SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Agriculture et pêche (p. 2 )
MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour la pêche ; Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les industries agricoles et alimentaires ; Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole ; MM. Serge Mathieu, Daniel Soulage, Yann Gaillard, Pierre Jarlier, Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor, Jean-Paul Emorine, Bernard Joly, Serge Vinçon, Jean-Guy Branger, André Lejeune, Ambroise Dupont, Yvon Collin, Michel Doublet, Bernard Barraux, Paul Raoult, Daniel Goulet.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
3.
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
(p.
4
).
4.
Loi de finances pour 2002.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
5
).
Agriculture et pêche (suite) (p. 6 )
MM. Claude Biwer, Bernard Piras, Jacques Blanc, Jean Glavany, ministre de
l'agriculture et de la pêche ; Georges Gruillot, Roland Courteau, Roland du
Luart, Patrick Lassourd, Mme Yolande Boyer, MM. Henri de Richemont, Roger
Besse.
M. le ministre.
Demande de priorité. - MM. Philippe Adnot, Joël Bourdin, rapporteur spécial de
la commission des finances ; le ministre. - La priorité est ordonnée.
Article additionnel après l'article 60 (priorité) (p. 7 )
Amendements identiques n°s II-70 de M. Philippe Adnot et II-71 de M. Jean-Marc Pastor. - MM. Philippe Adnot, Jean-Marc Pastor, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Crédits du titre III (p. 8 )
MM. Roland Courteau, Gérard Delfau.
Amendements identiques n°s II-8 rectifié
ter
de M. Gérard César et II-68
rectifié de M. Gérard Le Cam ; amendement n° II-72 du Gouvernement. - MM.
Gérard César, Gérard Le Cam, le ministre, le rapporteur spécial. - Retrait des
amendements n°s II-8 rectifié
ter
et II-68 rectifié ; adoption de
l'amendement n° II-72.
MM. le rapporteur spécial, le ministre.
Rejet des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 9 )
M. Gérard Le Cam.
Amendements n°s II-62 de M. Gérard César et II-67 rectifié
bis
de M.
Gérard Le Cam. - M. Gérard César, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur
spécial, le ministre. - Retrait de l'amendement n° II-62 ; rejet de
l'amendement n° II-67 rectifié
bis.
Amendement n° II-65 rectifié
bis
de M. Jacques Blanc. - MM. Jacques
Blanc, le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s II-73 et II-74 du Gouvernement. - Adoption des deux
amendements.
Rejet des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Rejet (p.
10
)
Article 57 (p.
11
)
M. Aymeri de Montesquiou.
Amendement n° II-21 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 57
bis
, 58 à 58
ter
et 59. - Adoption (p.
12
)
Article 60 (p.
13
)
Amendements identiques n°s II-22 de la commission et II-7 rectifié de M. Gérard César. - MM. le rapporteur spécial, Gérard César, le ministre, Hilaire Flandre, Alain Vasselle, Jean-Marc Pastor. - Retrait de l'amendement n° II-7 rectifié ; adoption de l'amendement n° II-22 rédigeant l'article.
Budget annexe des prestations sociales agricoles (p. 14 )
MM. Roland du Luart, en remplacement de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de
la commission des finances ; Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales ; Daniel Soulage, Bernard Barraux, Gérard Le
Cam, Bernard Piras.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Crédits figurant à l'article 33 (p. 15 )
M. Claude Domeizel.
Adoption des crédits.
Crédits figurant à l'article 34. - Adoption (p.
16
)
Intérieur et décentralisation
SÉCURITÉ (p.
17
)
MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police et la sécurité ; Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile ; Jean-Paul Delevoye, Jean-Jacques Hyest, Robert Bret.
Suspension et reprise de la séance (p. 18 )
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
MM. Jean-Claude Peyronnet, Alex Türk, Bernard Plasait, Michel Mercier, André
Vallet, Mmes Nelly Olin, Annie David, MM. Paul Girod, Roger Karoutchi, François
Zocchetto.
MM. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; le rapporteur spécial.
Crédits du titre III (p. 19 )
Amendement n° II-75 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur
spécial, Philippe Marini. - Adoption.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre IV. - Vote réservé (p.
20
)
Crédits du titre V (p.
21
)
Amendement n° II-76 du Gouvernement. - Rejet.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre VI. - Vote réservé (p.
22
)
DÉCENTRALISATION (p.
23
)
MM. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Daniel
Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Claude Biwer, Mme
Josiane Mathon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Philippe Nachbar, Gilbert Barbier,
Alain Dufaut, Gérard Longuet, François Fortassin.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur.
Crédits des titres III à VI. - Rejet (p.
24
)
Article additionnel avant l'article 74 (p.
25
)
Amendement n° II-69 de M. Thierry Foucaud - M. Robert Bret. - Retrait.
5.
Transmission d'un projet de loi
(p.
26
).
6.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
27
).
7.
Dépôt de rapports
(p.
28
).
8.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
29
).
9.
Ordre du jour
(p.
30
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87
(2001-2002).]
Agriculture et pêche
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, pour 2002, le projet de budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche s'élève à 5,102 milliards d'euros, soit un montant
presque stable, la diminution étant de 0,08 %, par rapport aux dotations votées
pour 2001.
Toutefois, il faut tenir compte des modifications de la structure budgétaire
intervenant cette année et, notamment, de la budgétisation des crédits
auparavant inscrits sur le compte d'affectation spéciale intitulé : « Fonds
national des haras et des activités hippiques », à hauteur de 32 millions
d'euros. Au total, à périmètre constant, le budget de l'agriculture et de la
pêche diminue donc en réalité de 0,7 % en 2002 par rapport à 2001.
Pour être parfaitement exhaustif, il faut aussi rappeler les modifications de
crédits adoptées à l'Assemblée nationale : elles ont abouti à une majoration de
plus de 310 000 euros des crédits du titre III et de plus de 275 000 euros de
ceux du titre IV, ainsi qu'à une majoration des crédits du titre VI, en
autorisations de programme et en crédits de paiement, de 183 000 euros.
Ces majorations constituent certes, monsieur le ministre, des avancées
significatives, mais elles ne sont pas suffisantes pour apaiser les inquiétudes
de nos agriculteurs.
Je m'étonne que, dans le contexte actuel de crise sans précédent du secteur
agricole, le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche soit
l'un des seuls à connaître une diminution cette année.
Lors de la présentation du projet de budget de votre ministère pour 2002, vous
avez, monsieur le ministre, développé quatre axes prioritaires : la qualité et
la sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture
et de la forêt ; le soutien des filières et la régulation des marchés ; la
formation et la recherche.
Il m'est apparu, en analysant les crédits destinés à financer chacune de ces
priorités, que le budget de l'agriculture et de la pêche était, cette année,
bien plus destiné à répondre aux attentes et aux craintes, certes légitimes, de
la société dans son ensemble en matière de sécurité sanitaire et alimentaire
qu'à apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs et des solutions
aux crises sans précédent que traversent certains secteurs.
A cet égard, les mesures d'accompagnement des secteurs en crise ne m'ont pas
paru suffisantes dans le projet de budget pour 2002.
La filière bovine notamment se trouve aujourd'hui dans une situation
dramatique.
Des mesures ont, certes, été prises par le Gouvernement en faveur de la
sécurité sanitaire et alimentaire, comme la décision d'interdire totalement
l'usage des farines animales dans l'alimentation animale et la mise en place
d'un système d'épidémiosurveillance efficace, et les crédits destinés aux
mesures de surveillance et d'éradication de l'encéphalite spongiforme bovine,
l'ESB, sont en augmentation pour 2002. Il n'en reste pas moins que les
éleveurs, dans leur grande majorité, restent confrontés à de graves difficultés
financières.
La chute des cours, couplée à la fermeture des débouchés pour les animaux, a
entraîné des pertes de revenus très importantes pour les exploitations.
Aujourd'hui, ce sont les éleveurs de race à viande qui sont les plus
pénalisés, la chute des prix des broutards ayant, par exemple, atteint près de
30 %. En moyenne, les cours à la production ont diminué en un an de 25 % à 30
%, avec pour conséquence une dégradation inquiétante, voire dramatique, du
revenu des éleveurs.
Les éleveurs de vaches de race allaitante, eux aussi, sont désormais concernés
par la chute des cours de la viande. Ils sont confrontés à de graves
difficultés de trésorerie et on estime qu'une exploitation sur quatre est
menacée de faillite dans le secteur allaitant.
Le 17 octobre dernier, vous avez présenté, monsieur le ministre, un plan de
soutien aux éleveurs touchés par la crise. Les principales mesures annoncées
sont la mise en oeuvre d'outils de gestion du marché et celle d'une nouvelle
politique des prix et de la consommation. Toutefois, les mesures relatives à la
situation financière des éleveurs sont décevantes.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'un « travail d'évaluation était en
cours pour mesurer et identifier au mieux les difficultés réelles et les
catégories d'éleveurs les plus touchés ». Les résultats de cette étude ne
devraient être connus qu'en toute fin d'année. Pouvez-vous cependant nous en
dire plus aujourd'hui ?
Ainsi, quels sont les premiers résultats de l'enquête menée par les directions
départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, pour le ministère
sur la situation de la filière bovine ? Quelles sont les catégories d'éleveurs
et les exploitations les plus touchées ? Des mesures d'aides directes aux
éleveurs vont-elles être mises en oeuvre et, si oui, quand le seront-elles ?
Autre secteur en crise et qui aurait mérité une plus grande attention de votre
part dans le projet de budget pour 2002, monsieur le ministre : la
viticulture.
Le secteur de la viticulture est confronté depuis deux ou trois ans à une
crise importante résultant, notamment, d'une désaffection des consommateurs
français, touchant tant les vins de table que les vins à appellation d'origine
contrôlée, d'un accroissement de la concurrence internationale exercée par les
producteurs des pays émergents ainsi que d'une augmentation de l'offre
française et communautaire.
La consommation a diminué de 5 millions d'hectolitres en trois ans en France
et elle régresse aussi en Europe. Les perspectives de croissance du marché
mondial ne permettent pas de compenser à court terme les pertes de débouchés.
En outre, la chute des ventes a entraîné une baisse des prix du vin de l'ordre
de 30 %, ce qui a contraint les coopératives à diminuer les acomptes versés à
leurs adhérents.
Alors que la nouvelle organisation commune des marchés vitivinicoles est
entrée en vigueur le 1er août 2000, il paraît donc nécessaire que des mesures
de dégagement du marché soient mises en oeuvre afin de permettre à celui-ci de
se rétablir et d'offrir des prix rémunérateurs aux producteurs.
De même, la restructuration de l'aval de la filière, aujourd'hui atomisée face
à des acheteurs concentrés et aux concurrents de la France, doit être
encouragée et soutenue.
Dans ce contexte, je ne peux que regretter que les dotations du chapitre 44-53
relatives aux interventions en faveur de l'orientation et de la valorisation de
la production agricole, notamment les crédits destinés aux organismes
d'intervention, restent stables par rapport à 2001. Il me semble que des moyens
supplémentaires importants auraient dû être alloués aux deux offices
principalement concernés : l'Office national interprofessionnel des viandes, de
l'élevage et de l'aviculture, l'OFIVAL, dans l'optique notamment d'une relance
de la consommation de la viande bovine, et l'Office national interprofessionnel
des vins, l'ONIVINS.
Vous avez cependant promis, monsieur le ministre, le 25 septembre dernier,
lors de la présentation de votre plan d'adaptation pour la viticulture,
d'attribuer dès cette année 115 millions de francs à l'ONIVINS en vue de
soutenir l'amélioration des structures de production et de vinification.
Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information et nous préciser
l'origine budgétaire de ces nouveaux crédits pour l'ONIVINS ?
De même, l'analyse des crédits du projet de budget de l'agriculture montre que
les mécanismes d'aides aux agriculteurs ne sont pas renforcés : ainsi la
procédure des aides aux agriculteurs en difficulté, dite procédure « Agridiff
», voit sa dotation reconduite à l'identique, alors que les difficultés
rencontrées par les agriculteurs auraient mérité que soit consenti un effort
réel pour ces chapitres budgétaires. La dotation du FAC, le fonds d'allégement
des charges financières des agriculteurs, est reconduite quant à elle à hauteur
de 30,5 millions d'euros. Ces dotations me semblent insuffisantes au regard des
importants besoins des exploitants en matière de prêts et de soutiens
financiers, notamment dans le secteur de l'élevage bovin. Enfin, la baisse des
crédits consacrés à la bonification des prêts à l'agriculture, qui atteint 40
%, environ, ne fait que corroborer l'impression d'un soutien fuyant aux
agriculteurs en difficulté.
Au-delà de ces secteurs en crise qui font l'objet de mesures d'accompagnement
à mon sens inadaptées, je tiens également à souligner l'existence de secteurs
délaissés cette année par le ministère de l'agriculture et de la pêche, au
premier rang desquels figure la forêt.
Alors que les deux assemblées parlementaires avaient réussi, en travaillant de
concert, à élaborer la nouvelle loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet
2001, force est de constater que la forêt n'apparaît plus, dans le présent
projet de budget, comme une priorité pour votre ministère.
Les crédits dévolus en 2002 à la « gestion durable de la forêt » sont en nette
diminution par rapport à 2001. Au total, les dépenses prévues au titre de cet
agrégat s'élèvent pour 2002 à 334,4 millions d'euros, contre près de 368
millions d'euros en 2001. Cette baisse concerne à la fois les dépenses
ordinaires, à hauteur de 7 %, et les dépenses en capital, avec une diminution
de 15,5 % pour les crédits de paiement et de 21 % pour les autorisations de
programme.
En 2002, les baisses affectent notamment les engagements pris à la suite des
tempêtes de décembre 1999 bonification de prêts, travaux de nettoyage et de
reconstitution des forêts sinistrées - modernisation de la première
transformation et de l'exploitation forestière - les mesures forestières en
agriculture, ainsi que la prévention des risques d'incendie et les opérations
de protection. Cette diminution des crédits consacrés à la politique forestière
m'inquiète vivement dans un contexte qui reste encore très marqué par le drame
des tempêtes de la fin de 1999.
Un autre secteur délaissé est celui de la politique de la montagne. Cette
dernière a vu cette année la mise en oeuvre de la réforme des indemnités
compensatoires de handicap naturel, les ICHN, désormais attribuées à l'hectare
de superficie fourragère, en application du règlement communautaire «
développement rural ».
Or la dotation pour les ICHN prévue dans le projet de budget pour 2002 est
reconduite à l'identique par rapport à 2001, à hauteur de près de 427 millions
d'euros, en prenant en compte le cofinancement communautaire, qui représente un
montant de 195,7 millions d'euros sans inclure les crédits communautaires. Vous
vous étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, en octobre 2000, à porter ce
montant à 3 milliards de francs dès 2001, participation communautaire comprise.
Par la suite, cette échéance avait été repoussée précisément à 2002 et, lors de
la discussion de ce projet de budget à l'Assemblée nationale, vous avez pris
solennellement « l'engagement au nom du Gouvernement, soit par la dotation
budgétaire de 1,4 milliard de francs, soit par des reports et des
redéploiements » au sein de votre budget, « d'honorer » votre « engagement ».
Vous semblez prendre beaucoup d'engagements, monsieur le ministre,...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je les tiens !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
... mais dites-nous clairement comment vous comptez
tenir celui que vous avez pris s'agissant des crédits de la montagne.
L'année dernière, j'avais vivement critiqué le dispositif des contrats
territoriaux d'exploitation, les CTE, et j'avais mis en évidence l'échec de sa
mise en place. Cette année, force est de constater que, après un démarrage
manqué, le dispositif a connu une certaine montée en puissance, bien en deçà
cependant des objectifs initialement fixés par le Gouvernement : pas plus de 20
000 CTE auront été signés d'ici à la fin de l'année, alors que l'objectif était
de 50 000 contrats à la fin de 2000 et de 100 000 à la fin de 2002.
Je m'interroge donc sur la légitimité de l'augmentation de la dotation du
fonds de financement des CTE inscrite dans le présent projet de budget et je
constate que cet instrument reste très contesté, surtout s'agissant des
objectifs visés : la principale critique formulée à l'encontre du dispositif
concerne en effet leur caractère trop ambitieux, qui tendrait à faire des CTE
un outil de réorientation totale de la politique agricole. La complémentarité
entre le volet économique des CTE et les adaptations sociales et
environnementales est inexistante, et l'accent mis sur la dimension
socio-environnementale de ce dispositif a contribué à gripper la mécanique dès
le départ.
Enfin, ma dernière observation, monsieur le ministre, portera sur l'impasse
dans laquelle se trouve aujourd'hui la politique d'installation : le nombre
d'installations aidées de jeunes agriculteurs est, en effet, passé d'environ 10
000 en 1997 à 6 314 en 2000. En 2001 cette tendance semble se confirmer
puisque, pour le seul premier semestre, les demandes présentées au titre des
dotations aux jeunes agriculteurs, les DJA, sont en diminution de 6 %.
A cet égard, les crédits destinés pour 2002 à favoriser l'installation des
jeunes agriculteurs connaissent une baisse sensible, liée, selon le ministère,
aux évolutions démographiques constatées ces dernières années. Ainsi, les
crédits affectés à la DJA subissent une réduction de 8,2 millions d'euros par
rapport à 2001, ce qui représente un recul de 11 %. Ils s'élèveront, en 2002, à
66,5 millions d'euros, alors que le choix avait été fait de maintenir
l'objectif, fixé en 2001, de 8 000 nouvelles installations.
Cette baisse résulte, d'une part, de la diminution tendancielle du nombre
d'installations, qui entraîne une sous-consommation des crédits de ce chapitre
budgétaire et donc une diminution mécanique du montant des crédits inscrits
chaque année, et, d'autre part, d'une contribution européenne plus importante
au financement de cette politique dans le cadre du plan de développement rural
national, le PDRN.
Au-delà de la DJA, les aides de l'Etat en faveur de l'installation recouvrent
d'autres domaines : les stages, les programmes pour l'installation des jeunes
en agriculture et le développement des initiatives locales, les répertoires à
l'installation. Ces trois volets enregistrent également une diminution de leurs
dotations.
Je ne nie bien sûr pas l'importance des évolutions démographiques et l'effet
de baisse mécanique qu'elles entraînent pour les crédits destinés à financer
l'installation des jeunes agriculteurs, mais je mets en doute l'efficacité et
la pertinence de la politique d'installation menée par le Gouvernement, qui
élude manifestement tout un pan de cette politique, à savoir les aides au
départ et à la restructuration, et n'utilise pas suffisamment, en outre, les
outils fiscaux qui lui sont liés, notamment en matière de transmission des
exploitations.
S'agissant du contenu des articles rattachés, que nous discuterons par la
suite, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter un amendement à
l'article 60 visant à fixer pour 2002 le plafond d'augmentation du produit de
la taxe pour frais de chambre d'agriculture, afin de porter le taux maximal
d'augmentation de cette taxe de 1,7 % à 2 % et de permettre ainsi aux chambres
d'agriculture, qui sont des établissements publics à caractère administratif,
d'assumer pleinement l'ensemble de leurs missions.
Pour conclure, je proposerai au Sénat de rejeter les crédits inscrits au
projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2002,
considérant qu'ils ne sont nullement à la hauteur des attentes et des
difficultés actuelles de l'ensemble de nos agriculteurs.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'agriculture a été durement éprouvée au cours de l'année écoulée.
La nouvelle crise de l'ESB, déclenchée voilà plus d'un an, a bouleversé
l'économie de toute une filière, au travers de dispositions qui, à l'instar de
l'interdiction des farines animales et de la mise en place de mesures
drastiques de dépistage et de prévention, étaient pourtant indispensables.
Pour la filière de l'élevage bovin, les conséquences sont sans précédent.
Après avoir diminué de plus de 50 % au plus fort de la crise, la consommation
de viande bovine semble rester durablement en dessous de son niveau antérieur.
Par ailleurs, les cours des bovins se sont effondrés tandis que, dans le même
temps, les prix de vente aux consommateurs demeuraient élevés, ce qui a
provoqué une révolte bien légitime des éleveurs.
La situation est particulièrement dramatique pour le bassin allaitant, qui a
investi pendant des années dans une stratégie de qualité. Alors que les
résultats provisoires de l'étude conduite par vos services, monsieur le
ministre, confirment la fragilité financière de 40 % des exploitations
spécialisées en viande bovine, j'aimerais que vous nous indiquiez combien de
temps le monde de l'élevage devra encore attendre avant de recevoir les aides
annoncées.
Une autre crise a touché, cette année, un secteur tout aussi important de la
production agricole française, qui représente, rappelons-le, le premier poste
des exportations agroalimentaires de la France : celui de la viticulture.
Cette crise, qui s'est traduite par une diminution significative des ventes de
vins de table et d'une partie des vins de pays, a rendu nécessaire le recours à
plusieurs distillations. Prenant conscience de la montée en puissance de
nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins et confronté à une
réduction structurelle de la consommation française, notre secteur viticole
doit maintenant définir des axes stratégiques pour son avenir, qui lui
permettront, j'en suis sûr, de rétablir sa situation et de préserver ainsi les
emplois directs ou indirects.
Au-delà de ces deux crises sectorielles, il convient d'insister sur la
nouvelle diminution, à hauteur de 2,1 %, du revenu agricole durant l'année
2000. A l'évidence, il est de plus en plus difficile de vivre de l'agriculture.
Dans ces conditions, comment s'étonner de la diminution continue du nombre
d'installations et de la disparition, selon les chiffres donnés par le dernier
recensement agricole, d'un tiers des exploitations agricoles depuis 1988 ? Il
est temps de mettre en place une politique volontariste qui permette aux
agriculteurs de vivre dignement du revenu tiré de leur production.
Au vu du désarroi ressenti par le monde agricole, le projet de budget de
l'agriculture qui nous est aujourd'hui soumis apparaît bien insuffisant. Je ne
reviendrai pas sur son économie générale, déplorant seulement, à l'instar de M.
le rapporteur spécial, la diminution des dépenses en faveur de
l'agriculture.
S'agissant de l'affectation des crédits, les priorités affichées posent
question. C'est notamment le cas pour les contrats territoriaux d'exploitation,
dont la dotation augmente de 25 %, alors que la montée en puissance du
dispositif semble toujours se faire attendre. En dépit des nombreux
aménagements et de la simplification des procédures auxquels vous avez procédé,
monsieur le ministre, nous débouchons finalement sur une politique de guichet
plutôt que sur une politique de projets ! Est-il nécessaire de rappeler que,
plus de deux ans après la création des CTE, 16 000 contrats seulement ont été
conclus, alors que vous espériez 50 000 signatures pour la seule année 2000
?
Le Gouvernement est paradoxalement beaucoup moins généreux quand il s'agit de
répondre à de vrais besoins.
Ainsi, la dotation à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO,
ne progresse que de 500 000 euros, ce qui est loin de suffire à satisfaire les
besoins de financement de cet organisme, récemment confronté à une extension
significative de ses missions.
De même, les crédits alloués à la forêt diminuent, en particulier les
dotations pour la reconstitution des forêts et le transport du bois. A cet
égard, est-il possible, monsieur le ministre, que l'on cesse d'attribuer des
aides au transport du bois à compter du 31 décembre 2001, comme la rumeur en
court aujourd'hui dans certaines régions ?
M. Gérard Larcher.
Non !
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Ce problème inquiète les professionnels, alors que
la réparation des dégâts causés par les tempêtes voilà moins de deux ans est un
travail de longue haleine qui doit se poursuivre, en particulier en Aquitaine,
région que M. Valade et moi représentons ici et qui a été durement touchée. En
outre, ne négligeons pas les risques d'incendie des chablis non encore
exploités, qui représentent de 5 millions à 6 millions de mètres cubes en
Aquitaine.
Par ailleurs, si l'augmentation de 40 % des crédits attribués au Fonds
national de garantie des calamités agricoles et l'adoption, à l'Assemblée
nationale, d'un amendement instaurant une déduction fiscale pour aléas ne
peuvent qu'être saluées, il est regrettable que le rapport de M. Christian
Babusiaux sur l'assurance-récolte vienne seulement d'être transmis au
Parlement, alors que la date d'octobre 2000 figure sur la page de garde. Le
chemin est long depuis le ministère jusqu'au Parlement ! Comment ne pas y voir
la volonté de différer une réforme tant attendue par le monde agricole ?
Quant à la diminution de 9,3 % des crédits prévus pour la dotation
d'installation des jeunes agriculteurs, elle démontre l'absence de volontarisme
politique dans ce domaine, le Gouvernement se contentant de constater la
réduction du nombre des installations et d'ajuster à la baisse, l'année
suivante, les crédits qu'il leur consacre, alors que ceux-ci pourraient
avantageusement servir à financer des dispositifs fiscaux incitatifs, notamment
en matière de transmission des exploitations.
Enfin et surtout, ce projet de budget ne tient pas compte de la profonde crise
dans laquelle se trouvent certains secteurs de notre agriculture, ainsi que
cela a été rappelé par M. Joël Bourdin.
La simple reconduction, à hauteur de 16,77 millions d'euros, des crédits
destinés aux aides aux agriculteurs en difficulté, dites « procédures Agridiff
», de même que celle de la dotation au fonds d'allégement des charges, est
insuffisante au regard des importants besoins des exploitants en matière de
prêts, de soutiens financiers et de couverture sociale. Dans le secteur de
l'élevage bovin, les trésoreries sont exsangues et de nombreuses exploitations
au bord de la faillite.
De même, il est dommage que les crédits destinés aux dispositifs de cessation
anticipée d'activité ne prennent pas en compte la nécessité de mettre en place
un accompagnement social à la restructuration des secteurs en crise.
Loin d'être à la hauteur de la crise, économique pour certains secteurs, et
plus largement morale en particulier pour les futurs installés, vécue
actuellement par le monde agricole, ce projet de budget n'a pas recueilli
l'assentiment de la commission des affaires économiques, qui s'est prononcée
contre son adoption.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la pêche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget de la pêche maritime et de l'aquaculture ne représente que
0,01 % du budget général de l'Etat, alors qu'il oriente de manière décisive
l'avenir de toute la filière pêche, laquelle génère près de 100 000 emplois en
mer et à terre.
Or la pêche maritime française sort fragilisée de deux années particulièrement
difficiles, pour trois raisons : la marée noire de décembre 1999, d'abord ;
deux semaines plus tard, la tempête ; enfin, la forte hausse des prix du
carburant, surtout pendant l'année 2000.
Certes, les prix des produits de la mer se sont redressés. Mais les chiffres
d'affaires n'ont pu augmenter d'autant, contraints par la stagnation des
quantités pêchées. Pourtant, des charges croissantes, de carburant notamment,
ont pesé sur les entreprises de pêche, dont la rentabilité s'est trouvée encore
réduite. La rémunération des équipages en a évidemment pâti, ce qui n'aidera
pas à résorber la criante pénurie de bras.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté indifférent aux difficultés que la
pêche traversait et les indemnisations et allégements de charges fiscales et
sociales que vous avez décidés ont été bien accueillis par les professionnels.
Je reste toutefois inquiet devant le risque que vous avez fait encourir à la
France et aux pêcheurs en ne vous assurant pas, en amont, de la recevabilité
communautaire de ces mesures. Je n'admettrais pas que les entreprises de pêche
se trouvent contraintes à rembourser ces aides.
Mais la crise conjoncturelle de la pêche ne doit pas occulter son lent et
terrible déclin : 1 600 marins de moins en trois ans, deux fois moins de
bateaux que voilà vingt ans, mais aussi des bateaux plus vieux, ce qui menace
la sécurité des hommes. Au rythme actuel du renouvellement des bateaux
restants, il faudrait deux siècles pour renouveler intégralement la flottille.
Comment croire que Bruxelles ne s'accommode pas, finalement, de cette
dégradation progressive ?
Il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de défendre notre
tradition maritime et de tout mettre en oeuvre pour développer et moderniser
nos entreprises de pêche ; il vous faut les accompagner vers une démarche
nouvelle de qualité qui, bien sûr, contribuera à valoriser leurs produits.
Ce pari de la qualité s'impose, à l'heure où la quantité est contingentée ; il
répond à l'exigence actuelle d'information des consommateurs, qui a déjà
conduit à de nouvelles règles communautaires d'étiquetage.
Or cette démarche de qualité repose prioritairement sur une traçabilité de la
production maritime, difficile à organiser, mais qu'il vous revient de rendre
possible. Pour cela, je vous appelle à mieux reconnaître le travail et le rôle
des criées. Maillon central dans la commercialisation des produits de la mer,
puisque quatre poissons frais sur cinq y sont vendus, les criées assurent des
missions croissantes de service public. A ce titre, je vous invite à soutenir
leurs investissements visant à l'harmonisation des critères de tris et à
l'intégration des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, car il s'agit d'autant de gages d'une meilleure traçabilité.
L'avenir de la pêche réside aussi, voire surtout, dans une nouvelle politique
commune de la pêche - PCP. En vue de sa prochaine refonte en 2002, le Livre
vert de la Commission européenne reconnaît les insuffisances de l'actuelle PCP
et analyse les nouveaux défis. Malheureusement, il ne rompt pas avec la logique
de réduction de capacité de la flotte par une succession de plans d'orientation
pluriannuels - POP - mais laisse augurer d'une nouvelle réduction de 40 % de la
flotte.
Vous savez l'onde de choc que ce chiffre de 40 % a produite chez nos
marins-pêcheurs. Comme eux, je ne conçois pas de poursuivre une politique de
destruction. Les limites des ressources de pêche exigent leur exploitation
raisonnée, mais pas le recours exclusif à la « machine à casser du bateau ». La
première exigence de la PCP doit être de garantir une pêche durable, et
d'autres mesures de réduction de l'effort de pêche que les POP peuvent
également préserver les ressources. Ces mesures ne doivent pas relever de
l'arbitraire politique ; à cet égard, j'appelle à suspendre l'interdiction des
filets maillants dérivants le temps de refonder la nouvelle PCP.
Je vous demande de construire avec les professionnels un projet alternatif,
que j'imagine : recentré autour des totaux admissibles de captures - TAC - et
des quotas de pêche ; crédibilisé par des contrôles renforcés et équitables,
qu'il faudrait peut-être confier exclusivement aux inspecteurs communautaires
pour plus d'impartialité et d'uniformité ; complété par des mesures techniques,
qu'un intense effort de recherche doit permettre d'affiner afin d'assurer la
sélectivité et le respect des écosystèmes ; prenant enfin en compte la
dimension sociale de la pêche et son rôle dans l'aménagement du territoire. Nos
marins-pêcheurs sont à la fois porteurs d'un patrimoine national et d'une
dynamique pour nos côtes.
Le récent lancement de nouvelles négociations commerciales multilatérales
repose sur un texte de compromis ambigu. Je vous prie instamment, dans le
déroulement des négociations, de soutenir avec la plus grande fermeté l'aide
publique à la pêche, car la survie de ce secteur est vitale pour la France.
Je dirai un mot du budget proprement dit, en baisse de 3 %. Il n'est pas à la
hauteur des attentes et des enjeux, monsieur le ministre.
Vous justifiez par des reports de crédits - que je juge d'ailleurs inquiétants
- la nouvelle baisse de 25 % des dépenses d'investissement, après la diminution
de 50 % l'an dernier, mais vous n'envisagez pas de redéployer ces crédits, par
exemple vers la recherche, dont la dotation stagnante me préoccupe.
Un tel contexte a convaincu la commission des affaires économiques d'émettre
un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la pêche pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le développement rural.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la notion de développement rural évoque traditionnellement
certaines politiques d'aménagement foncier, de travaux d'hydraulique et
d'animation rurale aux enjeux budgétaires relativement limités, auxquelles il
est coutume d'adjoindre les actions en faveur de l'agriculture de montagne et
de l'espace forestier. La mise en oeuvre plus récente d'une politique
européenne de développement rural, consacrée comme le deuxième pilier de la
politique agricole commune par l'accord de Berlin de mars 1999 sur l'agenda
2000, tend à donner un nouveau souffle à cette notion.
Avant de présenter les crédits du budget de l'agriculture en faveur de ces
différents volets de la politique de développement rural, votre rapporteur pour
avis souhaite mettre l'accent sur certaines évolutions qui ont marqué l'année
2001.
La première est la rénovation de la politique forestière grâce à l'adoption, à
l'issue d'un examen approfondi et constructif par le Parlement, de la loi
d'orientation sur la forêt. Publié le 9 juillet dernier, ce texte modernise des
pans entiers du code forestier, prenant en compte la diversité des fonctions de
la forêt et les nouvelles attentes, notamment sociales et environnementales,
dont elle fait aujourd'hui l'objet. Il permet d'envisager la politique
forestière nationale dans une optique de développement durable, alors qu'elle
était abordée, jusqu'à l'année dernière, essentiellement, mais on le comprend,
sous l'angle des importants dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre
1999. Cette avancée importante a été complétée par la signature, le 22 octobre
2001, d'un contrat d'objectifs entre l'Etat et l'Office national des forêts
pour la période 2001-2006. Je veux, à cette occasion, souligner le travail
remarquable que réalise l'Office, grâce au professionnalisme de ses agents.
Une autre initiative de fond menée au cours de l'année 2001 en faveur du
développement rural est la concertation autour du projet de schéma de services
collectifs des espaces naturels et ruraux. Quelles que soient les insuffisances
de ce schéma, qui ont été notamment relevées par le Sénat, il n'en constitue
pas moins la première tentative d'inscrire dans une stratégie de moyen terme
l'ensemble des politiques publiques tendant à favoriser un développement
équilibré des espaces ruraux.
Enfin, il convient d'insister sur l'adoption, à l'échelle européenne, du
programme de révision du plan de développement rural national - PDRN - le 21
novembre 2001. Cette révision complète les mesures mises en place dans le cadre
de la politique européenne de développement rural et contribue à mieux prendre
en compte la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire sa vocation à
satisfaire, au sein des espaces ruraux, des attentes qui dépassent sa seule
fonction productive.
A ce sujet, je voudrais faire observer que, après s'être progressivement
disjointes durant les cinquante dernières années, les fonctions de production
et de préservation du territoire tendent de nouveau à se rapprocher. Malgré des
débats parfois vifs, notamment autour des CTE, les contrats territoriaux
d'exploitation, le développement rural n'est plus seulement complémentaire, il
est à nouveau ressenti comme constitutif de la défense du rôle de production
dévolu, de façon prioritaire, à l'agriculture. La notion de territoire revient
au coeur du débat.
L'analyse des crédits révèle des évolutions contrastées, même si, dans un
budget de l'agriculture qui, sans vraiment diminuer, est tout au moins soumis à
une certaine rigueur, les dotations du développement rural sont globalement
préservées.
Il convient de se féliciter de l'augmentation de près de 16 % des crédits de
paiement alloués à l'aménagement foncier et hydraulique de l'espace rural,
ainsi que de la progression de 19 % de l'enveloppe destinée au financement de
la modernisation des exploitations, qui s'établit à 29 millions d'euros. Les
crédits d'amélioration du cadre de vie, qui financent des projets de mise en
valeur des ressources et du patrimoine rural, sont également en hausse, alors
qu'ils avaient diminué de 18 % l'année dernière. Enfin, les crédits consacrés
aux contrats territoriaux d'exploitation augmentent de 25 %, afin de conforter
la montée en charge du dispositif, stimulée cette année par la mise en place de
CTE-cadres adaptés aux filières de production.
Cet effort en faveur du développement rural est toutefois incomplet. Ainsi,
les crédits des interventions spéciales en faveur des zones défavorisées, qui
financent les indemnités compensatoires de handicap naturel - ICHN - sont
simplement reconduits à 195,74 millions d'euros, ce qui ne permet pas
d'atteindre l'enveloppe globale de 457 millions d'euros - crédits
communautaires inclus - que le Gouvernement s'était engagé, en octobre de
l'année dernière, à effecter à l'agriculture de montagne. Cette sous-dotation
nous inquiète, monsieur le ministre.
En outre, les dotations allouées à la forêt sont en baisse de près de 7 % en
dépenses ordinaires et de 15,5 % en crédits de paiement, cette diminution
affectant notamment les mesures de bonifications de prêts, de reboisement et
d'aides à la modernisation de la première transformation, prises à la suite des
tempêtes de décembre 1999, mais également les dotations finançant la prévention
des risques en forêt. La commission des affaires économiques a considéré que
cette évolution est en contradiction avec l'affichage d'une politique
forestière ambitieuse et qu'elle se faisait au détriment de la forêt privée.
Vos explications, monsieur le ministre, n'ont pas convaincu sur ce point. Pour
cette raison, mais également parce que de nombreux sénateurs se sont plaints de
la lourdeur des procédures des contrats territoriaux d'exploitation, la
commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption
des crédits consacrés au développement rural. Votre rapporteur pour avis tient
à souligner que, pour sa part, il votera en faveur de leur adoption.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. André Lejeune.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les industries agricoles et alimentaires.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, maillon stratégique entre les
productions agricoles et les circuits de distribution, les industries
agroalimentaires sont une source importante de création de richesses et
d'emploi ; elles contribuent, par leur présence sur l'ensemble du territoire, à
un développement harmonieux de nos régions.
Elles ont bénéficié, en 2000, d'un maintien de la croissance en valeur de
leurs productions, en dépit d'une baisse du volume produit. Cette stabilité
apparente ne doit pourtant pas masquer les difficultés réelles de certaines
productions, comme celle de la viande bovine, très affectée par la chute
brutale de la consommation à la suite de la nouvelle crise de l'ESB,
l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Les résultats de l'année 2001 risquent d'être particulièrement négatifs pour
le secteur de la viande, d'autant plus qu'au delà d'une diminution structurelle
de la consommation de viande bovine des tensions se font actuellement sentir
sur les cours du porc, qui connaît des difficultés persistantes à
l'exportation.
Si la crise de la viande bovine frappe de plein fouet les éleveurs, qui en
sont, sans conteste, les premières victimes, elle a également affecté
l'industrie des viandes. En effet, celle-ci a dû faire face aux mesures
imposées dans le cadre de la lutte contre l'ESB, telles que le dépistage
systématique à l'abattoir ou l'extension de la liste des matériaux à risque.
Par ailleurs, alors que la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale
du commerce vient de décider, à Doha, l'ouverture d'un nouveau cycle de
négociations multilatérales, il convient de souligner la fragilité de certaines
des positions françaises sur les marchés extérieurs, malgré les résultats plus
qu'honorables de nos industries agroalimentaires à l'export. Ainsi, les
exportations françaises de vins sont de plus en plus concurrencées par les vins
dits « du Nouveau Monde », portés par une politique commerciale agressive.
Dans cette conjoncture, les initiatives prises dans le sens d'un soutien plus
affirmé à la promotion des produits agroalimentaires français, telles que la
mise en place par le Gouvernement du Conseil supérieur des exportations
agricoles et agroalimentaires, le CSEAA, prévue par la loi d'orientation
agricole, ne peuvent qu'être saluées.
Enfin, il apparaît aujourd'hui difficile d'évoquer les industries
agroalimentaires sans aborder les problématiques de sécurité alimentaire et
environnementale.
Le dossier des OGM, les organismes génétiquement modifiés, en particulier, a
fait l'objet d'une très grande attention. Il convient, à cet égard, de se
féliciter des mesures de transparence prises par le Gouvernement - à l'instar
de la possibilité pour le public d'accéder aux dossiers de demandes d'essais -
ainsi que du lancement, tout récemment, d'un débat public sur les OGM et sur
les essais en plein champ.
La sécurité alimentaire figure, cette année encore, parmi les priorités du
Gouvernement pour ce budget, comme l'attestent l'augmentation de 3,4 % des
dotations destinées à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA, la progression des crédits affectés à la protection et au contrôle
sanitaire des végétaux, ainsi que la hausse de près de 20 % - à 106,7 millions
d'euros - des crédits consacrés à la maîtrise sanitaire des animaux et de leurs
produits, destinés notamment à la lutte contre l'ESB, mais également au
renforcement de l'hygiène alimentaire tout au long des filières de
production.
Les crédits de soutien à l'investissement des industries agroalimentaires
bénéficient également d'une progression de 9,4 %, et l'augmentation des crédits
affectés à la politique de la qualité, d'un montant total de 17,05 millions
d'euros, bénéficie essentiellement à la promotion des signes de qualité.
Cependant, la commission des affaires économiques a considéré que la
progression de 4 % de crédits alloués à l'Institut national des appellations
d'origine, l'INAO, d'un montant de 12,9 millions d'euros, était insuffisante au
regard des importants besoins de cet organisme.
La subvention de l'Etat à la société pour l'expansion des ventes des produits
agricoles et alimentaires, la SOPEXA, est, quant à elle, reconduite à 24,4
millions d'euros, ce qui est juste suffisant pour couvrir les frais d'entretien
du réseau de cet organisme dans le monde.
D'un montant total de 487,83 millions d'euros, les crédits affectés à
l'équarrissage et à l'élimination des farines animales augmentent de 9,4 %
cette évolution résultant à la fois de l'augmentation de 13 % des crédits
affectés au financement du service public de l'équarrissage et de la diminution
de 10 % des crédits destinés au financement de l'élimination des farines
animales.
Prenant acte de la progression des crédits consacrés à la sécurité alimentaire
et à la qualité, la commission des affaires économiques n'en a pas moins
déploré l'insuffisant effort financier de l'Etat en faveur de l'INAO. Elle a
également regretté la stagnation des crédits en faveur de la SOPEXA, dans un
contexte où la promotion de nos produits agroalimentaires est indispensable.
Elle a finalement, contrairement à ma proposition, émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits destinés aux industries agroalimentaires dans le projet
de loi de finances.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Férat, rapporteur pour avis, que je salue à l'occasion de
la présentation de son premier rapport budgétaire.
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement agricole.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, alors qu'en 2002 le budget de l'agriculture s'établira au même
niveau qu'en 2001, les crédits de l'enseignement agricole progresseront de 2,27
%, pour atteindre 1 171,56 millions d'euros.
Cette comparaison constitue, certes, un signe encourageant pour cet
enseignement, qui fait encore, à bien des égards, figure de parent pauvre
comparé à l'éducation nationale, mais il ne faut pas pour autant en déduire
qu'il est bien servi.
Le projet de budget comporte certaines mesures positives qui prennent en
compte la nécessité de rattraper les retards accumulés au cours des dernières
années.
Parmi ces mesures positives je me félicite de la progression des subventions
aux établissements de l'enseignement public, qui augmentent de manière
significative aussi bien en fonctionnement qu'en investissement.
Ces moyens supplémentaires sont bienvenus, alors que la parcimonie budgétaire
a contraint ces établissements à recourir à des expédients durant la période de
forte croissance des effectifs.
Ainsi, l'accélération du programme de mise aux normes du parc immobilier des
établissements d'enseignement supérieur correspond à une incontestable
nécessité dont l'urgence a encore été accrue par les intempéries de décembre
1999.
Mais l'effort devra être poursuivi au cours des années à venir, car les marges
de manoeuvre demeurent étroites. A titre d'exemple, en 2002, pas plus qu'au
cours des deux précédents exercices, ne pourra être étendu dans l'enseignement
technique le dispositif de prise en charge des frais de stage.
Si ces mesures constituent des signes encourageants, le projet de budget
comporte encore des lacunes, qui sont autant de sujets de préoccupations pour
l'avenir.
Ainsi, monsieur le ministre, comment justifiez-vous le fléchissement de
l'effort engagé pour renforcer les moyens en personnel de l'enseignement public
? Le recul des effectifs à la rentrée 2001 ne peut légitimer une telle rupture
dans le rythme des créations d'emplois !
En 2002, seront créés 12 emplois d'enseignants, contre 120 en 2001 et 158 en
2000.
La situation est comparable dans l'enseignement supérieur, qui ne bénéficie
pas des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la rénovation des formations,
en particulier dans les écoles vétérinaires. Ce constat est particulièrement
préoccupant alors que l'on souhaite réduire la précarité : en effet, on peut
craindre que l'insuffisance des créations d'emplois ne contraigne à nouveau les
établissements à recourir à du personnel précaire, sauf à leur imposer des
quotas de contractuels, ce qui ne jouera pas en faveur d'une amélioration des
taux d'encadrement.
Pour les personnels ATOSS, administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de
santé et de service, de l'enseignement technique, si nous restons peu ou prou
sur le rythme constaté l'an dernier, nous sommes très loin des objectifs du
plan de rattrapage sur lequel vous vous étiez engagé, monsieur le ministre. En
outre, le bilan très décevant de l'application de la loi Perben, attesté par le
nombre encore élevé d'agents contractuels régionaux, ne permet pas d'expliquer
le relâchement de l'effort en ce domaine : 153 emplois, contre 260 en 2001,
seront créés par transformation de crédits de vacation et d'heures
supplémentaires.
Le montant des dotations destinées à l'enseignement privé suscite également
bien des interrogations.
Si je me félicite de la revalorisation, tout à fait légitime, des subventions
à l'enseignement supérieur privé, je m'inquiète de l'évolution des crédits
consacrés aux établissements du second degré.
M. Serge Mathieu.
Très bien !
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis.
Pour les établissements du temps plein, je constate
que, s'agissant de la rémunération des enseignants, le projet de loi de
finances ne prend en compte ni les conséquences de la réforme du statut des
professeurs de lycées professionnels ni l'extension à ces personnels du régime
temporaire de retraite des maîtres des établissements d'enseignement privé, le
RETREP, pourtant annoncé depuis longtemps.
Cela consiste à faire supporter à l'enseignement privé le coût de ces mesures
en limitant, voire en interdisant des mesures de créations d'emplois ou de
revalorisation de la fonction enseignante.
Pour les subventions de fonctionnement, procédera-t-on enfin, en 2002, à la
réactualisation des bases de calcul qui aurait dû intervenir en 1998 et, si
oui, avec quels crédits ?
Enfin, je m'interroge sur les raisons qui ont conduit à ne pas réévaluer cette
année, comme c'est l'habitude, le coût du poste de formateur, référence à
partir de laquelle sont calculées les subventions aux établissements du rythme
approprié.
Alors que l'enseignement agricole fonctionne dans sa grande majorité selon le
régime de l'internat, il ne pourra bénéficier des mesures décidées par le
ministre de l'éducation nationale en faveur de ce mode de scolarisation. En
l'état actuel des dotations pour 2001 comme pour 2002, pas plus la prime
d'internat que le doublement de la prime d'équipement ne pourront être mis en
oeuvre et, à ma connaissance, le collectif de fin d'année ne prévoit aucune
ouverture de crédits à ce titre. Une telle entorse à la parité entre
l'enseignement agricole et l'éducation nationale ne peut être acceptée.
Ces analyses comptables traduisent, à l'évidence, une gestion à courte vue de
l'enseignement agricole. Le recul des effectifs dans les établissements du
second degré, bien moindre que celui qui est constaté dans l'ensemble de
l'enseignement technique, ne doit pas encourager des tentations
malthusiennes.
L'offre de travail continue à progresser dans les secteurs couverts par
l'enseignement agricole, tandis que nos concitoyens aspirent à de nouveaux
modes de production. Il importe plus que jamais de réfléchir à l'adaptation des
formations à ces nouvelles exigences. Or la politique suivie en ce domaine
manque singulièrement d'ambition : l'attentisme qui en tient lieu risque de
créer les conditions d'un découplage entre les enseignements dispensés et les
besoins de l'économie rurale et agricole. Si cette situation devait perdurer,
notre agriculture perdrait un de ses atouts.
Le constat n'est guère différent pour l'enseignement supérieur. Les handicaps
sont connus et la loi d'orientation n'a pas changé grand-chose. Les synergies
avec la recherche sont encore à mettre en place et je ne vois guère, dans le
projet de budget, les signes d'une action volontariste en ce domaine.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires culturelles a
donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole
pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 31 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes. Essayons de nous y tenir !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque
année, à la faveur de la discussion du budget de l'agriculture, je m'attache,
en qualité de président du groupe d'études de la viticulture du Sénat, à
présenter un état de la situation de notre secteur vitivinicole.
L'année 2001 aura été marquée par une grave crise qui a affecté principalement
la viticulture du Midi, avec une chute des cours de l'ordre de 30 %, mais aussi
les vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC, comme je puis en témoigner
pour ma région du Beaujolais.
Cette crise a motivé d'importantes manifestations des producteurs en
Languedoc-Roussillon, littéralement pris à la gorge par les charges de
trésorerie.
A cette crise, il y a plusieurs raisons.
La première est liée à une diminution structurelle de la consommation
intérieure, qui atteint 33,7 millions d'hectolitres. En 2000, la consommation
de vin accuse globalement une baisse de 5 %, dont 2 % pour les vins
d'appellation et 8 % pour les vins de table. En trois ans, la consommation a
fléchi de 5,5 millions d'hectolitres. Elle atteint 49 litres par an et par
habitant.
La seconde raison réside dans la diminution de nos exportations. En 2000,
elles s'établissent à 15 millions d'hectolitres, après l'année record de 1999
qui a atteint 16,5 millions d'hectolitres.
Les exportations de champagne chutent de 27 % et, hors champagne, les
exportations se replient en volume de 5 %.
Cette évolution défavorable est due à la concurrence sur le marché mondial,
notamment européen, de nouveaux pays producteurs tels que l'Australie, dont les
vins ont été particulièrement appréciés des consommateurs britanniques.
Au cours de l'année dernière, le solde commercial diminue de 2,1 milliards de
francs, pour s'établir à 32,4 milliards de francs. Nous constatons,
heureusement, une reprise des exportations au premier semestre 2001.
Face à cette crise, vous avez engagé, monsieur le ministre, une série de
mesures : plusieurs distillations pourront être opérées en début de campagne et
une distillation supplémentaire de 5 millions d'hectolitres a été demandée à
l'Union européenne.
Au total, 100 millions de francs ont été accordés à la filière et 15 millions
de francs l'ont été pour le recrutement de techniciens et d'oenologues.
M. Jacques Berthomeau, contrôleur général des offices, vous a remis en juillet
dernier, monsieur le ministre, un rapport sur la situation du secteur viticole
français au regard du marché mondial des vins.
Sur les bases de ce rapport, vous avez annoncé, le 25 septembre dernier, la
mise à l'étude d'un plan d'adaptation pour la viticulture.
Quels sont les principaux axes de ce plan ? Poursuivre la restructuration du
vignoble ; moderniser l'outil de vinification ; renforcer l'organisation
commerciale de la filière, notamment avec l'attribution de primes d'orientation
agricole, les POA, permettant de « muscler » le négoce ; enfin, réformer
l'organisation commune des marchés en vue notamment de reconnaître aux Etats
membres la possibilité de rendre obligatoire une distillation de crise qu'ils
requièrent.
J'ajouterai à cette énumération les mesures sociales et fiscales que sollicite
la profession : plafonnement des cotisations maladie, fiscalité favorisant les
transmissions d'exploitations.
Sans doute serait-il fructueux également d'étudier un dispositif de jachère,
permettant la remise en culture des vignes après quelques années d'arrêt de la
production, voire d'arrachage suivi de restructuration.
Mes collègues et moi-même, nous nous félicitons de l'adoption par les deux
assemblées du contrat de vendange permettant l'embauche, dans un cadre légal
adapté, de travailleurs saisonniers qui seront exonérés des cotisations
sociales salariales.
S'agissant de la reconquête des marchés, un débat est intervenu au salon
Vinexpo à Bordeaux sur l'intérêt de pratiquer des politiques de marques
permettant de dégager des budgets de promotion. A cet égard, que faut-il penser
de l'échec du projet Mondavi dans l'Hérault ?
Je n'aurai garde d'ignorer l'accord intervenu entre la grande distribution et
la filière des vins de pays et des vins de table pour la présentation de ces
vins dans les linéaires des grandes surfaces. J'observe, à cet égard, que les
ventes de vins assurées par la grande distribution ont fléchi de 5 % en 2000 ;
les foires aux vins ne rencontreraient-elles plus le succès d'antan ?
Une réforme de l'agrément par l'INAO est intervenue récemment ; elle porte sur
le respect des conditions de production et sur la dégustation.
Puisque j'évoquais l'INAO, je ne puis, monsieur le ministre, passer sous
silence les mouvements sociaux qu'a connus cet établissement public, motivés
par des problèmes d'effectifs et une inquiétude budgétaire. Pouvez-vous nous
rassurer, monsieur le ministre ?
J'achèverai cet exposé en évoquant la récolte 2001, qui atteint 56,3 millions
d'hectolitres contre 59,7 l'année dernière.
Les vins de table représentent 20,7 millions d'hectolitres et les vins de
qualité produits dans des régions déterminées, les VQPRD, 25,7 millions
d'hectolitres. La récolte est globalement de bonne qualité. On ne saurait à
l'excès déplorer cette légère diminution compte tenu de la crise que traverse
la filière.
Je rappellerai qu'avant le début de la campagne les stocks atteignaient 97,6
millions d'hectolitres, en hausse de 7 % par rapport à l'année dernière à la
même période.
Il convient de rendre hommage à nos collègues Gérard Delfau et Gérard César,
qui animent un groupe de travail sur l'avenir de la viticulture française au
sein de la commission des affaires économiques et du plan.
Le souci d'une formation agronomique, économique, informatique adaptée à
l'agriculture du xxe siècle me conduit à porter un intérêt tout particulier à
l'enseignement agricole. Je déplore que les crédits affectés à la formation,
l'enseignement et la recherche, qui s'élèvent à 1 173 millions d'euros, ne
progressent que de 2,2 %, au lieu de 5,5 % dans le budget pour 2001. Je note
toutefois l'effort consenti en faveur de l'enseignement technique agricole, qui
permettra la création de 50 emplois.
Je suis attaché, monsieur le ministre, à une réelle parité de traitement entre
l'effort budgétaire consenti en faveur de l'enseignement public, d'une part, et
les établissements privés, conformément à la loi Rocard, d'autre part.
Il y a lieu de souligner l'enrichissement apporté aux élèves par
l'enseignement en alternance que pratiquent les maisons familiales rurales,
dont la vocation dépasse le seul secteur de la production agricole ou viticole.
Ces établissements constituent des instruments de l'animation du milieu
rural.
Monsieur le ministre, je vous remercie à l'avance de l'attention que vous
voudrez bien porter aux problèmes que j'ai soulevés.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis
heureux que ce débat sur le budget de l'agriculture me donne l'opportunité
d'intervenir sur un sujet qui m'est cher : la gestion des risques en
agriculture.
Monsieur le ministre, je n'interviendrai que sur ce point particulier, mais
sachez que, sur l'ensemble du budget de l'agriculture, je partage tout à fait
les conclusions de la commission des affaires économiques, à laquelle
j'appartiens.
Comme vous le savez, l'agriculture est l'activité humaine la plus dépendante
des conditions climatiques. Il est donc nécessaire que l'activité agricole
fasse l'objet d'une protection à l'égard des risques particuliers qui lui sont
inhérents, et cette protection devra prendre en compte la spécificité de la
profession d'exploitant agricole.
Aujourd'hui, les agriculteurs doivent disposer d'outils de garantie adaptés à
cette réalité. On le constate malheureusement tous les jours, les risques dits
traditionnels se modifient et des risques d'un genre nouveau apparaissent. Il
faut proposer aux acteurs du monde agricole des réponses adaptées à cette
réalité.
Si elle a organisé le dispositif relatif aux calamités agricoles, la loi de
1964 n'est plus que partiellement appliquée. Aujourd'hui, la logique de
l'indemnisation l'a emporté sur celles de la prévention et du développement des
assurances.
Au demeurant, s'il est indispensable de développer le mécanisme d'assurance
récolte - vous y travaillez, monsieur le ministre - il faut que cette assurance
soit attractive pour les agriculteurs. A cet égard, la loi d'orientation
agricole avait prévu un rapport sur l'assurance récolte. Nous attendons la
publication officielle de ce rapport, dont M. Babusiaux a été chargé.
Dans cette attente et celle du débat qu'il entraînera, je profite de
l'occasion qui m'est donnée pour aborder ce sujet.
Les aléas climatiques, en particulier, peuvent atteindre un niveau très élevé,
sur des surfaces importantes, selon, parfois, de fortes fréquences. Dans ces
conditions, si l'assureur peut proposer des solutions techniques adaptées, il
les assortira souvent de tarifs dissuasifs tenant compte de la nature des
productions et des risques.
C'est pourquoi l'intervention des pouvoirs publics est nécessaire sous une
forme ou sous une autre : prise en charge d'une partie des primes ou des frais
de gestion, réassurance, etc.
A cet égard, je voudrais simplement rappeler qu'en 1999 la dotation du
ministère de l'agriculture au fonds national de garantie des calamités
agricoles, le FNGCA, était nulle alors qu'auparavant elle s'élevait en moyenne
à 200 millions de francs par an.
Depuis deux ans, cette dotation est de 50 millions de francs, et on ne peut
que se féliciter de l'accroissement d'un montant de 20 millions de francs pour
cette année. Cela permettra, je l'espère, d'amorcer le processus de gestion des
risques, même si la participation de l'Etat devrait, à mes yeux, être autrement
plus conséquente.
En effet, si l'on se rapporte aux estimations du rapport Babusiaux, toujours
officieux, le coût de la mise en place du dispositif de protection contre les
aléas climatiques serait d'environ 60 millions de francs - soit deux fois le
montant actuel de l'incitation à l'assurance grêle - pour la prise en charge
des primes la première année, et de 300 millions de francs la cinquième
année.
Dans cette perspective, l'Etat doit impérativement prévoir un budget
permettant de faire face à la montée en puissance de ce nouveau dispositif.
Je voudrais aborder maintenant le problème soulevé par un amendement voté la
semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Le dispositif d'épargne défiscalisée, adopté par l'Assemblée nationale, en
complément de l'assurance, est intéressant parce qu'il permet de faire face à
des investissements futurs ou à des aléas climatiques, sanitaires, économiques
ou familiaux, aléas qui affectent le devenir de l'exploitation.
Cette nouvelle déduction pour aléa, articulée autour de l'actuelle déduction
pour investissement, se caractérise non seulement par l'obligation pour
l'exploitant de mobiliser l'épargne sur un compte affecté, mais aussi par celle
de souscrire une assurance couvrant les dommages aux cultures ou la mortalité
du bétail.
Je ne conteste pas cette interactivité entre épargne et assurance. En effet,
les assurances, notamment les assurances récoltes, souscrites en complément de
l'épargne, permettront à l'agriculteur de se prémunir contre les sinistres les
plus importants.
Néanmoins, il est difficile à ce jour d'appréhender comment épargne et
assurance vont s'articuler. Il faut préciser ce qui peut et ce qui doit être
assuré aujourd'hui. Je le redis, des risques d'un genre nouveau apparaissent,
tels que le risque prix, accru dans un contexte de dérégulation et de
mondialisation des marchés agricoles, ou encore les risques sanitaires.
Dans la pratique, nous savons tous que l'assurabilité est fonction de
paramètres techniques, du rapport entre le coût du risque et la solvabilité de
la demande, de l'existence ou non d'une offre des assureurs et de la
possibilité de trouver un réassureur.
Epargne et assurance sont complémentaires, mais n'est-il pas prématuré de les
lier dès aujourd'hui aussi fortement ? Ne croyez-vous pas, monsieur le
ministre, qu'une telle mesure soit trop contraignante et vienne limiter vos
efforts pour garantir le revenu agricole ?
Demain, monsieur le ministre, l'agriculteur pourra choisir entre : le
dispositif souple que constitue la déduction pour investissement, avec une
provision constituée pouvant rester dans la trésorerie ; le dispositif plus
avantageux financièrement et fiscalement qu'est l'épargne de précaution, mais
avec l'obligation de mobiliser l'argent sur un compte spécifique ; enfin, la
possibilité de recourir ou non à l'assurance récolte.
Ces mesures vont dans le bon sens : celui d'une sécurisation du revenu.
Il me semble que cette liberté de choix serait opportune, du moins dans un
premier temps, tant que le système d'assurance récolte ne sera pas « rodé ».
Imposer le lien assurance-épargne défiscalisée, c'est un peu oublier la
diversité des exploitations, en termes de nature de production, en termes de
taille de l'exploitation, en termes de santé financière. C'est aussi multiplier
les contraintes pour les agriculteurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, lors de la discussion des articles non
rattachés, je déposerai un amendement visant à dissocier ce nouveau mécanisme
d'épargne défiscalisée de l'obligation de souscrire une assurance.
Quoi qu'il en soit, je souhaite, monsieur le ministre, qu'épargne de
précaution et assurance récolte deviennent opérationnelles le plus vite
possible et que l'Etat apporte un financement suffisant pour qu'il fonctionne
efficacement.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi de faire le point sur quelques questions que la lecture du budget
a suscitées dans l'esprit des responsables de la forêt communale et de la forêt
privée.
Nous avons salué en son temps le plan « chablis » de monsieur Jospin et, plus
tard, coopéré avec vous, monsieur le ministre, pour l'heureux aboutissement de
la loi d'orientation sur la forêt. Mais voici venu le temps de « la réalité
rugueuse à étreindre », comme dit le poète.
Je ne ferai, en l'occurrence, que prendre le relais de notre excellent
rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, et de notre non moins excellent rapporteur
pour avis M. César, qui se sont plaints de la diminution des crédits de la
forêt.
J'insisterai sur le chapitre 61-45, ligne 40, qui regroupe la reconstitution
des forêts, le nettoyage, la poursuite des programmes de conversion, le
reboisement, l'équipement des routes forestières aux scieries, en passant par
les platesformes.
En 2001, la forêt a bénéficié de 1,7 milliard de francs de crédits, si l'on
additionne les engagements nouveaux - 600 millions de francs, soit 91,47
millions d'euros - la participation de l'Europe - 240 millions de francs, soit
36,69 millions d'euros - et les reports de l'année 2000, fort importants - 800
millions de francs, soit 121,69 millions d'euros.
En 2002, l'inscription budgétaire de 69 millions d'euros, soit 454 millions de
francs, est en baisse sensible par rapport à 2001. Il faut y ajouter, bien sûr,
les 40 % provenant de l'Europe - 182 millions de francs, soit 27,6 millions
d'euros - dont l'Etat fait masse en quelque sorte avec ses propres crédits pour
tenir sa fameuse promesse des 600 millions de francs par an.
Comme cela ne suffit pas, l'Etat compte aussi sur les reports de 2001, évalués
à 600 millions de francs, soit 91,47 millions d'euros, pour arriver à un total
d'environ 1 235 millions de francs, soit 188,27 millions d'euros.
Mais ces reports - et c'est ce sur ce point que je voudrais insister - sont
peut-être déjà largement entamés.
En effet, du côté de la forêt privée, on assiste, depuis octobre, à une
accélération des engagements - rien que pour octobre, ils atteignent 180
millions de francs, soit 27,44 millions d'euros - au point que les retards pris
en raison des changements de procédure et de la substitution du CNASEA, Centre
national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles, aux TPG
seront peut-être rattrapés... et les crédits consommés.
N'oublions pas, non plus, les aides aux transports, très sensibles en forêts
privées, qui seront affectées avant le 31 décembre 2001. Même si elles sont
supprimées - ce que je regrette - de nombreux dossiers n'ayant pas encore été
évalués, des dépenses pourront intervenir.
On peut craindre en outre l'insuffisance des crédits de paiement par rapport
aux autorisations de programme : il serait sans doute opportun de revoir la clé
de répartition. Mais vous êtes au fait de toutes ces difficultés, monsieur le
ministre, puisque le syndicat des propriétaires forestiers sylviculteurs vous a
adressé un courrier à ce sujet.
S'agissant de la forêt publique, nos inquiétudes portent sur trois points :
l'avenant tempête - hors plan chablis et hors contrats de plan - dont on ne
connaît pas le financement ; les avenants aux contrats de plan Etat-région ;
enfin, ce qu'on appelle les programmes ordinaires, tels ces plans de conversion
établis, dans les aménagements, avant les tempêtes de 1999 et dont
l'application a été suspendue.
Une circulaire devrait permettre de reprendre le cours normal des choses qui
ont été longtemps bloquées au contrôle financier...
Tout cela, à vue de nez, atteint dans les 400 millions de francs, soit 60,98
millions d'euros, pour lesquels, comme je viens de le montrer, on ne peut pas,
à coup sûr, compter sur les reports.
Y aura-t-il, monsieur le ministre, dans la loi de finances rectificative pour
2001, de quoi apurer ce passé et procéder au nécessaire travail de nettoyage
?
Nous avons également, à la fédération des communes forestières, des soucis
concernant les subventions aux communes sinistrées. Le Gouvernement avait nommé
une mission interministérielle ; son rapport a été déposé en octobre. Vous
savez que les vrais problèmes budgétaires vont se poser aux communes en 2002 et
2003, une fois épuisées les ressources provenant des ventes de chablis. Les
6,86 millions d'euros prévus dans le budget de votre collègue de l'intérieur
pour 2002 sont manifestement insuffisants. Là encore, nous espérons dans la loi
de finances rectificative. Il paraît que 7,62 millions d'euros seraient prévus,
soit au total 14,48 millions d'euros. Est-ce vrai ? Aujourd'hui même, notre
collègue M. Nachbar va interroger le ministre de l'intérieur sur ce sujet
sensible.
La mission interministérielle s'est-elle penchée aussi sur le problème des
prêts à taux bonifiés prévus seulement pour aider les communes qui, par
solidarité, ont dû reporter la mise en vente de leur coupes ? Depuis, nous
avons eu la déception des ventes de l'automne : boycott par la Fédération
nationale du bois, mauvaise tenue du marché, en volume - avec une baisse de 50
% - et en valeur, surtout pour le hêtre. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
intercéder auprès du Gouvernement, vous qui vous êtes fait, l'an dernier, notre
interlocuteur naturel, et un peu notre protecteur ?
(M. le ministre sourit.)
A ce propos, où en sont les décrets d'application ? Nous sommes intéressés,
bien sûr, par les deux textes relatifs à l'ONF : il y a celui dit de l'« ONF
ensemblier » qui comporte une disposition renforçant notre représentation au
sein du conseil d'administration de l'organisme ; l'autre est le texte relatif
au régime des ventes.
Je profite de cette occasion pour vous féliciter, après M. Delfau, du bon
contrat de plan Etat-ONF que vous avez réussi à obtenir du Gouvernement.
J'assure l'ONF, son directeur, ses cadres et ses agents de l'estime profonde et
de la confiance des communes forestières, en dépit des difficultés que nous
pouvons avoir sur tel ou tel point.
Il y a deux autres textes qui nous concernent spécifiquement et que vous devez
prendre avec votre collègue de l'économie et des finances : celui qui découle
de l'article 9 de la loi sur le plan d'épargne forestière, et auquel nous
tenons beaucoup - tout particulièrement le nouveau président de la fédération
des communes forestières qui vous parle -, et celui qui est relatif au
reversement d'un pourcentage des cotisations en valeur bois payées par les
chambres d'agriculture.
Nous comptons, pour la formation des élus communaux, sur un complément de
ressources en 2002. Or on nous dit que l'APCA aurait déjà voté son budget sans
en tenir compte. Il est vrai que, faute de décret, les dispositions de
l'article 9 de la loi ne sont pas encore entrées en application. Il y a,
semble-t-il, un problème interne aux chambres d'agriculture, qui nous inquiète
beaucoup.
Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu faire un discours lyrique, comme on en
avait fait l'année dernière à propos de la loi forestière, mais un discours de
comptable. Continuez à nous aider sur ces différents points et vous aurez bien
mérité, en 2002, comme en 2001, de la forêt française.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en ma
qualité de sénateur d'un département de montagne, le Cantal et en tant que
secrétaire général de l'Association nationale des élus de la montagne que je
m'adresse à vous aujourd'hui. Aussi concentrerai-je mon propos sur les éléments
de ce budget qui touchent particulièrement les agriculteurs de montagne.
Vous le savez, monsieur le ministre, la situation de nos agriculteurs de
montagne est grave, très grave, plus grave encore que ne le laissent entendre
les conclusions de l'enquête nationale menée par votre administration.
En effet, il faut le dire et le redire, la situation est critique, et c'est
toute l'économie des départements de montagne qui est en jeu face à ce séisme
d'une ampleur dramatique. Ce séisme risque, à court terme, d'accélérer la
désertification de nos zones rurales si une solidarité nationale et européenne
ne se concrétise pas très rapidement, d'autant que - nous venons de l'apprendre
- la grille des prix de la viande bovine décidée le mois dernier par
l'interprofession ne sera pas reconduite.
Je n'aborderai ici que deux points, mais ce sont des points majeurs pour la
survie de notre agriculture de montagne : la mise en oeuvre des nouvelles
modalités de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, l'ICHN, et celle
des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.
Les éleveurs de montagne sont confrontés à de réelles difficultés du fait de
la mise en oeuvre des nouvelles modalités de l'ICHN.
La réforme des ICHN s'est traduite par une modification de calcul, celui-ci
étant, depuis 2001, fondé sur les surfaces fourragères, et non plus l'unité de
gros bétail - UGB -, d'un agriculteur qui recourt aux bonnes pratiques
agricoles.
L'intention est tout à fait louable en soi, mais, avec ce nouveau dispositif,
l'ICHN est détournée de ses objectifs initiaux, directement liés à la
compensation des handicaps naturels des exploitations des régions de montagne,
car elle devient une mesure agri-environnementale liée au taux de
chargement.
Avec cette réforme, le montant des 25 premiers hectares primés est inférieur
au montant des 25 premières UGB aidées jusqu'en 2000. Les petites exploitations
ayant un chargement supérieur à un - mais néanmoins extensif - sont
particulièrement pénalisées par ce nouveau mode de calcul.
Cette situation peut être corrigée en augmentant, dans le budget pour 2002, le
montant moyen des vingt-cinq premiers hectares. Mais, pour cela, une dotation
supplémentaire de l'ordre de 35 millions d'euros est nécessaire. Cette somme
correspond au montant que vous avez promis en 2001, mais elle n'apparaît pas
dans le projet de loi de finances pour 2002.
C'est pourquoi l'ensemble des élus de la montagne et de très nombreux
sénateurs vous demandent, monsieur le ministre, de corriger cette distorsion
apportée par la réforme des ICHN, qui pénalise plus particulièrement les
petites exploitations.
Un département comme le Cantal, qui représente près de 9 % des ICHN
françaises, pourrait ainsi prétendre à une enveloppe supplémentaire de l'ordre
de 18 millions de francs, soit environ 140 francs pour chacun des 25 premiers
hectares de chaque exploitation.
Je tiens également à attirer votre attention sur la majoration qui était
accordée aux éleveurs dont le siège d'exploitation est situé à plus de 1 000
mètres d'altitude : avec la mise en oeuvre de la réforme, cette majoration
n'est plus possible. Cette impossibilité, vous en conviendrez, va à l'encontre
de la prise en compte des handicaps spécifiques de la montagne.
Pourtant, ces handicaps sont bien réels, et l'ICHN est au coeur d'un juste
rééquilibrage des aides.
Quelques chiffres frappants illustrent ce propos. Le montant moyen de l'ICHN
représente 19 % du revenu des agriculteurs de montagne, alors qu'en même temps
leur revenu moyen est inférieur d'environ 40 % à celui des exploitants situés
en zone non défavorisée.
A titre d'exemple, le revenu agricole moyen en Auvergne est de 65 000 francs
par an. Mais, aujourd'hui, il faut aussi tenir compte de la perte de revenus
liée à la crise, chiffrée par les organisations agricoles à 200 euros par
UGB.
Monsieur le ministre, le 5 novembre dernier, lors de l'examen du budget de
l'agriculture pour 2002, à l'Assemblée nationale, vous avez pris l'engagement,
au nom du Gouvernement, d'abonder votre budget pour que « la réforme des ICHN
n'entraîne aucun recul des subventions ou des soutiens donnés aux agriculteurs
». Ce jour-là vous avez parlé de 3 milliards de francs. Or 1,3 milliard sont
déjà inscrits au projet de loi de finances et 1,5 milliard sont apportés par
l'Europe ; il manque donc 200 millions pour faire le compte.
Aujourd'hui, les agriculteurs, confrontés à une crise sans précédent, comptent
sur vous pour tenir ces engagements. Je souhaiterais connaître, comme tous mes
collègues des zones de montagne, par quelle mesure supplémentaire vous avez
l'intention d'y parvenir.
Enfin, je souhaite aborder rapidement les conditions de mise en oeuvre des
CTE, mesure phare de la loi d'orientation agricole que j'ai personnellement
soutenue.
En effet, ce dispositif permet à nos agriculteurs de se lancer dans une
véritable politique contractuelle, fondée sur un projet d'exploitation alliant
l'économique et le social, l'environnement et le territorial.
Le CTE permet ainsi de sortir d'un système d'aides forfaitaires et
automatiques qui a largement montré ses limites.
Par ailleurs, c'est un dispositif parfaitement adapté à la politique de
montagne parce qu'il favorise la multifonctionnalité de l'agriculture de
montagne, qui doit s'inscrire dans une logique plus large de développement
rural.
Malheureusement, le volet économique de ces CTE, plafonné à 100 000 francs,
est très insuffisant en zone de montagne car les investissements y sont plus
coûteux.
Néanmoins, il faut noter avec satisfaction une montée en puissance, à hauteur
de 25 %, des crédits attribués aux CTE en 2002. Pour autant, ce dispositif doit
être parfait pour devenir un véritable outil de développement rural au service
des agriculteurs.
Sur le plan quantitatif, il faut bien avouer que l'objectif fixé est loin
d'être atteint. Seulement 50 000 CTE étaient prévus en 2000 et 15 000 étaient
signés au 1er novembre 2001. Le rythme actuel de 2 000 contrats par mois laisse
toutefois espérer une évolution positive. La complexité de cette notion
nouvelle est sans doute, pour une grande part, responsable de ce départ
timide.
Aussi les démarches doivent-elles être simplifiées et assouplies pour obtenir
une adhésion plus volontaire des agriculteurs ; c'est une demande forte de la
base et des socioprofessionnels.
Cependant, ce qui pourrait être plus déterminant encore, c'est sans doute le
développement de projets collectifs, qui ne représentent aujourd'hui que 10 %
des CTE, car la réussite de l'ancrage territorial du CTE doit s'appuyer sur une
mobilisation de tous les acteurs locaux. De tels projets peuvent émaner d'une
petite région agricole, d'une intercommunalité, de coopératives ou encore
d'associations à vocation de développement rural. Pour cela, ils doivent être
fortement encouragés et facilités, grâce à une simplification des procédures,
associée à un champ plus large de la contractualisation.
Monsieur le ministre, les agriculteurs de montagne, déjà très pénalisés par
les handicaps naturels qu'ils subissent, méritent, dans un contexte
particulièrement difficile, d'être fortement soutenus par le Gouvernement.
Des ICHN adaptées à leur spécificité et les CTE peuvent constituer des
réponses à leurs attentes, à condition que la diversité de leur mode de
production soit mieux reconnue dans notre politique agricole.
Seule cette reconnaissance peut encourager les filières de qualité et
favoriser la valeur ajoutée pour sortir de la spirale infernale de la baisse
des prix et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
L'heure est au choix : quelle société voulons-nous pour demain ? Une société
uniformisée, linéaire, monoculturale, avec un mode unique de production
agricole, aligné sur les prix mondiaux, bref, une société standardisée ? Ou
bien une société riche de la diversité de ses territoires, de ses savoir-faire,
de ses cultures, ouverte à de nouveaux échanges, en d'autres termes, une
société enrichie par ses différences ?
N'oublions pas que cette diversité constitue l'un des atouts majeurs de notre
pays.
Notre choix est clair, et il est partagé sur de nombreuses travées de cet
hémicycle : c'est cette société-là que nous voulons pour demain, et c'est bien
cet enjeu majeur qui, aujourd'hui, justifie la mobilisation de tous. Nous
comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur des mesures concrètes prises
rapidement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
M. Lejeune applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant
des diverses subventions publiques d'origine nationale et européenne consacrées
à l'agriculture s'élève à près de 29 milliards d'euros, soit 190 milliards de
francs. On le constate encore aujourd'hui, notre secteur agricole est l'un des
secteurs d'activité qui reçoit le plus d'aides publiques, et ce dans la
continuité des efforts consentis les années précédentes.
Comment, dès lors, ne pas souligner le contraste inquiétant entre, d'un côté,
des aides toujours aussi importantes et, de l'autre, une situation économique
et sociale qui s'est progressivement dégradée au point de dégénérer en une
véritable crise, faisant éclater les contradictions du modèle productiviste
?
De nombreuses crises agricoles ou alimentaires ont pour origine l'appât du
gain. C'est vrai pour les farines animales, qui ont été moins chauffées que
nécessaire pour être stériles ; c'est vrai pour la dioxine, liée à
l'introduction de produits illicites dans l'alimentation des animaux. Il en
résulte un affaiblissement de la confiance des consommateurs dans les produits
alimentaires et une accentuation de la crise par la baisse des ventes, alors
que la sécurité alimentaire n'a jamais été aussi grande.
Quand les crises ont des origines liées aux échanges européens et mondiaux,
est également en cause le monde de l'argent, des grands groupes de
l'agroalimentaire et de la grande distribution, qui tirent les prix à la
production vers le bas pour dégager des marges maximales.
Tout cela pose la question du modèle de société que nous voulons
construire.
Nous savons, monsieur le ministre, tous les efforts que vous avez consentis,
au cours de ces dernières années, pour promouvoir une agriculture plus
soucieuse de l'environnement et tenter de réorienter la production agricole
vers ses finalités premières.
Les quatre priorités inscrites à votre budget - le renforcement de la qualité
et de la sécurité alimentaires, le développement de la multifonctionalité de
l'agriculture et de la forêt, l'intensification des actions en faveur de la
formation et de la recherche, le soutien des filières de production et la
régulation des marchés - témoignent de cette volonté d'impulser une nouvelle
orientation, en rupture avec les logiques antérieures.
La tâche n'est pas aisée, qui le nierait ?
Votre bilan est, sur certains points, tout à fait positif. Je pense notamment
aux efforts consacrés à la relance du secteur forestier dans le contexte
particulièrement délicat que l'on sait. Les CTE constituent aussi un élément
qui contribue à enrichir la politique agricole d'objectifs d'intérêt général en
valorisant les différentes dimensions économiques, sociales, environnementales
et territoriales de l'agriculture. Si les avancées en ce domaine sont encore en
dessous des objectifs fixés, reconnaissons que la concrétisation d'un projet
aussi novateur suppose quelques délais d'ajustement avant d'atteindre un
rendement correct.
Soulignons aussi que, dans une conjoncture où les jeunes risquent de se
détourner de cette activité, les CTE ont l'avantage d'aider ceux qui
s'installent et ne peuvent, faute de diplôme, prétendre à la DJA. C'est une
revendication des communistes qui est, ici, partiellement satisfaite. L'amour
du métier ne suffit pas toujours à rendre attractive une profession de moins en
moins rémunératrice aux yeux de ceux qui s'y seraient peut-être engagés si les
conditions étaient différentes.
Depuis vingt ans, la situation des agriculteurs s'est fortement détériorée. La
dernière enquête de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA,
intitulée
Pauvreté et RMI dans l'agriculture,
fait le constat de la
persistance de très bas revenus dans l'agriculture, malgré la disparition de
nombreuses petites exploitations, facteur traditionnel de la pauvreté agricole.
Ainsi, 40 % des exploitations agricoles dégagent un revenu inférieur au SMIC,
tandis que plus de 40 000 paysans tirent mensuellement de leur exploitation des
revenus inférieurs à la moitié du SMIC !
Fait plus inquiétant encore - mais comment ne pas le remarquer ? en phase avec
l'évolution globale de la société - les disparités de revenus se sont accrues
au cours de la décennie quatre-vingt-dix l'écart entre les riches et les
pauvres se creusant un peu plus encore.
L'INRA observe aussi que le salariés agricoles sont particulièrement exposés à
la pauvreté. Certains d'entre eux connaissent des situations d'extrême
précarité, proches parfois du total dénuement. Et le nombre de ceux qui
touchent le RMI ne cesse d'augmenter. Comme pour l'ensemble du salariat, les
mesures de déréglementation visant à accroître la flexibilité - annualisation
du temps de travail, travail à temps partiel - contribuent à une précarisation
accrue des emplois.
