de combattre
l'exclusion économique.
Je voterai, par conséquent, ce sous-amendement, qui permet, dans les trois ans
qui viennent, de poursuivre la politique des zones franches.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Il est évident qu'au nom de la commission des
affaires sociales je voterai le sous-amendement.
Monsieur le ministre, je vous ai dit que vous aviez fait votre chemin de
Damas. Il vous reste une petite marche à monter. Si vous acceptiez ce
sous-amendement ce soir, vous en seriez honoré par tous et grandi. En effet,
les zones franches devaient, à l'origine, entraîner la création de 7 000
emplois. Ce chiffre est largement dépassé si vous prenez en compte ceux qui ont
été créés à Roubaix, Perpignan et Garges-Sarcelles. Venez sur le terrain ! Si
vraiment vous voulez faire revivre les quartiers, condamner les cités-dortoirs
et redonner l'espoir aux habitants, vous devez nous suivre sur ce point.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Roland Muzeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
M. le ministre a peut-être fait son chemin de Damas, mais il ne veut pas aller
à Canossa.
(Sourires.)
Nous non plus, d'ailleurs !
Les propos tenus par M. Alduy et quelques-uns de nos collègues sur les mérites
des zones franches me laissent perplexe. Je ne les vois guère...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Il faut aller chez Afflelou et vous acheter deux
paires de lunettes pour le prix d'une !
M. Roland Muzeau.
Ils laisssent aussi perplexes les meilleurs observateurs de la politique de la
ville et de la situation de l'emploi, en tout cas ceux qui sont objectifs.
Il est toujours étonnant, dans cette enceinte, d'entendre les tenants d'un
libéralisme à tout crin...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Roland Muzeau.
... demander toujours plus de subventions publiques pour faire fonctionner des
entreprises privées. C'est tout à fait extraordinaire !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Elles n'ont pas touché un sou !
M. Roland Muzeau.
N'oubliez pas, tout de même, que les exonérations n'ont jamais été aussi
élevées, et c'est un gouvernement de gauche, madame Olin ! Dans le projet de
loi de finances, il y a, par ailleurs, la suppression de la surtaxe Juppé : 10
milliards de francs, ce n'est pas rien ! Elle n'est quand même pas passée
inaperçue à vos yeux ! Votre boulimie d'exonérations ajoutées aux exonérations
doit prendre fin, parce qu'il est anormal de faire vivre des emplois sur des
fonds publics. L'économie dont vous vous réclamez, avec le libéralisme qui va
avec,...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
C'est faux !
M. Roland Muzeau.
... mériterait au moins que vous refusiez ces subventions.
Je me souviens, madame Olin, au cours d'une audition de la commission des
affaires sociales à laquelle vous étiez peut-être présente, de l'expression de
M. le baron Seillière, président du MEDEF,...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Ah ! Heureusement que vous l'avez pour parler !
M. Roland Muzeau.
Ecoutez, c'est l'un de vos amis ! Il nous a dit : « Je ne veux plus de
subventions pour les entreprises françaises. Elles veulent vivre normalement
».
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Ce ne sont pas des subventions !
M. Roland Muzeau.
Alors laissez-les vivre normalement, laissez-les payer des impôts, créer des
emplois et non les détruire !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
C'est faux !
M. Roland Muzeau.
On ira faire un tour ensemble !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Je vous invite à Garges-lès-Gonesse. Les
entreprises n'ont pas touché un sou !
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Je ne crois pas qu'il y ait ici beaucoup de tenants de l'ultralibéralisme. Je
crois plutôt que nous sommes, les uns et les autres, très attachés à ce que la
puissance publique rectifie les choses dans un certain nombre de situations. La
Haute Assemblée le montre à longueur d'année.
S'agissant du sujet qui nous préoccupe, monsieur le ministre, certes, je n'ai
pas fait le chemin de Damas, je ne suis pas non plus allé à Canossa, mais je
vais sur le terrain, que ce soit à Garges-lès-Gonesse, à Roubaix ou dans
d'autres villes. J'y ai constaté que le dispositif des zones franches a
véritablement permis de relancer l'emploi, que ce n'était pas une fable.
Tout à l'heure, vous avez dit, monsieur le ministre, que l'on ne pouvait pas
soutenir éternellement des activités. C'est comme cela qu'un certain nombre
d'entre elles ont quasiment disparu en France, sur le plan industriel - je
pense notamment au textile - pour cause de compétitivité internationale. Eh
oui, mon cher collègue du groupe communiste républicain et citoyen !
Voilà quelques jours, M. Fabius nous disait qu'à chaque fois que l'on fait
quelque chose contre les entreprises cela se retourne contre leurs salariés. Ce
n'est pas nous qui le disons !
Précisément, grâce aux zones franches, et à quelques dispositions pour
favoriser la réimplantation d'un certain nombre d'entreprises, on a vu
ressurgir des activités disparues. On a vu, dans des quartiers qui n'en avaient
plus, se créer des emplois qui profitaient à 20 % au moins des habitants de ces
quartiers. En plus, ce sont des emplois qui correspondent au niveau de
formation de ces personnes qui, auparavant, étaient en marge de la société. La
réussite des zones franches est donc très importante, il ne faut pas nier
l'évidence.
Quand bien même il y aurait eu un effet d'aubaine, voire un peu d'exagération,
monsieur le ministre, faut-il pour autant mettre fin à un tel dispositif ?
Croyez-vous très franchement que tous ceux qui perçoivent les indemnités de
chômage devraient les percevoir ?
Croyez-vous vraiment, s'agissant des politiques sociales mises en place par le
Gouvernement, que certaines des personnes physiques ou des communautés qui
reçoivent des fonds publics devraient les recevoir si les textes étaient
appliqués et si des enquêtes étaient menées ? Allez-vous pour autant supprimer
les indemnités versées par les ASSEDIC ou les multiples allocations offertes
par les pouvoirs publics ?
Les effets d'aubaine et les effets de seuil existent, ils sont connus. On sait
très bien que certaines personnes touchent des aides qu'elles ne devraient pas
toucher. Alors, pourquoi supprimerait-on le dispositif des zones franches, qui
a véritablement montré son utilité, pour quelques effets d'aubaine ou quelques
petites choses qui ne vont pas ?
Je crois, au contraire, qu'il faut maintenir ce dispositif d'intérêt général.
La commission des finances, suivie par la commission des affaires économiques
et par la commission des affaires sociales, a raison, monsieur le ministre, de
vous suggérer de faire un pas supplémentaire pour que ce dispositif soit
reconnu et qu'il continue à porter ses fruits. Ce n'est pas pour la droite
libérale ou républicaine que vous le ferez, c'est simplement pour des zones qui
ont connu beaucoup de drames dans les décennies passées, qui commencent à voir
une lueur d'espoir et que nous nous devons tous d'encourager, sans faire de
politique politicienne.
Il faut que ce qui a été tenté, y compris sous d'autres gouvernements, soit
poursuivi aujourd'hui, et ce dans l'intérêt général !
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commision des affaires économiques.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'honneur
d'être le rapporteur du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de
relance pour la ville. Or, ce soir, j'entends sonner le glas d'une réflexion et
d'une approche qui ont fait de la dimension économique l'un des éléments d'une
politique de la ville réussie. Naturellement, ce n'est qu'un élément parmi
d'autres, et il faut tenir compte également de l'urbanisme, de la mixité
sociale, de l'éducation et de la prévention. Mais comment nier que l'élément
économique, qui a été la vraie nouveauté du pacte de relance pour la ville, a
joué un rôle tout à fait essentiel ?
Je dois dire, d'ailleurs, que j'avais déjà entendu sonner le glas en août
1997, quand nous avions appris, par une dépêche de l'AFP, que Mme Aubry avait
cru bon d'effacer cette dimension sous prétexte d'un changement de
gouvernement.
Monsieur le ministre, acceptez la proposition que vous fait la commission des
finances, suivez les rapports de mes collègues Pierre André et Nelly Olin.
Avec Alain Joyandet, nous sommes allés à Roubaix. Sénateur des Yvelines, je
suis moi-même l'élu de Mantes-la-Jolie, du quartier du Val-Fourré, et, je peux
en témoigner, si les zones franches n'ont pas, naturellement, apporté toute la
solution au problème, elles ont redonné de l'espérance. Briser cette espérance,
c'est sonner le glas de tant d'espoirs ! Je préférerais que l'on sonne plutôt
matines, non pas simplement pour les zones franches, mais, au-delà, pour la
politique de la ville !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quitte à vous
retenir encore quelques minutes, je souhaite que nous allions au bout de ce
dossier.
Tout d'abord, je voudrais rappeler à M. Larcher, qui était rapporteur de la
loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance, que c'est compte tenu des
observations du rapporteur, à l'époque, que j'ai demandé, dès mon arrivée au
ministère, des rapports aux trois inspections.
Au vu de ces trois rapports d'inspection, qui insistaient largement sur les
défaillances, les difficultés et les problèmes liés à ces zones franches
urbaines, nous avons pris la décision d'essayer de modifier le dispositif.
De surcroît, si le glas résonne aujourd'hui, mesdames, messieurs les
sénateurs, songez que la fin du dispositif était déjà contenue dans le pacte de
relance pour la ville. Conformément à la demande de la Commission européenne,
en effet, ce dispositif, de type extraordinaire, ne devait durer que cinq ans
et ne concerner que quarante-quatre quartiers.
Or le Gouvernement propose aujourd'hui, non seulement de tenir compte des
réussites qui ont pu être constatées dans un certain nombre de ces zones
franches - précisément pour ne désespérer ni les élus ni les entreprises qui
ont cru en lui - et ce malgré toutes les critiques dont les zones franches font
l'objet et qui me semblent toujours aussi fondées, mais encore d'éviter l'effet
couperet du dispositif.
Je trouve tout de même paradoxal d'entendre parler ce soir de glas, puisque,
finalement, ce glas ne sonnera que dans trois ans, alors que, théoriquement,
dans la loi que vous aviez votée, mesdames, messieurs de la majorité
sénatoriale, le dispositif n'était prévu que pour cinq ans.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Il y
avait une clause de rendez-vous !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je tiens à souligner que nous tenons compte du
changement d'époque, dans le cadre du fonds de revitalisation économique. Les
quarante-quatre zones franches urbaines ont été mises en place, en effet, à une
époque où il y avait de plus grandes difficultés économiques et où, d'une
certaine manière, il fallait maintenir coûte que coûte les entreprises pour
qu'elles ne disparaissent pas, quitte à mobiliser des sommes financières
importantes compte tenu du chômage ambiant.
Aujourd'hui, nous avons changé d'époque. Il nous faut à la fois soutenir les
entreprises qui se créent et faire revenir vers l'emploi ces femmes, ces
hommes, ces jeunes qui vivent dans les quartiers, compte tenu de la pénurie de
salariés que connaîssent un certain nombre d'entreprises et, au-delà, de
branches.
En résumé, pour nous, le dispositif des zones franches urbaines n'est pas bon
; il permet trop d'effets d'aubaine et il présente trop de difficultés,
notamment en ce qu'il est très inégal.
Les zones franches urbaines accusaient, en effet, des inégalités dues,
notamment, à la différence de taille entre elles. Comment voulez-vous que celle
de la rive droite de la Garonne, à Bordeaux, ne connaisse pas le développement
économique qu'elle connaît avec le retour de l'activité économique et de
l'emploi, alors qu'elle représente près de huit cents hectares, par rapport à
la zone franche urbaine de Bondy, qui doit en compter une trentaine ?
Comment voulez-vous que la zone franche urbaine de Marseille, où j'étais voilà
quelques jours, ne connaisse pas le développement économique qu'elle connaît,
avec sa superficie et, surtout, sa situation dans un territoire qui vit
heureusement aujourd'hui un développement économique et de l'emploi ? Et ce
n'est pas simplement grâce à la zone franche urbaine !
Nous émettions des critiques. Malgré toutes ces critiques, et pour tenir
compte du travail accompli par un certain nombre d'élus et d'entreprises, nous
prolongeons la règle du jeu sur trois années pour permettre une sortie du
dispositif dégressive.
Dans le même temps, nous tenons compte de ces élus qui se trouvent à la tête
des huit cents quartiers en difficulté et qui ne pouvaient pas ne pas se voir,
à un moment donné, proposer un outil de revitalisation économique, eux qui,
jusqu'à présent, avaient été écartés, faute de figurer sur la liste des
quarante-quatre zones franches urbaines.
En bref, nous sommes pragmatiques, nous tenons compte des difficultés nées du
dispositif des zones franches urbaines, nous tenons compte des effets d'aubaine
qu'il autorise et des insuffisances qu'il a révélées, et nous permettons à
l'ensemble des élus mobilisés sur la problématique de la ville de se saisir du
fonds de revitalisation économique pour aider à la création d'entreprises et
pour aider à la création d'emplois.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° II-28 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-83 ainsi modifié ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Défavorable !
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° II-83, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 71 est ainsi rédigé.
Article 71 bis
M. le président.
« Art. 71
bis. -
I. - Les personnes exerçant une activité non salariée
non agricole mentionnée aux
a
et
b
du 1° de l'article L. 615-1 du
code de la sécurité sociale et qui sont installées dans une zone de
redynamisation urbaine définie au A du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du
4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire bénéficient de l'exonération prévue à l'article 14 de la loi n°
96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville, dans les conditions prévues audit article, pendant une durée
d'au plus cinq ans à compter du 1er janvier 2002 ou à compter du début de la
première activité non salariée dans la zone de redynamisation urbaine s'il
intervient avant le 31 décembre 2004.
« II. - Les dispositions du I ne sont pas applicables aux personnes qui
bénéficient ou ont bénéficié de l'exonération prévue à l'article 14 de la loi
n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée.
« III. - Le I de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée
est complété par une phrase ainsi rédigée :
« A l'issue de cette période, le bénéfice de l'exonération est maintenu de
manière dégressive pendant les trois années suivantes, au taux de 60 % la
première année, de 40 % la deuxième année et de 20 % la troisième année. »
L'amendement n° II-29, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« A. - Dans le texte proposé par le III de l'article 71
bis
pour
compléter le I de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative
à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer les taux : "60
%, 40 % et 20 %" par les taux : "75 %, 50 % et 25 %".
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A
ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale
du dispositif de suppression progressive des exonérations de cotisations
patronales prévues au I de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996
relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est compensée à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Défavorable !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 71
bis,
modifié.
(L'article 71
bis
est adopté.)
Article 72
M. le président.
« Art. 72. - Le titre II du livre Ier du code du travail est complété par un
chapitre X ainsi rédigé :
« Chapitre X
« Dispositions diverses
relatives au développement social urbain
«
Art. L. 12-10-1
. - En application d'une convention avec l'Etat, les
collectivités territoriales et les établissements publics de coopération
intercommunale, ainsi que leurs établissements publics, les établissements
publics locaux d'enseignement, les établissements publics de santé, les offices
publics d'habitations à loyer modéré, les offices publics d'aménagement et de
construction, les organismes de droit privé à but non lucratif et les personnes
morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public, sont
autorisés à recruter par un contrat de travail de droit privé, pour des
activités d'adultes-relais, des personnes âgées d'au moins trente ans, sans
emploi ou bénéficiant, sous réserve qu'il soit mis fin à ce contrat, soit d'un
contrat emploi solidarité prévu par l'article L. 322-4-7, soit d'un contrat
emploi consolidé prévu par l'article L. 322-4-8-1, et résidant en zone urbaine
sensible au sens du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou, à titre
dérogatoire, dans un autre territoire prioritaire des contrats de ville.
