SEANCE DU 5 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord souligner
la nette amélioration, par rapport à l'année dernière, de la transmission par
le Gouvernement des informations que j'avais demandées dans mon questionnaire
budgétaire. Je rappelle à ce propos qu'à partir du 1er janvier prochain ce
questionnaire aura valeur organique, de même que le délai de réponse, fixé au
début du mois d'octobre.
L'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses
distinctes.
La première est juridique et porte sur la présentation des crédits du
ministère de la fonction publique, qui sont individualisés dans le budget des
services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat « Fonction publique
». Ces crédits s'élèvent à 216,92 millions d'euros en 2002, soit un niveau
stable par rapport à 2001.
La seconde analyse est économique et concerne l'ensemble des charges de
personnel de l'Etat, c'est-à-dire les crédits de rémunération, les charges
sociales et les pensions, qui s'établissent à 112,5 milliards d'euros en 2002,
soit 43,3 % des dépenses du budget général, après 42,2 % en 2001.
Les dépenses de fonction publique
stricto sensu
s'élèvent à environ 109
milliards d'euros de plus que l'année dernière, soit une progression de 4,6 %,
alors que les dépenses du budget général progressent seulement de 2 % en
2002.
Surtout, la fonction publique de l'Etat induit des dépenses qui vont bien
au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires. Hors modifications de
périmètre, ces dépenses induites étaient, en 2000, de 115,10 milliards d'euros,
soit une progression à champ constant de 3 % par rapport à l'année
précédente.
Après cette présentation rapide des grandes masses budgétaires, je
souhaiterais vous faire part de trois observations que m'inspirent les
dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2002,
en tentant de présenter le bilan de l'action du Gouvernement au cours de la
législature.
Première observation, la fonction publique a été la première priorité du
Gouvernement tout au long de la législature.
D'abord, depuis 1997, le nombre de fonctionnaires a considérablement augmenté,
puisque près de 28 000 nouveaux emplois budgétaires ont été créés. Le « gel »
de l'emploi public, un temps mis en avant par le Premier ministre, n'est donc
qu'un mythe !
Ces créations massives d'emplois publics ont repris l'année dernière, et
s'amplifient en 2002, puisque le présent projet de loi de finances prévoit la
création de 15 892 emplois supplémentaires, dont 14 611 au sein des services de
l'Etat et 1 281 dans les établissements publics.
Une fois encore, le ministère de l'éducation nationale bénéficie de la
majorité de ces créations d'emplois, soit plus de 7 700, alors que le nombre
des élèves et des étudiants continue de diminuer. Jusqu'où va-t-on aller ainsi
?
Comme d'habitude, le Gouvernement préfère différer la réflexion qu'il convient
pourtant d'engager d'urgence sur la façon d'adapter le format de l'Etat, compte
tenu des très nombreux départs à la retraite de fonctionnaires au cours des
prochaines années.
Ensuite, sont prévues un certain nombre de mesures destinées à « remettre en
ordre » les personnels de l'Etat, notamment au titre de la résorption de
l'emploi précaire dans la fonction publique et de la régularisation de
surnombres.
Au total, ce sont donc plus de 29 000 emplois budgétaires supplémentaires qui
sont créés par le projet de loi de finances pour 2002, après plus de 20 800 en
2001.
Le devenir des emplois-jeunes n'est en rien réglé, en dépit du « battage »
médiatique orchestré à la fin du printemps par le Gouvernement sur le plan de «
consolidation » de son dispositif.
Il convient de relever que le Gouvernement a régulièrement modifié ses
objectifs en matière d'emplois-jeunes. Il a cru pendant un moment pouvoir
atteindre fin 2000, et non fin 2002, la création de 350 000 de ces emplois.
En outre, son objectif a changé de nature, puisqu'il s'agit de le mesurer non
plus en stock, mais en flux. Au 30 juin dernier, on comptait 328 000 jeunes
embauchés dans ce dispositif, alors que le Gouvernement note que ledit
dispositif vise à « porter à 360 000 à la fin 2002 le nombre des jeunes qui
auront bénéficié du programme depuis sa création ». Avec ces différentes
formulations ambiguës, on finit par ne plus savoir si les chiffres fournis
doivent être compris en stock ou en flux !
Si les emplois doivent être consolidés, les dépenses seront aussi pérennisées.
Bien que, pour la première fois, les dotations allouées aux emplois-jeunes
diminuent de 3,6 %, soit 3,23 milliards d'euros, il convient de noter que le
chapitre budgétaire concerné fait l'objet d'une importante surdotation, puis
d'une régulation non moins importante en cours d'année. En tout état de cause,
on ne sait toujours pas ce que deviendront les jeunes ainsi embauchés, ce qui
ne manque pas de susciter leur inquiétude, comme l'a montré la récente
manifestation des aides-éducateurs.
Sur le plan budgétaire également, la fonction publique aura été la véritable
priorité du Gouvernement depuis 1997.
D'une part, les rémunérations publiques sont de plus en plus coûteuses. Le
coût de l'accord salarial du 10 février 1998 s'est établi à 6,30 milliards
d'euros pour l'ensemble des trois fonctions publiques sur la période
1998-2000.
L'échec des négociations salariales visant à couvrir la période suivante a
conduit le Gouvernement à prendre des mesures unilatérales, dont le coût, pour
la seule fonction publique d'Etat, s'élève à près de 3 milliards d'euros, et à
5,20 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques.
En outre, afin de maintenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires, compte tenu
d'une inflation plus importante que prévue, M. le ministre a annoncé un « coup
de pouce » supplémentaire de 0,4 % au 1er mars prochain, pour un coût de 445
millions d'euros.
Par ailleurs, il semble que le budget général ne va plus servir qu'à assurer
la rémunération des fonctionnaires. La part croissante des dépenses de
personnel accentue, en effet, la rigidité du budget de l'Etat, d'autant plus
que cette croissance est largement automatique. Les dépenses liées à la
fonction publique ont augmenté d'environ 16 % depuis le début de la législature
; elles représentent plus de 70 % de la progression des dépenses au titre des
dix premiers postes du budget général, soit, depuis 1997, 15 milliards d'euros
sur 21 milliards.
Enfin, il semble bien que les 35 heures dans la fonction publique deviennent
un piège dans lequel le Gouvernement s'est lui-même enfermé. Ayant affirmé à
plusieurs reprises, notamment au Sénat l'année dernière, que la réduction du
temps de travail dans la fonction publique de l'Etat serait réalisée à
effectifs constants, le Gouvernement se trouve aujourd'hui confronté à
d'extrêmes difficultés pour négocier le passage aux 35 heures. Les discussions
engagées, particulièrement longues et laborieuses, donnent lieu à de multiples
conflits sociaux.
Pour sortir de ces difficultés, le Gouvernement se voit contraint de
s'affranchir de la réglementation qu'il a lui-même édictée - au ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie en particulier - et de créer des
emplois, malgré tout. C'est ainsi que Mme la ministre de la justice a déclaré
devant la commission des finances que la création de 700 emplois de gardien de
prison résultait directement du passage aux 35 heures.
Deuxième observation, aucune réforme structurelle n'a été engagée dans la
fonction publique depuis le début de la législature.
Le dossier des retraites publiques constitue, bien sûr, l'exemple le plus
emblématique mais aussi le plus dramatique de l'immobilisme du Gouvernement.
Sur ce point, le vide de son bilan est particulièrement inquiétant.
Je rappelle que l'explosion du coût des pensions de la fonction publique est
déjà programmée. Le Conseil d'orientation des retraites, créé en juillet 2000
pour gagner du temps, a fait le même constat. Il a noté, en outre, que les
disparités entre les retraites publiques et privées vont s'accroître en
l'absence de modification législative. Il a exprimé son souhait, comme je le
fais depuis plusieurs années, de procéder à un alignement de la durée de
cotisation des fonctionnaires, qui est aujourd'hui de 37,5 années, sur le droit
commun applicable aux salariés du secteur privé, soit 40 ans.