Les formidables gains de productivité accumulés dans le secteur agricole au
sens large sont aujourd'hui accaparés par les multinationales de
l'agroalimentaire qui, cherchant à se fournir à moindre coût en matières
premières, font pression sur les cours en même temps qu'elles poussent à
l'accroissement des rendements. Malgré d'importantes subventions, cette
situation ne permet pas à nombre de nos producteurs de bénéficier de revenus
décents.
La baisse régulière du nombre des installations, la disponibilité des crédits
et la baisse des taux d'intérêt devraient nous inciter à majorer les aides en
direction des jeunes générations. L'augmentation de 25 % de crédits destinés
aux CTE y contribue en partie.
Les toutes récentes négociations à l'OMC sur le volet agricole ont mis en
évidence la difficulté à concevoir, dans le cadre de la mondialisation des
marchés, une politique agricole commune qui préserve les intérêts de
l'agriculture européenne tout en favorisant ceux des pays en voie de
développement.
Les conclusions du sommet de Doha ne sont pas de nature à dessiner un avenir
radieux aux agriculteurs de demain. En effet, « des améliorations
substantielles de l'accès au marché » signifient une pénétration encore plus
grande des importations en provenance des pays tiers. Aussi « des réductions de
toutes les formes de subventions aux exportations en vue de leur retrait
progressif » peuvent se traduire par une baisse de la production nationale.
Enfin, « des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de
distorsions des échanges » supposent que tous les pays membres de l'OMC
appliquent ces réductions qui, sur le plan national, portent d'abord préjudice
aux plus petites exploitations et à la multifonctionnalité.
Abaisser les prix à la production vers un prix mondial - qui ne signifie rien
au regard de la très grande diversité des conditions climatiques et sociales de
la production - et démanteler les systèmes d'aide aux revenus, tels sont les
objectifs des Etats-Unis et des pays du groupe de Cairns dans le cadre de cette
négociation où les dés sont pipés.
Nous ne sommes pas sûrs que la révolution dans le domaine des biotechnologies
sera, comme certains l'affirment, favorable aux pays du Sud. Le risque existe,
en effet, que les firmes multinationales s'accaparent des recherches sur les
OGM pour soumettre l'agriculture mondiale aux lois du marché et aux logiques du
profit. Cela s'appelle la « guerre alimentaire ».
« Terminator », le procédé génétique qui compromet la reproduction naturelle
des plantes par elles-mêmes, justifie par exemple pleinement nos craintes.
Cette soumission de l'agriculture au marché mondial n'est pas à même de
favoriser des prix stables et mieux rémunérateurs.
En France, à la suite des événements que l'on connaît, la filière bovine, en
particulier les éleveurs de troupeaux allaitants, ont profondément souffert et
souffrent toujours, malgré les mesures de soutien que vous n'avez pas hésité à
mettre en place et leur ciblage actuel en faveur des plus touchés.
Les écarts constatés entre les prix producteurs et les prix payés par le
consommateur sont symptomatiques de graves perturbations. La mise en place d'un
observatoire des prix et des marges, ainsi que l'expertise des possibilités
offerte par la loi relative aux nouvelles régulations économiques sont des
mesures appréciables.
Monsieur le ministre, vous m'avez dit en commission ne pas envisager de
prolonger ces deux mesures par un renforcement de la loi NRE ou par une
nouvelle loi encadrant le marché et la formation des prix. Or, à mon avis, cet
observatoire ne permettra ni de relancer la demande ni d'assurer un plus juste
revenu aux producteurs s'il ne s'accompagne pas d'un véritable et effectif
contrôle des prix.
Du moins, cet observatoire permettra-t-il, et en cela il est déjà très utile,
de suivre l'évolution des marges tout au long de la filière bovine, en
identifiant les segments qui maintiennent leur marge, voire les augmentent.
Un certain nombre d'enquêtes permettent déjà de mettre en évidence que la
grande distribution n'est guère affectée par la crise bovine. Ainsi, une étude
parue mi-septembre dans la revue
Les Marchés
montre que le rayon
boucherie libre-service d'une grande surface réalise des marges substantielles.
La marge nette par mètre linéaire de rayon rapporte annuellement 220 000 francs
contre 121 000 francs pour les produits élaborés par les distributeurs, soit un
écart de 82 %. Un tel rayon de grande surface dégage une marge nette de l'ordre
de 23 %.
En comparaison, le résultat net d'un abattoir atteint difficilement les 1 % à
1,5 % du chiffre d'affaires. Il me paraît nécessaire de réguler et de mieux
répartir les marges au sein de chaque filière si nous voulons faire évoluer les
prix à la production, notamment, sans pénaliser les consommateurs.
Non seulement ces distorsions de prix ne sont pas propres à la filière bovine,
mais elles sont révélatrices de phénomènes structurels susceptibles à tout
moment de dériver vers des formes aiguës de crise pesant plus lourdement encore
sur le revenu des exploitants touchés, qui par les conséquences de l'infection
des farines, qui par celles de la fièvre aphteuse, qui par toute autre crise
conjoncturelle susceptible de se généraliser du pays foyer aux autres pays.
A cet égard, l'effort supplémentaire que vous consacrez à la régulation des
marchés va dans le bon sens et nous nous en félicitons. Elle n'est cependant
encore que très timide.
La viticulture, par exemple, a subi un retournement brutal de conjoncture qui
touche tout particulièrement la région Languedoc-Roussillon. L'arrivée de
nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins, l'accumulation des
excédents depuis plusieurs saisons contribuent à peser sur les prix et mettent
en difficulté de nombreux viticulteurs. Ils réclament des mesures d'urgence
capables de contribuer à une remontée des cours afin qu'un revenu décent leur
soit assuré.
Dans l'immédiat, la distillation de 5 millions d'hectolitres à un prix de 19
francs par hectolitre permettrait de répondre aux besoins urgents de trésorerie
et des exonérations d'impôts soulageraient les plus en difficulté. A moyen
terme, il est nécessaire de maîtriser la production et de soutenir les jeunes
vignerons par des aides ciblées aux investissements.
Une mesure d'importance consisterait aussi à tenter d'uniformiser, dans le
cadre de l'OMC, les règles concernant les pratiques oenologiques. Vous avez
annoncé, monsieur le ministre, un plan d'adaptation de la viticulture à
l'horizon 2010 mobilisant l'ensemble des partenaires de la filière.
Pourriez-vous nous en préciser les contours ?
La loi d'orientation agricole, la LOA, a donné de bonnes pistes d'évolution à
notre agriculture. Il faudra plusieurs années pour corriger les effets des
orientations précédentes qui visaient à imposer un seul modèle pour
l'agriculture, le modèle productiviste. Demain, la LOA devrait logiquement
redessiner le paysage par la coexistence de plusieurs modes agricoles
complémentaires et rémunérateurs. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les
incompatibilités entre la PAC, l'élargissement de l'Union européenne, les
conclusions de l'OMC à Doha et la loi d'orientation.
Le chemin est encore long pour réorienter la mondialisation des échanges. Il
est urgent d'établir un bilan contradictoire des effets des précédents cycles
de négociations du GATT, puis de l'OMC. Il est urgent de considérer la
production agricole et alimentaire comme une activité vitale d'utilité publique
au même titre que la santé, l'eau, l'emploi, le logement, la sécurité
alimentaire et l'aménagement du territoire, qui doivent demeurer des domaines
protégés et inaliénables pour chaque pays, sans exclure des échanges
mutuellement avantageux.
Monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre
budget, dont nous partageons les orientations générales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Marc Pastor.
Le budget agricole que vous nous présentez, monsieur le ministre, met en
exergue deux caractéristiques essentielles, la volonté et la continuité.
Première caractéristique, la volonté émane de ce gouvernement qui, depuis
1997, veille à ancrer pleinement l'agriculture dans son époque.
Il s'agit non plus de s'adosser au monde paysan pour tenter d'en tirer une
légitimité politique fondée sur un modèle rural que l'on a trop souvent opposé
au modèle urbain, mais bien de mettre en application le produit d'une réflexion
sur l'avenir du monde paysan, dépassant les clivages partisans, dans le
contexte mondialisé dans lequel nous évoluons chaque jour un peu plus.
Le courage de ce gouvernement est d'avoir pris acte du rôle social du paysan,
qui grâce à son activité, devient responsable du territoire en tant que bien
collectif.
Ainsi la loi d'orientation agricole a-t-elle réintroduit les bases d'une
relation forte de l'homme à la terre en reconnaissant la multifonctionnalité du
métier d'agriculteur.
De là découle le renouveau de la notion de terroir et des produits d'origine,
en phase avec la politique d'aménagement et de développement du territoire et
l'émergence des pays. Le budget agricole pour 2002 est une expression concrète
de cette approche, qui accompagne le début d'une mutation inéluctable.
Deuxième caractéristique de l'action du Gouvernement, la continuité apparaît
dans le budget tout entier. Je prendrai comme unique illustration la
revalorisation des retraites, qui mobilise toutes les attentions et alimente
les débats, tant les retraités de l'agriculture sont perçus comme des acteurs
faisant partie intégrante du monde agricole et moins comme une génération
remplacée par une autre.
Leurs préoccupations sont prises en compte de manière continue comme une
composante de la politique agricole nationale et participent au phénomène de
mutation de l'activité agricole dans notre pays.
Dès lors, l'action du Gouvernement est tournée vers l'avenir mais ne méconnaît
pas le passé sur lequel notre agriculture se fonde et auquel la mémoire
collective est fortement attachée. En traduisant pour la cinquième année
consécutive le rôle de nos anciens dans une ligne budgétaire, il donne un signe
de continuité et tient un engagement à hauteur de 20 milliards de francs, même
s'il n'est pas envisageable de s'arrêter là. Je vais y revenir.
Volonté et continuité se conjuguent donc, monsieur le ministre, dans les
priorités que vous affichez à l'occasion de ce budget, qui est quasiment
stable.
Vous avez choisi de développer la qualité et la sécurité sanitaire des
produits alimentaires. Les crédits augmentent de 12 %. Ils se décomposent en
actions de promotion et de contrôle de la qualié, notamment l'agriculture
biologique et les signes de qualité, en un dispositif d'identification
permanente des animaux, essentiel à la traçabilité, en une dotation à l'Agence
française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, dotation en progression
de manière à être en phase avec la problématique du moment.
Le plan de lutte contre l'ESB est un volet incontournable de votre action
agricole, monsieur le ministre, chacun le sait. Son intensification de 20 %
montre à quel point ce dossier est pris au sérieux, contrairement à certains
propos que j'ai pu entendre ici.
Vous avez également voulu bousculer l'économie agricole et promouvoir la
multifonctionnalité de l'agriculture. A travers les CTE qui n'en constituent
que les prémices, la multifonctionnalité de l'agriculture prend corps de
manière institutionnelle. Tant mieux ! C'est un garde-fou contre les aléas ou
les excès du marché. Ainsi, les crédits finançant les CTE sont majorés de 25 %,
en phase avec l'accélération des contrats conclus. Même si les objectifs
annoncés au départ ne sont pas atteints, il n'empêche que le chemin se
poursuit.
Cet instrument, dont je n'ai pas besoin de rappeler qu'il correspond à
l'orientation de notre agriculture pour les années à venir, est
incontestablement une première réponse pour que notre pays ne devienne pas une
grande puissance sans paysans.
La modulation des aides introduites pour la première fois dans notre pays par
le gouvernement de Lionel Jospin a ouvert la voie d'un rééquilibrage des
soutiens. Mais, monsieur le ministre, son caractère redistributif, vous l'avez
senti, n'est pas évident ; il faut l'accentuer. En effet, il est toujours
difficile de bousculer de vieilles habitudes et de remplacer l'aide aux
produits pour partie par l'aide à la personne.
S'agissant des installations, force est de constater qu'avec 6 000 enfants par
an en âge de s'installer, les agriculteurs n'ont plus aujourd'hui les moyens
démographiques de remplacer la population agricole. Il faudrait 12 000
installations par an pour maintenir cette population à 3,5 % des actifs.
Monsieur le ministre, vous n'êtes évidemment pas resté inerte face à cette
problématique dont les causes ne sont pas les modalités d'attribution de la
dotation aux jeunes agriculteurs, contrairement à ce que certains de nos
collègues voudraient nous faire croire.
L'APCA, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, dans son document
relatif au budget, reconnaît que plus de vingt mesures ont été prises depuis
2000, parmi lesquelles figurent un assouplissement de l'aide à la transmission,
la mise en oeuvre du contrat territorial d'exploitation-transmission et du
CTE-installation progressive, l'élargissement de l'accès à la dotation aux
jeunes agriculteurs, des allégements fiscaux.
Il me semble que la profession devrait aujourd'hui s'interroger, au-delà des
questions foncières, sur les conditions de vie et de tavail qui s'offrent aux
jeunes agriculteurs. En effet, on n'évitera pas que ces nouvelles générations
feront de plus en plus des comparaisons entre le cadre de vie qui leur est
proposé et celui qui est proposé à des jeunes qui exercent d'autres métiers. Il
y a là une question de fond qui doit être abordée.
Le travail paysan est devenu un travail solitaire, alors qu'il était autrefois
collectif. Ne faudrait-il pas réfléchir à réinventer cette communauté de femmes
et d'hommes en s'attachant à recréer des habitudes de travail en groupe, voire
un partage du travail, et, peut-être, dans certains cas, du capital ? La
question mérite d'être posée.
J'ai entendu tout à l'heure notre collègue, M. Pierre Jarlier, évoquer la
nécessité des CTE collectifs. Je partage pleinement cette interrogation de
fond.
Si nous voulons de nouveaux cadres de vie pour nos jeunes agriculteurs, ce
n'est pas forcément par des dotations que nous y parviendrons.
En ce qui concerne le soutien des filières, ce budget fixe une augmentation de
4 % des dotations.
L'Etat soutient à juste titre la filière bovine. A cet égard, monsieur le
ministre, vous prévoyez un nouveau plan d'aides en direction des éleveurs de
bovins allaitants pour le début de l'année. C'est d'autant plus nécessaire que
la filière est désorganisée et que la crise est grave.
Je dois dire que je continue de m'interroger sur l'attitude ambiguë de
quelques-uns des acteurs de cette filière - cela a été dit à cette tribune -
qui ne jouent pas le jeu de la solidarité et qui continuent de réclamer à la
fois plus de liberté et plus d'intervention. Je m'interroge également sur le
positionnement politique de ceux qui entretiennent cette ambiguïté en dénonçant
la suradministration de l'agriculture tout en revendiquant toujours plus de
transferts au titre de la solidarité nationale. Tout cela reflète le contraste
et l'ambiguïté d'une agriculture qui réclame à la fois plus de libéralisme du
marché et plus d'encadrement.
M. André Lejeune.
C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor.
Cela dit, il faut trouver un avenir à l'élevage allaitant et nous comptons sur
vous, monsieur le ministre, pour tirer les conséquences de la crise française.
L'adaptation de la PAC à mi-parcours nous paraît être, sur ce dossier comme sur
d'autres, une évidence.
M. André Lejeune.
Très bien !
M. Jean-Marc Pastor.
Le budget pour 2002 dotera par ailleurs le fonds des calamités agricoles de
3,04 millions d'euros supplémentaires, ce qui encouragera les dispositifs
d'assurance récolte prévus par la loi d'orientation agricole.
Les crédits d'aménagement de l'espace rural sont également en hausse
sensible.
Ceux qui sont consacrés à la forêt sont en rapport avec les dispositions de la
loi d'orientation pour la forêt afin de reconstruire les forêts, de les
protéger et de promouvoir l'efficacité économique de la filière.
Autre point important de ce projet de budget : la priorité accordée à
l'enseignement et à la recherche. Les crédits inscrits sur ce volet sont en
hausse de 2,2 %, consacrant surtout la déprécarisation des personnels et la
progression des moyens de l'enseignement supérieur.
Je conclus là mon tour d'horizon en indiquant que ce budget permettra de
produire un effet de levier significatif sur la mise en oeuvre des priorités
qui ont été définies et de maintenir le potentiel d'activité sur les secteurs
d'intervention traditionnels, consolidant ainsi la hausse du budget de 2001. Le
groupe socialiste le votera donc...
M. Henri de Raincourt.
Il a bien tort !
M. Jean-Marc Pastor.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, monsieur le ministre, les deux
caractéristiques essentielles de votre budget sont la volonté et la
continuité.
En conclusion, je saluerai donc, d'abord, votre volonté affichée de faire en
sorte que la conférence de Doha aboutisse à un accord susceptible de préserver
l'agriculture de notre pays et de l'Union européenne.
Je saluerai, ensuite, la continuité de votre action quant à la création d'un
régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole. La discussion dans les
prochaines semaines de la proposition de loi Peiro en sera l'aboutissement.
En franchissant ce nouveau pas social, vous permettrez à la fois à cette
législature et à ce Gouvernement de régler deux questions fondamentales. Vous
leur permettrez tout d'abord d'amorcer une nouvelle ventilation des aides
publiques accordées au monde agricole en les orientant moins sur les produits
mais plus sur les personnes. Vous leur permettrez, ensuite, de construire les
fondations d'une nouvelle ère rurale où les agriculteurs pourraient trouver un
nouvel espoir. Nous vous en remercions et nous vous encouragerons dans cette
voie.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées
du RDSE
).
M. le président.
La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
discutons aujourd'hui du budget relatif à l'agriculture et à la pêche dans un
contexte qui présage de grands changements pour notre agriculture.
Les crises sanitaires se sont récemment multipliées - dioxine, fièvre
aphteuse, encéphalopathie spongiforme bovine - en provoquant une crise de
confiance chez les consommateurs alors que nos productions n'ont jamais été
aussi sûres et aussi surveillées.
Dans le même temps, la conjoncture internationale est en train de se modifier
avec la nécessaire évolution de la politique agricole commune, l'élargissement
de l'Union européenne aux pays de l'Est et le lancement d'un nouveau cycle de
négociations dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.
Notre devoir de parlementaires est donc de veiller à ce que le présent budget
prépare l'avenir des agriculteurs, c'est-à-dire qu'il permette à chacun d'entre
eux de vivre correctement de son métier, dans le respect de sa spécificité.
Or, force est de constater que le budget de l'agriculture pour 2002 est un
simple budget de reconduction : il s'établit à 5,102 milliards d'euros, soit
une baisse de 0,7 % à structure constante, alors que l'ensemble des budgets
civils progresse de 2,2 %.
Comme l'an dernier et comme l'année précédente, nous pouvons dire que
l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, ce que nous
regrettons vivement. Et cela sans compter que votre politique économique
générale handicape le secteur agricole. Je pense, par exemple, aux 35 heures, à
la taxe générale sur les activités polluantes ou à la future loi sur l'eau, qui
inquiète les agriculteurs.
Dans ce cadre général de faiblesse budgétaire, cette année encore, monsieur le
ministre, vous donnez la priorité à la sécurité alimentaire. Sa dotation
augmentera de 12 % afin de financer, notamment, la lutte contre la maladie de
la « vache folle », l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et la
création de 150 postes pour la surveillance et le contrôle. Nous approuvons
pleinement ce choix qui répond à une nécessité nationale.
Aujourd'hui, je souhaiterais revenir sur la situation critique dans laquelle
se trouvent de nombreux éleveurs, qui sont confrontés, depuis un an, à une
crise sans précédent. J'ai déjà évoqué ce sujet lors d'une question d'actualité
à la fin du mois d'octobre.
La consommation de viande bovine a chuté de façon vertigineuse. Les chiffres
méritent d'être cités : selon le centre d'information des viandes, les achats
des ménages ont baissé de 18 % depuis le mois d'octobre 2000 et un million de
ménages qui achetaient de la viande de boeuf avant la crise n'en achètent
plus.
Au même moment, les mesures de sécurité sanitaire coûtent cher aux éleveurs,
que ce soit le test de dépistage de l'ESB ou les nouvelles méthodes de
désossage de la colonne vertébrale. La perte pour les producteurs est évaluée à
5 francs par kilo.
En conséquence, les éleveurs sont confrontés à d'énormes problèmes de
trésorerie et à des pertes d'exploitation qui sont de l'ordre de 100 000 francs
à 150 000 francs par unité de travail humain. A la veille de l'hivernage, ils
ne pourront payer ni leurs fermages ni leurs annuités d'emprunt. Ils sont pour
la plupart dans une grande détresse morale et financière. Monsieur le ministre,
vous le reconnaissez d'ailleurs puisqu'il ressort d'un récent rapport
d'inspection auprès des directions départementales de l'agriculture et de la
forêt que près de 50 % d'entre eux connaissent des difficultés financières.
3Face à cette crise exceptionnelle par son ampleur et par sa durée, et qui est
loin d'être achevée, des mesures exceptionnelles s'imposent, non pas des
mesures ponctuelles mais de vraies mesures structurelles.
Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez
annoncé un nouveau plan en faveur des éleveurs d'ici à la fin de l'année. Ce
plan est attendu d'urgence et il doit se traduire par des aides directes aux
éleveurs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui, monsieur le
ministre ?
Nous devons procéder en deux étapes : d'abord, enrayer la crise du secteur
bovin - je viens d'en parler - et, ensuite, tirer les leçons de cette même
crise afin de préserver l'avenir du secteur de l'élevage et de dynamiser
toujours davantage notre agriculture.
Le Sénat entend prendre sa pleine part dans la réalisation de cet objectif. A
cette fin, la commission des affaires économiques et du Plan mettra en place,
avec l'accord de son président M. Gérard Larcher, une mission d'information sur
l'avenir de l'élevage en France.
Cependant, nous savons déjà qu'il faut rééquilibrer le marché de la viande
bovine au niveau européen. Dans un rapport sur la PAC, que j'ai d'ailleurs eu
l'occasion de présenter avec mon collègue Marcel Deneux en 1998, nous avions
proposé une maîtrise de la production au niveau communautaire. Où en est-on à
ce jour sur cette question, dans le cadre notamment des négociations sur
l'Organisation commune de marché de la viande bovine ?
Quant à la réforme de l'OCM ovine, il paraît indispensable d'arriver à un
accord lors du prochain Conseil des ministres chargés de l'agriculture sur une
prime fixe de 30 euros, sur une prime supplémentaire de 9 euros en zone
défavorisée et sur le financement par l'Etat de mesures en faveur de
l'environnement et des démarches qualité, car la production ovine joue un rôle
primordial dans l'aménagement de l'espace rural.
Il faut aussi mener une politique d'installation déterminée, ce qui passe par
une meilleure adéquation entre les départs à la retraite et la venue de jeunes
agriculteurs.
A ce titre, je souligne que la politique d'installation des jeunes est
menacée. Ses mauvais résultats perdurent depuis trois ans : en 2000, seuls 6
300 dossiers d'installation ont fait l'objet d'un versement. Ce n'est pas
suffisant pour répondre aux besoins et assurer le renouvellement des
générations. Les conséquences sont graves en matière d'emploi et d'aménagement
rural. Une réflexion de fond et une amélioration du dispositif doivent être
entreprises sans tarder.
Parallèlement, il est indispensable de revoir notre dispositif de préretraite
agricole. En particulier, il me semble qu'il serait possible de mettre en place
une préretraite intégrale, sans quotas départementaux. Un tel système existe
déjà dans de nombreux pays voisins. Il est financé à 50 % par l'Union
européenne.
En ce qui concerne les retraites agricoles, vous poursuiviez l'initiative
prise par l'un de vos prédécesseurs, Philippe Vasseur, et nous achevons, cette
année, le dernier volet du plan quinquennal de revalorisation.
Le but doit être d'atteindre un retraite au moins égale à 75 % du SMIC, ce qui
n'est pas le cas à ce jour. Vous avez donné, monsieur le ministre, votre accord
de principe sur une retraite complémentaire. Permettra-t-elle d'atteindre ces
75 % ? L'Etat ne devrait-il pas en prendre une partie à sa charge au titre de
la solidarité nationale ? Quand présenterez-vous un projet de loi au Parlement
sur ce sujet ?
Parallèlement, il faut faire aboutir la mensualisation du paiement des
retraites agricoles comme c'est le cas désormais pour les artisans.
Dans ce débat budgétaire, où nos interventions sont limitées, j'ai choisi
d'évoquer principalement les difficultés que rencontrent les éleveurs en raison
de l'actualité et de la gravité de la crise qu'ils vivent et aussi en raison du
rôle particulier que tient l'élevage comme dernière activité dans des zones en
voie de désertification.
J'ai également tenu à traiter de la question des retraites et de
l'installation, car il s'agit de l'avenir de notre agriculture dans son
ensemble.
Je n'en oublie pas moins d'autres interrogations que le budget qui nous est
soumis laisse sans réponses : le lent démarrage des CTE, la diminution des
crédits affectés à la forêt, l'absence de réforme de l'assurance récolte, la
future politique de la montagne, les conditions de mise en place du nouveau
programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le plafonnement à 1,7
% de la taxe pour frais des chambres d'agriculture, alors que le budget général
augmente de 2 %.
Pour toutes ces raisons et pour celles que notre collègue rapporteur M. Joël
Bourdin a développées avec plus de précision, monsieur le ministre, le budget
de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant : contrairement
au groupe socialiste, le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera
pas.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le
monde agricole traverse une crise d'une exceptionnelle gravité, le projet de
budget de l'agriculture est à peine stabilisé pour 2002. Il voit, en effet, ses
dotations s'établir à 5,102 milliards d'euros, soit une baisse de 0,1 % en
tenant compte de son nouveau périmètre.
Plombé par le poids des dépenses d'administration, il donne priorité à des
actions d'intérêt général - formation, qualité sanitaire et sécurité
alimentaire - qui sont, certes, légitimes et attendues des consommateurs, mais
qui s'exercent au détriment du socle de la politique agricole, c'est-à-dire les
productions, et du soutien aux agriculteurs.
Les secteurs bovin et viticole connaissent, depuis plusieurs années, une
succession de crises dont l'ampleur plaide aujourd'hui pour la mise en place
d'une dotation spécifique au sein du budget des offices. Or celui-ci est tout
juste reconduit pour 2002.
Monsieur le ministre, j'aborderai deux points.
Concernant, d'abord, plus précisément la filière de l'élevage bovin, le
Gouvernement a, au cours de l'année passée, arrêté plusieurs plans de soutien,
dont le dernier a été annoncé le 17 octobre 2001.
En apparence significatives, ces mesures ont cependant déçu le monde agricole
dans la mesure où elles ne couvrent pas de manière satisfaisante les pertes
subies. Plus que des prêts bonifiés ou des reports de charges sociales, les
éleveurs attendent, de manière urgente, des aides directes au revenu et des
mesures importantes de dégagement de marché pour les broutards.
Il faut déplorer, à cet égard, le manque de solidarité dont a fait preuve
l'Union européenne en refusant le versement d'aides directes aux éleveurs et
regretter le comportement de certains Etats qui n'ont pas appliqué les mesures
européennes de dégagement de marchés, contribuant ainsi à aggraver et à
prolonger la crise.
Monsieur le ministre, vous ne semblez pas mesurer l'ampleur et l'intensité de
la crise bovine. Celle-ci est loin d'être achevée et l'année 2002 nécessitera
sans doute de mobiliser des moyens supplémentaires pour soutenir le revenu des
agriculteurs.
La présentation, mardi dernier, par votre ministère des résultats de l'enquête
menée dans tous les départements sur la situation des éleveurs bovins a
consterné ces derniers.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Parce qu'ils ne les ont pas lus
! Ils ne lisent pas ça !
M. Bernard Joly.
Au contraire, je crois qu'ils les ont lus attentivement !
Selon ce document, « l'examen détaillé des retours d'information ne fait pas
ressortir une situation globale du secteur qui soit à ce jour critique, tant
pour l'état des stocks d'animaux présents sur les exploitations que pour leur
situation économique et financière, si ce n'est celle des exploitations déjà
fragiles avant la crise ».
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous ne citez pas tout,
évidemment ! C'est de la mauvaise foi flagrante !
M. Bernard Joly.
Pourtant, un rapport statistique émanant également de votre ministère - j'y
reviens, monsieur le ministre - fait état d'une hausse importante des charges,
d'un sureffectif non négligeable, d'une chute des cours sans précédent et d'un
marché à l'exportation toujours déprimé : les pouvoirs publics se disent « très
inquiets pour le premier semestre 2002 ». Vous semble-t-il donc urgent
d'attendre que les plus fragiles d'entre eux soient obligés de cesser leur
activité ?
Un autre point de votre budget aurait mérité d'être consolidé : il s'agit de
la politique de la forêt. Les crédits qui lui sont alloués sont en diminution,
passant de 397,9 millions d'euros à 334,4 millions d'euros. Cette baisse
intervient malgré l'adoption à l'unanimité, en 2001, d'une loi d'orientation
sur la forêt et alors que la forêt française ne s'est pas encore relevée des
tempêtes qui l'ont décimée en décembre 1999.
Les communes forestières ont été sinistrées, certaines d'entre elles
complètement, au point que l'on peut estimer aujourd'hui les pertes à 6
milliards de francs. Les communes non sinistrées, par solidarité, n'ont pas
vendu leurs bois au cours de l'année 2000.
Elles se trouvent donc aujourd'hui avec des stocks sur les bras et ne
comprennent pas le boycott des ventes par la Fédération nationale du bois
depuis le 1er octobre. Ce boycott met en difficulté les budgets communaux et
les entreprises de travaux forestiers.
S'agissant du plan chablis, l'échéance des mesures exceptionnelles de prêts
bonifiés et de subventions d'éléquilibre aux communes sinistrées a été fixée au
31 décembre 2001.
Des crédits restant disponibles, monsieur le ministre, je demande instamment
que ces deux mesures soient reconduites, en particulier les prêts bonifiés à
1,5 %.
La gestion de la forêt, qui s'exerce sur le long terme, est peu compatible
avec les principes de l'annualité budgétaire. Or la suppression du Fonds
forestier national en 2000 a entraîné la budgétisation des crédits et le risque
évident d'une érosion des dotations d'année en année. Elle ne permet pas non
plus de soutenir les propriétaires dans leur effort de reconstruction de la
forêt française.
Les agriculteurs retraités sont déterminés à faire aboutir rapidement leur
juste revendication concernant la mise en place d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire, applicable aux actuels retraités. Les éleveurs,
quant à eux, demandent que les conséquences de la crise de la vache folle
soient traitées avec plus de sérieux, d'efficacité et de rapidité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens,
monsieur le ministre, à évoquer à mon tour la détresse des agriculteurs du
berceau des races à viande du grand Massif central, et plus particulièrement de
ceux du Cher, à la suite des crises de l'élevage ovin et bovin.
Dans le cadre de la crise de l'épizootie de fièvre aphteuse, le préjudice subi
par les éleveurs ovins du Cher, dont le cheptel a été abattu à titre préventif,
a en partie été compensé grâce aux mesures d'indemnisation accordées ces
derniers mois. En revanche, il n'en va pas de même pour les éleveurs de
bovins.
Si nous nous réjouissons que le budget du ministère de l'agriculture accorde
une nouvelle fois la priorité à l'enseignement et amplifie le renforcement des
moyens relatifs à la sécurité sanitaire, nous déplorons qu'il ne prenne pas
suffisamment en compte l'accompagnement des secteurs en difficulté, notamment
celui de la filière bovine.
En effet, cette dernière a été durement éprouvée à la suite de la crise de
l'encéphalopathie spongiforme bovine. Les éleveurs subissent de plein fouet les
conséquences de la dégradation du marché, qui s'est traduite par l'effondrement
des cours des bovins, alors que, dans le même temps, les prix de vente aux
consommateurs progressaient. Par ailleurs, la diminution de la consommation, en
termes d'achats par les ménages autant que des commandes par la restauration
collective, est devenue structurelle. Il n'est donc pas exagéré de dire que les
exploitants agricoles et les éleveurs de ma région ont été plongés dans un
marasme extrêmement profond et, avec eux, par effets collatéraux, l'ensemble
des secteurs artisanal et commercial.
Les producteurs des races à viande sont les plus pénalisés, puisque la chute
des prix est proche de 30 % sur les broutards, et l'on estime à un quart le
nombre d'exploitations menacées de faillite dans le secteur allaitant.
Les difficultés financières auxquelles sont confrontés les exploitants
agricoles sont innombrables. Ainsi, 40 % des éleveurs professionnels du berceau
des races à viande du grand Massif central ne perçoivent pas le SMIC et
quatre-vingts éleveurs du Cher ont été contraints de demander à accéder au RMI
à titre dérogatoire.
Nous tenons à le dire, la situation aujourd'hui est due à l'insuffisance
avérée des actions entreprises pour sauver la filière bovine. Sans un
engagement massif de la part du Gouvernement en faveur des éleveurs, notamment
ceux du bassin allaitant, c'est toute une filière qui risque de s'effondrer
avec les répercussions que cela comporte sur l'équilibre économique de
certaines régions.
Afin de permettre aux éleveurs de passer le cap de la crise, en soutenant
leurs revenus et en les aidant à réorienter leur production, nous aimerions que
soient mises en place, d'une part, des mesures de gestion du marché et, d'autre
part, des mesures d'amélioration de leur situation financière.
Résoudre les problèmes des éleveurs reviendrait dans un premier temps à
résorber la production excédentaire puisque la dégradation du marché de la
viande bovine les a conduits à garder plus d'animaux qu'ils ne l'avaient
envisagé.
Il est donc nécessaire de procéder de toute urgence au programme d'abattage
des veaux. Pour compenser les pertes, le plan d'accompagnement des éleveurs
doit à notre sens être mis en place dans les plus brefs délais. Nous plaidons
pour l'attribution immédiate des aides directes, évaluées à 122 euros pour le
retrait de chaque veau et à 200 euros par vache allaitante.
Il serait également souhaitable que soit reconduit le dispositif adopté par
l'Union européenne au titre de la campagne 2000-20001 pour les agriculteurs
ayant contracté des mesures agro-environnementales relatives à une
extensification du cheptel bovin. Cela reviendrait à appliquer un coefficient
de 0,8 sur les unités de gros bétail présentes sur l'exploitation.
Une autre mesure consisterait à donner la possibilité aux éleveurs qui le
désirent de résilier leurs contrats agro-environnementaux en cours sans
encourir de sanctions financières.
Nous estimons par ailleurs que le nouveau plan d'aides « directes et ciblées »
que vous avez prévu, monsieur le ministre, pour les éleveurs bovins touchés par
la crise de la viande doit intervenir rapidement. De ce fait, il nous paraît
indispensable que les travaux d'identification et d'évaluation des éleveurs les
plus fragilisés soient accélérés.
Nous regrettons, enfin, que les dotations aux offices soient seulement
reconduites à hauteur de 466 millions d'euros, en dépit des besoins accrus face
aux marchés en crise. Il est indispensable, selon nous, que des moyens
supplémentaires soient dégagés pour que les offices puissent faire face à des
situations dramatiques telles que celle qui affecte la filière bovine.
En effet, outre les missions qu'ils remplissent, tant dans le fonctionnement
des marchés que dans l'adaptation des exploitations, le rôle des offices
devient aujourd'hui essentiel dans un environnement international de plus en
plus concurrentiel. Ils ont besoin de moyens pour organiser les programmes de
promotion en faveur des produits agricoles et alimentaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les
quelques minutes qui me sont imparties, mon intervention portera exclusivement
sur l'enseignement agricole.
J'ai l'honneur de présider depuis de très nombreuses années le conseil
d'administration de l'Ecole nationale d'industrie laitière et des industries
agroalimentaires, l'ENILIAA, à Surgères. Je me limiterai à deux exemples - je
pourrais, bien sûr, en prendre d'autres - sur le thème : « Du discours à la
réalité », cela sans aucun esprit polémique. Il s'agit de situations que je vis
- j'insiste - depuis longtemps, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'en suis témoin !
M. Jean-Guy Branger.
Vous souriez, monsieur le ministre, mais vous savez que c'est vrai.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Absolument !
M. Jean-Guy Branger
J'ai été élève de l'ENILIAA, j'y suis revenu en tant qu'enseignant et je
préside aujourd'hui le conseil d'administration de cet établissement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je sais tout cela !
M. Jean-Guy Branger.
Vous comprendrez donc que ma motivation soit grande. Je ne demande pas la
parole, histoire de parler ; j'ai vraiment quelque chose à vous dire !
Je commencerai par les missions des établissements publics locaux, les EPL,
particulièrement les établissements publics locaux d'enseignement.
La loi d'orientation leur fait obligation d'assurer cinq missions, dans la
participation au développement, à l'expérimentation, à la recherche appliquée
et à la coopération internationale. Compte tenu des enjeux, l'ENILIAA, comme
d'autres établissements sans doute, y répond en confiant notamment
d'interventions à des ingénieurs. C'est du moins ce que nous dit la direction
générale de l'enseignement et de la recherche, la DGER.
Que se passe-t-il en réalité ? Aucune aide n'est apportée par l'Etat à ces
interventions. Les ingénieurs concernés continuent d'être recensés comme
enseignants. En conséquence, l'ENILIAA supporte donc seule, financièrement, le
coût de l'équivalent d'un temps plein.
S'agissant des heures supplémentaires, on entend dire que le processus de
déprécarisation engagé impose un effort très important à l'Etat. Si je suis,
bien évidemment, favorable à la déprécarisation, qu'il faut poursuivre, je
crois, au contraire, qu'elle ne coûte pas cher à l'Etat, car elle va surtout se
traduire, en réalité, par des postes gagés. La charge pour les établissements
reste donc la même. Mais la déprécarisation aura servi de prétexte pour réduire
les enveloppes d'heures supplémentaires de 60 %.
Le coût pour l'établissement sera, pour l'année scolaire, d'environ 400 000
francs, car il existe - tous ceux qui s'occupent de l'enseignement agricole le
savent - une inadéquation entre les personnels en place et les matières
enseignées. Pour respecter les programmes, nous sommes donc obligés de faire
appel à des contractuels. Mais cela n'étant plus possible faute de moyens, les
élèves se verront priver de la totalité de leurs heures de cours. Au total, 220
heures ne seront pas assurées pour le trimestre en cours. Pour 2002, cela
devrait représenter environ 70 heures par classe.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il ne fallait donc pas «
déprécariser » ?
M. Jean-Guy Branger.
Si, il faut « déprécariser » ! C'est une bonne chose, monsieur le ministre, je
l'ai dit ; je reconnais l'effort qui est accompli à cet égard.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ah !
M. Jean-Guy Branger.
Il faut être honnête ! Mais vous supprimez les heures supplémentaires en
connaissant cette inadéquation ! La « déprécarisation » ne coûte pas cher à
l'Etat, vous le savez, puisqu'elle porte surtout sur des postes gagés. Je vous
le dis avec beaucoup de sincérité. C'est grave, car les professeurs n'assurent
pas leurs cours gratuitement. Il y aura donc une altération de l'enseignement
qui est dispensé.
Je me permets de vous signaler que cet établissement place 80 % de ses élèves
dès la première année de leur sortie et 98 % dans les deux années qui suivent
la fin de leur scolarité. Nous plaçons nos élèves pratiquement à 100 % ! Pour
parvenir à une telle performance, il nous faut développer des liens avec des
établissements, des usines, des industries et des centres de recherche : nous
avons une licence avec la faculté de La Rochelle et nous sommes en train d'en
préparer une autre. Nous tirons le niveau de formation vers le haut, car tous
les élèves préparent des BTS ! Les établissements qui placent tous leurs élèves
à la fin de l'enseignement ne sont pas si nombreux que cela dans l'Hexagone.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est l'enseignement agricole
!
M. Jean-Guy Branger.
L'enseignement agricole est effectivement plus performant dans ce domaine que
l'enseignement général ; je vous le concède et j'en suis fier.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Moi aussi !
M. Jean-Guy Branger,
Cela étant, ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas nous lui donner les
moyens de remplir sa mission ! Je vous le dis avec beaucoup de conviction.
Voilà longtemps que je préside le conseil d'administration de l'ENILIAA : Je
ressens les tensions qui existent, alors que ce n'était pas le cas auparavant.
Nous avions en effet un fonds de roulement. Mais lorsqu'on puise dans un fonds
de roulement sans l'alimenter, ce fonds s'assèche. On l'a fait, et on a
peut-être eu tort, parce qu'on a agi sans les moyens qui devaient nous être
donnés. Je suis très à l'aise pour le dire, car cela ne date pas d'hier. Mais
il est de mon devoir de tirer maintenant la sonnette d'alarme, parce que
l'enseignement agricole en France est quelque chose d'important et de sérieux.
Il faut lui conserver son identité pour que nous puissions continuer à placer
les élèves au lieu de les inscrire à l'ANPE.
Je sais que 90 % d'entre vous, mes chers collègues, partagent mes propos.
(Sourires.)
J'attends évidemment avec intérêt votre réponse, monsieur le
ministre. Les mentalités se dégradent et les comportements changent. J'ai voulu
vous faire partager ma foi et mon espérance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune.
Le projet de budget que vous nous présentez pour 2002, monsieur le ministre,
est globalement équivalent à celui de 2001, lequel avait connu, en revanche,
une hausse de 15 % par rapport à celui de 2000.
Au-delà de son montant, il importe de se demander s'il peut permettre de
répondre aux nécessaires évolutions de l'agriculture et, plus particulièrement,
de mettre en oeuvre les mesures profondes et de longue durée qu'exige la crise
agricole que nous traversons aujourd'hui.
Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris les
années précédentes, en particulier de la loi d'orientation agricole de juillet
1999, qui a créé un outil important de développement : le contrat territorial
d'exploitation.
Je note avec satisfaction la majoration de 25 % des crédits destinés au
financement des CTE, qui va permettre d'accompagner l'accélération que nous
observons dans les CDOA, où plus de 2 000 contrats sont actuellement acceptés
tous les mois.
Certes, le démarrage n'a pas été aussi rapide que nous avions pu l'espérer,
même si plus d'un million d'hectares sont aujourd'hui contractualisés. Cette
lenteur s'explique sans doute par l'image assez confuse qu'avaient les
agriculteurs de ce dispositif qui leur apparaissait comme particulièrement
complexe. Les efforts de communication qui ont été entrepris dans les
départements commencent à porter leurs fruits, et il est nécessaire de les
poursuivre.
Les CTE sont une bonne réponse aux besoins de l'agriculture et nous devons
encourager les agriculteurs à s'engager massivement dans ce type de contrat.
C'est par cet intermédiaire qu'il sera possible de répondre aux attentes des
consommateurs et des citoyens, de développer des produits de qualité, de
reconnaître et de renforcer une agriculture qui travaille pour l'environnement,
d'encourager la diversification, d'améliorer le revenu des exploitations et de
créer des emplois.
Dans mon département, par exemple, au mois de septembre dernier, ce sont
treize emplois directs qui ont été créés, ce sans compter les emplois induits.
Ce résultat, même s'il est modeste, m'apparaît particulièrement encourageant,
surtout si on le compare à la perte progressive d'emplois dans ce secteur au
cours de ces dernières années.
Le bilan des premiers vingt-huit mois montre que nous sommes sur la bonne voie
: 55 % des contrats contribuent à la reconquête de la qualité de l'eau et 46 %
des aides aux investissements vont à l'amélioration de la qualité et des
performances environnementales des exploitations. Les premiers signataires ont
donc bien su traduire dans leur projet les nouvelles orientations de notre
politique agricole.
Ce dispositif est une chance pour toutes les exploitations, même les plus
petites qui peuvent s'inscrire dans une démarche collective et monter des CTE
adaptés à leurs besoins, comme le CTE-élevage herbager.
La profession a sans doute encore du mal à percevoir les effets sur le long
terme de ce dispositif, qui représente une réforme en profondeur, correspond à
une véritable réorientation de notre agriculture, et lui permettra d'être moins
vulnérable aux aléas de la conjoncture. C'est pourquoi il présente un intérêt
tout particulier pour les éleveurs du bassin allaitant profondément touchés par
la crise.
Comme vous l'avez fort justement exprimé, monsieur le ministre, la grande
force de ce bassin en termes d'élevage extensif, de production de qualité et
d'aménagement du territoire, s'avère également être sa grande faiblesse en
temps de crise.
Nos éleveurs produisent des animaux qui ne se vendent plus ou se vendent mal.
Cette offre excédentaire, qui provoque l'effondrement des cours, les frappe de
plein fouet et leur fait subir une perte de revenus considérable.
Vous mesurez parfaitement l'ampleur de cette crise, monsieur le ministre ;
vous connaissez la détresse de ces exploitants, contrairement à ce que disaient
certains orateurs tout à l'heure, et vous n'êtes pas resté inactif face à cette
situation, comme en témoignent les différents plans que vous avez mis en place
depuis novembre 2000.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin en poursuivant une politique de soutien
des prix et de la consommation, ainsi qu'une politique d'aides directes aux
éleveurs.
Dans le cadre d'une éventuelle renégociation de l'utilisation de l'enveloppe
de flexibilité, il faudra certainement veiller à maintenir ou à renforcer le
niveau d'aides prévu pour le troupeau allaitant.
Vous vous êtes déclaré favorable à une différenciation de la viande issue de
ce troupeau et vous avez lancé une étude sur l'avenir du bassin allaitant. Ces
initiatives vont dans le bon sens, car ces difficultés spécifiques nécessitent
des solutions plus structurelles et nous sommes en attente de nouvelles
orientations qui permettront aux exploitations d'être moins fragiles et moins
sensibles aux aléas de l'exportation de broutards.
Quatre priorités d'action sont affichées dans ce budget : la qualité et la
sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture et
de la forêt ; la formation et la recherche ; enfin, le soutien des filières et
la régulation des marchés. Il s'agit de choix pertinents qui devraient
permettre à notre agriculture de relever les défis auxquels elle est
aujourd'hui confrontée.
Monsieur le ministre, je vous félicite pour le bon travail que vous avez
réalisé dans votre ministère et je vous en remercie.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas en détail sur le contenu de ce budget ; les rapporteurs l'ont
déjà fait avec toute la compétence et la précision requises. Je note qu'il est
en baisse.
Comment ne pas dire que l'agriculture traverse une crise sans précédent et
qu'en particulier l'élevage allaitant ne sait comment résister à cette
situation ? De plus, la grande complexité des procédures des aides mises en
place et les contrôles de toute nature decouragent les agriculteurs. J'étais à
une réunion des maires d'un canton du Calvados au cours de laquelle l'un
d'entre eux citait une liste impressionnante de documents à produire dont on ne
mesure peut-être pas assez qu'elle devient insupportable.
Je souhaite, monsieur le ministre, aborder trois sujets qui ne laissent pas
d'inquiéter les professionnels concernés, à savoir : l'Institut national des
appellations d'origine, l'INAO, le programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole, le PMPOA, et la politique du cheval.
En ce qui concerne l'INAO, essentiel dans une politique de qualité et de
territoire, nous nous étonnons d'une dotation budgétaire, certes en
progression, mais qui ne permettra pas de financer les nouvelles missions de
l'institut. Lors de votre audition par la commission des affaires économiques
du Sénat, monsieur le ministre, vous avez annoncé l'attribution de 5 millions
de francs supplémentaires. Seront-ils suffisants ? Quand interviendront-ils ?
Et sous quelle forme ?
Le deuxième point d'inquiétude est le PMPOA. Vous préparez des textes
réglementaires à la suite de la validation par Bruxelles du nouveau programme.
Dans ce cadre, une logique géographique de zone remplace la précédente logique
fondée sur la taille de l'exploitation. Ce changement d'approche crée
localement de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, comment seront traités les dossiers déposés depuis le 18
décembre 2000, date d'arrêt du programme antérieur ?
Ensuite, le zonage aboutit à exclure certains espaces. Est-ce bien raisonnable
d'un point de vue environnemental ? Et faut-il pénaliser ceux qui ont fait le
plus attention à cet aspect ?
Le zonage aboutit aussi à exclure les petites exploitations, puisque seuls les
grands élevages pourront être subventionnés, qu'ils soient situés ou non en
zone prioritaire. Ce traitement vous paraît-il équitable, sachant que tous les
éleveurs, notamment les plus petits en zone prioritaire, devront quand même
réaliser leur mise aux normes ?
Enfin, quelle définition a été retenue de la part des travaux subventionnables
et quel taux peut-on espérer ?
Le dernier sujet que je souhaite aborder est celui de l'avenir de la filière
cheval. Cette année, le fonds national des haras et des activités hippiques,
compte d'affectation spéciale, est partiellement budgétisé. Si nous comprenons
la recherche de l'orthodoxie budgétaire qui motive cette décision, elle ne
semble pas moins avoir été menée sans concertation avec les professionnels et
soulève des interrogations sur le financement futur de toute la filière
cheval.
En effet, monsieur le ministre, vous maintenez un compte d'affectation
spéciale pour les courses ; c'est bien, compréhensible et nécessaire.
Pouvez-vous préciser en quoi consisteront les missions de ce nouveau fonds
national des courses et de l'élevage ? Mais, par ailleurs, vous globalisez tous
les autres financements qui dépendront désormais, chaque année, des arbitrages
interministériels. Comment assurer dès lors les encouragements à l'élevage des
chevaux de sport, de loisir et de trait en continuant de les indexer sur
l'évolution du PMU ? Pourquoi ne pas budgétiser seulement les crédits des haras
nationaux, ce qui correspondrait à la logique de leur transformation en
établissement public administratif depuis deux ans ?
Je tiens à rappeler que, lors de la création du compte d'affectation spéciale,
il était question d'affirmer la cohésion de toute la filière en y intégrant les
courses. Aujourd'hui, comment comptez-vous la préserver, monsieur le ministre,
et maintenir le PMU dans sa fonction de financier de l'ensemble, ce qui est
nécessaire en toute logique et dynamique ? En outre, pouvez-vous affirmer que
toutes les sommes consacrées au cheval dans le précédent système y sont
aujourd'hui conservées ? Le temps m'est compté, mais j'aurais aimé évoquer
d'autres sujets de préoccupation des professionnels, comme l'application des 35
heures, ...
M. Henri de Raincourt.
Quelle horreur !
(Sourires.)
M. Ambroise Dupont.
... la fiscalité trop lourde, et parfois incohérente, la gestion d'accidents
professionnels souvent graves.
Dans ces conditions, comment entendez-vous assurer l'avenir et la progression
de la filière du cheval ? La diversité de ses métiers et le nombre important de
ses petites structures en font un secteur dynamique, créateur d'emplois - à ce
jour au moins 80 000 emplois, en comptant les emplois induits - et constitue
une véritable activité agricole. Le cheval utilise, en effet, de vastes espaces
souvent sans droits à produire ; il revêt donc également un rôle primordial
dans l'entretien de notre territoire.
Les collectivités locales l'ont bien compris, qui ont créé les conseils
régionaux des chevaux avec les professionnels. A l'Etat de ne pas en limiter
l'expansion.
Mes questions sont nombreuses, monsieur le ministre, comme sont nombreuses les
attentes des professionnels qui escomptent beaucoup des réponses que vous
pourrez nous apporter.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la plupart
des orateurs l'ont souligné avant moi, le budget de l'agriculture pour 2002 est
en légère baisse par rapport à l'année dernière. Elu d'un département rural, je
suis sensible à ce mouvement, même si je comprends bien les priorités du
Gouvernement.
Fort heureusement, le renfort des crédits communautaires, notamment à travers
les mécanismes de la PAC, tempère la baisse budgétaire nationale. Aussi, les
concours publics à l'agriculture, qui atteindront, toutes origines confondues,
un peu plus de 28 milliards d'euros, permettent de conforter, c'est vrai, de
nombreuses actions.
Au nombre de ces mesures, je citerai particulièrement celles qui sont
relatives à la qualité et à la sécurité des produits alimentaires. Les
différentes crises qui ont traversé notre agriculture, de l'ESB à la fièvre
aphteuse en passant par la dioxine, ont atteint la confiance des consommateurs.
Au total, et particulièrement pour la viande bovine, les filières ont été
déstabilisées, fragilisant profondément la situation économique des éleveurs et
des producteurs ainsi que celle des transformateurs, sans doute.
C'est pourquoi l'augmentation des crédits en faveur de la protection et du
contrôle sanitaire des végétaux, de la traçabilité animale ou encore le
renforcement des moyens de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments, et des directions sanitaires sont de nature à répondre aux
légitimes exigences des consommateurs.
La France a la chance d'avoir une agriculture riche et diversifiée ainsi qu'un
savoir-faire gastronomique exceptionnel qui font de son industrie
agroalimentaire un « fleuron » de son économie. A ce titre, il est
indispensable de garantir et de promouvoir sa qualité.
A ce volet sécurité et qualité s'ajoutent trois autres priorités du budget qui
nous occupe ce matin : le développement d'une agriculture multifonctionnelle,
le soutien aux filières et la régulation des marchés, ainsi que la
revalorisation des moyens destinés à l'enseignement et la recherche.
L'accroissement des démarches de qualité et de sécurité dont je parlais à
l'instant rendent l'agriculture de plus en plus complexe. Notre agriculture
requiert, aujourd'hui, dans certains secteurs, un tel niveau de sophistication
qu'il est indispensable d'encourager la formation et la recherche.
Je félicite, à cet égard, le Gouvernement d'avoir globalement augmenté les
crédits consacrés à l'action éducative. Je m'interroge, toutefois, sur la
faiblesse de ceux qui sont consacrés aux établissements sous contrat. Une fois
encore, ils ne permettront pas la pleine application de la loi du 31 décembre
1984 censée permettre le subventionnement d'une partie du fonctionnement des
établissements à temps plein de l'enseignement agricole privé. Les enseignants
de ces établissements et les familles attendent un geste de votre part.
La loi d'orientation agricole favorise la multifonctionnalité. Les contrats
territoriaux d'exploitation, ou CTE, qui ont eu des débuts difficiles,
connaissent maintenant une montée en charge à laquelle répond bien votre
budget, monsieur le ministre, avec 76 millions d'euros inscrits pour 2002.
Enfin, pour en terminer avec les axes prioritaires, je dirai un mot du soutien
aux filières. Vous avez présenté un plan destiné à soutenir l'élevage. Je
souhaiterais connaître votre avis sur une demande formulée par les
agriculteurs, à savoir l'adoption d'un prix minimum garanti en cas de crises
conjoncturelles, ce qui se pratique aujourd'hui pour les fruits ou légumes
frais. Les produits animaux, que l'on ne peut pas stocker au stade de la
production, sont donc périssables. Par conséquent, il ne serait pas anormal de
leur étendre le bénéfice de l'article 71-1 de la loi d'orientation agricole de
juillet 1999.
Sur le BAPSA, budget discuté conjointement ce matin, je voudrais, bien
entendu, souligner à mon tour l'effort exceptionnel entrepris en faveur des
retraites dans le cadre du plan pluriannuel.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'objectif de revalorisation des
pensions agricoles pour les porter au niveau du minimum vieillesse, soit 3 720
francs, s'agissant des chefs d'exploitation et des veuves, et 2 955 francs,
s'agissant du conjoint et des aides familiaux, sera atteint en 2002.
La performance de notre agriculture doit beaucoup aux actifs agricoles
d'aujourd'hui comme à ceux d'hier. C'est donc un grand soulagement de voir le
sort des retraités agricoles amélioré.
Bien entendu, même si cet effort sans précédent satisfait les agriculteurs, un
certain nombre de questions devront faire rapidement l'objet d'un débat. La
mensualisation du paiement des retraites, la suppression des minorations pour
les monopensionnés en cas de carrière incomplète, l'instauration d'un forfait
plutôt qu'un taux pour la majoration attribuée aux pensionnés ayant élevé trois
enfants ou plus, tels sont les principaux points en suspens.
Nous attendons surtout avec impatience, monsieur le ministre, la discussion
d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur la retraite
complémentaire. Le voeu d'atteindre une retraite au moins équivalente à 75 % du
SMIC est légitime. Nous connaissons les conditions de cotisation de beaucoup
d'anciens retraités, comme nous connaissons tous également les efforts qu'ils
ont fournis, notamment après la Seconde Guerre mondiale, pour donner aux fruits
de nos terroirs ce que j'appellerai « l'excellence française ».
Bien entendu, monsieur le ministre, en dépit de quelques réserves, je voterai,
avec mes collègues du RDSE, le budget que vous nous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
qui nous est présenté aujourd'hui ne répond pas aux attentes très pressantes de
nos agriculteurs. Beaucoup d'entre eux, confrontés à de graves difficultés
conjoncturelles, ont l'impression d'être laissés sur le bas-côté de la route.
Or, monsieur le ministre, cette professsion doit pouvoir vivre correctement de
son travail.
Sur le long terme, il faut garantir le revenu des agriculteurs, car il y va de
l'avenir du monde rural. Sur le court terme, des mesures doivent être prises
dans les plus brefs délais, et ce particulièrement en faveur des secteurs en
crise, je veux dire la filière bovine et la viticulture.
Nos éleveurs se trouvent aujourd'hui confrontés à de graves problèmes de
trésorerie. Monsieur le ministre, avant hier, un jeune éleveur de mon
département s'est suicidé à cause des difficultés de trésorerie que lui avait
causées la mévente de son bétail !
Ces pertes massives de revenus sont dues principalement à l'effondrement des
cours et à la fermeture des débouchés pour les animaux. Il est maintenant
urgent que la représentation nationale soit informée des résultats du travail
d'évaluation des difficultés des éleveurs en termes de revenus et de
trésorerie.
Un plan d'accompagnement doit rapidement être mis en place. Les éleveurs
doivent pouvoir bénéficier d'aides directes ciblées ainsi que d'une remise des
annuités d'emprunts et d'un report des cotisations dues à la Mutualité sociale
agricole.
Un autre secteur, je le disais, rencontre de graves difficultés : la
viticulture. Cela fait maintenant deux ans que nos viticulteurs sont confrontés
à une baisse de la consommation, tant française qu'européenne, et à une hausse
de la concurrence internationale, avec les vins venus du nouveau monde.
Cette crise est très durement ressentie dans le département de la
Charente-Maritime, dont je suis élu. On assiste, en effet, à une dégradation
continue du revenu des exploitants agricoles de la région délimitée « Cognac »
par l'effet conjugué de la baisse du rendement agronomique et de la baisse des
prix de toutes les productions des vignerons de la région.
Il faut ajouter à cela le fait que la filière du cognac est en surproduction
par rapport aux besoins du marché et que ses coûts de production sont
supérieurs à son chiffre d'affaires. Ainsi, dans cette région, seuls 60 000 à
65 000 hectares sur les 80 000 existants sont viables. Cela revient à dire que
1 000 à 1 500 exploitations, sur les 7 660 existantes, sont condamnées.
Des aides à la restructuration sont donc absolument nécessaires. Des
programmes d'adaptation du vignoble doivent être conçus, soit en diminuant les
surfaces tout en maintenant le niveau de rendement, soit en développant des
vins de pays de qualité. Il est, d'ailleurs, intéressant de noter, à ce sujet,
que, si l'on renforce les crédits en faveur de la sécurité et de la qualité des
produits, on laisse de côté la viticulture. Où sont les mesures pour améliorer
la traçabilité, l'origine et la qualité des produits viticoles ?
Plus généralement, des mesures de dégagement du marché doivent être prises
afin que celui-ci retrouve un niveau stable permettant d'offrir une
rémunération correcte aux viticulteurs.
Le niveau de vie des agriculteurs est, en effet, un sujet de plus en plus
préoccupant. On se demande comment intéresser des jeunes à cette profession
s'ils ne peuvent en vivre décemment. Cette question est d'autant plus
primordiale que l'on constate une diminution importante du nombre des
installations. Cette baisse ne fait que traduire le manque de confiance de nos
jeunes dans l'avenir de cette profession.
C'est le cas dans mon département, où des éleveurs laitiers cessent leur
activité sans avoir de repreneurs. La conséquence directe en est la perte de
quotas, qui ne sont donc plus disponibles pour les jeunes qui veulent
s'agrandir ou s'installer. De plus, la reprise par un jeune qui veut
s'installer en hors cadre familial est liée au financement de l'exploitation.
Or les banques ne veulent pas toujours financer ces projets du fait d'un manque
d'attribution de droits à produire ou du manque de garanties sur ces
attributions.
Il faudrait aider les jeunes en leur finançant les bâtiments ou le foncier. On
peut concevoir soit un système de bâtiment ou de ferme-relais, soit un
mécanisme de subventions versées à l'éleveur pour lui permettre d'acheter ses
bâtiments ou de financer une partie de son installation.
Une des solutions pourrait être la mise en place d'un système fiscal de
transmission des exploitations. Pourquoi ne pas exonérer le cédant de
l'imposition des plus-values en cas de transmission à un jeune ?
Des efforts significatifs doivent également être faits pour les départs à la
retraite. Ce régime connaît un fort déséquilibre démographique, puisque l'on
compte un cotisant pour 2,5 retraités. Il faut savoir que, dans le régime
général, la proportion est de 1 cotisant pour 1,4 retraité.
C'est pourquoi nous devons nous interroger sur la situation présente des
retraités de l'agriculture. Ces derniers formulent en effet des demandes
concernant la mensualisation des pensions de retraite, ainsi qu'une retraite
complémentaire.
Enfin, il faut, bien sûr, poursuivre la revalorisation des retraites afin
d'atteindre 75 % du SMIC. Aucun signe positif n'est lancé en ce sens dans le
présent budget, et nous ne pouvons que le regretter.
Pour toutes ces raisons, mais également parce que la politique agricole du
Gouvernement ne répond que très partiellement aux grandes difficultés du moment
sans préparer sérieusement l'avenir de l'agriculture française, je voterai
contre les crédits qui nous sont présentés.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 3 avril
dernier j'avais donné l'occasion de m'exprimer à cette tribune lors de l'examen
du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Evoquant la tempête de décembre 1999, je m'étais permis de rappeler que, de
mémoire d'administration des eaux et forêts, c'est-à-dire depuis 1824, on
n'avait pas de précédent d'une tempête aussi violente et aussi étendue. En
fait, de mémoire même d'historien, la forêt française n'avait jamais connu une
telle catastrophe depuis le xviie siècle !
Lors de cette intervention, j'avais regretté que la loi d'orientation sur la
forêt soit présentée avec un tel retard, soit un an et demi après cette
catastrophe.
Or cela fait presque deux ans que cette grande tempête a eu lieu et déjà un
certain nombre d'engagements du Gouvernement, pourtant des engagements formels,
semblent un peu oubliés, voire abandonnés.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Aucun !
M. Bernard Barraux.
Que constatons-nous dans le projet de loi de finances pour 2002 ? Hélas ! une
baisse sensible des crédits concernant la politique de la forêt. Et pourtant,
en son temps, le Gouvernement ne nous avait-il pas déclaré avec force sa
volonté de tout mettre en oeuvre en faveur d'une vigoureuse politique
forestière ? Cette diminution des crédits concerne pratiquement tous les
engagements pris après cette tempête, qu'il s'agisse de la bonification des
prêts, des travaux de nettoyage et de reconstitution de la forêt sinistrée, de
la modernisation de la première transformation de l'exploitation forestière ou
encore, au chapitre 61-45 de l'article 40, du reboisement, de la conversion, de
l'amélioration et de l'équipement des outils de gestion, qui diminuent de 24,3
%.
Tous les crédits pour 2002 affectés à la gestion durable de la forêt sont en
retrait très net par rapport à 2001. Les dépenses ordinaires enregistrent une
baisse de 7 % des crédits. Quant aux dépenses en capital, nous constatons qu'il
manquera 15,5 % des sommes sur les crédits de paiement. Les autorisations de
programme diminuent, elles, de 21 %.
Ces diminutions de crédit, monsieur le ministre, n'ont plus grand-chose à voir
avec l'engagement national formel en faveur du développement de la filière
forêt-bois qui avait été pris après la catastrophe.
Que peuvent devenir vos bonnes intentions si elles ne sont pas traduites dans
la réalité budgétaire ?
Depuis la suppression en 2000 du Fonds forestier national, c'est le budget du
ministre de l'agriculture et de la forêt qui assure, seul, le financement de la
politique forestière. Or, comme le disait tout à l'heure Bernard Joly, la
gestion de la forêt ne peut s'exercer que dans la très longue durée, et
l'annualité budgétaire n'est absolument pas compatible avec les programmes à
long terme imposés par le cycle naturel de la forêt. De plus, la budgétisation
de ces crédits entraînera, comme pour les autres, la lente et irréversible
érosion des dotations annuelles.
Les propriétaires forestiers s'inquiètent, car ils sont convaincus que de
telles dispositions ne permettront plus de les soutenir dans leurs efforts de
reconstruction de la forêt.
Pour conclure sur ce sujet, nous ne pouvons que constater que les crédits «
tempête » résultant de vos engagements seront largement inférieurs à ceux de
l'an passé, ce qui entraînera une diminution sensible des crédits consacrés aux
prêts à la forêt ou aux primes de transport. Même la prévention des risques
d'incendie et toutes les opérations de protection qui en découlent ont diminué
de plus de 30 %.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avec tous mes collègues du groupe de
l'Union centriste, de vous demander des éclaircissements sur ces sensibles
diminutions de crédits qui font perdre tout son sens au fameux soutien de la
filière sylvicole.
Je ne peux achever mon propos sans évoquer la situation de la filière bovine.
En effet, si mon beau département de l'Allier possède, entre autres, la grande
et magnifique forêt de Tronçais, il est aussi et surtout un département
d'élevage, puisqu'il est le deuxième producteur de charolais.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le minsitre, les propos que vous avez
tenus lors de votre rencontre avec les sénateurs du groupe de l'Union
centriste, le 22 novembre dernier, au ministre de l'agriculture, propos
relatifs à la situation dramatique que traversent les éleveurs de la filière
bovine.
Cette rencontre, dont nous vous remercions très sincèrement, nous a permis
d'obtenir des précisions sur l'état d'avancement de l'analyse des situations
individuelles à laquelle procède le Gouvernement. Vous vous êtes également
engagé à proposer dès la mi-décembre un nouveau plan d'aides ciblé sur les
éleveurs rencontrant les plus grandes difficultés, et vous avez précisé que les
aides seraient versées au début de l'année 2002.
A propos de la définition de la notion de « grandes difficultés », je
répéterai ce que je vous ai dit le 22 novembre : l'appréciation de
l'endettement bancaire des éleveurs ne peut constituer à elle seule un critère
pertinent. Nombre d'éleveurs n'ont même pas eu la possibilité d'accéder au
crédit bancaire ; d'autres, soucieux de respecter scrupuleusement leur
signature, se sont saignés à blanc pour honorer leurs engagements financiers.
La seule analyse de leur compte bancaire ne reflète donc absolument pas leur
situation réelle.
Par ailleurs, s'il est vrai que les producteurs de viande labellisée s'en sont
pour l'instant plutôt moins mal sortis que les autres, ils connaissent
aujourd'hui les mêmes difficultés que tous les autres éleveurs. En effet,
pendant cette trop longue période au cours de laquelle les médias se sont
acharnés à diaboliser la viande bovine, le label était un repli sécuritaire
pour ceux des consommateurs qui n'avaient pas perdu confiance en la qualité de
nos productions. Mais aujourd'hui, les médias ont décidé, Dieu merci ! de
s'intéresser plus à ben Laden qu'à l'ESB, et la confiance revient
progressivement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
« Dieu merci » ? Je ne suis pas
certains que nous y ayons gagné !
M. Bernard Barraux.
Tous les espoirs auraient été permis si le prix de la viande issue de vaches
de réforme d'importation ne concurrençait pas de façon si déloyale nos
productions !
En effet, ces viandes ne sont pas soumises à la même rigueur sanitaire que les
viandes françaises ; elles n'ont aucune traçabilité et ne sont même pas
parfaitement identifiées à l'étalage des grandes surfaces, alors que nos
viandes « label » sont soumises à un cahier des charges extrêmement rigoureux.
Bon nombre d'établissements de restauration collective - notamment de trop
nombreuses cantines scolaires -, qui hier, au moment de la crise, avaient
retiré la viande bovine de leurs menus, l'ont certes rétablie, mais en
s'approvisionnant trop souvent auprès des distributeurs de ces viandes
d'importation.
Sous votre autorité, monsieur le ministre, j'en appelle à tous mes collègues
maires pour que nos enfants retrouvent dans leur assiette, à la cantine, ce bon
et merveilleux produit de qualité de chez nous qui possède toutes les garanties
et qui les a toujours possédées, même à l'époque de cette cruelle suspicion
collective.
De ce fait, il manque aujourd'hui entre 1 500 et 2 000 francs par bête vendue,
ce qui, vous le savez, est très largement supérieur à la marge qu'un éleveur
peut tirer de son travail.
Par ailleurs, les reports de cotisations de la MSA, qui partent certes d'une
bonne intention, nous poussent dans la spirale infernale de la fuite en avant :
en ce moment, les éleveurs remboursent les cotisations de 1996, qui avaient
déjà été reportées...
Les éleveurs de l'Allier ont profité du fonds départemental d'aide à la prise
en charge des cotisations sociales, financé par le conseil général et la MSA.
Ils attendent la part de l'Etat !
Monsieur le ministre, les éleveurs n'ont plus d'espoir que celui qu'ils
fondent sur vos engagements. Permettez-moi d'insister, car tout retard dans
leur mise en oeuvre ne pourra que contribuer à déstabiliser encore, voire à
désespérer davantage les éleveurs.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même serons donc
particulièrement attentifs au respect du calendrier et les modalités du
versement des concours et des indemnités promis, ainsi qu'à la réflexion en
cours sur l'avenir du bassin allaitant.
Gardons toujours à l'esprit qu'il n'y aura pas d'aménagement du territoire
sans paysans. Toute la politique que le Gouvernement développe pour
l'installation des jeunes, pour le développement des territoires, pour la mise
en place des pays, pour l'environnement, pour une meilleure répartition de la
population dans l'Hexagone, se décline autour de trois mots incontournables :
pays, paysages, paysans.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de l'agriculture pour 2002 s'inscrit dans un contexte
national et mondial bien particulier.
A la mi-novembre, à Doha, l'Organisation mondiale du commerce est parvenue à
un accord, notamment en matière agricole.
Avec une grande partie des professionnels de l'agriculture, dont je salue le
sens des responsabilités, je me félicite que cet arrangement, auquel les
négociateurs français n'ont pas peu contribué, vienne lever une hypothèque qui
pesait sur la politique définie par l'Union européenne.
Cette bonne nouvelle vient éclairer l'horizon d'un secteur de notre économie
dont, l'an dernier, nous évoquions les difficultés face à l'encéphalopathie
spongiforme bovine, l'ESB, difficultés auxquelles se sont ajoutés au cours du
premier semestre de cette année les tourments d'une épizootie de fièvre
aphteuse.
L'événement a paru assez grave à notre assemblée pour qu'elle constitue une
mission d'information dont les conclusions ont permis de légitimer les options
retenues par les pouvoirs publics au cours de cette épreuve.
D'une façon générale, que ce soit en matière de fièvre aphteuse ou d'ESB, le
Gouvernement a su prendre ses responsabilités, et le projet de budget qui nous
est soumis traduit bien, en faits et en chiffres, le souci qui a été le sien de
faire face à ces deux crises. A cet égard, il convient de remarquer le bond en
avant des crédits consacrés à la sécurité sanitaire des aliments, en hausse de
15,27 %, entre la loi de finances initiale pour 2001 et le projet de loi de
finances pour 2002.
Dans une perspective plus qualitative, je saluerai aussi les mesures de
réformes structurelles prises pour le service public de l'équarissage et les
services vétérinaires, en notant qu'elles s'accompagnent de la création de 150
emplois et de l'instauration d'un agrégat budgétaire regroupant l'ensemble des
crédits dédiés à la sécurité et à la qualité des aliments.
Il n'en demeure pas moins que, pour la viande bovine, un décalage semble
subsister entre les prix à la production et ceux de la distribution, ce qui
donne à penser que les éleveurs comme les consommateurs subissent le joug
d'intermédiaires profitant à la fois de la détresse des premiers et de
l'inquiétude des seconds. Le Gouvernement aura à coeur, je n'en doute pas, de
ne pas laisser perdurer une telle situation sans réagir.
Le traitement des deux fléaux qui ont accablé notre agriculture s'inscrit bien
dans les objectifs de la loi d'orientation en matière de soutien aux
agriculteurs et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture.
Cette année encore, avec des crédits confirmant ceux de l'année 2001, l'action
de l'Etat au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée,
dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y
vivent, bénéficiera de plus de 5,1 milliards d'euros, soit plus de 33 milliards
de francs.
Une agriculture du xxie siècle, ce sont tout d'abord des modes de production
plus respectueux de l'environnement, à commencer par ce qu'il est convenu
d'appeler la « prime à l'herbe ».
L'an dernier, à cette tribune, dans le cadre de la discussion budgétaire, je
m'étais permis de recommander avec insistance la revalorisation de cette prime,
gage, en particulier pour les régions de bocage, d'un moindre recours aux
cultures fourragères, qui sont si destructrices pour les paysages. Je ne puis
que regretter que, au rebours de cette orientation, nous nous acheminions vers
la suppression, le 30 avril 2003, d'une mesure jugée inefficace : si elle
l'était, c'est précisément parce que le montant des primes n'était pas assez
incitatif !
Que d'autres dispositifs soient prévus ne compense que partiellement ce
regrettable état de fait, car les rémunérations à l'hectare qui sont envisagées
devraient atteindre à peine la moitié du montant que nous souhaiterions pour la
prime à l'herbe.
De même, après une première baisse constatée en 1999, les autorisations de
programme pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le
PMPOA, chutent de nouveau, cette année, de près de 13 %. Certes, les crédits
qui n'avaient pas été consommés localement seront redistribués. Mais en
attendant la publication du décret réformant le PMPOA, décret qui a été soumis
à l'avis de la Commission européenne, il semble que les exploitants
comprendraient difficilement qu'une sélectivité accrue s'exerce simplement du
fait de la volonté de maîtriser les coûts de ce programme.
En revanche, il convient de saluer l'effort consenti dans le domaine de
l'hydraulique. Je constate avec satisfaction le coup d'accélérateur donné aux
contrats territoriaux d'exploitation, dont j'avais souligné, voilà un an,
l'intérêt et les débuts encourageants.
Mais une agriculture du xxie siècle ne se conçoit qu'avec des agriculteurs. Il
faut donc que de jeunes agriculteurs s'installent.
Certes, la dotation aux jeunes agriculteurs est en diminution, mais il
convient de rappeler que ce phénomène est lié aux résultats des années
précédentes, eux-mêmes en baisse, et que le montant élevé du prix des terres
n'y est pas étranger.
Du reste, comme celles-ci restent malgré tout relativement moins onéreuses en
France qu'au-delà de nos frontières, il arrive que ce soient des agriculteurs
venus de pays voisins, où ils sont déjà exploitants, qui les acquièrent. Par là
même, ils bénéficient des aides à l'installation, comme l'ont indiqué
dernièrement, pour s'en plaindre, des agriculteurs auxquels le représentant de
l'Etat dans mon arrondissement était venu rendre visite.
Le souci du Gouvernement de voir la profession se renouveler est illustré par
l'accroissement de 2,2 % des crédits consacrés à l'enseignement et à la
formation, encore en hausse cette année. J'observe avec satisfaction que toutes
les catégories d'établissement voient les concours de l'Etat augmenter peu ou
prou.
Mais les nouveaux agriculteurs ne sont pas les seuls à voir leur situation
s'améliorer : il en va de même des anciens, comme le montre l'impact financier
des mesures de revalorisation des retraites - encore en hausse sensible cette
année - en attendant la création, sur l'initiative de parlementaires
socialistes, d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition
pour les non-salariés agricoles.
Restent, entre ces deux catégories d'exploitants, la majorité des
agriculteurs, auxquels le Gouvernement n'a pas ménagé sa solidarité à travers
le fonds national de garantie des calamités agricoles. La participation de
l'Etat à ce fonds s'accroîtra, selon le projet de budget, de 40 % ; il faut y
ajouter l'appui à la mise en place d'un système d'assurance-récolte doté de
près de 10 millions d'euros, tandis que le dispositif dit d'« aide aux
agriculteurs en difficulté » voit ses crédits maintenus.
Enfin, une agriculture du xxie siècle doit aussi être source de productions
diversifiées, et la consolidation des filières n'est pas absente du projet qui
nous est soumis. A cet égard, si j'avais salué avec satisfaction la hausse de
la dotation pour la part nationale de la prime à la vache allaitante, accrue
entre 2000 et 2001 de 14 %, ma satisfaction redoublera cette année, puisque
nous est proposé un bond de près de 30 %.
Le groupe socialiste, monsieur le ministre, a pris la mesure des moyens
considérables qui sont ainsi proposés, cette année encore, dans le projet de
loi de finances. Comme l'an dernier, nous apporterons donc un ferme soutien aux
orientations et aux engagements définis, qui illustrent avec force les
priorités de la politique agricole tout en confirmant les efforts conduits
précédemment, et nous voterons votre projet de budget.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde
rural est en crise : ce constat est d'une constante et affligeante banalité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est quant à lui en diminution.
Nos rapporteurs l'ont déploré ; je ne peux que m'en remettre à leurs
explications et les soutenir dans leur analyse.
Vous êtes pourtant, monsieur le ministre, le principal interlocuteur de ce
monde rural sinistré qui a perdu confiance dans son avenir. Aujourd'hui,
au-delà des clivages politiques, c'est d'ailleurs au défenseur du monde rural
que je m'adresse, et, certes, vous avez fait de votre mieux en tenant compte
des priorités dictées par votre gouvernement.
Vous avez ainsi pansé quelques plaies, mais, plutôt que de remédier aux
effets, c'était aux causes du mal qu'il eût fallu vous attaquer.
Monsieur le ministre, quel est aujourd'hui l'état du monde rural ?
L'apparition dans le paysage de l'administration territoriale de
l'intercommunalité, des pays et des parcs, des SCOT et des PLU a créé autant de
problèmes supplémentaires pour le monde rural. C'est ainsi que la loi SRU,
concoctée pour « redensifier » le territoire, interdit
de facto
toute
construction en milieu rural.
Cette loi « ruralicide » devait s'accompagner d'une information des élus qui,
en pratique, a été escamotée en milieu rural faute de personnel suffisant dans
les administrations et, en particulier, dans les DDE. C'est ce qui explique
l'inquiétude ambiante à la veille de l'entrée en vigueur de règles
déterminantes pour le développement économique et social équilibré du
territoire.
Ainsi, les effets cumulés de la loi SRU, de la politique de l'environnement
mise en place par votre gouvernement et de la politique des parcs régionaux
transforment les espaces ruraux en espaces naturels réservés aux citadins en
mal de verdure et freinent le développement des exploitations agricoles, au
risque d'entraîner leur disparition.
Nous faudra-t-il désormais vivre dans des campagnes aseptisées, où le coq ne
chantera qu'à heure autorisée pour ne pas gêner le sommeil des citadins en
week-end et où les exploitations avicoles et porcines ne dégageront plus
d'odeurs ?
Dès lors, en l'absence d'une politique globale cohérente prenant en
considération tous les aspects de la vie en milieu rural, pourquoi aider de
jeunes agriculteurs à s'installer ?
Les CTE représentent plus de 76 millions d'euros et la dotation
d'installation, 66,5 millions d'euros. Ce n'est pas rien ! Mais que feront ces
jeunes agriculteurs dans un milieu où il n'y aura pas d'école pour leurs
enfants, pas de médecin pour venir les soigner, dans un milieu où les services
publics seront défaillants, le commerce de proximité inexistant et les loisirs
peu accessibles ?
Pourquoi poursuivre une politique très coûteuse de mise aux normes des
installations si les producteurs ne peuvent vivre dignement de la vente de
leurs produits ?
Pourquoi, dans le même temps, promouvoir une production de qualité quand nos
produits se heurtent à la concurrence internationale et sont victimes de
l'ouverture de nos frontières à des productions de moindre qualité mais
réalisées à moindre coût ?
Je ne mentionne que pour mémoire les obligations administratives, souvent
dissuasives, auxquelles sont soumis les agriculteurs, mais combien de
formulaires doivent-ils remplir pour la moindre formalité ?
Pourquoi soutenir des systèmes de retraites défaillants dans un secteur où les
administratifs sont maintenant plus nombreux que les actifs ?
Ces interrogations doivent nous amener à nous poser, très simplement mais
honnêtement, la question suivante : pour quel avenir ?
Telle est bien, monsieur le ministre, la France rurale d'aujourd'hui. La
réalité, c'est que toute cette politique notamment fondée sur les lois Voynet,
Chevènement, SRU tend - peut-être est-ce une volonté délibérée - à faire
éclater le tissu rural.