« Les activités exercées par les personnes recrutées dans les conditions
mentionnées à l'alinéa précédent visent à améliorer, dans les zones urbaines
sensibles et les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les
relations entre les habitants de ces quartiers et les services publics ainsi
que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs.
« Les employeurs mentionnés au premier alinéa bénéficient d'une aide
financière de l'Etat. Cette aide ne donne lieu à aucune charge fiscale ou
parafiscale pour les personnes non assujetties à l'impôt sur les sociétés.
Cette aide ne peut être cumulée avec une autre aide de l'Etat à l'emploi.
« Les contrats de travail mentionnés au premier alinéa sont des contrats à
durée indéterminée ou à durée déterminée en application du 1° de l'article L.
122-2 dans la limite d'une durée de trois ans renouvelable une fois. Les
collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public
mentionnées au premier alinéa, à l'exception des établissements publics à
caractère industriel et commercial, ne peuvent conclure que des contrats à
durée déterminée dans les conditions mentionnées ci-dessus.
« Les contrats à durée déterminée conclus en application de l'alinéa précédent
comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.
« Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8,
ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles de
leur exécution à l'initiative du salarié, moyennant le respect d'un préavis de
deux semaines, ou de l'employeur, s'il justifie d'une cause réelle et
sérieuse.
« Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14
sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat du
salarié pour une cause réelle et sérieuse doit notifier cette rupture par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être
expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien
préalable prévu à l'article L. 122-14. La date de présentation de la lettre
recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L.
122-6.
« Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions
prévues au sixième alinéa bénéficie d'une indemnité calculée sur la base de la
rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de cette indemnité ne
saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le salarié au titre des
dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de travail. Son taux est
identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4.
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-3-8,
la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la rupture du
contrat de travail prévues aux sixième, septième et huitième alinéas ouvre
droit pour le salarié à des dommages et intérêts correspondant au préjudice
subi. Il en est de même lorsque la rupture du contrat intervient suite au
non-respect de la convention mentionnée au premier alinéa ayant entraîné sa
dénonciation.
« Un décret précise les conditions d'application du présent article. » -
(Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la ville.
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du
territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget sur lequel nous nous prononcerons tout
à l'heure est un petit budget, puisqu'il représente moins de 300 millions
d'euros. Afin de fixer les idées, je rappellerai que, si l'on en croit le «
jaune », l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique
d'aménagement du territoire s'élèveraient à près de 8 milliards d'euros, dont
plus de la moitié correspondant à des dépenses du ministère de l'équipement. Au
total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspondrait donc qu'à
environ 3,5 % des dépenses consacrées à l'aménagement du territoire, qui, si
l'on tient compte des participations des autres ministères, des exonérations
fiscales et sociales ou bien encore des crédits en provenance des fonds
structurels européens, s'élèveraient à plus de 77 milliards de francs.
A l'évidence, cette dispersion des crédits ne permet pas une très bonne
lisibilité de votre politique, monsieur le ministre.
Le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la
délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR - en
fait, son budget de fonctionnement - la prime d'aménagement du territoire, la
PAT, et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le
FNADT.
Le montant de ce budget fluctue selon les années, tantôt à la hausse, tantôt à
la baisse.
Le budget de fonctionnement de la DATAR s'élève à 14 millions d'euros, soit
une augmentation de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits devraient permettre
la création de sept nouveaux emplois affectés aux commissariats de massif.
Peut-être les zones rurales de montagne y verront-elles un clin d'oeil et un
début d'intérêt !
La DATAR est le fer de lance de l'aménagement du territoire. Elle est servie
par des femmes et par des hommes de grand talent et de grande qualité, souvent
passionnés par leur métier et animés d'une réelle volonté de faire avancer les
dossiers.
Je tiens à les remercier et à leur rendre hommage, en regrettant très
sincèrement qu'ils soient si peu et si mal suivis par leur ministère de
tutelle.
Comme c'est généralement le cas, la variation du budget de l'aménagement du
territoire s'explique, cette année, par l'évolution du stock de reports sur la
prime d'aménagement du territoire. Si les reports augmentent, on diminue les
crédits figurant dans le budget ; si ces reports diminuent, on majore les
crédits du budget : c'est normal !
La PAT, comme vous le savez, mes chers collègues, a été réformée cette année.
Il convient de rappeler que la Commission européenne avait indiqué à la France,
dès le 24 février 1998, qu'elle devait mettre sa carte et ses dispositifs
d'aide en conformité avec les nouvelles règles communautaires, et ce avant le
31 décembre 1999. La France n'a pas satisfait à temps à cette obligation. La
nouvelle carte de la PAT n'a été approuvée par la Commission qu'au mois de mars
2000 et le décret relatif au régime des aides est seulement paru au moins
d'avril dernier, c'est-à-dire près de quinze mois après l'échéance fixée.
Par ailleurs, j'ai bien relu le débat que nous avions eu en 1999 avec votre
prédécesseur, monsieur le ministre, et à aucun moment celui-ci ne nous avait
avertis de ce que l'ensemble de nos dispositifs d'aides à finalité régionale,
dont la PAT et le fonds d'aide à la délocalisation ne seraient plus conformes
au droit communautaire à compter du 1er janvier 2000. Je regrette cette
omission. Je regrette surtout que la publication du nouveau décret ait été
aussi tardive.
Néanmoins, la PAT a été réformée, les seuils abaissés, son éligibilité
élargie.
Ainsi donc, même si les seuils sont encore trop élevés, à mon sens, la PAT
devient un instrument plus efficace de développement, sauf pour les zones
rurales, qui n'en profitent que très rarement.
En crédits de paiement, les crédits du FNADT inscrits dans votre budget sont
stables par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour
2001.
Par ailleurs, les dépenses de personnel diminuent de 33 %, ce qui s'explique
par le transfert de certains emplois à l'agence française pour les
investissements internationaux, créée par la loi de 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques.
Cette agence regroupe les différents organismes auparavant chargés de
favoriser les investissements étrangers en France. Cette mesure me semble
intéressante. Elle devrait, en effet, rendre plus efficace et cohérente
l'action publique en ce domaine.
J'arrête ici de citer des chiffres, car leur évolution a somme toute peu de
signification. Je vous rappelle, en effet, mes chers collègues, qu'en 1998 et
en 2000, environ 40 % des crédits que le Parlement a votés n'ont pas été
consommés et ont été reportés sur l'exercice suivant.
Ce qui compte, plus que le budget, plus que les orientations, ce sont leurs
effets sur le terrain, et vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous
poser quelques questions.
La première a trait à la réforme des zonages. Voilà deux ans, à cette tribune,
votre prédécesseur avait annoncé cette réforme pour l'année 2000. Deux députés
ont été nommés parlementaires en mission, puisque, apparemment, les conclusions
du rapport Auroux ne suffisaient pas. Nos collègues députés ont remis leur
rapport au Premier ministre le 27 mai dernier. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Quels sont les zonages qui doivent être réformés ?
Ma deuxième question porte sur les schémas de services collectifs. Aux termes
de la loi Voynet, ils devaient être publiés avant le 31 décembre 1999 et servir
de base aux contrats de plan. Finalement, le calendrier a été bizarrement et
totalement inversé. Deux ans de retard !
Arbitrés le 9 juillet 2001, lors du comité interministériel pour l'aménagement
et le développement du territoire, le CIADT, ils sont actuellement au Conseil
d'Etat, ainsi que le décret d'approbation auquel ils sont annexés. Le décret
n'est toujours pas paru. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quand
cette publication aura lieu ?
J'en viens à ma troisième question. Ainsi que l'a souligné l'année dernière
notre collègue Michel Mercier dans le rapport de la mission d'information
chargée d'établir le bilan de la décentralisation, les crédits accordés aux
termes des contrats de plan Etat-régions ne sont pas toujours proportionnels au
niveau de développement de la région concernée. On a ainsi le sentiment que
certaines régions sont quelque peu oubliées. Cette situation vous
préoccupe-t-elle, monsieur le ministre ? En avez-vous une parfaite conscience
?
Enfin, ma dernière question, très importante, concerne les zones rurales. Les
élus de ces zones, monsieur le ministre, en particulier le rapporteur spécial,
ont le sentiment que la politique d'aménagement du territoire a essentiellement
pour objectif de favoriser le développement des villes et que l'on a tendance à
délaisser les zones rurales. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quel
est votre sentiment à ce sujet et quelles évolutions vous semblent
envisageables ?
Je souhaite également vous poser trois autres questions.
Tout d'abord, pouvez-vous m'indiquer où en est la montée en puissance du
dispositif des contrats territoriaux d'exploitation, créé par la loi
d'orientation agricole du 9 juillet 1999, qui se substitue à l'ancien fonds de
gestion de l'espace rural, que personnellement je regrette ? L'objectif de
départ était très ambitieux : on espérait la signature de 100 000 contrats pour
le premier semestre de 2002, selon M. le ministre de l'agriculture. Or, selon
mes informations - qu'il a lui-même confirmées lundi dernier à cette tribune -,
19 000 contrats ont été validés et un peu plus de 14 000 signés.
Ensuite, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, je suis particulièrement
attaché au concept des plates-formes d'initiative locale. En effet, la création
ou le maintien d'emplois marchands dans les zones défavorisées est une
condition nécessaire à une politique d'aménagement du territoire réussie. Après
plusieurs amendements du Sénat, qui ont tous reçu un avis défavorable du
Gouvernement, celui-ci a enfin décidé, dans la loi de finances rectificative de
la fin de l'année dernière, que ces plates-formes pourraient bénéficier de
l'agrément du ministère de budget lorsqu'elles aident à la reprise
d'entreprises.
Comme je le soulignais l'année dernière, les moyens financiers de ces
plates-formes sont modestes. Ainsi, en 2000, le FNADT a consacré presque deux
fois plus d'argent au nouvel Institut des hautes études d'aménagement du
territoire - dont la pertinence, pour l'heure, n'est pas avérée - qu'à la tête
de réseau des plates-formes d'initiative locale, France initiative réseau.
Monsieur le ministre, dérogeant à la règle, si vous le permettez, je souhaite,
par deux exemples concrets tirés de mon expérience, pointer du doigt certains
dysfonctionnements dans la conduite de la politique d'aménagement du territoire
que je déplore et que je dénonce.
Elu depuis plus de vingt-cinq ans d'une zone rurale défavorisée, je me bats
avec mes collègues, de droite comme de gauche, contre le déclin de notre
territoire.
Force est de constater qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, qu'il y a loin
des mesures annoncées à leur application sur le terrain.
Mon premier exemple concerne l'accès à la communication.
Le CIADT du 9 juillet était porteur de promesses en ce domaine, puisque le
Massif central était reconnu comme zone prioritaire pour l'accès généralisé aux
réseaux à hauts débits ainsi que pour la couverture territoriale téléphonique
mobile. Or qu'en est-il sur le terrain ?
Le 14 novembre dernier, le préfet m'adresse un document émanant de France
Télécom et m'informant que ma commune serait desservie en hauts débits et, qui
plus est, en très hauts débits, d'ici à 2003. Dix jours plus tard, le directeur
général de France Télécom m'écrit ceci :
« En ce qui concerne la situation de votre commune, je suis au regret de vous
annoncer que les conditions économiques ne sont pas remplies et qu'en
conséquence nous n'envisageons pas de doter votre commune de l'ADSL dans un
avenir proche.
« L'équation économique s'appuie sur le nombre de clients utilisateurs et non
pas, comme cela pourrait être imaginé, sur la qualité et la taille des
utilisateurs. Une entreprise, quelle que soit sa taille, est en fait considérée
comme un seul utilisateur. La rentabilité économique passe avant tout par le
raccordement de cent cinquante utilisateurs. »
Or, monsieur le ministre, ma commune est le deuxième pôle industriel de mon
département, avec 780 emplois industriels.
Depuis des décennies, avec d'autres je me bats, le dos au mur, pour attirer
des entreprises, les retenir, créer un environnement favorable.
Je vais, demain, devoir annoncer cette mauvaise nouvelle, expliquer
l'incohérence entre les propos du Premier ministre et ceux de son
administration, étouffer un espoir qui semblait légitime.
Le deuxième exemple concerne les pays, dont vous allez, monsieur le ministre,
vanter les mérites. Or, d'une part, la loi nous met sous la tutelle de l'Etat
et des préfets de région pour délimiter les périmètres géographiques et,
d'autre part, elle impose un parcours épuisant en douze étapes qui rebute les
meilleures volontés.
Ainsi, après deux ans de maturation, cinq communautés de communes décident à
l'unanimité de constituer un pays qui comprend soixante communes situées dans
mon département et cinq dans un département limitrophe appartenant à une autre
région.
Contre la volonté unanime des élus, l'un des préfets de région s'oppose au
périmètre, alors que son collègue l'approuve. Le système s'en trouve bloqué, et
tous nos efforts sont réduits à néant pour des motifs politiciens, pour des
luttes de pouvoir inavouées mais que personne n'ignore.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de conclure.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial.
Je termine, monsieur le président.
Nous pourrions tous, sur ces travées, vous donner cent exemples de ces
incohérences administratives et de ces dysfonctionnements qui font que les
mesures prises depuis trop longtemps finissent par ne plus avoir d'effets que
pervers.
Force est de constater qu'en dépit des effets d'annonce nos administrations
sont toujours aussi rigides et aussi peu efficaces, à la fois omnipotentes et
impotentes. Au lieu d'aider, de soutenir, d'accélérer, de faciliter les projets
locaux, elles entravent et désespèrent en imposant dans tous les domaines des
contraintes et des règlements dissuasifs. L'aménagement du territoire est à
l'image de la carte du réseau TGV, monsieur le ministre : pleine de blancs. En
un mot, le tout des uns devient le rien des autres.
Pour ces motifs et pour bien d'autres, suivant en cela la commission des
finances, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de
l'aménagement du territoire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a
précisé à l'instant notre excellent collègue Roger Besse, le budget de
l'aménagement du territoire pour 2002 atteint un montant largement inférieur à
300 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Il est
cependant en hausse de 6,8 % par rapport au budget voté pour 2001, bien que les
crédits de fonctionnement baissent de 25 % en raison de la création par la loi
du 15 mai 2001 de l'Agence française pour les investissements internationaux,
qui a prélevé 28 emplois sur les effectifs de la DATAR.
Les crédits d'intervention sont en baisse de 8,2 % par rapport à l'année
dernière. Les crédits d'investissement seront en légère baisse en autorisations
de programme et en progression de 12,4 % en crédits de paiement.