Le Gouvernement n'a quasiment rien fait non plus en matière de gestion des
ressources humaines dans la fonction publique. Les conclusions du premier
rapport public particulier de la Cour des comptes, publié en janvier 2000, ont
malheureusement été confirmées par le deuxième, qui date d'avril dernier :
l'Etat est un employeur accablant.
De surcroît, la Cour des comptes note que les mesures prises par le
Gouvernement à la suite de ses premières enquêtes « ne concernent que quelques
ministères et sont de portée limitée ».
Troisième observation, depuis 1997, l'Etat n'a fait l'objet que de simples «
réformettes ».
Se contentant d'affichage, notamment au travers d'un nombre impressionnant de
circulaires particulièrement complexes, le Gouvernement se limite dans les
faits à prendre un ensemble de micro-décisions, sans élaborer de projet
d'ensemble. Parce qu'il a supprimé la fiche individuelle d'état civil ainsi que
la certification conforme de copies de documents, il croit avoir réformé l'Etat
!
Ces décisions en disent surtout long sur l'archaïsme de notre administration
et paraissent peu ambitieuses au regard des réformes, parfois profondes,
entreprises par les principaux pays développés, dont la France ferait bien de
tirer quelques enseignements.
Quant aux instruments dont notre pays s'est doté pour impulser la réforme de
l'Etat, ils manquent bien souvent d'ambition, à l'exemple du Fonds pour la
réforme de l'Etat, qui se contente de saupoudrer des crédits sur l'ensemble du
territoire afin de cofinancer des opérations qui ont un lien pour le moins ténu
avec la réforme de l'Etat.
Le Gouvernement ferait bien, pourtant, de s'attacher à véritablement améliorer
la qualité des services publics. C'est ainsi que le rapport annuel de
l'Inspection générale des affaires sociales, consacré aux liens entre les
institutions sociales et leurs usagers, a montré qu'il restait de très amples
efforts à fournir pour améliorer la qualité de l'accueil et du service
rendu.
Je terminerai en rappelant que « le préalable à la réforme de l'Etat »,
c'est-à-dire la réforme de l'ordonnance organique de 1959, résulte, en
revanche, d'une initiative du Parlement. Or la loi du 1er août 2001 relative
aux lois de finances permettra de réformer le cadre de la gestion publique pour
l'orienter vers les résultats et la recherche de l'efficacité et de renforcer
la transparence des informations budgétaires ainsi que la portée de
l'autorisation parlementaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque je vous écoute, je crois à votre
sincérité et à votre bonne volonté ; mais lorsque je vois le bilan du
Gouvernement, je ne puis que constater son échec.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, dix minutes ;
Groupe socialiste, treize minutes ;
Groupe de l'Union centriste, huit minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, dix minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, cinq minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
rapporteur spécial, M. Gérard Braun, a excellemment souligné les interrogations
essentielles que ne manque pas de soulever le projet de budget de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat.
J'évoquerai d'abord son volume financier, qui croît d'année en année dans des
proportions préoccupantes alors même que ne sont pas prises en compte les
répercussions progressives, mais inéluctables, du passage aux 35 heures,
l'intégration d'un grand nombre d'emplois-jeunes et les créations de postes
effectivement indispensables dans certains secteurs très spécifiques.
Mais s'il convient de se préoccuper du poids financier de la structure
étatique, il convient bien davantage encore de se poser la question de son
efficacité par rapport aux objectifs qui lui sont assignés.
Se poser cette question-là, c'est y répondre en décrivant une technostructure
de plus en plus lourde et complexe qui n'a pas, face aux formidables mutations
de notre société et face à son environnement économique et international, la
réactivité qui lui serait indispensable.
Ce constat ne met nullement en cause les acteurs de ce dispositif, dont la
compétence est généralement remarquable, qui sont animés d'un authentique
dévouement au service public, mais qui sont conduits à remplir leur mission
dans un environnement législatif d'une extraordinaire complexité : environ 8
000 lois, 110 000 décrets, de multiples textes internationaux, un foisonnement
de réponses aux questions écrites ou orales, une abondante jurisprudence.
Comment s'étonner, dès lors, qu'il faille chaque année environ 20 000 pages du
Journal officiel
pour publier des circulaires interprétatives, chaque
échelon de l'administration craignant obsessionnellement de s'écarter, ne
serait-ce que d'un pouce, de l'orthodoxie réglementaire ?
Le dispositif fonctionne comme un dispositif de procédure et non comme un
dispositif de responsabilité. Les conséquences en sont souvent gravissimes.
J'en citerai un exemple, parmi des centaines : les entreprises d'insertion,
qui jouent pourtant un rôle essentiel dans l'un des axes prioritaires du
Gouvernement, ne reçoivent qu'au mois d'octobre le premier acompte pour les
actions qu'elles conduisent et financent, dans la difficulté et dans
l'angoisse, depuis le début de l'année.
Cette inertie structurelle de l'administation a une conséquence plus grave
encore. Elle confisque, en réalité, le pouvoir politique. Le rythme d'entrée en
application des lois votées par le Parlement en est sans doute l'exemple le
plus saisissant, ainsi d'ailleurs que la part faite aux décrets d'application
par rapport au cadre général défini par le législateur.
Il est vrai que des réformes ont été engagées pour lesquelles, il faut bien le
reconnaître, la capacité de négociation de l'Etat ne s'est pas révélée
particulièrement performante. L'échec spectaculaire de la réforme de Bercy,
renvoyée à l'échéance de 2007, en apporterait, s'il le fallait,
l'illustration.
Dans les autres secteurs également, la négociation n'est partie d'aucun
constat, ne s'est appuyée sur aucun principe clairement affirmé, s'est très
rapidement trouvée éclatée administration par administration et ne parvient
guère, apparemment, à passer d'une logique de moyens à une logique de
résultats.
Dans cette perspective, la méthode mise en oeuvre pour mettre en place des
contrats d'objectifs et de moyens avec certains services publics -
l'audiovisuel notamment - avait pourtant ouvert une voie intéressante. Il
s'agit, en fait, d'anticiper, d'évoluer, d'établir des stratégies à long terme
et de se donner les moyens de mesurer réellement l'impact des actions conduites
par l'administration.
Pour faire mieux, il faudrait nécessairement plus de moyens. Il y aurait, sur
ce point, beaucoup de choses à dire, le service public de l'éducation nationale
représentant, à ce titre, sans mauvais jeu de mots, « un cas d'école ».
Et il serait sans doute cruel de comparer le rapport qualité-prix des
compétences exercées aujourd'hui par les régions et les départements avec le
rapport qualité-prix de celles qui relèvent des missions régaliennes de
l'Etat.
Certes, des efforts ont été accomplis pour simplifier les relations des
citoyens avec leur administration. Les fiches d'état civil et les
certifications conformes ont été supprimées. Le vocabulaire de certains
formulaires a été simplifié. Pour appréciables qu'elles soient, ces réformes
constituent le volet le plus facile d'une réforme qui doit dorénavant
s'attaquer aux structures elles-mêmes, plus qu'à l'écume des choses.
Vous avez déclaré à la presse ceci, monsieur le ministre : « quand nous avons
supprimé les fiches d'état-civil, nous avons gagné du temps. Certains maires
sont donc passés aux 35 heures sans augmenter leur personnel ». Les maires qui
se débattent au milieu des difficultés soulevées par le passage aux 35 heures
ont diversement apprécié, surtout ceux qui ont à leur service un unique
secrétaire de mairie et un seul ouvrier communal, d'autant plus qu'ils sont
censés améliorer la qualité du service offert à leurs concitoyens tout en
s'inscrivant dans les contraintes de la loi.
Cette transition me donne l'occasion d'évoquer, pour terminer, les énormes
difficultés que connaissent les élus locaux dans la gestion de leurs agents.