Je souhaiterais tant être démenti !
Monsieur le ministre, il va vous falloir dire à la représentation nationale ce
que vous comptez faire de nos campagnes, de nos agriculteurs et de tous les
acteurs de la vie rurale.
Je veux ici témoigner que les populations rurales, comme leurs maires, veulent
continuer à jouer un rôle véritable dans la vie de notre pays. Les ruraux sont
des Français à part entière. Or, la France que vous nous proposez est une
France à deux vitesses dont nous ne voulons à aucun prix.
Nous attendons une vraie politique, globale, cohérente et viable, pour le
monde rural. Nos agriculteurs veulent vivre de leur travail et continuer d'être
les acteurs du développement durable de notre territoire en même temps que des
« aménageurs » de celui-ci.
Je crois donc, monsieur le ministre, qu'avec vos collègues de l'éducation, de
la santé et de la culture il faut que vous examiniez sérieusement ces questions
incontournables si vous pensez comme moi qu'il y a encore un avenir pour le
monde rural en France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
COMMUNICATION RELATIVE
À DES COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi rénovant
l'action sociale et médico-sociale est parvenue à l'adoption d'un texte
commun.
J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle est
parvenue à l'adoption d'un texte commun.
4
LOI DE FINANCES POUR 2002
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté
par l'Assemblée nationale.
Agriculture et pêche (suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer.
La Meuse, dont je suis originaire, étant essentiellement un département
d'élevage et de forêts, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, que je
consacre ma brève intervention à ces deux sujets.
Avec l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, puis la fièvre aphteuse, les
éleveurs se sont véritablement trouvés dans une situation préoccupante, je
dirais presque désespérante : ainsi que cela a déjà été souligné à cette
tribune, nombreux sont les animaux invendus qui restent dans les exploitations,
et lorsque les producteurs parviennent à les commercialiser, ils subissent des
pertes de 30 % à 40 %. Quelle autre profession, monsieur le ministre,
accepterait sans broncher une telle situation ?
Ces agriculteurs observent, comme nous tous, que, dans le même temps, les
prix à la consommation augmentent, ce qui est paradoxal. Ils constatent aussi
qu'ils sont seuls, actuellement, à supporter les coûts liés aux nouvelles
mesures de contrôle et de lutte contre la maladie, les prestations utiles étant
imputées sur la valeur d'achat du bétail, qui baisse alors que le coût de la
distribution augmente. Qu'il me soit permis de mettre brièvement l'accent sur
les efforts de qualité consentis non seulement par les éleveurs, mais également
par les services de contrôle qui permettent de garantir cette dernière. Tous
ces efforts justifient assurément une hausse du coût de revient.
La crise actuelle impose que des mesures urgentes soient prises et mises en
oeuvre en vue d'assainir le marché et de compenser les lourdes pertes dont les
éleveurs sont les victimes
A cet égard, vous avez annoncé, monsieur le ministre, un plan d'aide en
vingt-trois points, mais son application effective ne pourra intervenir avant
de longues semaines, c'est-à-dire, permettez-moi d'insister sur ce point,
peut-être trop tard pour de nombreux éleveurs, ce qui n'est pas acceptable.
Afin de redonner un peu d'espoir à ceux-ci, ne serait-il pas possible
d'accélérer les procédures ou encore de verser des avances sur aides futures,
dans l'attente de l'obtention de l'accord des autorités communautaires ?
Je souhaiterais également, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement
votre attention sur la situation des éleveurs céréaliers, très nombreux dans
mon département comme dans la Lorraine tout entière, qui subissent à la fois la
crise bovine et les lourdes pertes provoquées par deux années céréalières
catastrophiques. L'avenir des exploitations concernées est en péril ; les
banques se montrent de plus en plus réticentes à leur égard et des mesures
urgentes doivent être arrêtées.
Les règles environnementales, auxquelles se conforme d'ailleurs bien
volontiers la profession, malgré leur côté pénalisant dans certains cas, ne
sont pas faites non plus pour rassurer les agriculteurs. Ainsi, la mise en
oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation se révèle complexe, ce qui
amène des retards.
Pourriez-vous enfin, monsieur le ministre, me donner des informations sur les
rumeurs faisant état d'une éventuelle suppression progressive des quotas
laitiers ? Ce serait là un nouveau coup porté à l'agriculture, et j'aimerais
entendre vos explications sur ce point.
Par ailleurs, les difficultés que traverse l'agriculture vont se traduire par
un déséquilibre des comptes de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Ce
problème se posera pour les futurs projets de budget de l'agriculture, car les
cotisations sont fondées sur les revenus des agriculteurs. C'est pourquoi il me
semble urgent de prendre des mesures de redressement, afin que ne soit pas
remis en cause ce régime social
En ce qui concerne la forêt, pourriez-vous me donner, monsieur le ministre,
quelques précisions sur le contrat d'objectifs que vous avez signé le 22
octobre dernier avec l'Office national des forêts, l'ONF, pour la période
2001-2006 ?
J'observe en effet que l'ONF s'engage auprès des communes concernées à
appliquer le régime forestier et à développer des démarches contractuelles,
l'Etat prenant de son côté l'engagement de maintenir son appui à l'ONF par le
biais du versement compensateur. Nous avons tous une certaine expérience de la
contractualisation et des transferts de charges qui l'accompagnent bien
souvent. Ceux-ci se traduisent par une augmentation des dépenses supportées par
les collectivités locales, parallèlement à un relatif désengagement de
l'Etat.
En outre, je crains que l'objectif assigné à l'ONF d'équilibrer ses comptes à
l'horizon de cinq ans ne conduise ses services à ne s'occuper que des secteurs
rentables et à délaisser, une fois de plus, leur mission de service public, en
oubliant l'esprit des lois de décentralisation, qui prévoyaient que les
services publics seraient mis à la disposition des collectivités locales. Si
ces dernières sont ouvertes à un véritable partenariat, y compris au titre de
l'application d'une politique nouvelle, elles ne peuvent accepter de payer
toujours davantage pour un service qui se dégrade.
En tout état de cause, ces méthodes risquent de conduire les communes
forestières à ne plus vouloir signer ou renouveler les conventions les liant à
l'ONF, voire à les dénoncer. Les missions régaliennes de cet organisme, qui
constituèrent la base des conventions acceptées par les communes, doivent être
maintenues et renforcées. Ensuite seulement, la réflexion sur des missions
nouvelles permettant d'atteindre un meilleur équilibre des finances de l'ONF
pourra s'engager.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter tous
apaisements quant aux préoccupations que je viens d'évoquer et rassurer
l'ensemble de la profession agricole, ainsi que les collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de l'agriculture et de la pêche prévoit, pour l'année 2002,
33,25 milliards de francs de crédits, soit 5,1 milliards d'euros. Ce montant,
presque identique à celui qui figurait dans la loi de finances initiale pour
2001, ne marque pas une rupture, mais vient au contraire consolider la hausse
importante de 15 % intervenue en 2001. Je rappelle en outre que le montant du
budget pour 2000 était de 29 milliards de francs.
De plus, il ne faut bien évidemment pas oublier que, au titre des crédits
communautaires, notre pays bénéficie d'un retour de 68,29 milliards de francs,
c'est-à-dire deux fois le montant du budget que nous sommes appelés à examiner.
L'agriculture est et demeure donc une priorité pour le Gouvernement.
Cependant, si l'effort financier consenti en faveur de l'agriculture est
nécessaire, il est indispensable qu'il s'appuie sur une philosophie claire,
laquelle découle de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999. Pour faire
suite à l'orientation productiviste que nous avons commencé à suivre dans les
années soixante et qui était sans doute inévitable compte tenu de la situation
de l'époque, mais qui, faute d'être encadrée, a débouché sur les problèmes que
nous avons connus ces dernières années, nous devons désormais adopter une
vision beaucoup plus globale de notre agriculture.
Ainsi, au travers de la dernière loi d'orientation agricole, le contrat que
nous avons passé avec les Français vise à l'amélioration de la qualité des
produits, au respect de l'environnement et à la nécessaire multifonctionnalité
de l'agriculture au sein du monde rural. Produire en quantité ne suffit plus,
il faut produire des aliments de qualité, protéger et gérer l'espace naturel,
aménager de manière équilibrée l'ensemble de notre territoire.
Les priorités annoncées dans ce projet de budget sont conformes à cette
nouvelle philosophie qui exige une transformation structurelle de notre
agriculture. Les efforts particuliers portent sur la sécurité et la qualité des
produits alimentaires, la promotion d'une agriculture multifonctionnelle, un
soutien aux filières et une régulation des marchés, ainsi que sur un
renforcement de l'enseignement et de la recherche.
Ce projet de budget est donc logique au regard des dispositions de la loi
d'orientation agricole.
Après cette présentation générale, je développerai plus particulièrement deux
points : la crise bovine et l'enseignement agricole.
J'aborderai, d'abord, la crise bovine.
Il est indéniable que la crise que traverse depuis un peu plus d'un an le
secteur bovin est grave et préoccupante : les cours de la viande sont très bas
- en moyenne, 20 % de moins par rapport à l'année 2000 -, les stocks de viande
sont importants et les revenus des éléveurs ont chuté fortement. A l'occasion
de l'examen du présent projet de loi de finances, les parlementaires ont essayé
de relayer l'inquiétude des éleveurs.
A ce jour, la consommation a repris quelque peu - entre moins 5 % et moins 10
% par rapport au niveau d'avant-crise - tandis que les abattages ont retrouvé
leur niveau d'avant la crise.
Face à cela, la solidarité nationale a joué, et vous en êtes l'auteur,
monsieur le ministre, puisque, dès novembre 2000, un plan d'action pour la
confiance du consommateur, le rétablissement du marché et la trésorerie des
éleveurs et des entreprises a été mis en place. Par la suite, en février 2000,
sur le fondement d'un accord conditionné de la Commission européenne, un plan
d'aides directes aux éleveurs bovins - une enveloppe de 1 milliard de francs,
complétée par diverses autres dispositions - a été annoncé, les aides ayant été
versées en mai et juin de cette année.
A cela se sont ajoutées les mesures de dégagement du marché prises en
septembre dernier. Je tiens, ici, à souligner qu'il est fort regrettable et
dommageable que tous les pays de l'Union européenne n'aient pas respecté les
objectifs fixés en matière de dégagement comme l'a fait la France, laquelle a
opéré 30 % des dégagements alors que son cheptel ne représente que 20 % du
cheptel européen. Cette attitude, en ne permettant pas le rééquilibrage entre
l'offre et la demande, a malheureusement conduit à prolonger cette crise.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé, à la mi-octobre, un nouveau plan
d'aides directes pour les éleveurs, lequel s'appuiera sur une étude fine
réalisée par les directions départementales de l'agriculture. Ces dernières ont
été chargées d'une évaluation précise de la situation de chacun des éleveurs.
En effet, les conséquences de cette crise varient notablement selon les
régions, ou bien la nature du troupeau concerné, laitier ou allaitant, ce
dernier étant paradoxalement le plus touché alors qu'il fournit une viande de
qualité et qu'il est le plus respectueux de l'environnement et le plus utile en
matière d'aménagement du territoire.
Mardi dernier, les premières conclusions de cette enquête ont été rendues
publiques. Deux constats me semblent essentiels. D'une part, pour beaucoup
d'exploitants, entre 40 000 et 50 000, semble-t-il, compte tenu de leur
trésorerie, le premier semestre de 2002 risque d'être délicat, surtout pour les
jeunes et ceux qui ont le plus investi. D'autre part, un grand abattement et
une profonde inquiétude pour l'avenir même, à plus long terme, sont relevés
chez la plupart des producteurs.
Le plan d'aide, découlant de cette analyse, qui résultera de la table ronde du
13 décembre prochain, doit apporter une réponse adaptée au problème de
trésorerie. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous mettrez tout en
oeuvre pour que ces aides soient versées rapidement. Il en va sans doute de la
survie de nombreuses exploitations. N'oublions pas que dans certaines régions,
comme le Grand Massif central, le troupeau allaitant représente la dernière
activité agricole, et même économique. L'enjeu est également de maintenir un
aménagement cohérent de notre territoire.
Ces aides directes sont donc urgentes et indispensables, mais elles ne seront
pas suffisantes. La solidarité nationale doit permettre à ces éleveurs de
traverser cette crise, mais le retour à l'équilibre des marchés est
incontournable.
Cela m'amène au second constat, à savoir l'avenir de la filière bovine,
l'approche étant non plus conjoncturelle mais structurelle.
Cette crise doit être l'occasion de réfléchir et d'anticiper sur le marché de
la viande bovine de demain, l'objectif étant la sauvegarde à moyen et long
termes du cheptel allaitant français, et donc la préservation des territoires
concernés. L'importance et le rôle du cheptel laitier, le prix faible de la
viande de vache de réforme laitière servant d'article de base, la segmentation
du marché des produits bovins, une meilleure information du consommateur et la
fin de l'intervention publique au 1er juillet 2002 sont autant d'éléments qui
doivent être pris en compte.
Le rapport qui doit vous être remis à la fin du mois vise à identifier les
voies permettant un maintien durable du troupeau allaitant. J'espère qu'il
rassurera durablement les éleveurs.
J'en viens au second point que je souhaitais aborder, à savoir l'enseignement
agricole.
L'évolution nécessaire de notre agriculture passe forcément par un
renforcement du rôle joué par la formation. Je suis donc particulièrement
satisfait de constater que l'enseignement agricole et la recherche demeurent
l'une des priorités du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour
2002, comme cela a déjà été le cas les années précédentes.
Ainsi, les crédits consacrés à la formation et à la recherche augmentent de
2,2 % et atteignent 1 173 milliards d'euros, et ce alors que les effectifs ont
tendance à se stabiliser après avoir, pour la première fois en dix ans, diminué
en 2000.
Ainsi, l'enseignement technique public bénéficie de la création de cinquante
emplois, dont douze de professeurs, ainsi que de 320 postes budgétaires. Depuis
1999, 1 384 postes ont été créés. Parmi eux, 546 sont des postes
supplémentaires d'enseignants et 761 postes ont contribué à la forte réduction
de la précarité. L'effort est louable mais il reste du chemin à parcourir ; il
vous faudra poursuivre dans cette voie, monsieur le ministre.
En ce qui concerne les subventions de fonctionnement à l'enseignement
technique privé, les crédits atteindront 438,14 millions d'euros, soit 2,87
milliards de francs, ce qui représente, après une hausse de 3 % pour chacune
des deux dernières années, une progression de 1,3 %. Néanmoins, des problèmes
persistent et il apparaît que le budget 2002 ne permettra pas de tout régler.
Il est nécessaire que de nouvelles décisions soient prises pour garantir la
pérennité de l'enseignement agricole privé, qui remplit correctement sa mission
de service public. J'en profite pour vous interpeller monsieur le ministre, sur
la parution du décret d'application du dispositif de cessation d'activité,
adopté en décembre 2000, et sur le régime temporaire de retraite de
l'enseignement privé, le RETREP.
Je veux également souligner la création de vingt postes dans l'enseignement
supérieur public et la nouvelle hausse des crédits de fonctionnement de 3 %.
L'enseignement supérieur privé bénéficie, quant à lui, d'une augmentation de
7,1 %,...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Piras.
M. Bernard Piras.
... cette subvention ayant augmenté de 23,2 % par rapport à la loi de finances
pour 1997.
Enfin, je signale que le groupe socialiste a déposé, au Sénat, un amendement
qui vise à favoriser la transparence dans le financement du syndicalisme
agricole. Nous espérons que le Gouvernement y sera favorable.
Pour conclure, vous pouvez être assuré, monsieur le ministre, que le groupe
socialiste votera ce budget sans état d'âme.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Monsieur le ministre, je veux aborder deux sujets particulièrement délicats
qui nécessitent des réponses de votre part et des engagements de la part du
Gouvernement.
Il s'agit, d'abord, de la politique de la montagne.
Le passage de l'aide à l'unité de gros bétail à l'aide à l'hectare créera un
certain nombre de distorsions qui vont remettre en cause la capacité de
compenser les handicaps naturels. C'est vrai pour l'ensemble des éleveurs.
C'est encore plus vrai pour les producteurs de lait, en particulier dans les
zones de piémont. C'est vrai aussi dans les zones sèches. Bref, c'est vrai
partout.
Vous nous proposez la reconduction à l'identique des crédits de l'année
dernière. En fait, il s'agira d'un recul. Chacun le sait et M. Delfau,
rapporteur pous avis, l'a souligné, il manque au moins 15 millions d'euros. Or,
puisque l'Etat finance 48 % et l'Europe 52 %, ils montreraient aux producteurs
de montagne la volonté de leur permettre d'aller de l'avant. Ne désespérez pas
les éleveurs de montagne ! Nous avons besoin d'eux. Leurs productions sont
d'une très grande qualité. Si on sait développer, par exemple, des programmes
complémentaires de protéines végétales non génétiquement modifiées, ils
pourront garantir la qualité de la viande, comme ils garantissent la qualité du
lait et des autres produits. Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, un
engagement de votre part sur ce point.
Vous me rétorquerez que, s'agissant des bâtiments d'élevage, tous les crédits
ne sont pas consommés. Certes, mais c'est parce que des blocages se produisent
au sein des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, qui ont
aussi d'autres dossiers à examiner. En ce qui concerne les bâtiments d'élevage,
le nombre de dossiers instruits n'est pas suffisant, ce qui génère des
blocages. Aussi, les personnes qui seraient concernées pas ces aides ne les
demandent pas.
Donnez-nous des assurances quant à votre volonté de relancer la politique de
la montagne.
Le second point que je souhaite aborder, c'est la viticulture.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement, le 25 septembre dernier,
lors d'une réunion avec des professionnels du Languedoc-Roussillon et des
politiques - vous aviez simplement oublié le président de la région,... mais ce
n'est pas grave -...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Avec les parlementaires !
M. Jacques Blanc.
Je suis aussi parlementaire ! Vous avez pris l'engagement, disais-je, de
mettre en place un certain nombre de mesures. Nous ne les avons pas critiquées.
En effet, nous pensions quelles pourraient permettre de sortir d'une crise qui,
si on ne la traite pas immédiatement - je vous avais écrit le 3 septembre,
j'attends toujours la réponse ! - risque de faire naître la désespérance et
d'entraîner des comportements que nous condamnons. Nous ne faisons pas de
démagogie ! Or, aujourd'hui, qu'apprend-on de la bouche même du M. Frichler,
commissaire européen à l'agriculture au développement rural et à la pêche ? Que
vous n'auriez pas encore demandé la mise en oeuvre d'une distillation de crise,
que vous aviez pourtant annoncée et qui, même si elle ne constitue pas la
solution, permet d'éliminer des stocks. Ce qui n'a pas été fait voilà deux ans,
il faut le faire aujourd'hui.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Me permettez-vous de vous
interrompre, monsieur Jacques Blanc ?
M. Jacques Blanc.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, puisque
vous ne voulez pas faire de démagogie, tenons-nous-en aux faits.
Vous le savez, s'agisant du traitement de ces crises, nous procédons à deux
types de distillation : d'abord, la distillation « alcool de bouche » et,
ensuite, la distillation de crise.
Pour la distillation « alcool de bouche », je m'étais engagé à demander à
l'Union européenne la possibilité de distiller 1,5 million d'hectolitres. Nous
avons obtenu un peu plus de 800 000 hectolitres dans une première décision ;
nous sommes actuellement en négociation pour le solde.
En ce qui concerne la distillation de crise, c'est-à-dire la seconde partie,
il n'y a pas de remise en cause de cet engagement. La déclaration du
commissaire Fischler a été publiée dans un journal de votre région que je
connais bien. En effet, je le lis attentivement car il m'égratigne sans
cesse.
M. Jacques Blanc.
Il vous égratigne moins que moi, monsieur le ministre !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Dans cette déclaration, le
commissaire Fischler dit : nous n'avons pas reçu la demande. C'est normal qu'il
n'ait pas reçu la demande du Gouvernement français car pour demander la
distillation de crise, c'est-à-dire la deuxième partie pour laquelle nous
visons l'objectif de 4 millions à 5 millions d'hectolitres, conformément aux
engagements que j'ai pris, il faut tout simplement que j'ai une vue objective
des marchés et en particulier de la vendange effectuée, ce que nous n'avons pas
toujours. Mais l'engagement que j'ai pris, et qui sera tenu, c'est que cette
demande soit transmise à la Commission pour le prochain Conseil des ministres
européens de l'agriculture, qui aura lieu le 18 ou le 19 décembre. En effet,
c'est à ce moment-là que les demandes se feront à travers toute l'Europe et
donc que la France devra déposer sa demande pour obtenir sa part de
distillation.
Il n'y a là ni retard, ni remise en cause d'un engagement. Tout cela suit son
cours normalement. Je ne peux pas aller plus vite que la musique. En
particulier, je ne peux pas demander de la distillation de crise tant que je ne
connais pas le résultat précis de la vendange. Voilà l'explication claire,
nette et précise que je souhaitais vous apporter. Mais, je le répète, mes
engagements seront tenus.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Tous les professionnels mesureront ces engagements. Je suis heureux de vous
avoir permis de les exprimer très clairement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Grâce à vous !
M. Jacques Blanc.
Je connaissais, bien sûr, le dossier de la distillation « alcool de bouche ».
Aujourd'hui, les chiffres concernant la vendange sont connus. Il faut donc se
mobiliser. En effet, les viticulteurs n'attendront pas. De surcroît, monsieur
le ministre, vous avez été dur avec les viticulteurs du Languedoc-Roussillon, à
Bordeaux, au Japon et à l'Assemblée nationale.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ce n'est pas vrai ! Je leur ai
rendu hommage !
M. Jacques Blanc.
Or ces viticulteurs ont fait des efforts. Ils s'imposent des rendements
limités. Ils se sont engagés dans une véritable politique de qualité. Dans
cette région, où on arrachait 130 000 hectares, on est passé de 30 millions ou
35 millions d'hectolitres à 18 millions d'hectolitres. Aujourd'hui on y fait
des vins merveilleux et remarquables, sur tous les segments. Ces viticulteurs
ne supportent plus d'être maltraités.
Je ne suis pas de ceux qui soufflent sur les braises. Je m'efforce au
contraire d'apaiser les angoisses légitimes de viticulteurs qui sont
aujourd'hui à la limite du désespoir. Je ne veux pas que l'on retrouve les
comportements d'antan, qui ont fait du mal à l'image même de notre
viticulture.
Monsieur le ministre, en dehors de tout débat politicien, à l'issue de la
réunion que nous avons tenue avec tous les responsables viticoles, je vous ai
écrit le 3 septembre. Je vous ai informé de ce qui allait se passer.
M. Jean-Marc Pastor.
Comme toujours !
M. Jacques Blanc.
Je voudrais que vous me donniez tort, que vous démontriez que vous avez bien
pris la mesure de l'importance des enjeux et que vous allez enclencher le plus
rapidement possible les mesures destinées à faire renaître l'espérance en
montagne et dans notre viticulture.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Gruillot.
M. Georges Gruillot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, président du
conseil général du Doubs de 1982 à 1999, j'ai été peut-être plus que d'autres
confronté à des problèmes d'environnement, notamment pour la protection des
nappes phréatiques, la totalité du territoire de ce département étant située
sur un sous-sol karstique.
Nous nous sommes réjouis quand, en 1993, votre ministère et le ministère de
l'environnement, en concertation avec la profession agricole, ont élaboré un
programme pour la maîtrise des pollutions d'origine agricole, le fameux
PMPOA.
C'est de ce thème, monsieur le ministre, que je veux vous entretenir à
l'occasion de ce débat budgétaire, et plus particulièrement de son volet «
élevage ».
Dès 1994, mon département décidait d'y participer financièrement.
Dès cette époque, nous nous étions élevés - mais sans résultat - contre le
choix fait par l'Etat d'aider les exploitations en fonction de l'importance de
leur cheptel et non de leur situation géographique par rapport aux bassins
hydrographiques : nous avions conscience que ce choix niait alors tout bon
sens. En effet, en termes de pollution, quelle est la différence entre une
exploitation de 90 unités de gros bétail ou UGB et l'addition de deux
exploitations voisines de 45 UGB dans un même hameau ? Il n'y en a aucune !
Après la publication du rapport d'évaluation que vous aviez demandé, le 3
novembre 1999, sur le PMPOA, vous avez jugé, avec le ministère de
l'environnement, qu'il fallait changer de politique et travailler à l'avenir
par secteurs géographiques prioritaires, les fameux secteurs « vulnérables »,
pour aider les exploitations de moins de 90 UGB. Sur ce point, monsieur le
ministre, je vous approuve : c'est enfin, dans ce domaine, faire preuve de bon
sens ! Mais nous craignons les retards qui s'accumulent, car de très nombreux
dossiers sont en attente et s'empilent.
Votre projet de réforme, conçu dès 1999 et notifié à Bruxelles en décembre
2000, n'a été approuvé que très récemment et les préfets, sur le terrain,
peinent actuellement à mettre en place un schéma de travail cohérent.
Nous déplorons aussi que la concertation que les préfets devaient conduire,
tant avec le monde agricole qu'avec les conseils généraux cofinanceurs, ne soit
pas une réalité. L'Etat, par le canal de ses représentants, semble en effet
imposer ses choix, en matière de zones vulnérables à retenir, plus dans un
souci d'économie de ses deniers que dans un souci de véritable efficacité.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point et donner sur le
terrain des instructions en conséquence ?
Ne pensez-vous pas que, dans les régions où les risques de pollution sont plus
graves compte tenu de leurs caractéristiques géologiques et où la volonté
d'aller de l'avant est réelle, des dispositifs financiers particuliers
devraient être mis en place ?
Dans mon département, par exemple, les financements proposés par l'Etat à
travers les contrats de plan 2000-2006 sont très notoirement insuffisants.
Je vous remercie, monsieur le ministre, du point que vous pourrez faire sur la
relance que nous souhaitons du programme pour la maîtrise des pollutions
d'origine agricole, ainsi que des réponses que vous pourrez m'apporter sur la
question plus particulière des territoires à sous-sol karstique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps
m'étant compté, j'aborderai directement la question viticole.
Les causes de la crise sont connues - je n'y reviens pas - et elles
nécessitaient des réponses à court terme et moyen terme, sous la forme de
soutiens conjoncturels et d'accompagnements structurels.
Face à une situation particulièrement grave, je veux saluer, monsieur le
ministre, la rapidité de votre réaction, concrétisée par la présentation, en
septembre dernier, d'un plan d'adaptation de la viticulture ambitieux, sans
précédent et à la mesure des défis qui nous sont lancés : restructuration des
vignobles, soutien à la modernisation des outils de vinification pour tenir
compte des signaux du marché et renforcement de la puissance commerciale de la
filière.
Au-delà de ces mesures structurelles, qui conditionnent l'avenir, ce plan
comporte aussi des mesures d'urgence, que vous avez vous-même précisées : en ce
qui concerne l'élimination rapide des excédents qui pèsent sur le cours par les
mécanismes de distillation, vous avez répondu clairement voilà quelque temps
déjà, monsieur le ministre, et vous venez de le faire à nouveau à l'instant ;
par ailleurs, vous avez tenu votre engagement en réglant la question des
retards de paiement, des aides à la restructuration et des concours publics,
qu'il s'agisse de la POA, la prime d'orientation agricole, ou du FEOGA, le
Fonds européen d'orientation et de garantie agricole ; quant au soutien
exceptionnel aux jeunes viticulteurs, je crois savoir qu'une action est en
cours : c'était un autre engagement de votre part, et je vous remercie de
l'avoir tenu.
Reste à régler certaines situations très préoccupantes, certains viticulteurs
étant en grande difficulté. Nous suggérons, sur ce point, la mise en place, au
sein de la CDOA, la commission départementale d'orientation de l'agriculture,
d'une cellule d'audit chargée de recenser le nombre exact des personnes
concernées et d'évaluer leur situation actuelle afin de les aider.
Vous avez vous-même proposé une autre mesure d'urgence avec la mise en oeuvre,
en tout début d'année, du dispositif de reconversion différée avec
indemnisation. Cette mesure conditionne en effet, en partie, la réussite de la
campagne 2002 et, de surcroît, elle permettra d'aider certains viticulteurs à
passer un cap difficile. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des
assurances sur la rapidité des délais de sa mise en oeuvre ainsi que sur
l'application des mesures de préretraite en faveur des viticulteurs les plus
âgés ?
J'en viens aux mesures structurelles qui conditionnent l'avenir de la
viticulture, et notamment aux mesures d'accompagnement des indispensables
restructurations des caves et des entreprises commerciales.
Je crois savoir que, en guise de première étape, vous avez obtenu, monsieur le
ministre, une première tranche d'environ 100 millions de francs. C'est un bon
point. J'aurais cependant souhaité que ce soit sans réticence aucune - mais je
ne vous vise pas particulièrement, monsieur le ministre - car il s'agit là de
l'élément central de la prochaine étape de l'évolution structurelle de la
filière viticole, qui devra être conduite dès 2002.
Je note par ailleurs avec satisfaction, dans le cadre du budget de l'Office
national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS, la progression importante - de
12 millions de francs - des crédits relatifs aux actions de promotion des vins
français, ce qui porte leur total à 74 millions de francs.
J'exprime la même satisfaction au regard de l'augmentation de plus de 15
millions de francs des moyens nécessaires au renforcement de l'encadrement
technique des vignobles et des caves coopératives.
Ce sont là des signes très encourageants.
Vous avez annoncé par ailleurs, monsieur le ministre, la première étape du
plan d'adaptation le 25 septembre dernier. Les autres étapes seront définies
début 2002, à partir des réflexions du groupe stratégique. Autant dire que la
rapidité de leur mise en oeuvre est un élément clé du succès des mesures
annoncées.
De même, les difficultés conjoncturelles que rencontrent les viticulteurs du
Midi nécessitent un traitement rapide. Il convient, dès lors, que l'ONIVINS
puisse disposer des moyens financiers et humains suffisants.
Je me réjouis par ailleurs de l'amendement du Gouvernement concernant la
revalorisation des crédits de l'Institut national des appellations d'origine,
l'INAO, mais j'y reviendrai tout à l'heure.
Je conclus, monsieur le ministre, en soulignant combien le groupe socialiste
apprécie votre action qui, reconnaissons-le, traduit avec force votre volonté
de donner à notre viticulture un nouvel élan pour les dix ans à venir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le
rapporteur spécial, notre collègue Joël Bourdin, ayant précédemment détaillé
l'analyse que fait le Sénat du projet de budget de l'agriculture pour 2002, je
circonscrirai mon propos à l'enseignement agricole public et privé, ce dernier
représentant 60 % des effectifs.
L'enseignement agricole démontre depuis longtemps son efficacité : c'est une
seconde chance pour des enfants auquel l'enseignement classique ne correspond
pas toujours ; c'est un formidable stimulant pour l'éducation nationale dans
son ensemble, car l'enseignement agricole réussit à répondre tout à la fois aux
besoins des jeunes et aux nécessités de l'économie du monde rural ; en outre,
l'enseignement agricole a été le pionnier, avec succès, de la formation par
alternance ; enfin, l'enseignement agricole est aussi un précieux outil
d'aménagement du territoire, de proximité et de partenariat.
Dans ce budget, les crédits alloués à la formation, l'enseignement et la
recherche s'élèvent à 1,17 milliard d'euros. Ils enregistrent une augmentation
de 2,2 %, conforme à la progression générale des budgets civils.
Mais cette augmentation profite prioritairement à l'enseignement agricole
public, sans cependant assurer pour autant tous ses besoins, notamment en
matière de paiement des heures supplémentaires des titulaires ou des
contractuels, de remplacement des enseignants et des ATOS, les personnels
administratifs, techniciens, ouvriers et de service, et, de façon plus
générale, de rattrapage en termes de création de postes et de moyens des
établissements.
Les crédits de l'enseignement agricole privé - enseignement technique et
supérieur sous contrat - n'augmentent que de 1,3 %, soit deux fois moins que
ceux de l'ensemble de l'agrégat.
Dès lors, une question simple s'impose : comment expliquer cette différence de
traitement ? N'adoptez-vous pas la position de votre directeur général, qui
veut rompre l'équilibre entre le public et le privé et passer outre le respect
du libre choix des familles, auquel nous sommes, nous, très attachés ?
Nous ne voulons pas rallumer la guerre scolaire, monsieur le ministre, mais
nous ne voulons pas non plus d'une concurrence débridée : nous voulons une
saine émulation, une complémentarité.
Les personnels de l'enseignement agricole privé sont très inquiets, car le
présent budget ne prend pas en compte leurs besoins et laisse de nombreuses
interrogations en suspens. Or c'est la poursuite de la réussite de cet
enseignement qui est menacée, alors que cette filière a toujours su s'adapter
aux évolutions de notre agriculture et du monde rural et proposer une insertion
professionnelle efficace.
Il s'agit, monsieur le ministre, de problèmes très concrets que je me permets
de vous soumettre, en espérant obtenir des réponses circonstanciées.
Comment entendez-vous résorber la précarité dans laquelle se trouvent certains
personnels enseignants des établissements privés sous contrat ? Je me suis
d'ailleurs félicité d'entendre tout à l'heure notre collègue M. Piras vous
interroger dans le même sens.
Comment seront financés les 320 postes mis en service à la rentrée 2000 ? Ces
postes représentent en effet 7 % à 8 % du total des enseignants
contractuels.
Quand le Gouvernement publiera-t-il le décret sur la cessation d'activité des
enseignants contractuels ?
Ce dispositif pourra-t-il être mis en oeuvre à la prochaine rentrée scolaire ?
Quels crédits sont prévus pour le financer ?
Autre point très important, les bases de calcul des subventions de
fonctionnement des établissements à temps plein auraient dû être réévaluées dès
1998, comme vous en aviez pris l'engagement en avril 2001. Depuis, une seule
réunion s'est tenue, en novembre dernier, et pas un centime n'est inscrit dans
le budget. Pourquoi ?
Enfin, rien n'est prévu pour les bourses d'internat.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, que vous vous livriez immédiatement aux
corrections budgétaires qui permettraient de répondre positivement à toutes ces
questions. Vous ne l'avez d'ailleurs pas fait à l'Assemblée nationale.
Toutefois, je ne désespère pas que vous puissiez nous apporter des
éclaircissements : vous avez déclaré vouloir appliquer toute la loi, rien que
la loi ; nous aussi, monsieur le ministre, et nous attendons des réponses
précises !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà du
volume d'un budget agricole pour 2002 manifestement insuffisant et de mesures
largement inadaptées aux crises qui secouent actuellement notre agriculture, je
voudrais dénoncer la dérive de la politique agricole du Gouvernement. Force est
de constater, en effet, que nous n'avons plus aujourd'hui de politique agricole
crédible, faute de reconnaître à l'agriculteur son rôle d'acteur économique à
part entière.
L'image d'une profession administrée, vivant de subventions, d'agriculteurs
devenus des « animateurs du paysage », à l'activité « multifonctionnelle »,
s'aggrave auprès de l'opinion, décourage les producteurs et dégrade
profondément la vocation réelle qui leur est dévolue au sein de notre
économie.
Le Gouvernement a pris le parti de marginaliser l'agriculteur, négligeant
toute la réalité de sa dimension économique : son rôle de chef d'entreprise,
son souci de rentabilité, sa participation à un marché soumis à la concurrence.
C'est tout l'esprit de la loi d'orientation agricole de 1999, que nous avions
vigoureusement combattue ici-même et qui tend à reléguer l'agriculture à un
stade bien plus environnemental - avec émiettement de subventions sur des
objectifs écologiques - que compétitif.
Nous refusons résolument cette dérive, monsieur le ministre, et nous nous
prononçons pour une vision opérationnelle de l'agriculture française !
Cela suppose notamment de fortes incitations fiscales, permettant, par
exemple, aux éleveurs de pouvoir moderniser leur exploitation en réalisant des
investissements en matière de traitement des déjections animales.
Au cours de l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2002,
j'ai déposé un amendement en ce sens, visant à accorder un crédit d'impôt à ces
éleveurs, amendement au coût budgétaire très raisonnable et dont l'effet aurait
été certain en termes de rentabilité. L'enjeu était vital pour bien des
régions, et les producteurs, sensibilisés et responsables, auraient trouvé là
un juste soutien à leurs efforts louables en matière d'environnement.
J'ai été très déçu du refus catégorique qui a été opposé à cette initiative,
tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, de la part du ministre, qui a déclaré
que l'instrument fiscal n'était pas approprié ! C'est tout le contraire ! Ces
incitations fiscales envers les agriculteurs seraient particulièrement
opportunes pour leur permettre d'affronter les marchés cycliques auxquels ils
sont soumis. Je déplore cette absence totale de considération fiscale à l'égard
du monde agricole.
C'est en définitive toute la réflexion sur l'avenir de notre ruralité qui se
pose ici. Y croit-on encore à cette ruralité composée de villages, de
territoires, où existe une forte homogénéité entre les filières de production
et les services ? C'est elle qui façonne le tissu économique et social de notre
pays.
Ne pas permettre à ses acteurs de vivre de leur travail, leur refuser la
reconnaissance d'un rôle autonome, c'est condamner tout un aspect de notre
ruralité, de notre identité.
Il n'y a aucune nostalgie dans mes propos, bien au contraire, il faut y voir
un réalisme de terrain ! Le secteur agricole gère encore 85 % de notre
territoire ; le nombre total d'emplois induits par l'agriculture s'élève à près
de 3,5 millions et le secteur agro-alimentaire est le secteur qui enregistre le
plus gros excédent commercial ; ce sont les réalités de cette ruralité que je
souhaite rappeler !
J'évoquerai un des aspects de cette ruralité : l'enseignement agricole privé,
qui a été, il faut le rappeler, un élément moteur de l'évolution du monde
agricole. Or ce secteur est en crise, les enseignants des établissements
agricoles privés sous contrat souffrant d'un statut précaire et d'une situation
discriminatoire par rapport à leurs collègues de l'enseignement public :
création de postes sans abondement de crédits, décret d'application sur
l'allocation de cessation d'activité aux oubliettes, personnels sous-classés,
concours inadaptés, les griefs sont nombreux.
On comprend l'inquiétude de ces enseignants, qui participent notablement à la
performance de nos agriculteurs, et celle des étudiants, parmi lesquels le
nombre de boursiers reste élevé, qui ne pourront assurer leur avenir sans un
soutien équitable de l'Etat. Là encore, nous déplorons le désengagement du
Gouvernement.
Je suis convaincu, et je le regrette, monsieur le ministre, que nous n'avons
pas la même vision de l'agriculture ni la même ambition pour elle.
Je citerai un chiffre pour illustrer mon propos : alors que votre budget
recule de 1 %, voire de 2 % à franc constant, vous prévoyez d'augmenter les
charges de fonctionnement de votre administration de 4 % ! C'est là toute la
différence qui existe entre, d'une part, notre volonté d'asseoir le monde
agricole dans sa vocation économique et compétitive sur le plan international,
seule garantie d'une valorisation durable de notre espace agricole et de
création d'emplois, et, d'autre part, votre souhait de fonctionnariser
l'agriculture, gestionnaire de contraintes sociales et environnementales.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi, M. le
rapporteur, suivi par la majorité de la commission, a donné un avis défavorable
sur ce budget.
Je dois dire que ce n'est pas une surprise ! Depuis le début du débat
budgétaire, tous les budgets proposés par le Gouvernement, qu'ils soient
stables ou en augmentation de 10 %, voire plus, sont rejetés par notre
assemblée.
La raison principale c'est, bien sûr, la proximité des élections, nous l'avons
tous bien compris !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
En effet, en cherchant à analyser au fond le budget de la pêche, j'ai cherché
en vain les motifs de ce refus. En revanche, j'ai trouvé pas mal de
contradictions dans les raisons qui motivent cet avis négatif !
Mais venons-en au fond.
L'agriculture, dont nous parlons depuis ce matin, est un dossier éminemment
difficile, la pêche ne l'est pas moins, les deux étant fortement tributaires de
la politique européenne et de ses décisions.
Comme le note M. le rapporteur spécial, le budget pour la pêche est modeste,
si l'on se réfère à l'ensemble du budget de l'Etat, mais, derrière les
chiffres, il y a des hommes et des femmes qui vivent de cette activité ; il y a
des territoires dont l'avenir en dépend.
Au nom du groupe socialiste, je souhaite aujourd'hui être leur
porte-parole.
Malgré des moments de crise extrême - je pense au début des années
quatre-vingt-dix - malgré des années noires - je pense à 1999, avec le naufrage
de l'
Erika,
puis la tempête - enfin, malgré l'augmentation du prix du
gazole, les professionnels se battent et vous font confiance, monsieur le
ministre, pour la défense de leur outil de travail, de leur avenir.
Ils ont du courage, ils ne sont pas défaitistes, à l'image de certains
politiques ; au contraire, ils avancent des propositions. C'est en tout cas ce
que je retiens des discussions que j'ai pu avoir avec eux. Ils m'ont dit qu'ils
devaient vous rencontrer hier, monsieur le ministre. Je pense que cette
rencontre a eu lieu.
Je crois beaucoup à la concertation, au partenariat entre gouvernement, élus,
chercheurs et professionnels de la filière. C'est indispensable pour apporter
des solutions à un milieu qui en a besoin, tant la situation, il faut le
reconnaître, est difficile.
L'élément essentiel, bien sûr, est la préservation de la ressource et sa
gestion.
Je rappelle au passage que, à partir de l'an prochain, de nouvelles
orientations de la politique commune des pêches, la PCP, vont entrer en
vigueur, à la suite de la concertation menée sur la base du Livre vert. A ce
sujet, monsieur le rapporteur est d'accord avec vous, M. le ministre, et adopte
les mêmes positions que vous.
Il dit « non » à la réduction de 40 % de la flotte à travers un nouveau
programme d'orientation pluriannuel, le POP. Car cela suffit ! Les précédents
POP ont montré leur inefficacité quant à la préservation de la ressource.
En revanche, il acquiesce à une gestion pluriannuelle des TAC, les totaux
admissibles de captures, et des quotas. Rappelons que cette idée fait son
chemin au niveau européen, à la suite de votre proposition alors que la France
assurait la présidence de l'Union européenne.
J'évoquais à l'instant les partenariats : je mentionnerai celui qui doit
exister entre chercheurs et professionnels, ce qui n'est pas le cas
actuellement. C'est dommage car les professionnels peuvent apporter des
solutions techniques et technologiques grâce à leur savoir-faire et à leur
expérience. Il faudra veiller à les impliquer le plus possible dans ce
processus.
Des techniques diverses sont envisageables pour préserver la ressource :
sélectivité des engins de pêche, arrêt temporaire de pêcheries, etc. Le contrat
quadriennal envisagé entre l'Etat et l'IFREMER, l'Institut français de
recherche pour l'exploitation de la mer, contribuera certainement à faire
avancer ce dossier.
Je citais récemment, en réunion de commission, l'exemple de la coquille
Saint-Jacques en baie de Saint-Brieuc, qui est l'objet d'une expérience
intéressante, peut-être à renouveler sur d'autres espèces. Préserver la
ressource c'est, bien sûr aussi, soutenir une profession.
Pour cela, il faut permettre la construction de bateaux, ce qui améliorera la
sécurité et les conditions de travail. La profession sera ainsi plus attractive
pour les jeunes, qui font cruellement défaut.
Il faut également mettre en place une formation mieux adaptée, qu'il s'agisse
du baccalauréat professionnel, de la qualification par alternance ou de la
prise en compte des acquis professionnels. A ce propos, je me pose une question
très concrète : pourquoi ne pas reconnaître les compétences de mécaniciens
généralistes plutôt que d'imposer une formation exclusive et obligatoire de
mécanicien à la pêche ?
Des progrès peuvent encore être faits en augmentant les formations de terrain,
sur des bateaux-écoles comme le suggère le comité régional des pêches en
Bretagne, mais aussi en améliorant l'image de marque des produits de la mer,
leur qualité, leur traçabilité, en modernisant les criées et en améliorant la
politique de filière, tout cela à travers la politique de l'OFIMER, l'Office
national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, né de
la loi d'orientation de la pêche de 1997.
Puisque j'évoque cette loi, qu'a défendue votre prédécesseur, M. Louis Le
Pensec, j'ajouterai quelques mots sur les avancées réalisées depuis quelques
années en matière de politique sociale : statut du conjoint, qui me tient
particulièrement à coeur ; réduction du temps de travail ; SMIC maritime ;
cotisations maladie ; accès au métier via les contrats d'adaptation et
d'orientation. Nous sommes quelques parlementaires à avoir travaillé sur ces
dossiers, notamment à propos de la loi de modernisation sociale.
Ces mesures contribuent à l'amélioration du sort des marins. C'est un premier
pas vers une revalorisation de ce métier difficile et dangereux.
Vous connaissez l'importance de l'activité pêche dans ma région, la Bretagne.
Elle représente 40 % de la puissance totale des navires, même si en un peu plus
de dix ans, malheureusement, la flotte a perdu 44 % de ses unités. Il s'agit,
comme dans le reste de la France d'ailleurs, très majoritairement de petite
pêche, celle qui génère le plus d'emplois et épuise le moins la ressource.
Parmi les suggestions faites par le conseil régional de Bretagne, j'ai noté
l'institution des CTE-pêche, de façon à garantir, à la fois, une pêche durable
et la protection de l'environnement. Je me réjouis particulièrement que cette
mesure, tant décriée lors de sa mise en place en agriculture, soit maintenant
appelée à se généraliser dans d'autres domaines. Elle est réclamée par ceux-là
même qui s'y opposaient. Les adversaires d'alors étaient dans l'erreur !
Je pense qu'ils ont tort à nouveau aujourd'hui en refusant votre budget, qui
est stable. En effet, les crédits de fonctionnement augmentent légèrement, les
crédits d'intervention restent à un montant identique à l'an dernier et les
crédits d'investissement sont en hausse si l'on tient compte des reports de
crédits disponibles.
La position de la France à Bruxelles est claire et reconnue ; les choses
avancent malgré les difficultés. A ne considérer que l'intérêt général, je
crois qu'un appui franc et massif de la représentation nationale pour les
négociations qui vous attendent à Bruxelles aurait été le bienvenu. Hélas ! des
considérations électoralistes en décident autrement.
En tout cas, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le groupe
socialiste pour continuer à vous appuyer dans la démarche courageuse qui est la
vôtre.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le ministre, plusieurs de mes collègues sont intervenus avant moi
pour relever la diminution du montant de votre budget de 0,70 %. Pour ma part,
je concentrerai mon propos sur une saine trilogie : la forêt, l'élevage et le
cognac.
Aujourd'hui, alors que l'on parle encore beaucoup, et à juste titre, des
conséquences dommageables de la pollution des côtes françaises due au naufrage
de l'
Erika,
on oublie les dévastations qui ont été causées à la forêt
par la tempête du mois de décembre 1999 et les problèmes graves qui en ont
découlé. Je voudrais encore rendre hommage à l'effort réalisé par le
Gouvernement, en partenariat avec les collectivités locales, pour venir en aide
à la forêt, permettre l'écoulement des bois chablis, faciliter le nettoyage et
la replantation.
Nous éprouvons cependant aujourd'hui, dans notre région, une grande
inquiétude, car 60 % des chablis sont encore à terre. Or vous avez prolongé
jusqu'à la fin du mois l'aide au transport mais celle-ci ne sera plus
renouvelée. Nous le déplorons profondément, car cette aide a permis à des
exploitants forestiers d'intervenir sur de petites surfaces. Si elle disparaît,
faute de débouchés locaux pour les chablis, certaines parcelles seront
définitivement condamnées car, jamais nettoyées, elles ne seront jamais
replantées.
Monsieur le ministre, il est évident qu'il est imposible de nettoyer, puis de
replanter si le bois tombé n'a pas été évacué auparavant. De ce fait, les aides
de l'Etat ne pourront être utilisées !
Je voudrais également exprimer un souhait, celui de voir votre ministère
reprendre le contrôle des plans de chasse le plus tôt possible. En effet, à
partir du moment où l'on replante des surfaces importantes, il est
indispensable de maîtriser la population de grand gibier - nous savons quels
dégâts ces animaux peuvent causer à de jeunes plantations ! - en particulier
celle des chevreuils. Sinon, ce sont des hectares entiers, replantés grâce à
l'argent de l'Etat, qui risquent d'être dévastés. Je vous demande donc
d'organiser la nécessaire concertation entre vos services et ceux du ministère
de l'environnement. Là encore, il s'agit de sauvegarder, dans l'intérêt de
tous, les fruits de l'effort très important qui a été consenti.
J'en viens au deuxième volet de mon intervention.
J'ai déjà attiré votre attention, lors d'une séance de question orale au
printemps dernier, sur le préjudice grave que subissent aujourd'hui les
éleveurs, surtout ceux du bassin allaitant. Les mesures qui sont entrées en
vigueur au printemps dernier ne permettaient pas d'indemniser ces éleveurs. Or
le problème perdure. La consommation a chuté de 10 % à 15 % dans notre pays et
les prix sont très bas. De surcroît, nos exportations vers nos débouchés
traditionnels que sont l'Italie et l'Espagne ont baissé de 40 %, ce qui est
particulièrement préoccupant, car les pertes de revenus qu'enregistrent
certains éleveurs sont très importantes et, faute de débouchés pour les jeunes
bovins, nombre d'entre eux risquent de voir leur exploitation mise en péril.
Lorsque nous interrogeons vos services sur cette question, ils n'hésitent pas
à nous répondre que le problème n'est pas si grave puisque les éleveurs paient
leurs charges sociales, leurs impôts et qu'ils n'ont pas de découvert
bancaire... Si les éleveurs s'efforcent effectivement d'acquitter leurs charges
sociales, il n'en demeure pas moins que leur situation financière est des plus
préoccupantes. De nombreuses exploitations vont se trouver en difficulté si des
mesures ne sont pas prises pour les aider à retrouver des marchés à
l'exportation. A défaut, ils devront renoncer, et c'est notre territoire qui
sera laissé à l'abandon.
S'agissant du cognac, nous avons voté récemment un avenant au contrat de plan.
Je me félicité que l'Office national interprofessionnel des vins, l'ONIVINS,
ait accepté d'accompagner la région, qui met 45 millions de francs sur la table
: l'ONIVINS a en effet ajouté 5 millions de francs aux 15 millions de francs
qu'il avait initialement versés pour permettre l'arrachage et favoriser la
diversification.
Nous souhaitons cependant que l'Etat permette à l'ONIVINS d'intervenir à
parité avec la région pour lutter contre les surplus et encourager l'arrachage,
favoriser la diversification et les restructurations, de manière à sauver cette
activité qui est essentielle pour notre région.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me
bornerai, au terme de ce débat, à quelques observations, assorties de trois
questions : sur la crise bovine, sur les contrats territoriaux d'exploitation
et sur la politique de la montagne.
Le 9 octobre dernier, les sénateurs du Massif central, tous groupes politiques
confondus, se sont réunis au Sénat. Un communiqué commun insistant sur la
gravité de la crise bovine a été rédigé et une demande d'audience vous a été
adressée, monsieur le ministre, sous couvert de M. le Premier ministre.
Le 29 octobre, le Premier ministre a répondu à une question de notre collègue
Pierre Jarlier, en précisant qu'il vous priait d'organiser une réunion avec une
délégation de sénateurs des départements concernés. Or quelle ne fut pas ma
surprise et celle des sénateurs des autres groupes politiques lorsque nous
avons appris par la presse que, le 22 novembre, vous aviez accepté de recevoir
une délégation de... sénateurs centristes !
(Rires et exclamations.)
J'en suis heureux pour eux ! Ainsi donc, monsieur le ministre, vous choisissez
vos interlocuteurs, privilégiant les uns et rejetant les autres et, en qualité
de ministre de l'agriculture, séparant le bon grain de l'ivraie !
(Nouveaux
rires.)
M. Dominique Braye.
Et se dérobant !
M. Hilaire Flandre.
C'est le clientélisme du Gouvernement !
M. Roger Besse.
C'est votre droit, mais c'est aussi votre responsabilité !
Permettez-moi toutefois de vous demander pourquoi un sénateur socialiste,
communiste ou RPR se verrait refuser le droit à l'information sur un problème
majeur.
Diviser pour régner est une pratique politique courante. Venant de vous, elle
me déçoit, monsieur le ministre.
M. Hilaire Flandre.
Tactique électorale !
M. Roger Besse.
Mais ce n'est pas l'essentiel.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Depuis plus d'un an maintenant, les éleveurs de la filière bovine sont
confrontés à une crise sans précédent. Certes, monsieur le ministre, vous avez
pris des mesures intéressantes, notamment de sécurité sanitaire, qui portent
leurs fruits.
Mais force est de constater que les effets collatéraux de la crise, à savoir
la baisse dramatique de cours, à laquelle s'ajoute la fermeture des débouchés
pour les animaux, ont provoqué des pertes de revenus considérables pour les
éleveurs de races à viande, concentrés, pour 40 % d'entre eux, dans le grand
Massif central.
Depuis des mois, vous êtes informé et alerté de cette situation, tant par les
organisations agricoles que par les élus. Or, monsieur le ministre,
qu'avez-vous fait ? Vous avez annoncé que vingt-trois initiatives nouvelles
allaient venir renforcer le dispositif communautaire. Vous avez lancé une
enquête auprès des directions départementales de l'agriculture de manière à
pouvoir analyser la situation. Vous attendez le rapport de l'ingénieur général
Mordant pour annoncer vos décisions. Tout cela est très bien mais, vous le
savez, le temps presse !
Comme l'a opportunément rappelé le rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, une
exploitation sur quatre est menacée de faillite dans le secteur allaitant. Les
éleveurs vivent sous la pression constante des caisses de crédit agricole, qui
réclament leur dû et menacent de couper les vivres dans les prochains jours.
Au-delà des mesures indispensables de dégagement des marchés, il est impératif
et urgent - il faut que ce soit avant l'hiver ! - d'apporter une aide
financière directe pour compenser les pertes de revenus, chiffrées à 1 200
francs par vache allaitante, si l'on tient compte des aides gouvernementales
déjà acquises. A cette mesure devraient bien sûr s'ajouter des remises
d'annuité d'emprunt.
Ma question est double, monsieur le ministre. Avez-vous entendu le message de
détresse des éleveurs ? Avez-vous une exacte conscience du fait que le troupeau
allaitant est le socle de l'économie de montagne et que sa présence répond aux
exigences de l'aménagement du territoire ?
M. Jacques Blanc.
Absolument !
M. Roger Besse.
Etes-vous prêt à annoncer, avant la fin du mois, les mesures que l'équité et
le bon sens imposent ? De vos réponses concrètes dépend l'avenir d'une part
importante du monde rural.
Le deuxième problème que je souhaite brièvement soulever concerne les CTE.
Le concept de CTE, l'un des piliers de votre politique agricole, est innovant
et original. Trois ans après son lancement, on ne peut pas le qualifier de
franc succès. Seuls 19 000 CTE ont été validés et, selon mes informations, 14
000 seulement ont été signés à ce jour.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous avez du retard !
M. Roger Besse.
Or les objectifs affichés étaient beaucoup plus ambitieux puisque, il y a
trois ans, c'est le chiffre de 100 000 qui était annoncé pour le deuxième
trimestre 2002.
Pourtant, dans les départements, la chasse aux CTE est ouverte
(Sourires)
et vos services, monsieur le ministre, s'activent,
sollicitent les agriculteurs, les encouragent, font tout pour les persuader que
leur intérêt est de signer un CTE.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Devraient-ils leur expliquer
que ce n'est pas bien ?
M. Roger Besse.
Force est de constater que le coeur n'y est pas ! Pourquoi ? Le revenu des
agriculteurs ne cesse de baisser : 6,5 % en 1999, de 3 % en 2000. Quelle
catégorie socioprofessionnelle pourrait supporter un tel régime ?
De plus, le système des CTE est d'une très grande complexité et la philosophie
qui le sous-tend est peu lisible et technocratique.
Les agriculteurs, notamment ceux des zones de montagne, considèrent les CTE
comme un pis-aller. Ils y voient un moyen de compenser leurs pertes de revenus
; ils y viennent à reculons et, hélas ! acceptent parfois des projets mal
adaptés. En un mot, ils se résignent à être encore et toujours subventionnés,
assistés, dans l'espoir de survivre, dans l'attente de jours meilleurs leur
permettant de vivre correctement de leur métier. Ecrasés par la crise, ils
n'ont plus de projets, ils ne savent plus où ils vont, moins encore où l'on
veut les mener. Tous nous disent : « Nous passons plus de temps à remplir des
papiers qu'à travailler sur nos exploitations ! »
MM. Jacques Blanc et Patrick Lassourd.
Eh oui !
M. Roger Besse.
Dans ma commune, deux jeunes agriculteurs installés depuis trois ans viennent
de me faire savoir qu'ils ont décidé de renoncer à leur activité sur des terres
familiales qui ont pourtant nourri des générations.
De plus, les CTE provoquent la course aux hectares pour abaisser le taux de
chargement, avec, pour corollaires, la flambée du prix du foncier et la chute
du nombre des installations, celle-ci étant d'ailleurs confirmée par la baisse
de 11 % des dotations réservées aux jeunes agriculteurs.
Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous, voulez-vous
simplifier les procédures concernant les CTE afin de rendre ce concept, qui me
semble bon par ailleurs
(Ah ! sur les travées socialistes)
, plus
opérationnel, plus accessible et plus lisible. En d'autres termes, pouvez-vous,
voulez-vous faire plus simple et moins bureaucratique, ce qui aurait aussi pour
effet bénéfique de réduire les charges de fonctionnement de votre
administration, qui vont augmenter de 4 % alors même que votre budget est en
régression.
J'en viens à la politique de la montagne.
L'indemnité spéciale montagne, l'ISM, constitue un pilier essentiel de la
politique de la montagne et représente, dans certains départements, près de 10
% de la valeur de la production agricole et un tiers des aides à
l'agriculture.
L'ISM fait partie des indemnités compensatrices de handicaps naturels, qui ont
changé de nature en 2001 pour devenir une mesure agri-environnementale.
Une fois encore, je le constate, ces nouvelles dispositions sont extrêmement
techniques et complexes. Il m'est impossible d'entrer dans le détail, mais
chacun sait que certaines d'entre elles défavorisent les petites exploitations
ayant un chargement supérieur à une UGB.
Cette situation pourrait être corrigée en augmentant en 2002 le montant moyen
des aides accordées pour les vingt-cinq premiers hectares de chaque
exploitation. L'enveloppe nécessaire à cet accroissement peut être trouvée en
affectant à l'ICHN les 200 millions de francs réservés en 2001 et que vous avez
bien voulu promettre pour 2002.
Monsieur le ministre, j'espère que vous accepterez de corriger cette grave
distorsion consécutive à la réforme de l'ICHN, distorsion qui pénalise
lourdement et injustement les petites exploitations. Comme le dit la chanson :
« Les montagnards sont là ! » Ils vous demandent, monsieur le ministre, de
tenir vos engagements, tous vos engagements et, d'avance, ils vous en
remercient.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord répondre brièvement à
propos des chiffres puisque vous vous êtes tous plu à décortiquer les chiffres
du budget.
Il est vrai que le budget de mon ministère baisse très légèrement, mais cette
baisse est toute relative puisqu'elle est due, pour l'essentiel, à la baisse de
688 millions de francs qu'enregistre la ligne des bonifications des prêts
agricoles, résultat mécanique de la baisse des taux d'intérêt, dont, je le
suppose, vous devez tous vous réjouir ici.
M. Roland du Luart.
Vous aussi !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Nous nous réjouissons donc tous
ensemble dans une belle unanimité, monsieur le sénateur !
Si l'on retire cette baisse mécanique de 688 millions de francs due à la
baisse des taux d'intérêt, le budget augmente de 1,4 % et, dès lors, tous les
raisonnements fondés sur la diminution des crédits destinés à l'agriculture
tombent d'eux-mêmes !
Toujours s'agissant des chiffres, vous avez dit que ce projet de budget ne
comporterait aucune mesure qui soit à la hauteur des crises, notamment la crise
bovine ou la crise viticole.
Or, cet argument traditionnel très politique - voire polémique, au fond - est
démenti par l'histoire de la gestion des crises depuis des décennies par des
gouvernements de droite ou de gauche. Aucun gouvernement n'a inscrit les
crédits de gestion de crise dans une loi de finances initiale. Par exemple, au
mois de février dernier, j'ai octroyé au secteur bovin 1,2 million de francs.
Ce crédit ne figurait pas dans la loi de finances initiale pour 2001. Je
n'étais évidemment pas en mesure alors de définir ce qui serait fait trois ou
quatre mois après.
De la même façon, vous ne trouvez pas dans ce budget ce qui sera décidé dans
quelques semaines pour la filière bovine. Et vous chercherez vainement dans la
loi de finances de l'année dernière ce qui a été mis en oeuvre pour la filière
viticole depuis le mois de septembre.
De gouvernement en gouvernement, de crise en crise, ce sont les lois de
finances rectificatives qui, par définition, permettent de dégager les moyens
de gestion de crise. Ce ne sont pas des moyens budgétaires que l'on peut
programmer d'année en année. Cet argument-là tombe comme les autres.
J'évoquerai maintenant les deux crises qui résument l'actualité agricole.
La crise bovine est sûrement beaucoup plus grave que celle de 1996 parce que
les cours et la consommation se sont effondrés plus profondément et plus
durablement et les conséquences économiques, sociales et psychologiques de
cette crise sont très lourdes pour l'ensemble de la filière bovine.
Je ne vais pas vous présenter toutes les mesures que nous avons prises pour
gérer cette crise depuis un an maintenant. Pour moi, cette crise est triple.
C'est d'abord une crise économique et sociale, qui place un certain nombre
d'éleveurs bovins, notamment ceux du bassin allaitant, dans une situation
particulièrement dramatique. Il s'agit là d'une réalité objective que personne
ne doit sous-estimer, ni vous, ni le Gouvernement, ni l'opinion qui considère
ces agriculteurs avec amitié, mais qui doit aussi faire preuve de solidarité à
leur égard.
Ensuite, c'est une crise de confiance de ces agriculteurs qui se demandent,
crise après crise, ce que la société attend d'eux et si leur métier a encore un
sens. Les éleveurs bovins s'interrogent : « A quoi bon faire, avec passion, un
métier d'éleveur, notamment dans le bassin allaitant, si les consommateurs
n'achètent plus de viande bovine ? » Cette défiance pose encore un problème et
c'est à cause de lui que nous ne sommes pas encore totalement sortis de la
crise, loin de là.
Enfin, la troisième crise, c'est une crise de perspectives, notamment pour le
bassin allaitant. C'est ce bassin qui permet à une activité agricole,
l'élevage, de se développer dans diverses régions, en particulier dans le grand
bassin allaitant que l'on assimile au grand Massif central même s'il y a des
élevages allaitant ailleurs.
M. Gérard Braun.
Dans les Vosges !
(Sourires.)
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il lui permet de se développer
dans la durée dans des régions qui, sans cette activité, seraient complètement
abandonnées.
En plus de l'élevage extensif, ce bassin s'est spécialisé année après année
dans l'exportation des maigres et des broutards que l'Italie ou l'Espagne
engraissent et ces pays réalisent une plus-value sur notre dos. Le grand bassin
allaitant, qui représente une grande force pour nos agriculteurs, est une
grande faiblesse, en cas de crise, quand les frontières se ferment.
Les éleveurs du bassin allaitant sont en droit de se demander quelles
perspectives s'ouvrent à eux dans les années à venir si, tous ensemble,
pouvoirs publics, représentation nationale et professionnelles, nous ne sommes
pas capables de tirer les leçons des crises successives.
Il s'agit donc d'une crise grave, et il y a encore du travail à accomplir, car
nous ne sortirons de cette crise que lorsque les équilibres seront rétablis
entre l'offre et la demande et lorsque le marché ne sera plus en surproduction.
Je note des progrès, des frémissements ces dernières semaines, ces derniers
jours. Selon les derniers contacts que j'ai eus avec l'interprofession, on
semble apercevoir le bout du tunnel. Mais je considère que nous sommes encore
dans la crise et qu'il faudra faire preuve de solidarité dans les semaines à
venir.
Que va-t-il se passer maintenant ? Je commencerai par démentir les propos que
j'ai entendus ici ou là sur l'enquête détaillée que j'ai demandée à la
direction départementale de l'agriculture et de la forêt, pour avoir une vue
plus précise de la situation réelle de la filière bovine en France. Je voulais
savoir où se trouvaient les surplus ; où étaient les difficultés. Mon idée
était de sortir des raisonnements globaux, macroéconomiques pour connaître la
situation des éleveurs.
J'ai demandé cette enquête parce que j'avais l'intuition, et cela a été
confirmé, que la situation des éleveurs étaient très hétérogène. Ceux qui sont
sous label rouge, qui ont des sigles de qualité, les éleveurs dits « bio »
sortent de cette crise sans aucune égratignure alors que d'autres sont en
difficulté, notamment dans le bassin allaitant.
L'enquête a été menée dans la plus grande transparence ; les résultats ont été
communiqués aux organisations professionnelles, aux parlementaires et à la
presse. L'enquête ne sous-estime en rien la crise. Quand on procède à une
analyse consistant à dire où est le mal, on ne fait pas précisément preuve
d'optimisme. On fait preuve de raison, car il s'agit de guérir le mal.
L'enquête nous montre que les plus en difficulté sont les naisseurs, les
engraisseurs, les jeunes qui viennent de s'installer récemment.
Les plus grandes difficultés se rencontrent chez ceux qui cumulent ces
caractéristiques.
Dans la filière ils sont de 40 000 à 50 000 éleveurs en grande difficulté. Ce
sont ceux-là que je veux aider !
M. Hilaire Flandre.
Il n'y avait pas besoin d'une étude pour le savoir !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Dans ces conditions, pourquoi
me propose-t-on d'aider tout le monde, de mettre en place des primes à
l'abattage ou des mesures du même genre ?
Si vraiment cela saute aux yeux, pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
Quand je l'ai dit, on m'a contesté ! Pour ma part, je ne m'inscris pas dans une
logique qui consisterait à aider tout le monde indifféremment.
Si cela saute aux yeux, donnez-moi votre soutien, et j'en serai fort
satisfait.
Ciblons notre action sur les éleveurs les plus en difficulté. J'ai annoncé que
je prendrai mes décisions avant Noël sur la base de l'enquête effectuée, qui
fait maintenant l'objet d'une concertation avec l'interprofession. J'ai
rendez-vous avec des représentants de la filière bovine le 13 décembre
prochain. Ce jour-là j'annoncerai, comme prévu et comme promis, un nouveau plan
ciblé sur les 40 000 ou 50 000 éleveurs qui en ont le plus besoin.
Nous devrons savoir tirer les leçons de cette crise sur le plan national et
sur le plan européen.
Au niveau national, j'ai demandé à l'ingénieur général Mordant de faire une
enquête sur le bassin allaitant. Celui-ci a rencontré, dans vos départements,
les professionnels et certains d'entre vous.
Nous devons réfléchir ensemble à l'avenir du bassin allaitant, qui représente
à la fois une grande force et une grande faiblesse. Nous devons ensemble ouvrir
des perspectives pour pouvoir le « défragiliser », c'est-à-dire le mettre à
l'abri de ces secousses régulières qui peuvent à la longue lui être fatales.
Au niveau européen, il faudra réformer l'organisation commune des marchés de
la filière bovine.
Nous devons nous interroger sur la maîtrise de la production. Personne ne sait
à quel niveau se situera la consommation à l'issue de la crise. Il faudra
réfléchir à l'élevage extensif de façon à mieux l'intégrer dans les dispositifs
communautaires.
La politique agricole commune est fixée budgétairement de 2000 à 2006, mais
elle sera révisée dans le même cadre budgétaire en 2003. il faudra alors tirer
les leçons de cette crise pour l'OCM bovine. Ne pas le faire serait
irresponsable.
La filière bovine reste la principale de nos préoccupations aujourd'hui. Le
13 décembre, j'annoncerai le plan qui fait encore l'objet de discussions avec
les professionnels. Mais il s'agira d'une nouvelle manière d'exprimer la
solidarité nationale envers la filière bovine.
J'en viens maintenant à la crise viticole. Là encore, évitons les polémiques
politiciennes, mais je sais qu'ici on ne fait que de la politique.
M. Roland Courteau.
Bravo !
M. Dominique Braye.
C'est bien de le reconnaître !
M. Serge Vinçon.
La nuance est d'importance !
M. le président.
C'est un bel hommage que vous nous rendez, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je le disais avec un
sourire.
M. Jacques Blanc.
Surtout lorsqu'il est question de vin.
M. Dominique Braye.
Tout se fait avec le sourire, ici !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il n'y a ici que des sourires,
dans un éternel ravissement !
Si j'ai tenu certains propos à Bordeaux ou au Japon, je souhaiterais,
monsieur Blanc, que vous les citiez intégralement. J'ai dit que les
viticulteurs français, en particulier dans le Languedoc-Roussillon, avaient
conduit une réflexion culturelle admirable depuis une vingtaine d'années.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Roland Courteau est témoin de
ce que je dis et je rends hommage à son objectivité.
(Exclamations et sourires sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau.
Merci !
M. Hilaire Flandre.
C'est normal, il est socialiste !
(Nouveaux sourires.)
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous voyez, on peut
sourire...
M. Dominique Braye.
Oui, mais vous venez de tout gâcher !
M. Gérard César.
Pourtant, c'était bien parti !
M. Hilaire Flandre.
Et cela finit mal !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
En tout cas, il connaît bien la
situation de la filière viticole. Je crois à son objectivité parce qu'elle est
fondée sur la connaissance.
M. Dominique Braye.
Parce que Gérard César ne l'a pas ?
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Je suis rapporteur pour avis pour l'ensemble de
l'agriculture !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Si l'on n'avait que les
problèmes viticoles qu'il connaît à Bordeaux, on pourrait vite se mettre
d'accord !
(Sourires.)
La révolution culturelle dans cette filière viticole a donné lieu, depuis
vingt ans, à des efforts considérables, en Languedoc-Roussillon notamment, pour
restructurer les vignobles, les caves coopératives, rénover les pratiques
oenologiques et dynamiser les pratiques commerciales.
Ce travail n'était pas achevé. Depuis quelques années, grâce à des vendanges
assez exceptionnelles et à des prix qui se tenaient bien, certains ont cru être
sortis de ce tunnel et ont relâché leurs efforts.
Dans certaines zones, à quelques kilomètres de distance, il y a des caves
coopératives qui ont fait des efforts et qui s'en sortent très bien en termes
de prix, de revenus pour les viticulteurs et de commercialisation, et d'autres
qui ne s'en sortent pas bien. Simplement, on voit celles qui ont investi dans
le savoir-faire humain, technologique et commercial et dans la restructuration
des vignobles.
Il reste donc du travail.
Grosso modo,
on sait qu'une petite centaine
de milliers d'hectares nécessitent une restructuration. On connaît les caves
qui doivent être modernisées.
Le devoir des responsables politiques, monsieur Jacques Blanc, n'est pas de
demander des crédits pour distiller. C'est au contraire de se demander s'il est
responsable de continuer à distiller année après année en faisant en sorte que
les viticulteurs vivent sous perfusion avec l'argent des contribuables pour
fabriquer de l'alcool qu'ils seront condamnés à distiller.
Oui ! nous allons distiller parce qu'il y a des surplus. Mais notre devoir
c'est de reprendre la marche en avant de la modernisation du vignoble, des
caves, des pratiques...
M. Jacques Blanc.
C'est ce que nous disons tous les jours !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je suis heureux que vous nous
rejoigniez enfin !...
(Exclamations sur les travées du RPR ainsi que sur
certaines travées des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye.
C'est vous qui nous rejoignez, monsieur le ministre !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Sur ce sujet, je ne suis pas
sûr que ceux qui ont été les plus courageux soient exactement du côté que vous
croyez !
M. Jacques Blanc.
Moi, je sais où ils sont !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
On fera la comparaison quand
vous le voudrez, monsieur Blanc.
En tout cas, j'ai pris des engagements le 25 septembre, qui ont tous été tenus
dans les délais prévus. M. Jacques Blanc, qui évoquait une déclaration du
commissaire européen, M. Fischler, dans le
Midi libre
de ce matin, je
répondrai que je n'ai pas encore transmis la demande de distillation de crise à
Bruxelles, parce que j'attends des informations précises.
Ce n'est qu'à ce moment-là que je pourrai savoir ce qu'il faut demander en
distillation de crise. Or je ne le saurai que dans quelques jours. De toute
façon, le rendez-vous est pris pour le 18 décembre au Conseil de
l'agriculture.
Je suis donc, là encore tout à fait dans les délais que je m'étais fixés et
qui sont des délais classiques dans des situations de ce genre.
Il est donc tout à fait normal que le commissaire Fischler n'ait pas reçu ma
demande. Mais je peux vous assurer qu'il s'attend à la recevoir, comme il
s'attend à recevoir celles des ministres italien, espagnol ou portugais.
Concernant cette filière viticole, je veux redire mon engagement total et
résolu pour sortir de cette crise de la manière responsable que je viens
d'indiquer. Il faut à la fois traiter les problèmes du court terme avec la
distillation pour faire face aux excédents et les situations difficiles. A cet
égard, j'ai pris les dispositions pour aider les jeunes agriculteurs - on m'en
a donné acte, y compris dans la filière professionnelle - ou pour renforcer les
crédits AGRIDIFF, c'est-à-dire les crédits en faveur des agriculteurs en
difficulté, notamment en Languedoc-Roussillon.
Les crédits prévus pour la restructuration du vignoble et pour les entreprises
de l'aval, sont prêts. Je note toutefois que, pour que ces entreprises puissent
se moderniser et bénéficier des crédits publics qui leur sont destinés, il faut
qu'elles présentent des dossiers. Ces derniers sont traités au fur et à mesure
de leur arrivée et les premiers paiements auront lieu à la fin de l'année 2001
ou au début de 2002 au plus tard.
Tout cela se fait normalement selon les engagements que j'avais pris et dans
les délais que j'avais prévus. Il n'y a pas de retard et ma vigilance est
totale pour que ce plan soit mis en oeuvre conformément aux engagements
pris.
Après avoir abordé ces deux crises qui sont essentielles, je vais évoquer plus
rapidement les deux autres thèmes : la sécurité sanitaire et la promotion de
l'agriculture multifonctionnelle.
Peu de sénateurs ont parlé de la sécurité sanitaire, sauf ceux qui défendent
le budget. Mais c'est peut-être parce que ceux qui le critiquent n'ont pas osé
le faire sur ce point, ce dont je les félicite.
La sécurité sanitaire des aliments - c'est ma première priorité - se traduit
dans le budget d'une manière spectaculaire avec 150 emplois nouveaux, avec 20 %
de hausse des crédits destinés à la lutte contre l'ESB - crise qui est toujours
là - et que nous mesurons mieux que nous l'avons jamais mesurée.
Les tests systématiques sont mis en oeuvre avec succès depuis les début de
l'année 2001. Je me souviens pourtant des cris entendus dans cet hémicycle sur
le fait que cela coûterait cher, et que ce programme avait été lancé à la
légère sans avoir été préparé !
En fait, il nous a fallu trois semaines pour que, les premiers en Europe, nous
mettions en place un régime mensuel de 20 000 à 25 000 tests. Au mois de juin,
nous avons même réussi à abaisser à 24 mois les tests systématiques.
Depuis le début de l'année, des centaines de milliers de tests ont été
réalisés, ce qui nous donne une vue statistique extrêmement précise, de sorte
que nous avons maintenant, grâce à ces tests, grâce aux observations cliniques
et aux programmes sur les animaux à risques, une vue plutôt exhaustive de
l'épizootie dans notre pays. J'espère d'ailleurs pouvoir repérer, dans les
semaines ou les mois qui viennent, l'inflexion de la courbe que j'attends,
comme vous, avec impatience et qui, à mon sens, ne devrait plus maintenant
tarder.
La deuxième priorité de mon ministère, c'est la poursuite de la politique qui
a été définie par le Parlement avec la loi d'orientation agricole, notamment la
défense et la promotion de l'agriculture multifonctionnelle et la mise en
oeuvre des CTE.
Je reçois, là aussi avec un sourire serein, vos critiques et celles qui
viennent d'ailleurs. Vous parlez d'un échec ! En fait, il y a maintenant 21 000
CTE validés, et plus d'un million d'hectares sous contrat ; et il y a 21 000
contrats supplémentaires chaque mois.
Heureusement que les Français ne vous feront pas confiance au mois de mai
prochain, sinon vous seriez dans une contradiction terrible et vous seriez
obligés de continuer une politique que vous avez beaucoup décriée !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mais je crois qu'heureusement les Français seront sages.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Cela vous évitera d'être confrontés à une contradiction
insupportable pour votre amour-propre.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas un échec, c'est inefficace !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mais non ! Lorsqu'on fait le
bilan, on voit bien que cette politique est très positive.
M. Alain Gournac.
Pour vous, tout est merveilleux !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Cette politique répond à un
véritable besoin de l'agriculture française.
Ce besoin, je l'ai qualifié depuis plusieurs mois, depuis plusieurs années,
d'une formule : il faut que nous sachions tous ensemble passer de la course
folle à la production, du produire toujours plus au produire mieux en termes
d'emploi, de qualité sanitaire des produits, d'aménagement du territoire, de
pratiques environnementales, ce qui n'est pas du tout une remise en cause de la
productivité.
(Exclamations sur les travées du RPR)
.
Mais oui, messieurs les sénateurs, à l'avenir, les revenus des agriculteurs
dépendront bien plus de la qualité des produits que de la course aux
rendements. Si vous pensez encore le contraire alors, vous avez besoin de
reprendre vos études en matière agronomique ! Chacun le sait, c'est une réalité
objective.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur
les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Quand nous essayons de faire cette révolution culturelle, nous travaillons
pour le revenu des agriculteurs. Simplement, nous les aidons à le faire
intelligemment.
M. Philippe Nachbar.
Merci pour les agriculteurs !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Donc, cette agriculture
multifonctionnelle, elle se traduit dans le budget par des crédits en
augmentation de 25 %, et je m'en réjouis.
Je parlerai maintenant de quelques autres secteurs et, d'abord, de
l'enseignement agricole.
Vous avez exprimé des inquiétudes qui m'ont parues très étonnantes. Pourtant,
messieurs les sénateurs, nous avons créé cinquante postes et prévu la
déprécarisation de 1 100 postes, ce qui traduit un effort d'un niveau jamais
atteint dans l'histoire des budgets de l'enseignement agricole et qui est
d'autant plus significatif que les effectifs stagnent et même régressent
sensiblement.
Le taux d'encadrement s'améliore dans l'enseignement agricole et vous parlez
d'« abandon ». Je ne sais pas si nous parlons même langage.
S'agissant de l'enseignement agricole privé et du RETREP, nous avons pris un
engagement. Un décret est en cours de signature, et nous tiendrons cet
engagement, comme les autres.
Dans cette matière, nous nous conformons à la loi de 1984. Nous appliquons la
règle : la loi, toute la loi, et rien que la loi.
Monsieur du Luart, les crédits sont là.
M. Roland du Luart.
Ce n'est pas ce que disent les organisations d'enseignement agricole.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je ne sais pas ce qu'elles vous
disent ! Je sais en revanche que, lors du conseil national de l'enseignement
agricole où les organisations de l'enseignement agricole privé sont
représentées et qui s'est déroulé il y a quelques semaines à peine, personne ne
m'a fait de remarques sur le budget de l'agriculture.
Certains orateurs ont dit qu'ils ne voulaient pas ranimer la guerre scolaire.
Moi non plus ! Continuons donc dans la paix, les uns et les autres.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
Il est content !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Content ? Non ! Il y a des
difficultés dont je me passerais bien et j'essaie d'y faire face. Je ne suis
pas dans le contentement, j'essaie d'apporter des réponses aux questions.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard Delfau.
Voyons, mes chers collègues, c'est un bon ministre, et vous le savez !
M. Dominique Braye.
C'est un ministre habile !
M. le président.
Monsieur Braye, laissez parler M. le ministre.
M. Dominique Braye.
J'ai été interpellé par M. Delfau !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
A propos de la forêt, il semble
qu'un débat soit en train de naître pour savoir s'il est normal que l'on mette
un terme à l'aide au transport des bois chablis.