Je souhaite souligner le manque de lisibilité de ce budget.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fait apparaître une hausse
d'environ un tiers des crédits de paiement destinés à la prime à l'aménagement
du territoire. En revanche, les crédits d'intervention consacrés aux contrats
de plan Etat-régions enregistrent une baisse de plus d'un quart. On nous a
expliqué que des reports de crédits liés à la signature tardive des contrats de
plan expliquent la chute de ces dotations.
Il n'en reste pas moins que, à force de mettre en avant les enveloppes qui
enregistrent des augmentations et de passer sous silence les raisons d'un
certain nombre de baisses, le Gouvernement ne contribue pas à éclaircir les
perspectives.
Vous me permettrez de dire quelques mots sur la prime d'aménagement du
territoire.
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, monsieur
le ministre, vous n'avez pas vraiment répondu à deux des questions que je vous
avais posées.
La première concernait la situation des territoires exclus du nouveau zonage
PAT. Dès que ce sera possible, il importera pourtant de dresser un bilan de ce
« dézonage », notamment en termes d'emplois.
Je vous avais aussi interrogé, monsieur le ministre, sur les conditions de
versement des primes ainsi que des fonds structurels européens.
On sait que les dossiers de demandes de primes sont instruits par la DATAR. De
nombreux élus ont d'ailleurs mis en cause les procédures et les règles souvent
draconiennes qui sont imposées. De fait, votre prédécesseur avait reconnu que
nombre de projets créateurs d'emplois connaissaient l'échec et faisaient
l'objet de demandes de remboursement de la part de la DATAR.
Il conviendra, là encore, de reconsidérer ces mécanismes afin d'éclaircir une
situation qui pourrait devenir délicate, s'agissant des fonds structurels, à
l'heure de l'élargissement de l'Europe et de la possible remise en cause du
montant des fonds européens.
Depuis 1997, plus particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25
juin 1999, le Gouvernement a fait de la politique des « pays » l'un des axes
majeurs de sa politique d'aménagement du territoire. On ne peut s'empêcher de
relever que le volontarisme affiché depuis quelques années a débouché à ce jour
sur la signature d'un seul contrat de pays dans les conditions retenues par la
loi de 1999.
(M. le président de la commission des affaires économiques s'esclaffe.)
Ainsi que je vous l'ai signalé lors de votre audition devant la commission
des affaires économiques, monsieur le ministre, le calendrier de mise en route
des pays est fort contrasté d'une région à l'autre. Une question paraît alors
légitime : la formule définie par la loi du 25 juin 1999 n'est-elle pas trop
bureaucratique et ne suscite-t-elle pas des réticences qu'un cadre juridique
plus souple aurait pu éviter ?
De même, force est de constater que, jusqu'à présent, deux contrats
d'agglomération seulement ont été signés dans les conditions prévues par la loi
du 25 juin 1999.
Il est assurément trop tôt pour juger de l'adéquation du dispositif législatif
mis en place par la loi Voynet aux réalités du terrain. Au-delà d'un délai
raisonnable, il conviendra toutefois de se pencher sur cette question.
J'en viens enfin aux nouveaux contrats de plan Etat-régions.
Le Gouvernement considère manifestement que la baisse de près de dix points de
la part relative des crédits routiers dans la nouvelle génération de contrats
de plan est un succès. Pourtant, les dépenses effectuées dans le cadre de la
planification régionalisée répondent à des besoins exprimés par les
collectivités et financés par l'Etat, par les régions, voire - c'est de plus en
plus souvent le cas - par les départements.
En conséquence, les choix de l'Etat doivent être conciliés avec les
aspirations légitimes des territoires, et l'on connaît la place importante que
tiennent le développement d'infrastructures nouvelles et l'entretien du
patrimoine routier existant dans les préoccupations des collectivités
territoriales.
Je conclurai - car le temps passe vite, et celui qui m'est imparti est bien
court - en soulignant que, avec un budget qui reste depuis plusieurs années
nettement inférieur à 300 millions d'euros, l'aménagement du territoire ne
constitue manifestement pas la priorité essentielle du Gouvernement.
Quelles que soient les déclarations d'intention, le grand élan manifesté par
les auteurs de la loi du 4 février 1995, loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire, n'a pas été mis à profit pour relancer une
véritable politique de rééquilibrage entre les différentes parties de notre
territoire qui aurait notamment privilégié les zones qui connaissent le plus de
difficultés.
Peu pourvue en moyens budgétaires, la nouvelle politique d'aménagement du
territoire s'articule désormais autour des schémas de services collectifs ainsi
que de la politique des pays et des agglomérations.
Pour nombre d'entre nous, les schémas ont été décevants, parce qu'ils
laissaient sans réponse des questions pourtant essentielles, telle l'insertion
intelligente du territoire français dans l'ensemble européen.
La politique visant à la création de pays et d'agglomérations, autour de
contrats peut-être un peu formalistes et trop contraignants, n'a pas non plus
donné, jusqu'à présent, de résultats véritablement probants.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, la commission
des affaires économiques est défavorable à l'adoption des crédits concernant
l'aménagement du territoire pour 2002.
(Applaudissements sur les bancs du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Je
partage sans réserves les propos de nos deux rapporteurs.
Ce soir, monsieur le ministre, nous parlons de 2 milliards de francs - le
budget de la DATAR - alors que nous devrions parler - mais on n'en parlera
jamais - de 22 milliards de francs, c'est-à-dire des fonds structurels
européens consacrés à l'aménagement du territoire.
Il est tout de même paradoxal et assez incroyable que le Parlement soit absent
du débat sur un point aussi essentiel. Oh, certes, cette situation, ne date ni
d'hier, ni de votre arrivée au ministère de l'aménagement du territoire ! Ce
sont un décret de mai 1982, puis la loi d'administration territoriale, puis une
décision de 1994 qui, au travers du document unique de programmation, ont donné
aux préfets de région et au secrétaire général aux affaires régionales, le «
SGAR », l'essentiel des pouvoirs.
On parle de services « déconcentrés », mais « corsetés » conviendrait mieux !
Pour répartir les crédits, la DATAR utilise un logiciel qui porte le joli mot
de « Présage ». Présage de la déconcentration ? Non ! Présage d'une gestion
concentrée et non pas régionalisée, comme dans certains pays où la
décentralisation est une réalité et où le Parlement discute des fonds
structurels européens !
Si au moins notre système était efficace ! Il y a tout de même l'exécutif et
le CIADT, n'est-ce pas ? Mais que relève dans son rapport de janvier dernier la
Cour des comptes ? Des retards de programmation, des défaillances telles que
nous ne parvenons pas à consommer les crédits ! Et, monsieur le rapporteur
spécial, ce sont sans doute les territoires les plus en difficulté qui en
consomment le moins tant le système est bancal !
Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons voulu rendre au Parlement sa
place. Reconnaissons-le, mes chers collègues, la DATAR est née en 1963 d'un
phénomène de mission, en même temps que de la volonté du général de Gaulle,
mais les missions ont un temps. Après le temps de la mission - oserai-je dire
d'« évangélisation » ? - voici le temps de la gestion ecclésiale, qui devrait
être dévolue au Parlement.
Nous avons donc imaginé le « retour » du Parlement, et nous l'avons d'ailleurs
imaginé ensemble, que ce soit sous le gouvernement de Michel Rocard, de Pierre
Bérégovoy, puis d'Edouard Balladur. Nous nous sommes dit : souvenons-nous de la
convention de Bordeaux, souvenons-nous de Poitiers, en 1994 - là, le Sénat a
joué un rôle essentiel - et nous avons décidé que le Parlement devait à nouveau
intervenir dans la politique d'aménagement du territoire.
Cela a été la loi Pasqua-Hoeffel et, croyez-moi, cela a été une conquête du
Parlement que de pouvoir débattre de schéma national ou de schéma sectoriel, et
que de concevoir un fonds - qui, d'ailleurs, a été supprimé - dans lequel les
parlementaires allaient jouer un rôle. Je veux parler du fonds d'investissement
des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN.
Puis, patatras, la loi Voynet est arrivée.
Certes, je reconnais que les gouvernements qui ont succédé au gouvernement de
M. Balladur ne nous ont pas non plus tellement facilité la tâche en matière
d'aménagement du territoire. Mais, avec la loi Voynet et le schéma de services
collectifs, c'était la fin du débat au Parlement.
Bien sûr, il y a la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement
durable du territoire, et, croyez-moi, nous allons la muscler, mais elle ne
remplace pas le débat au Parlement.
Monsieur le ministre, vous le savez, je me suis personnellement engagé dans la
voie des schémas de services collectifs et j'ai eu, sous l'autorité de
Jean-Pierre Raffarin, la responsabilité d'être rapporteur. Mais, monsieur le
ministre, il nous faut réfléchir au retour du Parlement !
Un souvenir : la carte PAT et son arrivée dans cet hémicycle en 1999. Nous
cherchions la carte PAT à la manière de « L'inspecteur mène l'enquête ».
Impossible de la trouver au ministère ! Nous la découvrons dans le journal
Le Monde
l'après-midi où débutaient nos débats. Est-ce là une manière
d'associer le Parlement à la réflexion et à la cartographie ? Je me souviens du
visage de Mme Voynet, effondrée par ce mauvais tour que, sans doute, certains
lui avaient joué - et je ne fais là nul procès d'intention
a
posteriori.
Peut-on continuer de la sorte à ne pas associer le Parlement ? Les membres du
Bundestag et du Bundesrat ont pu, en 1992, sur le schéma multimodal de
transport - sujet difficile - s'exprimer, débattre, choisir.
Monsieur le ministre, pour conclure, je vous poserai trois questions.
Etes-vous satisfait du rôle actuel du Parlement dans la définition et la mise
en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire ?
Jugez-vous que les assemblées parlementaires ont été associées convenablement
à la modification des critères d'attribution de la PAT et des fonds structurels
communautaires ?
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour que le Parlement ne débatte
plus uniquement de 9 % des crédits qui contribuent à l'aménagement du
territoire ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet.
Excellent !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Dans les interventions des trois orateurs précédents, j'ai entendu le désarroi
des parlementaires. Pour ma part, monsieur le ministre, je veux surtout vous
parler du désarroi des maires.
L'aménagement du territoire - comme le Plan - était, il y a quelques
décennies, une spécificité française de renommée internationale. Il avait un
dessein très large, que traduisait un discours parfois peut-être un peu
simpliste, et s'appuyait sur quelques grandes actions qui mobilisaient
l'appareil d'Etat, qui, lui-même, entraînait les collectivités locales et
l'ensemble des responsables économiques et sociaux du pays.
Je ne suis pas un nostalgique - je laisse cela à M. Chevènement ! - je suis de
ceux qui pensent que le développement durable est une bonne orientation et
qu'il faut se centrer sur la demande de services plutôt que sur une stratégie
de l'offre. Force est cependant de constater que règne un grand désordre depuis
quatre ans dans la conduite par le Gouvernement des différentes démarches
ministérielles qui concourent à l'aménagement du territoire.
Chaque ministère y est allé de sa loi, de sa circulaire, de son calendrier et,
en bout de ligne, ce sont aux maires qu'il appartient de décrypter un
dispositif qui, dans le choc des directives, a perdu toute lisibilité.
On nous a dit que les contrats de ville constituaient le volet « exclusion »
des contrats d'agglomération, qui, eux-mêmes, étaient le volet territorial des
contrats de plan, qui, eux-mêmes, seraient réalisés lorsque les orientations
seraient fixées par les schémas de services collectifs.
Le résultat est exactement l'inverse : les schémas de services collectifs
viennent à peine d'être approuvés - on n'en connaît d'ailleurs pas la valeur
juridique - et seul un contrat de pays a été signé. Quant aux contrats de plan,
ils sont en mouvement, mais ils sont les seuls et ils ne s'intègrent donc pas,
comme cela était prévu à l'origine, dans un dispositif d'ensemble.
Les maires ont vu d'abord arriver le périmètre du plan de déplacement urbain,
puis le périmètre du contrat de ville, puis les périmètres des contrats de
pays. Les agglomérations entraient-elles dans ces derniers ? C'est une
circulaire de juin dernier qui a enfin défini l'articulation entre contrats
d'agglomération et contrats de pays.
Et voilà, cerise sur le gâteau, que la loi SRU leur impose un dernier petit
périmètre : le schéma de cohérence territoriale. Ou plutôt, ne sachant plus,
avec un tel kaléidoscope, comment faire, on se défausse sur les maires du soin
de définir les périmètres des SCOT !
Monsieur le ministre, il y a sur le terrain un grand désarroi. Quand la
logique de départ est sans cesse compromise par la multiplication de
circulaires plus ou moins bien comprises par les services déconcentrés de
l'Etat, la politique d'aménagement du territoire perd toute lisibilité.
Je n'ai pas de question précise à vous poser, monsieur le ministre, si ce
n'est celle-ci : que faire pour remettre de l'ordre ?
Mener une politique du territoire coordonnée est une ardente obligation. Pour
s'y consacrer, les maires doivent avoir une visibilité sur le long terme, ce
qui implique que les multiples mécanismes financiers qui, chaque jour, les
entraînent dans des circuits administratifs incompréhensibles soient enfin
clairement articulés les uns par rapport aux autres.
Je ferai, en guise de conclusion, une dernière remarque, monsieur le ministre
: on ne peut conduire une politique d'aménagement du territoire si, sur le
terrain, les préfets et les directeurs d'administration ne sont pas capables
d'expliquer aux élus locaux le chemin !
(Applaudissement sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous
étions inquiétés l'année dernière d'une diminution importante - elle atteignait
9,9 % - des crédits de paiement du budget de l'aménagement du territoire. Avec
un montant de 285,38 millions d'euros, le projet de budget pour 2002 consacre
une hausse de ces mêmes crédits de 6,8 %. A cela s'ajoute une progression de
1,8 % des autorisations de programme, qui s'élèvent à 269,23 millions
d'euros.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ces augmentations, qui permettent à
la fois un rattrapage par rapport à la loi de finances de 2001 et un
rééquilibrage en faveur des autorisations de programme.
Nous savons, par ailleurs, que la politique d'aménagement du territoire
bénéficie aussi des concours des autres ministères, que ce soit celui des
transports, de l'intérieur ou, plus globalement, des crédits destinés à la
politique d'équipement civil.
Soulignons que l'une des spécificités de ce ministère réside précisément dans
le fait qu'il faut parvenir à assurer une articulation cohérente des
différentes interventions publiques afin de remplir la mission qui est impartie
au ministre chargé de l'aménagement du territoire : garantir la cohésion du
territoire national et, plus largement, la cohésion nationale.
La politique d'aménagement du territoire est, en effet, un outil essentiel de
correction des inégalités géographiques et sociales. Elle doit viser à ce que
le développement économique et social des régions soit équilibré, afin d'éviter
qu'il ne se traduise par la marginalisation de certaines zones.
Elle doit consister à assurer un développement harmonieux de l'ensemble du
territoire.
Institués par la loi Voynet, les schémas de services collectifs, qui sont
conçus pour un horizon de vingt ans, devraient être l'instrument privilégié
d'une véritable planification territoriale, capable de prendre en compte
l'ensemble des besoins de la collectivité.