Ils sont sans doute les seuls employeurs à ne participer à aucune négociation
relative à la rémunération et aux conditions de travail de leur personnel.
Mieux encore, l'Etat exerce sur ces employeurs une tutelle paralysante, les
forçant à respecter des règles que, beaucoup moins vertueux, il est loin de
s'appliquer à lui-même.
Les collectivités territoriales sont donc confrontées à des problèmes d'une
complexité croissante en matière de marchés publics, d'urbanisme,
d'informatique, d'environnement, de prévention des risques, d'ordre public.
Mais quand les filières normales de recrutement ne leur permettent pas de
répondre à leurs besoins, il leur est interdit de recourir à des contractuels
alors que, dans le même temps, l'Etat fait massivement appel à ce type de
recrutement.
Les communes engagent avec le grade d'ouvriers d'entretien, d'agents
administratifs, d'agents sociaux, c'est-à-dire à l'échelon le plus modeste, des
hommes et des femmes ayant niveau de bac + 2 à bac + 5. J'ai vainement proposé,
à deux reprises, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la
modernisation sociale, que l'on puisse prendre en compte l'expérience
professionnelle au moment du recrutement, non pour l'accès à un grade, non pour
une prise en compte au titre de la retraite, mais simplement afin qu'un
candidat externe qui réussit le concours de rédacteur à trente-deux ans puisse
être titularisé en tenant compte de ses années d'expérience professionnelle et
qu'un électricien de trente-cinq ans, victime d'un licenciement économique,
puisse être recruté à un autre niveau que le jeune venant tout juste d'achever
son cursus de formation.
Il y a là un obstacle facile à supprimer, et qui prive, dans la situation
actuelle, les collectivités territoriales de collaborateurs dont elles auraient
le plus grand besoin.
Il y aurait beaucoup à dire, également, sur l'inadaptation de la loi sur la
résorption de l'emploi précaire, qui, en particulier dans les régions et les
départements, ne répond que très imparfaitement aux situations des personnels
concernés et, lorsqu'elle s'applique à eux, les pénalise gravement, pour la
même raison que celle que j'ai évoquée précédemment, c'est-à-dire la non-prise
en compte des années d'expérience professionnelle.
Quant aux règles régissant les seuils et les quotas, elles représentent une
survivance archaïque qui s'oppose à tout management dynamique du personnel.
Un Etat moderne a besoin de structures souples, efficaces, réactives.
Le projet de budget qui nous est proposé ne s'inscrit ni dans une telle
logique ni dans une telle perspective. Je ne pourrai donc, avec mes collègues
du groupe du Rassemblement pour la République, qu'émettre un vote défavorable.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette
heure matinale, nous traitons d'un budget important, et même, comme l'a dit M.
le rapporteur spécial, du budget le plus important de l'Etat.
Depuis un certain nombre d'années, avec la Cour des comptes d'ailleurs, nous
mettons en garde le Gouvernement contre la progression des dépenses de
fonctionnement et la diminution des dépenses d'investissement.
Une telle pratique ne peut que renforcer la rigidité du budget de l'Etat et
constituer une atteinte au principe de l'équité entre les générations. Les
nouvelles générations devront en effet faire face à l'explosion des pensions et
aux retards liés au sous-investissement, retards dont il a été également
question cet après-midi lors de la discussion du budget de la défense.
Monsieur le ministre, c'est exact, la part des dépenses de la fonction
publique dans le budget de l'Etat augmente régulièrement. Elle est ainsi passée
de 40,7 % en 1997 à 43,3 % en 2002 et, depuis 1980, l'augmentation est de 22
%.
En 1997, au début de la législature, le Gouvernement avait pourtant fait du
principe de la stabilité des effectifs dans la fonction publique le pivot de sa
politique budgétaire, ce qui était de bonne gestion. D'ailleurs, de 1997 à
2000, 247 emplois budgétaires ont été créés. Mais il y eut 11 337 créations
d'emplois en 2001 et 15 892 en 2002. C'est de mieux en mieux !
M. Jacques Mahéas.
Vous demandez tout le temps plus de fonctionnaires !
M. Jean-Jacques Hyest.
Le Gouvernement avait indiqué que des redéploiements seraient réalisés dans
les secteurs qui en avaient le plus besoin. Nous ne les avons pas vus.
M. Jacques Mahéas.
Où les supprimez-vous ?
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est au Gouvernement de le faire !
Permettez-moi de vous expliquer un certain nombre de choses. Des missions ont
été confiées en application des lois de décentralisation. Certains ministères,
qui réalisaient un travail énorme, comme le ministère de la culture, ont vu
leurs effectifs augmenter de manière considérable. Mais on peut s'interroger
sur la nécessité de ces augmentations.
En revanche, nous avons réellement besoin de surveillants de prison et de
policiers supplémentaires. C'est d'autant plus vrai que l'on a modifié leurs
conditions de travail. Il faut donc bien trouver des postes quelque part.
Certaines des réformes au sein de la fonction publique n'ont pas abouti. M.
Christian Sautter avait défendu un excellent projet tendant à fusionner un
certain nombre de services du ministère des finances dans un souci de
modernisation. Certains élus locaux sont en partie responsables de la
non-application de cette réforme. Mais il y a eu également la réaction des
syndicats.
Le rapport Hyest-Carraz sur la police et la gendarmerie a subi le même sort.
J'avais d'ailleurs prévenu le ministère de l'économie et des finances de ce
risque.
A défaut de réforme, on pourrait au moins procéder à des redéploiements. La
préfecture de Seine-et-Marne compte trois fois moins d'agents par rapport à la
population que d'autres préfectures. Certes, elle est sous-administrée, mais
certaines préfectures sont sur-suradministrées. Cela ouvre des perspectives.
Il faut aussi tenir compte des possibilités énormes qu'offrent les nombreux
départs en retraite.
Ce n'est pas être contre l'emploi public que de dire que, comme tous les
autres pays, la France aurait pu procéder à cette réforme, d'autant plus que la
décentralisation a créé beaucoup d'emplois publics : près de 500 000 emplois
supplémentaires en vingt ans !
Je me réjouissais des bonnes intentions de 1997. Malheureusement, la politique
a été complètement modifiée depuis.
L'explosion programmée du coût des pensions pose également un problème
extrêmement inquiétant, pour reprendre les remarques de la Cour des comptes.
Nous passerons de 30,53 milliards d'euros à 53,31 milliards d'euros en 2015.
Sans réforme, nous « allons dans le mur » !
Est-il possible d'envisager que le Gouvernement prenne des mesures ?
Certainement pas cette année ! Nous serons donc contraints de résoudre ce
problème tous ensemble.
Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de lire que 35 heures dans la
fonction publique seraient un levier pour la réforme de l'Etat. On nous avait
dit aussi que les 35 heures permettraient d'améliorer le service public sans
augmenter les effectifs. Je suis désolé de le dire, mais ce n'est pas exact
!
Un certain nombre de postes qui seront créés dans certaines administrations
serviront en fait non pas à améliorer le service public, mais à appliquer cette
fameuse réduction du temps de travail.
Par ailleurs, monsieur le ministre, et c'est une bonne chose, vous avez parlé
d'unification de la durée du travail dans la fonction publique. Les préfets
aussi ne manquent pas de nous parler des 1 600 heures dans la fonction publique
territoriale.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m'affirmer que les fonctionnaires du
ministère de la culture et de la communication ou ceux du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie, par exemple, travaillent
effectivement 1 600 heures ? Je ne parle pas de ceux qui effectuent des travaux
pénibles ou qui ont des sujétions spéciales ! Si vous pouvez me l'affirmer, je
serai heureux de constater qu'il n'y a pas d'« astuces » et que l'on ne tient
pas compte du fait que certains travaillaient déjà moins de 35 heures.