Cette aide au transport était prévue jusqu'au mois de juin 2001 et je me suis
battu pour la prolonger. Le contrat initial, c'était l'aide au transport
jusqu'au mois de juin 2001.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Il y a encore du bois par terre !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'y viens, monsieur César.
J'ai souhaité, j'ai demandé au Premier ministre, et j'ai obtenu de lui, que
l'on puisse prolonger cette aide de six mois. Je pensais en effet qu'elle était
efficace et qu'elle était encore nécessaire.
Mais, à un moment il faut savoir arrêter. Prolonger une aide au transport de
chablis encore exploitables, c'est légitime. Mais, deux ans après les tempêtes,
les chablis à terre ne sont quasiment plus exploitables ou commercialisables.
La question réaliste est donc non plus de les transporter mais de les dégager.
De ce fait, l'aide au transport perd de sa pertinence.
Monsieur de Richemont, j'ajoute que le pourcentage de ces bois à terre est
bien inférieur aux 60 % que vous évoquiez car un effort considérable a été
effectué.
Je relève aussi que personne ne pensait, voilà deux ans, que l'on exploiterait
la quantité de chablis qui a été traitée. Personne ne croyait que c'était
possible.
Je veux donc tout particulièrement rendre hommage à cette filière qui s'est
mobilisée pendant deux ans sur un immense chantier et qui a su résoudre le
problème de manière remarquable.
Aujourd'hui, il s'agit non pas de transporter les bois mais de reconstituer
les forêts. Sur ce point, je veux être de nouveau très clair les engagements
pris par le Gouvernement, consacrer 6 milliards de francs sur dix ans,
c'est-à-dire 600 millions de francs par an, à la reconstitution de la forêt
sont scrupuleusement tenus dans le budget pour 2002.
Avec les crédits prévus comme avec les crédits de report ou les crédits
retenus dans les contrats de plan, on sera bien au-delà, en 2002, de cette
somme. Et je ne compte pas les crédits européens que l'on peut également
mobiliser. Nous avons tous les moyens financiers pour poursuivre l'élan de
mobilisation pour la reconstitution de la forêt.
J'aborderai maintenant des questions plus précises.
En ce qui concerne le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine
agricole, nous avons reçu l'aval de Bruxelles depuis quelques semaines. Certes,
cet accord a tardé. Les dossiers sont de nouveau traités dans les directions
départementales avec une nouveauté : maintenant, les petites exploitations sont
éligibles, ce qui est normal.
Je l'avais souhaité, les taux de subventionnement sont désormais comparables
quelle que soit la taille de l'exploitation. Je me suis battu pour l'obtenir
parce que je n'imaginais pas que l'on puisse mettre en oeuvre une deuxième
tranche du programme dans laquelle on aiderait moins les petits exploitants que
les gros.
J'ajoute que les conditions de ciblage sur les bassins versants, c'est-à-dire
l'efficacité environnementale, me paraissent maximales. Ce programme reprend
donc son cours.
Quant aux indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, je veux
rassurer un certain nombre d'intervenants ; tous les engagements pris seront
tenus.
Je me suis très solennellement engagé à l'Assemblée nationale afin que les 3
milliards de francs consacrés aux ICHN soient mobilisés en 2002. S'ils ne
figurent pas dans les crédits budgétaires, nous les obtiendrons en loi de
finances rectificative, par report ou par redéploiement des crédits au sein du
budget.
S'agissant du secteur de la pêche, je répondrai notamment à Mme Yolande Boyer
qui est longuement intervenue sur le sujet, notamment sur le secteur social
dans lequel elle s'est beaucoup engagée lors des débats sur la loi de
modernisation sociale ou de la loi « pêche » voilà quatre ans.
Madame la sénatrice, nous nous heurtons effectivement à deux grandes
difficultés.
Le Conseil « pêche » se tiendra le 17 décembre à Bruxelles, c'est-à-dire juste
avant la réunion du conseil « agriculture » au cours de laquelle nous aurons à
définir les totaux admissibles de captures, les TAC, et les quotas de 2002. Ce
conseil, comme tous les conseils de ce type, sera difficile
a fortiori
pour certaines espèces menacées qui nous posent des problèmes majeurs.
En effet, la Commission avance des propositions qui sont certes inacceptables
compte tenu de leur ampleur mais qui, en même temps, reposent sur une volonté
de préserver la ressource, que nous ne pouvons pas condamner dans son principe.
Les discussions seront très rudes à Bruxelles.
La deuxième difficulté est que nous aurons des discussions longues,
puisqu'elles s'étaleront sur le premier semestre de 2002, à propos des
dispositifs techniques, notamment le maillage de filets, sur lesquels la
commission avance des propositions qui sont dures mais qui reposent toujours
sur un principe peu contestable. Ces discussions n'ont fait l'objet que d'un «
non-papier » de la Commission, c'est-à-dire un document blanc pour faire réagir
et provoquer la discussion. Cette technique a un aspect très provocateur, mais
elle atteint parfaitement son but.
J'espère que nous connaîtrons les propositions de la Commission lors du
conseil du 17 décembre, mais c'est avec la profession que nous débattrons, en
parfaite concertation, de ces sujets, comme vous l'avez souhaité.
Nous nous heurtons, enfin, à une autre difficulté : le renouvellement de
l'accord de pêche avec l'Espagne qui est entré en vigueur en 1992 pour dix ans
et qui arrive donc à son terme en 2002.
Je rencontrerai jeudi le ministre espagnol de la pêche, qui vient à Paris pour
en débattre.
Cet accord avait suscité, cet automne, des tensions dans le golfe de Gascogne
à propos de l'anchois. Il est toutefois indispensable qu'il soit renouvelé et
je veux tout faire - le ministre espagnol est sur la même ligne que moi - pour
éviter un redémarrage de la guerre de l'anchois, qui a causé tant de drames et
provoqué tant de secousses dans l'histoire de la pêche entre nos deux pays. La
négociation sera difficile, mais j'ai bon espoir de la mener à bien si chacun y
met du sien.
Je conclurai mon propos en abordant la question des retraites agricoles, qui
constituent, me semble-t-il, le point le plus positif. Avec le budget pour 2002
s'achève le plan quinquennal de revalorisation des retraites agricoles, qui
aura permis de ramener toutes ces retraites au minima vieillesse, conformément
à l'engagement que nous avons pris. Jamais un plan de revalorisation n'avait
permis de réaliser un tel effort. Je m'en réjouis, car ce n'est que justice.
Il nous faut maintenant aller au-delà, plusieurs d'entre vous l'ont dit, et
mettre en place un régime de retraite complémentaire obligatoire par
répartition. Le Gouvernement a fait savoir qu'il était prêt à étudier cette
proposition.
L'Assemblée nationale a proposé qu'à l'occasion d'une niche parlementaire soit
examinée, le 11 décembre, une proposition de loi sur le sujet, que le
Gouvernement accueillera avec beaucoup de bienveillance.
Cette législature sera vraiment à marquer d'une pierre blanche avec le plan
quinquennal de revalorisation des retraites agricoles et, je l'espère, la mise
en place l'année prochaine de ce régime de retraite complémentaire obligatoire
par répartition, car nous aurons alors bâti un dispositif qui était souhaité
par toutes les organisations de retraités agricoles. Ces derniers voulaient, en
effet, obtenir, à terme, une retraite équivalant à 75 % du SMIC.
L'objectif était très ambitieux, mais nous sommes en passe, je crois, de le
concrétiser. Nous reparlerons de ce régime de retraite complémentaire avant que
vous n'en soyez saisis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir à peu près répondu à toutes
vos questions. Je vous remercie de ce débat qui a été pour moi très riche, très
instructif et toujours souriant.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen aussi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère
de l'agriculture et de la pêche, et figurant aux états B et C.
M. Philippe Adnot.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, je demande que mon amendement n° II-70, qui est
identique à l'amendement n° II-71 et qui tend à insérer un article additionnel
après l'article 60, soit examiné en priorité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Article additionnel après l'article 60 (priorité)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-70 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° II-71 est présenté par M. Pastor et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
Les amendements sont ainsi libellés :
« I. - Il est institué un financement public des organisations syndicales
d'exploitants agricoles habilitées au plan départemental au sens de l'article 2
de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.
« II. - Le montant des crédits inscrits sur le budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche pour être affectés au financement des
organisations syndicales habilitées mentionnées à l'article 1er de la loi n°
99-574 du 9 juillet 1999 précitée est réparti au prorata du nombre de suffrages
et de sièges obtenus dans l'ensemble des départements par chacune d'elles lors
des dernières élections aux chambres d'agriculture, rapporté au total des
suffrages et des sièges obtenus par l'ensemble de ces organisations, selon des
modalités définies par décret.
« Pour l'application de l'alinéa précédent les suffrages et les sièges obtenus
par des organisations syndicales habilitées ayant présenté une liste d'union
sont répartis à parts égales entre ces organisations.
« III. - Les organisations syndicales bénéficiaires du financement public
institué à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 précitée sont
tenues de tenir une comptabilité retraçant l'utilisation des crédits ainsi
attribués. Au titre de chaque année civile elles établissent un compte rendu
qu'elles communiquent dans le premier semestre de l'année suivante au ministère
chargé de l'agriculture. »
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° II-70.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le ministre, chacun sait que les organisations syndicales agricoles,
toutes tendances confondues, ont toujours fait du développement et de la
formation.
Un fait nouveau posant, à l'heure actuelle, un problème de financement, le
présent article tend à instituer un financement public des organisations
syndicales agricoles.
Il reprend le critère d'éligibilité fondé sur l'article 2 de la loi
d'orientation agricole et son décret d'application n° 90-187 du 28 février
1990, modifié par le décret n° 2000-139 du 16 février 2000.
L'article prévoit ensuite une répartition des crédits attribués en fonction du
nombre de suffrages et de sièges obtenus par chacune de ces organisations sur
le plan national.
L'article prévoit également les modalités de contrôle de ces fonds.
M. le président.
La parole est à M. Pastor, pour présenter l'amendement n° II-71.
M. Jean-Marc Pastor.
Cet amendement n'est que la suite logique du débat relatif à la loi
d'orientation agricole, au cours duquel cette proposition avait déjà été
évoquée. Il convient maintenant de la mettre en oeuvre. C'est la raison pour
laquelle mon collègue Philippe Adnot et moi-même avons déposé ces amendements
qui sont identiques et qui visent à fixer une règle du jeu permettant aux
syndicats agricoles de bénéficier d'un financement public.
Traditionnellement, comme cela a été dit, l'Association nationale pour le
développement agricole, l'ANDA, accordait des financements pour certaines
actions. Mais nous savions tous que, derrière ces actions, qu'elles soient de
formation ou de développement, on permettait indirectement à ces syndicats de
fonctionner, de vivre.
Soyons logiques avec nous-mêmes, suivons les règles normales de la République,
de la démocratie, et appelons un chat un chat. Il existe des syndicats, ils
jouent leur rôle, ils remplissent leur mission et défendent la profession.
Pourquoi alors l'Etat ne participerait-il pas à leur financement ? C'est
aujourd'hui la question que nous posons par le biais de deux amendements. Nous
souhaitons rendre très transparente la participation financière publique au
fonctionnement des syndicats agricoles, d'autant qu'elle existe déjà !
Dans cet hémicycle, je suis à peu près convaincu que ce ne sont pas seulement
les deux groupes politiques qui sont à l'origine de cette proposition qui vont
soutenir ces amendements. C'est l'ensemble des groupes qui votera !
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Ces amendements visent à apporter une solution à la
situation juridiquement délicate du financement des organisations
professionnelles agricoles et devraient permettre au Gouvernement de résoudre
un problème qui le gêne depuis quelque temps.
(M. le ministre
s'étonne.)
Permettez-moi de revenir sur cette délicate question.
Jusqu'à présent, l'ANDA attribuait chaque année aux syndicats agricoles une
enveloppe destinée à financer leurs actions par le biais de la dotation du
Fonds de financement des actions de développement initiées par des syndicats
agricoles représentatifs, le FADISAR.
Or l'ANDA, dont les recettes proviennent du produit de diverses taxes
parafiscales, a vocation à financer des actions de développement agricole, et
non directement des organisations professionnelles agricoles. Ce n'est pas la
réforme des taxes parafiscales prévue par la loi organique du 1er août qui est
en cause ; c'est l'utilisation actuelle du produit des taxes affecté à l'ANDA.
L'inspection générale des finances a d'ailleurs récemment mis en évidence
l'existence de ce problème épineux dans un rapport consacré au fonctionnement
de l'ANDA.
Lors de son assemblée générale en juillet 2001, l'ANDA a donc décidé
d'attribuer une enveloppe de 72,8 millions de francs aux actions conduites par
les organisations syndicales agricoles lors de la définition de son cadrage
budgétaire pour la période 2000-2006.
L'enquête menée par l'inspection générale des finances a manifestement mis en
évidence le caractère illégal du financement des syndicats agricoles par le
biais de l'ANDA. Cette dernière a donc décidé de suspendre ses versements aux
organisations professionnelles agricoles. Cela a obligé le Gouvernement à
reprendre à son compte une partie du financement des actions conduites par les
syndicats agricoles.
Ce transfert sur le budget de l'Etat est intervenu par le biais d'un décret
d'avance le 8 octobre 2001. L'intitulé budgétaire du chapitre 43-23 a été
modifié, pour l'occasion. Anciennement dénommé : « Actions de formation et
actions éducatives en milieu rural », il s'intitule désormais : « Actions de
formation, actions éducatives et soutien aux organisations syndicales
d'exploitants agricoles ». L'objet de ce chapitre ayant été élargi, le
Gouvernement a ouvert 24,06 millions de francs supplémentaires.
Outre le caractère juridiquement douteux de ce changement d'intitulé de
chapitre budgétaire en cours d'année par décret d'avance, cette opération aura
eu pour mérite de pérenniser, au moins en 2001, le financement des
organisations professionnelles agricoles.
Pour ce qui est de 2002, le problème se pose dans les mêmes termes. L'ANDA ne
peut plus financer directement les syndicats agricoles. Est-ce à l'Etat de le
faire ? C'est l'objet des deux amendements. Nous sommes heureux que notre
collègue Philippe Adnot et les membres du groupe socialiste présentent à point
nommé des amendements qui retirent une douloureuse épine du pied du
Gouvernement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Aïe !
(Sourires.)
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Même si la commission des finances partage cet
objectif sur le fond, il convient de s'interroger sur les principes juridiques
qui devraient s'imposer en la matière.
En effet, si la solution proposée dans les amendements examinés constitue une
amélioration par rapport aux accommodements jusque-là pratiqués, elle ne semble
pas être d'une régularité à toute épreuve. Il faudra sans doute revenir sur ce
sujet afin de la caler dans un moule juridiquement plus acceptable.
Au total, il est nécessaire de prendre acte du financement public des
syndicats agricoles et de le pérenniser, et j'observe que les amendements
présentés constituent un progrès dans la transparence de ce financement. La
commission y est donc favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'avais prévu de ne
pratiquement pas intervenir sur ce sujet. Mais les propos de M. le rapporteur
sont si choquants que je veux mettre les points sur les « i » !
Soyons clairs : vous ne retirez aucune épine du pied du Gouvernement, monsieur
le rapporteur ! Si quelqu'un devait être ennuyé avec ce dossier, ce n'est
certainement pas moi.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Dont acte !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il s'agit d'une somme
considérable : ce sont 900 millions de francs que l'ANDA consacre au
développement agricole. L'inspection générale des finances a mis en évidence
une absence de transparence et de contrôle, des irrégularités, voire des
illégalités en pagaille. Mais rien de cela ne fait peser sur moi la moindre
menace ! Arrêtez de renverser les rôles !
Quant à la réforme de l'ANDA ayant précisément pour objet d'introduire plus de
transparence, de concertation, de contrôle, de rigueur et de légalité dans ces
opérations, je me serais bien passé de la mettre en oeuvre ! Et vous osez me
dire que vous étiez - heureusement ! - là pour ôter une épine du pied du
Gouvernement ? Mais ce n'est pas du tout la réalité !
Soyons encore plus clairs. Si vous ne voulez pas le faire, ne le faisons pas
et débrouillez-vous avec les organisations professionnelles agricoles, qui
n'auront plus de financement. Ne me retirez surtout pas cette épine du pied si
vous ne le voulez pas.
M. Dominique Braye.
Mais si, on le veut ! On veut vous aider !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous le voulez ? J'ai compris,
monsieur Braye !
Ce ne sont pas du tout les organisations professionnelles agricoles que vous
visez ; c'est le ministre de l'agriculture que vous êtes désireux d'aider, bien
sûr !
Grâce à vous, le débat, comme je l'ai dit tout à l'heure, aura été souriant
jusqu'au bout !
Je veux faire une autre mise au point. Selon vous, avec le décret d'avance de
2001, le Gouvernement se serait engagé dans une voie légalement contestable.
Absolument pas ! L'opération est tout à fait légale et tout à fait
transparente. Elle a même été approuvée par le Conseil d'Etat. Si cela ne vous
rassure pas sur la légalité de l'opération...
Vous m'obligez à aller au bout de mon exposé spontané.
Maintenant, aidez-moi à parachever le dispositif. Après le décret réformant
l'ANDA publié au mois de novembre et approuvé par le Conseil d'Etat, après
l'élaboration de nouveaux statuts en conformité avec le décret, il nous reste
maintenant à rédiger et à approuver une convention liant l'ANDA à l'Etat, et
tenant compte du décret, des statuts et des observations de l'inspection
générale des finances sur les irrégularités constatées.
Aidez-moi à convaincre tout le monde et à obtenir, dans l'intérêt de tous, un
consensus sur cette convention afin qu'elle soit signée très vite. Je vous
remercie par avance. Dans le cas contraire, je le répète, ce n'est certainement
pas à moi que cela causera du tort !
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je ne comprends pas l'énervement du ministre sur ce
sujet.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
En effet, les
amendements proposés sont judicieux - la commission y est d'ailleurs tout à
fait favorable - puisqu'ils tendent à s'appuyer sur un outil juridique, qui est
quand même meilleur qu'un décret d'avance !
M. Gérard César.
Tout à fait !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
L'intégrer dans la loi de finances me semble plus
transparent...
M. Roland du Luart.
Plus pérenne !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
... que de le prévoir dans un décret d'avance ! C'est
en cela que je considère que, sur la forme - je ne parle pas du fond - les
amendements vous apportent une certaine tranquillité, monsieur le ministre.
M. Dominique Braye.
Une sécurité juridique !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je vous remercie de votre aide
!
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-70 et II-71, acceptés par
la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 60.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 70 079 278 euros. »
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention concerne les crédits destinés à l'Institut national des
appellations d'origine, l'INAO.
Je souhaite souligner que l'extension des compétences de l'INAO s'est tout
particulièrement accrue, notamment à la suite de l'intervention de la loi
d'orientation agricole et de ses textes d'application, extension qui porte sur
les indications géographiques protégées, les IGP, ainsi que sur le régime des
appellations d'origine contrôlée, les AOC.
Comme vous le soulignez vous-même, monsieur le ministre, cette évolution
s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une politique des signes officiels de
qualité, dont l'effet en termes économique et d'aménagement du territoire est
désormais reconnu.
Elle se traduit donc tout particulièrement par l'accroissement des
responsabilités et des tâches de l'INAO. De ce fait, il apparaît nécessaire de
doter l'INAO d'un budget renforcé pour 2002.
J'ajouterai deux remarques concernant notamment la viticulture.
Premièrement, nous avons tout intérêt à ce que les conditions de production de
nos AOC puissent continuer à faire l'objet d'un suivi ou d'un contrôle précis
par l'INAO si l'on veut assurer une qualité toujours améliorée de nos produits
face à nos concurrents ; je pense notamment aux pays du nouveau monde.
Deuxièmement, les problèmes relatifs aus moyens de fonctionnement peuvent
provoquer quelques blocages ici ou là. Je pense en particulier à des demandes
d'accession en AOC ou encore à certains dossiers relatifs à la hiérarchisation
des vins de certains crus qui, faute de personnels suffisants à l'INAO,
n'évoluent pas comme nous le souhaiterions.
Le groupe socialiste a envisagé un moment de déposer un amendement visant à
majorer les crédits de l'INAO de 5 millions de francs ou, plus exactement, de
762 245 euros. Cependant, un tel amendement aurait été déclaré, à coup sûr,
irrecevable en application de l'article 46, alinéa 2, du règlement du Sénat qui
dispose : « Les amendements tendant à porter un crédit budgétaire au-delà du
montant dont l'initiative a été prise par le Gouvernement sont irrecevables.
»
Nous avons donc eu plusieurs contacts avec vos proches collaborateurs,
monsieur le ministre, sur la nécessité d'adapter les moyens de l'INAO par
rapport à ses missions, qu'elles soient traditionnelles ou nouvelles, depuis
l'extension de ses compétences à d'autres produits.
Nous sommes donc aujourd'hui satisfaits de la décision du Gouvernement de
proposer au Sénat un amendement visant à réévaluer ces crédits, ce qui
permettra de créer des emplois au sein de l'INAO. Bien évidemment, monsieur le
ministre, nous voterons, le moment venu, cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Je serai bref, car mon collègue Roland Courteau a dit l'essentiel des raisons
qui m'ont incité à prendre la parole.
Chacun peut constater que l'INAO, au cours d'une histoire longue et riche, a
beaucoup contribué à l'essor de la viticulture française. Plus que jamais, dans
l'étape que franchit cet institut important de notre économie et de notre
histoire, l'INAO doit avoir les moyens humains et financiers de continuer à
tenir ce rôle.
Par ailleurs, depuis les années quatre-vingt-dix et en raison même de son
succès, l'INAO a vu son périmètre de compétences étendu, notamment à celui des
fromages. La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a confié à cet
organisme la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier d'une
indication géographique protégée. Bref, l'INAO est plus que jamais au centre de
la politique agricole que la nation veut conduire.
Il m'était donc également venu l'idée de déposer un amendement, mais il aurait
été déclaré irrecevable compte tenu de l'article 40 de la Constitution et du
règlement du Sénat. Par ailleurs, je ne voulais pas déposer un amendement qui
soustraie au budget des éléments financiers significatifs : je pense notamment
aux crédits alloués aux contrats territoriaux d'exploitation, lesquels, je
persiste à le penser, sont une excellente mesure ; ils se développeront.
Bref, pour toutes ces raisons, je me suis, moi aussi, rapproché de vos
services. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous déposez un amendement qui va
nous permettre d'aboutir à l'heureuse conclusion que nous souhaitons tous, sur
l'ensemble des travées du Sénat, et je tiens à mon tour à vous en remercier.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-8 rectifié
ter
est présenté par MM. César, Valade,
Doublet, Gruillot, de Richemont, Lardeux, Courtois, Leclerc, Dufaut, Trégouët,
Darcos, Leroy et Pintat.
L'amendement n° II-68 rectifié est déposé par M. Le Cam.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Réduire les crédits du titre III de 762 246 EUR. »
L'amendement n° II-72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 762 245 EUR. »
La parole est à M. César, pour défendre l'amendement n° II-8 rectifié
ter.
M. Gérard César.
Je viens d'entendre mes collègues MM. Delfau et Courteau aborder le problème
de l'INAO, qui nous préoccupe tous depuis longtemps. Le présent amendement a
pour objet de régler ce problème.
J'insisterai sur le chiffre, qui est très faible, puisqu'il faut trouver 12
millions de francs pour la dotation globale, et, sur cette somme, la profession
prend à son compte 4 millions de francs. Il suffirait donc de trouver 8
millions de francs pour abonder les crédits de l'INAO !
Les membres du Comité national du vin ont décidé de ne plus siéger à l'INAO
depuis le 7 novembre dernier, car les professionnels souhaitaient que le
ministre s'engage, non pas dans la loi de finances rectificative, comme vous
l'aviez indiqué lors de votre audition devant la commission des affaires
économiques, monsieur le ministre, mais dans la loi de finances pour 2002. En
outre, dans un esprit constructif, les professionnels ont eux-mêmes proposé de
participer, sur leurs fonds propres, à ce cofinancement : l'Etat participera à
hauteur de 75 % et la profession à hauteur de 25 %.
Il me paraît important que ces engagements soient tenus.
Les amendements identiques n°s II-8 rectifié
ter
et II-68 rectifié ont
pour objet de redéployer les crédits des CTE, car il nous paraissait très
facile de trouver 8 millions de francs sur les crédits des CTE. Cela partait
d'un bon sentiment : il s'agissait de faire réaliser des économies au ministre
!
Nous proposons donc, monsieur le ministre, compte tenu de l'extension des
compétences de l'INAO, en particulier vers les produits de qualité, d'abonder
les crédits de cet institut.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° II-68 rectifié.
M. Gérard Le Cam.
Il s'agissait d'un amendement d'appel en direction du Gouvernement de façon à
assurer les moyens humains supplémentaires compte tenu des missions nouvelles
confiées à l'INAO. Cet appel ayant été entendu, je retire mon amendement au
profit de celui du Gouvernement.
M. le président.
L'amendement n° II-68 rectifié est retiré.
Monsieur César, l'amendement n° II-8 rectifié
ter
est-il maintenu ?
M. Gérard César.
Je souhaite attendre l'avis du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° II-72.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Cet amendement visant à
transférer 5 millions de francs du budget des offices en général au budget de
l'INAO, lesquels s'ajoutent à l'augmentation des crédits déjà prévue de 3
millions de francs, ce qui représente au total 8 millions de francs
supplémentaires pour cet institut, correspond à l'aboutissement logique et
positif d'un dialogue qui s'est instauré entre nous depuis quelques
semaines.
Vous avez été nombreux - Roland Courteau, Gérard Delfau, Gérard César - à me
saisir du problème de l'INAO en commission ou par courrier. Adopter la
disposition que je vous propose constituerait un heureux aboutissement.
Comme vous l'avez dit, l'INAO est un organisme de grande qualité, qui rend de
très grands services à l'agriculture française et qui est au coeur de cette
grande révolution qualitative dont je parlais tout à l'heure dans mon
intervention. Produire mieux, c'est aussi avoir des démarches qui soient
labellisées, certifiées, garanties par un organisme qui remplit bien sa mission
et qui a une réputation internationale.
Je rends hommage à cet institut et à ses personnels, qui sont soumis à un
accroissement de leurs missions, dû, notamment, aux mesures de la loi
d'orientation agricole et au fait que nous avons chargé l'INAO de gérer aussi
les IGP ; il s'agissait d'ailleurs d'une volonté personnelle et j'avais
souhaité glisser ces mesures dans la loi d'orientation agricole, non pas au
dernier moment, mais au cours de la discussion.
Les personnels de l'INAO, dont le nombre devrait augmenter pour répondre à
l'accroissement de leurs missions, ont besoin de notre reconnaissance et de
notre hommage collectifs. Les responsables de l'INAO qui doivent assumer cette
tâche doivent en avoir tous les moyens. Ces crédits, mais aussi d'autres
dispositions que je serai amené à prendre dans les jours et les semaines à
venir pour aider l'INAO à repartir du bon pied après cette petite secousse qui
est une crise de croissance, permettront à l'INAO d'affonter l'avenir dans les
meilleures conditions possibles.
M. le président.
Monsieur César, après avoir entendu M. le ministre, maintenez-vous votre
amendement ?
M. Gérard César.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° II-8 rectifié
ter
est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-72 ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Les amendements qui avaient été déposés par nos
collègues MM. César et Le Cam étaient effectivement de bons amendements.
J'allais leur dire qu'il était dommage de financer une augmentation sur un
titre par une diminution sur un autre. Fort opportunément, le Gouvernement,
avec beaucoup de sagesse, propose le même type d'amendement en prévoyant une
autre forme de financement.
La commission y est donc favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-72, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les crédits figurant au titre III ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Défavorable.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Que les choses soient claires :
vous avez adopté l'amendement visant à majorer les crédits du titre III ; mais
si vous n'adoptez pas le titre lui-même, vous n'adoptez pas non plus la
disposition visant à financer les organisations professionnelles agricoles !
Je vous laisse face à cette responsabilité.
M. Gérard César.
L'Assemblée nationale aura le dernier mot, comme d'habitude !
M. le président.
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
3 014 042 euros. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le ministre, les professionnels de la pêche sont très inquiets ; il
convient aujourd'hui de créer les conditions nécessaires pour rassurer les
pêcheurs et leur redonner espoir.
De nombreux mouvements sociaux se sont déclenchés, il y a quelques semaines,
dans les principaux ports français. Les pêcheurs ont manifesté pour protester
contre plusieurs projets de directive européenne concernant, principalement,
l'augmentation des mailles des filets et la reconstitution des stocks de merlus
et de cabillauds. A cela s'ajoute la forte mobilisation des pêcheurs face à la
crise de l'anchois.
L'ensemble des marins pêcheurs sont aussi profondément hostiles aux
orientations prônées par le Livre vert : si on les suivait, elles devraient
entraîner une réduction de 40 % des volumes de pêche, avec, pour conséquence,
une diminution d'une bonne partie de la flotte et des emplois dans ce secteur
d'activité déjà fortement sinistré.
La Commission dresse un constat d'échec de la politique commune de la pêche
qui n'a pas permis l'utilisation durable des ressources halieutiques
disponibles, ce qui était l'objectif fixé.
Les plans d'ajustement de la flotte de pêche élaborés dans le cadre des
programmes d'orientation pluriannuels, les POP, ont montré toutes leurs
limites.
Sur le plan de l'emploi, le bilan est particulièrement négatif. En huit ans,
en effet, ce ne sont pas moins de 21 % des emplois qui ont disparu dans l'Union
européenne. Et, sur de nombreux points, les objectifs de l'actuelle politique
commune de la pêche semblent contradictoires et difficilement réalisables,
qu'il s'agisse, par exemple, de maintenir l'emploi tout en réduisant la
capacité de la flotte, ou encore d'assurer des conditions convenables de
rémunération aux pêcheurs, alors que les importations ne cessent d'augmenter et
que la concurrence s'intensifie.
De même, la poursuite de l'effort de pêche ainsi que l'autorisation de droits
de pêche dans les eaux des pays tiers semblent difficilement compatibles avec
une exploitation à long terme des ressources.
Si une réforme de la politique commune de la pêche est une nécessité,
remarquons qu'une fois de plus la Commission s'enferme dans une réflexion
purement écologique qui fait abstraction des aspects socio-économiques. Ainsi,
les questions concernant la formation, la qualification, l'amélioration des
conditions de travail, la sécurité ne sont pas réellement abordées. Tous ces
éléments sont autant de facteurs qui contribueraient pourtant à accroître
l'efficacité économique de ce secteur et à revaloriser une profession qui en a
bien besoin.
Dans certaines régions, les pêches maritimes jouent, sur le plan
socio-économique, un rôle essentiel du fait des nombreuses activités qu'elles
induisent. Ainsi, les pêches bretonnes, qui représentent 40 % de la puissance
totale de la flottille française, constituent l'un des pivots de l'activité
économique de la région.
Depuis 1988, le nombre des navires de pêche a pourtant été réduit de 44 %,
dans le même temps que, faute de moyens, le parc de la flotte vieillissait,
compromettant, à terme, le maintien d'une flotte propre à assurer la
rentabilité et la compétitivité des entreprises.
Le renouvellement des navires est devenu indispensable, non seulement pour
accroître la sécurité des équipages, mais aussi pour ménager de meilleures
conditions de travail et de rémunération, rendant ainsi à nouveau plus
attractif ce métier, notamment auprès des jeunes. Et nous sommes loin de penser
que la solution aux difficultés que connaît actuellement l'activité de la pêche
réside dans la diminution des capacités de la flotille et du nombre des
navires.
La crise que traverse le monde de la pêche ne devrait-elle pas inciter le
Gouvernement à consacrer davantage de crédits, dans ce budget, en faveur du
développement de l'aquaculture, afin d'assurer la transition, en attendant la
remise à niveau des ressources halieutiques et de réduire notre degré de
dépendance en termes d'exportations ?
Certes, l'aquaculture est à la pêche ce que les cultures et l'élevage
intensifs sont à l'agriculture. Cependant, si cette culture est conduite avec
la rigueur sanitaire nécessaire dans des eaux de qualité, elle peut contribuer
à assurer la transition en attendant des jours meilleurs pour le milieu
naturel. La truite arc-en-ciel, truite d'élevage, est un exemple de brillant
succès dans ce domaine.
M. Jacques Blanc.
Et la truite fariol !
M. Gérard Le Cam.
Les difficultés actuelles de la pêche française sont avant tout l'héritage de
la politique européenne dont nous avons critiqué les fondements et les
directives depuis qu'elle existe. Néanmoins, un budget national plus conséquent
doit l'emporter sur les critères européens ; il y va de la vocation et de la
tradition maritime de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Blanc.
L'aquaculture, ce sont aussi les farines animales !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-62, présenté par MM. César et Bizet, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 286 739 euros. »
L'amendement n° II- 67 rectifié
bis,
présenté par M. Le Cam et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II- 62.
M. Gérard César.
Après le vin, le lait !
(Sourires.)
Il s'agit de compenser, par une réduction des crédits relatifs au CTE, les
conséquences de la décision prise, en juillet 2000, par le Conseil des
ministres européens de réduire la subvention européenne pour la distribution du
lait à l'école. Le gouvernement français, en conséquence, avait prévu de
réserver désormais cette distribution aux écoles situées en zones d'éducation
prioritaire et en zones urbaines sensibles. Et les autres enfants ? Il y a
suffisamment de médecins ici pour le confirmer : malheureusement, la
dénutrition peut se trouver partout. Nous souhaiterions donc que les
distributions de lait soient étendues à d'autres établissements scolaires.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l''amendement n° II- 67 rectifié
bis.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement a pour objet de pallier la réduction de la subvention
européenne au titre de la distribution du lait dans les écoles. Nous voudrions
faire deux remarques à cet égard.
Premièrement, nous nous interrogeons sur l'attitude du Conseil des ministres
européens au regard de la subvention pour la distribution du lait.
Dans une réponse à une question écrite que je vous avais posée au mois de
juin, et à laquelle vous m'aviez répondu en août, soit des délais très brefs,
vous m'avez fourni quelques éléments que je livre à la réflexion du Sénat.
Décidée en 1994, cette aide européenne devait être jugée inefficace par la
Commission en 1999. Se fondant sur un rapport d'évaluation de l'effet et du
coût de cette subvention, la Commission a envisagé de supprimer tout soutien
communautaire. Il était bien question de coût, mais à aucun moment le rapport
ne faisait référence aux besoins des enfants. En d'autres termes, on n'avait
pas du tout avancé d'arguments sur le fond.
Dans la même réponse, vous m'indiquiez, monsieur le ministre, qu'il était
envisagé de réduire de moitié le budget de ce programme pour 2000 avant de le
supprimer. Un tel projet a, bien évidemment, suscité de nombreuses oppositions
des Etats membres, dont la France, et je sais, monsieur le ministre, que vous
avez personnellement réagi. Cette diminution de crédits pouvait apparaître
comme une remise en cause des accords de Berlin s'agissant d'un cofinancement
obligatoire. Mais vous n'avez pas seulement protesté contre ce qui
s'apparentait à une remise en cause d'accords communautaires, vous avez
manifesté votre opposition sur le fond, par rapport à ce que cela représentait
pour les enfants de nos écoles.
Dans un troisième temps, un compromis a été trouvé, sous la présidence
française. Ainsi donc, l'aide communautaire ne serait pas supprimée, grâce aux
interventions de la France, mais diminuerait, passant de 95 % à 75 %, avec
possibilité pour les Etats membres d'apporter une contribution nationale.
Depuis le 1er janvier 2001, les nouvelles modalités du dispositif sont en
application. Des crédits nationaux sont donc accordés aux établissements situés
dans les ZEP et les ZUS.
Ma seconde remarque porte sur la nécessité d'accroître les aides
communautaires pour les généraliser à l'ensemble des établissements scolaires.
Il s'agit d'un problème de santé publique qui concerne toute la population, et
pas seulement les personnes les plus démunies vivant dans les ZEP. Tous les
phénomènes de dénutrition ou les problèmes d'équilibre alimentaire se
retrouvent également dans nos villes, et pas seulement dans les quartiers
défavorisés.
Le lait, je vous le rappelle, n'est pas seulement un aliment complet : il est
l'aliment le plus complet qui soit ! D'ailleurs, monsieur le ministre, vous en
êtes convaincu, puisque vous avez pris des engagements lors du Conseil
européen.
Je voudrais attirer votre attention et celle de mes collègues sur le fait
qu'une maladie comme l'ostéoporose, en passe de devenir d'ailleurs un problème
de santé publique, fait apparaître une insuffisance assez générale de calcium
dès la petite enfance. Or, en moyenne, il faut à l'être humain de 900
milligrammes à 1 000 milligrames de calcium par jour, ou encore 1 200
milligrammes pour les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et les
personnes âgées.
Toute insuffisance de calcium a des conséquences irréversibles sur la santé,
notamment au moment de la croissance. Je me permets de rappeler, dans le même
ordre d'idées, qu'un demi-litre de lait apporte autant de protéines que 100
grammes de viande ou de poisson.
Et pourquoi ne pas concilier alimentation saine, résorption des surplus
laitiers dont souffrirait l'agriculture et aide aux collectivités locales, qui
font elles-mêmes des efforts pour distribuer le lait dans les écoles ?
Il faut passer outre les oukases de Bruxelles et prendre de nouvelles mesures
au nom d'un intérêt national évident. Le Sénat se doit de défendre le lait,
comme beaucoup d'autres produits, d'ailleurs !
Tel est l'objet de cet amendement. Je n'ignore pas plus que M. Delfau les
conséquences qu'entraînerait la suppression de crédits dont, évidemment, nous
ne remettons pas en cause l'utilité. Mais telles sont les rigueurs de notre
procédure budgétaire...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-62 et
II-67 rectifié
bis
?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Nous l'avons tous compris, ce sont des amendements
d'appel. J'ignore si M. le ministre est en mesure d'entendre un tel appel mais,
au nom de la commission des finances, en l'état, je vous demanderai, mes chers
collègues, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je buvais du petit lait en
écoutant Mme Beaudeau retracer le combat que j'ai mené devant le Conseil
européen !
(Sourires.)
Voilà plus de deux ans, en effet, la France avait
fait l'objet d'une offensive de la part de certains de ses partenaires
européens qui considéraient qu'il fallait purement et simplement supprimer ce
programme d'intervention. Il a fallu mener bataille, mais nous avons obtenu un
compromis, sous présidence française, qui nous a permis de sauver la
distribution de lait dans les écoles. Restait à tirer les conséquences, sur les
crédits d'Etat, de ce compromis.
Cela étant rappelé, je souhaite le retrait de ces amendements, n'imaginant pas
une seconde que M. César ait réellement l'intention de rouvrir le débat sur le
CTE, qui est un excellent dispositif, ni que Mme Beaudeau envisage vraiment de
remettre en cause les bourses pour le ramassage scolaire, ce qui, dans l'un et
l'autre cas, serait bien ennuyeux !
(Sourires.)
Le problème soulevé ici est bien réel mais, pour moi, il est résolu. J'ai
majoré de 15 millions de francs les crédits de l'ONILAIT pour faire face à
cette dépense supplémentaire que constitue le cofinancement par l'Etat de cette
action. La dépense a été inscrite dans le budget de l'ONILAIT et a fait l'objet
d'une délibération unanime du conseil d'administration de l'office.
Encore une fois, pour moi, le problème est résolu.
M. le président.
L'amendement n° II- 62 est-il maintenu, monsieur César ?
M. Gérard César.
Non, monsieur le président, je le retire. Il s'agissait simplement d'un
amendement d'appel.
M. le président.
L'amendement n° II- 62 est retiré.
L'amendement n° II-67 rectifié
bis
est-il maintenu, madame Beaudeau
?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La réponse de M. le ministre me laisse quelque peu sceptique. J'avais cru
comprendre que la somme de 15 millions de francs était insuffisante.
Monsieur le ministre, étant donné les motifs qui m'ont guidée dans la défense
de cet amendement, vous comprendrez que je ne puisse le retirer.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
La différence entre nous,
madame Beaudeau, tient au fait que nous réservons le bénéfice de la mesure aux
établissements scolaires qui accueillent les enfants en difficulté, tout
simplement ! Voilà pourquoi nos chiffres diffèrent.
Je dois dire qu'il faudrait sans doute aller plus loin et, dans certains
endroits, distribuer gratuitement de véritables petits déjeuners, tant il est
vrai que certains enfants vivant dans des quartiers difficiles partent de chez
eux, le matin, le ventre vide.
Je le dis avec ma spontanéité habituelle, il n'est pas indispensable de
procéder à ces distributions dans les établissements implantés au coeur de nos
centres-villes ou dans certaines agglomérations. Madame Beaudeau, oui, nous
avons privilégié les ZEP, parce qu'il me paraissait nécessaire d'en faire des
cibles prioritaires.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II- 67 rectifié
bis
, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° II- 65 rectifié
bis
, présenté par MM. Jacques Blanc,
Amoudry, Gruillot, Emin, Mathieu, Haenel, Fournier, Paul Blanc, Jean Boyer,
Faure, Badré, Jarlier et Hérisson, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 15 240 000 euros. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Nous avons fait l'éloge du lait, mais on aurait pu tout aussi bien vanter les
vertus du vin !
(Sourires.)
A condition d'en boire toujours modérément,
il est démontré scientifiquement que deux verres de vin par jour, c'est bon
pour la santé.
Je n'ai pas voulu vous interrompre tout à l'heure, monsieur le ministre, mais,
bien entendu, s'agissant du vin, nous savons bien que les dispositions de
crise, la distillation, notamment, sont des mesures d'opportunité tout à fait
indispensables. Je tiens à vous annoncer que la chambre régionale d'agriculture
de Languedoc-Roussillon a déposé un plan d'adaptation qui a été présenté à M.
Berthomeau. Il vous sera remis également.
J'en viens à mon amendement, qui ne vise pas, monsieur le ministre, à
soustraire de l'argent aux CTE.
M. Gérard Delfau.
Encore !
M. Jacques Blanc.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
a un double objet.
D'abord, il vise à augmenter l'enveloppe des indemnités compensatoires des
handicaps naturels, les ICHN. Vous vous êtes engagé, tout à l'heure, à le
faire, mais nous vous en demandons confirmation. En effet, ces indemnités sont
désormais calculées en fonction de la surface fourragère, ce qui entraînera des
besoins de financement supplémentaires.
Nous souhaitons également attirer votre attention sur le problème des laitiers
purs en zone de piémont, sur la valorisation supplémentaire des vingt-cinq
premiers hectares, sur l'éligibilité de l'arboriculture fruitière dans le cadre
des montagnes sèches.
Ensuite, cet amendement aborde la question des CTE. Sans vouloir rouvrir le
débat - c'est l'avenir qui tranchera ! - je souhaite vous alerter sur le fait
que, si tout devait passer par les CTE, ce serait aux dépens de certaines
interventions indispensables pour l'avenir des agriculteurs.
Ainsi, des mesures agri-environnementales, acceptées par le comité STAR, le
comité de gestion des structures agricoles et du développement rural, il y a
quelques jours, donnent la possibilité de prendre en compte des techniques de
production par rotation.
Je m'explique. Si un agriculteur de ma région, le Languedoc-Roussillon,
choisit de faire un an du tournesol, un an du blé dur, et l'année suivante du
soja ou des protéines végétales non génétiquement modifiées, comme l'Europe l'y
autorise désormais, mais se voit dès lors obligé de passer par un CTE, ce sera
l'échec.
Ce n'est pas remettre en cause la politique des CTE que de vous demander de ne
pas exiger que toutes les mesures européennes passent par eux !
Ma question rejoint d'ailleurs une autre préoccupation : consommera-t-on
l'ensemble des crédits du FEOGA garanti, qui alimente le programme de
développement rural national, le PDRN ? Nous le savons, l'enveloppe risque
d'être partiellement perdue pour notre pays.
Pourtant, une grande partie de ces mesures avaient été décentralisées,
notamment certaines mesures agri-environnementales, nous aurions été assurés
que l'ensemble des enveloppes auraient été consommées normalement. L'enjeu est
donc réel.
Même si je conserve mon opinion, je ne remets pas en cause le principe des CTE
- après tout, c'est votre affaire ! ; mais je vous demande de ne pas bloquer le
reste.
Ma question est donc claire : confirmez-vous, monsieur le ministre, la volonté
que vous avez exprimée tout à l'heure d'augmenter l'enveloppe des indemnités
compensatoires de handicaps naturels en montagne, en prenant en compte les
points que je viens d'évoquer ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à
poursuivre votre politique des CTE sans faire de ceux-ci un passage obligatoire
pour certaines mesures, dont les mesures agri-environnementales ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jacques Blanc présente un
amendement pour me poser trois questions !
(Sourires.)
La première question concerne les indemnités compensatoires de handicaps
naturels. J'ai pris l'engagement très ferme, que je répète aussi clairement que
possible, de porter les crédits qui leur sont destinés de 2,5 milliards de
francs dans le budget pour 2001 à 3 milliards de francs. Vous n'en trouvez que
2,8 milliards dans le « bleu », mais je vous confirme que, par le jeu des
reports et des reliquats, voire par une loi de finances rectificative, ce sont
bien 3 milliards de francs qui seront disponibles pour l'indemnité
compensatoire de handicaps naturels.
Votre deuxième question est plus complexe. Vous évoquez, en particulier, une
réforme structurelle très importante qui viserait à régionaliser le programme
de développement rural national, le PDRN.
C'est une bonne idée - j'y réfléchis moi-même depuis quelque temps
(Sourires)
- mais il s'agit d'une réforme vraiment structurelle sur
laquelle nous devrions être amenés à faire des propositions à la Commission
pour 2006, puisque notre PDRN, sous sa forme nationale, est validé jusqu'à
cette date. Nous avons donc un peu de temps devant nous - à moins que l'un de
mes successeurs ne veuille réformer le plan d'ici là, en le renégociant région
par région avec la Commission ! Je lui proposerai plutôt de garder cela pour
2006 et d'y réfléchir tranquillement.
Mais, pour tout vous dire, je trouve que l'idée est bonne.
Enfin, la mesure dite « rotationnelle » des cultures est une très bonne mesure
- et pour cause : c'est moi qui l'ai proposée à la Commission ! - et je vous
remercie sincèrement, monsieur le sénateur, de l'avoir appuyée.
Nous cherchions une mesure intelligente pour encourager les producteurs
d'oléoprotéagineux, car nous considérions que les accords de Berlin, signés en
2000, portaient une atteinte très dommageable à la culture de ces produits qui,
écologiquement très propres et très naturels, sont en outre de bonnes têtes
d'assolement.
Après de longues discussions avec la Commission, la proposition du
Gouvernement français de mettre en oeuvre un encouragement à la rotation des
cultures vient d'être retenue. C'est enfin une bonne nouvelle pour les
producteurs d'oléoprotéagineux de notre pays, et je m'en réjouis.
Reste à savoir comment mettre cette mesure en oeuvre. La réservera-t-on aux
CTE, comme le craint M. Blanc, ou bien élaborera-t-on une mesure
agri-environnementale ? Ma décision n'est pas prise - j'allais dire que ma
religion n'est pas faite, mais je préfère encore la première formule ! - car
les deux solutions présentent des avantages.
Avec le CTE, je n'ai rien à faire. Le dispositif réglementaire est déjà en
place, et nous le simplifions de jour en jour. Nous avons fait un CTE herbager,
nous pouvons faire un CTE simplifié pour les oléoprotéagineux et l'aide
rotationnelle : ce n'est pas difficile.
En revanche, je n'ai plus pris de mesures agri-environnementales depuis deux
ans, précisément dans un souci de cohérence.
Le président de la Fédération des oléoprotéagineux, la FOP, avec qui je m'en
entretenais hier, souhaite que le dispositif soit mis en place rapidement et
simplement. Je souhaite moi aussi être efficace. Peut-être irons-nous vers un
compromis en optant pour une mesure agri-environnementale assortie d'un
encouragement, d'une incitation plus forte à entrer dans le cadre du CTE.
Je ne veux pas plaider éternellement pour le CTE, qui est un mécanisme
intelligent et plus large qu'une simple mesure agri-environnementale. Si vous
optez pour cette dernière formule dans la seule perspective de toucher une
prime à l'hectare, vous restez dans la logique de guichet : je fais de la
rotation, j'ai tant d'hectares et ce sont tant de primes qui tombent ! Avec un
CTE, vous êtes obligé d'envisager l'avenir de votre exploitation, de la
projeter, sur la base d'un diagnostic et d'un projet d'exploitation. C'est à
mon sens plus intelligent pour l'agriculteur.
Dans l'état actuel de ma réflexion, ma décision n'est pas prise, mais mon
souci est d'être simple et efficace.
M. le président.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
est-il maintenu, monsieur Jacques
Blanc ?
M. Jacques Blanc.
D'abord, monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement sur les
indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Ensuite, je ne veux pas m'enfermer dans le débat sur le CTE : il peut être la
pire des choses ; il peut être une mécanique infernale venant se substituer à
des opérations collectives qui existaient, telles que les opérations groupées
d'aménagement foncier, les OGAF ; mais il peut aussi être un élément positif
encourageant certains agriculteurs à s'ouvrir à une approche nouvelle.
En revanche, monsieur le ministre, je me permettrai un commentaire sur votre
réflexion à propos des mesures agri-environnementales : l'un n'empêche pas
l'autre ! Je veux attirer votre attention sur le fait que, dans une région
comme la mienne, si l'on rend obligatoire le passage au CTE, ceux qui sont déjà
dans le système et sont au plafond seront bloqués et ne pourront donc pas aller
de l'avant : ils ne pourront pas mettre en oeuvre les mesures
agri-environnementales.
Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez d'accord avec moi sur un
point, et je m'en réjouis, car cela n'était pas évident : il nous faut
développer une grande ambition, que j'ai d'ailleurs fait adopter à l'unanimité
par le comité des régions d'Europe, celle de lancer un grand plan de culture de
protéines végétales génétiquement non modifiées.
L'interdiction - heureuse - de l'utilisation des farines animales pour
l'alimentation du bétail entraîne un besoin d'environ 5 millions de tonnes de
protéines végétales, ce qui demande la mise en culture de 2 millions d'hectares
en Europe. Pour l'instant, nous sommes dépendants à 68 % d'importations en
provenance essentiellement d'Amérique du Sud ou des Etats-Unis, et personne ne
sait si ces produits sont génétiquement modifiés ou non.
Je ne soutiens en aucun cas M. Bové ; je soutiens la recherche génétique, dont
je trouve d'ailleurs scandaleux de remettre en cause l'importance aussi bien
pour les hommes que pour le secteur agronomique, et vous savez que Montpellier
se mobilise fortement autour d'Agropolis. Je sais aussi que les consommateurs
auront besoin, un jour, de pouvoir identifier une viande et d'être assurés que
l'animal concerné n'a pas reçu de complément d'alimentation contenant des
protéines qui pourraient être génétiquement modifiées.
Nous avons donc là une carte formidable à jouer, celle du génétiquement non
modifié. Nous avons des terres, nous avons de l'eau, nous avons du
savoir-faire, nous sommes capables de mettre en place une identification de
produits en circuit court et d'apporter les garanties qu'attendent les
consommateurs et, parmi eux, les restaurateurs.
Monsieur le ministre, je souhaite que nous puisssions « enfoncer le clou »,
c'est le cas de le dire, dans une région où les agriculteurs n'attendent qu'un
signe pour développer les protéines végétales non génétiquement modifiées.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, qui n'était qu'un amendement
d'appel.
M. le président.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
est retiré.
L'amendement n° II-73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
L'amendement n° II-74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre IV de 11 433 676 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il s'agit de deux amendements
de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-73, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-74, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV, repoussés
par la commission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 15 626 000 euros ;
« Crédits de paiement : 4 688 000 euros. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V, repoussés par la
commission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 224 603 000 euros ;
« Crédits de paiement : 83 213 000 euros. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI, repoussés par la
commission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion les articles 57, 57
bis,
58, 58
bis,
58
ter,
59 et 60, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de
l'agriculture et de la pêche.
Article 57
M. le président.
« Art. 57. - I. - Au II de l'article L. 732-35 du code rural, après les mots :
"ou d'entreprise agricole", sont insérés les mots : "ainsi que les aides
familiaux".
« II. - La sous-section 1 de la section 3 du chapitre II du titre III du livre
VII du même code est complétée par un paragraphe 5 intitulé : "Revalorisations
des retraites et des pensions de réversion", comprenant les articles L.
732-54-1 à L. 732-54-8 ainsi rédigés :
«
Art. L. 732-54-1
. - I. - La pension de retraite proportionnelle des
chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole justifiant de conditions
minimales de durée d'activité agricole non salariée et de périodes d'assurance
en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole est calculée ou
révisée en tenant compte, selon des modalités fixées par décret, des périodes
d'assurance accomplies par les intéressés en qualité d'aide familial défini au
2° de l'article L. 722-10 à partir de l'âge de la majorité. Pour les pensions
déjà liquidées au 1er janvier 1994, ce décret précise les modalités suivant
lesquelles ces périodes d'assurance sont déterminées.
« II. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole dont la pension de
retraite servie à titre personnel prend effet postérieurement au 31 décembre
1996 et qui justifient, dans le régime des personnes non salariées des
professions agricoles et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires,
d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à
celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité
sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la
sécurité sociale ainsi que d'une durée minimum d'assurance effectuée en qualité
de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre exclusif ou principal,
peuvent bénéficier d'une majoration de leur pension de retraite
proportionnelle. Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci
à un minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de la durée
d'assurance en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre
exclusif ou principal. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles
des années d'activité accomplies en qualité d'aide familial majeur pourront
être assimilées à des années de chef d'exploitation pour déterminer ladite
majoration.
« Pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la
majoration des pensions de réversion prévue à l'article L. 732-54-4, le minimum
prévu à l'alinéa précédent est relevé par décret, à compter du 1er janvier
2002.
« III. - Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole dont la pension
servie à titre personnel a pris effet avant le 1er janvier 1997 et qui
justifient de périodes minimum d'activité non salariée agricole et d'assurance
en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole accomplies à titre
exclusif ou principal peuvent bénéficier d'une majoration de la retraite
proportionnelle qui leur est servie à titre personnel.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de celle-ci à un minimum
qui est fixé par décret et qui tient compte de leurs périodes d'assurance en
tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole et d'activités non
salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal. Ce même décret
précise les modalités suivant lesquelles ces périodes d'assurance sont
déterminées.
« Pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la
majoration des pensions de réversion prévue à l'article L. 732-54-4, le minimum
prévu à l'alinéa précédent est relevé par décret, à compter du 1er janvier
2002.
«
Art. L. 732-54-2
. - I. - Les personnes dont la retraite servie à
titre personnel a pris effet après le 31 décembre 1997 bénéficient d'une
attribution gratuite de points de retraite proportionnelle au titre des
périodes accomplies en qualité de conjoint ou d'aide familial.
« Il en est de même, à compter du 1er janvier 1998, pour les personnes dont la
retraite servie à titre personnel a pris effet au cours de l'année 1997 et qui
justifient avoir acquis, en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise, un
nombre de points de retraite proportionnelle supérieur à un minimum fixé par
décret.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes qui
justifient d'une durée d'assurance fixée par décret accomplie, à titre exclusif
ou principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées
des professions agricoles et qui ne sont pas titulaires d'un des avantages
mentionnés aux articles L. 732-41 à L. 732-44 et L. 732-46.
« Le nombre de points attribués au titre du présent article afin d'assurer à
ces personnes un niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est
déterminé en fonction de l'année de prise d'effet de la retraite selon des
modalités fixées par décret en tenant compte des durées d'assurance justifiées
par l'intéressé et des points de retraite proportionnelle qu'il a acquis ou,
lorsqu'il s'agit d'un conjoint d'exploitant agricole retraité après le 1er
janvier 2000, qu'il aurait pu acquérir par rachat à compter du 1er janvier 2000
s'il avait opté pour la qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou
d'entreprise mentionnée à l'article L. 732-35.
« II. - Pour les conjoints dont la retraite a pris effet au plus tard le 1er
janvier 2000, les conjoints dont la retraite a pris effet postérieurement au
1er janvier 2000 et qui ont opté pour la qualité de conjoint collaborateur
d'exploitation ou d'entreprise mentionnée à l'article L. 732-35, les conjoints
qui postérieurement au 31 décembre 1998 n'ont plus exercé en qualité de
conjoint participant aux travaux au sens de l'article L. 732-34, les aides
familiaux et, le cas échéant, les chefs d'exploitation ou d'entreprise, le
niveau minimum de retraite proportionnelle prévu au dernier alinéa du I est, à
compter du 1er janvier 1999 et jusqu'au 1er janvier 2002, porté progressivement
à un niveau différencié selon que les années sur lesquelles porte la
revalorisation ont été exercées en qualité de conjoint ou d'aide familial. Dans
ce but, le nombre de points supplémentaires gratuits attribué au titre du
présent alinéa est déterminé selon des modalités fixées par décret et qui
tiennent notamment compte des durées d'assurance de l'intéressé, du nombre de
points qu'il a acquis et du nombre de points qu'il est susceptible d'acquérir
en application des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article L. 732-35
ou du II du même article.
« Pour l'application des dispositions du premier alinéa du présent II, les
personnes qui avaient au 31 décembre 1998 et au 1er janvier 1999 la qualité de
conjoint définie à l'article L. 732-34 ne sont considérées comme conjoint
collaborateur que si elles ont opté avant le 1er janvier 2001 pour le statut
mentionné à l'article L. 321-5 et ont conservé ce statut de manière durable. Un
décret fixe les modalités selon lesquelles est apprécié ce caractère
durable.
« En cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée au troisième alinéa
du I, postérieurement à l'attribution de points de retraite proportionnelle
gratuits, le nombre de points gratuits est plafonné, à compter du 1er janvier
de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint durant l'année au cours
de laquelle a pris effet la pension de réversion.
« III. - Pour les personnes mentionnées aux trois premiers alinéas du I et qui
ne bénéficient pas des dispositions du II de l'article L. 732-54-1, les
périodes accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise à titre
exclusif ou principal peuvent donner lieu à attribution d'une majoration
différentielle de points de retraite proportionnelle à compter du 1er janvier
2002. Le nombre de points ainsi attribué afin d'assurer à ces personnes un
niveau minimum de pension de retraite proportionnelle est déterminé selon des
modalités fixées par décret en tenant compte de la durée d'assurance accomplie
par l'intéressé, à titre exclusif ou principal, dans le régime d'assurance
vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles, de sa durée
d'assurance en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise et du nombre de
points de retraite proportionnelle qu'il a acquis en cette qualité.
«
Art. L. 732-54-3
. - I. - Les personnes dont la retraite forfaitaire
a pris effet avant le 1er janvier 1998 bénéficient d'une majoration de la
retraite qui leur est servie à titre personnel, lorsqu'elles justifient d'une
durée d'assurance fixée par décret accomplie, à titre exclusif ou principal,
dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées des
professions agricoles et qu'elles ne sont pas titulaires d'une retraite
proportionnelle ou sont titulaires d'une pension de retraite proportionnelle
inférieure aux minima fixés en application du premier alinéa du II de l'article
L. 732-54-1 pour celles ayant pris leur retraite en 1997 ou au deuxième alinéa
du III du même article pour celles dont la retraite a pris effet avant le 1er
janvier 1997. Le montant de cette majoration est fixé par décret en tenant
compte de la durée d'assurance justifiée par l'intéressé. Cette majoration de
pension de retraite n'est pas cumulable avec les majorations de la pension de
retraite proportionnelle prévues au premier alinéa du II et au deuxième alinéa
du III de l'article L.732-54-1, dont les dispositions sont appliquées en
priorité.
« II. - Les personnes dont la retraite forfaitaire a pris effet avant le 1er
janvier 1998 bénéficient d'une majoration de la retraite qui leur est servie à
titre personnel, lorsqu'elles justifient de périodes de cotisations à ladite
retraite et d'assurance déterminées par décret, accomplies, à titre exclusif ou
principal, dans le régime d'assurance vieillesse des personnes non salariées
des professions agricoles et qu'elles ne sont pas titulaires d'un autre
avantage servi à quelque titre que ce soit par le régime d'assurance vieillesse
des membres non salariés des professions agricoles. Toutefois, le bénéfice
d'une retraite proportionnelle acquise à titre personnel et inférieure à un
montant fixé par décret ne fait pas obstacle au versement de ladite
majoration.
« Ce décret fixe le montant de la majoration en fonction de la qualité de
conjoint, d'aide familial et, le cas échéant, de chef d'exploitation ou
d'entreprise agricole, en fonction des durées justifiées par l'intéressé et en
fonction du montant de la retraite proportionnelle éventuellement perçue.
« Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui ont également exercé
leur activité en qualité d'aide familial sont considérés comme aides familiaux
pour l'application des dispositions du présent article, dès lors qu'ils ont
exercé en cette dernière qualité pendant une durée minimale fixée par
décret.
« A compter du 1er janvier 1999 et jusqu'au 1er janvier 2002, les montants de
cette majoration sont relevés chaque année par décret.
« Toutefois, en cas d'obtention d'une pension de réversion mentionnée aux
articles L. 732-41 à L. 732-44, le montant de la majoration est plafonné à
compter du 1er janvier de l'année qui suit cette obtention, au niveau atteint
durant l'année au cours de laquelle a pris effet la pension de réversion.
«
Art. L. 732-54-4
. - Les titulaires de la majoration forfaitaire des
pensions de réversion prévue au IV de l'article L. 732-46 bénéficient d'une
majoration de cette dernière, lorsqu'ils justifient d'une durée d'assurance
fixée par décret accomplie, à titre exclusif ou principal, dans le régime
d'assurance vieillesse des personnes non salariées des professions
agricoles.
« Cette majoration a pour objet de porter le montant de la majoration
forfaitaire à un montant minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de
leur durée d'assurance accomplie dans le régime d'assurance vieillesse des
personnes non salariées des professions agricoles.
«
Art. L. 732-54-5
. - Les personnes dont la retraite mentionnée aux
articles L. 732-24, L. 732-34, L. 732-35 et L. 762-29 a pris effet
antérieurement au 1er janvier 2002 peuvent, le cas échéant, bénéficier d'une
majoration de leur pension de réversion servie en application des articles L.
732-41 à L. 732-44 lorsqu'elles justifient d'une durée d'assurance fixée par
décret accomplie à titre exclusif ou principal dans le régime d'assurance
vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles.
« Les personnes dont la retraite mentionnée aux articles L. 732-24, L. 732-34,
L. 732-35 et L. 762-29 a pris effet postérieurement au 31 décembre 2001
peuvent, le cas échéant, bénéficier d'une majoration de leur pension de
réversion servie en application des articles L. 732-41 à L. 732-44 lorsqu'elles
justifient dans un ou plusieurs régimes obligatoires d'une durée d'assurance et
de périodes équivalentes au moins égale à celle requise en application de
l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour ouvrir droit à une
pension à taux plein du régime général de la sécurité sociale et qu'elles
remplissent des conditions fixées par décret de durée minimale d'activité non
salariée agricole accomplie à titre exclusif ou principal.
« Cette majoration a pour objet de porter le total de leurs droits propres et
dérivés, servis par le régime d'assurance vieillesse des personnes non
salariées de l'agriculture et appréciés dans l'un et l'autre cas après mise en
oeuvre des revalorisations prévues aux articles L. 732-54-1 à L. 732-54-3 et L.
732-54-8, à un montant minimum qui est fixé par décret et qui tient compte de
leur durée d'assurance dans ledit régime. Les modalités d'application du
présent article sont fixées par décret.
«
Art. L. 732-54-6
. - Les montants de la majoration prévue au IV de
l'article L. 732-46 et des majorations mentionnées aux articles L. 732-54-3 à
L. 732-54-5, dues au titre de périodes postérieures au 31 décembre 2001, sont
exprimés en points de retraite proportionnelle à compter du 1er janvier
2002.
«
Art. L. 732-54-7
. - Les dispositions des I et II de l'article L.
732-54-1, ainsi que celles de l'article L. 732-54-2, ne sont pas applicables
aux personnes dont la retraite servie à titre personnel a pris effet
postérieurement au 31 décembre 2001.
«
Art. L. 732-54-8
. - I. - Les personnes dont la pension de retraite,
servie à titre personnel, a pris effet postérieurement au 31 décembre 2001
bénéficient d'une majoration de leur pension, exprimée en points de retraite
proportionnelle, lorsqu'elles justifient dans un ou plusieurs régimes
obligatoires d'une durée d'assurance et de périodes équivalentes au moins égale
à celle requise en application de l'article L. 351-1 du code de la sécurité
sociale pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime général de la
sécurité sociale et qu'elles remplissent des conditions fixées par décret, de
durées minimales d'activité non salariée agricole accomplie à titre exclusif ou
principal.
« II. - Cette majoration a pour but de porter la pension de retraite de
l'intéressé à un montant minimum. Ce montant minimum tient compte de sa durée
d'activité non salariée agricole effectuée à titre exclusif ou principal et
prise en compte dans une limite fixée par décret, de ses périodes d'assurance
en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricoles accomplies à titre
exclusif ou principal, des périodes d'activité accomplies à titre exclusif ou
principal en qualité de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise
agricole mentionné à l'article L. 732-35, des périodes d'activité effectuées en
qualité de membre de la famille mentionné à l'article L. 732-34 ainsi que de
tout ou partie des périodes de conjoint participant aux travaux effectuées
avant 1999, de l'année de prise d'effet de la retraite et du nombre de points
de retraite proportionnelle qu'il a acquis en chacune de ces qualités, ou,
s'agissant des périodes de conjoint participant aux travaux de l'exploitation
effectuées avant 1999, qu'il aurait pu obtenir par rachat dans le cadre de la
procédure prévue à l'article L. 732-35.
« Pour les conjoints participant aux travaux au 1er janvier 1999 qui, soit
n'ont pas fait choix de l'option pour le statut de conjoint collaborateur
d'exploitation ou d'entreprise dans le délai imparti par l'article L. 321-5,
soit n'ont pas conservé ce statut de manière durable dans les conditions fixées
par le décret prévu au deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2, les
périodes accomplies après 1998 comme conjoint participant ou collaborateur ne
peuvent donner lieu à revalorisation.
« III. - Pour les personnes qui totalisent des périodes d'assurance en qualité
de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole au moins égales à une durée
minimale prévue par décret, ce décret fixe le nombre minimum annuel moyen de
points de retraite proportionnelle de manière différenciée pour les périodes
accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise et pour celles
accomplies en qualité de conjoint ou de membre de la famille, respectivement
retenues dans les conditions et limites prévues au II. Toutefois, ce même
décret prévoit les modalités dans lesquelles des annuités accomplies en qualité
d'aide familial peuvent être assimilées à des annuités de chef d'exploitation
pour le calcul du nombre minimum annuel moyen de points de retraite
proportionnelle.
« Pour les personnes qui ne justifient pas de périodes d'assurance en qualité
de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole au moins égales à ladite durée
minimale, le même décret fixe un nombre minimum annuel moyen unique de points
de retraite proportionnelle pour les années retenues dans les conditions et
limites prévues au II, quelle que soit la qualité en laquelle l'activité a été
exercée.
« Toutefois, pour les personnes qui, postérieurement au 1er janvier 1999, ont
conservé le statut de conjoint participant aux travaux ainsi que pour celles
qui ont fait choix de l'option pour le statut de conjoint collaborateur
d'exploitation ou d'entreprise après le délai imparti par l'article L. 321-5,
ou sans conserver ce statut de manière durable dans les conditions fixées par
le décret prévu au deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2, le nombre
minimum annuel moyen de points, prévu aux premier et deuxième alinéas du
présent III et appliqué aux périodes accomplies comme conjoint antérieurement à
1999, est réduit dans des conditions fixées par décret.
« IV. - Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret
».
« III. - Le dernier alinéa des articles L. 732-24 et L. 762-29 ainsi que les
articles L. 732-30 à L. 732-33 du même code sont abrogés.
« IV. - Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article L. 732-35
du même code, les mots : "quatrième alinéa de l'article L. 732-31" sont
remplacés par les mots : "deuxième alinéa du II de l'article L. 732-54-2". »
Sur l'article, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Les réformes en matière de retraites sont urgentes. Elles le sont encore
davantage pour les 4 millions de retraités de l'agriculture.
L'article 57 du projet de loi de finances pour 2002 vise à mettre en oeuvre la
dernière étape du plan annuel de revalorisation des petites retraites
agricoles. Il tend à revaloriser les retraites de ceux dont la situation
demeure préoccupante et injuste.
Préoccupante, car de nombreux agriculteurs perçoivent encore des montants 30 %
inférieurs à celui des retraites moyennes. Depuis 1994, les retraites agricoles
ont commencé à être réévaluées, pour atteindre en 2002 le minimum vieillesse,
c'est-à-dire 3 720 francs par mois. Mais vivre avec 567,1 euros par mois
demeure une gageure !
Injuste, car nos agriculteurs n'ont pas compté leur peine pour faire de la
France la deuxième nation agricole du monde. Finalement, ils tirent de bien
maigres fruits de leurs efforts, et l'on comprend leur amertume. Parlementaires
soucieux d'équité, nous devons nous refuser à accepter ce fossé qui se creuse
entre les agriculteurs et les autres catégories socioprofessionnelles.
Tout se conjugue pour que la situation se dégrade.
Premièrement, la baisse régulière du nombre d'agriculteurs conduit à la
dégradation du déficit structurel de leur régime.
Deuxièmement, avec une diminution de 2,1 % en 2000, la baisse des revenus
agricoles se poursuit, ce qui augure mal du montant des cotisations et des
futures retraites.
Il est donc urgent d'agir et d'engager une réforme significative pour corriger
la modicité des retraites agricoles. En effet, rester passif aurait des
conséquences très lourdes sur le monde rural.
Aujourd'hui, la faiblesse des retraites agricoles conduit à n'octroyer qu'un
faible pouvoir d'achat à une partie importante de la population. Les
répercussions sont évidentes sur l'activité économique locale et, plus
généralement, sur l'aménagement du territoire, puisque ces retraités sont les
plus nombreux en zones rurales.
Demain, qui voudra encore être agriculteur ? Nous comptons seulement 6 000
installations de jeunes agriculteurs, ce faible nombre s'expliquant par des
raisons tant économiques que sociofamiliales. La crise de confiance est
évidente. Comment convaincre un jeune de devenir agriculteur, métier parfois
dur et souvent peu rémunérateur, si le montant de ses futurs droits à la
retraite est très inférieur à celui auquel pourront prétendre les jeunes
exerçant une autre profession ? La revalorisation actuelle des retraites est
bien un enjeu pour l'avenir.
A brève échéance, les retraites minimales devraient se rapprocher encore plus
du SMIC, comme le promettent depuis bien longtemps les plus hauts responsables
de notre pays.
Les retraites agricoles devront également être complétées par la mise en place
d'une retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Dans sa « fenêtre » parlementaire du 11 décembre prochain, le groupe
socialiste a inscrit une proposition de loi tendant à créer un tel régime, mais
qu'en est-il du financement ?
La viabilité de ce régime nécessiterait un abondement de l'Etat équivalent aux
cotisations estimé à 1 milliard de francs par an. Il aurait pu être inscrit
dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : ce texte est voté
en dernière lecture aujourd'hui même, mais il ne contient aucune disposition en
ce sens. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2002 ne prévoit pas
non plus le financement nécessaire.
L'attente des agriculteurs est légitime et répond simplement à un principe de
justice.
Si l'on veut réussir à maintenir notre système de retraite par répartition, si
l'on veut permettre une plus grande équité entre les agriculteurs et les autres
Français, si l'on veut assurer un aménagement du territoire équilibré, l'heure,
monsieur le ministre, est aux décisions et non aux coups de pouce et aux effets
d'annonce préélectoraux. Je considère votre revalorisation des retraites des
agriculteurs comme une mesure d'attente. Dans l'espoir de leur amélioration, je
suivrai notre rapporteur sur cet article 57.
(M. le rapporteur spécial et M.
Gérard Braun applaudissent.)
M. le président.
L'amendement n° II-21, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé par le II
de l'article 57 pour l'article L. 732-54-8 du code rural, après les mots : "en
qualité d'aide familial", insérer le mot : "majeur". »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
C'est un amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'émets un avis favorable, et
j'en profite pour répondre à M. de Montesquiou, bien que je me sois déjà
exprimé à propos des retraites.
Monsieur de Montesquiou, je ne sais pas qui, de nous deux, fait de la
gesticulation électorale, mais qualifier de « mesure d'attente » un plan
quinquennal qui mobilise plus de 25 milliards de francs supplémentaires pour
les retraites agricoles est pour le moins disproportionné. Je vous encourage à
proposer d'autres « mesures d'attente » de ce genre, monsieur le sénateur !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-21.
M. Aymeri de Montesquiou.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, le niveau des retraites agricoles est beaucoup trop bas.
Certes, il progresse, mais de manière insuffisante !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-21, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 57, modifié.
(L'article 57 est adopté.)
Articles 57 bis, 58, 58 bis, 58 ter et 59
M. le président.
« Art. 57
bis
. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées
parlementaires, au plus tard le 1er avril 2002, un rapport relatif à la
mensualisation des retraites des ressortissants du régime des non-salariés
agricoles. »
- (Adopté.)
« Art. 58. - I. - Au VII de l'article L. 136-4 du code de la sécurité
sociale, les mots : "par le tiers de 2 028 fois" sont remplacés par les mots :
"par 30 % de 2 028 fois" et les mots : "200 fois" sont remplacés par les mots :
"150 fois".
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2001.
»
- (Adopté.)
« Art. 58
bis
. - I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 732-8 du
code rural, après les mots : "mentionnés aux 1° , 2° et 5° de l'article L.
722-10", sont insérés les mots : "ainsi qu'aux conjoints collaborateurs
d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article L. 321-5 qui
perçoivent leurs prestations en nature du présent régime".
« II. - Dans le deuxième alinéa du même article, après les mots : "mentionnés
aux 1° de l'article L. 722-10", sont insérés les mots : "et aux conjoints
collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article
L. 321-5 qui perçoivent leurs prestations en nature du présent régime".
« III. - L'article L. 731-35 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Pour la couverture des prestations d'invalidité des conjoints collaborateurs
prévues à l'article L. 732-8, une cotisation forfaitaire, dont les modalités
sont fixées par décret, est due par les chefs d'exploitation ou d'entreprise
agricole. »
- (Adopté.)
« Art. 58
ter
. - Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-4 du code
de la sécurité sociale est supprimé. »
- (Adopté.)
« Art. 59. - Le code rural est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa de l'article L. 226-1 est ainsi rédigé :
« La collecte et l'élimination des cadavres d'animaux, celles des viandes,
abats et sous-produits animaux saisis à l'abattoir reconnus impropres à la
consommation humaine et animale, ainsi que celles des matériels présentant un
risque spécifique au regard des encéphalopathies spongiformes subaiguës
transmissibles, dénommés matériels à risque spécifiés et dont la liste est
arrêtée par le ministre chargé de l'agriculture, constituent une mission de
service public qui relève de la compétence de l'Etat. » ;
« 2° Le deuxième alinéa du I de l'article L. 226-2 est ainsi rédigé :
« Ces mesures s'appliquent sans limitation de poids aux matériels suivants :
les cadavres d'animaux de toutes espèces euthanasiés à l'abattoir ou morts
pendant leur transport à l'abattoir ou dans les locaux de l'abattoir avant
l'abattage, les viandes, abats et sous-produits animaux saisis à l'abattoir
reconnus impropres à la consommation humaine et animale, ainsi que les
matériels à risque spécifiés. Lors de leur remise à la personne chargée de
l'exécution du service public de l'équarrissage, ces matériels sont accompagnés
d'un bordereau qui en précise la provenance, la nature et le poids. » ;
« 3° Le dernier alinéa de l'article L. 226-5 est ainsi rédigé :
« Dans les cas visés au deuxième alinéa du I de l'article L. 226-2, le délai
d'enlèvement est de quarante-huit heures. Toutefois, il peut être porté à sept
jours lorsque l'entreposage répond à des conditions, définies par voie
réglementaire, propres à protéger, pendant ce délai, les intérêts sanitaires.
»
- (Adopté.)
Article 60
M. le président.
« Art. 60. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots
: "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour 2002, à 1,7 %". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-22 est présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° II-7 rectifié est présenté par MM. César, Vinçon, Trégouët,
Leroy, de Richemont, Cazalet et Lepeltier.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger ainsi l'article 60 : "Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du
code rural, les mots : "pour 2001, à 1,4 %" sont remplacés par les mots : "pour
2002, à 2 %". »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n°
II-22.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet de fixer pour 2002 le
plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre
d'agriculture à 2 % au lieu de 1,7 % afin de permettre aux chambres
d'agriculture, pour lesquelles cette taxe est une recette, d'assurer l'ensemble
des missions qui sont les leurs en tant qu'établissements publics
administratifs.
M. le président.
La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II-7 rectifié.
M. Gérard César.
J'abonderai dans le sens de M. le rapporteur spécial en disant que cette
augmentation de 1,7 % à 2 % se justifie d'autant plus que les chambres
d'agriculture subissent de plein fouet l'effet des 35 heures.
M. Roland du Luart.
Mais c'est le contribuable qui paiera !
M. Gérard César.
Ayant moi-même été président d'une chambre d'agriculture, je sais que
l'aménagement de la réduction du temps de travail se traduit par vingt-trois
jours de congés supplémentaires par salarié !
A cet élément non négligeable s'ajoute l'augmentation sensible des cotisations
obligatoires au fonds de péréquation des centres régionaux de la propriété
forestière.
S'ajoute aussi, en particulier dans les régions forestières, la diminution du
produit de l'impôt foncier après les tempêtes de décembre 1999. Il est en outre
question aujourd'hui d'exonérer de nombreux propriétaires de cet impôt.
Par conséquent, la seule possibilité pour que les chambres d'agriculture
fonctionnent normalement, c'est de porter le plafond d'augmentation du produit
de la taxe de 1,7 % à 2 %.
J'ai souvenir - mais c'était dans une vie antérieure - de lettres circulaires
émanant du ministre de l'agriculture fixant, avec la bénédiction du ministère
des finances, des règles qui permettaient aux chambres d'agriculture
d'équilibrer leur budget.
Aujourd'hui, les choses ont changé, et nous savons tous pourquoi, mais, compte
tenu des éléments que j'ai cités, compte tenu aussi de l'inflation, il faut
accepter le taux de 2 %.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s II-22 et
II-7 rectifié ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le Gouvernement est très
défavorable à ces deux amendements identiques pour trois raisons, de forme et
de fond.
L'année dernière, le plafond d'augmentation avait été fixé à 1,4 %. Cette
année, le projet de loi de finances porte ce plafond à 1,7 %. Si j'ai proposé
que l'on procède à cette augmentation, c'est parce que la question a fait
l'objet d'une discussion avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture
et, dès lorsque son président, M. Guyau, et moi-même avons topé pour 1,7 %, je
ne vois pas pourquoi on tenterait de revenir en arrière et de remettre en cause
l'accord passé.
C'est une première raison. Elle est de forme, mais elle est importante parce
que, moi, quand je donne ma parole, je la tiens !
Deuxième raison : je connais le petit jeu auquel se livrent cerains présidents
de chambre d'agriculture, car j'ai eu l'occasion de lire certaines de leurs
circulaires.
Vous savez comme moi, monsieur César, que le taux que l'on vote est un taux
plafond et que l'augmentation de la taxe pour frais de chambre d'agriculture
peut donc être inférieure à ce taux.
Certains présidents de chambre d'agriculture se sont adressés aux agriculteurs
pour leur dire que la pression du Gouvernement pour augmenter le plafond à 1,7
% était insupportable et qu'ils résistaient en ne portant le plafond qu'à 1,5 %
ou 1,6 %. Il ne faut pas me prendre pour un imbécile.
Enfin, troisième raison depuis trois ans, lors de chaque débat, vous vous
plaignez des charges pesant sur les agriculteurs. Vous me proposez aujourd'hui
de les alourdir. Je refuse cet alourdissement.
(MM. Jacques Mahéas et Paul Raoult applaudissent.)
M. Roland du Luart.
Je suis d'accord avec M. le ministre sur cette affaire !