La relance des contrats de plan Etat-régions 2000-2006, par des engagements de
crédits plus importants, et le renforcement des moyens de la DATAR rendent
compte, en tout cas, de votre volonté de vous engager dans cette voie. En
témoigne la progression des crédits affectés à la prime d'aménagement du
territoire, la PAT, qu'il s'agisse des autorisations de programme en hausse de
8,8 % ou des crédits de paiement qui n'augmentent pas moins de 33 %. En
témoigne encore une évolution globalement satisfaisante des crédits destinés au
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Ces concours et subventions devraient permettre, en principe, de mener des
actions en direction des zones les plus fragiles, de favoriser les
investissements et de relancer l'emploi. Telle est l'action entreprise dans le
Lunévillois, en Meurthe-et-Moselle, à la suite de l'annonce des fermetures de
Bata et de Flextronics, qui concernent 600 salariés dont, hélas ! une majorité
de couples.
Cependant, les contributions du FNADT seront-elles suffisantes pour faire face
à cette situation et, d'une manière générale, aux multiples autres cas
d'abandons d'activités industrielles sous la pression des actionnaires ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser la question : ne devons-nous
pas exiger d'abord que les actionnaires assument la totalité de leur
responsabilité envers les salariés ?
A ce propos, et par parenthèse, on pourrait, si ce n'était si grave, sourire
de l'attitude de certains qui réclament la liberté d'entreprendre pour les
entreprises et, lorsque ça va mal, demandent à l'Etat d'intervenir avec les
fonds publics pour réparer les dégâts.
Aujourd'hui, de nombreuses industries sont menacées de dépôt de bilan et les
plans sociaux qui laissent, dans la plupart des cas, des milliers de salariés
dans la détresse se multiplient, contribuant à faire remonter de manière
inquiétante le taux du chômage.
Lorsqu'une entreprise comme Moulinex ferme, ce sont aussi les salariés de ses
fournisseurs et de ses sous-traitants qui risquent de perdre leur emploi. Les
réactions en chaîne se produisent, qui mettent en danger l'ensemble du tissu
local.
Quand Alcatel décide de se séparer de ses activités de production dans la
téléphonie mobile, ce ne sont pas moins de 5 000 salariés qui sont concernés.
Ce sont les grandes firmes multinationales qui, à travers de nouvelles formes
de gestion de la production et de la main-d'oeuvre, comme l'externalisation et
la sous-traitance, contribuent à ces mouvements d'éclatement et de
fragmentation sociaux. Et l'on sait combien la sous-traitance contribue à la
casse des statuts, à des pressions sur les salaires et sur la productivité. La
multiplication des formes précaires d'emploi accroît encore le risque d'une
fragmentation de la société. Le contexte actuel, monsieur le ministre, nous
incite vivement à prendre des mesures efficaces de réindustrialisation de ces
sites. Les exemples montrent que l'action des médiateurs sociaux, pour utile
qu'elle soit, est largement insuffisante face à de tels drames sociaux.
Aménager le territoire, c'est aussi savoir soutenir et accompagner la
reconversion économique de manière plus volontariste, avec de réels projets
novateurs, capables d'anticiper l'avenir.
En ce domaine, la politique doit aussi s'appuyer sur la solidarité
interrégionale et sur une meilleure répartition de la richesse. Nous attendons,
de ce point de vue, un renforcement et une amélioration des mécanismes de
péréquation, afin que les effets correcteurs de la politique d'aménagement du
territoire puissent rapidement et pleinement produire leurs effets.
Il faut encore veiller à ce que la décentralisation renforce le maillage des
services sur l'ensemble du territoire, contribuant ainsi à sa structuration en
réseaux.
Dans cette optique, nous savons que les services publics, et plus largement
les services d'intérêt collectif, jouent un rôle essentiel en tant que facteur
d'égalité sociale et de cohésion nationale, en même temps qu'ils produisent des
effets d'entraînement sur d'autres secteurs d'activité.
Or la tendance à la concentration des équipements collectifs de qualité et des
services publics autour des grandes métropoles régionales et de quelques villes
moyennes contribue à accroître les disparités géographiques.
Faute de moyens financiers suffisants, de nombreuses communes, petites et
moyennes, n'ont pas la possibilité de répondre aux besoins collectifs pourtant
essentiels.
Ce sont encore ces mêmes ensembles qui risquent, si l'on n'y prête attention,
d'être privés des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, avec les discriminations que cela impliquerait du point de vue
du développement socio-économique. Rappelons tout de même que d'aucuns ont voté
pour une certaine forme de privatisation de France Télécom. Pas nous, en tout
cas ! L'égal accès, sur l'ensemble du territoire, aux réseaux Internet à haut
débit devrait être l'une des priorités de toute la politique d'aménagement du
territoire. Les opérateurs privés n'investiront pas dans une technologie aussi
coûteuse si les perspectives de rentabilité leur semblent trop insuffisantes et
trop lointaines. De même, la nécessité d'équiper rapidement l'ensemble du
territoire en réseaux de téléphonie suppose qu'un réel effort financier soit
engagé.
Voilà les observations que je tenais à faire à l'occasion de la discussion de
ce projet de budget pour 2002. Il fallait, me semble-t-il, réaffirmer les rôles
fondamentaux que la politique d'aménagement du territoire doit jouer : rôle de
correcteur - je le rappelle - des inégalités sociales et territoriales et rôle
d'incitation et d'entraînement assurant le développement équilibré et
harmonieux du territoire.
Cela n'enlève rien au réel volontarisme politique dont vous faites preuve,
monsieur le ministre. Le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra
votre action et votera votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménagement
du territoire volet de première importance d'une politique nationale, c'est une
évidence.
Le projet de budget pour 2002 est, certes, en augmentation, mais, de ce point
de vue, je partage l'analyse du rapporteur, mon collègue et ami Roger Besse.
Pour ce qui est du FNADT - c'est un des trois volets - il est permis de
s'interroger sur la pérennité des engagements du ministère au côté des
collectivités locales mais j'y reviendrai.
Première remarque : le budget de l'aménagement du territoire dépend largement
d'autres concours financiers de l'Etat, qu'il s'agisse des transports, de
l'agriculture et de l'exonération des charges en faveur d'entreprises, toutes
choses qui réduisent la marge de manoeuvre de votre ministère. On retrouve là
le manque de visibilité.
Deuxième remarque : la contribution croissante des fonds structurels, dont M.
Gérard Larcher disait qu'ils sont corsetés. Ils visent, en tout cas, à réduire
les disparités entre les régions d'Europe et ils sont supposés appuyer la mise
en oeuvre des contrats de plan. De ce point de vue, ma région est concernée par
l'objectif 2, mais celui-ci concerne - et c'est regrettable - une population
moindre que celle qui était visée par les anciens objectifs 2 et 5 b. C'est un
constat. Une question : quel devenir pour les mesures d'adaptation pour les
territoires qui ont perdu leur éligibilité ?
Ma troisième remarque, qui comporte plusieurs volets, concerne les territoires
ruraux. Ils ont plutôt à souffrir - le rapporteur spécial le rappelait - de la
nouvelle carte PAT. Loin d'enrayer le déclin de ces territoires, cette nouvelle
PAT les fragiliserait plutôt. C'est pour le moins paradoxal, convenez-en,
monsieur le ministre !
Toujours en ce qui concerne les régions défavorisées, qu'en est-il des efforts
de péréquation ? Un rapport du Sénat relève que les contrats de plan, dont ce
pourrait être le rôle, permettent en fait d'opérer des transferts de charges
vers les collectivités locales. Mme Irène Félix, qui, me semble-t-il, est
chargée au parti socialiste du développement local dit : « Une plus grande
péréquation entre les aides de l'Etat fait partie des projets prioritaires du
parti socialiste en matière de développement local. » Elle ajoute : « On ne
peut pas confier de plus en plus de responsabilités aux collectivités sans
doter de façon plus juste les collectivités les plus pauvres. »
Je relève cependant une nouveauté : le volet territorial des contrats de plan.
Les pays, les agglomérations - cela a été rappelé - se mettent en place plutôt
difficilement, ici ou là, au milieu d'un mille-feuille auquel faisait allusion
notre collègue M. Alduy. Puisse l'Etat, pour ce volet territorial, honorer ses
engagements !
Les milieux ruraux sont également des zones défavorisées du point de vue de la
couverture par la téléphonie mobile. Lors du CIADT de Limoges, l'engagement a
été pris d'achever la couverture en trois ans. Or, à ce jour, qu'en est-il de
l'affectation des crédits d'Etat ? « Le Limousin sera la première région
couverte en haut débit avant même la région parisienne », a dit M. Guigou. Il
poursuit ainsi : « Il faut que tous les hôtels de luxe aient une connexion haut
débit. » L'hôtellerie de luxe en Limousin, ce n'est pas notre première
préoccupation ! Les territoires ruraux risquent de subir le développement de la
société de l'information au lieu d'en bénéficier. Nous sommes là - Roger Besse
le disait aussi - sous le règne ou le joug de la rentabilité économique.
Toujours en ce qui concerne les espaces ruraux, j'évoquerai les schémas de
services collectifs. Celui qui concerne les espaces naturels et ruraux
n'échappe pas - c'est aussi l'avis du président de ma région - aux critiques
portées sur l'ensemble des schémas. C'est M. Vauzelle, président de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui parle de « textes d'aménagement d'en haut qui
méprisent la vision d'en bas ». Ce sont les présidents de région qui parlent de
textes « jacobins ». Par ailleurs, si des priorités sont dégagées pour chaque
région, les orientations retenues ne sont assorties d'aucune évaluation
financière, que je sache.
Schémas de services collectifs, services publics aussi. Elément vital en zone
rurale où le service public, prestataire de services, certes, est également
perçu comme ayant un rôle économique. Ce rôle d'animation économique explique,
en grande partie, me semble-t-il, les résistances acharnées que suscite tout
projet de restructuration. Certes, la notion de service public ne saurait être
le maintien en l'état de ce qu'il est depuis des décennies, mais je pense qu'il
est parfaitement utopique de laisser espérer - et je citerai à nouveau M.
Guigou - la mise en place de « supérettes de services publics » qui réuniraient
La Poste, l'Agence nationale pour l'emploi et l'Agence nationale de
valorisation de la recherche, et qui seraient ouvertes de sept heures à vingt
et une heures. Il est permis de rêver !
Il y aurait encore beaucoup à dire, sur le soutien, par exemple, à
l'implantation des entreprises, le FNDE, le Fonds national de développement de
l'évaluation. Mais j'achève là mon propos.
Elu d'une région où l'on est on ne peut plus sensible à ce qui touche à
l'aménagement du territoire, je considère en toute bonne foi, je crois pouvoir
le dire, que le milieu rural n'y trouve pas son compte. M. Besse vous
demandait, monsieur le ministre, quelle était l'évolution envisageable. Pour
l'heure, la France à deux vitesses : l'expression n'est pas d'aujourd'hui. Mais
on ne saurait admettre qu'elle puisse être la réalité de demain.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget qui nous est soumis ce soir est en hausse sensible, 6,8 %, il s'établit
à 285,38 millions d'euros et, pour la quatrième année consécutive, il figure
parmi les priorités du Gouvernement.
Il s'articule autour de trois axes prioritaires : assurer un meilleur
équilibre territorial, rechercher un développement économique des territoires
et mieux gérer les espaces sensibles et remarquables.
N'oublions pas que la politique de l'aménagement du territoire ne relève pas
uniquement de ces crédits, cela a été souligné tout à l'heure, et que d'autres
ministères participent à cette action. Il en est de même des programmes
d'origine communautaire, ou encore des contrats de plan Etat-régions. Au final,
ce sont des moyens financiers importants.
La seconde caractéristique de l'aménagement du territoire réside dans la
recherche, depuis 1997, de cohérence entre les diverses politiques
publiques.
Cela est particulièrement visible à travers les lois adoptée depuis cette
date. Cette législature a vu la mise en oeuvre de réformes majeures tournées
vers l'aménagement durable et solidaire. Je pense, entre autres textes, à la
loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire
- LOADDT - à la loi d'orientation agricole - LOA - à la loi relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et, enfin,
au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, que le Sénat examinera
en première lecture au début du mois de janvier prochain.
Cette énumération témoigne de la volonté du Gouvernement de ne pas procéder
par à-coups, mais d'avoir une politique globale.
Je souhaite revenir un instant sur la LOADDT, qui restera une grande loi, car
elle consacre le passage d'une politique de guichet à une politique de projet.
Elle permet, à travers la création des neuf schémas de services collectifs, une
vision prospective à vingt ans. Ces schémas déclinent les politiques publiques
structurantes non seulement dans des domaines traditionnels, tel le transport,
mais aussi dans des secteurs novateurs comme la culture, le sport et les
espaces naturels et ruraux.
La démarche même de leur élaboration est novatrice, car elle a permis une
concertation, en amont, de tous les acteurs. Ce sont, en effet, les attentes
des habitants et des territoires qui ont été prises en compte. Bien sûr, nous
relevons quelques insuffisances, par exemple le manque de liens entre les
schémas de services et les schémas régionaux ou le manque de liens entre les
schémas eux-mêmes.
Pour ma part, chargée par la délégation du Sénat à l'aménagement et au
développement durable du territoire d'un rapport sur le schéma de
l'enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à saluer de nouveau la
prise en compte de ce secteur comme un élément structurant de la vie de nos
territoires.
Un autre aspect de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire me paraît fondamental : la création des pays et des
communautés d'agglomération. Mon collègue Jean-Pierre Sueur traitera plus
particulièrement de ces dernières.
Quant à moi, je souhaite évoquer les pays. En les créant, la loi prend en
compte la nouvelle organisation de la vie qui n'est plus assurée dans le seul
cadre des 36 000 communes. Compte tenu de la mobilité des populations, qui
bougent pour leur travail et leurs loisirs, il faut une organisation à
l'échelle d'un bassin de vie.
Elue locale, maire d'une commune de 6 000 habitants en milieu rural, je
participe, sans aucun défaitisme, contrairement à ce que j'ai entendu tout à
l'heure, à la mise en place du pays de Cornouaille. Le périmètre de ce pays de
300 000 habitants, dix communautés de communes et une communauté
d'agglomération, s'étend du centre au sud du Finistère. Il démontre le
dynamisme de cette politique dans ma région, la Bretagne, qui, je crois, peut
être citée en exemple dans ce domaine.
Dans cette région, les acteurs locaux du développement ont une longue pratique
du partenariat, acquise notamment avec la mise en place des pays
touristiques.
A la fin de 2002, une cinquantaine de pays devraient être définitivement
constitués. C'est une belle avancée.
Un des outils majeurs de l'approche volontariste de l'aménagement du
territoire, c'est, bien sûr, la DATAR, qui voit ses crédits augmenter si l'on
tient compte du transfert de ses bureaux à l'étranger à la nouvelle Agence
française pour les investissements internationaux. Les missions de plus en plus
importantes confiées à la DATAR méritent toutefois que des efforts
supplémentaires soient envisagés.