On dit qu'il n'y aura pas d'augmentation des effectifs liée à la réduction du
temps de travail et à l'amélioration du service public. Ce n'est pas vrai, vous
le savez bien, pour tous les services qui doivent fonctionner 24 heures sur 24
et 365 jours pas an ! D'ailleurs, dans la fonction publique hospitalière, il
est prévu de créer 45 000 emplois ; et je ne parle pas de ceux qui devront être
créés dans les collectivités locales non seulement dans les services d'incendie
et de secours, mais aussi dans de nombreux autres services, notamment au sein
des établissements liés à l'enfance et aux personnes âgées. On sait que le coût
induit sera extrêmement important pour l'ensemble des collectivités locales,
donc pour tout le pays.
Telles sont les réflexions que je voulais faire sur ce sujet. Monsieur le
ministre, le passage aux 35 heures, levier de la réforme de l'Etat ? Faites
attention que la masse entière ne vous retombe pas sur les pieds !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
la fonction publique et de la réforme de l'Etat est à apprécier à l'aune des
attentes légitimes des citoyens et des agents publics. L'actualité
internationale et nationale vient en effet de rappeler la nécessaire
intervention de la puissance publique pour protéger, accompagner et soutenir le
développement d'une société harmonieuse.
L'examen attentif de votre budget, monsieur le ministre, est pour les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen non pas un exercice
comptable, mais un acte politique fort.
Nous notons avec satisfaction la progression de votre budget, qui permet
notamment de mieux assumer les charges de pensions. De même, un effort sensible
est réalisé pour les actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et
de modernisation des administrations.
Nous soutenons sans réserve cette politique qui cherche à permettre aux agents
publics de se former à appréhender l'environnement social et humain dans lequel
ils sont appelés à exercer leurs missions ; cela est surtout le cas pour les
quartiers en difficulté.
Construire un Etat capable de s'adresser à l'ensemble des citoyens est donc
une nécessité pour la cohésion sociale, le doublement de la dotation du fonds
interministériel pour l'insertion des personnes handicapées l'illustrant de
façon positive.
Les services publics sont des outils précieux pour favoriser et soutenir les
projets de nos concitoyens. Ils doivent donc être à même d'assurer leurs
missions.
Or, monsieur le ministre, deux points appellent notre critique.
Le premier a trait à la réduction du temps de travail. Les organisations
syndicales vous ont dit, dans leur diversité, leurs craintes que le passage aux
35 heures sans création d'emplois n'entraîne
de facto
une réduction des
missions assurées par les services publics. Nous partageons ces craintes.
De plus, le décret du 29 août 2000 est paradoxal : vous confiez à chacun des
départements ministériels le soin de négocier les 35 heures sans leur donner de
marges de négociation en termes de création d'emplois. En fait, très peu
d'accords sont signés.
Une loi de progrès social comme celle des 35 heures doit créer des emplois,
même si l'avancée que représentent les 45 000 emplois nouveaux dans le secteur
hospitalier demeure en deçà des besoins réels.
Ma seconde critique concerne les emplois-jeunes.
Certes, les mesures annoncées par Mme Guigou le 6 juin dernier offrent à ces
jeunes des perspectives avec l'organisation de concours d'accès à la fonction
publique territoriale. Mais cela suffira-t-il pour les emplois-jeunes dans les
collectivités locales ? De même, quel est le devenir des aides-éducateurs ?
Il nous semble regrettable de ne pas profiter pleinement de l'apport de ces
jeunes salariés, de leurs capacités d'innovation, de leur dévouement et de leur
créativité pour mener plus loin la modernisation des services publics.
Monsieur le ministre, pour faire place aux jeunes générations, il faut
permettre aux agents justifiant du nombre requis d'annuités de service de
cesser progressivement leur activité.
Au nom du groupe communsite républicain et citoyen, je demande le maintien de
l'article 78 du projet de budget afin de garantir cette possibilité cette année
encore.
Le congé de fin d'activité des fonctionnaires doit être reconduit.
Monsieur le ministre, si, pour vous, votre budget va dans le bon sens, nous
craignons que vous ne déceviez les attentes de milliers de fonctionnaires
dévoués à leurs missions d'intérêt général, dont le rôle n'est pas reconnu
comme il le devrait.
Ainsi, le protocole d'accord de résorption de l'emploi précaire, qui honore
ses signataires, n'a pas empêché la reprise d'embauches non statutaires.
Monsieur le ministre, au moment où les Françaises et les Français expriment
avec force leur inquiétude, leurs attentes envers les pouvoirs publics, au
moment où, secteur par secteur, les fonctionaires demandent justement les
moyens nécessaires pour exercer leurs missions, vous nous proposez de voter un
budget trop timide encore.
Notre abstention traduira donc notre appréciation.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce
cinquième et dernier budget de la législature, les crédits alloués à la
fonction publique et à la réforme de l'Etat enregistrent, après une
augmentation de 8 % en 2001, un accroissement de 0,38 %, pour atteindre 224
millions d'euros.
L'effort accompli sur l'action sociale interministérielle - premier poste de
dépenses de ce budget avec 128 millions d'euros - est maintenu.
De plus, cette année, il faut souligner l'engagement volontariste du
Gouvernement en faveur des handicapés. Je suis extrêmement satisfait de
constater que les administrations se donnent les moyens d'atteindre, enfin,
l'objectif quantifié de 6 % d'emplois de travailleurs handicapés. En effet,
outre le doublement de la dotation globale du fonds interministériel pour
l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique - 4,57 millions
d'euros - un protocole d'accord a été signé prévoyant que le non-respect du
ratio de 6 % sera sanctionné par le gel d'emplois ou la diminution des crédits
de fonctionnement.
Sur l'action sociale, si personne ne conteste la légitimité de mesures comme
les aides au logement ou le service « crèches », sans doute faudrait-il veiller
plus attentivement à la bonne gestion de ces crédits, car il semble qu'il y ait
des retards dans leur engagement. Peut-être pourriez-vous, monsieur le
ministre, nous éclairer sur cette question.
En ce qui concerne les crédits affectés à la réforme de l'Etat, s'ils
affichent une baisse sensible, c'est, semble-t-il, parce qu'il a été tenu
compte de la non-consommation des crédits antérieurs, par anticipation des
dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de
finances. Celle-ci rénove, en profondeur, la gestion publique. Ses incidences
seront très importantes, car elle substitue à une logique de moyens une logique
de résultats.
L'Etat fait donc peau neuve, comme le proclame fièrement une brochure
distribuée il y a peu par votre ministère, monsieur le ministre. Cette mutation
passe par des mesures qui trouvent une traduction concrète dans le quotidien de
nos concitoyens. Il en est ainsi de la politique de simplification
administrative, qui, depuis un an, connaît un nouvel essor.
Et comme nous avons tous, un jour ou l'autre, pesté devant la sombre
perspective d'une demi-journée perdue à des paperasseries, nous ne pouvons
qu'apprécier l'allégement des démarches administratives courantes. En
supprimant les fiches d'état civil, les justificatifs de domicile et la
certification conforme de copies de documents, ce sont des millions de tâches
fastidieuses évitées aux agents et autant de déplacements épargnés à nos
concitoyens.
Je tiens également à saluer le travail du comité d'orientation pour la
simplification du langage administratif. Le jargon technico-juridique est
totalement abscons pour le non-initié, et il était urgent de réécrire les
formulaires et les courriers courant en langage simple et clair.
(M. Hyest
s'exclame.)
La modernisation de l'Etat passe également par Internet, devenu, en quelques
années, un instrument indispensable. Or l'internet public peut se vanter de
comprendre déjà plus de 4 200 sites. Le portail de l'administration française
et de ses téléservices, service-public.fr, permet aux internautes d'effectuer
des démarches aussi diverses qu'une demande d'extrait de casier judiciaire ou
les déclarations fiscales et sociales d'une entreprise.
Lors du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, le CIRE, du 15
novembre dernier, vous nous annonciez « la deuxième étape de l'administration
électronique ». Il s'agit de développer les téléprocédures accessibles en
quelques clics. Dès lors, chacun pourra, en ligne, payer ses impôts et
contraventions, inscrire ses enfants à l'école, commander ses papiers
d'identité, remplir un dossier d'allocations familiales...