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-22 et II-7
rectifié.
M. Gérard César.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Vous vous prenez à votre propre piège, monsieur le ministre ! En effet, vous
disiez que les CTE étaient un succès et qu'il y en aurait de plus en plus.
Mais, si vous enlevez aux chambres d'agriculture le moyen de les financer, il y
en aura de moins en moins !
J'étais personnellement défavorable aux CTE, mais, lorsque j'ai présidé une
chambre d'agriculture, j'ai conclu des CTE parce que je défends les
agriculteurs et que c'était en définitive une bonne solution.
(M. le
ministre sourit.)
Mais, aujourd'hui, avec l'ARTT, les chambres d'agriculture ne peuvent plus
fonctionner et, malheureusement, elles seront contraintes de faire payer les
services individuels.
C'est contraire à leur mission de développement en faveur de tous les
agriculteurs, et c'est dommage.
Après tout, les membres des chambres d'agriculture sont des élus, comme nous
tous ici. Dès lors, pourquoi ne leur laissez-vous pas la responsabilité de leur
budget ? Laissez-leur la possibilité de le voter et les agriculteurs
sanctionneront ceux qui parmi eux ne sont pas responsables.
M. Hilaire Flandre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre.
Je voterai les deux amendements identiques parce que je considère qu'on doit
laisser aux chambres d'agriculture et à ceux qui les administrent les moyens de
gérer eux-mêmes leur propre budget.
Je m'élève contre cette façon de plafonner par un pourcentage les dépenses des
chambres d'agriculture, et je m'en explique.
Dans l'ensemble des départements français, les taux de taxes de frais de
chambres d'agriculture varient de façon considérable et le système du
plafonnement par un pourcentage conduit à pénaliser les chambres d'agriculture
qui se sont montrées les plus raisonnables et à accorder des facilités bien
plus grandes à celles qui se sont montrées les plus dispendieuses.
Il conviendrait donc de laisser aux présidents et aux conseils
d'administration des chambres d'agriculture le soin de gérer leur budget.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je vais certainement étonner une partie de l'assemblée en disant que, sur l'un
de ses arguments au moins, je ne suis pas loin de rejoindre M. Glavany. Une
fois n'est pas coutume, car, jusqu'à présent, nous avons été plus souvent en
opposition qu'en accord !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est vrai !
M. Alain Vasselle.
Ces amendements identiques tendent en effet à alourdir une charge pesant sur
les propriétaires fonciers en général et sur les agriculteurs en particulier,
ce qui me gêne.
Je note cependant, monsieur le ministre, que vous êtes vous-même allé dans ce
sens puisque vous vous êtes mis d'accord avec M. Guyau, nous avez-vous dit,
pour porter le plafond d'augmentation à 1,7 %. Vous critiquez ces amendements
qui fixent ce taux à 2 %, mais, avec un taux de 1,7 %, vous faites déjà peser
sur la profession agricole une charge financière plus lourde qu'auparavant.
Il y a par ailleurs un point sur lequel je veux appeler votre attention, point
que j'ai souligné lorsque nous avons été invités à discuter avec le président
de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture de la loi de finances pour
2001.
Le président de l'APCA nous a demandé à cette occasion de déposer un
amendement visant à faire passer de 1,7 % à 2 % le plafond de l'augmentation du
produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture.
Or il me semble difficile de faire supporter à la profession agricole des
charges supplémentaires dans la conjoncture défavorable que nous connaissons,
laquelle se trouve encore aggravée par des mesures ou des procédures très
complexes, à caractère plus technocratique qu'économique. Ainsi, la mise en
place des CTE représente un véritable « casse-tête », même si ce dispositif
peut, à la marge, profiter à certains.
L'agriculture française préfèrerait vivre de la vente de ses produits plutôt
que de deniers publics, que ceux-ci soient d'origine nationale ou européenne,
et c'est pour cette raison que je me suis montré réticent à accepter la
suggestion de M. le président de l'APCA. Il serait à mon sens plus pertinent
que le Gouvernement adopte une attitude cohérente et prenne en compte les
conséquences de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
En effet, si l'on veut que les chambres d'agriculture maintiennent une qualité
de service au moins équivalente à ce qu'elle était auparavant, il faudra bien
leur donner les moyens, notamment en termes de personnel, de répondre aux
demandes de la profession agricole. Il existe en particulier des services
chargés du développement de l'agriculture, mais celui-ci ne pourra être assuré
que si les chambres peuvent consentir l'effort nécessaire !
Or, dans ma naïveté habituelle
(sourires),
je pensais qu'il appartenait
à l'Etat de compenser, par le biais de dotations, les charges nouvelles qu'il
fait supporter aux chambres d'agriculture sans que la profession agricole ait
aucune prise sur cette évolution.
C'est sur ce point que je rejoins mes collègues Gérard César et Hilaire
Flandre. Autant il est nécessaire de responsabiliser la profession agricole et
de la laisser décider du niveau des dépenses qu'elle accepte de consentir et du
montant des recettes qu'elle inscrit en regard, autant il serait logique que
l'Etat couvre les dépenses nouvelles résultant, de façon indirecte, d'une
politique gouvernementale.
Je crois donc préférable de maintenir à 1,7 % le plafond de l'augmentation du
produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture, en prévoyant que le
différentiel de 0,3 % sera comblé grâce à des dotations de l'Etat aux chambres
d'agriculture. Toutes les parties y trouveraient leur compte, et une telle
mesure serait en parfaite cohérence avec l'argumentation que vous avez
développée, monsieur le ministre, pour vous opposer à l'amendement n° II-7
rectifié.
M. Hilaire Flandre.
Belle démonstration !
M. Jean-Marc Pastor.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor.
On nous parle de cohérence, or nous venons d'assister à des votes complètement
incohérents.
M. Gérard Delfau.
Absolument !
M. Jean-Marc Pastor.
Comment voulez-vous que l'on puisse trouver une certaine logique au débat que
nous venons d'avoir ? En effet, après avoir adopté un amendement visant à
assurer le financement public des syndicats agricoles, on refuse de voter les
crédits correspondants. Est-ce là de la cohérence ?
(M. Flandre
proteste.)
Comment pouvez-vous prétendre nous donner des leçons dans ce
domaine ?
M. Gérard Delfau.
Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor.
Le raisonnement suivi est complètement aberrant, et j'ignore, mes chers
collègues, comment nous pourrons l'expliquer, une fois revenus sur le terrain
!
M. Hilaire Flandre.
Vous n'avez pas suivi !
M. Jean-Marc Pastor.
J'avoue que je suis vraiment bouleversé à l'écoute de certains propos.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Nous sommes tous attentifs à l'évolution du produit de la taxe pour frais de
chambres d'agriculture : or son plafond passerait de 1,4 % à 2 % !
M. Gérard César.
A 1,7 % !
M. Jean-Marc Pastor.
Votre proposition est de faire passer le taux maximal d'évolution de 1,4 % à 2
%, mon cher collègue !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Gérard César.
Non !
M. Jean-Marc Pastor.
Le code rural prévoit un taux de 1,4 %, il était proposé de relever celui-ci à
1,7 %, mais votre amendement tend à le porter à 2 %. Cela représenterait une
très forte augmentation par rapport à la situation initiale !
(Nouvelles
protestations sur les mêmes travées.)
M. Gérard César.
Mais non !
M. Hilaire Flandre.
Vous n'avez rien compris !
M. Jean-Marc Pastor.
Il faudra pouvoir l'expliquer et le justifier. Je n'y comprends peut-être
rien, monsieur Flandre, c'est possible ! Voilà une demi-heure que j'essaie de
suivre le débat, mais j'avoue très honnêtement que cela m'est bien difficile !
Le vote qui est intervenu tout à l'heure à propos du financement des
organisations syndicales agricoles m'a mis très mal à l'aise, je le reconnais
!
M. Gérard Delfau.
Il a raison !
M. Jean-Marc Pastor.
Il faudra un jour ou l'autre expliquer cela !
Un accord a été négocié avec le président de l'APCA, et j'ai interrogé à ce
sujet le président de la chambre d'agriculture de mon département pour savoir
ce qu'il en était. En effet, monsieur César, je ne suis pas, comme vous, un
ancien président de chambre d'agriculture.
Comme l'a indiqué M. le ministre, il semblerait donc qu'un accord avait été
trouvé avec le président de l'APCA pour fixer le taux aux environs de 1,7 %.
Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste votera contre les amendements qui nous
sont présentés.
M. Hilaire Flandre.
Quelle surprise !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
L'article 60 du projet de loi de finances prévoit de
fixer à 1,7 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe pour frais
de chambres d'agriculture. Il est proposé ici de le faire passer à 2 %, ...
M. Gérard César.
Voilà !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
... alors que, en effet, il est actuellement de 1,4
%.
Cela étant, j'ignore s'il existe une contradiction, comme l'a affirmé M.
Pastor. Nous sommes tombés d'accord sur le principe du financement public des
syndicats agricoles, mais cela ne signifie pas que nous approuvions l'ensemble
du projet de budget. (
M. César approuve
.) Nous restons en désaccord sur
l'essentiel, même si nous nous retrouvons sur un point précis : ce n'est pas la
première fois que l'on observe une telle situation.
Par ailleurs, je voudrais remercier M. César des excellents arguments qu'il a
développés. Je lui serais néanmoins reconnaissant de bien vouloir se rallier à
l'amendement n° II-22 déposé par la commission des finances, qui est identique
au sein.
M. le président.
Monsieur César, maintenez-vous l'amendement n° II-7 rectifié ?
M. Gérard César.
Monsieur le président, je souscris volontiers à la suggestion de M. le
rapporteur spécial, et je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° II-22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 60 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'agriculture et la pêche.
Budget annexe des prestations sociales agricoles
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart,
en remplacement de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Bourdin
doit présider une réunion de la délégation du Sénat pour la planification et
m'a donc demandé de présenter son rapport à sa place. Cela me permet de renouer
avec un sujet que je connais bien, puisque j'ai été rapporteur du budget de
l'agriculture et du BAPSA pendant une dizaine d'années.
En 2002, le BAPSA s'élèvera, hors restitutions de TVA, à 14,259 milliards
d'euros, soit 93,53 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de
3,3 % par rapport à 2001.
Pour 2002, les principales caractéristiques des recettes du BAPSA sont les
suivantes : une quasi-stabilité du montant des contributions professionnelles,
une forte progression, à hauteur de 9,5 %, du montant des taxes affectées, une
augmentation de 10,06 % du montant des transferts de compensation
démographique, un très net recul, qui atteint 67 %, de la participation de
l'Etat au titre de la subvention budgétaire d'équilibre et, parallèlement, une
augmentation sensible, de 86,4 %, du prélèvement sur la contribution sociale de
solidarité des sociétés, la C3S, au profit du BAPSA.
Les dépenses prévisionnelles s'établissent, pour 2002, à près de 15,4
milliards d'euros, soit 101 milliards de francs. Elles progressent de 685
millions d'euros, soit 4,5 milliards de francs, la hausse étant de 4,7 % par
rapport à la loi de finances initiale pour 2001.
Hors restitutions de TVA, lesquelles connaissent, en 2002, une augmentation
très sensible résultant de celle des ressources de TVA elles-mêmes, cette
progression se réduit à 452 millions d'euros, soit 3,3 %. Les dépenses hors
restitutions, plus représentatives de la réalité des dépenses du BAPSA,
s'élèveraient ainsi à 14,25 milliards d'euros en 2002, soit 93,5 milliards de
francs.
Les prestations d'assurance vieillesse atteignent un montant, pour 2002, de
7,945 milliards d'euros, soit 52,1 milliards de francs, en augmentation de 2,4
% par rapport à la loi de finances initiale pour 2001. Cette croissance est
cependant ramenée à 115 millions d'euros, soit 754,35 millions de francs, ce
qui représente un taux de 1,8 % par rapport aux nouvelles prévisions de
dépenses pour 2001.
Cette hausse est la résultante du relèvement important des retraites
contributives et d'une diminution sensible des dépenses prévues au titre du
Fonds de solidarité vieillesse. Les mesures de revalorisation des petites
retraites qui interviendront en 2002, dernière année de mise en oeuvre du plan
pluriannuel de revalorisation, devraient entraîner des dépenses
supplémentaires, de l'ordre de 215,7 millions d'euros, soit 1,4 milliard de
francs, ce qui n'est pas rien !
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité, qui constituent le
deuxième poste de dépenses du BAPSA après les prestations vieillesse, devraient
s'établir pour 2002 à 5,46 milliards d'euros, soit 35,8 milliards de francs, en
augmentation de 5,1 % par rapport à 2001, afin de tenir compte de
l'augmentation du coût des prestations et de la consommation médicale
moyenne.
Les dépenses de prestations familiales sont évaluées à 590,1 millions d'euros,
soit 3,87 milliards de francs, pour 2002. Elles constituent, loin derrière les
prestations vieillesse et maladie, le troisième poste de dépenses. Globalement,
les prévisions de dépenses diminuent de 6 millions d'euros, soit 40 millions de
francs, par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, la baisse
atteignant donc 1 %.
Les dépenses liées à l'étalement du remboursement des dettes et à la prise en
charge des agriculteurs en difficulté sont en diminution, avec 12,2 millions
d'euros prévus pour 2002, soit 80 millions de francs, contre 25,9 millions
d'euros, soit 170 millions de francs, votés en 2001.
Le montant inscrit en loi de finances initiale pour 2001 avait d'ailleurs été
majoré de 90 millions de francs au moment de la discussion du projet de budget,
au profit exclusif des exploitants touchés par la crise bovine, spécialisés à
plus de 30 % dans cette production.
Le montant prévu au titre de 2002 correspond donc au niveau initialement prévu
par la loi de finances pour 2001. Dans un contexte de crise agricole
persistante, notamment dans le secteur bovin, le montant des crédits inscrits à
ce chapitre est cette année encore insuffisant. Pourrez-vous, monsieur le
ministre, nous donner plus de précisions à ce sujet et nous dire si vous
comptez accroître les crédits de ce chapitre budgétaire ?
Après cette rapide présentation du BAPSA, je souhaiterais évoquer devant vous,
mes chers collègues, les quelques réflexions que l'analyse de ce projet de
budget a inspirées à M. Bourdin, qui a été amené à considérer que l'existence
même du BAPSA ne se justifiait plus vraiment et que ces crédits trouveraient
une place plus légitime au sein du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Tout d'abord, les prévisions d'exécution du BAPSA en 2001 font apparaître un
déséquilibre du budget, à hauteur de 235 millions d'euros, soit 1 542 milliards
de francs, d'après les données du projet de loi de finances rectificative pour
2001.
Ce déficit sera financé, dans le cadre de la loi de finances rectificative
pour 2001, par un complément d'affectation du produit de la C3S, comme ce fut
le cas à la fin de l'exercice 2000, et non par une augmentation de la
subvention d'équilibre, comme cela aurait été plus logique.
Outre l'incertitude constitutionnelle qui pèse sur cette affectation
ex
post
, je souhaiterais affirmer devant vous, monsieur le ministre, ma
désapprobation à l'égard de ce mode de financement du BAPSA. Le recours
croissant au prélèvement sur le produit de la C3S au profit du BAPSA, qui
bénéficie déjà d'impositions affectées et d'une subvention d'équilibre du
budget de l'Etat, ne me paraît pas justifié. Il s'agit en effet d'un
financement par nature instable au cours du temps et, surtout, cette ponction
opérée sur le produit de la C3S revient à détourner des régimes de sécurité
sociale des commerçants et artisans une partie des sommes qui leur sont
normalement dues au titre de cette contribution. Etant donné que les retraites
de ces catégories ne sont déjà pas très brillantes, c'est encore plus
injuste.
S'agissant des retraites agricoles, il me semble que diverses mesures doivent
être envisagées alors que le plan de revalorisation des faibles retraites
agricoles touche à son terme, notamment la mensualisation du paiement.
A cet égard, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article rattaché au
projet de budget de l'agriculture et visant à préciser que le Gouvernement
devra déposer sur le bureau des deux assemblées, au plus tard le 1er avril
2002, un rapport relatif à la mensualisation des retraites des ressortissants
du régime des non-salariés agricoles. Le Gouvernement est-il prêt, monsieur le
ministre, à faire évoluer sa position sur ce point ?
En outre, la question de la nécessaire création d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire reste en suspens. A cet égard, le Gouvernement a
présenté en janvier 2001 un rapport sur les retraites agricoles. Attendu depuis
près de deux ans, ce rapport est très décevant, puisqu'il ne se prononce ni sur
les modalités d'application d'un tel régime, si ce n'est que sa création
interviendra après 2002, ni sur la part du financement de l'Etat dans
l'instauration de celui-ci. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si,
oui ou non, l'Etat est prêt à participer financièrement à la mise en place de
ce régime de retraite complémentaire obligatoire ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je peux le dire !
M. Roland du Luart,
rapporteur spécial.
L'adoption, le 5 novembre dernier, de la réforme de
la couverture accidents du travail des exploitants agricoles aura, certes,
permis de revaloriser les prestations servies, de mettre en place une politique
de prévention et d'organiser un contrôle effectif de l'obligation d'assurance,
mais cette réforme a profondément modifié l'esprit de cette couverture en
transformant un régime d'assurance et basé sur des règles de concurrence en un
véritable régime de sécurité sociale.
Enfin, comme l'année précédente, je m'inquiète du manque de coordination
juridique entre le BAPSA et le projet de loi de financement de la sécurité
sociale, alors que les deux documents sont intrinsèquement liés.
Le régime social agricole pourrait être examiné par le Parlement comme les
autres régimes sociaux des non-salariés, dans le cadre du PLFSS, le projet de
loi de financement de la sécurité sociale. La conclusion des arbitrages du
PLFSS ultérieure à la conclusion des arbitrages relatifs au projet de loi de
finances conduit, chaque année, à des lacunes, à des absences, voire à des
incohérences, en dépenses comme en recettes dans le cadre du BAPSA, qu'on ne
peut accepter. Monsieur le ministre, compte tenu d'ailleurs des dispositions de
la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le
Gouvernement envisage-t-il de faire disparaître à court terme le BASPA en
l'intégrant aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale ?
C'est un point intéressant et important.
Malgré ces critiques, je vous proposerai, mes chers collègues, comme il est de
tradition s'agissant d'un budget de prestations sociales, d'adopter les crédits
inscrits au budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2002.
(
Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.
)
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps
réduit et intervenant après l'excellent exposé de M. du Luart, en remplacement
de M. Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, je n'évoquerai
que trois points, qui ont d'ailleurs déjà été abordés cet après-midi.
La première observation est relative au BAPSA lui-même. Le cadre comptable,
que j'évoque longuement dans mon rapport écrit, est appelé à disparaître,
lorsque la nouvelle loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de
finances, entrera pleinement en vigueur.
Est-ce regrettable ? Je ne le crois pas.
Le bilan de législature présente une face positive : la revalorisation
incontestable des petites retraites agricoles, rendue possible, comme je
l'analyse dans mon rapport écrit, par l'évolution structurelle des dépenses à
la baisse.
Mais ce bilan de législature présente également une face négative : le
financement des mesures de revalorisation. Le fonds de roulement du BAPSA est
désormais épuisé, puisqu'il est passé de plus de 2 milliards de francs en 1996
à 200 millions de francs à la fin 2000. Par ailleurs, la subvention d'équilibre
a perdu son sens même : elle est appelée à être non plus une ressource
d'équilibre, mais une recette parmi d'autres, dont l'évolution est erratique.
En contrepartie, il est de plus en plus fait appel à la contribution sociale de
solidarité sur les sociétés, la C3S. Le montant cumulé de C3S affecté au BAPSA
de 1999 à 2002 atteint tout de même plus de 9 milliards de francs. Or je
rappelle que ces excédents de C3S étaient censés alimenter le fonds de réserve
pour les retraites.
C'est pour cette raison que la commission des affaires sociales appuie sans
réserve la proposition de la commission des finances, qui tend à remplacer ce
versement de C3S par une augmentation de la fraction de TVA affectée au
BAPSA.
Je crois qu'il est urgent de réfléchir au financement du régime de protection
sociale des exploitants agricoles. Compte tenu de sa structure démographique,
nous savons qu'il doit être financé à plus de 80 % par des recettes
extérieures. Si l'Etat ne souhaite pas augmenter ses dépenses budgétaires, par
l'intermédiaire de la subvention d'équilibre, il sera nécessaire d'augmenter
les recettes fiscales qui sont affectées au régime des exploitants
agricoles.
La deuxième question concerne le régime de retraite complémentaire
obligatoire.
Ce régime est souhaité par la profession depuis au moins deux ans et demi.
L'article 3 de la loi d'orientation agricole de juillet 1999 avait prévu un
rapport, qui n'a été rendu qu'au mois de janvier de cette année.
Disons-le nettement : le contenu de ce rapport ne justifiait pas une si longue
attente. Aucun engagement de l'Etat n'y figure, alors que nous savons bien que
s'il est décidé de faire profiter les actuels retraités de ce régime
complémentaire obligatoire, ainsi que les « presque retraités », un effort
budgétaire sera indispensable.
Monsieur le ministre, je vous pose ainsi une question très simple, qui rejoint
celle qui a été exposée par M. Roland du Luart : la participation du budget de
l'Etat est-elle définie, et sous quelle forme ?
Après avoir longtemps attendu, trop attendu, vous laissez à M. Germinal Peiro,
et aux députés membres du groupe socialiste, le soin de « porter » une
proposition de loi, qui sera discutée à l'Assemblée nationale le 11 décembre
prochain. Pour ma part, même si l'on peut regretter l'absence de passage du
texte au Conseil d'Etat et d'une étude d'impact, je me félicite de cette
initiative, qui va être notamment relayée au Sénat par notre excellent collègue
M. Gérard César.
Mais vous avez soudain décidé de déclarer l'urgence sur la proposition de loi
de M. Germinal Peiro. Une telle méthode est symptomatique : une indécision dans
le diagnostic, puis une brusque accélération laissant peu de temps au
dialogue.
Je regrette profondément cette déclaration d'urgence, qui limite la navette
entre les deux assemblées parlementaires. Si le sujet d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire est effectivement urgent, il s'agit avant tout d'un
sujet consensuel : le Gouvernement aurait été mieux inspiré en prenant le
risque d'une discussion normale.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Puisque c'est consensuel !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, êtes-vous sûr de gagner du
temps en déclarant l'urgence ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Oui !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
J'ajoute que celle-ci se comprend davantage
lorsqu'il s'agit d'un projet de loi, ce qui, en l'occurrence, n'est pas le cas.
Cette proposition de loi peut et doit se régler consensuellement, rapidement et
normalement !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Grâce à l'urgence !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Ma deuxième question est donc la suivante :
êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à lever l'urgence ? (
M. le ministre
sourit.
)
Le troisième sujet que je souhaite évoquer...
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez épuisé le temps de parole dont
vous disposiez. Je vous prie de conclure.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, c'est la première fois que
je m'exprime à cette tribune.
M. Henri de Raincourt.
Très bien d'ailleurs !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Aussi, accordez-moi quelques minutes
supplémentaires.
M. le président.
Je ne puis vous les accorder car d'autres orateurs doivent vous succéder à
cette tribune.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Accordez-moi trente secondes de plus, monsieur le
président.
M. le président.
Soit !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur pour avis.
Le troisième sujet que je souhaite évoquer, c'est
la mensualisation des retraites.
Cetes, dans un premier temps, le régime agricole n'a pas été « moteur » pour
porter cette revendication. Je signale toutefois qu'elle fait partie des
orientations stratégiques adoptées par la mutualité sociale agricole en mai
2001. Je rappelle que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour
2001, tous les orateurs, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, avaient relayé
cette demande des retraités agricoles. Le problème est connu, le coût de
trésorerie pour le BAPSA est estimé, les solutions sont dégagées : il suffirait
de recourir à un emprunt exceptionnel. Faute de pouvoir faire autre chose,
l'Assemblée nationale a adopté le principe d'un rapport au Gouvernement.
Cependant, monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir engagé cette réforme dès
le projet de loi de finances pour 2002 ? Nous savons tous pourtant qu'une telle
réforme est inéluctable.
Sous réserve de ces observations, mais tenant compte de la nouvelle mesure de
revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires
sociales a émis un avis positif sur le projet de BAPSA pour 2002.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
groupe du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le ministre, mon intervention portera sur les mesures actuelles ou à
venir concernant les retraites agricoles. Nos collègues rapporteurs de la
commission des finances et de la commission des affaires sociales ont très bien
développé, dans leur rapport, la mise en place du plan pluriannuel de
revalorisation des retraites agricoles et l'examen qu'ils en ont fait a
démontré quelle était la réelle contribution de l'Etat au financement de ce
plan, ce qui est très important.
Quand on examine les grands postes du BAPSA, on constate que les prestations
vieillesse représentent le principal poste de dépenses avec 55 % du BAPSA.
Cette importance dans le budget s'explique bien entendu par le fort
déséquilibre de ce régime puisqu'il y a 1 cotisant pour 2,5 retraités, contre 1
cotisant pour 1,4 retraité dans le régime général.
Forts de ces chiffres, nous ne pouvons que nous interroger sur les
perspectives d'évolution du régime de retraite des agriculteurs et sur l'effort
attendu de l'Etat.
Cette année marque l'achèvement du plan pluriannuel de revalorisation des
faibles retraites agricoles. Si ce programme fut engagé sous une autre
majorité, et vous l'avez vous-même reconnu, monsieur le ministre, on ne peut
que se réjouir que, cette année, il connaisse son aboutissement et contribue à
faire en sorte que, bientôt, plus un seul agriculteur n'ait une retraite dont
le montant sera inférieur au minimum vieillesse. Pour ce faire, le BAPSA
consacre, pour 2002, 245 millions d'euros.
Associé à ce plan, il y a aussi le projet de simplification du dispositif de
revalorisation. Celui-ci conditionne l'ouverture du droit à revalorisation à
l'exercice de quarante années d'activité, tous régimes confondus, et à dix-sept
ans et demi d'activité non salariée agricole. On ne peut qu'y être favorable.
En effet, l'abaissement de trente-deux ans et demi à dix-sept ans et demi de
durée d'activité non salariée agricole permet d'élargir le nombre de personnes
pouvant bénéficier des revalorisations. Cependant, il ne faut pas oublier que
le problème reste entier pour beaucoup de conjointes d'exploitant et d'aides
familiaux qui ont des carrières courtes déclarées à la MSA.
Si ce projet de budget prévoit la dernière étape permettant de relever les
retraites les plus faibles au niveau du minimum vieillesse, vous travaillez
d'ores et déjà à édifier le deuxième étage de l'assurance vieillesse agricole :
je parle bien sûr de la retraite complémentaire agricole par répartition,
nécessaire pour compléter le régime de base qui atteint son niveau maximal au
terme de ce plan. La loi d'orientation agricole de 1999 prévoyait la mise en
place de cette retraite complémentaire et c'est par le biais d'une proposition
de loi que le sujet va être débattu, la semaine prochaine, à l'Assemblée
nationale. Vous venez de nous le confirmer.
Nous souhaitons tous ici, pour les acteurs du monde agricole, que ce texte
soit adopté avant la fin de la législature. Cette proposition de loi institue
un régime obligatoire par répartition accordant des droits gratuits aux actuels
retraités et aux actifs pour les périodes antérieures aux régimes. C'est une
bonne base. Cependant, il reste quelques incertitudes.
Premièrement, quelle sera la participation financière de l'Etat ? A l'heure
actuelle, aucune assurance ne nous est donnée quant à la contribution de
l'Etat. On aurait pu s'attendre à ce que l'Etat finance la mise en place de ce
régime par une contribution initiale. Or le BAPSA ne laisse rien entrevoir à ce
sujet. L'aide de l'Etat sera-t-elle suffisante pour faire face au déséquilibre
cotisants-salariés ?
Deuxièmement : quel sera le niveau de cotisation demandé aux exploitants
agricoles ? Le calcul de celui-ci doit tenir compte des capacités financières
des agriculteurs. Pour l'instant, la proposition de loi renvoie la question de
la fixation du niveau de cotisation à un décret.
C'est pourquoi je souhaiterais connaître votre position sur l'importance et la
pérennité de cet engagement, en n'oubliant pas que la question centrale est
bien celle de la compensation démographique.
Enfin, au-delà de ces interrogations très importantes, quelques mesures
devront être prises en considération, à savoir l'intégration du régime
complémentaire dans le BAPSA - pour avoir une vision globale et claire de la
protection sociale des agriculteurs -, l'indexation de la valeur du point de
retraite complémentaire sur la valeur du point de régime de base, l'octroi de
droits de réversion au bénéfice des conjoints survivants, ainsi que la
mensualisation des retraites agricoles. S'agissant de ce dernier point, la mise
en oeuvre de cette mensualisation poserait des problèmes de coût de trésorerie.
Nous devons les surmonter afin que les agriculteurs ne soient plus les seuls à
percevoir leur retraite tous les trimestres ?
Tels sont, monsieur le ministre, les différents points que je voulais soulever
à propos des retraites agricoles. J'espère que vous voudrez bien répondre à mes
interrogations et, par avance, je vous en remercie.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
principale mesure du projet de BAPSA pour 2002 concerne la dernière étape de la
revalorisation des retraites les plus modestes.
Les pensions des chefs d'exploitation, veufs et veuves, seront ainsi portées à
3 720 francs par mois, celles des conjoints et aides familiaux à 2 995 francs
par mois, ce qui devrait concerner 850 000 personnes.
La principale réforme à opérer désormais reste celle de la mise en place d'une
retraite complémentaire obligatoire, accompagnée d'une mensualisation des
retraites agricoles.
Alors qu'elle est attendue depuis de nombreuses années par l'ensemble des
agriculteurs, force est des constater que le Gouvernement n'a toujours pas
dévoilé ses intentions à ce sujet. Nous souhaitons avoir des précisions sur ce
délicat problème.
Si le Gouvernement s'est fixé, en 1997, des objectifs de revalorisation, il
n'a pas réussi à porter le minimum de pension pour une carrière complète des
chefs d'exploitation à 75 % du SMIC net. C'est pourtant ce que réclame, tout à
fait légitimement d'ailleurs, l'ensemble du monde agricole.
Si nous nous référons au rapport gouvernemental relatif aux retraites
agricoles, rapport qui a été déposé sur le bureau des assemblées en application
de l'article 3 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, nous
constatons que la constitution du régime de retraite des exploitants agricoles
a été très lente - c'est le moins que l'on puisse dire ! - depuis la loi du 10
juillet 1952.
Aujourd'hui encore, le régime agricole est l'un des derniers régimes de
retraite indépendants à ne pas disposer d'un régime complémentaire obligatoire,
contrairement aux artisans et aux professions libérales. C'est la raison pour
laquelle leur retraite est si faible.
C'est pourquoi, avec mes chers collègues du groupe de l'Union centriste, nous
avons demandé au Gouvernement de porter le minimum de pension pour une carrière
complète de chef d'exploitation à 75 % du SMIC net.
Reconnaissez, monsieur le ministre, que, malgré les revalorisations
progressives, qui se sont opérées sur cinq ans pour arriver au niveau du
minimum vieillesse actuel, les pensions de retraite ne sont pas très
importantes, et qu'elles sont même insuffisantes.
Si le Gouvernement a donné son accord de principe sur la mise en place d'un
régime complémentaire par répartition, aucune avancée concrète n'a toutefois
été réalisée. Cette question est capitale, puisqu'elle permettrait de porter la
retraite minimale d'un chef d'exploitation à carrière longue du minimum
vieillesse au niveau de ces fameux 75 % du SMIC net ; mais, en la matière, le
Gouvernement ne semble pas en mesure de pouvoir tenir ses engagements.
Si une vraie solidarité s'impose aujourd'hui à l'égard des retraites agricoles
les plus modestes, le mécanisme du régime complémentaire par répartition doit
alors être repensé et formulé de manière plus incitative à travers, par
exemple, une déductibilité fiscale et sociale des cotisations.
De plus, il ne serait pas sans intérêt de mettre en place un régime
complémentaire facultatif par capitalisation, actuellement en panne, afin de
lui donner sa place effective de « troisième étage » des dispositifs de
retraite et d'aligner les plafonds de déductibilité sur ceux des autres
catégories sociales qui bénéficient de ce type de régime complémentaire, pour
être mis au minimum à parité avec le régime dont bénéficient les artisans et
commerçants.
Enfin, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous souhaitons que
les retraités conjoints et les aides familiaux bénéficient d'une pension d'un
montant proche de celle que perçoivent les anciens chefs d'exploitation.
En conclusion, je dirai que la situation actuelle de bon nombre de retraités
agricoles impose de toute évidence une revalorisation des petites retraites,
que commande l'équité sociale.
En la matière, l'objectif de revalorisation des pensions les plus modestes,
tel que l'a fixé le Gouvernement, est certes louable mais il demeure nettement
insuffisant : amener, pour une carrière pleine en agriculture, la retraite
minimale au niveau du minimum vieillesse en 2002 ne relève pas d'une
prodigalité excessive. Un effort réel de solidarité est donc nécessaire.
Enfin, la mensualisation des retraites agricoles, actuellement versées
trimestriellement, pourrait être envisagée à partir d'un seuil minimum, afin
d'éviter tout surcoût excessif de gestion.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais présenter, monsieur le
ministre, au nom du groupe de l'Union centriste.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget
annexe des prestations sociales agricoles pour 2002 s'élève à 93,53 milliards
de francs.
Nombre de discours pleins de bonnes intentions sont produits à l'endroit des
retraites agricoles. A ce sujet, je me dois de souligner que ce gouvernement,
auquel nous participons, est passé aux actes et a respecté ses engagements.
Ainsi, le minimum des pensions pour une carrière pleine pour les chefs
d'exploitation et les personnes veuves est porté au minimum vieillesse, soit 3
720 francs par mois. Les conjoints et aides familiaux percevront ainsi 2 955
francs en 2002.
Nous avons soutenu ces avancées dès le départ, même si nos objectifs étaient
et demeurent plus ambitieux et plus urgents dans le domaine des retraites
agricoles où, depuis longtemps, nous revendiquons l'équivalence à 75 % du SMIC.
Or ces revendications sont désormais admises, voire défendues par tous.
La mise en place d'une retraite complémentaire par répartition pour y parvenir
nous semble être une bonne chose. J'ose espérer que la discussion d'une très
prochaine proposition de loi nous permettra d'en examiner les modalités.
A ce sujet, il conviendra de ne pas pénaliser les plus modestes exploitants,
dont la capacité contributive reste très faible ; faire contribuer davantage
ceux qui vivent grassement du travail des agriculteurs me semble être une bonne
piste de financement de la retraite complémentaire, à laquelle l'Etat et les
plus importants revenus agricoles apporteront également leur part.
Un nouveau plan de revalorisation des retraites de base n'est-il pas
nécessaire afin d'en conforter le socle et de mieux équilibrer le rapport
retraite de base - retraite complémentaire ?
Un certain nombre de revendications, eu égard aux retraites actuelles,
demeurent cependant, et je souhaite ici m'en faire l'écho.
Les hommes et les femmes ont travaillé à parts égales au sein des
exploitations, les femmes assurant, en plus des travaux agricoles, de multiples
tâches domestiques et familiales : il conviendrait donc rapidement que la
parité soit appliquée et que les retraites soient égales. Il devrait en être de
même pour les exploitants familiaux.
A propos des polypensionnés, il serait juste que le calcul de leur pension
agricole soit proportionnel aux années de carrière et, ainsi, sensiblement
réévalué.
Les bonifications pour enfants élevés devraient être forfaitaires et versées
aux mères.
Enfin, sujet également récurrent, la mensualisation des pensions pose un réel
problème de gestion du budget familial aux plus modestes. Cette mensualisation
sera-t-elle possible, monsieur le ministre ? Sinon, quelles solutions peut-on
envisager ? Pourquoi pas un versement antérieur au trimestre à venir ?
J'ose espérer, monsieur le ministre, qu'il sera plus aisé de construire le
paysage de la retraite agricole de demain dans le cadre d'une potentielle
proposition de loi, que tout le monde attend, plutôt qu'au sein du présent
débat budgétaire.
C'est également dans un paysage nouvellement modelé par l'AEEXA, le régime
d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles des exploitants agricoles, et par l'application dès janvier de
l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, que les agriculteurs actifs et
retraités vont aborder l'évolution de leur retraite.
L'APA, tout particulièrement, devrait permettre aux aînés d'aborder la
dépendance liée à l'âge et à une vie de dur labeur dans des conditions
acceptables sans craindre de voir fondre leurs modestes économies ou de voir
leurs descendants être obligés d'assumer les frais liés à la prise en charge
dans les établissements spécialisés de retraite ou de soins.
Nous soutiendrons toutes les mesures qui visent à amener le monde agricole au
niveau du régime général, car il ne doit pas y avoir deux sortes de citoyens
dans notre pays.
Des résistances existent, y compris au sein de la profession. Elles sont
essentiellement dues au poids du passé et à la capcité contributive de nombre
d'agiculteurs. La politique des prix rémunérateurs, que nous défendons, est
donc la seule voie qui permettra d'en sortir par le haut.
Ce gouvernement de la gauche plurielle est certainement celui qui aura fait le
plus bouger le domaine social agricole et le mieux dessiné les perspectives
d'une évolution conforme à nos voeux. C'est pourquoi nous approuvons ces
orientations, et nous voterons le BAPSA pour 2002.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Je me doute, monsieur le ministre, que, en tant qu'ancien rapporteur de ce
budget à l'Assemblée nationale, vous êtes très attentif à son évolution. Par
ailleurs, je suis très satisfait de constater que la commission des affaires
sociales du Sénat a émis un avis favorable sur le projet de budget qui nous est
proposé pour 2002.
Rappelons que le budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera,
pour 2002, hors restitution de TVA, à 93,583 milliards de francs, soit 14,2
milliards d'euros.
Les prestations de l'assurance vieillesse représentent 55 % de ce budget. Sur
ce point, je tiens à souligner que nous pouvons être fiers d'avoir participé,
depuis 1997, à l'importante revalorisation des retraites et, plus que des
promesses, ce sont les chiffres qui témoigneront pour l'avenir de cette
progression. N'oublions pas que la question des retraites agricoles concerne
près de deux millions de personnes !
Je ne m'attarderai pas sur les causes de cette situation : une mise en oeuvre
tardive - en 1952 et 1955 pour les chefs d'exploitation - une faible
contribution calculée sur le revenu cadastral, l'absence d'un régime
d'assurance vieillesse obligatoire et le déséquilibre démographique ont eu pour
conséquence que les retraites des non-salariés agricoles sont aujourd'hui les
plus faibles de notre système social.
Si la prise de conscience a bien commencé à partir de 1993, c'est depuis 1997
qu'un considérable effort de solidarité - sans augmentation de la participation
des actifs, ne l'oublions pas - a été mis en oeuvre.
Le projet de budget pour 2002 consacre l'achèvement de ce plan pluriannuel de
revalorisation, qui représente un effort cumulé de 22 milliards de francs sur
la législature dont 2,15 milliards de francs en année pleine - et qui aura
permis d'amener les retraites agricoles à la hauteur du minimum vieillesse.
Ainsi, de 1998 à 2002, c'est-à-dire sur cinq budgets, les retraites agricoles
ont augmenté de 29 % pour les chefs d'exploitation, de 45 % pour les veuves et
de 79 % pour les conjoints et aides familiaux.
A partir de 2002, pour une carrière complète, le montant mensuel minimum des
retraites sera de l'ordre de 3 720 francs pour les chefs d'exploitation et
veuves et de 2 955 francs pour les conjoints et les aides familiaux.
L'avancée sociale doit être appréciée à sa juste valeur, tant par l'ampleur
des augmentations que par le nombre de personnes qui en bénéficieront.
Cependant, en raison du retard accumulé, nous ne devons pas nous arrêter là,
mais continuer à améliorer la situation des retraités agricoles non salariés,
qui ont tant apporté à la nation et méritent notre reconnaissance.
A ce titre, je souhaiterais aborder deux sujets qui constituent les prochains
objectifs à atteindre, à savoir la mise en place d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire et la mensualisation des retraites.
En ce qui concerne le premier point, la loi d'orientation agricole votée le 9
juillet 1999 devait permettre d'atteindre 75 % du SMIC en juin dernier ; notre
collègue député Germinal Peiro a déposé à l'Assemblée nationale une proposition
de loi visant à l'instauration de ce régime de retraite complémentaire
obligatoire, qui recueille, d'ailleurs, l'assentiment des organisations
professionnelles.
Le fait que cette proposition de loi soit désormais inscrite à l'ordre du jour
de l'Assemblée nationale, son examen étant prévu le 11 décembre prochain, est
une excellente nouvelle. Elle démontre, s'il en était encore besoin, que la
majorité actuelle considérerait ces mesures de justice sociale comme une
priorité.
Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous avez indiqué à plusieurs
reprises que le Gouvernement participerait activement et positivement à ce
débat, et que vous prendriez les mesures nécessaires à sa mise en oeuvre. Je me
félicite de cette position, et je sais que vous respecterez vos engagements. En
effet, dans la mesure où il apparaît tout à fait légitime de faire bénéficier
les « récents retraités » et les « bientôt retraités » de cette disposition,
une contribution exceptionnelle de l'Etat sera nécessaire.
Je ne doute pas que le Sénat jouera aussi son rôle et contribuera à l'adoption
rapide de cette disposition si légitime et si attendue. J'ai, à ce titre, lu
avec beaucoup de satisfaction que la majorité sénatoriale avait fait part de
son désir de participer de manière constructive à ce débat. C'est bien
évidemment, monsieur le ministre, la position qu'adoptera le groupe socialiste,
au nom duquel j'interviens ici.
En raison de cette volonté unanime, j'espère de tout coeur que nous pourrons
adopter définitivement cette disposition avant la fin de la législature.
Le second point sur lequel nos efforts doivent désormais porter concerne la
mensualisation des retraites agricoles, qui sont les dernières retraites, avec
celles des professions libérales, à ne pas être versées tous les mois. Cette
mensualisation représenterait incontestablement un grand progrès social,
notamment pour ceux qui touchent une faible pension.
L'obstacle à cette évolution nécessaire et incontournable est, encore une
fois, de nature financière : son coût est de l'ordre de 7 milliards à 8
milliards de francs, cette note pouvant peut-être être diminuée dans le cadre
d'un emprunt réalisé par la mutualité sociale agricole.
Une mise en oeuvre progressive de cette mensualisation pourrait sans doute
également en réduire l'impact financier.
Pour mensualiser, il sera nécessaire, le moment venu, de verser quatorze mois
de retraite, c'est-à-dire les quatre trimestres habituels plus les deux mois
permettant d'amorcer la mensualisation, l'année suivante se déroulant
normalement avec un paiement mensuel.
J'ai noté avec plaisir qu'un amendement avait été adopté à l'Assemblée
nationale, lequel prévoit qu'un rapport relatif à la mensualisation des
retraites des ressortissants du régime des non-salariés agricoles doit être
déposé sur le bureau des assemblées parlementaires au plus tard le 1er avril
2002.
Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que ce rapport débouche sur des
mesures concrètes et rapides.
L'aboutissement de ces deux chantiers, qui s'ajouterait à l'achèvement du plan
de revalorisation qui a profité à l'ensemble des catégories de retraités
agricoles, marquerait de manière indélébile l'action de notre majorité en
faveur de cette population qui, je le répète, a tant oeuvré pour l'essor
économique et l'aménagement de notre pays.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref puisque je suis déjà intervenu
tout à l'heure dans la discussion des crédits du ministère de l'agriculture et
de la pêche.
Je reviendrai sur deux points essentiels : d'abord, les retraites ; ensuite,
l'avenir du BAPSA, puisque la question m'a été posée par M. le rapporteur
spécial.
S'agissant des retraites, nous achevons en 2002 le plan quinquennal de
revalorisation, qui aura marqué notre engagement profond en la matière. Cette
majorité et ce gouvernement auront ainsi, au terme de cette période, revalorisé
l'ensemble des retraites agricoles, amenant les plus basses d'entre elles au
niveau des minima vieillesse.
L'engagement avait été pris sur la durée de la législature, et il a été tenu.
Il représente, cette année, 1,4 milliard de francs, et 2 milliards de francs en
année pleine. Jamais aucun gouvernement ni aucune majorité n'auront agi de la
sorte !
Nous avons donc tenu notre engagement.
Comme je le disais tout à l'heure, en réponse à M. Aymeri de Montesquiou, qui
parlait de mesure de circonstance, ce sont ainsi plus de 25 milliards de francs
cumulés sur la législature qui auront abondé les plus basses retraites
agricoles. C'est considérable, même si cela répond à une mesure de justice. En
tant qu'ancien rapporteur du budget annexe des prestations sociales agricoles à
l'Assemblée nationale, ce que je fus pendant quatre ans, je suis heureux
d'avoir participé à la résolution d'un problème que j'ai moi-même dénoncé
pendant de longues années.
Certes, nous n'avons pas encore atteint l'objectif de 75 % du SMIC, objectif
symbolique dans la mesure où de nombreux salariés ne perçoivent pas encore ce
pourcentage du SMIC comme retraite, mais c'est l'objectif que les associations
de retraités agricoles ont fixé et qu'il faudra chercher à atteindre.
Au demeurant, nous savons tous que, pour aller au-delà, il faudra instituer un
régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition. Or ce régime de
retraite complémentaire obligatoire par répartition est justement l'objet d'une
proposition de loi qui sera discutée à l'Assemblée nationale le 11 décembre.
Toutefois, pour qu'un tel régime se mette en place, pour des raisons de
compensation démographique, il faudra que l'Etat - la solidarité nationale -
abonde les fonds qui lui seront nécessaires. Il le fera. Dans quelles
conditions ? Permettez-moi de réserver la réponse du Gouvernement aux auteurs
de la proposition de loi, qui en auront la primeur le 11 décembre.
Monsieur le rapporteur, vous me demandez comment il se fait que l'on ne trouve
pas trace de cette dotation de l'Etat dans le BAPSA. Tout simplement parce que
ce régime a vocation à prendre place au 1er janvier 2003. Nous voulons qu'il
soit voté à la fin de cette année ou au début de 2002 pour qu'il entre en
vigueur au 1er janvier 2003. Il n'y donc aucune raison que l'on trouve trace de
ces crédits dans le BAPSA pour 2002.
Toujours à propos des retraites, j'en viens à la mensualisation, problème
difficile et coûteux. En effet, la mensualisation de l'ensemble des retraites
agricoles exigerait le déboursement en trésorerie d'une somme de 9 milliards de
francs, la première année. Ensuite, le régime prendrait son rythme de
croisière.
Cette mesure ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement pour 2002.
A un moment, nous avons engagé des discussions avec la MSA en envisageant de
faire financer ces 9 milliards de francs par emprunt. Quelle pouvait être alors
la participation de l'Etat pour aider la Mutualité sociale agricole ? Elle
devait être de l'ordre de 235 millions, voire 240 millions de francs, ce qui
n'est pas négligeable. Mais, au cours de discussions récentes, la MSA a fait
part de ses réticences, après avoir constaté que le système n'était pas si
simple à mettre en place.
Nous sommes convenus que, par le biais d'un amendement, il serait fait
obligation au Gouvernement de déposer, au 1er avril 2002, un rapport faisant le
point sur la mensualisation des retraites. Nous en connaîtrons alors tous les
tenants et aboutissants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Ainsi, additionnées l'une à l'autre, la mise à niveau des retraites grâce au
plan quinquennal, l'institution du régime de retraite complémentaire
obligatoire par répartition et l'élaboration du rapport sur la mensualisation
feront un bilan de législature considérable comme jamais il n'y en a eu jusqu'à
maintenant.
J'en viens à mon second point, qui concerne l'avenir du BAPSA.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est vous qui avez signé l'arrêt de mort
du BAPSA, puisque, dans la loi organique modifiant les procédures budgétaires,
vous avez supprimé non seulement les taxes parafiscales dont nous parlions tout
à l'heure, mais aussi tous les budgets annexes, dont le BAPSA. De fait, au 1er
janvier 2004, il n'y aura plus de budget annexe des prestations sociales
agricoles.
Par quoi le remplacerons-nous ? Le débat est ouvert comme sur les autres
sujets. Trouvera-t-on un dispositif avant le 1er janvier 2004 ? Nous verrons.
D'ailleurs, ce ne sera peut-être pas moi qui verrai ! Je ne serai peut-être
plus là pour en reparler avec vous l'année prochaine. Mais sait-on jamais !
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 33 et 34 du
projet de loi.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 15 009 384 762 euros ».
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Avant le vote du BAPSA, je tiens à réaffirmer notre satisfaction.
Les agriculteurs sont conscients des progrès qu'ils doivent à la politique
menée depuis 1997 en matière de retraites, et plus particulièrement à notre
collègue Louis Le Pensec, alors ministre de l'agriculture, qui avait attaché
beaucoup d'importance à ce dossier.
Que de pas franchis depuis 1997, au moment où le Gouvernement a pris la mesure
de la modestie des pensions de retraites agricoles ! Il a mis en oeuvre un plan
pluriannuel de revalorisation des pensions de base en inscrivant chaque année,
en loi de finances, une mesure supplémentaire de l'ordre de 1,6 milliard de
francs en année pleine.
Ce plan, fidèlement exécuté au fil des lois de finances, se terminera en
2002.
Jamais un gouvernement n'aura fait autant pour les agriculteurs, sans
augmentation des cotisations des actifs !
Le débat qui vient de se dérouler ne fait que confirmer cette constatation.
Désormais, nos efforts devront porter sur deux dossiers.
Le premier concerne le régime de retraite complémentaire. Au nom du groupe
socialiste, Germinal Peiro a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de
loi visant à l'instauration, en concertation avec les organisations
professionnelles, de ce régime de retraite complémentaire. C'est dans cette
voie qu'il faut se diriger maintenant, et je ne doute pas que le Sénat jouera
aussi son rôle pour contribuer à adopter cette nouvelle amélioration.
Le second dossier concerne la mensualisation du versement des retraites
agricoles, qui représenterait une avancée appréciée par ceux qui perçoivent une
faible pension.
On peut comprendre les difficultés rencontrées par un régime dont la
trésorerie quotidienne tend vers zéro. Mais il faut poursuivre dans cette
voie.
J'ai voté avec satisfaction l'existence de l'amendement qui permettra
d'entrevoir une solution dans les prochains mois, tout au moins pour le
prochain budget.
Les agriculteurs, qui, nous le savons, prennent une part active dans notre
économie et dans l'aménagement du territoire, peuvent compter sur nous pour
soutenir ces deux dossiers complémentaires du plan de revalorisation qui
s'achève l'an prochain.
Ce projet de budget pour 2002 a reçu un avis favorable de la commission des
affaires sociales. J'espère que le Sénat suivra cet avis.
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 33 au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Je constate que ces crédits sont adoptés à l'unanimité.
MESURES NOUVELLES
M. le président.
« II. - Crédits : 358 184 131 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 34, au
titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Je constate que ces crédits sont adoptés à l'unanimité.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Intérieur et décentralisation
SÉCURITÉ
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la sécurité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 dispose que, parmi les droits naturels et imprescriptibles de
l'homme, figure la sécurité.
Elle prévoit aussi que la garantie des droits de l'homme et du citoyen
requiert une force publique, pour l'entretien de laquelle une contribution
commune est indispensable. Ces références permettent de replacer la discussion
des crédits du ministère de l'intérieur dans leur cadre constitutionnel.
Le droit à la sécurité fonde l'existence de l'Etat, dont la première mission
régalienne est de protéger les citoyens. A cette fin, il est accordé au
Gouvernement des moyens de l'utilisation desquels il doit rendre compte aux
représentants du peuple.
La sécurité constitue aujourd'hui la principale préoccupation des Français,
puisqu'elle a été élevée au rang de priorité du Gouvernement. C'est à l'aune de
cette priorité que la commission des finances a examiné les crédits qui lui
sont consacrés.
Comme en 2000, le ministère de l'intérieur a dû faire face en 2001 à des
sinistres exceptionnels. Les inondations, les évacuations de population, la
catastrophe de Toulouse en sont les exemples les plus marquants. Je tiens à
saluer ici l'engagement exemplaire des personnels du ministère de
l'intérieur.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Merci !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Cependant, de trop nombreux fonctionnaires de police,
pompiers et démineurs paient leur dévouement de leur vie.
L'inquiétude de nos concitoyens, la capacité de réaction à des événements
dramatiques, le mécontentement proclamé par tous les fonctionnaires, la
présence effective de la République partout sur notre territoire, voilà ce que
recouvrent les crédits que nous examinons aujourd'hui.
Ce projet de budget répond-il aux besoins, aux attentes ? Tire-t-il les
conséquences des drames constatés chaque année ? L'argent public est-il utilisé
au mieux ? Prépare-t-il l'avenir ? Hélas, sur aucun de ces points, la
commission des finances n'a été convaincue.
Mes chers collègues, pour vous éviter une présentation chiffrée qui serait
trop aride, je vous suggère de lire mon rapport, qui vous donnera la
répartition par agrégats. Cela me permettra de consacrer mon propos aux
principales observations de la commission.
Le budget du ministère est extrêmement rigide. Ce n'est pas de votre fait,
monsieur le ministre. Cela tient au poids des dépenses de personnel et de
pensions. La hausse mécanique des unes et des autres correspond à l'équivalent
de 4 500 policiers supplémentaires, d'une part, 6 000 policiers
supplémentaires, d'autre part. La conséquence de cette rigidité se traduit
automatiquement par le sacrifice de l'investissement, seule variable
d'ajustement pour dégager des moyens de fonctionnement supplémentaires.
Pour ce qui concerne les crédits de l'administration territoriale et centrale,
en cette année d'adoption de la nouvelle loi organique relative aux lois de
finances, je me réjouis de la réussite de l'expérience menée dans les
préfectures et des avancées intéressantes que constitue l'application comptable
ACCORD. Votre ministère possède, de ce point de vue, une avance technique.
Mais, parallèlement, il vous faut travailler d'ores et déjà à l'élaboration des
indicateurs de performance qui structureront la future discussion budgétaire.
Il ne pourra, en aucun cas, s'agir seulement des indicateurs d'activité qui
figurent aujourd'hui dans le « bleu ».
Cependant, cette avance laisse demeurer des pratiques extrêmement critiquables
du point de vue des droits du Parlement. Je veux parler du programme d'emploi
des crédits et des emplois budgétaires.
Le programme d'emploi des crédits est un document élaboré au début de
l'annnée. Il notifie à chaque service les moyens mis à sa disposition :
dotations budgétaires, reports, fonds de concours. Cela représente un outil de
gestion efficace, monsieur le ministre, puisque vos services savent de combien
ils disposent. Mais ce document ne tient pas compte des votes émis par le
Parlement. En effet, les priorités des services et la répartition de leurs
moyens sont déterminés non plus avant la discusison budgétaire, mais après.
Par exemple, la police nationale disposera en 2002 de 615 millions d'euros de
crédits pour son fonctionnement. Je ne puis, mes chers collègues, vous en dire
plus ! Attendez le mois de janvier ! Quelle est la part réservée à la mise en
place de la police de proximité ? Personne ne le sait puisque personne, au
ministère, n'a pu me répondre ! Quels crédits sont reconduits et lesquels
correspondent à des priorités nouvelles ? Là aussi, absence de réponse ! Quelle
sera l'évolution des crédits de chaque service ? On l'ignore !
Monsieur le ministre, le corrolaire de la globalisation, c'est l'énoncé
d'objectifs, et non pas le silence.
Autre sphère d'obscurité budgétaire : les emplois.
Il n'est pas normal que votre administration centrale soit créditée de 219
emplois qui, en réalité, sont mis à la disposition de diverses entités comme
des mutuelles ou un organisme de sécurité sociale. Ces entités sont ainsi
anormalement subventionnées.
Il n'est pas normal non plus que le ministère de l'emploi et de la solidarité
ne vous rembourse pas le coût des 40 emplois mis à la disposition du service
central des rapatriés, qui dépend de ce ministère.
De même, s'agissant des emplois de policiers, et du seul point de vue de la
régularité budgétaire, vous fonctionnez avec 2 160 policiers en surnombre.
Chaque surnombre constitue une atteinte grave portée à l'autorisation
parlementaire : d'abord, parce que vous vous affranchissez du concept d'emploi
budgétaire ; ensuite, parce que vous cachez les sommes qui vous permettront de
rémunérer ces surnombres. A partir du moment où votre ministère a les moyens de
rémunérer par économies 2 160 personnes, comment croire les chiffes qui nous
sont présentés ?
Enfin, il n'est pas normal que les adjoints de sécurité, sans lesquels la
police nationale ne pourrait plus fonctionner, ne soient pas considérés comme
des emplois budgétaires. C'est, pour le Gouvernement, un moyen de minorer la
fonction publique dans notre pays.
Permettez-moi de vous rappeler qu'en 2006 ces pratiques devront avoir disparu.
En dehors de toute éthique budgétaire, c'est donc pour vous une obligation
technique d'y mettre fin.
J'en viens maintenant à la sécurité civile. Elle vit dans l'attente, notamment
des hélicoptères BK 117, devenus depuis EC 145, qui devaient constituer
l'apport principal du budget de 2001 à la sécurité civile et dont aucun ne sera
livré avant avril 2002.
Parallèlement, après les drames survenus, après la succession des missions et
des rapports, après l'énumération des problèmes constatés lors de ces
événements, nous étions en droit d'attendre que, le diagnostic ayant été fait,
des réformes interviennent. Or, vous n'avez corrigé ces dysfonctionnements sur
aucun point.
Le budget pour 2002 n'est que reconduction. Vous reportez sans cesse le dépôt
du projet de loi annoncé par vous-même l'année dernière pour l'automne 2001, et
promis par le Premier ministre pour le début de l'année prochaine. Une chose
est sûre, il ne pourra pas être adopté avant la fin de la législature. Et la
sécurité civile attendra encore ! Pourtant, à votre prise de fonctions, vous
parliez de la sécurité civile comme d'« un axe fort de votre action à la tête
du ministère de l'intérieur ». Votre second projet de budget ne démontre
certainement pas la validité de cette assertion, pas plus que celui de l'année
dernière.
La police nationale concentre tous les regards. La priorité budgétaire qui lui
est donnée est une réalité. Je ne conteste pas l'effort budgétaire réalisé,
même si la part des crédits consacrés à la police dans le produit intérieur
brut stagne : 0,34 % en 1997, 0,33 % aujourd'hui.
Au-delà des chiffres, il est essentiel de juger l'utilisation des moyens
supplémentaires accordés à la police nationale, aux résultats dans la lutte
contre la délinquance. Or, il y a eu 16 % de faits de délinquance
supplémentaires entre 1998 et 2001.
Le développement de la violence dans notre pays atteint un niveau tout à fait
inadmissible. Cette violence est une réalité que nos concitoyens ne supportent
plus, et ils ont raison. Elle est le fait d'individus de plus en plus brutaux,
quoique de plus en plus jeunes, craignant de moins en moins les forces de
l'ordre. Ils ne s'exposent qu'à un simple rappel à la loi et viendront souvent
narguer leurs victimes et les policiers qui les ont interpellés.
Les victimes ont perdu toute illusion sur la capacité de l'Etat à les
protéger. Quant aux policiers, ils ajoutent le ressentiment à la liste de leurs
doléances,
a fortiori
après les prétendus « dysfonctionnements » qui
sont en réalité des fautes graves.
Le chômage a baissé et vos crédits ont augmenté, mais la délinquance n'a cessé
de croître.
Une des raisons de ce constat imparable se trouve dans les réformes que subit
la police. Celle qui est relative à la police de proximité est-elle un succès ?
Il ne le semble pas, à lire les extraits des rapports d'évaluation parus dans
la presse, et dont l'accès m'est lui aussi refusé, monsieur le ministre. Il
font apparaître de lourdes contradictions : contradiction entre plus d'accueil
du public et plus de présence sur la voie publique, contradiction entre des
policiers polyvalents et des réformes procédurales demandant toujours plus de
spécialisation des fonctionnaires ; contradiction, enfin, entre le besoin de
policiers supplémentaires, bien formés et expérimentés, et l'octroi d'adjoints
de sécurité peu formés et ayant besoin d'être en quelque sorte « maternés ».
J'insiste à nouveau sur notre impossibilité d'évaluer le coût exact de la
police de proximité, faute de responsabilisation des gestionnaires - ainsi, un
commissaire ne peut réaffecter les économies qu'il a pu réaliser - faute de
distinction entre reconduction et moyens supplémentaires, faute de schéma
directeur immobilier lié aux nouveaux besoins.
Autre sujet, autre réforme particulièrement contestée : les nouvelles
contraintes procédurales.
Est-il étonnant que la délinquance croisse alors qu'augmentent les contraintes
pesant sur les policiers ? J'ai pu, comme tous, le constater : la loi sur la
présomption d'innocence est venue aggraver une situation déjà critique. Les
policiers dénonçaient des magistrats absents, lointains, pointilleux. Ils
critiquaient les charges inutiles, qui, d'après la Cour des comptes,
représentent 25 % de leur temps de travail. A toutes ces contraintes s'en sont
encore ajoutées d'autres : des délais de procédure strictement surveillés,
l'invitation au silence avant tout interrogatoire. Et puis il y a cette
impression constante de travailler dans la crainte de la faute, toujours
traquée par les avocats, jamais pardonnée par les juges.
Monsieur le ministre, soyons pragmatiques : les policiers ont besoin qu'on
leur facilite la tâche, non qu'on la leur complique !
Je ne veux pas entrer dans le débat sur l'effectif exact des policiers. Je me
contenterai de constater les conséquences des évolutions actuelles pour ce qui
est de la présence de policiers sur la voie publique.
Les problèmes s'amoncellent. Ils rendent irréaliste la volonté affichée de ne
pas « réduire la capacité opérationnelle des forces de police », selon les
termes que vous avez employés, monsieur le ministre, devant la commission des
finances.
Je note d'ailleurs que, malgré 3 000 policiers supplémentaires, vous ne parlez
pas d'augmenter la capacité opérationnelle des forces de police. La raison en
est simple : les 35 heures signifient 10 % de temps de travail en moins. Qui
pourra nous faire croire que cela n'aura pas mécaniquement pour effet une
baisse de 10 % du temps passé par les policiers sur la voie publique ?
Les 3 000 policiers supplémentaires ne pourront compenser les conséquences des
35 heures ni permettre la mise en place de la police de proximité.
Vous avez une théorie des ensembles originale, monsieur le ministre : le
nombre de policiers augmente mais le nombre d'heures travaillées par l'ensemble
des policiers diminue ; les crédits de la police augmentent mais l'insécurité
progresse. Un pamphlétaire n'hésiterait pas à vous faire rentrer dans
l'histoire en parlant du « paradoxe de Vaillant ».
(Rires sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Michel Moreigne.
N'exagérez pas !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, vous écrivez dans votre dernier
ouvrage : « Je souhaite être jugé sur les résultats. » Vous avez pris un gros
risque, car vos résultats, appréciés hors de tout contexte politique et sur les
seuls chiffres, ne sont pas bons. J'ajouterai que ces derniers sont
sous-estimés car, trop souvent, les victimes, découragées, renoncent à porter
plainte.
Ces chiffres se traduisent par le sentiment d'insécurité de nos concitoyens.
Ils s'entendent dans les manifestations des policiers. Ils se nourrissent des
méandres de la procédure, des retards de la loi sur la sécurité civile, de
l'opacité de vos outils budgétaires, de l'absence d'objectifs précis,
d'indicateurs fiables ou de recherche de la performance.
Votre budget n'est « pas bon », pour reprendre le qualificatif que lui a
attribué mon homologue de l'Assemblée nationale, un de vos amis, un de vos
collègues de la majorité municipale parisienne, Tony Dreyfus. Votre budget
n'est pas bon, car il concentre à lui seul l'ensemble des observations que l'on
peut faire sur la politique budgétaire du Gouvernement : privilège accordé aux
dépenses de personnel, sacrifice des dépenses d'investissement, impréparation
et flou des 35 heures, qui se traduisent par une moindre qualité du service,
absence de réaction aux événements, silence sur la lutte contre le terrorisme
et la coopération policière internationale - quel en est le coût ? -
transparence budgétaire qui n'est qu'un affichage puisque le Parlement est
maintenu dans l'ignorance des affectations, efficacité discutable des moyens
supplémentaires accordés et résultats qui se lisent dans le sentiment
d'insécurité qu'éprouvent aujourd'hui nos concitoyens.
Les citoyens sont mécontents. Les policiers sont mécontents. Les citoyens ont
peur. Les policiers ont peur aussi puisqu'ils ne se rendent plus, en uniforme
ou en voiture non banalisée, dans des portions du territoire qui sont devenues
des « zones de non-droit ».
Monsieur le ministre, j'en suis convaincu, vous êtes conscient de la situation
déplorable que j'ai décrite.
Je ne me suis pas contenté d'auditionner les hauts fonctionnaires du ministère
de l'intérieur, les syndicats, de m'en référer aux médias. Je me suis rendu sur
le terrain, dans les zones sensibles, en Seine-Saint-Denis, à Toulouse, au
Mirail, à Empalot, à Bagatelle. Après plusieurs heures passées en compagnie de
policiers, au commissariat ou dans les voitures de la brigade anticriminalité,
ils vous parlent, ils vous disent ce qu'ils ont sur le coeur. J'ai côtoyé des
fonctionnaires qui aiment leur métier, qui le vivent intensément, mais qui sont
découragés.
Beaucoup plus que de gilets pare-balles, dont on vient de découvrir la
nécessité - parce que les policiers sont aujourd'hui des cibles ! - c'est de
considération qu'ils ont besoin. Ils ne veulent pas que, lorsqu'un délinquant
prétend avoir été malmené, ce soit sur eux que pèsent les soupçons. Ils
n'admettent pas, lorsqu'ils poursuivent des braqueurs ou des voleurs, que la
consigne soit : « Surtout que les délinquants n'aient pas d'accident ! », «
Ouvrez les barrages ! », « Laissez-les passer ! »
Les manifestations de policiers en témoignent, avant tout, ils réclament une
véritable politique de fermeté. Ils ont la conviction de ne pas être soutenus
politiquement.
Monsieur le ministre, je ne mets pas en doute votre bonne volonté : je pense
que c'est votre idéologie qui est en cause. En vingt ans, elle a été au pouvoir
quatorze ans. En quatorze ans, elle a fait beaucoup de dégâts !
En 1981, Pierre Mauroy déclarait : « La droite dit : "la première liberté,
c'est la sécurité". Nous, à gauche, disons au contraire : "la première
sécurité, c'est la liberté". » En 2001, Claude Estier déclare : « Nous votons
la loi sur la sécurité quotidienne mais ce n'est pas notre culture. » C'est
vrai, vous l'avez démontré, la sécurité n'est pas votre culture !
Mes chers collègues, la commission des finances, soucieuse de transparence et
d'efficacité des crédits, vous propose de rejeter les crédits de la sécurité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la police et la sécurité.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget pour 2002
s'ouvre dans un contexte très particulier.
Après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, le plan Vigipirate
renforcé a été mis en oeuvre. Les forces de sécurité sont appelées à une
vigilance de chaque instant. Les moyens juridiques mis à leur disposition ont
été renforcés, pour une période de deux ans, par la loi relative à la sécurité
quotidienne. Grâce au concours du Sénat - et grâce au travail de Jean-Pierre
Schosteck - ces nécessaires mesures ont pu être adoptées dans un bref délai.
Au-delà de la lutte antiterroriste, cette discussion budgétaire s'ouvre alors
que les policiers de tous corps expriment un profond malaise à travers le
pays.
Les policiers sont les premières victimes de l'insécurité. Depuis le début de
l'année, sept des leurs sont décédés en opération de police. Je tiens à
exprimer ma solidarité à l'ensemble des personnels, ainsi qu'à leurs familles,
parfois durement touchées.
Depuis le 23 octobre dernier, se sont succédé des manifestations de policiers
dans tout le pays. Elles ont regroupé plusieurs dizaines de milliers de
policiers de tous les corps. Ces manifestations traduisent un malaise général,
qui concerne aussi bien les gardiens de la paix que les officiers et les
commissaires de police. Et l'attitude provocatrice de certains ou les
couvertures de certaines revues syndicales ne sont pas pour apaiser les
tensions !
J'ai reçu les principaux syndicats de personnels actifs. Tous m'ont exprimé le
profond découragement qui gagne la police. La plupart d'entre eux souhaitent
une véritable programmation pluriannuelle des moyens de l'ensemble des acteurs
de la sécurité, certains évoquant un « plan Marshall de la sécurité », d'autres
un « Grenelle de la sécurité ».
Ils soulignent que la lourdeur des procédures induites par la loi sur la
présomption d'innocence décourage l'action des policiers et favorise la
libération des prévenus par la justice, développant chez les « voyous » un
sentiment d'impunité.
Ils réclament plus de considération et une meilleure reconnaissance financière
de leur action, estimant que les risques encourus et leur qualification ne sont
pas reconnus à leur juste niveau.
Les pouvoirs publics ne peuvent rester indifférents à un tel malaise. Comment
les citoyens pourraient-ils se sentir en sécurité si les forces de l'ordre
elles-mêmes se sentent menacées ?
La situation que nous connaissons actuellement en matière d'insécurité est
grave pour notre pays. Platon l'exprimait fort bien, affirmant : « Lorsque les
pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent
plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves
et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois
parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien et de
personne, alors c'est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la
tyrannie. »
Ainsi, l'insécurité ne cesse de s'accroître. Avec 3 771 849 faits constatés,
l'année 2000 a connu une augmentation de 5,72 % des crimes et des délits. Les
chiffres du premier semestre 2001 amplifient ce phénomène puisqu'une
augmentation de 9,58 % a été constatée. Cette augmentation concerne l'ensemble
des catégories d'infractions.
Le nombre de mineurs mis en cause s'accroît. La part des mineurs dans
l'ensemble des personnes mises en cause s'est élevée à 21 %.
La faiblesse du taux d'élucidation, qui s'établit à 26,8 % en 2000, contribue
à alimenter l'insécurité et à décourager les citoyens de porter plainte.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance
minime d'être élucidées. Une fois élucidées, elles ont, en outre, plus d'un
risque sur trois d'être classées sans suite par les parquets faute de moyens.
La commission des lois a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive, qui accroît le sentiment d'impunité chez les délinquants et
provoque le découragement des citoyens et des forces de police.
Comme la commission des lois l'a souligné les années antérieures, les
statistiques officielles de la criminalité sont en décalage avec la réalité.
Elles reflètent en effet plus l'activité des services de police ou la
propension des citoyens à porter plainte que la délinquance réelle, si bien
qu'il est justifié d'évoquer un « chiffre noir de la criminalité ».
Structurellement, la police doit relever des défis multiples tant sur le front
de la délinquance de proximité que sur celui des réseaux internationaux
impliquant une coopération internationale active.
Ponctuellement, elle subit d'importantes contraintes en raison de la
réactivation du plan Vigipirate et de la surveillance des transferts de fonds
liés au passage à l'euro fiduciaire.
Dans ce contexte, le projet de budget de la police nationale pour 2002 n'est
pas de nature à répondre aux attentes.
Il s'établit à 5,04 milliards d'euros, soit 33,086 milliards de francs, en
progression de 3,42 % par rapport à 2001. Ce n'est pas l'augmentation
budgétaire obtenue sous la pression, en partie par redéploiement de crédits,
qui modifie de façon substantielle les données.
Cette augmentation sera cependant insuffisante pour permettre à la police
d'accomplir normalement ses missions et pour poursuivre dans de bonnes
conditions la généralisation de la police de proximité.
Ainsi, les recrutements supplémentaires ne suffiront pas. En 2002, les
effectifs budgétaires de la police nationale s'élèveront à 132 104 agents, hors
adjoints de sécurité. L'accroissement des crédits permet principalement le
recrutement de 3 000 agents supplémentaires.
Cependant, les effectifs restent insuffisants pour cinq raisons : les
conséquences des départs à la retraite, la récupération des heures
supplémentaires, les difficultés de recrutement des adjoints de sécurité, les
conséquences prévisibles de la réduction du temps de travail, ainsi que la
sous-administration de la police et l'accomplissement de tâches indues.
En outre, les mesures indemnitaires et catégorielles ne répondent pas aux
aspirations des personnels.
Il semble que, pour maintenir la capacité opérationnelle des services, la
réduction du temps de travail se concrétiserait partiellement par le paiement
d'heures supplémentaires. Le taux horaire proposé aux personnels de 8,72 euros
- 57,20 francs - semble cependant dérisoire.
Dans la ligne des orientations définies au colloque de Villepinte en octobre
1997, la dernière phase de la généralisation de la police de proximité devrait
s'achever au cours de l'année 2002. Or face à cet accroissement de
l'insécurité, la généralisation de la police de proximité est hypothéquée par
le manque de moyens.
La police de proximité va de pair avec les contrats locaux de sécurité, dont
le résultat est le plus souvent décevant.
Une réelle politique de proximité exigerait à la fois plus de moyens placés au
contact des populations et une meilleure association des élus locaux.
Mais, faute de policiers sur le terrain, la police de proximité repose sur des
emplois-jeunes, dont le recrutement apparaît difficile.
Les adjoints de sécurité sont appelés à représenter un cinquième de l'effectif
du corps de maîtrise et d'application.
Pourtant, faute d'un encadrement suffisant, il est fréquent de rencontrer sur
le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou confiés à un jeune
stagiaire.
En outre, leur présence dans les zones sensibles conduit à exposer aux risques
les plus élevés des jeunes qui n'y sont pas préparés.
Il convient d'insister à nouveau pour que soit assurée la qualité de la
formation et de l'encadrement de ces jeunes peu expérimentés, qui se voient
confier des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés
d'une arme.
Enfin, les crédits de fonctionnement et d'équipement seront insuffisants pour
répondre aux retards accumulés ces dernières années.
Les crédits de fonctionnement s'établissent à 667,99 millions d'euros - 4,38
milliards de francs - soit une augmentation de 0,89 % par rapport à la loi de
finances pour 2001.
Ces crédits, que la commission des lois avait jugés insuffisants l'année
dernière, le restent donc à maints égards. Il est à craindre que les sommes
consacrées au renouvellement du parc automobile léger ne soient
insuffisantes.
Malgré une importante sous-utilisation des crédits ouverts en 2001, les
dotations liées au développement du programme ACROPOL de réseau de
communications cryptées numériques sont reconduites à leur niveau de 2001, mais
le développement de ce réseau est particulièrement lent.
Des essais d'interopérabilité avec le réseau RUBIS de la gendarmerie sont
menés en Corse. Je tiens à souligner à nouveau la nécessité de la compatibilité
des réseaux employés par les forces de sécurité.
En outre, les crédits d'investissement sont en stagnation. Les sommes
consacrées au parc de véhicules lourds se situent à un niveau équivalent à
celui de 2001. Ils ne permettront pas de rattraper un retard cumulé de 220
millions de francs dans le renouvellement des matériels.
Les crédits immobiliers stagnent en autorisations de programme et connaissent
une baisse importante des crédits de paiement - moins 16,7 % - par rapport au
budget 2001.
Les dotations consacrées au logement des policiers sont en augmentation mais
restent notoirement insuffisantes si l'on considère que la politique du
logement est un élément essentiel de fidélisation des agents à leur poste,
notamment en région parisienne.
On constate donc, encore une fois, que l'effort en matière de fonctionnement
et d'équipement des services est insuffisant pour permettre à la police
d'accomplir normalement ses missions.
D'une manière générale, il conviendra d'élaborer un état des lieux des moyens
nécessaires à l'ensemble des acteurs de la sécurité, de se donner enfin les
moyens d'une véritable politique de sécurité cohérente sur le long terme et de
définir la place de la sécurité dans notre société.
L'aboutissement de ce travail devrait être le dépôt devant le Parlement d'une
loi de programmation définissant clairement les objectifs à atteindre et
indiquant les moyens financiers à mettre en oeuvre année par année pour les
réaliser.
La commission des lois est donc défavorable au budget de la section
police-sécurité du projet de loi de finances pour 2002.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Schosteck, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
pour la la sécurité civile.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la participation financière de l'Etat à la sécurité civile
ne paraît pas à la hauteur de ses responsabilités. Les 462 millions d'euros,
soit 3,03 milliards de francs, affectés par l'Etat, dont 1,63 milliard de
francs au titre du ministère de l'intérieur, représentant 1,5 % du budget de ce
ministère, doivent être rapprochés des 16,4 milliards de francs à la charge des
collectivités territoriales.
Certes, la sécurité civile constitue une compétence traditionnelle des
collectivités territoriales, mais il est incontestable que, à côté des missions
de proximité que celles-ci doivent continuer d'assumer, l'Etat doit prendre une
plus large part des moyens importants requis pour affronter les catastrophes de
grande ampleur qui se multiplient et pour mettre en oeuvre son obligation de
solidarité nationale à l'égard des collectivités et des populations lourdement
touchées.
A cet égard, le budget de la sécurité civile pour 2002 ne marque aucune
évolution et les crédits sont relativement stables. Il est à craindre que les
réformes législatives en cours d'examen et annoncées ne suffisent pas à une
indispensable clarification en la matière.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué à la commission des lois que le
dispositif de vigilance mis en place à la suite des attentats du 11 septembre
2001 conduirait le Gouvernement à proposer 32,32 millions d'euros, soit 212
millions de francs de crédits supplémentaires pour la direction de la défense
et de la sécurité civiles dans le prochain projet de loi de finances
rectificative.
Vous avez précisé que le plan Biotox était mis en oeuvre par le ministère de
la santé et qu'actuellement trente alertes en moyenne étaient réceptionnées
quotidiennement, ce qui entraînerait une mise à l'étude de la prise en charge
par l'Etat de certains frais de transport assurés à ce titre par les services
départementaux d'incendie et de secours, les SDIS.
Je voudrais cependant souligner que le financement du plan Biotox est prévu
par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. L'essentiel du coût
en sera supporté sous forme d'avance par la Caisse nationale d'assurance
maladie, à hauteur de 200 millions d'euros.
Ces trois dernières années ont été marquées par une progression sensible des
crédits de personnel en raison de la professionnalisation des armées, dont le
processus s'est achevé en 2001.
Ces crédits permettront en 2002, aux pilotes d'hélicoptères de la sécurité
civile de bénéficier de la dernière tranche du programme triennal de
revalorisation de leur régime indemnitaire.
Les crédits de fonctionnement permettront, en particulier, la poursuite de la
modernisation des matériels d'intervention pour le déminage - soit 3 millions
de francs - et des matériels de soutien pour les missions opérationnelles des
unités militaires de sécurité civile, soit 2,85 millions de francs.
Les crédits d'investissement, pour leur part, enregistrent une baisse de 3,26
%.
Après plusieurs années de « pause » depuis l'achèvement du marché
d'acquisition des Canadair en 1997, le programme de renouvellement de la flotte
aérienne a, cette année, enregistré un retard dans sa mise en oeuvre.
Un marché d'acquisition de trente-deux hélicoptères de nouvelle génération a
été conclu le 23 juillet 1998, pour remplacer des appareils ayant entre vingt
et trente ans d'activité.
La livraison des premiers appareils, initialement prévue pour le printemps
2000 puis en juin 2001, a encore été reportée. Le programme devrait être achevé
en 2005, s'il n'y a pas d'autres retards. Pour ce qui concerne les incendies de
forêt, les chiffres provisoires de l'année 2001 pour la France entière, à la
date du 20 septembre, laissent apparaître 16 000 hectares détruits, au lieu de
12 000 hectares en moyenne à cette époque de l'année. En région
méditerranéenne, 13 000 hectares ont été détruits, au lieu de 9 500 en
moyenne.
Certes, ces chiffres, supérieurs à la moyenne décennale, restent néanmoins
inférieurs à ceux des années précédant la mise en place de la stratégie
d'attaque des feux naissants où 35 000 hectares étaient dévastés chaque année.
Il faut aussi sans aucun doute tenir compte des facteurs climatiques de risque,
la sécheresse exceptionnelle et les vents durablement violents ayant créé un
niveau de danger inégalé depuis l'année 1989 au cours de laquelle 50 000
hectares avaient brûlé.
