SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001


L'amendement n° II-75 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 106 256 964 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° II-76, ce qui me dispensera d'intervenir à nouveau ultérieurement.
Le Gouvernement a en effet déposé deux amendements : l'un porte sur le titre III, l'autre sur le titre V. Tous deux tirent les conséquences de l'accord signé le 29 novembre dernier avec les syndicats de policiers.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention générale, le coût de cet accord est de 772 millions de francs.
Les ouvertures de crédits correspondantes seront réparties sur les chapitres 31-41, « Police nationale, rémunération principale », et 31-42, « Police municipale, indemnités et allocations diverses ».
Ces crédits permettront de financer les mesures de revalorisation des rémunérations des différentes catégories de personnels de police prévues dans cet accord, en particulier le doublement de l'allocation de maîtrise des gardiens de la paix.
Toutefois, pour manifester sa volonté de maîtriser les finances publiques, le Gouvernement a souhaité vous présenter en même temps une partie du gage de cette ouverture de crédits. Il s'agit à ce stade, bien entendu, de la part qui revient au seul ministère de l'intérieur. Elle sera répartie sur deux chapitres de fonctionnement et sur un chapitre d'investissement.
Naturellement, j'ai choisi les chapitres sur lesquels porte le gage en tenant compte de leur assiette et de l'évolution des charges qu'ils supporteront en 2002.
Pour le chapitre 34-31, le chapitre de fonctionnement de la police, ce gage ne représente que 1,2 % des crédits et correspond à une économie de constatation.
Il représente moins de 2 % des crédits d'informatique et d'immobilier, et cette mesure, qui ne concerne pas que la police, ne soulèvera pas de difficultés en gestion. Les autorisations de programme sont, en particulier, préservées.
Par ailleurs, comme je vous l'ai indiqué, une taxation des différents départements ministériels sera mise en oeuvre à hauteur de 672 millions de francs.
Enfin, monsieur de Montesquiou, puisque vous faisiez allusion aux commissariats, je tiens à vous préciser que l'augmentation des autorisations de programme est bien de 12,4 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-75 rectifié et II-76 ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Le Gouvernement nous propose donc de majorer les primes des policiers et de financer une partie de ces majorations en diminuant les crédits de fonctionnement de la police, les crédits d'informatique du ministère et les crédits de paiement de la police.
Avant de donner l'avis de la commission, il conviendrait de connaître les dépenses et les opérations auxquelles le ministre compte renoncer pour financer ces primes.
En d'autres termes, le Gouvernement a fait le choix de majorer les primes, nous en prenons acte, mais à quoi renonce-t-il ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je n'ai pas de réponse à apporter à ce stade. L'accord remonte au 29 novembre dernier. Un amendement a été proposé, ce qui est conforme à la procédure. Bien évidemment, les services, en particulier celui de la direction du budget et des affaires immobilières, vont procéder aux choix, mais, à ce stade, ces derniers ne sont pas faits.
Je ne peux donc vous en dire plus, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Votre réponse, monsieur le ministre, ne me paraît pas très satisfaisante.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-76, je rappelle que les crédits de paiement pour l'immobilier de la police ont déjà diminué de 17 %. L'ensemble des crédits d'investissement du ministère diminuent de 18,5 %.
Dois-je rappeler que l'investissement immobilier est une nécessité pour la police de proximité ? Certains commissariats sont dans un état déplorable. Je pense notamment à celui de Bobigny, dont la décrépitude est inacceptable et donne une image désastreuse de la police.
La commission des finances a déjà dénoncé le fait que le Gouvernement privilégie systématiquement les dépenses de fonctionnement - notamment de personnel - au détriment des dépenses d'investissement.
En conclusion, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° II-75 rectifié, mais elle est défavorable à l'amendement n° II-76.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-75 rectifié.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons à un point tout à fait intéressant du débat.
M. le ministre nous a fait part des conclusions des négociations auxquelles il a été nécessaire de procéder, compte tenu du grand émoi, que nous pouvons comprendre, de l'ensemble des policiers, de ces policiers qui se sentent démotivés, parfois abandonnés, et qui sont plongés dans un climat d'insécurité qui leur pèse, comme il pèse à nos concitoyens.
M. le ministre, a dû, dans l'urgence, je dirais presque dans l'improvisation, souscrire à un dispositif destiné à désamorcer la crise. Il faut avoir conscience, mes chers collègues, de la gravité et du caractère particulier de celle-ci. Voir ceux qui assurent au quotidien notre sécurité manifester sur la voie publique pour traduire leur lassitude est en effet exceptionnel dans l'histoire de notre République.
En quelque sorte, M. le ministre vient ce soir devant nous avec la note à payer, la note, oserai-je dire - qu'il me le pardonne -, de son imprévoyance ! La note d'une politique qui ne s'est pas fondée sur les bonnes priorités depuis plusieurs années.
Aujourd'hui, dans le cadre d'un projet de loi de finances déjà « bouclé » et dont on ne peut modifier les équilibres, on nous propose donc un redéploiement des crédits.
M. le ministre nous dit qu'il a négocié pour éviter le désespoir d'une grande partie des forces de l'ordre et qu'il faut maintenant le suivre.
Monsieur le ministre, le Sénat ne peut pas s'y opposer. Mais il remarque seulement que ces crédits supplémentaires ont pour contrepartie des économies sur des dépenses que vous aviez pourtant négociées pied à pied avec le ministère des finances. Aujourd'hui, vous nous dites qu'on peut faire des économies ici ou là.