Seulement, sans vouloir le moins du monde jouer les rabat-joie passéistes, je
crois censé de tempérer l'enthousiasme, en rappelant qu'il est illusoire de
penser que tout peut être dématérialisé. Je vous sais attentif aux risques
d'une « administration à deux vitesses », et j'en appelle donc à votre
vigilance, monsieur le ministre. Etre à l'écoute suppose des moyens humains,
donc des emplois, afin de s'adapter avec souplesse et efficacité aux besoins du
citoyen. Or le citoyen, avant de recourir à des téléservices, souhaite souvent,
tout simplement, que ses appels téléphoniques aboutissent et que les guichets
soient moins pris d'assaut.
Au-delà des crédits directement alloués à votre ministère, cette discussion
budgétaire nous invite, monsieur le ministre, à envisager de manière plus large
les perspectives qui s'offrent à la fonction publique.
Comme pour 2001, le projet de loi de finances pour 2002 prévoit une
augmentation sensible des effectifs de l'Etat : 0,94 %. Ce n'est quand même pas
une flambée de fonctionnaires, monsieur Hyest !
M. Jean-Jacques Hyest.
Près de 1 % par an, ce n'est pas négligeable !
M. Jacques Mahéas.
Aucun ministère ne connaît de baisse d'effectifs ; 45 000 postes seront créés
sur trois ans dans les hôpitaux, et ce sont 15 892 nouveaux agents qui seront
affectés aux ministères prioritaires - vous l'avez souvent réclamé, monsieur
Hyest - ...
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'ai pas dit le contraire !
M. Jacques Mahéas.
... afin de poursuivre les efforts entrepris depuis le début de la
législature.
Quatre ministères concentrent ainsi 85 % des créations nettes totales :
l'éducation nationale, avec 7 627 emplois supplémentaires ; la justice, avec 3
092 recrutements, soit une hausse de plus de 12 % depuis 1997 ; l'intérieur,
avec 1 988 emplois de plus, les effectifs de policiers et de gendarmes ayant
augmenté de 8,7 % depuis 1997 ; enfin, l'environnement, avec 309 emplois de
plus.
Ce budget poursuit sa lutte pour la résorption de l'emploi précaire, en créant
pour ordre 11 265 emplois budgétaires et en titularisant 3 550 contractuels
rémunérés sur les ressources propres d'établissements publics. Notons que ce
gouvernement est le premier à transformer des crédits de rémunération de
vacataires et de contractuels en emplois, ce qui constitue la meilleure
garantie contre la reconstitution de l'emploi précaire.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela, on en reparlera !
M. Jacques Mahéas.
Résorber la précarité, c'est aussi offrir une insertion professionnelle
durable aux personnels bénéficiaires de contrats aidés et aux emplois-jeunes.
Dans cette optique, le Gouvernement a présenté, le 6 juin dernier, toute une
série de mesures adaptées à la situation des différents employeurs, afin de
définir les voies d'insertion professionnelle pour les jeunes concernés.
Il est évident que, dans la décennie à venir, l'enjeu majeur concerne les
ressources humaines, car, sur cette période, l'Etat va devoir faire face au
départ à la retraite de la moitié de ses agents.
Ce gouvernement a pris des mesures nécessaires pour y faire face. Elles sont
de deux ordres.
La mise en place de l'observatoire de l'emploi public permettra, pour la
première fois, de connaître le nombre exact des emplois et non plus des seuls
emplois budgétaires. Les différents ministères pourront donc mener une
politique adaptée de gestion prévisionnelle des effectifs, emplois et
compétences, dès 2002.
Dès 2002 également auront lieu des prérecrutements, afin de susciter des
vocations pour le service public. Ce système, qui a déjà fait ses preuves par
le passé, emporte notre adhésion. Toutefois, j'aimerais avoir quelques
précisions à cet égard, monsieur le ministre.
Chaque ministère a-t-il procédé à une évaluation en termes non seulement de
besoins, mais aussi de formation ?
Quels métiers seront concernés, car les réalités différent, pour le moins,
d'un institut universitaire de formation des maîtres, un IUFM, à une école de
police ou d'infirmières ?
Comment et à quel niveau d'études comptez-vous sensibiliser les jeunes ?
Parallèlement, la diversification des voies de recrutement par le
développement des « troisièmes concours », des concours sur titres, de la
validation des acquis professionnels, se poursuit, ce qui permettra de
dynamiser la gestion des carrières et d'encourager la mobilité.
A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur la nécessaire adéquation
entre le contenu de ces concours ou examens et l'objectif recherché.
Des perspectives de carrière attractives supposent une politique salariale
motivante. Depuis 1997, le Gouvernement veille à garantir le pouvoir d'achat de
tous les fonctionnaires et à améliorer, aussi substantiellement que possible,
la situation des agents dont les rémunérations sont les plus modestes.
Pour 2001 et 2002, le pouvoir d'achat des fonctionnaires est maintenu ; le
Gouvernement s'y est attaché, malgré l'absence regrettable d'accord.
S'agissant des primes, je veux saluer le travail entrepris. Pour la première
fois, en effet, les ministères doivent publier leurs textes indemnitaires. Ce
sera chose faite en juin 2002. Il conviendra ensuite de les harmoniser, ce qui
ne sera pas une mince affaire, si l'on en juge à la multiplicité incroyable des
rémunérations accessoires. En attendant, il serait utile et intéressant que vos
services publient un tableau récapitulatif de l'état des lieux en la
matière.
Enfin, je voudrais dire un mot sur la réduction du temps de travail et la
prorogation du congé de fin d'activité.
Dans la fonction publique, la réduction du temps de travail sera effective en
janvier 2002. Toutefois, il aurait été préférable d'aboutir à un accord-cadre
plutôt qu'à une solution négociée ministère par ministère. Je crains que cela
n'entraîne, à terme, des disparités, voire des incompatibilités nuisibles à la
mobilité professionnelle.
Quant au congé de fin d'activité, il s'agit d'un dispositif particulièrement
favorable à l'emploi des jeunes qui connaît un réel succès. Nous ne pouvons
donc pas suivre la commission des finances, qui a déposé un amendement tendant
à supprimer cette mesure très attendue des agents.
Pour conclure, je tiens à me faire l'écho des organisations syndicales que
nous avons rencontrées. En effet, dans une belle unanimité, elles se montrent
particulièrement « avides » d'un dialogue social renouvelé. Cependant, monsieur
le ministre, je vous crois très disposé à construire cette « relation sociale
de confiance » que vous appeliez de vos voeux lors d'un colloque européen, l'an
passé. C'est avec cet espoir que le groupe socialiste apporte son soutien à
votre budget.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de présentation fait
par votre rapporteur, quand bien même il comprendrait un certain nombre
d'observations, plutôt critiques - trois principalement -, de même que les
interventions que vous venez d'entendre me dispensent de présenter dans le
détail les dispositions de ce budget qui ont été fort bien analysées.
Je vais donc tenter d'apporter quelques éclairages ou quelques éléments de
réponse à vos questions, au demeurant légitimes, ou à critiques, toujours
bienvenues.
Je le dis chaque année, j'ai le plus petit budget - presque moitié moins que
ce dont pouvait disposer le président de la région Centre !
(sourires)
mais les dispositions qui peuvent être prises dans mon département
ministériel ont un effet sur 40 % environ du budget de l'Etat. Mais restons-en
aux crédits qui sont plus spécifiquement et très directement sous mon
autorité.
Les crédits pour 2002 sont marqués par deux éléments nouveaux.
Il s'agit, d'abord, comme M. Mahéas vient de le souligner, de la politique en
faveur des handicapés dans la fonction publique de l'Etat.