Il convient néanmoins d'ajouter que le taux d'élucidation des incendies de
forêt est évalué par le ministère de l'intérieur à 50 % et que, parmi les cas
élucidés, 40 % sont imputés à une imprudence et 45 % à un acte de
malveillance.
La commission des lois demande une plus grande surveillance contre les actes
criminels et leur poursuite sévère dans tous les cas.
Il faut aussi évoquer pour mémoire la commission d'enquête constituée par le
Sénat sur les inondations du printemps dernier dans la Somme. Celle-ci a
formulé, comme vous le savez, 33 propositions concrètes qui visent à connaître
pour mieux comprendre, à prévenir de manière coordonnée, à anticiper pour mieux
gérer la crise, et à réparer de manière équitable en encourageant la
prévention.
La question difficile du déminage a fait l'objet d'auditions de la commission
des lois en juin dernier. L'unité de déminage, placée sous l'autorité du
directeur de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur,
est constituée de 150 spécialistes dont les missions sont triples : rechercher,
neutraliser et détruire les engins de guerre laissés sur le sol français au
cours des derniers conflits ; lutter contre les engins explosifs improvisés
placés à des fins terroristes ; assurer la sécurité des voyages officiels.
Un quart du milliard d'obus tiré pendant la Première Guerre mondiale et un
dixième des obus tirés durant la Seconde Guerre mondiale n'ont pas explosé
pendant ces conflits.
Au début de l'année 2001, il a été décidé de faire procéder, sur plusieurs
sites de déminage, à une étude de dangers et d'impacts. Ces études, confiées à
trois sociétés spécialisées, concluaient en mars dernier à la nécessité de
procéder à la réalisation de travaux de sécurisation immédiats sur les
différentes sites, qui ont été engagés sans délais.
Pour ce qui concerne les opérations entreprises au printemps dernier sur les
sites de Vimy et de Châtelet-sur-Retourne, je vous renvoie à mon rapport
écrit.
La loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours
prévoyait la départementalisation, dans un délai de cinq ans, des services
d'incendie et de secours, les SDIS, destinée à leur permettre de faire face,
avec une plus grande efficacité, à l'accroissement de leurs activités et à la
diversification des risques auxquels ils sont désormais confrontés.
Elle visait à une mutualisation et à une rationalisation des services
d'incendie et de secours pour offrir à tous des garanties égales en termes de
sécurité.
Là encore je vous renvoie à mon rapport écrit à propos des conditions dans
lesquelles celle-ci a été appliquée.
En ce qui concerne les dispositions statutaires prises au cours des derniers
mois, je rappelle que la filière des sapeurs-pompiers professionnels a fait
l'objet de six décrets et que la loi du 17 juillet 2001 a donné une base
juridique à la mise à disposition de l'Etat de sapeurs-pompiers professionnels,
suite aux observations de la Cour des comptes.
Dans l'attente du dépôt, avant la fin de la présente année, du projet de loi
de modernisation de la sécurité civile que vous avez annoncé, monsieur le
ministre, le Gouvernement a inséré dans le projet de loi relatif à la
démocratie de proximité un chapitre comportant des dispositions relatives au
fonctionnement et au financement des SDIS.
Le Premier ministre a confirmé, le 6 octobre 2001, devant le congrès de la
Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, le dépôt d'un projet de
loi de modernisation de la sécurité civile avant la fin de l'année.
Certes, un réexamen des dispositions législatives devrait s'imposer. Il est
cependant surprenant que cette révision soit engagée dans deux textes
successifs, au lieu de faire l'objet d'un examen d'ensemble.
Le Premier ministre a évoqué plusieurs dispositions qui pourraient figurer
dans ce texte.
Il s'agit, d'une part, de la création d'un comité interministériel de la
protection civile, placé sous l'autorité du Premier ministre, et, d'autre part,
du renforcement de l'échelon zonal pour favoriser la mutualisation des moyens
et la coopération civilo-militaire.
J'observe que la pertinence d'un tel dispositif sera liée aux moyens qui
seront effectivement déployés, en particulier pour ce qui concerne le
financement par l'Etat des futures structures zonales.
Pour illustrer ce point, on remarquera que la zone de défense de Lille n'est
toujours pas, contrairement aux autres zones de défense, dotée d'un état-major
de sécurité civile et d'un centre interrégional de coordination de la sécurité
civile. La date prévue pour doter cette zone des mêmes moyens que les autres,
fixée initialement au 1er juillet 2001, a été reportée au premier trimestre
2002.
Le projet de loi devrait aussi, nous dit-on, clarifier et simplifier la
législation sur la planification de la gestion des crises. Je pense aux plans
ORSEC, aux plans d'urgence, au plan rouge, aux plans particuliers
d'intervention et aux plans de secours spécialisés.
Enfin, les gestionnaires des réseaux de services essentiels, tels que l'eau,
l'électricité et le téléphone, devraient être tenus de proposer au préfet un
plan départemental de sécurité des réseaux dont ils ont la charge, analysant
les risques prévisibles et prévoyant les dispositions nécessaires pour rétablir
le fonctionnement du service en cas d'interruption.
Il paraît, à ce stade, prématuré de prendre position à partir de la simple
annonce de dispositions susceptibles de figurer dans le projet de loi. Je ne
peux cependant que m'interroger sur les intentions des auteurs de ce prochain
projet de loi quant à son financement : les collectivités locales seront-elles,
une nouvelle fois, mises à contribution sans avoir été consultées ?
M. Michel Mercier.
C'est une habitude !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
En effet ! Mais peut-être, monsieur le ministre,
allez-vous nous donner les apaisements qui seraient nécessaires ?
En tout état de cause, trop de retard, trop de reports, trop d'imprévoyance
ont conduit la commission des lois à vous proposer le rejet des crédits de la
sécurité civile inscrits au budget du ministère de l'intérieur pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
6 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, je vous invite, mes chers collègues, à respecter le temps de
parole qui vous est imparti si vous ne voulez pas que nous levions la séance à
une heure trop matinale.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de remercier les rapporteurs, MM. de Montesquiou,
Courtois et Schosteck, des précisions qu'ils nous ont apportées.
Nous sommes conviés à débattre du budget de la sécurité. L'exercice classique
d'un ministre consiste à valoriser son action en dissertant sur l'augmentation
sensible des moyens budgétaires mis à sa disposition.
Pour autant, comme l'ont souligné les rapporteurs, les policiers sont dans la
rue, des agents administratifs en passant par les agents en tenue, de même que
les officiers, les commissaires et, demain, les gendarmes ! Ces mouvements de
rue ne sont que le reflet du sentiment de la population. Vous ne cessez de
prôner la légitimité de l'autorité de l'Etat quand le citoyen attend des
résultats concrets et se fatigue des déclarations de bonnes intentions. Prenez
garde : nous qui sommes profondément attachés à l'autorité de l'Etat, nous
n'acceptons pas de voir sa légitimité contestée au nom d'une efficacité
insuffisante. Il faut, certes, afficher des principes, mais aussi et surtout se
donner les moyens de les faire respecter.
Comment comptez-vous, monsieur le ministre, restaurer l'autorité de l'Etat et
lutter contre le découragement de toutes celles et de tous ceux qui ont en
charge de la faire respecter ?
Je vous plains sincèrement, monsieur le ministre. Comme bon nombre de vos
camarades qui vont ont précédé place Beauvau, vous avez dû faire un grand écart
permanent entre les sentiments de défiance, pour dire le moins, qui n'ont que
trop longtemps prévalu dans vos rangs à l'égard de la police et la réalité du
travail des fonctionnaires placés sous votre autorité.
Qu'il est difficile, après tant d'années de méfiance, d'être crédible !
Qu'il est difficile, après avoir soutenu qu'il était interdit d'interdire, de
tenir un discours d'ordre et de sécurité !
Qu'il est difficile d'être le premier policier de France quand la police se
sent abandonnée et quand il ressort de toutes les réunions que le principal
problème est un problème de management !
Les hommes et les femmes qui ont fait le choix de mettre leur vie au service
de la sécurité de leurs concitoyens ne doivent plus se sentir méprisés. Ils ne
sont pas devenus policiers ou gendarmes pour se voir soupçonnés de «
tripatouiller » leurs enquêtes et de prendre des libertés avec les droits de
l'homme.
Au contraire, c'est pour préserver les acquis de la République qu'ils ont fait
ce choix, allant même parfois, pour un trop grand nombre d'entre eux, ces
derniers temps, jusqu'au sacrifice suprême. Je souhaite leur rendre, en votre
nom à tous, mes chers collègues, l'hommage qu'ils sont en droit d'attendre des
représentants de la nation.
Ne nous y trompons pas, monsieur le ministre, le ras-le-bol des forces de
l'ordre n'est pas seulement l'expression de revendications catégorielles à
caractère corporatiste. Les policiers ne sont que trop conscients que le
problème auquel ils sont confrontés dépasse le simple cadre de leurs
statuts.
Certes, ils sont sensibles à l'amélioration de leurs conditions de vie, mais
leurs revendications ne portent pas uniquement sur leur feuille de paye. Ils
souhaitent être dotés d'équipements leur permettant d'être efficaces dans
l'accomplissement de leurs missions. Ils souhaitent pouvoir être épaulés par
des personnels administratifs en nombre suffisant et revenir ainsi à leur
vocation, qui est d'assurer la sécurité quotidienne des Français.
Surtout, monsieur le ministre, ils vous demandent d'être clairs sur la
politique pénale que l'on souhaite mettre en oeuvre dans notre pays.
Nous glissons, ces derniers temps, sans réel débat public et contradictoire,
du système inquisitorial, qui a prévalu dans notre droit depuis des lustres,
vers un régime accusatoire. Nous sommes actuellement à cheval entre deux
systèmes et nous cumulons les inconvénients des deux formules, sans en retirer
le moindre bénéfice.
Le sommet a été atteint avec la loi sur la présomption d'innocence, dont les
principes sont incontestables et acceptés par tous, mais dont l'application
s'est révélée dramatiquement difficile.
Or, monsieur le ministre, les meilleures intentions du monde ne valent rien
sans les moyens de les mettre en pratique. Or, ces moyens, le Gouvernement ne
se les est pas donnés. Tous vos efforts seront vains, monsieur le ministre, si
vous ne vous donnez pas, dans le même temps, les moyens d'avoir des forces de
police et de sécurité supplémentaires et les moyens nécessaires pour faire
appliquer votre politique pénale.
De cette volonté gouvernementale dépendra votre capacité à rassurer les
gendarmes et les policiers sur les intentions du Gouvernement, à les considérer
comme des acteurs responsables, dignes de confiance, et à faire taire les
mauvais procès à leur encontre.
De plus, comment exiger la responsabilité des forces de police au nom du
respect de l'ordre et accepter l'absence de responsabilité du juge ?
En alourdissant la procédure, vous avez contribué à engorger les tribunaux.
Par manque de moyens pour les traiter, les parquets abandonnent les poursuites
et les petits délits ne sont plus sanctionnés.
Cette situation est extrêmement préoccupante et décourage toutes celles et
tous ceux qui sont en charge des délinquants. En ne s'occupant pas de la
primo-délinquance, le « pas vu, pas pris » entraîne les individus concernés
vers des actes de violence de plus en plus graves. Le fait de n'être condamné
qu'au-delà d'un certain nombre de récidives engendre l'aggravation de la faute
; il se développe alors un sentiment grandissant et préoccupant d'impunité. Le
vice semble être aujourd'hui plus protégé que la vertu !
Il ne faut pas passer de l'angélisme, que peut caractériser une absence
évidente de volonté en matière de politique pénale, à l'absolutisme le plus
doctrinal en matière de répression. Il n'est pas question de savoir s'il faut
ou non enfermer tous les délinquants. Il faut être en mesure de sanctionner
toute faute !
A quoi sert qu'un délinquant soit amené au commissariat si, après avoir
constaté qu'il est l'auteur du délit, il n'est pas condamné à exécuter la peine
?
Monsieur le ministre, nos concitoyens ne supportent plus de voir leurs
policiers maltraités et insultés par des bandes qui semblent faire la loi sur
des territoires que l'Etat leur abandonne.
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye.
Au travers des protestations grandissantes des fonctionnaires placés sous
votre autorité, vous vous devez d'entendre les applaudissements et les
encouragements du peuple qui rythme leurs cortèges et qui a de plus en plus
peur.
La sécurité est la première des libertés et cette liberté est aujourd'hui
contestée.
Au-delà du catalogue de bonnes intentions et d'un affichage de moyens, il faut
une volonté politique claire. Celle-ci ne peut s'exprimer que par une remise à
plat de l'ensemble de la chaîne. Il faudra mettre en oeuvre une grande loi de
programmation de la sécurité avec des engagements pluriannuels pour pallier les
déficiences constatées.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il y a la LOPS !
M. Jean-Paul Delevoye.
Il convient de réfléchir aussi au déficit de l'autorité parentale. Un enfant
est d'abord et avant tout un projet et non un système d'allocation ou un
produit. Il est insupportable de voir l'inégalité se mettre en place dès les
premiers mois de la vie. Il n'y a jamais eu autant d'aides publiques et de
déresponsabilisation parentale qui, nous devons le constater, nourrissent une
délinquance de plus en plus jeune.
Tout cela commence avec ces formules chères à vos amis. « Il est interdit
d'interdire ! L'individu est une victime, seule la société est coupable ! »
Puisque vos fonctions vous placent en première ligne pour constater les
conséquences de ces discours irresponsables, vous vous devez de faire prendre
conscience à vos amis du décalage grandissant entre leurs propos et la
réalité.
En déstructurant à petites touches cette cellule essentielle qu'est la
famille, vos camarades contribuent à l'émergence de générations sans repères,
au sein desquelles les rapports de force ont un intérêt.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Je conclus, monsieur le président.
Au-delà des moyens budgétaires, il faut afficher une volonté politique claire
afin de responsabiliser les parents, les travailleurs sociaux, les forces de
l'ordre et la justice.
Une politique sans moyens n'a guère d'efficacité, mais des moyens sans
objectifs politiques clairs ne servent à rien !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, si le temps de parole accordé à un groupe est utilisé par
les premiers orateurs de ce groupe, les derniers inscrits ne pourront plus
s'exprimer !
Mme Nelly Olin.
On s'arrangera entre nous !
M. le président.
Je tenais à vous prévenir.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tous les rapporteurs et vous même, monsieur le ministre, avez noté un
accroissement de la délinquance. Les statistiques disponibles pour le premier
semestre marquent une accélération de ce phénomène et concernent l'ensemble des
catégories d'infraction. Les rapports de la commission des finances et de la
commission des lois sont très précis à ce sujet.
Sous cette globalité qui donne à nos concitoyens le sentiment que le manque de
réponse à la délinquance est de plus en plus grand, les infractions violentes
ne cessent d'augmenter et le taux d'élucidation de baisser. Encore faut-il,
comme on l'a dit, qu'au bout de la chaîne il y ait une réponse judiciaire !
Ces statistiques, monsieur le ministre, vous l'admettez, masquent la masse des
infractions non signalées, qui seraient cinq fois supérieures aux faits
enregistrés. Le nouvel Observatoire de la délinquance et la mission confiée à
deux parlementaires permettront sans doute d'améliorer les statistiques.
Comment ne pas comprendre l'inquiétude et l'exaspération de nos concitoyens
devant cette insécurité au quotidien, qui gagne l'ensemble du territoire, et
pas seulement les quartiers dits sensibles. D'ailleurs, monsieur le ministre,
l'augmentation de la délinquance est plus importante actuellement dans les
zones périurbaines.
Ne revenons pas sur la violence juvénile, dont nous avons longuement débattu à
l'occasion d'un projet de loi récent, sans d'ailleurs avoir été entendus.
Face au découragement des policiers et des gendarmes, au mouvement profond qui
a surgi à la suite de cafouillages judiciaires et de la mort de policiers
victimes d'une violence de plus en plus grave et incontrôlée, le Gouvernement a
pris conscience de la nécessité, dans l'urgence, de prendre des mesures
supplémentaires en faveur de la police nationale, sans d'ailleurs une cohérence
évidente.
Certes, monsieur le ministre, et il faut vous rendre justice sur ce point,
vous n'avez jamais, comme beaucoup de vos amis, succombé au « politiquement
correct » qui tendait à minimiser la réalité de l'insécurité et taxant de
sécuritaires tous ceux qui dénonçaient la montée de la violence.
Votre réponse à cette situation alarmante est la police de proximité. Comment
ne pas être d'accord avec ce principe, s'il n'était pas largement contredit par
les faits ? Le budget que vous présentez en est l'illustration, même avec ses
mesures supplémentaires consenties à la suite des manifestations de
policiers.
La police de proximité est-elle une réalité si l'on constate, comme l'a fait
un spécialiste, Alain Bauer, en 1998, que, sur 113 000 gradés et gardiens,
seuls 5 000 étaient physiquement présents sur la voie publique de jour, et
encore moins de nuit, alors que s'y produisent 60 % des délits ?
Il est sans doute nécessaire d'augmenter les effectifs, de recruter toujours
plus d'adjoints de sécurité et de leur donner plus de responsabilité ; encore y
aurait-il beaucoup à dire sur les limites de cette politique. Il n'en demeure
pas moins que la généralisation de la police de proximité suppose une profonde
réforme des méthodes de fonctionnement de la police nationale et notamment de
la gestion des ressources humaines.
Au risque de paraître répétitif, monsieur le ministre, mais, après tout, ces
propositions avaient reçu l'accueil positif du Gouvernement et, semble-t-il,
après quelques hésitations, de l'ensemble de la classe politique - pas des élus
locaux, ni des syndicats de police, qui ont changé d'avis - qu'il me soit
permis de rappeler que j'avais proposé, avec le regretté Roland Carraz, un
certain nombre de mesures pour permettre une meilleure efficacité de la police
et de la gendarmerie sur le terrain : d'abord, redéploiement des forces de
police et de gendarmerie ; ensuite, priorité absolue dans la répartition des
effectifs aux régions les plus touchées par la délinquance de voie publique -
grande couronne parisienne, grandes agglomérations de province, pourtour
méditerranéen ; enfin, nous insistions également sur la priorité à la lutte
contre la délinquance de voie publique génératrice du sentiment d'insécurité de
nos concitoyens.
Des mesures ont été prises, mais elles sont insuffisantes et le paysage n'a
pas profondément évolué depuis 1998. Quelques commissariats ont été supprimés,
quelques brigades ont été modifiées - on a même supprimé parfois des brigades
en zone urbaine - mais, en fait, on n'est pas allé au bout de la démarche.
En relisant ces propositions, c'est avec regret que nous continuons de
déplorer les moyens matériels insuffisants : armement, gilets pare-balles,
véhicules, transmissions et immobilier.
Nous proposions d'amplifier l'effort de logement en faveur des policiers, qui
est indispensable. Vous l'avez fait, mais nous n'en sommes pas encore aux 500
millions que nous suggérions.
Et ne parlons pas des tâches qui mobilisent trop de moyens opérationnels : les
gardes statiques - combien de policiers sont utilisés pour ces gardes statiques
? - le transfèrement des détenus - cela occupe beaucoup de policiers - les
tâches administratives ou logistiques. Comme le note le rapport de la
commission des finances, notre police, dont les effectifs sont supérieurs en
nombre par rapport à beaucoup d'autres pays européens, est en revanche
sous-administrée. C'est sans doute ce qui explique qu'il y ait moins de
policiers sur le terrain. Le recrutement de trois cents personnels ne comblera
pas ce déficit. Il est vrai que cela n'avait pas été fait précédemment, mais
vous continuez dans la mauvaise voie en ce qui concerne l'application de la loi
d'orientation et de programmaton relative à la sécurité, la LOPS, dans ce
domaine.
Enfin, et nous sommes au coeur du débat, nous préconisions de systématiser le
partenariat, à l'échelon tant national que local, d'abord entre la police et la
gendarmerie, ensuite, et surtout, avec les autres administrations, notamment la
justice, ainsi que les élus. C'est en effet l'ensemble du corps social qui doit
faire reculer l'insécurité.
Même si de timides engagements ont été pris pour mieux centrer l'action autour
des maires, notamment pour l'efficacité des contrats locaux de sécurité, ces
engagements sont souvent théoriques. En effet, le plus important, comme le
disait Jean-Paul Delevoye, pour que la police n'ait pas l'impression de
travailler en pure perte - on l'a vu dans des documents récents très
intéressants sur le fonctionnement des BAC, notamment à Paris - est qu'une
réponse judiciaire adaptée soit donnée à la montée de la délinquance, notamment
des mineurs, mais aussi que les moyens de la police judiciaire soient
renforcés. Mais le Sénat en débattra sans doute lundi prochain, lors de
l'examen du projet de budget de la justice.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment que vous ne pouviez « faire
en quinze mois ce qui n'avait pas été fait en quinze ans ». Ce n'est pas très
aimable pour vos prédécesseurs. Ils ne sont d'ailleurs pas seulement de droite
: deux étaient de droite et trois étaient de gauche, sachant que Charles Pasqua
a été ministre de l'intérieur à deux reprises !
Mais il semble que la gestion de crise, aggravée par la lutte contre le
terrorisme et l'arrivée de l'euro, ne permet pas de discerner la trame d'un
projet cohérent et à long terme. C'est peut-être non pas la priorité du
Gouvernement, mais seulement une réponse à courte vue pour calmer la grogne des
policiers et tenter de rassurer l'opinion publique. C'est une autre politique
que nous attendons en matière de sécurité !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
est, cette année, en forte augmentation : c'est une hausse de 3,42 % des
crédits, la création de 2 000 emplois et la consolidation des 1 000 emplois
créés en surnombre qui nous sont proposées ici ; au total, les effectifs auront
augmenté de 11 % de 1997 à 2002.
Cet effort budgétaire permettra de parachever la phase de généralisation de la
police de proximité. Il était rendu nécessaire pour compenser les retards pris
par les gouvernements précédents en matière de départs à la retraite - mais
vous semblez l'oublier aujourd'hui, mes chers collègues de la majorité
sénatoriale - et pour mettre en place la réduction du temps de travail. C'est
un pas de fait dans le sens d'une revalorisation salariale très attendue.
C'est donc globalement un bon budget que vous nous présentez cette année,
monsieur le ministre, et nous le voterons.
Avec la rallonge annoncée de 400 millions d'euros, cette hausse notable des
crédits représente un geste significatif en direction des personnels de police,
particulièrement éprouvés cette année. Et l'année suivante n'apparaît guère
plus facile avec la mise en place de l'euro et le fonctionnement du plan
Vigipirate, qui mobiliseront 80 % des effectifs. Et il y a fort à craindre que
la mise en place de la réduction du temps de travail n'en soit d'autant plus
compliquée.
Ces efforts budgétaires, importants et nécessaires, visent principalement au
renforcement de la police de proximité, dont les principes essentiels, tels
qu'ils ont été définis lors du colloque de Villepinte en 1997, sont plus que
jamais d'actualité.
Alors que nous sommes entrés dans la troisième phase de la généralisation de
la police de proximité, avec 528 contrats locaux de sécurité mis en place et
199 en préparation, il convient de rappeler les apports fondamentaux de cette
démarche inédite qui rapproche la police du citoyen, sans pour autant se
dissimuler les problèmes qui subsistent.
Ces « rappels » apparaissent d'autant plus nécessaires que le contexte actuel
est propice à l'inflation des propositions les plus démagogiques et irréalistes
: la droite parlementaire se surpasse en la matière en multipliant dépôts de
propositions de loi, colloques et autres initiatives à mesure que les élections
se rapprochent.
Tout d'abord, la police de proximité n'a de sens que dans un cadre républicain
réaffirmé. Le mouvement en faveur d'une municipalisation de la sécurité est, de
ce point de vue, extrêmement préoccupant, parce qu'il risque de mettre en péril
ce principe d'égalité, en faisant dépendre la sécurité de nos concitoyens du
potentiel fiscal de la collectivité.
La sécurité doit rester une responsabilité de l'Etat. C'est une règle et un
fondement républicains ; c'est aussi l'assurance de l'efficacité. D'ailleurs,
les maires ne s'y sont pas trompés : ils se sont majoritairement prononcés
contre une extension de leurs responsabilités en matière de sécurité alors que
l'on avait voulu la présenter ici même, il n'y a pas si longtemps, comme une
revendication forte et partagée par l'ensemble des élus.
Ensuite, cette police de proximité se fonde sur une approche partenariale de
tous les acteurs de la sécurité, réaffirmée au travers du principe de
coproduction tel que systématisé dans la loi relative à la sécurité
quotidienne.
Elle implique une mobilisation collective de la société, absolument
fondamentale pour apporter une réponse de fond à la montée de l'insécurité.
A Marseille, la mise en place de la police de proximité, à titre expérimental
en 1999 et définitivement le 16 octobre 2000, a conduit à repenser les missions
de police dans le sens d'un service de meilleure qualité à la population, en
étant plus à l'écoute de ses besoins. Elle a nécessité une adaptation constante
en termes de redéploiement des effectifs, afin d'assurer une affectation
permanente par quartier et pour mettre en place des points de contact
opérationnels.
La police de proximité a également mis en lumière l'intérêt d'une politique
globale. Sur le plan de la sécurité des transports collectifs, par exemple,
elle a permis de démontrer le caractère protéiforme de la question : manque
d'effectifs, problèmes de circulation et d'accès des bus, isolement du
chauffeur, dangerosité des quartiers desservis, incivisme des passagers,
peur... C'est sur l'ensemble de ces aspects que nous travaillons, par exemple,
dans le cadre des contrats locaux de sécurité des mairies d'arrondissement des
xiiie et xive.
Pour autant, la hausse générale de la délinquance, et principalement de la
délinquance de voie publique, en augmentation de 15,4 % pour la ville, montre
que les efforts sont loin d'être suffisants.
En particulier, on ne saurait se dissimuler les importantes difficultés qui
subsistent, spécialement en termes de recrutement, et qui menacent, à terme, de
fragiliser l'édifice.
Plus que jamais, nous avons besoin d'un plan pluri-annuel en la matière, comme
nous le réclamons depuis plusieurs années. Le recrutement massif d'adjoints de
sécurité, les ADS, qui s'étiole aujourd'hui puisque l'objectif des vingt-mille
ne sera pas atteint, ne peut, à lui seul, résoudre la question des départs à la
retraite.
Dans un contexte où la reconnaissance sociale des fonctionnaires de police
apparaît déterminante, il faut également dénoncer les risques de nivellement
par le bas que génère l'augmentation continue des responsabilités des ADS.
Les mesures relatives au personnel devraient être encore renforcées, non
seulement du point de vue des salaires, mais également des inadmissibles
conditions de travail - le journal
Libération
s'en est fait à nouveau
l'écho ce matin - sans parler du logement des fonctionnaires de police, sur
lequel nous attirons l'attention depuis plusieurs années.
Par ailleurs, il faut dénoncer la pénurie des moyens d'investigation qui ne
permettent pas de lutter contre les infractions de bandes et les trafics
locaux. Elle accentue l'impression qu'aujourd'hui la lutte se concentre
essentiellement sur la partie la plus visible de la délinquance - la
délinquance de rue - au détriment d'un travail de fond contre le grand
banditisme et les trafics liés à l'économie souterraine.
Cette situation ne peut que renforcer la fracture sociale ; elle alimente le
sentiment d'injustice et brouille l'échelle de gravité des comportements : d'un
côté, on constate une certaine tolérance à l'égard de ces différents trafics,
comme moyen de régulation économique et sociale d'une société incapable
d'offrir d'alternative à l'argent facile ; de l'autre, on sanctionne lourdement
des comportements incivils, certes répréhensibles mais pas forcément «
délinquants », tels que l'occupation des halls d'immeubles ou la fraude répétée
dans les transports publics, désormais passible de six mois de prison.
Chers collègues, quels repères donnons-nous alors ?
De telles situations ne contribuent-elles pas à aiguiser la violence plutôt
qu'à la combattre ? Entendons-nous bien : je ne veux ni déresponsabiliser les
délinquants ni excuser les comportements violents. Mais la stigmatisation à
laquelle on assiste aujourd'hui en direction des jeunes des cités m'apparaît
tout à fait irresponsable.
Les parlementaires communistes considèrent, pour leur part, que la lutte
contre l'insécurité nécessite une politique globale autant sociale
qu'économique, éducative et politique. Tant que nous cloisonnerons les
réponses, en estimant que l'insécurité ne relève que d'une stratégie
répressive, on ne pourra pas avancer.
C'est dans cette perspective qu'il faut penser le doublement des moyens de la
sécurité : renforcement des services publics de proximité, non seulement police
et justice, mais aussi poste, banques, commerces, des lieux d'écoute pour les
parents, des relais avec l'école. Tous ces services contribuent à éviter que ne
se créent des zones d'exclusion dont on sait qu'elles favorisent le
développement de l'économie souterraine et génèrent les comportements
délinquants.
L'éducation, la politique de la ville, la politique d'intégration, la lutte
contre les exclusions sont autant de moyens de réduire durablement la violence
dans notre société. Toute politique de lutte contre la délinquance ne peut
être, en effet, que globale.
C'est en ayant à l'esprit tous ces éléments que nous voterons le budget de la
sécurité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la
présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2002 concernant la sécurité.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le ministre, vous avez bien du mérite : face à la mauvaise foi, à la
mémoire courte, à la surenchère...
Mme Nelly Olin.
Ça commence mal !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... qu'attise chez les hommes politiques comme chez les syndicalistes
l'approche de l'échéance électorale, face aux petites phrases, aux mises en
cause personnelles, vous conservez votre sang-froid, vous gardez le cap, le bon
cap.
Les ministres de l'intérieur qui vous ont précédé, y compris celui qui vous a
immédiatement précédé, ne devraient pas l'oublier, non plus que tous ceux qui
l'ont soutenu.
Au demeurant, cet hommage ne vous est pas seulement destiné. Je pense que,
derrière l'homme « Vaillant »,...
Mme Nelly Olin.
Quelle recherche!
M. Jean-Claude Peyronnet.
... c'est tout le Gouvernement de gauche, en particulier le Premier ministre,
qui est attaqué, à tort.
Il est vrai que les turbulences sont vives parce que la société est malade,
mais ce n'est pas nouveau, et cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les
bras.
Il est vrai que l'instituteur, le médecin et, peut-être, le curé ne trouvent
plus dans notre société le respect et la reconnaissance dont ils bénéficiaient
dans le passé. Quand cela touche aux policiers, cela prend un tour plus
apparent, plus spectaculaire, voire, hélas ! plus dramatique parfois.
Il est vrai que tout ne fonctionne pas bien, notamment dans le couple,
pourtant indissociable, police-justice, et il est vrai que, toutes choses
égales, les bavures sont plutôt, depuis quelque temps, du côté de la justice
que du côté de la police.
Mme Nelly Olin.
Oh !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas faux !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Quoi qu'il en soit, nos policiers, comme nos gendarmes, se sentent mal aimés.
Pourtant, dans ce monde instable où les corps constitués sont en mal de
reconnaissance, les policiers font globalement bien leur travail, et c'est un
travail dangereux, nous le savons bien.
Raison de plus pour ne pas en rajouter dans la polémique alors que toutes les
personnes de bonne foi savent bien que la question n'est ni seulement policière
ni seulement judiciaire, mais que tout le corps social - et, au premier chef,
la cellule de base qu'est la famille - est directement concerné.
Chacun sait bien aussi que toutes nos difficultés exigent une approche sereine
et cohérente, un dialogue permanent entre tous ceux qui portent une part de
responsabilité au stade de l'éducation, de la prévention et de la
répression.
Alors que personne ne nie l'existence de l'insécurité, alors que la police
doute de l'utilité de sa mission, alors que nos concitoyens s'interrogent, la
droite entretient sur ce sujet une polémique incessante, à vrai dire assez
détestable, et ne propose que des solutions partielles, inefficaces, voire
contradictoires.
Au demeurant, ces solutions sont aussi dangereuses, parce que, en nourrissant
le sentiment d'insécurité chez les Français, qui, hélàs ! sont actuellement
très réceptifs à ce discours, les électeurs, cible principale de ces
manoeuvres, risquent de se tourner nombreux, une fois de plus, vers celui qui
apparaît comme le plus intolérant,...
Mme Nelly Olin.
Oh ! Pitié !
M. Jean-Claude Peyronnet.
... le plus apte à s'en remettre à la solution facile du bouc émissaire.
Mme Nelly Olin.
Vraiment, quel raccourci facile !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Madame la sénatrice, peut-être n'est-ce pas ce que vous cherchez, mais, en
mettant en avant le sentiment d'insécurité, vous verrez que - comme il l'a dit
lui même - l'original sera toujours préféré à la copie.
Personne, ni vous ni moi, n'y gagnera. Il convient donc de se garder des
jugements hâtifs sur cette question. La hausse de la criminalité existe à n'en
pas douter. Elle n'est ni de gauche ni de droite. C'est un fait de société. Il
ne s'agit pas du tout de sous-estimer l'insécurité, mais, lorsque l'on examine
les différentes catégories d'infractions, force est de reconnaître que les
résultats sont contrastés : si les chiffres traduisent une évolution de la
criminalité, ils mesurent également le niveau d'activité de la police, et il
n'est pas toujours facile de faire la part des choses.
L'opinion n'en est pas moins inquiète, mais comment pourrait-il en être
autrement alors que la question de la sécurité est devenue un sujet de
polémique, utilisé notamment à des fins électoralistes ?
Pourtant, jamais il n'a été autant fait pour la police nationale depuis le
plan Joxe de 1985. A ce titre, le Gouvernement et, au sein de celui-ci, le
ministre de l'intérieur doivent être salués pour le rôle qu'ils ont joué.
Que reproche donc la majorité sénatoriale à ce projet de budget pour en
proposer le rejet ? J'ai repéré six arguments.
Premier de ces arguments : une hausse insuffisante des crédits.
Il est simple de répondre à cet argument. En 1995, M. Pasqua avait présenté un
budget de la police qui s'élevait à 27 milliards de francs. Ce budget a baissé
sous le ministère de M. Debré, en 1996 et 1997. Il a atteint en 2000 non pas 27
milliards de francs mais 30 milliards de francs, et il s'élevera à 33 milliards
en 2002. Par ailleurs, le total des seules mesures catégorielles et
indemnitaires que vous avez, monsieur le ministre, accordées au personnel
atteindra 1,11 milliard pour l'année 2002.
Deuxième argument : la hausse des effectifs serait insuffisante.
Entre 1997 et 2002, les effectifs ont progressé de plus de 11 % !
M. Philippe Marini.
Tout va bien...
M. Jean-Claude Peyronnet.
Le projet de budget prévoit la création de plus de 3 000 emplois. On ne peut
pas à la fois réclamer des créations d'emplois dans la police nationale - voire
dans d'autres secteurs, et je pense par exemple aux emplois d'infirmières - et
gémir comme le fait la droite lorsque le nombre de fonctionnaires augmente,
tout en profitant de cet argument pour ne pas voter l'ensemble du projet de loi
de finances.
Troisième argument : les crédits de fonctionnement et d'équipement seraient
insuffisants.
Les crédits inscrits dans le projet de budget témoignent pourtant d'un effort
d'autant plus considérable qu'il fait suite à un effort déjà considérable l'an
passé. Il faut, encore une fois, remonter au plan Joxe de 1985, qui a été
exécuté l'année suivante, pour trouver des niveaux d'investissement et
d'équipement aussi importants.
M. Philippe Marini.
Ce sont vos arguments...
M. Jean-Claude Peyronnet.
Quatrième argument : les conséquences de la réduction du temps de travail.
Je trouve amusant, monsieur Marini, que vous nous accusiez de manquer d'esprit
de prévision alors que vous avez été incapables de prévoir les départs massifs
à la retraite qui se produiront dans la police à partir de 2005-2010. C'est
d'ailleurs une raison qui pourrait expliquer le manque d'effectifs que vous
nous reprochez...
Les 3 000 emplois nouveaux serviront notamment à l'application de la réduction
du temps de travail.
Cinquième argument : la faiblesse de la présence des policiers sur le
terrain.
Il s'agit là à vrai dire d'une politique dont la mise en place s'étalera sur
plusieurs années, mais la voie est ouverte.
Les policiers sont moins astreints qu'ils ne l'étaient naguère à exécuter les
tâches indues, notamment dans le domaine administratif, qu'il leur revenait
d'accomplir, là encore parce que la loi d'orientation votée sous le
gouvernement Balladur n'avait pas été réellement appliquée.
Enfin, dernier argument : les emplois-jeunes sont largement critiqués, alors
qu'ils ont constitué un apport considérable, en particulier pour la police de
proximité de par leur présence dans les quartiers auprès des filles et des
garçons de leur âge, qu'ils soient d'origine européenne ou pas.
Quant à leur formation, elle est de mieux en mieux assurée, et ils
constitueront de plus en plus un vivier pour le recrutement des fonctionnaires
de police.
Bref, vos critiques, mesdames, messieurs de la droite, ne sont pas
pertinentes.
J'ai noté que vous proposiez avant tout l'adoption d'une grande loi de
programmation sans vraiment en définir le contenu. J'observe que le
gouvernement Balladur avait élaboré une loi de ce type mais que vous vous étiez
bien gardés de l'appliquer, puisque vous n'aviez pas voté les crédits qui
auraient permis d'améliorer la situation.
M. Philippe Marini.
Cessez de vivre dans le passé !
M. Jean-Claude Peyronnet.
Enfin, s'agissant de la loi sur la présomption d'innocence que les policiers
ont accusée de tous les maux, faut-il rappeler qu'elle a été proposée par le
Président de la République et qu'elle a été adoptée tant par l'Assemblée
nationale que par le Sénat ?
Il est sage néanmoins d'en effectuer une évalution dès maintenant. Ce n'est
pas parce que tel ou tel magistrat, qui n'était peut-être pas très favorable à
la loi - le cas s'est produit - « dérape » qu'elle est nécessairement
mauvaise.
Je rappelle par ailleurs que Mme Guigou avait monté un échafaudage judiciaire
cohérent mais qui s'est écroulé à la suite de la décision du Président de la
République de ne pas nous réunir à Versailles.
En tout état de cause, la police n'est pas seule concernée. Il n'est pas
possible de faire l'économie d'une pédagogie de la violence, car le monde qui
nous entoure et les modes d'expression sont eux-mêmes violents. La sécurité
revêt de multiples aspects. Il convient de les traiter globalement.
M. le président.
Monsieur Peyronnet, je vous prie de conclure. Vous avez dépassé les dix
minutes qui vous étaient imparties.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je ne les ai dépassées que de quelques secondes, monsieur le président. Je
rappelle que le groupe socialiste disposait de vingt-deux minutes et que je
suis le seul inscrit. La décision de la conférence des présidents est très
discutable. Il faudra la revoir, je le dis au passage.
Pour conclure, monsieur le ministre, nous voterons vos crédits, ce qui n'est
pas une grande surprise, tout en sachant que vous avez entrepris une oeuvre de
longue haleine d'autant plus facile à critiquer que l'opposition aspire de
manière pressante au risque zéro, ce qui est irréaliste.
Je ne suis pas convaincu qu'il soit bon pour des parlementaires d'attiser ce
sentiment.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Turk.
M. Alex Turk.
Monsieur le ministre, je voudrais, puisque beaucoup de choses ont été dites,
attirer votre attention sur des points peut-être plus techniques mais qui, je
crois, engagent notre avenir puisqu'il s'agit du fonctionnement des systèmes
Schengen et Europol, maintenant au premier plan de l'actualité compte tenu des
événements survenus aux Etats-Unis.
Je voudrais faire ces quelques remarques en tant que membre de l'autorité de
contrôle commune et sachant que, s'agissant d'Europol, on se trouve dans une
situation extrêmement délicate qui pourra peut-être se résoudre lors de la
réunion du Conseil européen à laquelle vous assisterez, je crois, dans deux
jours à Bruxelles.
En ce qui concerne Schengen, mon intervention se résumera à quelques questions
simples mais qui nous préoccupent tous.
Ainsi, serait-il enfin possible d'avoir des informations précises sur la date
à laquelle le problème du système d'information de Schengen, le SIS II sera
enfin réglé ?
C'est un problème certes technique, mais d'une extrême importance. Depuis six
ou sept ans, on nous dit qu'il sera réglé prochainement... J'entends maintenant
parler de 2005 !
Toujours dans le cadre du basculement du SIS sous la responsabilité de la
Commission, nombreux sont ceux qui se demandent, dans les couloirs de
Bruxelles, s'il est vrai qu'il y a un doute quant au maintien à Strasbourg du
système central des fichiers de Schengen.
Est-il vrai par ailleurs que l'on caresse l'éventualité de créer une agence
chargée de la gestion du système à la place du ministère de l'intérieur, qui
l'assure maintenant depuis sept ou huit années ?
En ce qui concerne maintenant Europol, je voudrais formuler deux remarques
précises, monsieur le ministre.
La première a trait à la collaboration qui se met actuellement en place entre
les Etats-Unis, d'une part, et Europol et l'ensemble des Etats membres de cet
office, d'autre part. Les 6 et 7 décembre prochains sera abordée la question de
l'ouverture de la négociation entre les polices américaines - je dis « les
polices », parce que les choses ne sont pas simples dans un système fédéral -
et Europol. Je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un
fait dont vous êtes peut-être déjà conscient : la convention portant création
d'Europol n'est pas respectée en l'occurrence, puisque la question que
j'évoquais sera traitée entre les ministres concernés alors que la procédure
normale n'a pas été suivie et que l'autorité de contrôle a été tenue à l'écart
du processus. Cela signifie que le contrôle citoyen qui doit intervenir en
matière de données personnelles n'aura pas pu s'exercer, ce qui est tout à fait
regrettable, même si, bien entendu, je ne remets pas en cause l'intérêt d'une
négociation avec les polices américaines. Ma seconde remarque sera pour vous
faire observer qu'il est extrêmement troublant de constater à quel point la
police française recourt peu souvent à Europol, alors même que cet office
connaît une espèce de montée en puissance inavouée.
En effet, le budget d'Europol s'accroît. J'ai appris récemment, à La Haye, que
le développement de l'office était tel qu'il est sur le point de quitter les
locaux qui l'abritent actuellement.
Par ailleurs, il est prévu d'étendre le mandat d'Europol à toute la
criminalité organisée, ce qui recouvre
grosso modo
tous les domaines de
compétence de la police nationale. Je crois savoir que cette question sera
traitée à l'occasion d'un prochain conseil « justice-affaires intérieures ».
On entend également évoquer la mise en place d'équipes communes d'enquête.
J'aimerais que vous nous donniez quelques éclaircissements sur ce point,
monsieur le ministre, car il me semble que la convention portant création
d'Europol comporte très peu d'éléments juridiques permettant de recourir à une
telle option, mais peut-être suis-je insuffisamment informé.
Toutefois, cette rumeur a sans doute quelque fondement, puisque votre collègue
le ministre délégué chargé des affaires européennes déclarait ce matin même
dans la presse qu'il était favorable à la création d'une police européenne. Il
s'agit là d'un sujet extraordinairement important, qui mériterait de faire
l'objet d'une réflexion approfondie, d'autant plus que nous ignorons si cette
police européenne aurait pour base Europol ou une autre structure restant à
définir.
En regard de ce considérable développement, tout nous montre que la police
française est extrêmement réticente à travailler avec Europol. Elle est
d'ailleurs le mauvais élève de la classe à cet égard, vous le savez, et
j'aimerais que vous nous donniez quelques explications.
Je sais bien qu'il existerait un facteur culturel selon lequel les Allemands
auraient une conception d'Europol tendant à rapprocher cet office du FBI, le
Federal Bureau of investigation,
tandis que les Français resteraient
attachés à leur souveraineté, ce que je comprends tout à fait.
Je sais également qu'une différence de culture policière, si j'ose dire, nous
distingue des Anglo-Saxons, qui partiraient du général pour aller vers le
particulier, tandis que la police française garderait un esprit plus tourné
vers la recherche de l'indice et du détail pour accéder ensuite au général.
En tout état de cause, les Français sont toujours très surpris, à Bruxelles,
de constater que, finalement, plus Europol se développe, moins la police
française l'utilise. S'agissant du vote d'un projet de budget, lorsque l'on
considère que l'un des plus gros contributeurs de l'office est aussi l'un des
plus faibles bénéficiaires de ses services, on est amené à s'interroger.
J'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce paradoxe, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français
veulent la sécurité, et ils assistent, souvent découragés, de plus en plus
souvent exaspérés, toujours impuissants, à la montée, qui leur semble
inexorable comme celle d'une marée, d'un désordre majeur dans la République.
Le barrage contre l'insécurité et la violence présentait depuis des années des
fissures de plus en plus nombreuses ; aujourd'hui, on a le sentiment que ce
barrage est en train de céder. Les « flics » que l'on abat, les criminels qu'on
libère, la police qui défile dans la rue, les épouses de gendarmes qui
manifestent, ceux-ci qui se font massivement « porter pâles », certains juges
qui appellent à boycotter la loi : la liste est longue de ces éléments
symptomatiques. La machine à produire la sécurité est en panne, elle tombe même
en morceaux la chaîne de production se brise en plusieurs de ses maillons.
La police, pour sa part, traverse l'une des crises les plus graves qu'elle ait
connues. Votre projet de budget apporte-t-il, monsieur le ministre, des
éléments de réponse ? Bien sûr, il ne peut représenter à lui seul la solution,
car il faut tenir compte des autres maillons : la famille, l'école, les cités,
la justice.
La justice, surtout, est sans doute la première clé à faire jouer si l'on veut
inverser le cours des choses. Le 22 novembre dernier, j'ai posé une question
d'actualité au Gouvernement sur cette crise de la police révélée par les
nombreuses et impressionnantes manifestations de rue. Je l'ai adressée au
Premier ministre, parce que la sécurité relève en réalité de plusieurs
ministères. Tout en reconnaissant la qualité de vos efforts pour répondre aux
revendications matérielles des policiers, je croyais pouvoir dire que le
malaise était plus profond, qu'il touchait à la dignité même des policiers.
J'évoquais leur découragement et même leur sentiment d'humiliation de se voir
narguer, l'après-midi, par des voyous arrêtés le matin, des voyous qui ne les
craignent plus puisqu'ils ne craignent plus la justice dans un système où la
punition est presque absente.
J'évoquais aussi les difficultés et les craintes des policiers à l'épreuve de
certaines conséquences de l'application de la loi renforçant la protection de
la présomption d'innocence et les droits des victimes. Je ne croyais pas si
bien dire ; en fait de volonté d'humilier et de provoquer, il est difficile de
faire plus abject que ce livre signé par un magistrat et intitulé :
Vos
papiers ! Que faire face à la police ?
- merci pour le mode d'emploi à
l'usage des voyous ! - qui présente sur sa couverture, comble de l'humour
délicat, une tête de porc avec un groin et une moustache, coiffée d'une
casquette de police. C'est
Hara-Kiri
ou
Fluide glacial
revu par
le Syndicat de la magistrature ! Comment s'étonner, après cela, du divorce du
couple police-justice ?
Quant aux craintes que l'on pouvait nourrir à l'égard de l'application d'une
loi non accompagnée des moyens nécessaires, elles ont été confirmées, jusqu'à
l'ahurissement, par l'extravagante remise en liberté d'un trafiquant de drogue
arrêté en possession d'un kilogramme d'héroïne. On est chez Gribouille ! Le
marchand des produits qui vont tuer nos enfants est remis en liberté au motif
qu'il doit s'occuper de ses propres enfants ! Alors, Gribouille, Kafka, père
Ubu, je ne sais pas, mais voilà pourquoi les policiers n'ont pas le moral ! On
ne peut pas leur demander de risquer leur vie pour rien, d'accepter de tomber
dans des embuscades où ils sont tirés comme à la foire, tout en étant, en
prime, traités d'assassins lorsqu'ils font leur devoir.
Ils comptent aujourd'hui parmi les premières victimes de cette insécurité
qu'ils ne peuvent maîtriser : sept d'entre eux, depuis le début de l'année, ont
ainsi payé de leur vie le désordre qui règne dans les esprits, sans parler des
gendarmes froidement abattus ! Je tiens à m'associer à l'hommage qui a été
rendu à ces hommes, ainsi qu'à leurs familles et à leurs collègues, par notre
éminent collègue Jean-Patrick Courtois. On ne leur exprimera jamais assez la
reconnaissance que leur doit la nation.
Monsieur le ministre, j'aurai l'occasion de m'exprimer devant vos collègues du
Gouvernement sur les causes qui relèvent des compétences de leurs ministères
respectifs, s'agissant de cette crise de la police que j'évoque ce soir. Je
voudrais toutefois vous dire que je ne crois pas que votre budget soit
suffisant pour répondre comme il le faudrait aux questions qui vous sont
posées.
Certes, les crédits de la police nationale augmentent par rapport à l'an
dernier, mais la part du budget de la police dans le produit intérieur brut
stagne.
De la sorte, la police de proximité que vous voulez généraliser ne disposera
pas des moyens nécessaires. Vous créez 3 000 postes supplémentaires, mais
ceux-ci seront en grande partie absorbés par la mise en place de la réduction
du temps de travail. Or le déploiement d'une police de proximité digne de ce
nom exige que des effectifs soient présents sur le terrain, et cette police ne
saurait reposer sur des adjoints de sécurité, pour lesquels le ministère
rencontre de surcroît de sérieuses difficultés de recrutement, l'objectif des
20 000 personnels étant loin d'être atteint.
Dans cette optique, les recrutements annoncés seront très insuffisants et ne
permettront pas de faire face à l'afflux des départs à la retraite, que vient
aggraver le cumul, en fin de carrière, des heures supplémentaires non
rémunérées. A cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelles
dispositions précises vous comptez prendre pour régler l'épineuse question du
stock des 9,5 millions d'heures supplémentaires actuellement accumulées.
Outre les recrutements massifs de policiers, en particulier d'agents du corps
de maîtrise et d'application, qui devront être effectués d'ici à 2006, il
serait vraiment nécessaire de libérer un certain nombre de fonctionnaires des
tâches administratives ou indues qui les accaparent. Pour ce faire, il
conviendrait de procéder à des recrutements de personnels administratifs en
nombre suffisant, comme le prévoyait la loi d'orientation du 21 janvier 1995.
Je regrette que l'objectif initial de 4 300 emplois administratifs créés en
cinq ans ne soit pas atteint et que les 243 emplois prévus au projet de budget
pour 2002 ne permettent pas d'y parvenir.
Bien évidemment, la lutte contre l'insécurité passe d'abord et avant tout par
la présence accrue de policiers sur le terrain, au contact des populations,
mais il est primordial que ces personnels se sentent considérés par leur
administration. A ce titre, je crois que les mesures indemnitaires et
catégorielles que vous proposez se révèlent très en deçà de leurs aspirations
légitimes.
Bien évidemment, pour que la police soit efficace, elle doit être bien
équipée, en locaux, en véhicules et en moyens de transmissions. Le programme
ACROPOL de réseau de communications cryptées numériques devrait être achevé en
2007. Même si je partage les regrets déjà exprimés à propos de la lenteur de sa
mise en oeuvre, je m'interroge sur les raisons de l'importante sous-utilisation
des crédits ouverts en 2001. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous
nous rassuriez sur ce point, tant ce constat pourrait donner à penser que
l'objectif ne sera pas atteint en 2007. La question de la compatibilité de ce
réseau avec celui de la gendarmerie, le réseau RUBIS, est également posée.
Enfin, en raison de la pénibilité de leur travail et de leur exposition
quotidienne au danger, les policiers ont besoin d'être bien préparés, bien
formés et bien protégés.
Quand on parle de protection, on pense bien sûr aux gilets pare-balles et à
l'équipement individuel du policier. Cela est indispensable, mais je pense
aussi et surtout à leur protection juridique.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, devant la commission des lois du
Sénat, avoir proposé aux personnels un plan d'action renforcée contre la
violence, comprenant notamment « une amélioration de la protection physique et
juridique des personnels ».
Par conséquent, et eu égard à la très désagréable impression, que l'on peut
éprouver, que les délinquants seraient juridiquement mieux protégés que les
fonctionnaires de police, je souhaiterais que vous puissiez nous préciser vos
intentions sur ce point.
Le métier de policier est un beau métier, dur et exigeant, au service du
citoyen et indispensable à une société qui veut vivre libre. Pour exercer ce
métier, le policier doit être respecté.
Monsieur le ministre, je regrette sincèrement que ce projet de budget ne soit
pas à la hauteur des véritables enjeux. Il est grand temps, à mon sens, de
sortir de la logique administrative pour imposer une logique de mission, celle
de la reconquête de la sécurité dans notre pays.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le ministre, nous aurons naturellement l'occasion de parler de
nouveau des problèmes de sécurité civile, notamment des services départementaux
d'incendie et de secours, à l'occasion de la discussion du projet de loi
relatif à la démocratie de proximité.
Néanmoins, l'examen des crédits de votre ministère me permettra d'intervenir
sur ce sujet et de vous poser quelques questions.
Tout d'abord, pas plus que vous, monsieur le ministre, je n'ai oublié que nous
sommes encore le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe, fête traditionnelle des
sapeurs-pompiers.
(Sourires.)
Je voudrais en profiter pour rendre
hommage à tous les sapeurs-pompiers de France, qui remplissent leurs missions
avec dévouement et enthousiasme.
Aujourd'hui, la loi de 1996 relative à la départementalisation des services
d'incendie et de secours a quasiment produit tous ses effets. Je l'ai souvent
dit, et je ne suis pas le seul, cette loi est critiquable parce qu'elle est
imparfaite. En effet, elle ne prévoyait pas, notamment, les modalités de
financement des dispositifs qu'elle mettait en place. Aussi, nous nous trouvons
toujours aujourd'hui devant un certain nombre de problèmes. Je vais en lister
quelques-uns.
D'abord, la départementalisation repose sur l'idée toute simple de la
mutualisation des services mais aussi sur le fait que nous avons besoin de tous
les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires. Monsieur le
ministre, qu'entendez-vous faire pour vivifier le volontariat ?
Aujourd'hui, vos services ont adressé un message aux sapeurs-pompiers. Il
contient, me semble-t-il, cinquante-quatre paragraphes. Or un seul concerne les
sapeurs-pompiers volontaires, les cinquante-trois autres étant relatifs aux
diverses mesures que votre ministère a prises cette année en faveur des
sapeurs-pompiers professionnels. Entendez-vous maintenir un équilibre et faire
en sorte que les sapeurs-pompiers volontaires se sentent, eux aussi, utiles et
indispensables au bon fonctionnement des services départementaux d'incendie et
de secours ?
Toujours sur le même thème, je souhaite vous poser une autre question. Cette
année, de très nombreuses mesures ont en effet été prises en faveur des
sapeurs-pompiers professionnels. La plupart d'entre elles ont des conséquences
financières. Ainsi, le 30 juillet dernier, votre ministère a pris six décrets
en une seule journée, ce qui n'est pas mal pour un 30 juillet ! Le coût des
mesures qu'ils prévoient a été chiffré par vous-même devant la commission des
finances du Sénat à quelque 300 millions de francs. Or ces mesures n'ont pas
fait l'objet d'une véritable concertation avec les collectivités locales, qui
doivent pourtant maintenant les financer. Le temps n'est-il pas venu
d'instaurer une meilleure concertation entre vos services et les collectivités
locales, qui doivent assumer le financement des dispositions que vous prenez
?
S'agissant du financement, l'Etat a probablement un rôle à jouer. Dans votre
projet de budget pour 2002, sont prévus 60 millions d'euros pour financer la
brigade des sapeurs-pompiers de Paris et seulement 2,5 millions d'euros pour
l'ensemble des autres services départementaux d'incendie et de secours de notre
pays. Quelles sont les raisons d'une telle situation ? Certes, le problème
n'est pas facile à régler mais il faut, sur ce point, instaurer une égalité de
traitement. En effet, partout, indépendamment du lieu où les sapeurs-pompiers
exercent leurs activités, il y a des dépenses, notamment celles qui
correspondent aux décisions que vous avez prises.
Par ailleurs, l'année n'étant pas terminée, il vous reste probablement encore
une décision à prendre, monsieur le ministre, en ce qui concerne le régime de
travail des sapeurs-pompiers. Vous aviez négocié avec les organisations de
sapeurs-pompiers, sans que nous y soyons le moins du monde associés, un décret
tendant à définir leur régime de travail. Sans être trop exigeants sur la
concertation, pourrions-nous savoir si ce décret a quelque chance d'être publié
avant le 31 décembre 2001 ou si nous commencerons l'année 2002 sans savoir
véritablement vers quoi nous nous orientons. A cet égard, un vrai problème se
pose.
Aussi, ma dernière question est très simple : ne faudrait-il pas rétablir un
vrai contrat de confiance entre le ministère de l'intérieur, les SDIS et les
départements qui doivent largement financer les décisions que vous avez prises
? Ce contrat de confiance est la base même d'une compétence que nous souhaitons
toujours voir partagée entre l'Etat et les collectivités locales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le ministre, l'insécurité n'est plus une menace, c'est une avalanche
: avalanche de mauvais chiffres, avalanche de protestations du personnel chargé
de la sécurité publique allant - fait rare ! - jusqu'à envahir la rue par
dizaine de milliers, avalanche de victimes apeurées, considérant que l'Etat ne
peut plus faire respecter la loi.
Je ne joindrai pas ma voix, monsieur le ministre, à ceux qui, trop hâtivement,
de mon point de vue, attribuent à ce Gouvernement et en particulier à vous-même
l'entière responsabilité de la situation.
Cette responsabilité est très certainement partagée. Cependant, de grâce,
monsieur le ministre, ne laissez plus vos amis politiques dire et écrire qu'il
ne s'agit que d'un phénomène de société, auquel il faudrait se résoudre, comme
si c'était quelque chose d'inexorable. Il s'agit d'un combat dans lequel tous
les responsables politiques, vous et nous, doivent s'impliquer au plus tôt.
C'est un problème de volonté et de courage, de force d'âme. Il faut prendre les
décisions qui s'imposent, et les prendre vite, en associant tous ceux qui, dans
notre pays, sont chargés d'assurer le respect de l'état de droit.
Monsieur le ministre, je vais très brièvement suggérer quelques mesures qui
pourraient, en peu de temps, inverser cette bien pénible situation.
Premièrement, il convient d'assurer, par la loi, l'aggravation des peines
lorsqu'un acte de violence est mené à l'encontre d'un représentant de
l'ordre.
Deuxièmement, il faut réformer l'ordonnance de 1945 quant à la délinquance des
mineurs. Il est certes nécessaire d'engager, quotidiennement, une action
résolue pour assurer l'insertion de la jeunesse en difficulté. Il est tout
autant nécessaire de ne plus permettre aux « sauvageons » d'accomplir leurs
actes en quasi-impunité.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. André Vallet.
Troisièmement, il convient de donner tous pouvoirs aux forces de l'ordre pour
assurer un très strict contrôle des armes à feu.
Quatrièmement, il faut réformer la loi sur la présomption d'innocence, qui a
certes pour mérite de vouloir humaniser la justice, mais qui a trois défauts
majeurs. D'abord, elle ignore totalement les victimes, ceux qui souffrent de la
disparition ou de la destruction de leurs biens, et qui souffrent parfois dans
leur chair. Ensuite, elle jette la suspicion sur le travail des policiers.
Enfin, elle alourdit la procédure.
« Le Parlement est le plus grand organisme qu'on ait inventé pour commettre
des erreurs politiques, mais elles ont l'avantage supérieur d'être réparables,
et ce dès que le pays en a la volonté », disait Clemenceau.
Cinquièmement, il convient d'engager rapidement, dès cette année, un plan
triennal de rénovation des commissariats de police, d'équipement en matériel et
en véhicules.
Sixièmement, il faut mettre les témoins à l'abri de toutes représailles. Qui
ignore, monsieur le ministre, qu'être témoin c'est, le plus souvent, s'exposer
à de longs ennuis et parfois à des représailles ? Dans certains quartiers,
propriété de bandes de jeunes et de moins jeunes, tout le monde sait qu'il vaut
mieux, en cas d'incident, ne rien voir et, surtout, ne rien dire.
Septièmement et dernier point, il faut donner aux maires une meilleure
information et assurer, avec eux, ce que j'appellerai la « tranquillité
publique », tout en laissant à l'Etat la responsabilité de la sécurité des
Français.
Ces mesures, qui n'ont pas obligatoirement une forte incidence financière,
suffiraient, monsieur le ministre, à changer l'opinion des Français sur ces
problèmes, à rassurer les forces de sécurité et à montrer votre volonté de
rétablir l'état de droit.
Monsieur le ministre, le droit à la sécurité a été durement conquis ; il a été
affirmé par la République. Ce n'est ni un don de la nature, ni un privilège du
destin.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et
du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout,
je tiens à exprimer ma sympathie aux familles des deux policiers morts en
service au début du mois de novembre dernier, et des autres policiers que la
France a perdus cette année, au total, onze. A cet hommage, j'associerai les
gendarmes récemment victimes d'agression.
Monsieur le ministre, le budget qui nous est proposé est, hélas ! loin de
répondre à la triste réalité et au légitime droit qu'est la sécurité et que nos
concitoyens sont en droit d'attendre.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Je vous fais grâce de leur énumération,
mais, hélas ! ils sont tous en hausse de 28 % à 30 % depuis quatre ans.
Les premiers chiffres annoncés pour 2001 ne sont guère encourageants. Ils vont
dans le même sens, et aucune amélioration n'est pressentie, bien au
contraire.
La délinquance est, elle aussi, en sérieuse hausse.
Quant aux taux d'élucidation, ils sont en diminution constante.
Pour répondre à cela, que nous proposez-vous, monsieur le ministre ? Un
budget, certes en augmentation, mais en totale inadéquation avec la gravité de
la situation.
Vous annoncez la création de 3 000 postes, dont 1 000 emplois destinés à la
police de proximité, alors que 10 000 créations d'emploi sont nécessaires pour
pallier les 35 heures et les départs en retraite. C'est une annonce que je
qualifierai d'annonce au rabais !
Vous annoncez également un projet de loi de finances rectificative accroissant
les moyens de police. Mais, là aussi, nous attendons, et les policiers plus
encore que nous.
Les effets d'annonce ne suffisent plus. Monsieur le ministre, les policiers
sont dans la rue, et ils vous le font savoir. Ils manquent d'effectifs et de
moyens et leur vie est, chaque jour, mise en danger.
Aujourd'hui, il y a urgence à éliminer les zones de non-droit, mais aussi, ce
qui est nouveau, les zones de non-soins. Par manque de réalisme, par manque de
mesures et par manque de moyens, on voit aujourd'hui le résultat dans nos
villes et dans nos banlieues.
Quotidiennement, les sapeurs-pompiers doivent être escortés pour faire face à
la violence. Les médecins et les infirmières exerçant dans les quartiers
difficiles ont vu leurs missions évoluer. Ils contribuent pourtant à
l'amélioration de l'état des populations en difficulté. Les médecins doivent
pouvoir continuer à exercer dans ces quartiers difficiles, afin que, comme je
l'ai dit, les zones de non-droit ne deviennent pas des zones de non-soins.
Dans nos quartiers, l'insécurité devient envahissante et les populations se
sentent abandonnées. Le plus désolant, monsieur le ministre, c'est que,
aujourd'hui, les policiers se sentent également abandonnés. En 1997, M. Jospin
annonçait qu'après l'emploi la sécurité serait la priorité de son Gouvernement.
Ne mettant pas en doute sa parole, je constate néanmoins que sa politique est
un échec.
Dans le Val-d'Oise, département dont je suis l'élue, tous les commissariats
sont déficitaires s'agissant du personnel administratif, scientifique et
technique. Il manque huit cents agents.
Lorsque M. Jean-Pierre Chevènement a lancé la police de proximité, plus de 4
milliards de francs étaient prévus pour la police nationale ; 800 postes
supplémentaires de personnels administratifs étaient prévus ; nous en sommes
aujoud'hui, au mieux, à 350 postes.
A Garges-lès-Gonesse, ville dont je suis le maire, ou à Sarcelles, ville
voisine, il manque des dizaines d'effectifs et la police de proximité a
disparu. Que sont devenus les contrats locaux de sécurité, sinon des peaux de
chagrin ? La construction du poste de police à la gare de Garges-Sarcelles a
pris plus de deux ans de retard et je sais que, lorsqu'il sera construit, dans
un an peut-être, aucun effectif supplémentaire ne sera donné.
M. Philippe Marini.
Bravo !
Mme Nelly Olin.
Ils seront pris sur les effectifs de Garges-lès-Gonesse déjà en baisse sans
aucun espoir de les voir renforcés. En effet, les deux gardiens de la paix que
nous attendions ne viendront pas début décembre, quatre ADS viennent de
démissionner et cinq gardiens partent en retraite en janvier. Nous en sommes
donc à moins quinze par rapport à l'année dernière.
M. Philippe Marini.
Voilà du concret !
Mme Nelly Olin.
Inutile de vous rappeler, monsieur le ministre, que ce sont pourtant des
villes difficiles et, quels que soient les efforts de redressement entrepris,
tout sera compromis si la sécurité n'est pas assurée.
Vous ne voulez pas modifier l'ordonnance de 1945 sur les mineurs.
M. Roger Karoutchi.
Quelle erreur !
Mme Nelly Olin.
Pourtant, les violences répétées dans les quartiers nous conduiront un jour à
mettre effectivement en place le système de tolérance zéro.
Monsieur le ministre, dans nos quartiers, lorsque nous parlons des mineurs
délinquants, nous parlons de véritables voyous, voire de gangsters, pour la
plupart armés, et non plus de petits sauvageons.
Je vous rappelle que, dans le cadre du pacte de relance pour la ville, lancé
par Alain Juppé, des unités d'encadrement renforcé pour les délinquants mineurs
étaient prévues, ce que Mme Guigou avait largement relayé à la télévision,
lorsqu'elle était garde des sceaux, en annonçant des créations en nombre
important : des centaines par département, selon elle. Or, à ce jour, peu
d'unités ont été créées. Là aussi, ce sont des promesses vaines.
Quant aux sanctions, chacun sait combien de délinquants y échappent, et
l'impunité est donc chaque jour renforcée.
Quant à la mise en place d'une police de proximité, j'avais considéré qu'il
s'agissait d'une bonne idée. Le temps a prouvé que j'avais tort, car elle n'a
pas contribué à une meilleure sécurité de nos concitoyens. En effet, à peine
les effectifs étaient-ils arrivés sur le territoire qu'ils ont pour la plupart
été repris aux communes, très discrètement il est vrai, car le nombre des
effectifs reste un secret pour les maires à qui l'Etat considère qu'il peut
tout demander, mais sans rien justifier.
Les maires que nous sommes avons été contraints - oui, j'insiste : j'ai
personnellement été contrainte - de créer des polices municipales pour pallier
le manque d'effectifs.
Inutile de vous rappeler, monsieur le ministre, qu'une police municipale pèse
bien lourd dans nos finances locales et que pallier la carence de l'Etat n'est
pas un luxe que nous, villes pauvres, pouvons nous offrir.
Je souhaite évoquer un autre problème, aussi grave, mais dont personne n'a
encore parlé ce soir : l'islam intégriste. Il se développe dans nos banlieues,
avec des pouvoirs considérables et des moyens financiers colossaux. Il
constitue un véritable danger tant le travail de déstabilisation est fort.
Comment pouvons-nous tolérer sur notre territoire que des messages de haine
soient diffusés sans que personne n'intervienne ? Comment pouvons-nous garder
sur notre territoire des imams intégristes appelant à une pseudo-guerre sainte,
tenant des discours qui n'ont rien à voir avec le Coran, et payés par des pays
étrangers que je ne citerai pas ?
Monsieur le ministre, les musulmans de France ne le tolèrent pas ! Pourtant,
aucune sanction n'est prise.
Compte tenu du peu de moyens mis en oeuvre dans ce budget et de l'urgence
qu'il y a à régler les problèmes d'insécurité et d'intégrisme dans nos
banlieues, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, si vous n'apportez pas
ce soir des preuves concrètes que les policiers pourront espérer demain un
meilleur devenir, je ne voterai pas ce budget.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme David.
Mme Annie David.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité
civile est, depuis plusieurs années, fortement sollicitée. Au-delà des feux de
forêts qui, chaque année, ravagent des milliers d'hectares, la France doit
faire face à des événements inédits : tempêtes spectaculaires de décembre 1999,
inondations de la Somme, naufrage de l'
Erika
, explosion de l'usine AZF
de Toulouse.
Lors de chacun de ces événements, nous avons pu apprécier la compétence et le
courage de ces professionnels, qui ont payé parfois de leur vie ces
interventions : trente-six sauveteurs sont décédés en service depuis l'année
dernière.
Ces événements ont également mis en lumière les lacunes de nos systèmes
d'intervention, les lourdeurs de nos structures et l'insuffisance de nos moyens
d'équipement.
C'est pourquoi les sénatrices et les sénateurs de mon groupe ne peuvent se
satisfaire d'une augmentation de 1,82 % du budget de la sécurité civile, qui ne
dissimule pas, en réalité, la stagnation des crédits depuis quelques années.
L'ampleur de ces événements, avec ses conséquences humaines, sociales,
économiques et environnementales, exigerait, au contraire, une implication plus
conséquente de l'Etat au titre de la solidarité nationale.
Il est clair, également, que c'est en direction de la prévention et de la
réparation qu'il faudrait concentrer les efforts.
Certes, le Gouvernement a commencé à mettre en oeuvre le vaste plan de
modernisation de la sécurité civile, rendu nécessaire tant par la fin du
service national - dont le présent budget achève le financement - que par
l'augmentation des interventions et l'échéance de la départementalisation.
Au-delà du plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris,
dont le présent budget engage la première tranche, le projet de loi relatif à
la démocratie de proximité - qui devrait venir en discussion au Sénat en
janvier prochain - prévoit un premier train de réforme des services
départementaux d'incendie et de secours : à compter du 1er janvier 2006, le
département sera l'unique contributeur des SDIS, un système transitoire devant
fonctionner d'ici là.
Parallèlement, le Premier ministre a annoncé, lors du congrès national des
sapeurs-pompiers du 6 octobre 2001, le dépôt du projet de loi relatif à la
modernisation de la sécurité civile pour la fin de l'année ; vous nous avez
annoncé vous-même, monsieur le ministre, une enveloppe de 32,21 millions
d'euros dans l'attente du projet de loi de finances rectificative.
Si les délais apparaissent peu réalistes, il faut insister sur l'importance de
ce projet. Des questions restent cependant en suspens, qui nécessitent une
concertation plus approfondie avec les personnels.
En juin dernier, mon collègue député Bernard Birsinger avait attiré
l'attention sur les remplacements opérés dans les entreprises, depuis plusieurs
années, au nom d'économies budgétaires, des pompiers professionnels par des
personnels polyvalents, ainsi que sur les risques induits par de telles
stratégies.
Après l'accident de Toulouse, il apparaît d'autant plus nécessaire de rappeler
aux entreprises, spécialement aux entreprises à risques, la nécessité
d'accroître les moyens humains et matériels en la matière, sous le contrôle des
directions régionales de l'industrie et de la recherche, en liaison avec les
SDIS.
D'autre part, nous renouvelons le souhait que les compagnies d'assurance et
les sociétés à risques soient mises à contribution pour le financement des
SDIS, dont l'efficacité réduit le coût des sinistres.
Enfin, nous aimerions, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur la
mise en oeuvre de la réduction du temps de travail chez les sapeurs-pompiers et
sur les moyens qui leur sont accordés compte tenu des sujétions particulières
auxquelles ils sont astreints.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicains et citoyen ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Mon intervention, qui sera très brève, monsieur le ministre, sera axée sur
deux points qui tous les deux ont trait à la protection de nos populations.
Le premier concerne la réorganisation des services d'incendie et de
secours.
La réforme récente, avec la « départementalisation », a certes abouti, dans
bien des cas, à une rationalisation très satisfaisante des systèmes
d'intervention, mais, dans des cas beaucoup plus nombreux, semble-t-il, elle a
entraîné une augmentation - toujours justifiée - du coût total des services
départementaux d'incendie et de secours.
Le problème est de savoir si l'accroissement de ce coût est directement et
proportionnellement lié à l'augmentation de l'efficacité. Or je ne suis pas
absolument certain que la multiplication sans frein des états-majors réponde
exactement à cette perspective. Ainsi, pour vous avoir entendu voilà peu de
temps au congrès de la fédération des sapeurs-pompiers, à Rennes, je souhaite
savoir quel « oeil » porte votre ministère, qui assure la responsabilité
générale de notre sécurité, sur un certain nombre de dérives qui, ici ou là,
commencent à prendre des proportions que certains jugent inquiétantes, surtout,
bien entendu, chez ceux qui paient, c'est-à-dire, théoriquement, pour
l'ensemble des communes de chaque département.
Certains départements ont abouti à un
modus vivendi
avec les conseils
généraux, afin que les chocs financiers ne soient pas trop grands. Mais, dans
d'autres départements, que je connais bien, malgré les précautions prises et
l'engagement fort du conseil général, l'augmentation de la contribution
courante des communes a atteint de 20 % à 25 %.
Une telle situation peut être supportée une année, voire deux, mais elle
commence à l'être difficilement la troisième et risque d'être insupportable la
quatrième. Dans la mesure où la qualité de la protection s'améliore, nous
pouvons l'expliquer à nos concitoyens. Mais, si nous leur disons qu'il s'agit
simplement de renforcer les moyens des états-majors, certains d'entre eux
commencent à nous poser des questions parfois gênantes.
Ma seconde question a trait plus largement à ce que l'on appelle la sécurité
civile.
Ayant eu l'honneur de succéder à Maurice Schumann à la tête du Haut comité
français de défense civile, j'ai tendance à étendre un peu la définition que
recouvre le terme pour passer de la simple protection à une conception de
défense, car il faut tenir compte du changement de mentalité qui s'est opéré
chez nos concitoyens dans l'appréhension de l'environnement dans lequel ils
vivent, que cet environnement soit naturel, technologique ou, hélas ! de
caractère terroriste, comme on dit aujourd'hui, même si, pour ma part, je
considère qu'il s'agit moins de terrorisme dans le sens classique du terme que
d'une guerre non déclarée par des moyens conventionnels.
Avons-nous pris, monsieur le ministre, suffisamment conscience - au sein de
votre ministère, en particulier - du fait que l'on ne peut se préparer aux
situations qui vont découler de l'existence de cette menace latente - et
parfois précise - qui pèse sur nous tous ?
Nous devons nous préparer à être en permanence « inquiets », non pas au sens
de la peur ou de la terreur préventive, mais dans le sens du non-repos
intellectuel et de la veille permanente. Or je ne suis pas certain, pour
prendre un exemple, que la manière dont sont menés dans notre pays les
exercices destinés à faire face à des difficultés majeures issues soit d'une
catastrophe naturelle soit d'un acte de malveillance organisé correspondent
exactement à ce que nous devrions en attendre.
J'ai assisté à trop d'exercices de sécurité civile, préparés des semaines,
voire des mois à l'avance, pour savoir que, même lorsqu'ils connaissent la
nature des événements qui vont se dérouler et auxquels il leur faudra faire
face, les responsables s'occupent surtout du positionnement, avant le
déclenchement de l'alerte, de leurs moyens d'intervention et, par conséquent,
de la manière dont ils seront notés une fois que l'on aura fini de lire leur
rapport pour constater que tout s'est bien passé.
Un exercice où tout s'est bien passé est un mauvais exercice ! N'avons-nous
pas, au sein de nos administrations, un peu trop de quiétude et pas assez
d'inquiétude ? S'inspirera-t-on un jour enfin de la manière dont les Américains
mènent ce genre d'exercice, ce qui leur a permis d'évacuer 30 000 personnes du
World Trade Center au cours de l'heure qui s'est écoulée entre le choc des
avions et l'effondrement des tours ?
Des sociétés spécialisées, ne dépendant pas du Gouvernement, devraient
préparer de telles simulations, en en compliquant au fur et à mesure le
déroulement, afin d'anticiper sur les éventuels dysfonctionnements. Mais je ne
suis pas sûr que notre administation soit préparée à une telle éventualité ! Je
souhaite, pour ma part, que le concept d'inquiétude y soit plus largement
développé.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, mes chers collègues, après tout ce qui a été dit ce
soir, je serai relativement bref.
Entre 1996 et 2000, les coups et blessures volontaires et les vols avec
violence, c'est-à-dire les actes qui, en réalité, créent le climat d'insécurité
chez nos concitoyens, ont augmenté de 42 %. Dans le même temps, d'après les
statistiques fournies par le ministère de l'intérieur, les effectifs réels de
police, hors personnel administratif, ont augmenté de 1 %.
Une augmentation des actes violents de 42 %, pour 1 % de policiers
supplémentaires ! En quatre ans, le ratio, diraient les financiers, ne me
paraît pas avoir évolué dans le sens de la maîtrise de la délinquance !
Alors, bien sûr, monsieur le ministre, une augmentation de 2 % des effectifs
pour 2002, ce n'est pas négligeable. Mais est-ce à la hauteur des défis ?
Alors, bien sûr, une augmentation de 4,5 % des engagements financiers, ce
n'est pas négligeable. Mais, lorsque l'on décompte l'inflation, le coût des
mesures salariales, surtout avec les rallonges de ces derniers jours, et le
coût de la réduction du temps de travail, a-t-on plus ou même autant de
policiers sur le terrain ?
Monsieur le ministre, contrairement peut-être à d'autres, quoiqu'en ait dit M.
Peyronnet tout à l'heure, ce n'est pas vous personnellement que nous mettons en
cause. Pour ma part, je considère même, je l'ai déjà dit en d'autres occasions,
que vous avez fait la démonstration, dans le cadre de vos fonctions, de votre
volonté d'accorder des moyens à la police et je n'ignore pas que vous avez, à
plusieurs reprises, manifesté votre attachement à l'autorité de l'Etat
républicain.
Mais, à gauche, vous n'êtes pas seul ! Etes-vous suivi entièrement par vos
amis politiques ?
(Oui ! sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin.
Sûrement pas tous !
M. Roger Karoutchi.
Etes-vous suivi par Bercy ?
Nous avons tout de même souvent le sentiment que, au sein de la gauche
plurielle, on a davantage tendance à qualifier d'« autoritaires » ceux qui sont
pour l'autorité, et de « sécuritaires » ceux qui sont pour la sécurité. Et,
franchement, ce ne sont pas les récentes prises de position de vos amis Verts
qui peuvent nous rassurer !
Les statistiques du ministère de l'intérieur montrent que le nombre de mineurs
mis en cause a augmenté de près de 80 % entre 1990 et 2000. Mais il ne faut
surtout pas toucher à l'ordonnance de 1945, fût-ce à la marge, sur des points
qui permettraient de régler des problèmes quotidiens de sécurité, et sans qu'il
soit pour autant question d'adopter des solutions extrêmes, dont nous ne
voulons d'ailleurs pas.
Les statistiques du ministère montrent que les crimes et délits ont augmenté
de plus de 9,5 % entre le premier semestre 2000 et le premier semestre 2001.
Mais il ne faut surtout pas trop parler d'insécurité ou de sentiment
d'insécurité, parce qu'on s'expose alors à porter la responsabilité de
l'alarme.
Tout à l'heure, cher collègue Jean-Claude Peyronnet, vous avez dit que la
droite, c'était ça, que c'était elle qui portait cette responsabilité.
Eh bien, pour moi, au moins une partie de la gauche et une partie du
Gouvernement sont affectées par le syndrome de Darios. Chacun se souvient de ce
souverain perse achéménide qui avait pour fâcheuse habitude de faire exécuter
les messagers porteurs de mauvaise nouvelle, considérant que c'était un moyen
d'effacer la nouvelle. C'est ainsi que ce roi ô combien mémorable avait, après
la défaite de Marathon contre les Grecs, fait exécuter le messager.
En fait, la gauche et le Gouvernement accusent la droite d'être la porteuse
des mauvais messages. Comme si c'était la droite qui créait l'insécurité parce
qu'elle la dénonce ! Comme si l'on pouvait faire diminuer la délinquance en
évitant de la signaler ! Tout cela n'est pas très sérieux...
Ces dernières semaines, plus de 40 000 policiers, de droite et de gauche, ont
manifesté dans les rues pour demander des moyens humains et matériels leur
permettant d'accomplir leur mission. Mais il ne faut surtout pas parler de
malaise de la police ou de la gendarmerie !