Autre point qui représente, à mon sens, une évolution positive : la rénovation
de la PAT, la prime à l'aménagement du territoire, aujourd'hui élargie aux
activités de services à l'industrie, et plus particulièrement destinée aux
PME-PMI. Celles-ci ont un rôle majeur à jouer pour l'emploi dans les zones
rurales et les villes moyennes.
En 2000, 137 entreprises ont été aidées et ont permis la création de 12 900
emplois.
Autre outil de financement de projets structurants : le Fonds national
d'aménagement du territoire, FNADT, qui a été également profondément modifié
afin de réduire le saupoudrage des crédits.
Je souhaite évoquer aussi les services publics, qui sont essentiels à l'avenir
de nos territoires.
Deux lois ont directement influé sur leur implantation : la loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement du territoire, la LOADT, bien sûr, mais
aussi la loi relative aux relations des citoyens avec l'administration.
Le groupe socialiste du Sénat a d'ailleurs été à l'origine de deux amendements
à cette loi visant à mieux assurer le maillage du territoire. Le premier
prévoyait, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de
revitalisation rurale, une participation de l'Etat lorsqu'il s'agit de
développer les maisons de service public ou d'assurer le fonctionnement d'un
service public.
Le second amendement visait à mettre en oeuvre une étude d'impact dès lors
que, dans des zones sensibles, sont envisagées des suppressions de services
publics. Monsieur le ministre avez-vous dès à présent des éléments
d'appréciation de ces actions ?
J'ai également des questions à vous poser sur d'autres domaines.
La première concerne l'irrigation du territoire par le réseau GSM.
La deuxième a trait à la couverture du territoire par le haut débit. Le
Gouvernement souhaite permettre l'accès de tous au réseau à haut débit. Comment
l'Etat va-t-il s'engager dans cette démocratisation des nouvelles technologies
de l'information et de la communication ?
Enfin, ma dernière question concerne un sujet très différent, qui préoccupe
beaucoup les élus locaux. Quelle cohérence y a-t-il entre les pays et les
schémas de cohérence territoriale, les SCOT ? Je sous saurais gré de nous
apporter un éclairage sur ce point.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire sur votre
budget, monsieur le ministre. Le groupe socialiste du Sénat votera, bien
entendu, en faveur de ces crédits.
Je ne peux cependant m'empêcher d'émettre quelques regrets sur l'attitude peu
constructive que va adopter notre assemblée. La commission des affaires
économiques a émis un avis négatif, au nom d'un manque de lisibilité de ce
budget. Le manque d'argumentation invoquée par la majorité du Sénat est loin
d'être à la hauteur des enjeux.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'analyse du
budget de l'aménagement du territoire pour 2002 m'amène, en tant qu'élu d'un
département essentiellement rural, le Gers, à rendre un hommage particulier au
rapporteur spécial, M. Besse, qui incarne parfaitement, selon moi,
l'intelligence rurale et la sensibilité de ce grand territoire qu'est le Massif
central, un peu identique à mon département. Dans son rapport, il a traduit
parfaitement les attentes ainsi que les inquiétudes du monde rural en matière
d'aménagement du territoire.
Je tiens à dire également que je partage tout autant les réserves du
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ainsi que celles
de son président, M. Gérard Larcher.
Pour ma part, je vais m'intéresser à deux points particuliers, monsieur le
ministre.
Mes chers collègues, bien que vous ayez une mémoire plus fine que celle des
membres du Gouvernement, je me permets de vous rappeler que le département du
Gers avait été choisi en 1977 comme lieu de rencontre d'un CIADT. Ce fut le
CIADT d'Auch lequel, pour la première fois, a affirmé avec clarté une nouvelle
priorité pour le monde rural et développé de nouveaux moyens d'action en sa
faveur.
Après d'autres décisions touchant toutes les régions, une série de
dispositions et de mesures particulières furent arrêtées, toutes destinées à
renforcer le développement économique, social et culturel du département du
Gers.
Si un certain nombre d'actions ont été réalisées, dans le cadre de la
continuité de l'Etat, notamment dans la région d'Auch, nous sommes en droit
d'attendre la réalisation d'autres opérations plus importantes, je veux parler
du classement en voie expresse à deux fois deux voies de la RN 124 et, sur
cette même nationale, d'opérations de déviation non encore réalisées à ce jour
en trois points importants du territoire, Aubiet, Gimont et Nogaro, de la
modernisation de la ligne ferroviaire Auch-Toulouse et, enfin, de la création
d'une école des métiers d'art et du patrimoine.
Je mets à profit cette intervention pour protester avec vigueur contre ces
oublis concernant des projets pourtant arrêtés en 1997.
L'insuffisance des crédits d'aménagement du territoire réellement investis est
devenue une constante, ce qui est particulièrement grave pour la trentaine de
départements ruraux fragiles dont le Gers fait partie.
M. le rapporteur spécial a insisté sur le montant structurellement très élevé
des crédits non consommés relevant d'une mauvaise administration. Le fait que
44 % des crédits votés dans le projet de loi de finances pour 2000, soit 17
millions d'euros, aient été reportés en 2001 montre l'ampleur des écarts !
En tant que parlementaire très attaché par des responsabilités anciennes à
l'aménagement du territoire, je souhaite que le Sénat approfondisse ses
investigations pour connaître à l'avenir les véritables destinations de ces
crédits.
Le manque de transparence des informations fournies à propos de l'emploi du
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire au cours de
l'année 2000 a également été déploré par M. le rapporteur, et je m'associe
pleinement à sa demande d'éclaircissement.
Pour ma part, je souhaite que soit établi un bilan précis et objectif des
nombreuses défaillances que nous avons à subir en matière d'aménagement du
territoire, et notamment sur les fermetures de services publics en milieu
rural. Ces fermetures qui touchent les postes, les subdivisions d'équipement,
les perceptions sont inadmissibles dans la mesure où elles sont effectuées sans
concertation et qu'elles ont été poursuivies malgré des engagements pris pour
les faire cesser.
La mise en place des maisons de services publics en milieu rural ne supplée en
rien aux fermetures ni aux baisses du nombre d'agents dans ces zones.
Parmi les éléments néfastes que nous avons à subir, je citerai la dramatique
réduction des effectifs de gendarmerie, le manque de soutien et de coordination
de la politique des pays par les services de l'Etat, qui reste beaucoup plus
l'oeuvre d'initiatives politiques locales que le résultat d'une réelle volonté
de l'Etat, enfin, le peu de lisibilité et la difficulté d'utilisation par les
acteurs locaux du fonds de gestion de l'espace rural.
Ainsi, les objectifs réels d'aménagement du territoire deviennent peu
compréhensibles tant par les populations que par les élus. Or, en cette
deuxième année du XXIe siècle, la France a besoin d'un ministère d'aménagement
du territoire autonome, doté de moyens suffisants et capable de proposer une
politique assurant le maintien des équilibres.
En cette fin d'année 2001, les populations des régions Aquitaine et
Midi-Pyrénées observent avec inquiétude les initiatives liées aux nécessités du
passage des convois transportant les éléments du futur Airbus A 380 de Langon à
Toulouse, sujet auquel, monsieur le ministre, vous ne pouvez demeurer
indifférent.
Ce projet industriel est présenté, à juste titre, par l'Etat comme un enjeu
majeur de portée générale. Je m'étonne d'ailleurs qu'il ne soit pas cité parmi
les actions prioritaires en matière d'aménagement du territoire pour 2002. En
effet, la construction d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de
Bordeaux et Toulouse est primordial pour le groupe aéronautique européen EADS,
sous la houlette de l'Aérospatiale. Ce sera, il faut en convenir, un des plus
grands chantiers économiques des décennies à venir. Il doit donc s'accompagner
d'une mise à niveau de l'ensemble du réseau routier des régions qu'il
traversera.
Je m'étonne que tous les moyens nécessaires n'aient pas été plus largement
mobilisés pour permettre la réalisation de cet itinéraire et pour rassurer les
populations, très justement inquiètes devant l'importance des nuisances
qu'elles devront subir.
En tout cas, on ne peut laisser sans réponse les objections européennes, aux
termes desquelles le seul bénéficiaire de ces aménagements étant EADS, il
faudrait limiter les interventions de l'Etat. Il est au contraire indispensable
d'assurer les départements traversés qu'ils pourront bénéficier des
réalisations industrielles de sous-traitance liées ou non à cette activité.
En tant qu'élu du département du Gers, je souhaite rappeler que les nuisances
et impacts négatifs engendrés par ce projet ne peuvent être ignorés avec
désinvolture, ni laissés sans solution, celle-ci étant renvoyée à plus tard.
Sur les 250 kilomètres de route qui traversent les départements de la Gironde,
des Landes, du Gers et de la Haute-Garonne, l'Etat, disposant des pouvoirs
d'expropriation qui lui sont octroyés par la loi, doit aussi mobiliser les
compensations et les indemnisations en faveur de tous ceux - agriculteurs,
commerçants, entrepreneurs, retraités et professions libérales - qui vont subir
des dommages importants du fait de ces travaux.
Dès le mois de janvier dernier, j'avais fait part de mes inquiétudes à l'égard
du risque de paralysie régulière des moyens de communication qui pourrait
exister, pendant la période de travaux, faute d'anticipation des besoins sur
des réseaux routiers secondaires insuffisants ou faute de concentration des
moyens financiers susceptibles de permettre la réalisation rapide des chantiers
et une mise au gabarit de l'ensemble du réseau.
Je m'étais également élevé contre un risque de sous-évaluation des capacités
routières et contre un risque de déficit d'images pour l'ensemble du Sud-Ouest,
particulièrement pour les départements dont les villes et villages ont engagé
depuis longtemps un effort dans le domaine du tourisme rural et qui auront à
subir des nuisances directes et indirectes en raison de la traversée de convois
exceptionnels à très gros gabarit pendant trente ans.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, ce qui est prévu sur le plan
budgétaire, pour l'an 2002 et les années suivantes, afin de participer au
dédommagement de l'ensemble des contraintes et des nuisances qui vont toucher
les populations.
En tout cas, pour notre département, il est indispensable que l'Etat tienne
l'engagement de réaliser le plus rapidement possible la mise à deux fois deux
voies de la RN 124, prévue depuis longtemps et sollicitée à nouveau auprès du
Gouvernement.
Dans le Gers, le passage de convois à très grand gabarit, tel qu'il est
proposé, paralysera non seulement, de nuit, la seule desserte économique
locale, vitale pour nous, mais aura aussi, de jour, de sérieuses répercussions,
le reste du trafic étant dévié vers un réseau routier totalement inadapté.
De plus, à ce jour, aucune étude d'impact sonore n'ayant été réalisée, on peut
craindre que la quiétude nocturne des villes et villages traversés ne soit
terriblement affectée.
Depuis plusieurs années, l'aménagement du territoire ne tient pas compte des
équilibres généraux et, dans les cantons les plus ruraux de notre République,
les citoyens sont entretenus dans le plus grand désarroi ; ils ressentent que
les zones rurales sont toujours sacrifiées à des projets de développement
industriel.
La très récente loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ne peut que
conforter les populations dans leur impression d'abandon des zones rurales
sensibles. Du reste, l'intitulé même de la loi marque clairement la position du
Gouvernement vis-à-vis des zones rurales : elles sont une fois de plus
ignorées, au profit de l'urbain, et aucun compte n'est tenu du désir d'un
nombre toujours plus grand de nos concitoyens de s'installer et de vivre en
milieu rural.
Par l'interdiction de fait de toute construction en zone rurale, cette loi
limite tout renouvellement de population. Elle est donc totalement
inadaptée.
En outre, du fait de l'instauration d'une « participation pour le financement
des voies nouvelles et de leurs réseaux », les maires sont à présent confrontés
à de nombreuses difficultés.
Il paraît donc urgent de prendre des dispositions particulières donnant plus
de souplesse administrative à ces communes et leur ouvrant, en même temps,
l'accès à des crédits spécifiques.
Il faut se rapprocher des citoyens, tenir compte des souhaits des populations,
tout faire pour stopper l'abandon des zones rurales et y rétablir le moratoire
de la suppression des services publics que nous avions obtenu en 1995.
Ne décevons pas nos concitoyens et maintenons clairement notre opposition à
cette négation de l'aménagement du territoire dont témoigne ce projet de budget
insuffisant et aux orientations mal définies !
(Applaudissements sur les
travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Mme Yolande Boyer a dit à l'instant, monsieur le ministre, tout le bien que
nous pensions du projet de budget que vous nous présentez ce soir.
J'aborderai uniquement, pour ma part, la question des agglomérations,
lesquelles constituent assurément un enjeu très important pour l'aménagement du
territoire.
Les lois de 1992 et de 1999 ont modifié leur statut et ont majoré leur rôle
dans notre vie citoyenne, au regard des problèmes d'urbanisme, d'environnement,
de développement.
Par ailleurs, l'article 26 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire a établi que les agglomérations avaient
vocation à être des instances de contractualisation : cela a été rappelé tout à
l'heure par M. Alduy, en particulier.
Deux contrats d'agglomération ont été signés ; je sais que d'autres sont en
préparation. Un excellent et important travail a été accompli au cours des
dernières années, tout particulièrement avec la DATAR, et de nombreuses
réunions ont rassemblé des maires, des élus autour de M. Jean-Louis Guigou pour
préparer les contrats d'agglomération.
Le mouvement auquel nous assistons à cet égard est important pour deux séries
de raisons : des raisons internes à l'agglomération et des raisons externes.
Nos agglomérations sont le fruit d'une longue histoire. L'urbanisme des
cinquante dernières années a été marqué par la grande industrie, qui a engendré
la concentration urbaine, par les grands ensembles, parce qu'il fallait loger
les gens qui travaillaient dans la grande industrie, par les grandes surfaces,
parce qu'il fallait créer de nouvelles formes de distribution en face des
grands ensembles, et par le « tout-automobile ».
Tout cela a abouti aux agglomérations que nous connaissons aujourd'hui, qui
sont souvent des patchworks, c'est-à-dire des additions d'espaces
mono-fonctionnels situés les uns à côté des autres : le centre urbain
historique, les faubourgs, les périphéries verticales avec les grands
ensembles, les périphéries horizontales avec le pavillonnaire, les zones
commerciales, où il n'y a que du commerce, les zones d'activité où il n'y a que
de l'activité, les zones d'habitat, où il n'y a que de l'habitat, les zones de
loisirs, où il n'y a que des loisirs, les campus universitaires, etc.
La question qui se pose maintenant à nous est de savoir quelle ville, quelle
agglomération nous voulons. Autrement dit, quel est notre projet pour les
prochaines décennies ? En effet, la grande industrie n'est plus ce qu'elle
était, les grands ensembles sont mis en question, la grande distribution va
revêtir des formes nouvelles, etc.
Il nous faut donc une utopie pour nos agglomérations. Or cela suppose une
action très volontariste de renouvellement urbain. On ne réglera pas la
question des quartiers en difficulté si l'on s'en tient à une action cantonnée
à ces quartiers. La réparation dans un périmètre donné ne suffit pas : il ne
s'agit pas de rebâtir ces quartiers ; c'est toute l'agglomération qu'il faut
repenser, dans une vision d'ensemble.