Un protocole d'accord a été signé avec la plupart des organisations syndicales
pour que le « quota » de 6 % applicable dans le secteur privé soit également
respecté dans le public. Il était applicable dans son principe, mais n'était
pas respecté dans la pratique, faute de dispositions coercitives pouvant
s'appliquer à l'Etat.
Sans vouloir entre dans le détail, deux dispositions inciteront désormais très
fortement les administrations et les gestionnaires à respecter le quota de 6 %
du nombre total des embauches.
D'une part, une pénalisation financière est prévue, sur le modèle de ce qui
existe pour les entreprises qui ne respectent pas ce quota.
D'autre part, ce que je crois beaucoup plus efficace encore, les emplois qui
n'auront pas été pourvus par des handicapés seront gelés jusqu'à ce que des
handicapés les occupent effectivement. Dès lors, je pense que ce quota de 6 %
sera respecté.
Mais - et c'est là que des crédits importants sont proposés à votre vote - il
faut savoir adapter les postes. Avoir un quota incitatif, c'est une chose ;
adapter les postes aux handicapés eux-mêmes en est une autre. Il est vrai que
celui qui se déplace en fauteuil roulant n'exerce pas comme celui qui se tient
sur ses deux jambes, et que celui qui est aveugle ne travaille pas dans les
mêmes conditions que celui qui y voit.
Telle est donc la principale nouveauté qui marque les crédits d'action sociale
interministérielle. L'augmentation est tout à fait remarquable et, je crois,
remarquée. Ces crédits permettront ainsi de mieux adapter les postes occupés
par des handicapés dans la fonction publique de l'Etat.
Il s'agit, ensuite, au titre des éléments nouveaux de ce budget, de
l'orientation que nous souhaitons donner à l'utilisation des crédits du fonds
pour la réforme de l'Etat.
Je souhaite que les crédits disponibles pour l'année prochaine, qui
augmenteront fortement par rapport à ceux de cette année, viennent
principalement à l'appui de la seconde étape de l'administration électronique
que nous avons lancée il y a quelques semaines.
Après avoir franchi une première étape, plutôt réussie aujourd'hui, qui a
consisté à mettre le plus d'informations possibles en ligne, nous devons passer
à la seconde, et mettre le plus possible de procédures en ligne. Nous le
faisons avec beaucoup d'ambition, car mettre en ligne ces procédures, c'est
alléger d'autant les contraintes qui pèsent sur les usagers et les tâches des
agents, mais nous le faisons aussi avec beaucoup de modestie, car ce n'est pas
par ce seul mécanisme que nous pourrons rendre le service nécessaire à
l'ensemble de la population. Si, dans les années qui viennent - j'en suis
persuadé, je le souhaite et j'agirai en ce sens - le nombre des internautes, et
donc des utilisateurs de services publics présents sur le
web,
augmente,
je sais cependant qu'il en restera une grande proportion, peut-être même une
majorité, qui n'utiliseront pas les services en ligne et qui devront être mieux
accueillis encore qu'aujourd'hui.
L'un des objectifs est d'ailleurs de pouvoir réorienter une partie des
personnels qui verront leur tâche allégée par cette dématérialisation des
procédures pour accroître la présence sur tout le territoire et la capacité
d'écoute, avec la volonté de rendre un service humain en ménageant un contact
direct avec les usagers.
J'apporterai maintenant quelques éléments de réponse sur des aspects qui
touchent plus largement aux politiques de la fonction publique.
D'abord, s'agissant du nombre des fonctionnaires, oui, le budget pour 2002
prévoit des emplois supplémentaires pour l'éducation nationale, pour la police,
pour la justice et, en moins grand nombre, pour le ministère de
l'environnement. Or je n'entends pas beaucoup d'élus, surtout lorsque je les
rencontre dans leur circonscription, me dire qu'il faut moins de professeurs,
moins de policiers, moins de magistrats ou moins de personnels affectés à la
protection de l'environnement.
M. Jean-Jacques Hyest.
L'environnement...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je n'en
connais pas, pas même M. Hyest qui ne considère pas que, dans sa préfecture,
l'administration préfectorale de son département souffre de sous-administration
et qu'il faudrait, en conséquence, augmenter le nombre des personnels, au moins
ceux qui sont affectés à cette préfecture-là, peut-être au détriment des
autres, d'ailleurs,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Je n'ai pas dit cela !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... mais en
tous les cas à cette préfecture-là !
M. Jean-Jacques Hyest.
J'ai dit que les autres, ailleurs, étaient « sur-suradministrées ».
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je sais,
monsieur Hyest, votre préfecture est sous-administrée, parce que les autres
sont sur-administrées, et vous voudriez bien un rééquilibrage.
Il n'empêche que, lorsque je me rends dans un département, je n'ai droit qu'à
des doléances : chacun est « sous-sous-sous », et jamais « sur-sur-sur », et
toutes tendances politiques confondues !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Mahéas.
Dans les Hauts-de-Seine, peut-être ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Plutôt dans le Sud !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est toute
la difficulté : il faudrait toujours moins de fonctionnaires, mais toujours
plus d'infirmières, toujours plus de policiers, toujours plus de magistrats. Je
ne dis cela ni par démagogie ni par volonté, surtout à cette heure-ci, de
relancer la moindre polémique, mais parce que, aujourd'hui comme hier, ou comme
avant-hier, ce refrain-là vous l'entonnerez les uns et les autres, quel que
soit par ailleurs le ministre présent à cette tribune pour vous répondre.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez souligné combien vous auriez préféré
constater, dans ce budget, une diminution des emplois budgétaires. Ce qui
m'importe le plus, je vous l'ai déjà dit souvent, c'est que, lorsqu'un ministre
présente son budget, il ne vous parle plus simplement en termes d'affichage des
emplois budgétaires, mais avant toute chose en emplois réels. Enfin ! Je
connais - et je pourrais vous les citer très précisément - des ministres ou
même des premiers ministres qui ont fièrement annoncé, parce que telle était
leur politique - nous les condamnions, à l'époque - une diminution du nombre
des emplois autorisés par la loi de finances par exemple, pour l'année
1996,...
M. Jacques Mahéas.
Eh oui !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
...
diminution qui devait se traduire, en fin d'année, par une augmentation du
nombre des fonctionnaires !
Des discours qui vont dans un sens, la réalité constatée, dans un autre :
est-ce vraiment la bonne manière de faire de la politique ? Est-ce la bonne
manière d'administrer la France ? Je ne le crois pas. Que l'on débatte sur plus
ou moins de fonctionnaires, c'est un classique du genre en France. Mais qu'il y
ait de telles disparités entre ce que l'on annonce à la tribune et ce que l'on
constate, en réalité à la fin de l'année, ne me paraît pas être une bonne
chose. Mon objectif est d'en finir avec ces pratiques, notamment dans le cadre
de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Nous débattrons
désormais sur des emplois réels, à l'intérieur d'un nombre de postes
autorisés...
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est bien cela !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... et à
l'intérieur d'une masse salariale elle-même autorisée.
Aujourd'hui, le budget que je vous présente est un budget de vérité : nous
disons les emplois dont nous avons besoin et nous pourrons vérifier, à la fin
de l'année prochaine, la réalité des choses et constater que ce que j'aurai dit
aujourd'hui correspondra à ce que nous aurons fait demain, à la différence de
ce qui a pu se pratiquer dans le passé.
M. Bruno Sido.
Oui, mais vous n'êtes plus là pour longtemps !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
sénateur, vous êtes aussi bien placé que moi pour savoir que le préjugement
est, en ce domaine, la pire injure que l'on puisse faire à la démocratie.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Il est un
deuxième élément sur lequel je voudrais apporter quelques précisions : la
question des emplois-jeunes. Je comprends tout à fait et je trouve légitime
qu'ils vous préoccupent, que vous les appréciez dans leur principe ou que vous
les critiquiez. Cela étant, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui personne, ou
presque, ne conteste leur utilité et que, en tout état de cause, il faut
s'inquiéter de leur avenir.