Les statistiques nous annoncent, concernant la police, 30 000 départs à la
retraite dans les toutes prochaines années. Que se passera-t-il ? Faudra-t-il
fermer des commissariats ou ne les ouvrir qu'à certaines heures ? Je crois
savoir, monsieur le ministre, qu'un commissariat a fermé le 14 octobre dernier
à Poitiers, faute d'effectifs. Tout cela alors que, dans son rapport de 1999,
la Cour des comptes estimait à 10 000 le nombre de policiers affectés à des
tâches indues. Ce serait déjà un vrai soulagement s'ils étaient réaffectés,
notamment grâce à des créations de postes administratifs.
Les actes de délinquance dans le métro parisien ont augmenté de 27 % pour le
seul premier semestre 2001. Certes, un pas a été fait avec la coordination des
forces par le préfet de police, mais il n'y a toujours pas de police régionale
des transports.
Monsieur le ministre, pour apporter des réponses aux policiers, aux gendarmes,
aux juges, à l'ensemble des Français, écoutez donc ce que vous disent les élus,
de droite mais aussi de gauche. Ouvrez donc le débat sans tabou ni
a
priori
. Si nous voulons éviter les surenchères, comme semblait le souhaiter
M. Peyronnet, il faut que tous les thèmes, de la tolérance zéro à
l'accroissement du pouvoir des maires, de la participation financière des
collectivités locales pour les équipements de sécurité - au demeurant, beaucoup
de collectivités en apportent déjà une - à la redéfinition du rôle de la police
nationale, des risques liés à la « ghettoïsation », dont parlait Nelly Olin
tout à l'heure, à l'approche de nouveaux modes de vie de nos concitoyens,
soient abordés de manière ouverte, à la fois sans exclusive et sans excès.
La vérité, c'est que la sécurité, et vous avez raison sur ce point, monsieur
le ministre, n'est ni de gauche ni de droite. C'est un bien pour tous les
Français. La difficulté, c'est de les écouter tous.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Zocchetto.
M. François Zocchetto.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années, le Gouvernement affiche la sécurité comme un axe prioritaire
de sa politique.
Or force est de constater que, malgré cet affichage, la volonté politique ne
se perçoit pas sur le terrain.
Les chiffres officiels, que je ne rappellerai pas, sont clairs. Il révèlent
une augmentation, une diffusion de la délinquance et de la criminalité, en même
temps qu'une aggravation dans leurs formes. Parmi les faits constatés, les
actes commis avec violence sont de plus en plus fréquents. Les destructions et
dégradations progressent de façon inquiétante, tout comme les infractions avec
coups et blessures volontaires et les vols à main armée.
L'augmentation préoccupante du nombre de mineurs mis en cause est l'autre
caractéristique de cette recrudescence spectaculaire de la délinquance.
Cette situation nous rappelle une évidence : contrairement à ce que d'aucuns
prétendent, l'insécurité n'est pas un sentiment, c'est bien une réalité
quotidienne pour des millions de Français. Et désormais, ce phénomène ne se
limite pas aux zones urbaines : l'évolution du nombre de faits constatés en
zones rurale et péri-urbaine est alarmante.
Notre conclusion est sans appel : le Gouvernement a échoué dans un domaine
régalien auquel il a pourtant prétendu donner une large priorité.
Il y a quelques années, le redéploiement des effectifs sur la voie publique
était présenté comme un des piliers de l'action gouvernementale en matière de
sécurité publique. En avril 1998, un excellent rapport - un de ses auteurs, M.
Jean-Jacques Hyest, m'a précédé ce soir à cette tribune - se concluait sur
soixante-cinq propositions. Aucune suite sérieuse n'a été donnée à ce travail.
L'abandon de cette réforme me paraît symptomatique de la méthode du
Gouvernement consistant à afficher publiquement des objectifs tout en rejetant
les moyens d'y parvenir.
Autre problème très préoccupant : le profond malaise des fonctionnaires de
police, qui n'ont vraiment pas l'impression, eux, depuis quelques années,
d'être la priorité du Gouvernement.
Il semble que l'approche du printemps prochain ait facilité les contacts et le
déblocage en urgence de crédits supplémentaires. Pourtant, on ne peut qu'être
surpris devant ce qui s'apparente fort à de l'improvisation quand on sait la
gravité de la situation de ces personnels.
Que dire des incohérences de la politique gouvernementale, prise en tenaille
entre des départs massifs à la retraite et la mise en oeuvre chaotique des 35
heures ? Comment ne pas comprendre la réaction des forces de l'ordre face à
cette dégradation continue de leurs conditions de travail ?
Il est vrai que le travail des policiers et des gendarmes n'est pas facilité
par l'attitude de certains magistrats. Sur ce point, je souhaite vous poser une
question, monsieur le ministre : comment peut-on admettre qu'un syndicat qui
dit représenter 30 % des magistrats appelle les juges à ne pas appliquer la loi
?
M. Gérard Longuet.
Oui, c'est surprenant !
M. François Zocchetto.
Je veux parler des mesures antiterroristes que vous nous avez présentées il y
a peu et que nous avons tous, ou quasiment tous, votées avant qu'elles ne
soient définitivement adoptées à l'Assemblée nationale. Là, nous sommes en face
de très graves dérèglements de nos institutions et, malheureusement pour vous
et votre collègue garde des sceaux, ces graves dérèglements doivent être
assumés par le Gouvernement.
Voilà quelques raisons, mais elles sont majeures à mes yeux, pour lesquelles,
monsieur le ministre, je ne pourrai pas apporter mon soutien au budget de la
sécurité que vous nous présentez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le souhaitez, je ne
vais pas faire devant vous un exposé rappelant les points forts du budget du
ministère de l'intérieur en 2002. Je vais plutôt revenir sur différents sujets
que vous avez évoqués.
J'insisterai, bien entendu, sur les éléments nouveaux intervenus depuis mon
passage devant les commissions des finances et des lois de votre assemblée,
notamment la préparation du projet de loi de finances rectificative et l'accord
conclu le 29 novembre dernier avec les syndicats de police.
Pour simplifier mon propos, je le diviserai en trois parties : premièrement,
les questions de police ; deuxièmement, les questions relatives à la sécurité
civile ; enfin, troisièmement, les moyens et la gestion des préfectures.
Actualité oblige, je commence par les questions de police. Après vous avoir
écoutés, il me semble que plusieurs mises au point sont indispensables pour
éclairer nos débats.
L'accord qui a été passé dans la nuit de jeudi à vendredi dernier avec les
représentants des personnels de la police nationale répond, je crois, à de
nombreuses critiques que j'ai entendues ici aujourd'hui et que j'ai lues dans
les rapports de MM. de Montesquiou et Courtois.
Le Gouvernement a en effet adressé jeudi soir aux policiers un signe fort de
reconnaissance de la qualité et de l'utilité de leur travail au sein de la
société. Car c'est bien au sein de la société que montent la délinquance et la
violence.
En 2002, les mesures nouvelles indemnitaires et catégorielles pour les
personnels de la police nationale atteindront plus de 1,1 milliard de
francs.
C'est la raison pour laquelle une ouverture de crédits supplémentaires de 772
millions de francs vous sera soumise ce soir par voie d'amendement, venant
s'ajouter aux 361 millions de francs déjà prévus dans la loi de finances.
M. Philippe Marini.
Prélevés sur quoi, ces crédits supplémentaires ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'imagine, monsieur Marini, que vous ne
souhaitez pas une augmentation des dépenses publiques, vous qui êtes plutôt
partisan de les « raccourcir » toujours un peu plus !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Nous aimerions des redéploiements !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est une manière de répondre également à M. de
Montesquiou, qui parlait du « paradoxe de Vaillant » ; excusez-moi, mesdames,
messieurs de la majorité sénatoriale, mais ce n'est pas un moindre paradoxe que
de vous entendre en permanence dire : « Trop de dépenses publiques ! Trop de
déficits ! » et de vous voir toujours prêts à dilapider les deniers publics !
Il n'y en a jamais assez !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Or, nous, nous dotons la police nationale des moyens...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Nous, nous préférons les redéploiements !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... que vous lui refusiez à l'époque où vous
étiez aux responsabilités !
M. Philippe Marini.
Les moyens, vous les avez surtout pour les 35 heures !
M. Claude Domeizel.
Vous êtes contre ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ces crédits supplémentaires permettront la
poursuite de la réforme du régime indemnitaire des gradés et des gardiens, avec
en particulier le doublement, au 1er janvier prochain, de l'allocation de
maîtrise.
Les officiers bénéficieront d'une revalorisation très significative de leur
carrière, comme le demandent d'ailleurs vos rapporteurs, et d'une nouvelle
amélioration de leur régime indemnitaire.
La grille des commissaires sera également revue et une nouvelle bonification
indiciaire leur sera attribuée lorsqu'ils occupent les postes les plus
difficiles.
Enfin, les personnels administratifs, techniques et scientifiques se voient
également attribuer une enveloppe significative.
Je précise que toutes ces mesures ont été adoptées par les syndicats
majoritaires dans les trois corps, gradés et gardiens, officiers, commissaires,
ainsi que par les syndicats des personnels administratifs.
Ces mesures supplémentaires visent à mieux compenser les charges de travail et
les risques encourus par les policiers. Les gardiens de la paix auront ainsi
une rémunération augmentée de 8 600 francs par an en 2002. Un gardien de la
paix titulaire affecté à Paris en début de carrière gagnera donc, primes
incluses, plus de 10 000 francs nets par mois l'année prochaine.
Différentes propositions ont également été retenues pour renforcer la place de
la police nationale dans la société. Une mission a été créée à cet effet. Dès
l'année prochaine, une journée de la police nationale sera organisée sur
l'ensemble du territoire. Ces mesures sont utiles pour signifier la
reconnaissance de la société envers les policiers.
Sachez que cet accord a également permis d'adopter un plan d'action renforcée
contre la violence qui prévoit un renforcement de la présence policière sur la
voie publique et un plan de lutte contre le trafic d'armes sur l'ensemble du
territoire. Ce dernier point répond, vous le savez, à une demande forte des
policiers, mais aussi de l'ensemble de nos concitoyens.
Ce plan définit aussi cent nouveaux sites sensibles où seront engagées des
actions ciblées répressives, complémentaires de la police de proximité. J'ai
déclenché cette première expérience en janvier 2001 sur quatorze sites. Et l'on
voit bien à quel point ces opérations, préparées en amont à la fois par la
hiérarchie policière et par la hiérarchie juridiciaire, donnent de bons
résultats. Dans tous les quartiers où elles ont été développées, par exemple,
au Pigeonnier à Amiens, à Nice ou à Strasbourg, les petits caïds de quartier
sont déstabilisés. Il nous faut donc poursuivre.
Je n'admettrai jamais que l'on dise qu'il y a dans notre pays des zones de
non-droit, des zones où les policiers ne peuvent pas aller. C'était ainsi, mais
cela n'est plus possible aujourd'hui et cela ne le sera plus.
(Exclamations
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Bret.
C'était vrai du temps de la droite !
M. Dominique Braye.
Quel angélisme ! Venez chez nous ! Cela dure depuis cinq ans !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce plan permettra également d'assurer une
meilleure protection des policiers, avec la dotation en gilets pare-balles de
tous les personnels sur la voie publique et la mise en place d'un dispositif
d'assistance juridique renforcée pour les fonctionnaires de police.
M. Philippe Marini.
Une heureuse découverte !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Si je suis conduit à donner à chaque policier,
sur la voie publique, un gilet pare-balles, c'est bien parce qu'il n'en avait
pas et cela ne date pas d'hier !
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini.
Cela fait près de cinq ans que vous êtes là ! Vous auriez dû vous en rendre
compte plus tôt !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sachez également que la Chancellerie a adressé
le 28 novembre dernier une circulaire de politique pénale rappelant aux
parquets les dispositions pénales applicables en cas d'agressions contre des
agents des forces de l'ordre.
Je vous rappelle que le Gouvernement prépare un plan d'action stratégique pour
la police nationale pour les cinq prochaines années, évoqué également dans
l'accord de la semaine prochaine...
M. Bruno Sido.
Trop tard !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... mais avec une phase d'application immédiate,
celle du plan d'action renforcée qui s'appliquera dès 2002.
Ce document, qui répondra, je l'espère, au souhait de M. Bret, fera un
diagnostic de la situation actuelle et tirera les conséquences pour la sécurité
intérieure des évolutions de la délinquance depuis deux ans et de l'élévation
des menaces terroristes à la suite des attentats du 11 septembre.
A partir de ce constat et de cette analyse prospective, les missions
prioritaires de la police nationale et les adaptations à apporter à
l'organisation et au fonctionnement de ses structures seront définies.
Ce plan d'action stratégique permettra enfin d'apprécier les besoins
supplémentaires à satisfaire dans les cinq prochaines années. Il fournira un
cadre de référence extrêmement utile pour assurer plus de sécurité à nos
concitoyens. Il pourra servir de base à l'élaboration, en 2002, d'une loi de
programmation sur la sécurité intérieure que certains d'entre vous appellent de
leurs voeux, semble-t-il. Le Gouvernement, vous le constatez, prépare
l'avenir.
M. Dominique Braye.
Il est grand temps !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je veux bien travailler à l'élaboration d'une
loi de programmation, pour peu qu'il y ait les moyens et qu'elle ne reste pas
lettre morte comme la loi d'orientation et de programmation relative à la
sécurité, la LOPS, que vous avez soutenue et votée.
M. Jean-Pierre Bel.
Bravo !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Au total, cet accord répond, je crois, à
plusieurs des causes du malaise policier, souligné dans vos rapports.
Sur un plan strictement budgétaire, l'effort supplémetaire consenti depuis le
vote du budget de l'intérieur à l'Assemblée nationale est très significatif :
680 millions de francs au titre de la loi de finances rectificative pour 2001
et 772 millions de francs de mesures nouvelles supplémentaires pour les
rémunérations des fonctionnaires, présentées par amendement à la loi de
finances initiale.
M. Philippe Marini.
C'est un redéploiement !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, pour la police nationale,
c'est un élément essentiel, qui va dans le sens de la priorité du Gouvernement
et de ce que vous souhaitez. J'espère donc, bien évidemment, bénéficier de
votre soutien.
Ce sont au total près de 2,5 milliards de francs supplémentaires pour la
police en 2002. L'importance des mesures décidées ne peut être comparée qu'au «
plan Joxe » de modernisation de la police en 1985.
Vous devez, je crois, vous en réjouir. En tout cas, en venant présenter au
Sénat la loi de finances dans ces nouvelles conditions, je pensais recueillir
un assentiment, tant la demande était forte de la part des policiers et de la
majorité à l'Assemblée nationale.
M. Dominique Braye.
Vous n'avez que des mauvais résultats !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'était aussi une demande de la commission des
finances et de la commission des lois du Sénat. Je pensais donc présenter des
éléments qui allaient donner satisfaction sur toutes les travées de la Haute
Assemblée.
M. Dominique Braye.
Mais on regarde les résultats, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais peut-être partagez-vous l'opinion de M.
Nicolas Sarkozy, qui estime que le problème de la sécurité n'est pas une
question d'effectifs et ni de moyens ».
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Il ne faut jamais extraire des propos de leur contexte !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Il faut tout dire ! Votre citation est partielle
!
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Vous réagissez, mais j'ai constaté un
silence.
M. Philippe Marini.
C'est un problème de justice et non de police !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je dois dire que le communiqué de votre
commission des finances de ce matin m'a également plongé dans l'expectative.
M. Dominique Braye.
Il faut tout dire. C'était partiel !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Partial, avez-vous dit ?
(Sourires.)
Dans le contexte actuel, comment pouvez-vous dire que le nombre de policiers
augmente et que le nombre d'heures travaillées diminue ?
M. Philippe Marini.
Eh oui !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les policiers sur le terrain, ceux qui mettent
en oeuvre chaque jour Vigipirate, ceux qui assurent la sécurité du passage à
l'euro et devront à ce titre renoncer à leurs congés cet hiver, ceux, surtout,
qui ont vu leurs collègues tomber à leurs côtés dans la lutte contre la
délinquance, n'apprécieraient pas ces propos s'ils étaient confirmés et encore
moins ces jugements.
M. Dominique Braye.
Pas de violons, de grâce !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Au moment où les métiers de la sécurité
traversent dans nos sociétés une véritable crise morale et où est posée la
question de la place reconnue aux policiers et aux gendarmes dans notre
société, gardons-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'appréciations
péremptoires qui ne font qu'aggraver le malaise.
La meilleure réponse que nous puissions collectivement apporter, c'est d'abord
de témoigner du respect pour le travail des policiers.
Mme Nelly Olin et M. Dominique Braye.
On en est d'accord !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Pour conclure sur ce point et en revenir au
débat budgétaire, je tiens aussi à souligner que l'accord du 29 novembre doit
trouver son financement dans le cadre du projet de loi de finances initiale
pour 2002. C'est la raison pour laquelle un amendement est, ce soir, soumis à
vos suffrages pour ouvrir 772 millions de francs supplémentaires sur les
chapitres de rémunération de la police nationale.
Le Gouvernement fait ainsi la preuve qu'il a su entendre les revendications
des policiers en réagissant rapidement et conformément au droit budgétaire, en
amendant le projet de loi de finances.
J'ajoute que l'objectif de maîtrise de nos finances publiques n'est pas remis
en cause, puisque cette ouverture de crédits sera gagée. Le budget du ministère
de l'intérieur sera évidemment mis à contribution, avec une annulation de 100
millions de francs soumise à vos suffrages tout à l'heure. Le reste du gage
vous sera prochainement présenté.
Il ne s'agit pas d'un chèque en blanc, encore moins d'une traite sur l'avenir.
Contrairement à ce que vous écrivez, monsieur de Montesquiou, le Gouvernement a
fait de la sécurité une priorité de son action.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
MM. Alain Joyandet et Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai ! Votre priorité, ce sont les 35 heures !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il assume pleinement ce choix et le traduit en
actes concrets et en mesures financées.
Je pense que ces propos ne sont pas de nature à vous gêner.
Le Gouvernement a su, en quelques mois à peine,...
M. Dominique Braye.
Vous ne savez pas compter, monsieur le ministre !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... apporter une réponse législative rapide et
efficace avec le vote de la loi sur la sécurité quotidienne.
Il a également donné une réponse politique forte avec l'accord du 29 novembre
et le plan d'action renforcée contre la violence.
Mme Nelly Olin.
C'est ce que vous dites !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il apporte ce soir une réponse budgétaire
ambitieuse et concrète aux attentes des policiers et de nos concitoyens avec un
projet de loi de finances renforcé pour 2002.
En vous écoutant et en lisant vos rapports, messieurs Courtois et de
Montesquiou, il m'a également semblé nécessaire de rappeler quelques éléments
précis sur la police de proxmité, qui me semble injustement critiquée
aujourd'hui.
Je dois souligner une nouvelle fois le caractère extrêmement récent de cette
réforme.
La première vague n'a été réellement mise en oeuvre qu'il y a un peu plus d'un
an, à l'automne 2000, au moment même où j'arrivais au ministère de l'intérieur.
La troisième ne se mettra en place qu'au début de l'année prochaine.
S'agissant des moyens des trois vagues de police de proximité, il est faux de
dire ou d'écrire, comme M. Courtois, que cette politique repose entièrement sur
des emplois-jeunes. Sachez que 1 646 gardiens de la paix ont été affectés en
2000 dans les circonscriptions de première phase, puis 1 150 dans celles de la
deuxième phase, auxquels s'ajoutent plus de 500 personnels administratifs
permettant de redéployer des personnels actifs vers la voie publique.
M. Dominique Braye.
On doit être dans la dixième phase !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Enfin, il est prévu d'affecter au début de
l'année prochaine 1 000 gardiens supplémentaires dans les 219 circonscriptions
non couvertes à ce jour.
Pour que votre information soit complète, sachez également qu'entre le 1er
janvier 2000 et le 1er janvier 2002, les effectifs opérationnels de gardiens de
la paix, c'est-à-dire sans compter les élèves, seront passés de 89 998 au 1er
janvier 2000 à 93 587 au 1er janvier 2002, soit une hausse de 3 589 en 2 ans.
J'ai ainsi l'occasion de répondre à MM. Karoutchi et Zocchetto, que, avec ce
gouvernement, tous les départs à la retraite sont compensés et que les chiffres
mentionnés à l'instant correspondent à des effectifs supplémentaires.
M. Philippe Marini.
Pour compenser les 35 heures !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Or, vous le savez bien, la politique budgétaire
du gouvernement Juppé que vous souteniez n'avais pas prévu les remplacements
des départs à la retraite.
(Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains
et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye.
Cela fait cinq ans que vous nous dites cela !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je sais bien que cela vous gêne ! Mais je ne
suis pas là simplement pour vous donner raison quand vous ne dites pas la
vérité !
M. Philippe Marini.
Assumez vos cinq années de responsabilité ! C'est vrai que c'est difficile
!
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Depuis que ce gouvernement est en place, sa
politique vise à remplacer les départs à la retraite, ce que vous n'aviez pas
prévu.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Mais non !
M. Dominique Braye.
La délinquance n'a jamais autant augmenté !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Les adjoints de sécurité viennent renforcer ces
forces avant de rejoindre, pour un grand nombre d'entre eux, les rangs des
gardiens de la paix.
Quant aux moyens de fonctionnement de la police de proximité, une mesure
nouvelle est prévue dans ce budget, en plus des dotations des deux premières
phases qui sont consolidées. Les dotations en moyens logistiques se situent à
un niveau conforme aux nécessités opérationnelles.
M. Alain Joyandet.
C'est dramatique d'entendre cela !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sachez, notamment, que, au terme de la réforme,
ce sont près de 900 implantations immobilières nouvelles qui auront été créées
dans les secteurs de la police de proximité.
M. Dominique Braye.
C'est scandaleux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Non, ce n'est pas scandaleux de créer 900
implantations nouvelles au service de la sécurité de nos concitoyens !
M. Philippe Marini.
C'est ce qu'on entend globalement qui est scandaleux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Près de 4 000 véhicules supplémentaires à deux
et quatre routes auront également été achetés en deux ans.
M. Dominique Braye.
Il faut parler globalement ! Ce que vous dites est scandaleux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'ajoute que les coûts de la police de proximité
sont parfaitement connus et à la disposition de la représentation nationale.
Je m'étonne donc de la remarque de M. de Montesquiou.
M. Philippe Marini.
Pas moi !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je préside moi-même chaque trimestre depuis un
an un comité de pilotage qui fait le point sur l'avancement précis de cette
réforme, à partir de documents très détaillés. J'ai encore tenu une réunion
hier sur ce sujet, pendant plus de deux heures.
Enfin, je crois qu'il est inexact de dire que les personnels n'adhèrent pas à
cette réforme. Lors de mes visites fréquentes sur le terrain, j'entends plutôt,
pour ma part, des encouragements à continuer et, bien entendu, à aller plus
loin.
Notre objectif est qu'à l'issue de la mise en place de la troisième phase, les
effectifs aient augmenté de 7 à 8 % dans chaque zone, dans chaque
circonscription de police de proximité. Voilà pourquoi nous procédons à des
recrutements supplémentaires, voilà pourquoi les écoles de police tournent à
plein, alors qu'elles ne tournaient qu'à moitié il y a quelques années.
L'effort de formation très important qui accompagne cette réforme de fond
permettra de lever les derniers doutes si, par malheur, ils subsistaient
encore.
Au total, vos critiques sur la police de proximité me semblent, très
honnêtement, contestables, d'autant plus qu'elles ne s'accompagnent d'aucune
proposition novatrice, d'aucune piste de réflexion sur l'avenir de la police
nationale.
J'ai bien lu vos rapports. J'ai bien cherché. Mais je n'ai rien trouvé, à part
le rappel des propositions de M. Schosteck sur la « municipalisation » de la
police nationale, propositions sur lesquelles je me suis longuement exprimé
lors de l'examen de la loi sur la sécurité quotidienne. C'est dommage ; c'est
même préoccupant.
Monsieur Schosteck, si j'ai signé un accord avec des organisations
majoritaires le 29 novembre, l'ensemble des syndicats, y compris ceux qui n'ont
pas signé l'accord que je leur ai proposé, sont contre une politique visant à
municipaliser la police, donc à la démanteler. Je tiens à le dire devant la
Haute Assemblée.
M. Philippe Marini.
Qui a le pouvoir ? Les ministres ou les syndicats ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas ce qu'on avait proposé !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est pourtant bien comme cela que les choses
ont été perçues !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Par vous !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'en viens à l'aménagement et à la réduction du
temps de travail dans la police nationale.
Vos rapporteurs estiment qu'il est impossible de maintenir le potentiel
opérationnel de la police tout en passant aux 35 heures. Pour analyser
complètement cette question - analyse qui ne figure pas, sauf erreur, dans vos
rapports, faute sans doute d'une connaissance précise de l'activité des
services de police -, je vous rappelle qu'il faut d'abord partir de la
situation réelle du temps de travail des agents et, ensuite, prendre en compte
la durée du nouveau cycle de travail, l'octroi des jours ARTT, les créations
d'emplois, les jours rachetés et, enfin, la mise en place d'outils comme le
compte épargne-temps, qui permettra de lisser dans le temps l'effet de cet
ARTT. La concertation en cours avec les personnels, dont certains éléments
fondamentaux ont été fixés dans l'accord du 29 novembre, porte sur l'ensemble
de ces points.
M. Philippe Marini.
Si vous vous occupiez de sécurité pendant ce temps-là ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La question des heures supplémentaires, évoquée
à plusieurs reprises par vos rapporteurs, est également posée. Un groupe de
travail a été créé afin d'en évaluer l'importance, de façon précise et
contradictoire, et de faire des propositions sur les modalités d'une résorption
progressive.
M. Philippe Marini.
C'est vraiment du temps de perdu !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je relève d'ailleurs une discordance entre les
travaux de vos rapporteurs sur ce point, puisque le stock d'heures
supplémentaires est évalué à 9,5 millions par M. Courtois et à 8,18 millions
par M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Il faut voir les dates de référence !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet écart entre vos deux rapports montre qu'il
est indispensable d'expertiser plus précisément encore ce sujet. Je ne crois
pas ouvrir de polémique...
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants),
je dis simplement que cela mérite d'être
expertisé davantage.
J'apporterai enfin une précision, toujours en réponse à M. de Montesquiou.
Le coût du plan Vigipirate renforcé comme celui du passage à l'euro seront
pris en compte dans le projet de loi de finances rectificative pour 2001 et non
dans le projet de loi de finances pour 2002, comme il est de règle, puisque
celui-ci a été préparé avant même les événements dramatiques du 11 septembre et
le déclenchement du plan Vigipirate renforcé.
M. Philippe Marini.
Il est dépassé avant d'être voté !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le texte qui vous sera prochainement soumis
prévoit d'ouvrir 500 millions de francs de crédits de fonctionnement pour la
police et 180 millions de francs pour les grands projets immobiliers de la
police nationale. Vous en serez, je pense, satisfaits.
Pour conclure sur le budget de la police nationale, permettez-moi, enfin, de
répondre rapidement à plusieurs des interventions que vous avez faites lors de
la discussion générale.
Je dirai un mot, d'abord, sur la prétendue « insincérité » du budget de la
police, en réponse à M. de Montesquiou. Retenez qu'en quelques années les mises
à disposition ont été réduites de façon significative, de plus de 10 %. De
même, les surnombres de gardiens de la paix, autorisés en gestion par tranches
successives depuis 1998, sont également en voie de résorption, puisque 1 000
d'entre eux seront consolidés en 2002.
Quant à la transmission des rapports d'inspection, vous savez que, jusqu'à
présent, le Gouvernement ne communique pas ces documents qui relèvent, selon la
loi du 17 juillet 1978, du « secret des délibérations du Gouvernement ».
Je n'ignore pas qu'une nouvelle disposition a été adoptée sur ce sujet à
l'article 57 de la loi organique du 1er août dernier, qui impose cette
transmission avec une réserve, toutefois, pour la sécurité intérieure. J'ai
saisi le secrétaire général du Gouvernement sur cette question.
Par ailleurs, j'ai trouvé M. Hyest quelque peu sévère avec la LOPS qui avait
été votée en 1995...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Et que vous n'avez pas appliquée !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne l'ai pas votée parce que je ne la croyais
pas applicable.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
C'était pourtant une loi de la République !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je recrute des personnels administratifs pour
redéployer des policiers sur le terrain.
Je regrette, je l'avoue à M. Hyest à titre personnel, que les propositions
contenues dans le rapport qu'il a rédigé avec son regretté collègue, Roland
Carraz, n'aient pas été mises en oeuvre comme nous l'espérions. Il faudra
revenir sur ces questions, mais vous savez bien à quel point il est
difficile...
M. Jean-Jacques Hyest.
De réformer l'Etat !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... de lutter contre des situations acquises.
Nous poursuivons cette tâche, vous l'avez dit vous-même, monsieur Hyest, à bas
bruit, car il est difficile de restructurer brigades et commissariats. Mais, je
vous rassure, des redéploiements sont effectués au sein de la police nationale,
notamment grâce à la police de proximité et au recrutement de personnels
administratifs permettant de remettre des policiers sur le terrain. J'essaie
toujours d'alléger les charges indues des policiers. Ce n'est jamais simple,
vous l'avez rappelé, mais, bien évidemment, c'est la politique que je veux
mener, car il y va de la sécurité de nos concitoyens.
Je tiens à rappeler à M. Delevoye ce qu'il semble avoir oublié, à savoir que
la loi sur la présomption d'innocence a été votée de façon quasi unanime tant
par l'Assemblée nationale que par le Sénat. En outre, elle a pour origine le
rapport commandé à un haut magistrat, M. Truche, par le Président de la
République, lui-même très attaché, à l'époque, à l'adoption de cette loi.
Puis-je ajouter un regret à titre personnel ? Cette loi sur la présomption
d'innocence, pour laquelle le Gouvernement a décidé - j'étais d'ailleurs
intervenu en ce sens - de nommer un parlementaire en mission pour l'évaluer,
comme doit l'être toute loi, avait un pendant : la réforme du CSM et une loi de
responsabilisation des magistrats, qui n'ont pu aboutir, car la réforme
d'ensemble de la justice a été bloquée. Si nous avions avancé sur ces plans, je
pense qu'un certain nombre de questions qui font l'actualité aujourd'hui
auraient trouvé des réponses.
M. Dominique Braye.
Sûrement pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je regrette que vous ayez bloqué la poursuite de
la réforme de la justice et que M. le Président de la République n'ait pu
convoquer le Congrès le 24 janvier !
(Protestations sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Faux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mais nous aurons l'occasion d'y revenir si vous
voulez que nous continuions ce débat.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
C'était prématuré !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
M. Turk a évoqué un certain nombre de sujets
plus précis.
A propos du système d'information Schengen, je tiens tout d'abord à rappeler
que nos partenaires, notamment mes homologues européens, se satisfont de ce
système basé à Strasbourg. Bien évidemment, le SIS II devra être mis en oeuvre.
Il sera déployé dès 2003, après qu'un certain nombre de tests auront été
vérifiés. Le gouvernement français, dont j'ai été le porte-parole, demande de
rester dans un système intergouvernemental qui a montré, notamment à
Strasbourg, son efficacité, cela à la satisfaction de tous. J'espère que mes
homologues européens iront dans ce sens. J'essaye en tout cas, à l'occasion des
réunions auxquelles je participe du conseil Justice et affaires intérieures, le
JAI, de trouver les soutiens nécessaires. Je souhaite la pérennisation à
Strasbourg de ce système d'information, dont la technicité donne de très bons
résultats.
Une agence va-t-elle être créée ? Une réflexion est ouverte sur ce point mais,
pour l'instant, aucune décision n'a été prise. Sur le plan budgétaire, la
contribution de la France à EUROPOL passera de 35 millions à 47 millions de
francs en 2002.
M. Plasait a évoqué la question du dispositif d'assistance juridique renforcé,
que j'ai annoncé et qui figure dans l'accord du 29 novembre, pour les
policiers. Une cellule d'appui à la direction générale de la police nationale
sera créée, un numéro vert sera ouvert. Il est prévu également l'assistance
d'un avocat pour les personnels qui ont été victimes d'agression ou qui sont
appelés à témoigner. Des instructions précises seront adressées aux chefs de
service sous un mois.
Je ne peux que vous rappeler les instructions adressées par Mme Lebranchu aux
procureurs afin que les dispositions légales soient appliquées avec rigueur
s'agissant de policiers victimes, dans le cadre de leur travail, d'agressions,
d'insultes ou de caillassages.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Espérons qu'elles seront appliquées !
M. Philippe Marini.
Heureusement qu'on a gardé la possibilité d'envoyer des instructions !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Concernant le livret, l'opuscule du syndicat de
la magistrature, j'ai eu l'occasion de m'exprimer cet après-midi à l'Assemblée
nationale après ma collègue Mme Marylise Lebranchu.
M. Alain Joyandet.
Ce sont vos copains !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ecoutez, monsieur le sénateur, un peu de
retenue, s'il vous plaît !
M. Alain Joyandet.
Vous nous provoquez !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Vous me posez une question, je vous réponds. En
quoi je vous provoque en évoquant ce document que j'ai trouvé pour ma part
insultant, scandaleux, et que je réprouve ?
M. Alain Joyandet.
Bravo !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
En accord avec les syndicats de police, j'estime
qu'il doit faire l'objet d'une réprobation générale et, éventuellement, de
poursuites.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Et au-delà !
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je voudrais au moins que vous m'en donniez
acte.
De la même manière, j'ai dit à l'Assemblée nationale cet après-midi que la loi
relative à la sécurité quotidienne votée par le Parlement, devenue loi de la
République puisqu'elle a été promulguée par M. le Président de la République,
doit s'appliquer et elle le sera par les policiers et les magistrats, qui ont
le devoir de le faire.
(Très bien ! Bonne nouvelle ! sur les mêmes
travées.)
Mais c'est normal, n'applaudissez pas à des choses banales, ou qui devraient
l'être.
Concernant les crédits ACROPOL, monsieur Plasait, la sous-utilisation relative
ne vaut que pour l'année 2000. En effet, faute de marché disponible, il n'a été
possible de consommer des crédits que de manière marginale en 2000, à savoir
160 millions de francs. En 2001, en revanche, le retard a été rattrapé et près
de 700 millions de francs ont été engagés, la consommation des crédits de
paiement a donc été normale.
A quelle date le déploiement sera-t-il achevé ? La carte du déploiement a été
modifiée en octobre 2000. Dès l'année prochaine, quatorze départements seront
équipés. Je confirme que le système sera entièrement déployé en 2007.
S'agissant de la compatibilité ACROPOL-RUBIS - évoquée par M. Courtois -, les
deux systèmes sont interopérables grâce à des passerelles techniques, car il
s'agit de la même technologie TETRAPOL.
Monsieur Karoutchi, vous êtes intervenu dans des termes que j'ai trouvés
responsables et que je partage en grande partie.
A propos des notions de sécurité et de partenariat, vous avez évoqué la
coordination dans les transports en Ile-de-France. Cela montre que la sécurité
- c'est en tout cas mon point de vue - c'est créer les conditions de la
tranquillité de chacun dans la société ; mais cela veut dire aussi que nos
concitoyens doivent être placés sur un pied d'égalité !
M. Alain Joyandet.
C'est donc la fin de l'angélisme ! (
Sourires.
)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne vous ai pas attendu ! La différence entre
nous, c'est que, pour moi, ce n'est pas sur la police seule, même si elle est
en première ligne, que reposent les conditions nécessaires pour créer une
sécurité collective au sein de laquelle chacun trouverait sa tranquillité
individuelle. Il y a aussi l'Etat, la justice, l'éducation et tous les acteurs
de l'Etat dans la société, et, au-delà, les familles, les parents et bien
d'autres !
Je ne crois pas à la thèse d'une sécurité individuelle que l'on pourrait
s'offrir en fonction de ses capacités.
M. Bruno Sido.
Personne n'a dit le contraire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles,
en dehors de la conception que je me fais d'une police nationale et des
politiques de sécurité, je ne suis pas d'accord avec la proposition que vous
faites de placer ce que vous appelez la police territoriale sous l'autorité des
maires. En effet, cela créerait une inégalité entre les citoyens...
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Non !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... alors que l'insécurité frappe déjà en
premier lieu les populations défavorisées socialement ! (
Applaudissements
sur les travées socialistes.
)
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Non ! Vous déformez !
M. Philippe Marini.
On pourrait au moins s'obliger à informer mieux ! On pourrait créer la
transparence !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cet élément me conduit à dire, comme M.
Karoutchi, que la sécurité n'est ni de droite ni de gauche. C'est une valeur
républicaine qui mérite mieux que des polémiques inutiles !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La situation des effectifs de police au
commissariat de Garges-lès-Gonesse évolue, vous le savez bien, de façon
régulière. Au 1er janvier 2000, ce service disposait de 90 policiers, de tous
corps et grades, dont 81 gradés et gardiens de la paix. Au 1er novembre 2001,
on comptabilise 94 policiers, dont 85 gradés et gardiens de la paix. A ces
personnels, il convient d'ajouter vingt adjoints de sécurité et trois
personnels administratifs.
Mme Nelly Olin.
Non !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le potentiel de ce service n'a donc pas
diminué.
De façon générale, les effectifs du Val-d'Oise ont évolué d'une façon très
positive. Le 1er janvier 1999, ce département comptait 1 156 policiers de tous
corps et grades. A la date du 2 décembre, il en avait 1 276, soit un gain de
120 postes.
Mme Nelly Olin.
Ils ne sont pas à Garges-lès-Gonesse ! Je vous invite à y venir !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Au cours de la même période, le nombre
d'adjoints de sécurité est passé de 145 à 276, soit un gain de 131 postes.
J'en arrive à la sécurité civile.
Nous discuterons de façon plus approfondie tout à l'heure, avec MM. Hoeffel et
Mercier en particulier, des conséquences sur les budgets des collectivités
locales du renforcement de la sécurité civile dans notre pays. Je me
contenterai, pour le moment, de répondre aux observations qui concernent les
services placés directement sous mon autorité.
Permettez-moi au préalable, mesdames, messieurs les sénateurs, de rendre
hommage devant vous à l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, à tous les
sapeurs-pompiers, militaires de la sécurité civile, démineurs, pilotes,
secouristes, bref, à toutes celles et à tous ceux qui, par leur dévouement,
assurent la protection de nos concitoyens et leur portent secours au quotidien
ou lors de catastrophes comme celle de Toulouse, où l'efficacité de
l'organisation des secours a été saluée unanimement ; je m'adresse notamment à
M. Girod.
S'agissant de l'intervention de M. Schosteck, je lui rappellerai tout ce que
ce Gouvernement aura fait pour améliorer l'efficacité de notre système de
sécurité civile : l'achèvement et l'amélioration de la départementalisation
décidée en 1996 ; la création d'une dotation globale d'équipement d'un milliard
de francs au profit des services départementaux d'incendie et de secours ; la
réforme, attendue depuis dix ans, du statut des sapeurs-pompiers
professionnels.
N'oubliez pas non plus la refonte de l'alerte météorologique, la modernisation
du service du déminage, le début du renouvellement complet de la flotte
d'hélicoptères, enfin le renforcement des moyens et des compétences des préfets
de zone de défense.
Tous les engagements que j'ai pris à titre personnel depuis un an ont été
tenus et mis en oeuvre rapidement.
Quant aux moyens de la sécurité civile, je peux vous indiquer que les crédits
ouverts pour la sécurité civile en loi de finances rectificative viendront
utilement compléter ceux qui sont inscrits dans ce projet de loi de finances
pour 2002. En effet, il est prévu d'ouvrir 212 millions de francs
supplémentaires.
Ces crédits permettront, en premier lieu, de faire face, dans le cadre du plan
Vigipirate, aux besoins de la lutte contre le risque nucléaire, bactériologique
et chimique, notamment pour acheter des tenues de protection pour les
personnels.
Enfin, ces crédits permettront également à la DDSC, la Direction de la défense
et de la sécurité civiles, de faire face aux dépenses prévues pour les
activités de déminage, pour la campagne de feux de forêt de cette année et pour
la maintenance de ses aéronefs.
Les crédits de fonctionnement de la DDSC, qui augmentaient déjà dans le projet
de loi de finances pour atteindre 209 millions de francs en 2002, seront ainsi
nettement améliorés.
Par ailleurs, n'oubliez pas que ce budget prévoit également une amélioration
sensible des régimes indemnitaires des métiers les plus difficiles avec la
création d'une prime, fortement attendue, pour les démineurs et l'achèvement de
la réforme du régime indemnitaire des personnels navigants de la sécurité
civile.
Enfin, je souhaite vous rappeler que ce budget permet de lancer, avec
l'ensemble des élus parisiens et des département de la petite couronne, un
vaste plan de modernisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui
prévoit, sur six ans, environ 500 millions de francs supplémentaires pour le
renouvellement des matériels de la brigade et 750 nouveaux emplois de
militaires, soit plus de 10 % d'effectifs supplémentaires.
Je dirai aussi quelques mots sur les nouveaux hélicoptères, en réponse à M.
Schosteck. Je vous indique que c'est l'industriel qui est responsable des
retards enregistrés par ce programme ; il me l'a d'ailleurs confirmé pas plus
tard qu'hier, puisque je le recevais place Beauvau : le président-directeur
général d'Eurocopter reconnaît effectivement que la société a livré avec retard
le matériel correspondant à la demande. Pour ma part, je souhaite que le
matériel livré à nos pilotes corresponde à la qualité attentue et à
l'engagement pris.
Je peux vous préciser que la réception des premiers appareils aura lieu à
partir de janvier et que quinze appareils seront livrés en 2002.
Quant à l'état major de zone de Lille, monsieur Schosteck, je vous informe
que, depuis le 1er septembre dernier, une équipe de trois militaires a été
affectée au secrétariat général de la zone de défense et est actuellement en
formation au centre interrégional de coordination des opération de sécurité
civile, le CIRCOSC, de Rennes. Un quatrième militaire et trois officiers de
sapeurs-pompiers professionnels arriveront prochainement. Le chef d'état-major
zonal prendra ses fonctions le 15 janvier prochain.
Enfin, le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, première loi
de ce type depuis quinze ans, permettra de poursuivre cette évolution attendue
par tous nos concitoyens. Je tiens à vous indiquer sur ce point que ce texte
sera déposé dans les délais prévus. Nous sommes actuellement dans une phase de
concertation, notamment avec les grandes associations d'élus.
Quant à la coexistence de deux textes traitant au même moment ou presque de la
sécurité civile, vous savez monsieur Schosteck, qu'ils ne sont pas tous les
deux de même nature : le projet de loi relatif à la démocratie de proximité
vise à améliorer le fonctionnement des SDIS ; le projet de loi de modernisation
de la sécurité civile aura un champ beaucoup plus large et concernera
l'ensemble des acteurs de la sécurité civile.
Nous avons voulu introduire dans le projet de loi relatif à la démocratie de
proximité, suivant en cela les recommandations des rapports du sénateur Pierre
Mauroy et du député Jacques Fleury, la partie sur les SDIS. J'avais annoncé, le
6 octobre dernier, à Strasbourg, lors du congrès des sapeurs-pompiers, une loi
pour la fin de l'année 2001, après toutes les concertations et les travaux
nécessaires. Ce texte sera soumis au conseil des ministres et, je l'espère,
adopté avant la fin de l'année 2001, pour que la prochaine législature s'en
saisisse. C'est toujours ce que j'ai dit ! Je n'ai pas dit que ce texte serait
voté avant la fin de cette législature ! Vous pouvez reprendre toutes mes
interventions sur ce point : je n'ai aucun risque d'être pris en défaut.
En ce qui concerne le volontariat, monsieur Mercier, sur les cinquante-quatre
paragraphes du message de la Sainte-Barbe, nombreux sont ceux qui traitent à la
fois des volontaires et des professionnels, même si un seul porte, c'est vrai,
sur les volontaires.
(M. Mercier acquiesce.)
L'année 2002 sera celle des
dossiers du volontariat. Comme vous le savez, cela a déjà été annoncé,
notamment à Saint-Brieuc.
M. Michel Mercier.
On en reparlera tout à l'heure !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La concertation, notamment avec les élus, avec
l'Association des présidents des conseils d'administration des services
départementaux d'incendie et de secours, les CASDIS, et avec l'Association des
maires de France a été permanente au cours de ces derniers mois.
M. Michel Mercier.
Ah oui !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est difficile de discuter avec des
associations - vous pouvez très bien le comprendre - dont les exécutifs sont en
cours de renouvellement. Mais toutes les concertations sont possibles et je les
souhaite, car c'est la meilleure manière d'avancer.
Mme David, MM. Mercier et Girod se sont exprimés à propos de la réduction du
temps de travail chez les sapeurs-pompiers. Le décret sera soumis au Conseil
d'Etat dans le courant de la semaine prochaine et je souhaite très vivement
qu'il puisse être publié avant la fin de l'année. Quoi qu'il en soit, j'ai déjà
fait diffuser les principales dispositions de ce texte, de telle sorte que les
discussions puissent s'engager sans tarder. Je sais d'ailleurs que tel est le
cas.
Le projet de décret vise à adapter la nécessité de la réduction du temps de
travail aux contraintes opérationnelles et à permettre à chaque CASDIS de
négocier avec les syndicats, avec une certaine souplesse, en fonction de la
situation propre à chaque département.
Quant aux suites de l'explosion de l'usine chimique de Toulouse, des mesures
importantes seront prises, dans le cadre de la loi de finances rectificative,
pour l'acquisition de matériels, et des tenues de protection nucléaires,
bactériologiques et chimiques seront proposées pour protéger les sauveteurs,
aussi bien les policiers que les pompiers.
En ce qui concerne la prévention, de nombreuses réflexions sont en cours, qui
se traduiront très concrètement dans des projets de loi que préparent les
ministères intéressés, sous la conduite de mon collègue ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur Girod, le renforcement des états-majors de zone était une nécessité
et il sera poursuivi. Des mesures seront notamment prévues dans la loi sur la
modernisation de la sécurité civile.
Les exercices en matière de sécurité civile sont, heureusement, de plus en
plus nombreux. Je sais à quel point vous vous intéressez à ces sujets, monsieur
le sénateur ; nous avons eu l'occasion de les évoquer ensemble. Ces exercices
concernent l'ensemble des acteurs des crises potentielles. Ils sont
nécessaires, vous avez raison, car il faut se mettre en situation de pouvoir
répondre aux situations de crise.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas améliorer les dispositifs, et les
expériences dans les pays voisins que vous avez citées doivent être examinées
avec soin. Il faut prendre le meilleur partout, de manière que notre système,
déjà considéré comme performant, puisse être encore amélioré.
Je terminerai, avant de conclure, avec le budget des préfectures, qui
bénéficient, elles aussi, de mesures nouvelles très significatives l'année
prochaine, comme l'ont d'ailleurs observé MM. Hoeffel et de Montesquiou dans
leurs rapports.
Le Gouvernement a en particulier décidé de stabiliser les emplois des
préfectures, tout comme ceux de l'administration centrale, en 2002. C'est la
fin d'un long mouvement de suppression d'emplois dans ces services. Cette
stabilité permettra d'engager en 2002 une gestion plus active du personnel des
préfectures, avec en particulier des renforts ciblés dans les services qui en
ont le plus besoin, notamment ceux qui sont responsables de l'accueil des
publics défavorisés, du contrôle de légalité, de l'asile territorial et du
contrôle de gestion.
Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit près de 125 millions de
francs de mesures catégorielles pour les personnels placés sous l'autorité du
directeur général de l'administration. Les personnels des préfectures
bénéficieront, à eux seuls, de plus de 100 millions de francs de mesures
catégorielles, soit trois fois plus qu'en 2001 et presque sept fois plus qu'en
2000.
C'est une étape très importante vers la parité avec les régimes indemnitaires
des services déconcentrés de l'Etat.
Ce projet de loi de finances permet également de poursuivre l'expérience de
globalisation des crédits des préfectures, lancée pour trois ans en 2000 et
dont l'évaluation sera conduite au cours de l'année 2002.
Les rapporteurs vous en ont parlé, mais je tiens à insister sur ce point : les
préfectures sont les seuls services de l'Etat à expérimenter ce nouveau mode de
gestion qui anticipe la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative
aux lois de finances, adoptée en juillet dernier. D'ailleurs, je remercie les
sénateurs, notamment M. de Montesquiou, qui l'ont souligné et qui ont reconnu
que le ministère de l'intérieur était à la pointe à cet égard.
En 2002, le champ de cette expérimentation s'étendra à quatre nouvelles
préfectures : le Calvados, l'Oise, la Haute-Vienne et l'Yonne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, le 23 novembre 2000, à Lyon,
je m'étais engagé devant les représentants de toutes les préfectures à lancer
un plan d'action pluriannuel pour les préfectures.
Le projet de la loi de finances pour 2002 crédibilise de façon décisive
l'ensemble de cette démarche qui vise à simplifier les tâches des préfectures
et à renforcer leurs moyens d'intervention.
Par ailleurs, je tiens, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale, à vous
informer qu'un accord sur la politique de gestion prévisionnelle de l'emploi,
des effectifs et des compétences au sein de la direction générale de
l'administration, pour améliorer la qualité du service rendu aux usagers, a été
signé, comme dans la police, par les principales organisations syndicales
représentatives des personnels.
Je rendrai prochainement public le plan d'action pluriannuel pour les
préfectures et je dresserai le bilan des initiatives déjà engagées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère avoir répondu à l'essentiel de vos
interrogations et vous avoir démontré la qualité et la pertinence du projet de
budget du ministère de l'intérieur pour 2002, encore amélioré par les
amendements soumis à votre examen ce soir.
Ce projet de budget sans précédent mérite, je le crois, un vote favorable de
votre part.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, pour moi, le mot « sécurité » recouvre aussi
bien la police que la sécurité civile. De ce point de vue, les efforts qui sont
faits doivent être salués, non pas pour satisfaire le Gouvernement, mais parce
que la question des moyens humains et matériels mis au service de la sécurité
de nos concitoyens doit nous rassembler. En effet, monsieur Karoutchi, la
sécurité n'est ni de gauche, ni de droite. C'est un valeur républicaine. C'est
un devoir pour l'Etat, et j'espère que vous en tiendrez compte dans votre vote.
Par avance, je vous en remercie.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, j'ai été surpris que, dans un
discours de quarante-cinq minutes sur la police, vous n'ayez fait référence ni
à l'insécurité, ni à l'efficacité de l'utilisation des crédits.
C'est peut-être cela aussi, le « paradoxe Vaillant » !
Paradoxe encore dans le fait que le nombre de policiers augmente mais que le
nombre total d'heures de travail effectuées par la police diminue ; comme dans
le fait que, si les crédits augmentent, l'insécurité, elle aussi, augmente !
Je trouve extraordinaire que vous ayez senti le besoin de rappeler qu'il
fallait sévir lorsque les forces de police étaient attaquées, alors que c'est
une évidence.
Vous avez dit qu'un effort considérable était consenti en faveur des
commissariats. En réalité, les crédits baissent de 17 %.
Pour ce qui est des heures supplémentaires, il y a une divergence entre mes
chiffres et ceux qu'a cités M. Schosteck. Pour ma part, je n'ai fait que
reproduire les réponses à mon questionnaire que m'ont fournies vos services.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cela me paraît heureux !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
La divergence vient non pas de nous mais de vos
services, monsieur le ministre.
Vous avez mis, c'est vrai, la sécurité au rang des priorités, mais ne
niez-vous pas la hausse de l'insécurité ?
Vous dites que les zones de non-droit n'existent plus, mais, monsieur le
ministre, je vous invite à aller avec moi dans une voiture de la BAC ou une
voiture de police à Bagatelle ou à Empalot, mais, je vous le demande, portez un
casque, car les boules de pétanque pleuvent !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne vous ai pas attendu pour y aller !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Pas dans une voiture marquée « Police » !
Pour ce qui est de la police de proximité, les rapports d'évaluation m'ont été
refusés. Vous dites que c'est une anomalie. J'en suis d'accord, d'autant que
des extraits sont parus dans la presse.
Monsieur le ministre, à plusieurs reprises, vous avez fait allusion au fait
que nous n'aurions pas assez anticipé les départs en retraite. Je voudrais
rappeler que, sur les vingt dernières années, vous avez été quatorze ans au
pouvoir !
M. Philippe Marini.
Il est temps de partir en retraite !
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Au-delà des crédits, ce qui me semble important,
c'est l'état d'esprit des policiers. Aujourd'hui, ils ne se sentent pas
soutenus politiquement, et les manifestations de masse sans précédent
démontrent mieux que tous les discours qu'ils n'ont pas du tout le sentiment
d'être considérés.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la sécurité inscrits à la
ligne « Intérieur et décentralisation » seront mis aux voix aujourd'hui à la
suite de l'examen des crédits affectés à la décentralisation.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 210 771 640 euros. »
L'amendement n° II-75 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi
libellé :
« Majorer les crédits du titre III de 106 256 964 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, je présenterai en même
temps l'amendement n° II-76, ce qui me dispensera d'intervenir à nouveau
ultérieurement.
Le Gouvernement a en effet déposé deux amendements : l'un porte sur le titre
III, l'autre sur le titre V. Tous deux tirent les conséquences de l'accord
signé le 29 novembre dernier avec les syndicats de policiers.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention générale, le coût de cet accord
est de 772 millions de francs.
Les ouvertures de crédits correspondantes seront réparties sur les chapitres
31-41, « Police nationale, rémunération principale », et 31-42, « Police
municipale, indemnités et allocations diverses ».
Ces crédits permettront de financer les mesures de revalorisation des
rémunérations des différentes catégories de personnels de police prévues dans
cet accord, en particulier le doublement de l'allocation de maîtrise des
gardiens de la paix.
Toutefois, pour manifester sa volonté de maîtriser les finances publiques, le
Gouvernement a souhaité vous présenter en même temps une partie du gage de
cette ouverture de crédits. Il s'agit à ce stade, bien entendu, de la part qui
revient au seul ministère de l'intérieur. Elle sera répartie sur deux chapitres
de fonctionnement et sur un chapitre d'investissement.
Naturellement, j'ai choisi les chapitres sur lesquels porte le gage en tenant
compte de leur assiette et de l'évolution des charges qu'ils supporteront en
2002.
Pour le chapitre 34-31, le chapitre de fonctionnement de la police, ce gage ne
représente que 1,2 % des crédits et correspond à une économie de
constatation.
Il représente moins de 2 % des crédits d'informatique et d'immobilier, et
cette mesure, qui ne concerne pas que la police, ne soulèvera pas de
difficultés en gestion. Les autorisations de programme sont, en particulier,
préservées.
Par ailleurs, comme je vous l'ai indiqué, une taxation des différents
départements ministériels sera mise en oeuvre à hauteur de 672 millions de
francs.
Enfin, monsieur de Montesquiou, puisque vous faisiez allusion aux
commissariats, je tiens à vous préciser que l'augmentation des autorisations de
programme est bien de 12,4 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-75 rectifié et
II-76 ?
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Le Gouvernement nous propose donc de majorer les
primes des policiers et de financer une partie de ces majorations en diminuant
les crédits de fonctionnement de la police, les crédits d'informatique du
ministère et les crédits de paiement de la police.
Avant de donner l'avis de la commission, il conviendrait de connaître les
dépenses et les opérations auxquelles le ministre compte renoncer pour financer
ces primes.
En d'autres termes, le Gouvernement a fait le choix de majorer les primes,
nous en prenons acte, mais à quoi renonce-t-il ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je n'ai pas de réponse à apporter à ce stade.
L'accord remonte au 29 novembre dernier. Un amendement a été proposé, ce qui
est conforme à la procédure. Bien évidemment, les services, en particulier
celui de la direction du budget et des affaires immobilières, vont procéder aux
choix, mais, à ce stade, ces derniers ne sont pas faits.
Je ne peux donc vous en dire plus, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Aymeri de Montesquiou,
rapporteur spécial.
Votre réponse, monsieur le ministre, ne me paraît pas
très satisfaisante.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-76, je rappelle que les crédits de
paiement pour l'immobilier de la police ont déjà diminué de 17 %. L'ensemble
des crédits d'investissement du ministère diminuent de 18,5 %.
Dois-je rappeler que l'investissement immobilier est une nécessité pour la
police de proximité ? Certains commissariats sont dans un état déplorable. Je
pense notamment à celui de Bobigny, dont la décrépitude est inacceptable et
donne une image désastreuse de la police.
La commission des finances a déjà dénoncé le fait que le Gouvernement
privilégie systématiquement les dépenses de fonctionnement - notamment de
personnel - au détriment des dépenses d'investissement.
En conclusion, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement
n° II-75 rectifié, mais elle est défavorable à l'amendement n° II-76.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-75 rectifié.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en
arrivons à un point tout à fait intéressant du débat.
M. le ministre nous a fait part des conclusions des négociations auxquelles il
a été nécessaire de procéder, compte tenu du grand émoi, que nous pouvons
comprendre, de l'ensemble des policiers, de ces policiers qui se sentent
démotivés, parfois abandonnés, et qui sont plongés dans un climat d'insécurité
qui leur pèse, comme il pèse à nos concitoyens.
M. le ministre, a dû, dans l'urgence, je dirais presque dans l'improvisation,
souscrire à un dispositif destiné à désamorcer la crise. Il faut avoir
conscience, mes chers collègues, de la gravité et du caractère particulier de
celle-ci. Voir ceux qui assurent au quotidien notre sécurité manifester sur la
voie publique pour traduire leur lassitude est en effet exceptionnel dans
l'histoire de notre République.
En quelque sorte, M. le ministre vient ce soir devant nous avec la note à
payer, la note, oserai-je dire - qu'il me le pardonne -, de son imprévoyance !
La note d'une politique qui ne s'est pas fondée sur les bonnes priorités depuis
plusieurs années.
Aujourd'hui, dans le cadre d'un projet de loi de finances déjà « bouclé » et
dont on ne peut modifier les équilibres, on nous propose donc un redéploiement
des crédits.
M. le ministre nous dit qu'il a négocié pour éviter le désespoir d'une grande
partie des forces de l'ordre et qu'il faut maintenant le suivre.
Monsieur le ministre, le Sénat ne peut pas s'y opposer. Mais il remarque
seulement que ces crédits supplémentaires ont pour contrepartie des économies
sur des dépenses que vous aviez pourtant négociées pied à pied avec le
ministère des finances. Aujourd'hui, vous nous dites qu'on peut faire des
économies ici ou là.
Je suis convaincu que, avant l'accord, ces crédits dont vous aviez obtenu
l'inscription dans votre projet de budget, vous les considériez comme
indispensables jusqu'au dernier franc. Tout d'un coup, ils ne sont plus
indispensables !
Monsieur le ministre, c'est ce paradoxe, cet autre « paradoxe Vaillant », que
je veux souligner.
Vous nous proposez de procéder par redéploiement. Il faut s'y résigner et,
d'ailleurs, dans le même temps, vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous
renvoyez une bonne part des crédits au collectif budgétaire, qui, en théorie,
ne devrait traiter que du « bouclage » de l'année 2001. Vous ne nous ferez pas
croire, monsieur le ministre, qu'y inclure des mesures à caractère permanent
relève d'une bonne gestion !
Naturellement, vous ne disposez que d'une très faible marge de manoeuvre.
Certes, il faut en passer par la négociation pour éviter la démotivation des
policiers, car ce sont d'abord eux qui assurent la sécurité ; certes, il
convient d'améliorer l'ambiance dans les services de police ; mais nous ne
devons quand même pas nous laisser prendre au piège, accepter la méthode que
vous employez et approuver la politique que vous appliquez, avec les résultats
désastreux qu'elle engendre.
En d'autres termes, monsieur le ministre, si nous devons bien entendu nous
résigner à voter le premier amendement, nous repousserons le second, qui vise à
amputer les crédits d'équipement des commissariats, déjà si insuffisants.
S'agissant de l'ensemble des crédits, je pense que le Sénat décidera à une
large majorité de manifester le mécontentement, le désappointement et le
désaccord qui sont les siens au regard de votre manière d'assurer, si mal, la
sécurité dans notre pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce qui me différencie peut-être de M. Marini et
de ses amis, c'est que, pour moi, l'expression « dialogue social » a un
sens.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Quand un malaise se fait jour, nous le traitons, nous négocions afin de
déboucher sur des arbitrages. C'est ainsi que nous réglons les problèmes.
Ce n'est pas à cette heure tardive que j'évoquerai des souvenirs, mais c'est
peut-être cette capacité de dialoguer qui a manqué naguère à un gouvernement
que vous souteniez, monsieur Marini. Je n'y insisterai pas davantage...
Pour ma part, j'assume entièrement les choix qui ont été faits. Personne ici
ne doit oublier que le projet de budget initial pour 2002 allouait 1 milliard
de francs supplémentaires à la police par rapport au budget pour 2001, qui,
lui-même, marquait une forte progression par rapport à l'exercice 2000. Lorsque
cette information a été rendue publique, on a d'ailleurs jugé que la police
nationale était une priorité pour le Gouvernement.
En outre, la loi de finances rectificative que j'évoquais tout à l'heure a
ajouté 680 millions de francs, soit 180 millions de francs pour l'immobilier et
500 millions de francs pour le fonctionnement de la police nationale, notamment
pour l'équipement des policiers. Cela relativise les propos que vous teniez à
l'instant, monsieur Marini, sur les redéploiements au sein du budget de la
police nationale.
A cet égard, si l'on considère le budget global de la police, ce sont
finalement 672 millions de francs supplémentaires qui ont été inscrits sans
provenir de redéploiements. Ceux-ci n'affecteront d'ailleurs pas les éléments
essentiels qui fondent la politique de sécurité.
S'agissant de l'effort consenti en matière d'immobilier, faut-il rappeler que,
en quatre ans, les crédits consacrés à l'immobilier de la police nationale ont
doublé et sont passés de 727 millions de francs en 1997 à 1 463 millions de
francs en autorisations de programme, si l'on fait le total des crédits
inscrits en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative ? Tels
sont les chiffres !
Ainsi, en 2001, dix projets sont en chantier, à savoir six hôtels de police et
quatre commissariats pour un investissement de 704,7 millions de francs, à
Bordeaux, Montpellier, Tours, Strasbourg, Bobigny, Agen, Bron, Bercy,
Saint-Maur et Saint-Claude. En outre, neuf projets sont livrables en 2002, à
savoir quatre hôtels de police et cinq commissariats pour un montant total de
250,5 millions de francs, à Agen, Strasbourg, Auxerre, Saint-Maur,
Saint-Claude, Savigny-le-Temple, Bron et Bercy.
M. Alain Joyandet.
Vous citez deux fois les mêmes opérations !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'ai dit que les immeubles en question étaient
en chantier en 2001 et livrables en 2002 ! Voilà des éléments concrets ! Les
centaines de lieux d'implantation de la police que j'évoquais tout à l'heure
traduisent, des plus modestes aux plus importants d'entre eux, une politique
dynamique, qui relève bien des priorités que nous avons affirmées.
Certains gouvernements, faut-il le rappeler, ont procédé à des redéploiements
dans les jours suivant le vote de la loi de finances initiale. Ne vaut-il pas
mieux le faire devant le Parlement, comme aujourd'hui, pour faire face à une
situation d'urgence, vécue comme telle par les policiers et par nos concitoyens
? J'appartiens à un gouvernement qui veut répondre aux préoccupations et aux
demandes légitimes des policiers, et j'attends du Sénat qu'il ne rejette pas
des mesures utiles et justes. Je pense que les policiers apprécieraient que
vous votiez nos propositions.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-75 rectifié, pour lequel la commission
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : 368 817 307 euros. »
Le vote sur le titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 308 747 000 euros ;
« Crédits de paiement : 89 953 000 euros. »
L'amendement n° II-76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits de paiement du titre V de 3 811 226 euros. »
Je mets aux voix l'amendement n° II-76, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Le vote sur le titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 786 422 000 euros ;
« Crédits de paiement : 786 521 000 euros. »
Le vote sur le titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la sécurité.
décentralisation
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la décentralisation.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous abordons ce débat sur les relations
financières entre l'Etat et les collectivités locales à une heure très tardive,
aussi essaierai-je d'être bref.
Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des finances du
Sénat, vous nous avez présenté votre projet de budget pour la décentralisation
comme étant proche de la perfection. En tout cas, vous nous avez dit à
plusieurs reprises qu'il était excellent.
Toutefois, en matière de crédits, il y a les apparences et la réalité.
Les apparences sont tout à fait en votre faveur, monsieur le ministre. Il est
vrai que les concours de l'Etat aux collectivités locales augmentent. Entre
1998 et 2002, ils ont progressé de 92 milliards de francs, ce qui est
extrêmement élevé. Pour l'exercice 2002, votre projet de budget prévoit une
augmentation importante, à hauteur de 4,67 %, de la dotation « phare » que
l'Etat verse aux collectivités locales, à savoir la dotation globale de
fonctionnement, la DGF.
Ce chiffre est satisfaisant. On pourrait donc estimer, si l'on s'en tenait là,
que 2002 est un bon cru pour les collectivités locales.
Cependant, monsieur le ministre, ce sont là les apparences. Je voudrais, en
quelques minutes, essayer d'examiner la réalité des relations financières entre
l'Etat et les collectivités locales. Il me semble que celle-ci doit être
envisagée sous un double point de vue.
En premier lieu, il faut analyser la qualité, en quelque sorte, de la
progression des concours de l'Etat ; en second lieu, il convient d'étudier si
ce dernier, au-delà du montant des crédits, laisse les collectivités locales
utiliser librement les dotations ou s'il tend de plus en plus à leur indiquer
quelles doivent être leurs décisions dans tel ou tel domaine, à leur imposer,
en somme, des dépenses.
En ce qui concerne le premier point, que recouvre l'augmentation des concours
de l'Etat aux collectivités ? Elle est tout à fait considérable - 92 milliards
de francs sur quatre ans, je le rappelle - mais elle est due, pour l'essentiel,
aux compensations que l'Etat doit aux collectivités locales, parce qu'il a
décidé de supprimer en tout ou partie certains impôts.
Le montant de ces compensations s'est accru de 213 % sur les quatre exercices
que j'ai précisés, ce qui est époustouflant ! Toutefois, c'est autant
d'autonomie fiscale enlevée aux collectivités locales. On peut discuter le
contenu de l'enveloppe financière accordée, mais, quoi qu'il en soit, l'Etat
donne ce qu'il doit, et l'on ne peut donc porter à son crédit l'augmentation
des compensations.
Si l'on s'intéresse maintenant à la seule DGF, on constate qu'elle n'a
progressé que de 8 %. Ce n'est pas négligeable, il est vrai, mais l'ampleur
n'est pas non plus tout à fait la même.
Tel est le premier point que je voulais soulever.
En ce qui concerne le second, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que
si vous disposiez d'une marge financière cette année, qui serait un bon cru,
n'était-ce pas alors l'occasion d'améliorer la qualité du financement des
collectivités locales ? Fallait-il véritablement affecter l'augmentation de la
DGF d'une façon un peu aveugle, au chapitre habituel ? N'était-ce pas le moment
de mieux financer l'intercommunalité ? N'était-ce pas le moment de proposer
quelques pistes de réflexion, plutôt que de s'en tenir à une application tout à
fait correcte, je vous en donne acte, mais sans vrai souffle de la législation
actuelle, alors que nous savons tous qu'un vrai problème de financement se
pose, notamment pour l'intercommunalité ?
A ce propos, les deux dotations les plus favorables à la péréquation,
c'est-à-dire la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de
solidarité rurale, la DSR, vont supporter un déficit du fait de la réforme que
vous proposez pour financer les communautés d'agglomération. Je ne voudrais pas
reprendre un thème qui a été largement utilisé tout à l'heure par certains de
mes collègues, mais il s'agit tout de même là d'un paradoxe que vous auriez pu,
je le crois, éviter.
La qualité de l'augmentation des concours de l'Etat nous amène donc à
relativiser fortement le caractère idyllique que pourrait suggérer une
présentation hâtive des crédits de votre ministère.
Cela étant, si nous mettons en perspective ces crédits et la liberté qu'ont
les collectivités locales de les utiliser, l'année 2002 est alors vraiment un
très mauvais cru pour les collectivités locales.
Tout d'abord, les augmentations que j'ai évoquées sont largement gagées par
des dépenses décidées par l'Etat et touchant au fonctionnement même des
collectivités locales. En effet, la moitié de l'augmentation de la dotation
globale de fonctionnement sera, en quelque sorte, absorbée par la hausse des
traitements de la fonction publique. S'il n'est nullement dans notre intention
de nous opposer à la majoration des traitements des fonctionnaires, nous
regrettons que le Gouvernement décide seul, sans jamais consulter les
collectivités locales ni les associer à la décision.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le temps est venu de changer
d'attitude ? Si le Gouvernement est mû par une véritable volonté
décentralisatrice, ne peut-il trouver le moyen d'associer les collectivités
locales, d'une façon ou d'une autre, à la détermination des traitements des
agents des collectivités locales ?
De surcroît, lorsque le Gouvernement prend des décisions dans ce domaine, il a
tendance à vouloir augmenter les salaires les plus bas plutôt que les salaires
les plus élevés, ce que nous ne condamnons d'ailleurs pas. Or, historiquement,
dans la structure de la fonction publique locale, les fonctionnaires relevant
du bas de l'échelle sont les plus nombreux. Aussi, les décisions que vous
prenez pèsent plus sur les collectivités locales que sur l'Etat. Ce temps-là
est révolu. Un gouvernement qui se dit décentralisateur ne peut pas continuer
dans cette voie. Là, un problème se pose. En effet, sur l'augmentation de la
DGF, la moitié sera consacrée à l'augmentation du traitement des fonctionnaires
et les collectivités locales ne participent pas à la discussion.
Par ailleurs, en 2002, de nouvelles dépenses seront mises à la charge des
collectivités locales. Je serai très bref car chacun les connaît. Je pense au
sort particulièrement néfaste réservé aux départements.
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Je prendrai quelques exemples.
Le premier concerne la nouvelle allocation pour les personnes âgées. Je
rappelle que, pour les départements, le coût de cette allocation s'établit à
5,5 milliards de francs,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Au moins !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
... soit un montant légèrement supérieur au montant
de la progression de la DGF. C'est donc une charge extrêmement lourde, et nous
n'y pouvons rien car elle résulte d'une décision du Gouvernement. Là encore,
nous ne contestons pas le bien-fondé de l'allocation. Cependant, le
Gouvernement aurait dû débattre du financement avec les collectivités
locales.
Monsieur le ministre, vous avez abordé tout à l'heure les questions que
j'avais soulevées concernant les sapeurs-pompiers. Je n'y reviens pas en
l'instant car nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen du projet
de loi relatif à la démocratie de proximité. Je rappellerai simplement que les
six décrets du 30 juillet dernier ont été pris sans concertation ni
consultation, les collectivités n'ayant plus qu'à payer.
Autre exemple : Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a, au cours de
négociations qu'elle a menées avec ses fonctionnaires comme vous en avez
vous-même menées avec les policiers, sur la réduction du temps de travail,
décidé de créer 45 000 emplois dans le secteur hospitalier et médico-social,
sans la moindre consultation ou concertation avec les collectivités locales.
Or, la semaine dernière, nous avons appris, par hasard - et si j'ai bien
compris, nous n'étions pas les seuls, puisque ni votre ministère ni Bercy
n'étaient au courant - que, sur ces 45 000 emplois, plusieurs milliers étaient
à la charge des collectivités locales. Cette méthode est inadmissible !
Monsieur le ministre, si nous prenons les augmentations de recettes que vous
avez annoncées et qui sont incontestables, si nous regardons ce qu'elles
recouvrent vraiment et si nous les mettons en perspective avec les dépenses que
vous imposez pour 2002 aux collectivités locales, force est de constater que
l'exercice 2002 sera pour les collectivités locales, du fait de leurs relations
financières avec l'Etat, un très mauvais cru. C'est la raison pour laquelle, au
nom de la commission des finances, je ne peux qu'inviter notre assemblée à
rejeter les crédits du ministère de l'intérieur pour 2002.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la commission des lois s'est en particulier intéressée, lors de
l'examen des crédits relatifs à la décentralisation, à deux problèmes : d'une
part, l'évolution des concours financiers aux collectivités locales et, d'autre
part, l'évolution vers une nouvelle étape de la décentralisation.
En ce qui concerne les concours de l'Etat, il convient, en toute objectivité,
de reconnaître qu'ils augmentent sensiblement, en particulier s'agissant de la
dotation globale de fonctionnement. Cette évolution prévue pour 2002 ne doit
cependant pas faire oublier un certain nombre d'inquiétudes, et j'en relèverai
cinq.
Première préoccupation : les règles d'indexation de l'enveloppe normée ne
permettent pas d'associer pleinement les collectivités locales aux fruits de la
croissance, à laquelle elles apportent pourtant une contribution majeure.
Depuis 1999, l'indexation prenait en compte une part croissante du PIB et on
aurait pu souhaiter que cette part, déjà en sensible augmentation par rapport à
une situation précédente mais dans des contextes économiques et budgétaires non
comparables, soit portée à 50 % en 2002.
Deuxième préoccupation : le contrat de croissance et de solidarité n'établit
aucun lien entre l'évolution des concours de l'Etat et l'évolution des charges
des collectivités locales. Or ces charges sont elles-mêmes fortement
évolutives, en particulier sous l'effet de décisions prises par l'Etat seul
mais applicables automatiquement aux collectivités locales, par exemple pour la
rémunération des fonctionnaires et en matière de normes. Je n'évoquerai pas les
charges évolutives fortes concernant les départements puisque le rapporteur
spécial M. Michel Mercier l'a très bien fait.
Troisième préoccupation : l'ajustement de l'enveloppe normée par le biais de
la dotation de compensation de la taxe professionnelle aboutit, année après
année, à une amputation forte de cette dotation, pourtant destinée à compenser
des pertes de recettes fiscales. Il en résulte un manque à gagner évident pour
les collectivités locales.
Quatrième préoccupation : le montant de deux milliards de francs, prélevé pour
partie sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et intégré
dans la dotation globale de fonctionnement des groupements, risque d'être
insuffisant pour financer les communautés d'agglomération, ce qui pourrait
entraîner une ponction et sur la dotation de solidarité rurale et sur la
dotation de solidarité urbaine.
Enfin, cinquième et dernière préoccupation : la multiplication des abondements
dits exceptionnels hors enveloppe normée, le poids croissant des compensations
d'exonération de fiscalité locale traduisent l'impasse dans laquelle est engagé
un système de financement local qui,à bien des égards, semble « à bout de
souffle », pour reprendre la formulation employée par le président du Sénat, M.
Christian Poncelet, devant le dernier congrès de l'Association des maires de
France.
A l'heure où se profile une nouvelle étape de la décentralisation, la
commission des lois s'est, par ailleurs, intéressée à trois questions.
La première concerne les conditions d'exercice des mandats locaux. Au cours
des dernières années, en particulier sous l'impulsion du Sénat, des progrès ont
été accomplis pour renforcer la sécurité juridique des mandats locaux.
La loi Fauchon du 10 juillet 2000 a utilement clarifié la définition des
délits non intentionnels. Je pense également, pour 2001, à l'entrée en vigueur
du nouveau code des marchés publics et à la réforme des chambres régionales des
comptes.
Ces progrès devraient être amplifiés par l'élaboration d'un véritable statut
de l'élu. Sur le rapport de notre collègue M. Jean-Paul Delevoye, le Sénat a
adopté, en janvier dernier, une proposition de loi relative à la démocratie
locale qui s'inscrit dans le droit fil de ces orientations. Nous ne doutons
pas, monsieur le ministre, qu'elle servira de base pour l'examen du projet de
loi relatif à la démocratie de proximité.
Deuxième élément qui doit être souligné : le mouvement en cours de
renforcement de la coopération intercommunale doit être poursuivi à partir de
la libre volonté des communes dans un cadre juridique simplifié et ménageant la
souplesse nécessaire.
Ce développement de la coopération intercommunale ne doit pas se faire au
détriment de l'identité communale.
M. Gilbert Barbier.
Bravo !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour avis.
A ce sujet, nous avons entendu vos propos, monsieur
le ministre, au cours du dernier congrès de l'Association des maires de France.
Nous devons souligner d'une manière positive la concordance de vues qui est
apparue, notamment dans votre intervention lors de ce congrès, avec les
orientations précisées au cours dudit congrès.
Cette dimension devra évidemment être prise en compte dans les réflexions sur
la désignation au suffrage universel direct des délégués intercommunaux. Nous
aurons l'occasion, là encore, d'y revenir au cours du débat sur le projet de
loi relatif à la démocratie de proximité.
Enfin, dernier élément à propos de l'évolution de la décentralisation,
l'avenir du système de financement local suscite incontestablement de légitimes
inquiétudes et des incertitudes.
Les recettes fiscales représentent désormais moins de la moitié des ressources
globales des collectivités locales. Ce constat doit être relativisé lorsque
l'on compare notre système de financement local avec celui qui est en vigueur
chez certains de nos partenaires européens. Toutefois, ce point devait être
relevé et la commission des lois l'a fait.
Il en résulte un certain brouillage entre fiscalité et compensations et la
menace d'une dépendance financière accrue des collectivités locales à l'égard
de l'Etat.
Le Sénat a souhaité mettre un coup d'arrêt à cette dérive en adoptant, sur le
rapport de notre collègue M. Patrice Gélard, la proposition de loi
constitutionnelle qui avait été présentée par M. le président Christian
Poncelet. D'ailleurs, la commission Mauroy va dans la même direction. Ne
s'est-elle pas prononcée très clairement, elle aussi, pour la préservation de
l'autonomie fiscale des collectivités locales ?
A ce stade, et je conclurai sur ce point, il a semblé utile à notre commission
des lois de souligner que la réforme du système de financement local devra
reposer sur deux piliers : l'autonomie fiscale des collectivités et la
péréquation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis, à la
majorité, un avis défavorable sur l'adoption des crédits consacrés à
l'administration territoriale et à la décentralisation dans le projet de loi de
finances pour 2002. Elle reconnaît qu'un effort certain avait été entrepris, en
particulier en direction des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Cependant, les inquiétudes quant à l'avenir l'ont emporté sur les
considérations immédiates.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 7 minutes ;
Groupe socialiste : 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 12 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons
déjà eu, dans cette enceinte, un débat sur les recettes des collectivités
locales. Je me permettrai donc de formuler quelques remarques sur les concours
de l'Etat pour 2002.
Il me paraît nécessaire, tout d'abord, de réformer profondément le mécanisme
de la DGF et d'améliorer le statut des élus locaux.
Permettez-moi cependant, monsieur le ministre, d'attirer en tout premier lieu
votre attention sur une anomalie : le titre VII de votre budget, « réparations
et dommages de guerre », n'est pas abondé, et il pourrait difficilement l'être
puisqu'il ne figure même plus dans la nomenclature budgétaire de votre
ministère !
M. Gérard Longuet.
C'est exact !
M. Claude Biwer.
Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, dans le département de la Meuse,
quatorze ponts ont été détruits pour faits de guerre en 1940 mais n'ont
toujours pas été reconstruits. Seules des structures provisoires, qui
vieillissent bien mal, ont été mises en place.
De plus, ces ponts sont situés sur des voies communales et sur le territoire
de petites communes rurales comme Regnéville-Samogneux, Champneuville,
Boncourt, Champougny, Pagny-sur-Meuse, Bislée, Montblainville, Sorcy,
Saint-Germain, Troyon, Quincy-Landzécourt, Martincourt-sur-Meuse, Inor,
Vacherauville. Je pourrais en citer d'autres, mais je crois que nous savons de
quoi nous parlons.
En conséquence, quelle initiative comptez-vous prendre, monsieur le ministre,
au besoin au niveau interministériel, afin que des crédits soient à nouveau
ouverts pour pouvoir reconstruire ces édifices et garantir, ainsi, la sécurité
de leurs utilisateurs, assurant, du même coup, la reconnaissance qui s'impose
aux communes concernées, car elles ont beaucoup souffert au cours des conflits
du siècle dernier ?