Dans une telle perspective, il est tout à fait inopportun de dire : « Il y a,
d'un côté, une politique de la ville qui consiste à faire de la réparation
sociale des quartiers en difficulté et, de l'autre côté, une politique
d'urbanisme, où il sera question de transports, de voirie, d'environnement,
d'architecture... ». Ce qu'il nous faut, c'est un projet global.
Beaucoup d'élus urbains - et le fait d'être un élu urbain n'implique nullement
qu'on ignore le rural - souhaiteraient que, sur de grands enjeux -
l'établissement d'une ligne de transport en site propre, la réfection de tel ou
tel quartier, un projet d'urbanisme - on procède d'une manière différente de
celle qui a conduit, au cours des quatre ou cinq dernières décennies, à
commettre des erreurs énormes.
Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, on a fait partout les mêmes
entrées de ville : elles sont partout pareilles, du nord au sud et de l'est à
l'ouest, avec les mêmes pancartes, les mêmes enseignes, les mêmes tôles
ondulées, les mêmes parallélépipèdes, les mêmes cubes, la même «
non-architecture », et souvent la même laideur !
Si l'on veut reconquérir cet espace, le projet doit concerner toute
l'agglomération et il va nécessiter des moyens. Or nous avons désormais un
outil : la taxe professionnelle unique d'agglomération.
En effet, il est clair que la laideur, l'absence d'organisation et de
cohérence des entrées de ville sont le fruit d'un système où chaque maire - et
on ne peut pas lui jeter la pierre ! - cherchait à obtenir des recettes issues
de la taxe professionnelle. Dès lors, plus de plan d'ensemble, plus de
cohérence au sein de l'agglomération.
Tout est lié ! On ne peut pas dissocier l'habitat, les transports, les entrées
de ville, le commerce, les zones technologiques, les universités.
Dans cette perspective de cohérence, il serait très utile que, sur un projet
fort, une agglomération puisse passer un contrat avec l'Etat.
Sans doute avons-nous commis une erreur. Les contrats d'agglomération étant
venus après les contrats de plan Etat-régions, ils apparaissent quelquefois
comme une sorte de codicille de ces derniers. Puisque tout l'argent était
réparti dans les contrats de plan Etat-régions, il ne restait pas d'argent
spécifiquement destiné aux contrats d'agglomération. Cela explique peut-être la
lenteur du processus.
Monsieur le ministre, je me permets d'insister auprès de vous : il existe,
dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
l'outil qui doit permettre de mettre en oeuvre une vraie politique
contractuelle d'aménagement du territoire au niveau des agglomérations.
J'en viens aux raisons externes qui expliquent que les agglomérations
constituent aujourd'hui un enjeu très important.
Il est évident que les agglomérations petites et moyennes sont structurantes
de l'ensemble de l'espace. L'une des grandes idées qui sous-tendent la loi SRU,
c'est de permettre de concevoir, à travers les schémas de cohérence
territoriale, les SCOT, un ensemble où il y a une agglomération et un ensemble
de communes petites et moyennes situées dans un rayon de dix ou vingt
kilomètres autour de l'agglomération. C'est cela qui permet d'éviter le mitage,
les incohérences, les désastres pour l'environnement.
Or, à cet égard, je suis inquiet.
De même que nous avons vu se constituer des communautés de communes
défensives, c'est-à-dire des communes situées autour d'une ville-centre qui
s'unissaient pour échapper en quelque sorte à la ville-centre, on voit se
préparer un nombre non négligeable de SCOT défensifs. Autour de
l'agglomération, on réalise des SCOT qui intéressent des morceaux de pays, des
morceaux de périphérie : un au nord, un au sud, un à l'est et un à l'ouest.
Cela est tout à fait contraire à l'esprit de la loi précisément parce que
l'exigence de cohérence est battue en brèche et qu'il faudrait, à l'inverse,
harmoniser tout ce qui concerne les transports, les voiries, l'occupation de
l'espace, les parcs d'activité, etc.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que, dans votre politique,
monsieur le ministre, l'agglomération tienne une grande place à la fois pour ce
qui est de sa constitution interne, mais aussi au regard de son rôle majeur
dans un aménagement du territoire raisonné, à taille humaine. Cela nous évitera
de connaître à nouveau les dérives du passé, quand on a si mal utilisé notre
espace, en laissant se développer le mitage, en enlaidissant et en banalisant
les entrées de ville. Je crois vraiment qu'il faut faire mieux pour le xxie
siècle.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est sous
l'angle de la ruralité et de la montagne que je vais placer mon propos sur le
budget de l'aménagement du territoire.
Je ferai d'abord une remarque sur l'évolution globale du budget de ce
ministère.
M. le ministre met en avant une augmentation des crédits de 6,8 % pour 2002.
Je lui en donne acte, et je m'en félicite.
Cependant, je rappellerai que M. Cochet prend la succession de Mme Voynet, le
ministre qui a accepté une baisse de 9 % de son budget en 2000, puis une
nouvelle baisse de 10 % en 2001. Quelle conclusion peut-on en tirer ? Peut-être
M. Cochet s'est-il montré plus convaincant auprès de MM. Jospin et Fabius, et
nous ne doutons pas de sa force de conviction !
(M. le ministre sourit et
opine.)
A moins que le Gouvernement ait compris tardivement l'intérêt d'une
politique volontariste d'aménagement du territoire
(M. le ministre fait un
signe de dénégation),
ce qui serait dommage. Ou bien encore le Gouvernement
donne dans l'électoralisme,...
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Oh !
M. Bernard Fournier.
... ce que nous n'osons croire !
La politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sur le seul
terrain national. Elle est nécessairement liée aux orientations définies par la
Commission européenne, qui débloque les crédits.
Pour nos campagnes, les aides européennes sont indispensables, mais elles
demeurent trop méconnues et la procédure à suivre pour les obtenir reste
dissuasive, de sorte que, pendant que les Espagnols ou les Italiens utilisent
leurs crédits, l'administration française met un point d'honneur à en
compliquer l'obtention et à transformer leur dévolution en labyrinthe
bureaucratique qui aurait fait perdre son sourire à Courteline lui-même !
Il y a urgence, pour notre monde rural, à ce que le Gouvernement soit ferme
vis-à-vis de son administration et à ce qu'il assouplisse les procédures de
déblocage des crédits : en effet, nous le savons tous, en 2006, c'en sera fini
de cette manne européenne.
Les fonds structurels contribuent très largement à la politique nationale
d'aménagement du territoire. La révision de la carte des zones aidées a
pourtant exclu 24 % des populations jadis éligibles. La prolongation des
mesures transitoires doit donc nécessairement être étudiée,
a fortiori
lorsque l'on se rappelle l'absence de concertation qui a prévalu dans la
définition du zonage.
Il n'est plus contestable que la révision de la PAT a fragilisé les
territoires ruraux. Il m'apparaît donc évident que l'on devrait étudier la
pérennisation de certaines mesures fiscales dans les zones où la PAT disparaît.
Je pense à l'exonération de la taxe professionnelle afin de soutenir la
création d'entreprises.
A l'heure de l'examen du dernier projet de budget de ce Gouvernement, je veux
dire un mot du bilan sur la politique globale d'aménagement du territoire
depuis 1997.
La loi Pasqua de 1995 a été vilipendée et le schéma national d'aménagement du
territoire qu'elle prévoyait a été enterré en grandes pompes au profit des
schémas de services collectifs. Or force est de constater que le décret
d'application n'est toujours pas paru et que ces schémas se mettront en place
au mieux deux ans après l'entrée en vigueur des contrats de plan Etat-régions
qu'ils étaient censés cadrer !
Imaginons un instant qu'un maître d'ouvrage bâtisse une maison avant d'en
faire dessiner les plans ! C'est ce que fait le Gouvernement, non pas avec une
maison, mais avec notre pays !
L'aménagement du territoire et la décentralisation sont les deux piliers du
développement de nos provinces. L'un ne peut aller sans l'autre.
Je déplore donc que la politique de contractualisation encouragée par le
Gouvernement tourne au « miroir aux alouettes », voire au marché de dupes !
Je veux particulièrement dénoncer la tentation de l'Etat de jouer les «
marchands de tapis » lors des négociations avec les régions défavorisées. Ces
négociations sont le moyen pour l'Etat de faire contribuer financièrement les
collectivités territoriales à la mise en oeuvre de ses propres politiques. Cela
aboutit une fois de plus à des transferts de charges sans transferts de
ressources. C'est là l'exact contraire d'une véritable politique de
décentralisation.
En matière de réseaux de communication, l'élu de la Loire que je suis ne peut
que se lamenter du manque de volontarisme et de détermination d'un Gouvernement
qui, s'il entend favoriser le développement de l'Internet à haut débit d'ici à
cinq ans, n'est pas capable de faire pression sur les opérateurs de téléphonie
mobile pour améliorer la couverture du territoire.
L'absurde atteint son comble lorsque France Télécom explique aux maires ruraux
que, compte tenu du développement du GSM, l'opérateur national supprime les
cabines téléphoniques ! Les élus ruraux ont alors l'impression de se faire
prendre, passez-moi l'expression, pour les « dindons de la farce » !
Vous nous expliquez que l'Etat et les opérateurs, pour tenir l'objectif de
couverture du territoire d'ici à trois ans, apporteront 900 millions de francs.
Mais ce sont 500 millions de francs que les collectivités devront apporter. Or
cette dépense supplémentaire, à mon sens, devrait faire l'objet de la
solidarité nationale ou de la péréquation entre zones favorisées et zones
défavorisées. En disant cela, je pense plus particulièrement aux zones de
montagne.
Je trouve
in fine
que l'Etat s'en sort bien. Mais le déséquilibre des
territoires s'accentue. Vivre en zone rurale ou en montagne, c'est déjà
accepter des contraintes et des handicaps. S'il faut, en plus, mettre la main à
la poche, c'est le monde à l'envers !
Maire d'une commune rurale, je n'imagine pas que je puisse solliciter le
conseil général pour équiper ma commune en relais de couverture mobile,
d'autant plus qu'entre le financement des 35 heures et celui de l'allocation
personnalisée d'autonomie, ce sont près de 200 millions de francs de recettes
supplémentaires que l'assemblée de mon département devra trouver, et ce pour
des choix politiques qu'elle n'a pas maîtrisés. Il me semblerait pourtant
légitime que, sur ce terrain, le Gouvernement prenne toutes ses
responsabilités.
Monsieur le ministre, je suis aussi amené à m'insurger contre les choix de ce
gouvernement en matière de voies de communications.
Je sais que ce budget dépend largement et même très largement de l'équipement,
mais la question est aussi intimement liée à l'aménagement du territoire.
Mme Voynet et M. Gayssot ont entériné l'abandon de Saint-Etienne « au fond du
couloir à droite » ! Monsieur le ministre, que ferez-vous de plus ?
Le retard pris pour la construction de l'A 15 marque la volonté de l'Etat de
laisser littéralement « moisir » la capitale forézienne.
Roanne, avec l'A 89, est dans la même situation.
Comment puis-je ne pas m'insurger également contre l'oubli de la Loire par
l'Etat ? Cet oubli, ce n'est pas une paranoïa d'élu, c'est une réalité
cuisante, et je vais le démontrer.
La semaine dernière, c'est la presse qui nous apprend qu'Air France abandonne
sa liaison Saint-Etienne-Paris, et ce sans qu'aucune concertation préalable
avec les élus ait été menée !
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est les
schémas de services !
M. Bernard Fournier.
Sur cette décision, monsieur le ministre, je demande des comptes au
Gouvernement, je demande même plus, je demande des actes.
Je demande des actes parce que, par ailleurs, la liaison ferroviaire
Saint-Etienne-Lyon est la plus délabrée de France. Seul le conseil régional
fait des efforts pour avoir des rames dignes de ce nom, mais l'infrastructure
ferrée est la plus ancienne et la plus archaïque qui puisse exister, le trafic
restant subordonné au bon vouloir des agents de conduite, quand ils ne sont pas
en grève. Certes, des TGV arrivent jusqu'à Saint-Etienne. Mais, entre
Saint-Etienne et Lyon, leur vitesse ne dépasse pas celle des omnibus !
Quant à rejoindre par autoroute la capitale des Gaules depuis le chef-lieu du
département de la Loire, cela relève de la roulette russe ! L'A 47 est
surengorgée et il faut parfois plus d'une heure trente pour parcourir les 59
kilomètres qui séparent les deux agglomérations. En un mot, on se moque de nous
!
Il faut agir d'urgence, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas laisser
s'asphyxier ce département !
Comment ce Gouvernement, qui se dit solidaire, peut-il un instant être
cohérent s'il fait le choix de délaisser une région qui, en trente ans, a connu
trois reconversions industrielles majeures ?
Tout comme vous, monsieur le ministre, et au risque de vous surprendre, je
suis opposé au « tout autoroute », mais il est des réalités géographiques et
économiques indéniables.
Pour conclure, je reprendrai les remarques de mon collègue député, François
Sauvadet, qui vous a suggéré la création d'un ministère des campagnes, comme il
y a un ministère de la ville ! Pourquoi pas ?
Notre prochaine majorité devra en tout cas, me semble-t-il, intégrer cette
dimension. Le désengagement de l'Etat est tel qu'il faut rassurer les
maires.
Aujourd'hui, en effet, les élus locaux ne sont que les chambres
d'enregistrement des décisions administratives. Ils subissent la suppression
d'une subdivision d'une direction départementale de l'équipement ou, plus
insidieusement, d'un poste, voire l'abandon des missions d'ingénierie publique
par les agents de l'Etat, la fermeture estivale d'un bureau de poste qui ne
rouvrira plus, et j'en passe.
Toutes les déclarations d'intention ne suffisent pas à crédibiliser la
politique de l'Etat. Il est en effet paradoxal de souligner que, à l'époque où
un sursaut du monde rural pourrait s'observer avec la migration de populations
des villes vers les campagnes, le moratoire « Balladur » sur la fermeture des
services publics dans les campagnes a été cassé. Les familles qui sont venues
s'installer envisagent parfois, et à notre grand regret, de repartir.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Bernard Fournier.
Ce n'est pas acceptable. Vous mettez en avant des mesures d'accompagnement des
fermetures de services. Nous nous y opposons ; nous vous demandons l'arrêt pur
et simple de l'hémorragie.
Monsieur le ministre, si l'augmentation de ce budget va dans le bon sens, elle
est trop tardive. C'est la politique globale du Gouvernement en matière
d'aménagement du territoire que nous jugeons aujourd'hui et que nous rejetons,
car le mauvais élève qui se réveille au dernier trimestre n'est jamais admis.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs,
c'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous pour présenter ce budget de
l'aménagement du territoire.
Je remercie, bien sûr, MM. les rapporteurs pour l'excellence de leurs travaux,
mais je dois avouer que je ne partage pas leur appréciation générale ni celles
de quelques-uns des orateurs qui viennent de s'exprimer.
Certains d'entre vous ont dit que ce projet de budget n'était pas une priorité
essentielle du Gouvernement. Autrement dit, ils semblaient déçus. Pour ma part,
je ne suis pas déçu, au contraire.