Sur cette question, qui a été soulevée en particulier par Mme Mathon, au nom
du groupe communiste républicain et citoyen, le Gouvernement a apporté des
réponses, qui ne sont pas simplement des réponses de principe puisqu'il
s'attache, en quelque sorte, à les « mettre en musique ».
Quelle est la politique suivie ? Elle est simple. Nous distinguons, d'une
part, la question de la pérennité des emplois, qui dépend de la volonté des
collectivités locales, des associations ou encore de l'Etat - il s'agit
principalement des aides-éducateurs pour l'éducation nationale - et, d'autre
part, la question de l'avenir des garçons et des filles qui les occupent.
Concernant les emplois eux-mêmes, des décisions seront prises par les uns et
les autres pour faire en sorte que le service rendu aujourd'hui puisse
continuer à l'être demain. Mais, chacun en conviendra avec moi, un emploi-jeune
aujourd'hui ne rendra pas exactement le même service dans dix ans, quinze ans,
vingt ans ou trente ans. La question qui se pose aujourd'hui est double : que
fait-on des postes eux-mêmes et quelles perspectives peut-on offrir aux garçons
et aux filles qui les occupent aujourd'hui ?
Nous proposons à ceux qui le souhaitent de passer des concours dans des
conditions qui soient adaptées à leur situation, et ce grâce à deux mécanismes
: d'une part, la validation des acquis professionnels, grande nouveauté que
nous sommes en train d'introduire dans le droit français et qui vaudra dans les
secteurs aussi bien privé que public ; d'autre part, les « troisièmes concours
», déjà en place pour un certain nombre de cadres d'emploi dans la fonction
territoriale.
A ce sujet, je peux vous préciser qu'avant-hier le Conseil supérieur de la
fonction publique a discuté les dispositions qui seront applicables à
l'éducation nationale et que les troisièmes concours seront ouverts, en
particulier, aux aides-éducateurs.
Le troisième concours n'est pas réservé aux emplois-jeunes et sera encore en
place quand ceux-ci auront disparu : c'est une grande nouveauté, c'est un
élément fondamental de modernité dans notre fonction publique. Il nous permet
de sortir du système binaire opposant un concours externe à un concours
interne, et il apportera une diversification tant des modalités d'entrée dans
la fonction publique que de l'origine des candidats.
Ces concours sont en voie de création. Ils seront ouverts aux emplois-jeunes,
à qui ils donneront la possibilité - dès lors qu'ils feront l'effort légitime,
normal pour quelqu'un qui veut entrer dans la fonction publique, de les passer
- de trouver un avenir comme fonctionnaires.
Ainsi, méthodiquement, point par point, nous prenons les décisions, nous les
appliquons, nous les mettons en oeuvre. Nous sommes donc en mesure,
aujourd'hui, d'ouvrir aux emplois-jeunes qui le souhaitent des perspectives
dans la fonction publique - mais aussi dans d'autres métiers - compte tenu de
l'expérience qu'ils y auront acquise.
La question des rémunérations a été peu abordée, sauf par M. le rapporteur
spécial, qui a souligné le poids des augmentations de salaire. Il est vrai
qu'en 1996 et en 1997 ce poids a été faible, et pour une raison simple : les
salaires de la fonction publique n'ont pas été augmentés.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il y avait eu 1994 et 1995, où ils avaient fortement augmenté !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
En 1995, ils
avaient fortement augmenté, mais et je ne sais pas pourquoi, monsieur Hyest !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est M. Rossinot qui avait tout lâché !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ah, oui ?...
J'ai le sentiment qu'il y avait une échéance électorale...
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, non !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Il me
semblait pourtant, monsieur Hyest ! Mais je ne veux pas m'engager dans cette
discussion !
M. Jean-Jacques Hyest.
Et en 2002, il n'y a pas d'échéance électorale ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
En 1996 et
en 1997 - vous vous en souvenez fort bien, monsieur le président, et pour cause
! - il n'y a pas eu d'accord dans la fonction publique et les salaires n'ont
donc pas été augmentés.
Le choix du Gouvernement, aujourd'hui, s'est fixé non pas sur une augmentation
dispendieuse comme alors, mais sur la garantie à tout fonctionnaire de la
stabilité de son pouvoir d'achat, ceux qui bénéficieront d'un avancement
d'échelon, d'un avancement à l'ancienneté, voyant leur pouvoir d'achat
augmenter.
J'en viens aux 35 heures. Je comprends tout à fait qu'elles vous préoccupent
et suscitent chez vous certaines questions.
On peut être contre les 35 heures dans le privé comme dans le public - je
pense que c'est le cas de certains d'entre vous - et il y a une logique à
cela.
M. Jean-Jacques Hyest.
Les 35 heures, c'est fait !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Ceux qui se
sont prononcés contre et qui, parfois, peuvent critiquer l'application qui en
est faite aujourd'hui reviendraient-ils dessus si l'occasion leur en était
donnée ? J'attends que la réponse soit exprimée fortement, et à l'extérieur de
cet hémicycle.
Mais laissons les questions de principe. Les 35 heures sont désormais
appliquées, et je ne vois pas pourquoi elles le seraient partout sauf dans la
fonction publique. Nous les mettons donc en oeuvre. Comme dans les entreprises,
cela suscite des débats, soulève un certain nombre de problèmes, crée un
certain nombre de difficultés. Nous les surmonterons.
Voilà quelques mois, on me prédisait que nous n'y parviendrions pas pour le
1er janvier 2002. Eh bien si ! Le 1er janvier 2002, la fonction publique de
l'Etat, la fonction publique hospitalière et, avec l'aide des élus locaux, la
fonction publique territoriale, toutes seront passées aux 35 heures.
On m'a également reproché - j'ai entendu cette critique encore aujourd'hui -
de mal m'y prendre, de ne pas négocier dans les conditions les plus efficaces.
Comme beaucoup d'entre vous, j'aurais préféré qu'un accord-cadre fixe les
grands principes pour l'ensemble des fonctions publiques.
M. Jacques Mahéas.
C'est moi qui ai dit cela !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Mahéas a
raison, je suis comme lui : j'aurais préféré un accord !
J'avouerai donc que nous avons été non pas aussi mauvais, mais aussi « peu
bons » que le privé, où les négociations en vue d'un tel accord général ont
échoué et où ce sont donc les lois Aubry qui ont défini le cadre du passage aux
35 heures.
Dans la fonction publique non plus, il n'a pas été possible de parvenir à un
accord-cadre. Alors, la Constitution exigeant pour la fonction publique de
l'Etat de passer par la voie du décret, un décret a été pris que certains
appellent décret « Sapin » et qui fixe le cadre général du passage aux 35
heures.
M. Bruno Sido.
Très bon décret !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cela
signifie-t-il qu'il n'y a pas eu de négociations par la suite !
Madame Mathon, vous avez affirmé que les accords dans les fonctions publiques
avaient été très peu nombreux. Je me permets de n'être pas d'accord, non par un
jugement subjectif, mais sur la base d'une comptabilisation précise.
Au début, on me disait qu'il n'y aurait pas d'accord. Mais un accord a été
conclu avec les personnels de la défense : on m'a opposé que la défense,
c'était très particulier ; un autre accord a été signé à l'environnement :
c'était une administration très spéciale. Et puis les accords ont continué de
pleuvoir. Voilà quelques jours encore ont été signés un accord concernant les
personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, un accord concernant
l'ensemble des personnels des greffes, un accord concernant l'ensemble des
personnels de l'administration centrale de la justice, un accord concernant
l'ensemble des personnels ATOS - administratif, technicien, ouvrier et de
service - de l'éducation nationale...
Aujourd'hui - je le dis pour votre information - 80 % des personnels de l'Etat
et de la fonction publique hospitalière peuvent être couverts par un accord
national - je ne parle pas des collectivités locales, puisque les négociations
sont du ressort de chacune ; mais elles sont très avancées - ...