Vous nous avez présenté, monsieur le ministre, un budget faisant apparaître
une évolution positive des dotations de l'Etat aux collectivités locales pour
2002. Mais la hausse de 4 % de la DGF risque d'entraîner ultérieurement une
régularisation négative, pour certaines structures intercommunales en
particulier. J'observe, en effet, que, malgré cette progression, vous êtes dans
l'obligation de maintenir des majorations exceptionnelles de la DGF pour
assurer une revalorisation correcte de la dotation de solidarité urbaine, la
DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, ce qui démontre, s'il en
était besoin, à quel point la DGF est à bout de souffle.
A la vérité, cette DGF est devenue, au fil des années, un véritable monstre.
J'ai en effet remarqué que, pour répartir certaines de ses composantes, il
fallait prendre en compte pas moins de seize critères ou paramètres différents
: comment voulez-vous que les élus locaux, voire les parlementaires, s'y
retrouvent ?
Mais la DGF souffre également, me semble-t-il, de vices cachés de conception,
qui sont au nombre de trois : le critère de population différenciée dans
l'ancienne dotation de base, l'ancienne dotation ville-centres et, surtout, la
garantie de progression minimale.
Ce dernier mécanisme permet à chaque commune de bénéficier d'une progression
annuelle de sa DGF allant de 0,5 % à 2 % suivant les années. Mais
qu'adviendrait-il si cette garantie n'existait pas ? Assisterait-on à une
diminution généralisée de la DGF pour toutes les communes ou, au contraire,
comme il est permis de le penser, à une baisse importante de la DGF des villes
riches et à une hausse de cette même dotation pour les autres communes ?
Je serais très heureux que notre commission des finances se penche sur cette
question, car j'ai le sentiment que, lointaine héritière du VRTS, le versement
représentatif de la taxe sur les salaires, la DGF ne fait que pérenniser des
situations acquises qui constituent autant d'injustices au détriment des
communes rurales. N'est-il pas choquant de constater, par exemple, que la DGF
de certaines de ces communes est tellement faible que leurs maires et adjoints
n'osent même pas percevoir la totalité des indemnités auxquelles ils peuvent
prétendre ?
Ce qui me paraît également inquiétant, c'est le financement de
l'intercommunalité. De nombreuses communautés de communes rurales ont vu leur
DGF diminuer dans des proportions importantes au fil des années. J'ose espérer
que l'on n'a pas déshabillé Pierre pour habiller Paul, en d'autres termes que
le financement des communautés d'agglomération, par définition urbaines et pour
lesquelles des dotations précises sont prévues, ne s'est pas fait au détriment
des communautés de communes plutôt rurales. Il convient d'observer, en effet,
qu'il y a de plus en plus de communautés de communes ; or la dotation
d'intercommunalité ne progresse pas suffisamment pour répondre à la demande.
Je souhaiterais qu'un effort financier soit réalisé en faveur de la DGF des
communautés de communes ; mais cet effort doit être financé par le budget de
l'Etat et non pas pris sur la masse globale de la DGF.
Monsieur le ministre, les collectivités locales supportent toujours plus de
charges nouvelles sans véritable compensation. C'est notamment vrai en matière
d'infrastructures routières et de transport dans le cadre des contrats de plan,
lesquels font financer par les régions et les départements des programmes que
l'Etat est incapable de prendre en charge.
De ce point de vue, le département de la Meuse souhaite que la nécessaire
réflexion sur le doublement de l'autoroute A 31 sur le sillon mosellan - M.
Longuet ne me démentira pas en sa qualité de président de région -...
M. Gérard Longuet.
Je confirme !
M. Claude Biwer.
... s'accompagne de réalisations concrètes concernant directement notre
département.
Ainsi, la liaison Nord-Sud par une route nationale partant de Luxembourg-Arlon
pourrait traverser le département de la Meuse par Verdun et Bar-le-Duc pour
relier la vallée de la Loire et le réseau autoroutier Sud vers la vallée du
Rhône. De son côté, la rocade Nord-Lorraine, axe routier national Calais-Bâle,
permettrait d'assurer le désenclavement du Nord meusien et de son environnement
transfrontalier, porteur de dynamisme économique.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention
sur le statut de l'élu. Les conditions d'exercice des mandats locaux ne se
limitent pas, bien évidemment, à des problèmes indemnitaires. Mais la gestion
de nos communes et des structures intercommunales est devenue si complexe et
prenante qu'il est de plus en plus difficile de concilier vie professionnelle
et exercice d'une responsabilité locale.
Les indemnités des maires ont été, fort heureusement, revalorisées. Cependant,
comme je l'indiquais tout à l'heure, certains d'entre eux ne peuvent bénéficier
de cette revalorisation, faute de moyens. De plus, de façon tout à fait
inexplicable, les indemnités des maires-adjoints et des présidents
d'établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, n'ont pas été
concernées par cette revalorisation, ce qui est parfaitement regrettable.
Je suis, par ailleurs, persuadé que la répartition socioprofessionnelle des
maires ne correspond pas à la moyenne nationale : ainsi, j'observe que peu de
salariés et de cadres du secteur privé et de moins en moins de membres des
professions libérales s'engagent dans la vie publique. Il apparaît clairement
que, pour ces derniers, la conciliation de la vie professionnelle et l'exercice
d'un mandat est quasi impossible. Il s'agit là d'un appauvrissement de notre
démocratie, et je ne suis pas certain que le niveau actuel des indemnités,
voire la majoration des crédits d'heures, soient suffisants pour inverser cette
tendance.
Monsieur le ministre, cela a souvent été dit, la démocratie a un prix.
Celui-ci peut être sans grande contrainte supporté par les grandes
collectivités, mais c'est beaucoup moins vrai pour les communes rurales.
L'indispensable amélioration du statut des élus locaux devra donc également
s'accompagner d'une augmentation des dotations - DGF, dotation en faveur de
l'élu local - versées aux communes rurales ; sinon, nous aurons une France à
deux vitesses : d'une part, des villes et des intercommunalités urbaines
relativement aisées, gérées par des élus disposant d'une indemnisation correcte
et, d'autre part, des communes ou des intercommunalités rurales toujours aussi
pauvres, gérées par des élus faiblement indemnisés.
M. le président.
Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Claude Biwer.
Je conclus, monsieur le président.
Je regrette qu'au cours de cette législature le Gouvernement n'ait pas
entrepris les chantiers essentiels qu'attendent les élus locaux pour
l'approfondissement de la décentralisation. Nous avons assisté, au contraire, à
une recentralisation rampante. La nécessaire complémentarité ville-campagne a
été totalement méconnue par la loi sur l'aménagement durable du territoire.
Vous n'avez pas davantage engagé la nécessaire réforme de la fiscalité locale.
Vous n'avez rien fait pour consolider la DGF et assurer de façon pérenne le
financement de l'intercommunalité, et vous n'avez réalisé qu'une timide amorce
d'amélioration du statut des élus.
Il me sera donc agréable, monsieur le ministre, d'entendre vos réponses à mes
interrogations. En attendant, pour les raisons que je viens d'énoncer, je serai
amené, comme l'ensemble du groupe de l'Union centriste, à ne pas voter votre
budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant
de la décentralisation, l'année 2002 apparaît, sous de nombreux aspects, comme
une année de transition. En effet, peu de mesures significatives ont été prises
au regard de ce qui a déjà été accompli les années précédentes, comme la mise
en oeuve de la réforme de la taxe professionnelle ou la clarification des
conditions de dégrèvement et d'allégement de la taxe d'habitation.
S'agissant des dispositions relatives aux dotations, on se retrouve, en cette
année 2002, avec un budget prévoyant expressément la prolongation du pacte de
croissance et de solidarité. Tout au plus, devons-nous rappeler que, dans le
cadre de la discussion de la première partie de la présente loi de finances, le
Gouvernement a été, une fois de plus, confronté à la nécessité de proposer des
abondements exceptionnels de dotation et a dû, dans un autre cadre, intégrer la
résolution du contentieux né de l'arrêt Ville de Pantin.
Ces abondements exceptionnels, au demeurant, posent une fois de plus une
question importante : celle de la nécessaire remise à plat du mécanisme des
dotations, notamment du devenir de la dotation d'intercommunalité.
Ma première observation portera sur le volume des sommes engagées par le
Gouvernement dans le cadre de la décentralisation. Nous nous inscrivons, cette
année encore, dans le processus de croissance et de solidarité. La progression
de l'enveloppe normée est patente, même si, dans la loi de finances initiale,
elle nous paraissait insuffisante.
Un débat a eu lieu dans cette enceinte sur cette question. Sur ce débat, je ne
reviendrai pas en détail, mais il m'inspire, pour le moins, quelques
commentaires.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle continue, dans les
faits, à jouer le rôle de variable d'ajustement de l'enveloppe normée, ce qui a
pour conséquence de la décrocher de ce qu'elle est censée prendre en charge,
c'est-à-dire la compensation du célèbre allégement transitoire des bases de 16
% voté en 1986 dans la loi de financement pour 1987.
Deuxième observation : l'enveloppe normée progresse, outre le cadre du contrat
de croissance et de solidarité, selon les règles fixées par la réforme de la
dotation globale de fonctionnement votée à l'automne 1993. Nous en connaissons
les conséquences : progression plus qu'erratique de la dotation forfaitaire,
abondements exceptionnels des différents élements de la dotation d'aménagement
et, par ricochet, de la dotation des groupements, notamment de la dotation des
communautés d'agglomération, au détriment des dotations de solidarité.
Que l'on nous comprenne bien : il n'est pas contestable en soi que
l'intercommunalité soit financée au travers d'une dotation spécifique, et nous
ne pouvons d'ailleurs que constater que le financement des communautés
d'agglomération pèse lourdement aujourd'hui sur les moyens attribués aux
communautés de communes en milieu rural.
Ce qui est discutable, c'est que l'insuffisance globale de la marge offerte
par la loi conduise à des arbitrages douloureux, qui finissent toujours par
affecter l'une ou l'autre des dotations. Il sera donc temps, au terme de
l'exécution du contrat de croissance et de solidarité, de tirer les conclusions
qui s'imposent, c'est-à-dire, en particulier, la nécessité de réformer la
dotation globale de fonctionnement.
Nous sommes entrés dans une phase de concertation et mise en avant de
propositions nouvelles.
Le développement de l'intercommunalité est en train de modifier profondément
le paysage institutionnel local. Dans certains départements, les communautés
d'agglomération qui viennent de se constituer disposent de moyens parfois plus
importants que ceux des conseils généraux ou des conseils régionaux
alentour.
Les missions dévolues aux EPCI nécessiteraient naturellement l'attribution de
moyens adaptés, pour éviter que ne ressurgisse la poussée de fièvre fiscale qui
a accompagné la première loi sur l'intercommunalité, celle de 1992.
Dans un certain nombre de cas, on observe d'ores et déjà cette dérive nouvelle
de la fiscalité, notamment à l'échelon communal, dès lors que se met en place
la taxe professionnelle unique ou d'agglomération.
La situation est particulièrement préoccupante pour les communautés de
communes situées en zone rurale et pour les communes urbaines riches en taxe
professionnelle mais à la population modeste.
Lors de l'examen de la première partie, nous avons formulé des propositions
tendant notamment à accroître le produit de la taxe professionnelle au travers
de la taxation des actifs financiers des entreprises. Cette taxation pourrait
devenir un outil efficace de péréquation réelle des ressources et de solidarité
bien comprise.
Cette proposition reste pertinente aujourd'hui et sera donc versée au
débat.
S'agissant de la progression globale des dotations, il ne nous semble pas que
la solution réside dans un partage entre dotation forfaitaire et dotation
d'aménagement, ce partage étant d'ailleurs de moins en moins équilibré.
En cette période où des menaces très sérieuses pèsent sur la poursuite du
cycle de croissance, il nous semble nécessaire de donner aux collectivités
locales la possibilité, à travers leurs dépenses de fonctionnement et
d'équipement, de contribuer à soutenir cette croissance.
La décentralisation est une forme de collaboration naturelle et mutuellement
avantageuse entre l'Etat et les collectivités locales, pour un développement
harmonieux, équitable et solidaire de parcelles de territoire.
Je ne saurais terminer cette intervention sans évoquer les acquis de la
décentralisation et ses perspectives.
Notre pays dispose d'infrastructures de qualité, notamment en matière de
réseau routier, d'équipements scolaires ou culturels. Ces infrastructures
doivent beaucoup à la mise en oeuvre des orientations fondamentales des lois de
décentralisation.
Cependant, certaines questions cruciales, en particulier dans le domaine de
l'action sociale, demeurent posées et font l'objet de controverses.
Ainsi, le financement de la couverture maladie universelle, celui de
l'allocation personnalisée d'autonomie ou des services départementaux
d'incendie et de secours sont des sujets de conflit. Il faudra bien, à cet
égard, trouver dans les années à venir des solutions plus satisfaisantes que
celles qui sont proposées aujourd'hui.
Nous persistons d'ailleurs à nous demander si le financement de l'autonomie ou
celui de la CMU ne devraient pas être recentrés sur les formes naturelles de
financement de la protection sociale, c'est-à-dire hors du champ de compétences
des collectivités locales.
Mais un autre enjeu nous attend, sur un plan plus directement politique, dans
les semaines qui viennent : celui de la discussion du projet de loi sur la
démocratie de proximité.
La décentralisation a, dans un premier temps, conduit les collectiviétés
locales à assumer un rôle nouveau dans le paysage économique et social du pays.
Elle a aussi favorisé l'émergence d'une nouvelle forme de citoyenneté, que de
multiples démarches originales de consultation des populations ont permis de
mesurer et d'amplifier. Désormais les choix de gestion des élus locaux
résultent de plus en plus souvent de la consultation la plus large possible de
la population.
Ce mouvement nous semble à la fois irréversible, parce qu'il traduit une
profonde évolution des mentalités dans le rapport au politique, et intéressant,
parce qu'il est un facteur de dialogue, de cohésion sociale et d'intervention
des citoyens dans la vie politique.
Nous voyons se dessiner une étape nouvelle de la décentralisation, au-delà du
dialogue parfois complexe entre l'Etat et les collectivités. Nous nous
attacherons, le moment venu, à réussir aussi cette étape.
Pour l'heure, nous nous contenterons de voter les crédits de la
décentralisation.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier
lieu, je ferai justice de la prétendue recentralisation dont ce gouvernement se
rendrait coupable. En second lieu, je m'efforcerai de montrer que ce même
gouvernement a, au contraire, fait beaucoup progresser la décentralisation.
Enfin, je n'aurai besoin que de quelques mots pour expliquer les raisons qui
nous conduisent, mes amis et moi, à voter les crédits de la décentralisation
qui nous sont présentés.
Mais je souhaite d'abord faire une observation sur l'atmosphère de cette
discussion.
Il m'a semblé que le ton se durcissait quelque peu. Même M. Michel Mercier m'a
semblé moins objectif que d'habitude, alorsque l'objectivité est l'une des
qualités qui lui sont généralement reconnues. Qu'il me permette de relever la
contradiction qu'il y a à réclamer l'autonomie, à exiger des compétences
fortes, d'une part, et à protester contre les dépenses supplémentaires que cela
ne peut manquer d'entraîner, d'autre part.
L'APA est, à ce titre, exemplaire. Puisque nous sommes entre nous, nous
pouvons bien le dire : si l'APA n'était pas instituée, que deviendrions-nous,
nous présidents de conseils généraux ?
(Sourires.)
Bien sûr, l'APA a un
coût, mais nous allons essayer de nous en sortir ! Et je suis sûr que le
département du Rhône s'en sortira plutôt beaucoup mieux que d'autres !
(Nouveaux sourires.)
J'en viens maintenant au premier point que j'ai annoncé : il est injuste de
parler de recentralisation à propos de l'action de ce gouvernement. Certes,
l'administration a toujours tendance à recentraliser, mais ce n'est pas nouveau
!
Cela dit, sur le plan des ressources, cette critique n'est peut-être pas
totalement illégitime. Pour autant, je ne crois pas que cela tienne à une
volonté recentralisatrice du Gouvernement. Celui-ci est essentiellement
soucieux, en l'espèce, d'utiliser des impôts à forte vocation de levier
économique ; je pense aux droits de mutation ou à la part salariale de la taxe
professionnelle.
Quels que soient les motifs, je vous le concède, ce qui compte, c'est le
résultat, et la transformation d'un certain nombre d'impôts locaux ou d'une
part d'entre eux en dotation compensatoire aboutit en effet à réduire la marge
de manoeuvre des collectivités. On atteint désormais des pourcentages de
dotation et de compensation cumulés qui mettent à mal le principe d'autonomie :
plus de 40 % pour les départements, 50 % pour les communes et même 60 % pour
les régions. Ce sont là, c'est vrai, des niveaux tout à fait excessifs.
Si l'on veut que, selon la tradition française d'un Etat unitaire tempéré par
la décentralisation, l'élu soit non un simple répartiteur, mais un responsable
de l'ampleur et de la qualité des équipements et des services, le citoyen étant
le seul juge, il faut maintenir un volume de ressources modulable par l'élu.
Au regard de ce principe, nous sommes désormais, monsieur le ministre, à la
limite de l'acceptable.
Je ne suis pas hostile à ce que, d'une façon ou d'une autre, les ressources
des collectivités locales soient assurées de façon solennelle, pourvu qu'il ne
s'agisse pas d'un « coup » politique comme il en a été tenté, et sans oublier
que le modèle qu'on nous propose souvent, celui de l'Allemagne, est très
éloigné de nos traditions d'Etat unitaire.
Je crois, comme M. Michel Mercier, que le temps est venu de mettre en place
une conférence nationale qui nous permette de discuter avec l'Etat, avec les
syndicats, peut-être avec d'autres interlocuteurs, des salaires et des
conventions collectives, lesquelles ont quelquefois des répercussions très
lourdes sur nos budgets. Ainsi les collectivités pourraient-elles faire
entendre leur voix.
L'atteinte au principe d'autonomie qui est effectivement perceptible
s'agissant des ressources des collectivités suffit-elle pour déclarer, comme
l'a fait le président Christian Poncelet devant le congrès des maires, que ce
gouvernement a incontestablement manqué le rendez-vous de la relance, de la
décentralisation ? Je ne le crois pas. Je crois même qu'il faut être atteint
d'une certaine cécité pour émettre une telle assertion.
Le simple rappel des réformes qui sont intervenues le démontre.
L'intercommunalité, après les échecs nombreux des gouvernements antérieurs ou
les ciblages manqués, progresse à très grands pas : c'est la loi Chevènement.
On peut ergoter sur tel ou tel aspect, telle ou telle insuffisance, sur
l'évolution de quelques points de la DGF, mais cette loi va structurer pour
longtemps la hiérarchie des pouvoirs dans la République, et c'est là
l'essentiel.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire met en place, avec les pays, des organismes moins structurants mais
utiles à la concertation, à la réflexion, à la programmation, à la
prospective.
Qui dirait honnêtement que la loi sur la solidarité et le renouvellement
urbains n'a pas de grandes conséquences, même si certaines sont contestables
?
Qui dirait honnêtement que nous n'avons pas progressé sur le cumul des
mandats, sur la parité, que nous n'allons pas progresser de façon tout aussi
importante sur le statut de l'élu avec le projet de loi sur la démocratie de
proximité, lequel est amendable, ainsi que vous l'avez rappelé à plusieurs
reprises, monsieur le ministre ?
Qui dira que nous n'avons pas progressé sur la représentativité des pouvoirs
élus des communautés de communes ? Sur ce point, nous serons très attentifs à
ce que le cadre communal soit bien maintenu et que l'élection des délégués de
l'intercommunalité se fasse dans ce cadre.
D'autres réformes ont traité d'aspects plus techniques mais ô combien
importants pour les élus. Je pense au contrôle des chambres régionales des
comptes ou à la réforme du code des marchés publics.
On me dira que le préfet, ici ou là, retrouve du pouvoir. Et pourquoi pas, y
compris dans la mise en oeuvre de politiques locales lorsque les collectivités
territoriales sont défaillantes ? Songeons aussi aux schémas d'accueil des gens
du voyage, au contingent de logements sociaux ou au schéma départemental
d'élimination des déchets. Pourquoi, dans ces domaines, le préfet ne
pourrait-il pas intervenir ? L'Etat existe !
La décentralisation ne s'est pas faite contre le pouvoir du préfet. Bien au
contraire, dès 1982, Gaston Defferre affirmait la nécessité de coordonner
l'action des services déconcentrés de l'Etat sous l'autorité préfectorale,
réforme qui reste, hélas ! largement à faire ou du moins à approfondir. On le
voit bien pour la commission d'aide sociale d'urgence comme pour la politique
de la famille et de l'enfance, où l'Etat doit ou devrait d'abord assurer la
cohésion de ses propres services avant de se tourner vers les collectivités
locales.
Je dirai enfin que, sans surprise, nous voterons le budget des collectivités
locales pour 2002, comme l'ont annoncé mes collègues socialistes lors du vote
de la partie recettes du projet de loi de finances.
Il est bien vrai, monsieur le ministre, que, quand on se rappelle les maigres
évolutions que nous garantissait le pacte de stabilité de M. Juppé, on ne peut
que se féliciter de voir le Gouvernement, en indexant les concours de l'Etat
sur la progression de l'inflation et de 33 % du PIB - on aurait certes pu faire
mieux, monsieur Hoeffel -, assurer aux collectivités territoriales une
augmentation très significative de ces dotations : entre 4 % et 5 %, pour une
inflation de 1,5 %.
Et n'oublions pas non plus que la bonne santé économique de la France, malgré
le trou d'air que nous traversons - espérons que ce n'est qu'un trou d'air ! -,
associée à la baisse des taux d'intérêt, accélérée par le trou d'air en
question, a donné aux communes, départements et régions une aisance, visible en
particulier dans leur désendettement, aisance qui se confirmera largement en
2002, grâce à la politique du Gouvernement.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Monsieur le ministre, il y a un an, le 6 décembre 2000, à l'occasion du vote
de votre budget, j'étais intervenu auprès de vous pour vous alerter sur la
situation des communes forestières et les menaces risquant de compromettre
leurs finances pour de nombreuses années. Vous m'aviez alors indiqué que le
principe de la subvention d'équilibre ou de fonctionnement serait prolongé
au-delà de 2001 pour tenir compte de la réalité du préjudice subi par les
communes et que, dans ce but, les commissions départementales, qui réunissent
généralement dans de bonnes conditions les services de l'Etat et les
représentants des collectivités locales, seraient associées aux études engagées
pour définir les besoins de chaque commune sinistrée.
Au début de 2001, le Premier ministre est venu en Lorraine et a annoncé, à
Lunéville, la création d'une commission interministérielle chargée de dresser
un état des lieux, commune par commune, dans les départements concernés, et ce
d'ici à la fin de 2001.
Je souhaite aujourd'hui, monsieur le ministre, réitérer mon intervention en ma
qualité d'élu d'un département forestier et au nom de la fédération nationale
des communes forestières, dont je me plais à souligner l'excellent travail,
qu'elle mène d'ailleurs en collaboration avec votre cabinet.
C'est en effet à partir de 2002 que les conséquences de la tempête vont peser
lourdement et durablement sur les budgets communaux, privés d'une ressource
essentielle, puisque les ventes de chablis sont, pratiquement, terminées.
A titre d'exemple, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, la forêt
communale représente 163 000 hectares sur lesquels 90 000 sont endommagés ou à
terre. Certaines communes ont perdu 90 % de leurs forêts, soit 40 % du montant
global de leurs budgets, toutes sections confondues.
Dès lors, les fonds d'investissements que ces communes ont engagés, se voient
durablement compromis, avec les conséquences que chacun peut imaginer pour les
entreprises qui travaillaient jusqu'alors pour elles. Comment les communes
pourront-elles assurer le maintien des services nécessaires à la population et
reconstituer une forêt, ce qui nécessite la réfection des chemins et la
régénération des massifs ?
En 2000 et 2001, les commissions d'aide aux communes forestières ont
fonctionné dans chaque département pour assurer la mise en place d'un
dispositif que l'on peut assimiler à une subvention de fonctionnement. Mais
l'augmentation - considérable, on peut le prévoir aisément - du nombre de
communes éligibles à partir de 2002 nécessite que le dispositif gagne sans
doute en simplication, en efficacité, à coup sûr.
C'est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, vous interroger.
La mission interministérielle chargée de l'inventaire des communes sinistrées
a rendu son rapport il y a quelque semaines. Quand sera-il rendu public ?
Est-il possible de connaître ses principales conclusions sans attendre cette
publicité, subordonnée, je le sais, à des conditions de transmission dans les
différentes administrations concernées ? Nous serions particulièrement
intéressés par un état des lieux, même sommaire, de la situation de la forêt
communale dans les régions sinistrées en cette fin d'année.
Un crédit de l'ordre de 40 millions de francs a été inscrit au budget de 2001.
Qu'en est-il des reports que l'on pouvait prévoir en 2002 ? Quel sera le
montant global des crédits disponibles l'année prochaine ?
Quels critères permettront aux communes de bénéficier, à partir de 2002, de la
subvention de fonctionnement en sachant - et je m'en félicite comme l'ensemble
des élus des communes forestières - que la notion de déséquilibre budgétaire,
envisagée il y a plusieurs mois, a été définitivement écartée.
Ce qu'attendent les communes forestières, monsieur le ministre, c'est que
l'Etat mesure pleinement l'ampleur du sinistre qu'elles ont subi et des
difficultés qu'elles vont connaître dans les mois et les années à venir.
Elles ont besoin d'un dispositif perfectionné et pérennisé pour leur permettre
une programmation raisonnée de leurs investissements.
Nous sommes tous attachés à la commune, cellule de base de la démocratie, on
ne le dira jamais assez. Comment pourrions-nous nous résigner à voir des
centaines d'entre elles désormais dans l'impossibilité d'assurer, pour les
décennies à venir, le renouvellement de leurs investissements et, donc,
l'équipement de leur territoire ?
Disons-le très simplement, il y va à la fois de l'équilibre du territoire et
de cette ardente obligation qu'est la solidarité nationale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément
à sa vocation constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales
de la République, le Sénat s'est posé en « veilleur » de la décentralisation et
je ne peux que m'en réjouir.
La volonté affirmée du président du Sénat de renforcer ce rôle s'est
d'ailleurs concrétisée par une large opération de consultation sur le terrain,
avec les états généraux des élus locaux dans les régions et la mise en place
d'une mission commune d'information fin 1998. Celle-ci a été l'occasion de
dresser un bilan de la décentralisation et de dégager des propositions de
nature à améliorer l'exercice des compétences locales.
Comme M. Daniel Hoeffel l'a souligné, les échanges qui ont animé il y a deux
semaines le 84e congrès de l'Association des maires de France ont montré
combien ces améliorations sont attendues par tous les élus locaux.
Que constate-t-on en effet ? En préalable, il faut relever la performance
incontestable des collectivités locales. En utilisant pleinement les
compétences qui leur ont été dévolues, elles se sont affirmées comme des
acteurs économiques de premier plan. Elles ont apporté des réponses adaptées à
différentes questions de société, plus rapidement, plus efficacement et à
moindre coût que l'Etat n'aurait peut-être pu le faire.
Malheureusement plusieurs évolutions inquiétantes viennent aujourd'hui
tempérer cette appréciation positive.
La première évolution inquiétante est la complexité croissante qui caractérise
la décentralisation sur le plan institutionnel, juridique ou financier.
Eprouvante pour les élus, cette complexité nuit à la lisibilité de l'action
publique pour nos concitoyens.
L'environnement normatif de l'action locale est tellement complexe qu'il
requiert désormais des capacités d'analyse juridique, qui peuvent faire défaut
dans les petites collectivités.
Cela m'amène à évoquer le contrôle de légalité, les irrégularités constatées
étant souvent le fait d'une méconnaissance ou d'une maîtrise insuffisante du
droit. Dans certains départements, il n'y a aucun déféré préfectoral, alors
que, dans d'autres, ils atteignent ou dépassent la centaine. Le contrôle de
légalité doit continuer à s'exercer dans les préfectures, mais sans doute
conviendrait-il d'en rénover le cadre et de renforcer le conseil aux
collectivités locales.
M. Philippe Arnaud.
Très bien !
M. Gilbert Barbier.
La transformation de l'organisation territoriale, avec la réforme de
l'intercommunalité et l'émergence de territoires de projet tels que les pays,
modifiera à coup sûr les relations entre les différents niveaux de
collectivités.
La loi du 12 juillet 1999 confie des pouvoirs accrus aux préfets qui peuvent
désormais prendre l'initiative, soit d'un projet de structure, soit de
l'extension d'une structure existante.
Dans certains cas, les communes ont le sentiment d'être « mariées » les unes
aux autres, malgré elles, et de perdre une partie de leur autonomie.
L'imprécision des rôles, des méthodes et des financements de toutes ces
nouvelles strates administratives locales renforce les doutes, les craintes,
voire les oppositions.
Enfin, la multiplication des formules de cogestion ne contribue pas à une
clarification des compétences entre l'Etat et les différents niveaux de
collectivités, objectif pourtant recherché par les lois de 1983. Parfois
indispensables pour réaliser des équipements dont le coût ne pourrait être
assumé par une seule collectivité, les financements croisés sont source de
complexité et de confusion, voire de résurgence d'un certain clientélisme. Le
citoyen finit par ne plus savoir qui fait quoi et qui paie quoi.
La deuxième évolution inquiétante est la tendance à la recentralisation que
combattait à l'instant M. Peyronnet.
Le recours à la technique contractuelle permet à l'Etat, bien que n'étant
qu'un financeur parmi d'autres, de conserver la maîtrise du pilotage de
l'action ou tout simplement de la décision de l'action. Le contrat, qui peut
être très efficcace pour favoriser des synergies responsables, est
malheureusement marqué par des relations davantage placées sous le signe des
rapports de force et de l'opacité que sous celui du droit et de la
transparence.
On assiste ainsi à une véritable recentralisation par la règle. Les
compétences locales sont en effet encadrées par des contraintes juridiques et
des réglementations de plus en plus nombreuses et rigides. Cette démarche est
notamment illustrée par des dispositifs législatifs récents tels que la lutte
contre les exclusions, l'accueil des gens de voyage, la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, ou encore l'organisation et le
fonctionnement des conseils en développement des pays.
Enfin, la troisième évolution inquiétante est l'inadéquation des moyens à la
disposition des collectivités locales et la remise en cause de leur autonomie
fiscale, que de nombreux orateurs ont soulignées.
Dans la ville que j'ai l'honneur de diriger, la part des dotations et des
compensations diverses, notamment au titre de la taxe professionnelle versée
par l'Etat, est passée de 32 % à 45 % entre 1983 et 2000.
Face à ce constat plutôt mitigé, le projet de budget de la décentralisation
pour 2002 est-il adapté ? Les hausses affichées des concours de l'Etat aux
collectivités locales ne doivent pas susciter un excès d'admiration.
La mulitiplication des abondements dits exceptionnels hors enveloppe normée et
le poids croissant des compensations d'exonération de fiscalité locale
traduisent l'immaturité des relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales.
Ces dotations ne garantissent pas aux élus locaux une possibilité de prévision
pluriannuelle de l'évolution de leurs recettes, pas plus qu'une participation
accrue aux fruits de la croissance.
Opacité, recentralisation larvée, naufrage de la fiscalité, lourdeur des
financements croisés, tout indique la fin d'un cycle de décentralisation. Il
est temps de définir un nouveau contrat de confiance entre l'Etat et les
collectivités locales. Celui-ci devra clarifier les compétences dans le sens
d'une décentralisation renforcée, donner des moyens aux collectivités locales
adaptés à la réalité de leurs charges et rétablir le lien entre l'élu et le
citoyen - contribuable, usager et électeur - en garantissant le principe de
l'autonomie fiscale et décisionnelle.
Je conclurai sur un point largement abordé lors de la deuxième journée du
congrès de l'AMF, l'Association des maires de France, et discuté au début de
cette soirée, la sécurité de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que, selon les départements, la
possibilité d'armement des polices municipales soit laissée au bon vouloir d'un
préfet ou d'un autre ? J'attends une réponse sur cette question, ainsi que sur
les orientations qui se dessinent dans la réforme de la fiscalité locale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont
dit l'ensemble des orateurs, la lecture des documents consacrés au volet «
décentralisation » du projet de loi de finances pourrait laisser penser que «
tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible » puisque les
concours de l'Etat aux collectivités locales sont en progression sensible pour
l'année 2002. Comme l'a dit Michel Mercier, on pourrait croire qu'il s'agit
d'un bon cru.
Pourtant, et puisque ce débat sur les crédits du ministère de l'intérieur est
le dernier de la législature, il convient d'analyser ces chiffres dans le cadre
plus général de l'action du Gouvernement depuis 1997 en la matière.
Apparaissent alors clairement les insuffisances criantes d'un politique qui
manque singulièrement d'ambition et de courage : ambition, tout d'abord, à
donner un nouveau souffle à la décentralisation, vingt ans après les lois
Defferre ; courage, ensuite, de lancer une réforme, aussi indispensable que
difficile à mettre en oeuvre.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, j'ai l'impression de me revoir, l'année
dernière à la même place, lorsque nous regrettions dans cet hémicycle que vous
n'ayez pas été capable d'amorcer cet acte II de la décentralisation. La
démonstration de notre rapporteur spécial est, de ce point de vue, tout à fait
limpide. Celui-ci a en effet parfaitement expliqué que la forte augmentation
des concours de l'Etat aux collectivités locales annoncée par le Gouvernement
ne compense pas, loin s'en faut, cette absence de volonté publique. Cette
augmentation est principalement liée, par exemple, à la disparition progressive
de la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires
ou à la disparition de nos produits fiscaux, comme la vignette pour les
conseils généraux.
Mais ce qui est plus grave, c'est le manque d'ambition qui caractérise votre
action dans le domaine des collectivités locales - à l'exception notable, il
est vrai, de la loi Chevènement sur l'intercommunalité -, qui s'est accompagné
d'une recentralisation rampante, symbolisée par la baisse de l'autonomie
fiscale de nos collectivités.
Je vous épargnerai les différentes mesures ayant placé les communes, les
départements ou les régions en situation de dépendance financière accrue
vis-à-vis de l'Etat. Aujourd'hui, bien au-delà des clivages politiques, les
Français et leurs représentants s'accordent pourtant sur la nécessité d'une
véritable refondation locale rendue nécessaire par l'évolution de notre
société, à l'intérieur ou au-delà de nos frontières.
Cette voie réformiste dans laquelle vous n'avez pas voulu totalement vous
engager, nous en percevons pourtant tous les contours souhaitables : il s'agit
enfin de clarifier, d'approfondir et de démocratiser la décentralisation pour
passer, vingt ans après, à une seconde phase de réforme tout à fait nécessaire
et urgente.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacun de ces aspects, le Sénat
s'étant déjà largement exprimé sur le sujet ces derniers mois et ayant formulé
des propositions très concrètes que vous connaissez, monsieur le ministre, tout
comme vous connaissez l'avis récemment formulé par le Comité des finances
locales sur les aspects financiers et fiscaux d'une telle réforme.
Je me contenterai de rappeler que cette réforme très attendue doit, à mon
sens, non seulement s'appuyer sur l'architecture territoriale existante, mais
surtout conduire à sa rénovation.
Permettez-moi, par exemple, d'insister sur le rôle que doit jouer, dans cette
perspective, la collectivité départemenale que je connais bien en ma qualité de
premier vice-président de l'Union des conseillers généraux de France,
l'UCGF.
Dans le cadre de cette structure, nous avons récemment lancé une
consultation-sondage qui va de la période du 1er au 31 octobre 2001, et que
nous avons adressée à l'ensemble des 4 280 conseillers généraux de France. Nous
avons eu l'agréable surprise d'obtenir un taux de retour de 11,17 %, ce qui
constitue un très bon résultat bien réparti sur l'ensemble du territoire
national.
Les questions posées concernaient les pistes de réforme qui peuvent affecter,
dans le futur, l'institution départementale, que ce soit dans l'évolution de sa
structure, de ses fonctions, de ses compétences ou, enfin, de son mode
d'élection. Il s'agit donc de résultats particulièrement significatifs sur ce
que pensent les élus départementaux.
Monsieur le ministre, 87,96 % d'entre eux souhaitent ardemment une nouvelle
étape de la décentralisation. Et si 95,32 % sont, bien entendu, attachés à
l'entité départementale et à son existence, 87,73 % d'entre eux, en revanche,
reconnaissent que le conseil général doit évoluer et être réformé dans le cadre
d'une décentralisation accentuée.
Enfin, 86,96 % d'entre eux souhaitent une répartition totale et définitive des
compétences, 83,64 % une autonomie financière et fiscale des départements, et
71,50 % une spécificité de l'impôt par niveau de collectivité.
Ce sont là, je crois, des pistes de réflexion intéressantes, qui témoignent du
souhait des élus locaux d'aller de l'avant et d'adapter les strates
administratives de ce pays à la réalité des besoins économiques du territoire
et de son aménagement.
La complexité actuelle du système de financement des collectivités locales
fait que, désormais, plus personne n'y comprend rien, et le citoyen ne sait
plus qui est responsable. Monsieur le ministre, il ne peut pas exister
d'autonomie véritable des collectivités locales sans autonomie fiscale. La
fiscalité locale réclame de la transparence et de la lisibilité pour tous. Le
dispositif actuel, fondé sur des stocks, est totalement inadapté. Il est donc
nécessaire et urgent d'aboutir à une fiscalité fondée sur des flux pour les
collectivités locales.
Tout le monde sait cela mais, malgré les rapports, les avis et les sondages
qui se succèdent, malgré les groupes de travail sur le sujet, les débats
budgétaires se suivent et se ressemblent. Combien faudra-t-il de propositions
pour que le Gouvernement se décide à agir ? C'est la question qui revient,
hélas ! chaque année comme une antienne.
Monsieur le ministre, une nouvelle fois, nous serons donc amenés à nous
prononcer contre ce budget, qui symbolise le manque d'ambition du Gouvernement
pour créer les conditions de l'avènement d'une véritable « République
territoriale », que le président du Sénat appelle de ses voeux.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet.
J'ai deux bonnes raisons, monsieur le ministre, de ne pas balayer l'ensemble
du budget « décentralisation » du ministère de l'intérieur. La première, c'est
que je partage totalement les excellentes conclusions des rapporteurs, MM.
Mercier et Hoeffel ; la seconde, c'est qu'à cette heure tardive j'aurai
quelques scrupules à vous infliger une réflexion d'ensemble sur les
collectivités locales, même si mes fonctions de président de région m'invitent
à le faire. Je vais donc me censurer pour ne retenir qu'une question, une
observation et un acte de foi.
La question que je souhaite vous poser, d'ordre pratique, porte sur les
conséquences du décret sur les marchés publics qui est paru cette année et qui
est opérationnel depuis le 9 septembre dernier. Il a des incidences sur le
fonctionnement d'un certain nombre d'activités, telles la formation,
l'insertion et la qualification professionnelles, qui sont à la charge des
régions et qui ressortissent désormais au code des marchés publics, alors que
nous sommes dans une logique de subventions.
Actuellement, le débat est ouvert. Nous aimerions qu'il soit tranché très
rapidement pour savoir quel type de relations nous pouvons garder avec les
organismes de formation, en particulier avec les GRETA, qui, dépendent de
l'éducation nationale et qui, aux termes du décret précité, devraient répondre
désormais à des appels d'offre, ce qui rend le partenariat de long terme
quelque peu compliqué.
L'observation que je souhaite vous faire est liée à un débat - que nous
reprendrons d'ailleurs, lors de l'examen du texte sur la démocratie de
proximité - celui qui est relatif au statut de l'élu et aux modalités
d'exercice du mandat local. Les chiffres sont très intéressants. Entre 1977 et
1995 - nous n'avons pas encore les statistiques pour 2001 -, le nombre d'élus
retraités a pratiquement doublé dans notre pays, puisqu'il est passé de 15 % à
29 %.
Certes, ce n'est pas une tragédie. Nous avons, les uns et les autres,
l'intention d'être retraités un jour. Mais, entre les deux extrêmes que sont,
d'un côté, le doublement du nombre de retraités et, de l'autre, la diminution
de moitié des actifs agricoles - ce qui peut se comprendre pour la France
rurale -, les professions actives : cadres, chefs d'entreprise, commerçants,
artisans, travailleurs indépendants, ont plutôt diminué. Les salariés du public
et du privé, eux, ont légèrement augmenté. Mais les salariés du privé, qui
représentent les trois quarts des salariés, ne représentent cependant
aujourd'hui qu'environ 12 % des maires des communes de France - chiffre
légèrement inférieur à celui de l'ensemble des maires issus du secteur
public.
Je me réjouis que les enseignants, les fonctionnaires et les salariés des
entreprises publiques exercent de plus en plus des mandats municipaux, mais
nous avons le sentiment que l'accès des jeunes actifs du secteur privé aux
mandats municipaux est moins aisé. Je ne souhaite pas - aucun élu ne le
souhaite - que les collectivités locales deviennent l'apanage de cette
catégorie, sympathique, que sont les retraités, ni de celle des salariés du
secteur public.
Cette question doit être traitée à l'occasion du texte sur la démocratie de
proximité, par exemple.
J'en viens, enfin, à un acte de foi qui est partagé par l'Association des
maires de France et par tous ceux qui craignent que, de façon insidieuse, un
nouvel étage de collectivités locales ne se crée à travers l'élection directe
au suffrage universel des délégués des institutions intercommunales.
Ce sont les modes de scrutin qui structurent la démocratie. Si nous créons,
avec les meilleures intentions du monde, des délégués élus au suffrage
universel pour les intercommunalités, nous allons immanquablement créer un
grand malaise chez les élus conseillers municipaux des petites communes. Ils
auront en effet le sentiment de n'être légitimés que pour des tâches
d'exécution quotidienne, d'être en première ligne, en quelque sorte, pour les
tâches médiocres, les élus de l'intercommunalité prenant en charge la noblesse
des investissements ou des grands services collectifs.
Nous risquons de déboucher sur des contradictions politiques et d'aboutir, par
conséquent, à la création d'un étage intermédiaire. Si l'on a la malice
d'ajouter les pays, qui se structureront un jour, nous aurons donc : communes,
intercommunalités, pays, départements, régions, c'est-à-dire une complexité qui
promet assurément de très longs débats et des séances nocturnes interminables !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'heure
étant effectivement très tardive, je n'entrerai pas dans de longues
considérations budgétaires, d'autant que cela a été fait !
Je tiens toutefois à dire, même si c'est un lieu commun, que la
décentralisation va avoir vingt ans. J'ai entendu, ici ou là, un certain nombre
de chantres de la décentralisation ayant appartenu - comme un certain nombre
d'entre vous, mes chers collègues, - à cette catégorie d'élus qui ont exercé
leurs fonctions avant la mise en oeuvre de la décentralisation, dont je
rappelle qu'il s'agit avant tout d'une idée de gauche chère à son créateur,
Gaston Defferre. Il ne faudrait pas l'oublier, au moment où cette superbe femme
de vingt ans est, si je puis dire, la maîtresse de tous les élus, quelle que
soit, au demeurant, leur sensibilité politique !
(Sourires.)
M. Gérard Longuet.
Soyez honnêtes, les Girondins existaient avant Gaston Defferre, pour qui j'ai
le plus grand respect !
M. François Fortassin.
C'est exact, mais je n'avais pas le plaisir, mon cher collègue, d'être élu à
cette époque.
(Nouveaux sourires.)
M. Gérard Longuet.
Moi non plus !
M. François Fortassin.
Je veux insister sur la philosophie de la décentralisation, car c'est
peut-être ce qui, au fond, est le plus important ; en effet, elle a entraîné de
profondes mutations dans le comportement de nos concitoyens et dans leurs
relations avec les élus. N'oublions tout de même pas que la décentralisation a,
avant tout, donné aux élus la responsabilité et la dignité. De plus, elle a
rapproché les citoyens des décideurs.
J'insisterai surtout sur une collectivité qui me paraît avoir joué un rôle
très important en matière de décentralisation : je peux parler du département
en tant que collectivité de proximité, mais aussi et surtout compte tenu de ses
champs de compétence dans le domaine social. En effet, les élus, quelles que
soient leurs sensibilités, doivent bien évidemment s'occuper de tous leurs
concitoyens. Mais reconnaissons que nous sommes avant tout beaucoup plus utiles
aux plus démunis d'entre eux.
De même, le rôle joué par le conseil général en matière d'aide sociale est
absolument irremplaçable. Il est également d'une importance capitale dans le
domaine de l'éducation, au travers, bien entendu, des collèges. Le conseil
général, en tant que collectivité de proximité, est, à l'évidence, la
collectivité qui colle certainement le mieux au terrain pour un aménagement
équilibré et harmonieux de l'ensemble du territoire national.
Aujourd'hui, il est indispensable, c'est vrai, que cette décentralisation
connaisse ce que j'appellerai un toilettage. Monsieur le ministre, je vous fais
confiance, car vous avez ouvert un certain nombre de chantiers qui me
paraissent aller dans le bon sens. Cependant, force est de constater que, du
fait de la déconcentration, on a parfois une sorte de « recentralisation
rampante ».
Est-ce logique, par exemple, que les préfets qui allouent les fonds d'Etat
dans les départements, ce qui est tout à fait normal, octroyent aussi les fonds
européens, ce qui pourrait relever d'une responsabilité partagée entre les élus
et le responsable de l'Etat ?
Est-ce logique que Natura 2000 ait fait l'objet de concertations dans un
certain nombre de départements et ait été, en revanche, imposée par le
représentant de l'Etat, dans d'autres ? Il faut poser ces question.
On voit également apparaître certaines règles européennes qui ôtent toute
possibilité d'initiative au conseil général. Dans le domaine agricole, par
exemple, un conseil général ne peut intervenir que s'il s'agit de fonds d'Etat
ou de fonds européens.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire. Bien entendu, je
voterai le projet de budget que vous présentez. Si nous devons aller vers une
nouvelle étape de la décentralisation, je n'oublie pas, comme vous l'avez dit
dans votre propos introductif, et j'en suis très fier, que c'est avant tout une
idée de gauche et qu'il vaut mieux utiliser à ce niveau le whisky que le Canada
dry.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain, citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Mesdames , messieurs les sénateurs, vous avez
déjà, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances,
longuement débattu des recettes des collectivités locales. Mais, vous venez de
le souligner dans vos interventions, la séance d'aujourd'hui consacrée aux
crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur ne prend tout son sens
qu'à la lumière de l'examen de l'ensemble des relations financières entre
l'Etat et les collectivités locales.
En tant que ministre de l'intérieur, je souhaite vous entretenir de l'ensemble
des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales de ma compétence et
ne pas limiter mon propos aux seuls crédits budgétaires.
Dans un premier temps, je veux donc présenter rapidement les principes qui
sous-tendent ce projet de budget pour 2002 pour les collectivités locales,
avant de répondre aux questions posées par les rapporteurs et par les
différents intervenants.
L'engagement constant de ce gouvernement d'établir entre l'Etat et les
collectivités locales des relations financières permettant à ces dernières de
bénéficier des fruits de la croissance économique et de la garantie d'une
évolution régulière de leurs ressources s'exprime dans deux directions
complémentaires. Il s'inscrit d'abord dans ce projet de loi de finances pour
2002, qui traduit trois objectifs principaux.
Tout d'abord, le Premier ministre a pris l'engagement, dès la fin de l'année
2000, et l'a confirmé lors du débat d'orientation générale sur la
décentralisation à l'Assemblée nationale le 17 janvier dernier, de prolonger
d'une année le contrat de croissance et de solidarité.
Cette annonce a été effectuée il y a un an, avant les élections municipales,
dans un souci de prévisibilité de l'évolution des concours financiers de
l'Etat, sans obérer la prochaine réforme des finances locales, qui est l'une
des priorités de la nouvelle étape de la décentralisation.
Il s'agit d'une enveloppe quadriennale, en quelque sorte ! Mais il est vrai,
messieurs les rapporteurs, qu'à la fin de chaque période un débat doit avoir
lieu.
Je pense qu'il est sage et en même temps novateur que ce débat parlementaire
soit précédé d'une étude précise des diverses hypothèses de réformes émises par
tous les acteurs et experts des finances locales que sont le comité des
finances locales, les associations d'élus locaux et, bien sûr, les
parlementaires.
La reconduction de la fraction du PIB de 33 % qui s'ajoute à l'inflation pour
déterminer l'index de croissance de l'enveloppe des concours de l'Etat, dits
«actifs », permettait en outre de faire bénéficier en 2002 les collectivités
locales de ce taux. En 2002, comme en 2001, les collectivités locales devraient
donc avoir été associées à la croissance selon la proportion la plus forte
depuis 1995.
Cet index permettrait aux collectivités de percevoir, en 2002, 6,7 milliards
de francs de recettes de plus que ce qu'elles auraient reçu en application du
pacte de stabilité voté sur l'initiative du précédent gouvernement et indexé
sur la seule inflation. Là, effectivement, les collectivités locales n'étaient
pas associées aux fruits de la croissance.
(M. le rapporteur spécial
s'exclame.)
L'application des règles du contrat de croissance et de solidarité telle
qu'elle est prévue par le projet de loi de finances initial du Gouvernement
assure une croissance théorique de 2,26 % de l'enveloppe normée, croissance qui
est portée à 2,9 % du fait des différents abondements de l'Etat.
Le montant total de cette enveloppe s'établirait ainsi à 28,7 milliards
d'euros, c'est-à-dire 188,3 milliards de francs, soit une croissance de plus de
5,3 milliards de francs par rapport à 2001.
Au sein de ce contrat, la dotation globale de fonctionnement connaîtra une
croissance de 4,07 % par rapport à la loi de finances initiale de 2001. Ce taux
de progression, le plus important depuis 1993, comme l'ont souligné vos
rapporteurs, MM. Hoeffel et Mercier, sera également appliqué à la dotation
spéciale « instituteur », à la dotation générale de décentralisation, cette
dernière étant inscrite au budget du ministère de l'intérieur.
Toutes les communes percevront ainsi une dotation forfaitaire en progression
d'environ 2 % par rapport à cette année.
Je souhaite d'ailleurs revenir quelques instants sur les inquiétudes exprimées
par vos rapporteurs quant aux hypothèses économiques qui détermineront
l'évolution de ces dotations.
Il est certain, d'ores et déjà, que la croissance de l'année 2001 - celle qui
est utilisée pour la DGF 2002 et pour le calcul du contrat de croissance et de
solidarité - atteindra au minimum 2 % voire plus, et nous ne pouvons
aujourd'hui être sûrs que l'inflation ne sera pas de 1,65 % au lieu de 1,5 %,
ce qui suffirait à neutraliser l'écart maximal possible.
Dans la pire de vos hypothèses, la différence est de 150 millions de francs.
On est très loin des régularisations négatives de 1996 ou 1997...
En outre, je vous rappelle que les sommes globales versées au titre du contrat
de croissance et de solidarité ne subissent pas de régularisation à la baisse
et que le taux de croissance du PIB utilisé pour ce calcul est bien de 2,3 % et
non de 2 %.
Le deuxième objet de ce projet de loi de finances pour 2002 réside dans la
pérennisation du financement de l'intercommunalité.
Du fait de l'extinction du dispositif d'alimentation légale de la dotation des
communautés d'agglomération, et dans le souci de répondre aux demandes des élus
locaux qui regrettaient la baisse de la DCTP ayant pu en résulter pour
certaines collectivités, le Gouvernement a souhaité pérenniser et simplifier ce
financement en intégrant la dotation des communautés d'agglomération au sein de
la dotation globale de fonctionnement.
Dans le même temps, la dotation d'aménagement faisait l'objet d'un versement
d'un peu plus de 309 millions d'euros, ce qui correspondait au montant réservé
en 2001 pour assurer le financement de la DGF des communautés
d'agglomération.
Je veux m'arrêter quelques instants sur la situation de la DCTP proposée par
le Gouvernement. Du fait de cette disposition, elle ne serait plus ponctionnée
pour assurer le financement des communautés d'agglomération et elle connaîtrait
une baisse de 2,4 % par rapport à 2001.
Ce calcul, vous le savez, est le résultat de la baisse théorique de 7,5 % de
la DCTP, suivi d'une majoration des sommes destinées à prendre en compte l'«
arrêt Pantin » du Conseil d'Etat du 18 octobre 2000, soit 80,4 millions d'euros
en 2002.
Ce dernier montant correspond à un remboursement de DCTP et abonde donc tout
naturellement cette dotation, mais nous aurons certainement l'occasion de
parler ensemble des évolutions de cette dotation à partir de 2003.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
C'est de l'optimisme forcené !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je suis un optimiste forcené, mais surtout
déterminé !
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Est-ce raisonnable ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je voulais rassurer M. Fortassin : si la
majorité est reconduite au mois de juin prochain, je m'engage à ce que la
décentralisation franchisse de nouveaux pas. C'est la meilleure des garanties
que je puisse lui fournir.
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
Vous avez beaucoup à faire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le dispositif proposé par le Gouvernement avait,
en outre, le mérite de simplifier le calcul des dotations revenant à
l'intercommunalité en les regroupant au sein de la DGF dans un souci d'une plus
grande lisibilité. Il s'accompagnait, j'y reviendrai, des engagements
financiers nécessaires pour que ne soient pas pénalisées les dotations de
péréquation communales que sont la DSU et la DSR, et il remédie, en le
soumettant bien sûr à l'avis du Parlement, à l'extinction des dispositions
adoptées par le Parlement il y a trois ans.
Enfin, le troisième objectif du Gouvernement c'est l'accroissement de la
péréquation.
Les dotations de solidarité communales - dotation de solidarité rurale et
dotation de solidarité urbaine - bénéficieront, en effet, de majorations
exceptionnelles - respectivement de 22,6 millions d'euros, soit 150 millions de
francs, et de 122 millions d'euros, soit 800 millions et francs - afin de
permettre une progression de la DSR comme de la DSU de l'ordre de 5 %, sous
réserve bien entendu des choix du comité des finances locales de janvier
prochain. Ces deux dotations auront donc connu des progressions respectives de
60 % et de 80 % depuis 1997.
Au-delà de ce projet de loi de finances, et comme l'ont souligné avec force
vos deux rapporteurs, l'engagement du Gouvernement d'établir des relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'exprime dans la
préparation d'une prochaine réforme des finances locales, comme le souhaite Mme
Mathon.
C'est dans cet objectif, autre priorité de la nouvelle étape de la
décentralisation, que je prépare, conjointement avec Laurent Fabius et Florence
Parly, un rapport sur les voies et moyens d'une telle réforme, rapport qui sera
remis au Parlement par le Gouvernement dans les prochaines semaines.
Une telle réforme se doit de remédier aux défauts de la fiscalité locale, trop
souvent injuste et aujourd'hui, par certains points, obsolète, ainsi qu'à ceux
des dotations de l'Etat trop complexes et, de ce fait, peu lisibles.
D'ailleurs, M. Duffaut lui-même le disait.
Elle nécessite un long travail d'étude et de concertation, qui a été engagé
par la rédaction d'une note d'orientation, présentée au comité des finances
locales le 12 juillet dernier et adressée aux principales associations d'élus
locaux ainsi qu'aux commissions parlementaires. Cette note a permis, me
semble-t-il, aux différentes associations d'élus de travailler et d'avoir la
satisfaction de pouvoir nous transmettre leurs observations et leurs
suggestions.
J'ai reçu plusieurs contributions à ce débat et j'ai noté avec intérêt celles
de l'Assemblée nationale le mois dernier.
En ce qui concerne la fiscalité locale - je m'adresse notamment à M. Barbier
-, je me suis déjà exprimé en faveur du lien qui doit exister entre l'élu local
et le contribuable citoyen, ce qui justifie un impôt local dynamique sur lequel
les élus locaux disposent d'une réelle marge de manoeuvre pour mener une
politique locale. Comme le dit votre rapporteur, aucune piste n'est taboue ni à
écarter d'emblée, même si certaines hypothèses révèlent à l'étude des
inconvénients ou des effets pervers à ne pas négliger.
Je vous rappelle en revanche mon opposition à l'inscription dans la
Constitution d'un pourcentage mathématique fixé à l'avance, symbolisant
l'autonomie fiscale, par catégorie de collectivités.
Cela pose d'ailleurs le problème des collectivités qui, individuellement, ne
respecteraient pas ce pourcentage et seraient certainement stigmatisées comme
dépendantes ou comme un fardeau peut-être.
Plus généralement, que signifie cette autonomie fiscale pour les collectivités
les plus défavorisées ou les plus petites communes ? Le droit ou l'obligation
de voter des impôts accrus, contrairement aux collectivités les plus aisées ?
Non, je préfère parler de responsabilité fiscale, de modernisation fiscale et,
plus généralement, de réforme des finances locales dans le sens d'une
péréquation accrue et d'un soutien résolu à l'intercommunalité !
J'ai noté avec intérêt vos propositions d'une inversion des règles de
répartition de la DGF, donnant la priorité aux dotations de solidarité
communales et à la dotation d'intercommunalité.
Je souhaite une DGF simplifiée, qui permette à la fois de garantir des
ressources suffisantes et prévisibles aux collectivités locales, et d'accroître
la péréquation, qui représente aujourd'hui 15 % environ des dotations.
Une meilleure définition des critères de répartition des dotations, comme le
potentiel fiscal ou le coefficient d'intégration fiscale, me semble également
indispensable. Vous faites d'ailleurs des propositions en ce sens.
Les rapporteurs, ainsi que plusieurs intervenants - je pense notamment à M.
Peyronnet, que je remercie pour la qualité et l'intensité de son intervention -
ont, par ailleurs, mis en parallèle l'évolution très favorable de ces recettes
des collectivités locales avec l'augmentation de leurs charges ; toute une
partie du rapport de M. Mercier y est d'ailleurs consacrée.
Je suis un peu étonné par l'addition un peu hétéroclite de dépenses de nature
différente, et notamment par la référence à l'évolution des rémunérations de la
fonction publique territoriale.
Mais j'ai bien noté qu'il ne s'agit pas pour vos collaborateurs de contester
cette légitime évolution, mais bien d'une échelle de grandeur, qui, à mon avis,
devrait d'ailleurs être rapportée à l'ensemble des recettes, y compris
fiscales, puisqu'il s'agit là d'un élément fondamental de la libre
administration des collectivités locales.
Vous avez, en outre, relevé l'importance de la charge que constituera
l'allocation personnalisée d'autonomie pour les départements.
Je suis d'accord avec vous lorsque vous vous félicitez de la mise en oeuvre
d'une telle prestation, qui concernera plus de 800 000 personnes âgées et qui
constituera un progrès considérable par rapport à la prestation spécifique
dépendance qu'elle remplace.
De surcroît, l'APA fait apparaître l'importance du maintien de l'échelon
départemental. Je crois, en effet, que les politiques sociales sont de nature à
rendre plus lisible le partage des compétences entre collectivités aux yeux de
nos concitoyens.
L'effort de l'Etat et des départements, auxquels la gestion de l'APA a donc
été confiée, en quelque sorte eu égard à leur place institutionnelle,
permettra, je le répète, d'améliorer les services rendus à la population.
Dès la fin de l'année 2002, un premier point sera fait quant à l'impact de
l'APA sur les finances départementales, c'est-à-dire, comme je m'y suis engagé
et en accord avec le Premier ministre, avant le bilan complet expressément
prévu par la loi qui interviendra en 2003. Je l'ai d'ailleurs dit devant
l'assemblée des départements de France.
D'ici là, faisons tous preuve de mesure et calculons les efforts à faire au
strict montant nécessaire.
Avant de conclure, je souhaite répondre à certaines des questions qui ont été
soulevées au cours du débat.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappelle tout d'abord que les décrets
sur les sapeurs-pompiers ont tous été présentés au Conseil supérieur de la
fonction publique territoriale,...
M. Michel Mercier,
rapporteur spécial.
C'est obligatoire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... qui comprend des élus. Je vous l'avais
d'ailleurs dit en commission.
Par ailleurs, vous avez fait référence aux négociations dans la fonction
publique hospitalière. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité m'a fait
part de la tenue de plusieurs réunions de négociation dans le cadre de
l'assemblée des départements de France. Elle m'a redit que les éléments
présentés dans la circulaire devaient encore faire l'objet de négociations
locales, en particulier les conventions tripartites entre l'Etat, les conseils
généraux et les organismes d'assurance maladie.
En réponse à M. Biwer, j'indique par ailleurs que le Gouvernement remettra
dans les prochains jours au Parlement le rapport sur la reconstruction des
ponts détruits par faits de guerre.
M. Gérard Longuet.
C'est une bonne nouvelle ! Je la lui transmettrai, car nous avons les mêmes
ponts !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Absolument, monsieur Longuet, et je me souviens
que M. Jean-Louis Dumont m'avait également alerté sur cette question à
l'Assemblée nationale l'année dernière.
M. Gérard Longuet.
Tout à fait ! Nous sommes solidaires !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ce rapport devrait répondre à vos
préoccupations. Le recours aux crédits non utilisés sur certains chapitres
permettra d'assurer dès 2002 la reconstruction des ponts les plus nécessaires,
ces crédits s'ajoutant à ceux de la DGE.
M. Gérard Longuet.
Si tel est le cas, on vous invitera à l'inauguration, quel que soit votre
mandat !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Merci beaucoup, mais, même comme ministre de
l'intérieur, je veux bien venir, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet.
Tout peut arriver !
(Sourires.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Toujours en réponse à M. Biwer, mais aussi à M.
Longuet, je renvoie, s'agissant des conditions d'exercice des mandats, aux
débats qui auront lieu au début du mois de janvier à l'occasion de l'examen du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Ce projet de loi comprend un dispositif complet dont l'objet est d'ouvrir
l'exercice des mandats à toutes les catégories de la population. Il prévoit
ainsi d'éviter toute pénalisation par l'exercice d'un mandat, de relever les
indemnités qui doivent l'être, et, bien entendu, il contient des mesures en
faveur de la parité. Nous aurons l'occasion d'y revenir plus au fond, mais je
pense que ce texte devrait répondre au souci exprimé par MM. Biwer, Longuet et
Peyronnet. En réponse à M. Nachbar, je rappelle que la loi de finances
rectificative de 2000 a ouvert 200 millions de francs de crédits destinés à
venir en aide, en 2000 et en 2001, aux communes en difficulté après les
tempêtes de décembre 1999.
Les communes éligibles à ce dispositif sont celles dont les recettes
forestières représentaient au moins 10 % de leurs recettes de fonctionnement
totales en moyenne sur la période de 1996 à 1998 et qui, du fait de la baisse
de leurs recettes forestières, connaissent un déséquilibre budgétaire.
Les crédits sont répartis entre les départements concernés sous forme
d'enveloppes départementales, puis attribués sous forme de subventions
individuelles par les préfets, assistés par la commission départementale mise
en place à la suite des tempêtes.
Le reliquat de gestion, au titre des années 2000 et 2001, s'établit à 55
millions de francs. Le Gouvernement a toutefois décidé de prolonger le
dispositif en 2002. A cette fin, il a prévu l'ouverture de 40 millions de
francs de crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin
d'année. Les crédits disponibles pour 2002 s'élèveront à 95 millions de francs,
ce qui représente un montant plus élevé que ce qui a été nécessaire en 2000,
soit 70 millions de francs, et en 2001, soit 75 millions de francs. Les règles
d'emploi des crédits devraient être les mêmes en 2002 qu'en 2000 et 2001.
Par ailleurs, conformément à la décision du Premier ministre, une mission
interministérielle d'évaluation et de prospective a été constituée afin
d'examiner la situation des collectivités forestières sinistrées et de proposer
un plan d'action pour ces dernières à compter de 2002. Cette mission vient de
rendre son rapport, qui est à l'étude, et le Gouvernement prendra les mesures
adéquates pour soutenir les communes forestières qui ont beaucoup souffert des
tempêtes.
Monsieur Barbier, la loi du 15 avril 1999, qui a fait l'objet d'un accord en
commission mixte paritaire et qui a été votée par le Sénat, organise les règles
d'intervention des polices municipales, notamment quant à l'armement, qui
nécessite la conclusion d'une convention entre les maires et l'Etat. Cette
question est donc réglée par une loi.
La règle est le non-armement des polices municipales, sauf convention signée
par le préfet et le procureur de la République. Toujours en réponse à M.
Barbier qui s'est interrogé sur le contrôle de légalité, je dirai que la
fonction juridique des préfectures est une composante essentielle de leur
activité. A ce titre, le contrôle de légalité doit continuer à être une mission
prioritaire des préfectures.
Il doit cependant aussi s'exercer dans le cadre du conseil aux collectivités,
notamment à l'égard des petites communes et des groupements de communes. C'est
pourquoi plusieurs initiatives ont été prises dans le cadre du plan d'action
pour les préfectures. La constitution de pôles interrégionaux, spécialisés dans
le contrôle de légalité et travaillant pour le compte des préfectures,
permettra d'apporter plus rapidement des réponses aux questions posées par les
élus locaux.
Par ailleurs, la poursuite de l'expérimentation de télétransmission des actes
des collectivités locales permettra de simplifier les conditions matérielles du
contrôle de légalité et donc de consacrer plus de moyens en personnels aux
fonctions de conseil et d'expertise. L'objectif est d'assurer plus de sécurité
juridique aux collectivités locales tout en garantissant l'application des
règles fondamentales de l'état de droit.
M. Dufaut a évoqué la question de la réforme de la décentralisation. Je
rappelle l'ensemble des réalisations de la législature qui s'achève, la
poursuite du chantier à travers le projet de loi relatif à la démocratie de
proximité et le rapport que le Gouvernement prépare sur la réforme des finances
locales.
Le Gouvernement poursuit la grande réforme de la décentralisation lancée, sous
le Gouvernement de Pierre Mauroy, par Gaston Defferre et je puis vous assurer
qu'il entend mener à bien les réformes que M. Fortassin appelait de ses
voeux.
M. Longuet m'a interrogé sur le nouveau code des marchés publics et son
application aux centres de formation. Je vais engager une expertise à ce sujet,
mais je peux d'ores et déjà le rassurer : le nouveau code, qui simplifie les
procédures pour les collectivités comme pour les entreprises, n'ajoute pas de
dispositions aux règles de la concurrence fixées par la Communauté
européenne.
Je me suis déjà longuement exprimé sur l'élection au suffrage universel direct
des délégués de communes au sein des structures intercommunales. Je l'ai fait à
plusieurs reprises et dans différentes instances, notamment - je parle sous le
contrôle de M. Hoeffel - lors du congrès des maires de France. Je l'ai dit, je
suis partisan du maintien de l'identité communale et je souhaite que l'élection
des conseillers d'une même « aire » communale ait lieu le même jour, selon des
modalités qui méritent d'être discutées. Je m'inspire là de mon expérience
personnelle d'élu local à Paris et du statut PLM.
M. Gérard Longuet.
Pourquoi pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est en tout cas une idée, mais il peut y en
avoir d'autres. Je ne suis pas fermé au débat, comme M. Hoeffel l'a rappelé. Je
le remercie d'ailleurs une nouvelle fois de son objectivité.
Dans le cadre de la nouvelle génération des fonds structurels 2000-2006, le
préfet de région reste une autorité en matière de gestion, mais le président du
conseil régional préside avec lui le comité d'engagement de ces fonds.
En conclusion, je pense que ce projet de budget tel qu'adopté par l'Assemblée
nationale donne aux élus locaux et aux collectivités locales les moyens de
continuer à assainir leur situation financière. Selon le comité des finances
locales celle-ci s'est déjà considérablement améliorée grâce aux qualités de
gestion dont les élus ont su faire preuve.
Je note avec satisfaction que, même s'il faut continuer à accroître le soutien
aux collectivités les plus défavorisées, l'investissement se développe et les
collectivités se désendettent.
Je pense donc que l'on peut dire, comme M. Delevoye lors du dernier congrès
des maires, que ce projet de budget n'est pas favorable aux collectivités
locales.
Comme le Premier ministre, je pense même qu'il leur est favorable et je vous
invite à l'adopter, ce qui, compte tenu de nos positions respectives, est
peut-être un autre paradoxe !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur
et la décentralisation et figurant aux états B et C.
Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés
aujourd'hui même.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 210 771 640 euros. »
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 368 817 307 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 308 747 000 euros ;
« Crédits de paiement : 89 953 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 786 422 000 euros. »
« Crédits de paiement : 786 521 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant en discussion
l'amendement n° II-69, tendant à insérer un article additionnel avant l'article
74.
Article additionnel avant l'article 74
M. le président.
L'amendement n° II-69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 2511-22 du code général
des collectivités territoriales est ainsi rédigée : "Pour l'exercice de ses
compétences, le conseil d'arrondissement a le pouvoir de traiter les marchés
prévus à la section 1 du chapitre II du titre III du nouveau code des marchés
publics". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
A cette heure tardive ou matinale, je ne sais, je vais retirer mon amendement,
qui constitue d'ailleurs un cavalier budgétaire. Cependant, je vous donne
rendez-vous dans quelques semaines, mes chers collègues, lors de l'examen du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité. Cette occasion me semble
plus propice à un débat sur la sécurité juridique, qui nous permettra peut-être
de remédier aux difficultés engendrées par la réforme réglementaire du code des
marchés publics pour le fonctionnement quotidien, en ce qui concerne le recours
aux achats sur facture, des mairies d'arrondissement issues des lois de
décentralisation et de la loi relative à l'organisation administrative de
Paris, Marseille, Lyon et des établissements de coopération intercommunale,
dite « loi PML »,
M. le président.
L'amendement n° II-69 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'intérieur et la décentralisation.
5
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
Corse.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 111, distribué et renvoyé à la
commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi autorisant la restitution
par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus
hottentote », à l'Afrique du Sud.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 114, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Daniel Hoeffel un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Hubert Haenel, André
Bohl, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Alain Hethener, Daniel Hoeffel,
Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Jean-Marie Rausch et Philippe Richert,
portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation
civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la
Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421,
2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 109 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Blanc, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi rénovant l'action sociale
et médico-sociale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 110 et distribué.
J'ai reçu de M. Ivan Renar, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la
création d'établissements publics de coopération culturelle.
Le rapport sera imprimé sous le n° 112 et distribué.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Serge Lepeltier, sénateur, un rapport d'information fait au
nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les nuisances
environnementales de l'automobile.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 113 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 5 décembre 2001, à onze heures quinze, à quinze heures et le
soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Outre-mer :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 32).
M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 89, tome XXII).
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (aspects sociaux, avis n° 91, tome VIII).
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (départements d'outre-mer, avis n° 92, tome VII).
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie, avis
n° 92, tome VIII).
Défense (articles 31 et 32)* :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble, dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 87,
annexe n° 42) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 87, annexe
n° 43).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 90, tome IV) ;
section gendarmerie : M. Philippe François (avis n° 90, tome V) ; section
forces terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 90, tome VI) ; section air : M.
Xavier Pintat (avis n° 90, tome VII) ; section marine : M. André Boyer (avis n°
90, tome VIII).
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 78) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 27).
* Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des
sénateurs.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le
projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 5 décembre 2001, à deux heures
quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE
ET SOCIAL EUROPÉEN
(19 membres au lieu de 18)
Ajouter le nom de M. Nicolas Alfonsi.
SÉNATEURS NE FIGURANT
SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(6 au lieu de 7)
Supprimer le nom de M. Nicolas Alfonsi.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Affectation du « pavillon de Valois »
situé dans le parc de Saint-Cloud
1213.
- 3 décembre 2001. -
M. Denis Badré
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale
sur son arrêté du 10 septembre 2001, signé conjointement avec le secrétaire
d'Etat au budget, qui attribue à l'Institut universitaire de formation des
maîtres (IUFM) de l'académie de Versailles un ensemble immobilier dans le parc
de Saint-Cloud, allée de la Carrière, qui semble correspondre au « pavillon de
Valois », seul reste encore en élévation du palais détruit pendant la guerre de
1870. A plusieurs reprises, pourtant, à l'occasion du « comité de liaison »
associant les représentants du ministère de la culture et les maires des
communes riveraines du parc de Saint-Cloud, l'éventualité d'une réaffectation
de ce bâtiment au domaine a été évoquée. Il a été proposé d'y aménager un musée
historique dédié au château démoli et au parc. Le départ programmé de l'Ecole
nationale supérieure (ENS), précédent occupant du pavillon, semblait favoriser
cette opportunité, qui paraissait à beaucoup fondamentale pour la valorisation
et l'animation de ce parc historique majeur d'Ile-de-France, aux portes de
Paris. Il souhaiterait savoir si le projet de création d'un musée du domaine de
Saint-Cloud dans le pavillon de Valois pourra être concilié avec l'installation
de l'IUFM ? L'abandon du projet de création d'un musée apparaîtrait
particulièrement dommageable aux yeux de tous les riverains du parc et des
défenseurs de notre patrimoine. D'autant plus que le départ de l'Ecole normale
supérieure a également rendu disponibles d'autres locaux. Ainsi, près de la
manufacture de Sèvres, plusieurs bâtiments, dont l'emplacement est moins
stratégiques et l'histoire moins prestigieuse, pourraient également être
utilisés par l'IUFM.
Inégalités de traitement
dans le cadre de la filière sportive territoriale
1214.
- 4 décembre 2001. -
M. Xavier Darcos
attire l'attention de
M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
sur les inégalités de traitement constatées dans la filière sportive
territoriale. Les avantages consentis dans d'autres filières ne s'appliquent
pas aux conseillers territoriaux des activités physiques et sportives,
notamment en ce qui concerne : l'indemnité d'exercice attribuée aux
fonctionnaires du service du cadre national des préfectures (décret n° 97-1223
du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des
préfectures) ; la nouvelle bonification indiciaire prise en compte pour le
calcul des retraites applicable à de nombreux cadres territoriaux (décret n°
91-711 du 24 juillet 1991 portant attribution de la nouvelle bonification
indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale).
S'agissant d'une inégalité de traitement portant sur des rémunérations
complémentaires justifiées par le degré des responsabilités exercées, il lui
demande quelles mesures il envisage de prendre pour que les conseillers
territoriaux des activités physiques soient, suite à une omission de caractère
réglementaire, rétablis équitablement dans leurs droits.
Coût financier de la réhabilitation
des logements de gendarmes
1215.
- 4 décembre 2001. -
M. Jean-François Le Grand
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur les derniers textes réglementaires pris à la suite de la loi n° 77-1 du 3
janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement et qui s'opposent à ce que
l'Etat puisse prendre à bail des logements HLM financés au moyen des prêts
locatifs aidés tels que les logements de fonction concernant les personnels de
la gendarmerie. Parmi les revendications actuellement exprimés par de nombreux
gendarmes revient souvent le problème des casernements, vétustes et
inconfortables. Il appartient aux propriétaires (communes, établissements
publics intercommunaux [EPCI], conseils généraux) de réhabiliter les immeubles.
Cette réhabilitation ne peut se faire que sur la base des loyers payés par la
gendarmerie, or ceux-ci sont nettement inférieurs au coût réel des travaux. Les
communes et les communautés n'ont pas les moyens financiers pour répondre aux
besoins. Aussi, il lui demande de bien vouloir abroger purement et simplement
le texte de loi pour permettre justement aux offices HLM de pouvoir réaliser
ces logements et se substituer ainsi aux maîtres d'ouvrages dans l'incapacité
de le faire.
Réduction du temps de travail
dans les entreprises du bâtiment
1216.
- 4 décembre 2001. -
M. Jean Arthuis
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la mise en oeuvre, le 1er janvier prochain, de la réduction du temps de
travail et son adaptation à l'apprentissage, qui va entraîner des conséquences
néfastes pour l'emploi, particulièrement dans les petites entreprises, et pour
la formation, notamment dans le secteur artisanal. Il lui indique, en effet,
que la rigidité de la réglementation va décourager les petites entreprises
artisanales d'embaucher des apprentis. Il lui rappelle que le secteur du
bâtiment a pu bénéficier de certains aménagements avec la mise en place de
modulations prévues dans les accords de branche, ce qui est absolument crucial
pour les entreprises travaillant sur chantiers. Or, compte tenu des textes
relatifs aux durées maximales du travail pour les jeunes de moins de dix-huit
ans, il lui indique que la modulation n'est pas en pratique applicable aux
salariés mineurs, y compris aux jeunes en contrat d'apprentissage ou
d'insertion en alternance, puisque ceux-ci ne peuvent être employés à travail
effectif excédant sept heures par jour. Il lui demande, en conséquence, puisque
l'apprentissage est la filière d'avenir de la formation de l'insertion
professionnelle des jeunes, si elle envisage une dérogation dans le cadre de la
transposition dans le droit français de la directive 94/33 du 23 juin 1994, qui
a donné lieu à l'ordonnance n° 2001-174 du 22 février 2001, puisqu'une
dérogation a déjà été accordée aux CFA (centres de formation pour apprentis)
qui sont passés à 35 heures et ont organisé leur temps de travail sur quatre
jours et demi, puisqu'il était apparu que la mise en oeuvre de la limitation
quotidienne de la durée du travail à sept heures pour les apprentis mineurs
pouvait poser problème. Il lui rappelle qu'il y va de l'avenir des métiers de
l'artisanat, du bâtiment et de la pérennité des petites entreprises
artisanales, qui forment aujourd'hui 80 % des apprentis du secteur bâtiment.
Coût financier de la réhabilitation des logements de gendarmes
1215.
- 4 décembre 2001. -
M. Jean-François Le Grand
attire l'attention de
M. le ministre de la défense
sur les derniers textes réglementaires pris à la suite de la loi n° 77-1 du 3
janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement et qui s'opposent à ce que
l'Etat puisse prendre à bail des logements HLM financés au moyen des prêts
locatifs aidés tels que les logements de fonction concernant les personnels de
la gendarmerie. Parmi les revendications actuellement exprimées par de nombreux
gendarmes, revient souvent le problème des casernements, vétustes et
inconfortables. Il appartient aux propriétaires (communes, établissements
publics intercommunaux [EPCI], conseils généraux) de réhabiliter les immeubles.
Cette réhabilitation ne peut se faire que sur la base des loyers payés par la
gendarmerie, or ceux-ci sont nettement inférieurs au coût réel des travaux. Les
communes et les communautés n'ont pas les moyens financiers pour répondre aux
besoins. Aussi, il lui demande de bien vouloir abroger purement et simplement
le texte de loi pour permettre justement aux offices HLM de pouvoir réaliser
ces logements et se substituer ainsi aux maîtres d'ouvrages dans l'incapacité
de le faire.
Réduction du temps de travail dans les entreprises du bâtiment
1216.
- 4 décembre 2001. -
M. Jean Arthuis
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la mise en oeuvre, le 1er janvier prochain, de la réduction du temps de
travail et son adaptation à l'apprentissage, qui va entraîner des conséquences
néfastes pour l'emploi, particulièrement dans les petites entreprises, et pour
la formation, notamment dans le secteur artisanal. Il lui indique, en effet,
que la rigidité de la réglementation va décourager les petites entreprises
artisanales à embaucher des apprentis. Il lui rappelle que le secteur du
bâtiment a pu bénéficier de certains aménagements avec la mise en place de
modulations prévues dans les accords de branche, ce qui est absolument crucial
pour les entreprises travaillant sur chantiers. Or, compte tenu des textes
relatifs aux durées maximales du travail pour les jeunes de moins de dix-huit
ans, il lui indique que la modulation n'est pas en pratique applicable aux
salariés mineurs, y compris aux jeunes en contrat d'apprentissage ou
d'insertion en alternance, puisque ceux-ci ne peuvent être employés à travail
effectif excédant 7 heures par jour. Il lui demande, en conséquence, puisque
l'apprentissage est la filière d'avenir de la formation et de l'insertion
professionnelle des jeunes, si elle envisage une dérogation dans le cadre de la
transposition dans le droit français de la directive 94/33 du 22 juin 1994, qui
a donné lieu à l'ordonnance 2001-174 du 22 février 2001, puisqu'une dérogation
a déjà été accordée aux CFA (centres de formation pour apprentis) qui sont
passés à 35 heures et ont organisé leur temps de travail sur 4 jours et demi,
puisqu'il était apparu que la mise en oeuvre de la limitation quotidienne de la
durée du travail à 7 heures pour les apprentis mineurs pouvait poser problème.
Il lui rappelle qu'il y va de l'avenir des métiers de l'artisanat, du bâtiment
et de la pérennité des petites entreprises artisanales, qui forment aujourd'hui
80 % des apprentis du secteur du bâtiment.