Je suis convaincu que, avant l'accord, ces crédits dont vous aviez obtenu l'inscription dans votre projet de budget, vous les considériez comme indispensables jusqu'au dernier franc. Tout d'un coup, ils ne sont plus indispensables !
Monsieur le ministre, c'est ce paradoxe, cet autre « paradoxe Vaillant », que je veux souligner.
Vous nous proposez de procéder par redéploiement. Il faut s'y résigner et, d'ailleurs, dans le même temps, vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous renvoyez une bonne part des crédits au collectif budgétaire, qui, en théorie, ne devrait traiter que du « bouclage » de l'année 2001. Vous ne nous ferez pas croire, monsieur le ministre, qu'y inclure des mesures à caractère permanent relève d'une bonne gestion !
Naturellement, vous ne disposez que d'une très faible marge de manoeuvre. Certes, il faut en passer par la négociation pour éviter la démotivation des policiers, car ce sont d'abord eux qui assurent la sécurité ; certes, il convient d'améliorer l'ambiance dans les services de police ; mais nous ne devons quand même pas nous laisser prendre au piège, accepter la méthode que vous employez et approuver la politique que vous appliquez, avec les résultats désastreux qu'elle engendre.
En d'autres termes, monsieur le ministre, si nous devons bien entendu nous résigner à voter le premier amendement, nous repousserons le second, qui vise à amputer les crédits d'équipement des commissariats, déjà si insuffisants. S'agissant de l'ensemble des crédits, je pense que le Sénat décidera à une large majorité de manifester le mécontentement, le désappointement et le désaccord qui sont les siens au regard de votre manière d'assurer, si mal, la sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Ce qui me différencie peut-être de M. Marini et de ses amis, c'est que, pour moi, l'expression « dialogue social » a un sens. (Protestations sur les travées du RPR.)
Quand un malaise se fait jour, nous le traitons, nous négocions afin de déboucher sur des arbitrages. C'est ainsi que nous réglons les problèmes.
Ce n'est pas à cette heure tardive que j'évoquerai des souvenirs, mais c'est peut-être cette capacité de dialoguer qui a manqué naguère à un gouvernement que vous souteniez, monsieur Marini. Je n'y insisterai pas davantage...
Pour ma part, j'assume entièrement les choix qui ont été faits. Personne ici ne doit oublier que le projet de budget initial pour 2002 allouait 1 milliard de francs supplémentaires à la police par rapport au budget pour 2001, qui, lui-même, marquait une forte progression par rapport à l'exercice 2000. Lorsque cette information a été rendue publique, on a d'ailleurs jugé que la police nationale était une priorité pour le Gouvernement.
En outre, la loi de finances rectificative que j'évoquais tout à l'heure a ajouté 680 millions de francs, soit 180 millions de francs pour l'immobilier et 500 millions de francs pour le fonctionnement de la police nationale, notamment pour l'équipement des policiers. Cela relativise les propos que vous teniez à l'instant, monsieur Marini, sur les redéploiements au sein du budget de la police nationale.
A cet égard, si l'on considère le budget global de la police, ce sont finalement 672 millions de francs supplémentaires qui ont été inscrits sans provenir de redéploiements. Ceux-ci n'affecteront d'ailleurs pas les éléments essentiels qui fondent la politique de sécurité.
S'agissant de l'effort consenti en matière d'immobilier, faut-il rappeler que, en quatre ans, les crédits consacrés à l'immobilier de la police nationale ont doublé et sont passés de 727 millions de francs en 1997 à 1 463 millions de francs en autorisations de programme, si l'on fait le total des crédits inscrits en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative ? Tels sont les chiffres !
Ainsi, en 2001, dix projets sont en chantier, à savoir six hôtels de police et quatre commissariats pour un investissement de 704,7 millions de francs, à Bordeaux, Montpellier, Tours, Strasbourg, Bobigny, Agen, Bron, Bercy, Saint-Maur et Saint-Claude. En outre, neuf projets sont livrables en 2002, à savoir quatre hôtels de police et cinq commissariats pour un montant total de 250,5 millions de francs, à Agen, Strasbourg, Auxerre, Saint-Maur, Saint-Claude, Savigny-le-Temple, Bron et Bercy.
M. Alain Joyandet. Vous citez deux fois les mêmes opérations !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. J'ai dit que les immeubles en question étaient en chantier en 2001 et livrables en 2002 ! Voilà des éléments concrets ! Les centaines de lieux d'implantation de la police que j'évoquais tout à l'heure traduisent, des plus modestes aux plus importants d'entre eux, une politique dynamique, qui relève bien des priorités que nous avons affirmées.
Certains gouvernements, faut-il le rappeler, ont procédé à des redéploiements dans les jours suivant le vote de la loi de finances initiale. Ne vaut-il pas mieux le faire devant le Parlement, comme aujourd'hui, pour faire face à une situation d'urgence, vécue comme telle par les policiers et par nos concitoyens ? J'appartiens à un gouvernement qui veut répondre aux préoccupations et aux demandes légitimes des policiers, et j'attends du Sénat qu'il ne rejette pas des mesures utiles et justes. Je pense que les policiers apprécieraient que vous votiez nos propositions. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-75 rectifié, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : 368 817 307 euros. »