M. Bruno Sido.
grâce à votre décret, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... grâce à
mon décret, qui fixe un certain nombre d'orientations et permet de négocier
dans de bonnes conditions.
M. Bruno Sido.
Excellentes !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je vous
remercie des félicitations que vous m'adressez, monsieur le sénateur !
Aujourd'hui, 80 % des personnels sont donc couverts par des accords signés
avec des organisations sociales majoritaires. Cela ne signifie pas que toutes
les organisations ont signé : certaines n'ont signé aucun accord.
M. Jean-Jacques Hyest.
Certaines ne signent jamais, par principe !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Et encore,
je n'en suis même pas sûr ! A l'éducation nationale, par exemple, plusieurs
organisations syndicales, dont certaines ont parfois du mal à apposer leur
paraphe, ont signé l'accord relatif aux ATOS.
On nous prédisait donc qu'aucune négociation ne serait engagée : des
négociations ont eu lieu ; on nous prédisait qu'il n'y aurait pas d'accord :
des accords ont été conclus. Aujourd'hui, la majorité des personnels de l'Etat
passe aux 35 heures en application d'accords-cadres signés au sein de chaque
ministère.
Par ailleurs, le chiffre de 1 600 heures est la traduction sur l'année de 35
heures hebdomadaires, compte tenu de la moyenne annuelle du nombre de jours de
fêtes. Cette référence vaut pour le privé et pour le public, et c'est par
rapport à elle que l'on doit organiser l'ensemble du travail.
M. Hyest m'a demandé si je pouvais garantir que personne, nulle part, n'est en
deçà de ces 1 600 heures. Pouvez-vous vous-même m'affirmer que, dans votre
collectivité locale,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah oui, dans ma commune, c'est 1 600 heures !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... personne
n'est en deçà des 1 600 heures ? Je ne suis pas certain que vous puissiez
m'apporter une telle garantie ! En tant qu'ancien maire d'Argenton-sur-Creuse,
je puis le faire ; mais je ne pense pas que beaucoup soient dans ce cas.
Plus sérieusement, monsieur Hyest, les 1 600 heures ont servi de base à
l'ensemble des négociations et à l'organisation du passage aux 35 heures. N'y
a-t-il pas, me demanderez-vous, quinze emplois par ci, quarante emplois par là,
dans tel ou tel service, où l'on effectuait moins de 35 heures ?
C'est vrai, certaines catégories travaillaient moins de 35 heures, et nous
n'avons pas voulu augmenter leur temps de travail. Parfois, ces fonctionnaires
trouvaient même désagréable de ne pas voir réduire leur temps de travail en
même temps que celui des autres catégories... Nous leur expliquons que nous ne
pouvons pas réduire leur horaire, qui est déjà inférieur ! C'est ainsi que les
choses se passent.
Cependant, comme dans les collectivités locales - et vous y avez fait allusion
-, il existe des sujétions particulières, prévues dans le décret Sapin : le
travail le samedi, le dimanche ou la nuit, le travail pendant une longue durée,
le travail posté... Un certain nombre de conditions particulières rendent tout
à fait légitime, dans le public comme dans le privé, une compensation par la
diminution du temps de travail.
La situation de l'ensemble des administrations de l'Etat sera demain, au 1er
janvier prochain, après le passage négocié aux 35 heures, beaucoup plus
ordonnée, beaucoup plus homogène que celle que nous connaisions auparavant, où
n'existait aucune réglementation sur le temps de travail. Car, ne l'oublions
pas, autant dans le privé cette question était au coeur de la relation entre
l'employeur et l'employé, autant la force de travail se vendait ou s'achetait
en temps de travail, autant dans le public la question ne se posait pas : ce
n'était pas un sujet de discussion, ce n'était pas un objet de réglementation.
Le passage aux 35 heures permet donc une modernisation tout à fait légitime et
bienvenue.
J'aimerais pour terminer répondre aux questions portant sur la réforme de
l'Etat.
On peut qualifier ces réformes de « réformettes ».
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
C'est un début !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je préfère
en effet, monsieur le rapporteur spécial, qu'on me parle de réformettes plutôt
que d'absence de réformes ; c'est plus positif. Quant aux diminutifs, ils sont
affaire d'appréciation !
On peut considérer que la politique de simplification administrative, qui est,
je crois, d'une ampleur rarement atteinte depuis plusieurs années,...
M. Jacques Mahéas.
Tout à fait ! C'est très bien !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... est une
« réformette ».
M. Jacques Mahéas.
C'est parce qu'ils ne demandent jamais de fiche d'état civil !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
On peut
considérer qu'elle est sans grandes conséquences sur l'organisation de l'Etat
ou sur le service rendu aux usagers.
On peut considérer que l'ensemble de l'administration électronique - j'en ai
dit un mot, et je n'y reviens donc pas - est une « réformette » sans grandes
conséquences sur la productivité à venir de l'administration. Je crois qu'une
telle appréciation n'est pas juste.
On peut considérer aussi que la révision de l'ordonnance de 1959 est une
petite réforme. Vous ne l'avez pas considérée comme telle, parce que le
Parlement y a été associé.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Il en a été à l'origine !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est même
lui qui a été à l'origine de cette initiative. Cette réforme est le fruit d'un
travail à trois, d'un travail commun de l'Assemblée nationale, du Sénat et du
Gouvernement.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Car une
telle réforme ne se fait pas contre le Gouvernement : elle se fait avec le
Gouvernement et parce que le Gouvernement souhaite, en particulier, prendre les
mesures d'organisation nécessaires.
C'est un travail immense, auquel nous nous attelons. Les décisions sont
prises, et nous sommes en train de nous organiser afin de respecter la date que
vous nous avez fixée : le budget pour 2006, qui est préparé en 2005. Nous
serons prêts.
Les conséquences de cette réforme sont considérables sur la culture même de
l'administration et de la gestion publiques : travailler en termes d'objectifs
et non pas seulement de moyens ; travailler en termes de résultats et non pas
seulement de crédits et d'effectifs : c'est une révolution pour notre
administration, que nombre d'autres pays ont d'ailleurs déjà connue.
Il ne s'agit pas d'une « réformette » : il s'agit d'une réforme puissante,
profonde, qui doit servir pour tous, où qu'ils siègent dans cet hémicycle, de
modèle à la réforme de l'Etat.
On peut aussi dire qu'il ne s'est rien passé en termes de gestion des
ressources humaines. Je ne le crois pas.
M. Gérard Braun,
rapporteur spécial.
Il ne s'est pas passé grand-chose !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'évoquais
le débat qui a eu lieu voilà deux jours au Conseil supérieur de la fonction
publique de l'Etat : nous avons adopté un décret qui permet de supprimer la
plupart des obstacles à la mobilité des fonctionnaires. L'avenir, dans la
fonction publique, c'est la mobilité : on changera de métier ou de lieu
d'exercice au cours de sa carrière. C'est là une modernisation considérable.
S'agissant de la déconcentration de l'organisation des concours, plusieurs
ministres avaient échoué sur ce problème, mais nous sommes en train de la
mettre en place.
Quant au prérecrutement, auquel il a été fait allusion, il s'agit aussi d'une
question très importante. Il sera différencié par ministère et par métier et
s'adressera donc à des publics variés. Les jeunes seront prérecrutés avant ou
après le baccalauréat, selon le métier auquel ils se destineront.
Il me semble donc, sans vouloir en tirer une fierté particulière, que nous
avons, les uns et les autres, au Gouvernement et au Parlement, réussi à faire
en sorte que soient prises un certain nombre de décisions qui, mises bout à
bout et appliquées dans la durée - le temps, nous le savons tous, est le
facteur qui, en politique, est le plus difficile à maîtriser - se renforceront
mutuellement et permettront à la réforme de l'Etat de se poursuivre et de
porter ses fruits.
Services du Premier ministre
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I. - SERVICES GÉNÉRAUX
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