Quand je compare la progression moyenne des autres projets de budget avec
celle de la section « aménagement du territoire », soit 6,8 %, quand je
constate que, l'an prochain, cette section sera dotée de 285,38 millions
d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, je considère qu'il
s'agit de l'expression d'un choix prioritaire.
Bien sûr, M. Gérard Larcher, s'il n'a pas employé le mot « antidémocratique »,
a tout de même dit que l'aménagement du territoire échappait au Parlement.
Souvenez-vous toutefois que c'est la loi Voynet qui a créé les délégations
!
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Elle a
supprimé le schéma national !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Voyons,
monsieur le sénateur, le schéma national n'a jamais eu le début d'un
commencement d'application. Il était impossible, de l'appliquer tellement il
était ambitieux. On a donc créé les schémas de services collectifs, certes plus
modestes, mais portant sur des secteurs particuliers. Puisqu'ils ont été
adoptés par le CIAT du 19 juillet dernier, ils auront désormais une assise
juridique, et ils entreront en application avant la fin de cette année.
Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, il est effectivement dommage
que ces schémas aient été élaborés après les contrats de plan. Je le regrette,
moi aussi.
Cela dit, il s'agit de documents d'orientation établis sur une échéance de
vingt ans, mais qui sont en cohérence avec les contrats de plan.
Nous connaissions en effet la substance des schémas de services collectifs
lors de la signature des contrats de plan, voilà deux ans. Par ailleurs, ils
vaudront peut-être pour les prochains contrats de plan.
Sachez aussi, monsieur Larcher, que les élus ont été associés à l'élaboration
des schémas de services collectifs. De plus, le Conseil national d'aménagement
et de développement durable du territoire a été élargi aux secteurs
socio-économiques et même aux associations. Cela traduit un effort de
démocratisation de la part du Gouvernement.
Certains d'entre vous se sont émus à propos du FNADT. Je précise toutefois que
ses crédits seront, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, de 210,30
millions d'euros, contre 202 millions d'euros en 2001.
Cette augmentation correspond, en réalité, à une stabilité globale des crédits
du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire compte tenu
d'un transfert interne de 7 millions d'euros pour la création, dont tout le
monde s'est félicité, de l'Agence française pour les investissements
internationaux.
Monsieur Pépin, vous avez prétendu que vingt-huit postes étaient prélevés sur
la DATAR. Pas du tout ! A l'examen, le solde net des effectifs de la DATAR est
en augmentation de sept postes.
En tout cas, je crois, messieurs les rapporteurs, comme vous l'avez souhaité,
que l'Agence française pour les investissements internationaux permettra
d'attirer les investissements étrangers en France et de rationaliser les
dispositifs en la matière. Ce besoin de « rationalisation » avait été souligné
par de nombreux rapports, notamment ceux de MM. Sautter et Melchior, de la Cour
des comptes et, plus récemment, de M. Vinçon.
Les crédits du FNADT du titre IV diminuent - vous avez été plusieurs à le
relever - pour tenir compte d'un démarrage tardif des contrats de plan en 2000.
Cette diminution n'affecte pas le niveau de réalisation des contrats de plan,
qui pourront être honorés du fait des reports ainsi générés.
En revanche, les crédits de paiement du titre VI augmentent, là aussi, du fait
d'un ajustement mécanique des paiements et des engagements.
Globalement, les crédits du FNADT sont donc stables et je ne crois pas qu'il
faille voir dans cette appréciation le souhait d'entourer cette présentation
d'un manque de lisibilité.
S'agissant du soutien aux entreprises sur les territoires, vous avez regretté,
messieurs les rapporteurs, les retards qui ont perturbé la mise en oeuvre de la
nouvelle prime d'aménagement du territoire, montrant ainsi que vous estimez,
comme moi, que ce dispositif est un outil majeur de soutien à la création
d'emplois durables et au développement d'activités économiques sur les zones
les plus prioritaires du territoire national.
La prime d'aménagement du territoire permet en effet d'encourager les
investissements créateurs d'emplois dans les zones prioritaires du territoire
national. De 1998 à 2000, plus de 400 programmes ont ainsi été primés,
représentant la création prévisionnelle de près de 35 000 emplois.
Dans ce projet de budget, les crédits affectés à la PAT ont été portés, en
autorisations de programme, à 66,32 millions d'euros pour 2002, 5,3 de plus
qu'en 2001, et à 60,98 millions d'euros en crédits de paiement, contre 45,73
millions d'euros cette année.
Nombre de sénateurs ont voulu être éclairés sur cette réforme de la PAT et les
retards de l'année 2000.
Il est exact qu'un premier projet de PAT a été adressé à la Commission en
milieu d'année 1999. Celle-ci s'est prononcée assez tardivement, en fin
d'année, et a demandé en outre des corrections. C'est un peu la dialectique
franco-européenne. En définitive, la Commission n'a rendu son avis que le 13
mars 2000, ce qui explique les retards pris. Ses modalités d'attribution ont
été fixées par le décret n° 2001-312 du 11 avril 2001.
Je ne comprends pas l'accusation que j'ai entendue lors des interventions,
selon laquelle le Gouvernement fait preuve d'une certaine opacité sur la
réforme de ce zonage.
Il y a eu une communication très importante, par voie de presse et sur le site
Internet de la DATAR, de la nouvelle carte PAT « industrie » dès que la
Commission a donné son accord sur le zonage. Un débat a eu lieu au Conseil
national d'aménagement et de développement du territoire, où siègent de
nombreux élus et acteurs socio-économiques. Je signale par ailleurs que la
réduction de zonage a été imposée par la Commission européenne à tous les Etats
membres et non pas seulement à la France. Nous ne sommes pas les victimes
uniques de cette affaire.
En dépit des retards dans la réforme, en 2001, les comités interministériels
des aides à la localisation des activités, les CIALA, ont traité la
quasi-totalité des dossiers de 2000 et de 2001. Les dossiers aidés au terme de
cet examen bénéficieront d'un montant de primes de 85 millions d'euros et
représentent la création prévisionnelle d'environ 20 000 emplois et de 2,5
milliards d'euros d'investissements.
Le résultat concret de cette réforme se résume en deux points : d'une part,
l'abaissement des seuils d'éligibilité à la PAT à 2,28 millions d'euros - 15
millions de francs - d'investissement et quinze emplois, contre 3 millions
d'euros - 20 millions de francs - d'investissement et vingt emplois
précédemment ; d'autre part, l'élargissement de l'éligibilité aux nouveaux
services jusqu'à présent internalisés dans les entreprises, comme les centres
d'appel, la logistique ou l'informatique.
En ce qui concerne les territoires exclus du nouveau zonage de la PAT «
industrie », certains d'entre vous ont émis l'hypothèse d'un mauvais
traitement, le Gouvernement délaissant l'espace rural. Ce n'est pas le cas.
Certaines zones classées en « territoires ruraux de développement prioritaires
» ou en « zones de revitalisation rurale » bénéficient d'exonérations sociales
et fiscales, notamment de l'exonération de la taxe professionnelle et de
l'impôt sur les bénéfices des sociétés.
Les collectivités locales peuvent continuer d'allouer des aides à
l'investissement immatériel pour les petites et moyennes entreprises ; la prime
régionale à l'emploi a également été révisée pour permettre des aides à la
création d'emplois dans les PME, jusqu'à 11 000 euros par emploi et 46 000
euros par entreprise, et un dispositif d'aide à l'ingénierie financière a été
négocié avec la Commission européenne pour le capital-risque, les fonds de
garantie et les prêts d'honneur aux créateurs d'entreprises.
Enfin, les zones qui sortent de la PAT pourront toujours continuer à recevoir
un soutien public pour la formation des salariés, la recherche-développement et
l'amélioration de l'environnement, à laquelle je tiens évidemment beaucoup.
Monsieur le rapporteur, vous avez salué le budget de fonctionnement de la
DATAR qui, effectivement, en 2002, s'élèvera à 14,10 millions d'euros, soit une
augmentation, à structure comparable, de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits
permettront notamment la création de sept nouveaux emplois affectés aux
commissariats de massifs. Ils contribueront ainsi à la mise en oeuvre de la
politique de modernisation et de développement économique des zones rurales de
montagne. La DATAR se dotera également d'un nouveau système d'information.
Vous vous êtes plaints d'un manque de cohérence et de lisibilité des crédits
consacrés à l'aménagement du territoire. Mais les montants que je viens de vous
présenter ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. C'est pourquoi ce
budget vous paraît petit ; mais aux crédits de ce budget, il convient d'ajouter
les éléments qui composent la politique d'aménagement du territoire.
En effet, l'aménagement du territoire, comme l'environnement d'ailleurs, sont
des concepts typiquement transversaux, et je trouve cela fort bien. S'il
fallait ne s'occuper de l'aménagement du territoire qu'au ministère chargé de
l'aménagement du territoire ou de l'environnement qu'au ministère chargé de
l'environnement, je vous avoue que je ne serais pas heureux, car ce serait
avoir une vision très restreinte. Qui plus est, le ministère serait un « nain »
administratif et budgétaire, si vous me permettez l'expression, alors que, au
contraire, nous sommes des géants politiques !
Nous devons nous féliciter que les autres ministères - presque tous - agissent
pour l'aménagement et l'environnement !
Leurs crédits concourent à hauteur de 8,2 milliards d'euros à la politique
d'aménagement du territoire ; 50 % sont consacrés au secteur des transports,
notamment au financement des infrastructures du réseau ferré et du réseau
routier national. Vous avez là la preuve, monsieur le rapporteur, que l'Etat
assume sa responsabilité en la matière !
Les exonérations de charges sociales et fiscales, qui permettent d'accroître
l'attractivité de certaines régions et d'inciter les investisseurs à
s'implanter dans les zones en difficulté, participent également de cette
politique.
Tout à l'heure, devant M. Bartolone, vous avez livré votre sentiment sur les
zones franches. Il est vrai qu'elles n'ont pas donné tout ce qu'on pouvait en
attendre.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
On ne va
pas rouvrir le débat !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous avez
raison, monsieur Larcher !
Les crédits européens au titre des fonds structurels permettront d'allouer,
entre 2000 et 2006, donc sur six ans, plus de 15 milliards d'euros.
Il faudrait également ajouter une bonne partie des crédits communautaires
destinés au soutien de l'agriculture, tant il est vrai qu'un certain nombre de
mesures agricoles, intégrées dans le programme de développement rural, sont des
outils d'aménagement du territoire. En 2002, ces fonds européens représenteront
3,35 milliards d'euros.
Au total, l'effort financier en 2002 en faveur de l'aménagement du territoire
s'élève donc à presque 12 milliards d'euros, en progression de 3,5 % par
rapport à 2001.
Aussi, vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que je ne sois décidément pas
d'accord avec votre appréciation sur la politique, que vous qualifiez
d'étriquée, du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire !
J'en viens à la réforme des fonds structurels. Tant M. Besse que MM. Pépin et
Fournier ont regretté qu'elle se traduise par une diminution d'un quart de la
population éligible. Mais la Commission européenne a imposé une réduction
significative à tous les Etats membres, un peu comme pour la PAT, dont je
parlais tout à l'heure.
Il convient cependant d'indiquer que toutes les zones qui perdent le zonage de
l'ancien objectif 2 ou 5
b
précédent bénéficient d'un zonage transitoire
et de crédits dégressifs du FEDER et du FSE jusqu'en 2005. En outre, toutes les
zones rurales continuent de bénéficier du FEOGA-développement rural et
l'objectif 3 du FSE s'applique dans tous les territoires, y compris dans ceux
qui ne sont plus éligibles au nouvel objectif 2.
Pour répondre également sur la lenteur et la procédure de ces fonds, je
reconnais, comme vous, monsieur Larcher, qu'il y a des lourdeurs, tout comme il
y a de la bureaucratie ou de la technocratie. Nous en sommes tous un peu
victimes. Ces lourdeurs sont liées, évidemment, à la confrontation de trois
niveaux d'administration. Toutefois, certains progrès ont été accomplis.
Par ailleurs, les nouveaux règlements accélèrent les procédures de délégation
de crédits aux régions. Les régions, ou certains organismes, bénéficient de
subventions globales qui leur permettront de gérer directement ces fonds
structurels. Notre niveau est shunté pour ainsi dire. Les programmes pourront
être modifiés plus simplement. L'Etat s'est engagé à ce que les services
traitent les demandes de subvention dans un délai de deux mois.
La nouvelle génération des contrats de plan 2000-2006 marque un effort accru,
monsieur le rapporteur. L'enveloppe globale des contrats de plan, Etat et
collectivités, s'élève à plus de 35 milliards d'euros sur six ans. Le
Gouvernement a souhaité que ces contrats de plan intègrent un volet territorial
considérable, qui représentera, à la fin de 2006, 25 % de ce total, soit près
de 9 milliards d'euros.
Par ailleurs, pour dresser un tableau le plus exhaustif possible, il faut
mentionner les avenants aux contrats de plan Etat-régions qui ont été décidés
pour faire face aux intempéries et aux conséquences de la marée noire ; ils
s'élèvent à 1,05 milliard d'euros, dont 579 millions d'euros pour l'Etat. Je
réponds sur ce point à M. Mouly.
Les orientations de la politique d'aménagement du territoire se manifestent
notamment par la mise en oeuvre d'une planification territoriale rénovée,
élargie, fondée sur une stratégie de long terme : les schémas de services
collectifs sont, monsieur Pépin, bel et bien inscrits dans la loi d'orientation
pour l'aménagement et de développement du territoire du 25 juin 1999. Ils ont
été validés le 9 juillet dernier par le comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire, et ont été examinés par le
Conseil d'Etat. Ils seront publiés par décret avant la fin de l'année. Ce sera
le cadeau de Noël !
(Sourires.)
Monsieur le rapporteur, vous avez estimé que cette politique était « décevante
». Là encore, je ne suis pas d'accord. M. Mouly a aussi abordé ce sujet des
schémas de services collectifs.
Ils se concentrent sur la satisfaction des besoins, au plus près des
populations concernées. Il ne s'agit plus d'une politique d'infrastructures, à
l'image de celle des années cinquante, période de reconstruction.
Ils font l'objet d'une très longue phase de concertation initiale, d'abord au
niveau régional - la procédure associe les conseils régionaux, les conseils
économiques et sociaux régionaux, les conférences régionales de l'aménagement
et du développement du territoire, les parlementaires, les conseils généraux,
les élus des villes et des structures de coopération intercommunales - puis au
niveau national, avec les instances sectorielles et le CNADT.
M. Hilaire Flandre.
Un grand palabre pour un grand forum !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Sil avait
fallu faire un débat sur chacun de ces schémas, on y serait encore ! Il fallait
pouvoir être efficace et démocrate. Nous l'avons été d'ailleurs au meilleur
niveau, le niveau régional.
Les consultations ont associé également les socioprofessionnels, les
associations. Enfin, il y a les délégations parlementaires.
M. Mouly et Mme Didier ont évoqué les mesures en faveur de la communication et
de l'information. C'est la société dans laquelle nous entrons. Il faut insister
sur ce point qui me paraît crucial.
Il n'est pas normal qu'on ne puisse pas, partout sur le territoire français,
accéder de la même manière et avec la même facilité au réseau de téléphonie
mobile. Il n'est pas normal non plus que des disparités existent entre nos
concitoyens pour l'accès à ces nouvelles technologies, ainsi que le soulignait
encore Mme Didier. Pour cette raison, un programme d'action gouvernemental a
été adopté pour la société de l'information. Il entend favoriser la diffusion
des hauts débits sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, 400 espaces
publics numériques de proximité ont été décidés en supplément des 2 500 déjà
retenus en 2000. A cela s'ajoutent, notamment, le programme campus numérique,
la création d'écoles de l'Internet à Marseille, à Bourges, à Roubaix-Tourcoing,
à Gardanne, le développement du « web-TV » pour les sourds, la création de
portails culturels territoriaux, etc.
Le Gouvernement a également décidé qu'une couverture territoriale téléphonique
mobile serait assurée à 100 % d'ici à trois ans. Vous le souhaitiez, monsieur
Mouly.
Actuellement, 92 % du territoire métropolitain est couvert par un tel réseau,
46 000 kilomètres carrés ne sont pas couverts. Aussi, le Gouvernement a décidé
la mise en place d'un dispositif de soutien public à l'investissement des
collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de
base équipées.
L'objectif est de couvrir non seulement l'ensemble des lieux habités,
permanents ou occasionnels, mais aussi l'ensemble des axes de transport
prioritaires.
Le coût global de cette opération devrait s'élever à 213 millions d'euros. Il
sera cofinancé par l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs en 2002
; 15 millions d'euros sont d'ores et déjà inscrits au sein du FNADT pour cette
opération.
Comme vous le souhaitez, madame Boyer, la politique territoriale est également
contenue dans la poursuite de l'implantation des emplois publics, qui a été
fortement relancée à deux reprises, en 1991 et en 2000.
Les opérations nouvelles d'implantation d'emplois publics, décidées lors du
CIADT du 9 juillet dernier, permettront d'apporter 4 850 emplois en région,
dans les zones prioritaires. Citons l'Agence technique de l'information sur
l'hospitalisation et l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme à Lyon,
l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies à Saint-Denis, l'Agence
française de sécurité sanitaire environnementale - j'y tiens beaucoup - à
Saint-Maurice, le Centre des archives diplomatiques à La Courneuve et la
création de quatre écoles de police à Oissel, Nîmes-Courbessac, Montbéliard et
Périgueux.
Cette politique d'implantation - je réponds ici à Mme Boyer ainsi qu'à M.
Mouly - doit, bien sûr, être menée de front avec une politique de maintien et
de préservation des services publics en milieu rural.
Tout en assurant à chacun un égal accès et des prestations de même qualité,
les services publics doivent adapter leur dispositif aux évolutions importantes
de la population. Des évolutions avaient déjà été constatées entre les deux
derniers recensements de 1990 et 1999, mais, d'après les projections de l'INSEE
pour 2030, d'autres sont en cours, qui vont être importantes.
En ce qui concerne la modernisation des services publics, les concepts de
maison de services publics, donc de services publics polyvalents, sont des
expériences intéressantes, mais que l'on doit conforter par une meilleure
coordination. C'est dans cette optique qu'un comité de suivi des maisons de
services publics a été créé et que des appels à projets ont été lancés auprès
des préfets de région pour la création de nouvelles maisons de services
publics.
Une plus grande attention est apportée aux mesures d'accompagnement des
réformes, de manière que le service rendu aux usagers ne soit pas altéré et
qu'il soit, au contraire, encore amélioré. Des mesures de compensation sont
prises, le cas échéant, en fonction des contraintes et des intérêts locaux,
lorsque les restructurations sont indispensables.
Le CIADT du 9 juillet 2001, toujours le même, a décidé de poursuivre l'effort
tendant à renforcer la présence et la qualité des services publics de
proximité.
J'ai également été interrogé sur les contrats territoriaux d'exploitation.
Bien que ce dossier ne dépende pas directement de mon ministère, mais plutôt de
celui de M. Glavany, je crois pouvoir dire que, après un démarrage plus lent et
plus laborieux que prévu, les CTE sont maintenant en ordre de marche, puisque
21 000 sont d'ores et déjà validés par les commissions départementales et 16
400 signés. Plus d'un million d'hectares sont contractualisés. Il faut savoir
que quinze CTE représentent, en moyenne, un nouvel emploi.
M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur le processus de réforme
des zonages. Vous savez que Mme Perrin-Gaillard et M. Duron ont remis leur
rapport le 17 mai dernier.
Ce document contient trente-cinq propositions concentrées autour de quatre
idées-force : la simplification des mesures dans le domaine tant de
l'aménagement du territoire que de l'environnement ; le remplacement du système
de zonage par la contractualisation fondée sur des projets de territoire - des
projets et non pas des guichets, madame Boyer ; la mise en place d'un
environnement favorable à ce passage à une nouvelle logique grâce à des mesures
de formation et d'information ; enfin, le développement du dispositif
d'évaluation et la création d'un observatoire du développement durable.
Monsieur Fournier, vous m'avez interrogé sur l'autoroute A 45
Saint-Etienne-Lyon et, plus généralement, sur la région de Saint-Etienne, qui
vous est chère.
Le comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1997,
vous vous en souvenez, a permis de définir une stratégie globale par rapport à
un système de transport entre Lyon et Saint-Etienne.
Pour le court terme, c'est-à-dire la période 2000-2006, il s'agit d'un
développement très significatif du niveau de service des liaisons ferroviaires
visant à mettre en place une desserte cadencée Lyon-Saint-Etienne-Firminy, une
optimisation de l'exploitation ainsi que des aménagements de sécurité des
infrastructures routières existantes - l'A 47 - et de protection phonique des
riverains.
Pour le moyen terme et le long terme, il s'agit d'une nouvelle infrastructure
autoroutière, à savoir l'A 45, de la requalification de l'A 47, pour mieux
servir le trafic local, et de la poursuite de l'amélioration des
infrastructures ferroviaires.
Cette stratégie a trouvé ses premières traductions dans le contrat de plan
Etat-région, qui prévoit, en matière ferroviaire, l'électrification de la ligne
Saint-Etienne-Firminy, des investissements de capacité dans le noeud lyonnais
incluant le secteur de Givors, qui profiteront directement aux liaisons
Saint-Etienne-Lyon, et des crédits pour l'amélioration de l'autoroute A 47 pour
un montant de 240 millions de francs. L'an prochain, exprimé en euros, cela
fera beaucoup moins !
(Sourires.)
L'autoroute A 45, qui ne figurait pas au précédent schéma directeur
autoroutier, a été inscrite dans les schémas de services collectifs de
transport. Le ministère des transports a approuvé le fuseau de 1 000 mètres en
février 1999.
Les études d'avant-projet sommaire se poursuivent en vue d'une consultation
sur le choix du tracé. Même si le projet de l'A 45 a sa logique propre et
progresse indépendamment, le débat public est en cours sur les contournements,
par exemple, le contournement ouest de Lyon, pour ce qui concerne le transport
routier ; en ce qui concerne le transport ferroviaire, ce serait plutôt à l'est
de l'agglomération.
J'en viens à la liaison aérienne Saint-Etienne-Paris, qui était, jusqu'à
présent, exploitée par la compagnie Air France à l'aide d'un Focker 70 affrété
auprès d'Air littoral à raison de trois fréquences journalières. Le trafic de
cette ligne est en diminution constante depuis quelques années, compte tenu de
la concurrence du TGV. La compagnie Air France ayant estimé qu'il ne lui était
plus possible de continuer à exploiter cette ligne, il convient, dès lors,
d'examiner si une autre compagnie ne serait pas intéressée.
Si tel n'était pas le cas...
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Et le
fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA ; il
est fait pour ça !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président de la commission, le transport aérien, hélas ! n'est plus un
service public en France.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Mais on a
créé un fonds pour ce type de problème !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous avez
raison, il reviendrait aux collectivités locales et aux milieux
socio-économiques de faire appel au FIATA, qui sert à la péréquation des lignes
aériennes, car la liaison Saint-Etienne-Paris semble répondre aux critères
d'éligibilité à ce fonds.
Il faudrait inscrire cette desserte aérienne comme obligation de service
public et, alors, en discuter avec la Commission européenne. C'est une
possibilité, monsieur le président de la commission.
M. Rispat m'a interrogé sur l'itinéraire à grand gabarit Bordeaux-Toulouse. Je
m'interroge moi-même, y compris en termes d'effet sur l'environnement. La
Garonne n'étant pas navigable au-delà de Langon, la liaison sera fluviale entre
Bordeaux et Langon, et routière entre Langon et Toulouse.
Pour choisir la partie routière de l'itinéraire entre Langon et Toulouse,
plusieurs tracés ont été étudiés. Finalement, le troisième itinéraire a été
retenu, qui passe par Captieux, Estampon, Gabarret, Eauze et Auch, dans les
Landes, et le Gers, votre département, monsieur Rispat. Cela fera plaisir aussi
peut-être à M. Emmanuelli !
(Sourires.)
La liaison de 250 kilomètres comprendra les aménagements des routes
existantes ainsi que des déviations d'agglomération ou des rectifications de
virages. Les travaux ainsi réalisés profiteront, je l'espère, aux riverains -
on attend une diminution des nuisances sonores - mais aussi aux usagers de la
route, qui auront des conditions de circulation plus fluides et plus sûres.
Vous le savez, je n'étais pas un fanatique de cette liaison, mais une loi a
été votée, et il faut en tirer le meilleur parti. Précisément, à cet égard, je
tiens beaucoup à ce que cet itinéraire soit synonyme d'amélioration de
l'environnement et du cadre de vie, monsieur Rispat.
L'enquête publique est terminée depuis une quinzaine de jours. Les travaux
devraient s'achever en septembre 2003. L'ensemble des conseils généraux ont
délibéré pour requalifier les routes départementales en routes nationales. Le
plan de financement est en cours de discussion.
Mais l'aménagement du territoire consiste aussi à anticiper les mutations
économiques. Plus d'un million d'euros seront consacrés à des études qui
permettent de déterminer les enjeux régionaux et les besoins locaux en termes
de technologies dites « clés » parce qu'elles représentent les outils de
développement jugés les plus pertinents pour ces territoires. Nous conduirons
des expériences pilotes en Aquitaine, en Franche-Comté, en Lorraine et en
Haute-Normandie.
M. le président.
Monsieur le ministre, il serait souhaitable que nous achevions nos travaux au
plus tard à deux heures afin de pouvoir les reprendre à onze heures.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
conclus, monsieur le président, car il est vrai que nous sommes déjà demain, si
je puis dire !
(Sourires.)
Les plates-formes d'initiative locale, auxquelles vous êtes attaché comme moi,
monsieur Besse, font l'objet d'une dotation de 1,5 million d'euros qui
permettra la création de quarante plates-formes.
Tout le monde tient beaucoup au pays, y compris mon prédécesseur, Mme Voynet,
et moi-même. Les pays offrent de nouvelles perspectives, même si, vous l'avez
rappelé, monsieur Alduy, on constate un phénomène de superposition. Les élus
locaux et les maires s'en plaignent. J'ai bien entendu votre propos, et j'y
suis très sensible.
M. Sueur a parlé avec brio des contrats d'agglomération et de la taxe
professionnelle unique. Ces idées sont à développer. Le projet d'agglomération
relève de la responsabilité des collectivités locales, mais l'Etat, lui,
contrôle la cohérence et la pertinence des projets dans les différents
périmètres d'intervention. Cela doit converger avec les schémas de cohérence
territoriale, ou SCOT.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, sachez que
je reste à votre disposition pour répondre par écrit à toutes vos questions.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Alduy et Mouly
applaudissent également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement
du territoire.
état b
M. le président. « Titre III : moins 4 833 722 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
6 149 233 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
état c
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 269 230 000 euros ;
« Crédits de paiement : 74 137 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'aménagement du territoire.
11
transmission d'un projet de loi
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances
rectificative pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 123, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
12
dépôt d'une proposition de résolution
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Oudin une proposition de résolution, présentée au nom
de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73
bis
du règlement, sur le Livre blanc sur la politique européenne des transports
(E-1818) et sur la proposition de décision modifiant les orientations
communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport (n°
E-1841).
La proposition de résolution sera imprimée sous le numéro 122, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
13
dépôt d'un rapport d'information
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Le Pensec un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur l'état d'avancement du
partenariat euro-méditerranéen.
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 121 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, vendredi 7 décembre 2001, à onze heures, quinze heures et
le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. - Emploi (et articles 68 à 70 et 70
bis) :
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 17) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(travail et emploi, avis n° 91, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (formation professionnelle, avis n° 19, tome V).
II. - Santé et solidarité (et article 71
ter)
(Procédure de questions
et de réponses avec droit de réplique des sénateurs.)
:
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 18) ;
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(solidarité, avis n° 91, tome I) ;
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (santé, avis n° 91, tome II).
Aménagement du territoire et environnement :
II. - Environnement (*) :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 5) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
et du Plan (avis n° 89, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 88, tome III).
DÉLAI LIMITE POUR LES INSCRIPTIONS DE PAROLE DANS LES DISCUSSIONS PRÉCÉDANT
L'EXAMEN DES CRÉDITS DE CHAQUE MINISTÈRE
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS AUX CRÉDITS BUDGÉTAIRES POUR LE
PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS AUX ARTICLES DE LA DEUXIÈME PARTIE,
NON JOINTS À L'EXAMEN DES CRÉDITS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
DÉLAI LIMITE POUR LES INSCRIPTIONS DE PAROLE ET POUR LE DÉPÔT DES
AMENDEMENTS
Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à la Corse (n° 111, 2001-2002) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 11 décembre 2001, à seize
heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 11 décembre 2001, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois (n° 109, 2001-2002) sur la proposition
de loi de M. Hubert Haenel et de plusieurs de ses collègues portant réforme de
la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans
les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses
dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à
dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une
priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de
handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de
handicap (n° 325, 2000-2001) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 12 décembre 2001, à
dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 38 de M. Henri Revol à M. le ministre de la
recherche sur l'avenir de la politique spatiale française et européenne à
l'issue de la conférence interministérielle de l'agence spatiale européenne du
15 novembre 2001 ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 12
décembre 2001, à dix-sept heures.
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de
modernisation sociale (AN, n° 3316) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 13 décembre 2001, à douze
heures ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
jeudi 13 décembre 2001, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 7 décembre 2001, à deux heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 6 décembre 2001
SCRUTIN (n° 29)
sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (budget de l'éducation nationale, enseignement
supérieur).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 113 |
Contre : | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (20) :
Pour :
7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon
Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et François Fortassin.
Contre :
13.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (95) :
Contre :
93.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour :
83.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (53) :
Contre :
53.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Contre :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Robert Del Picchia
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Alain Joyandet
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kerguéris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Hubert
Durand-Chastel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du
Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 312 |
Nombre des suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 112 |
Contre : | 200 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.