SEANCE DU 9 MAI 2001
CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
SUR LES INONDATIONS DE LA SOMME
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Marcel
Deneux, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur
la proposition de résolution (n° 278, 2000-2001) de MM. Pierre Martin, Fernand
Demilly et Marcel Deneux relative à la création d'une commission d'enquête sur
les inondations de la Somme afin d'établir les causes et les responsabilités de
ces crues, d'évaluer les coûts et de prévenir les risques d'inondations.
[Rapport n° 305 (2000-2001) et avis n° 306 (2000-2001).]
Mes chers collègues, nous allons examiner le principe de la création d'une
commission d'enquête sur les inondations de la Somme.
Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir accédé à ma demande en nous
permettant d'inscrire ce point à notre ordre du jour complémentaire avant
l'ordre du jour prioritaire.
Depuis l'automne 1999, la France a subi une série inquiétante de catastrophes
naturelles : inondations, glissements de terrain et tempêtes ont perturbé notre
vie quotidienne tout au long de ces dix-huit derniers mois.
A chaque fois, le Sénat a manifesté sa sympathie aux populations éprouvées.
Aujourd'hui, notre pays est frappé par un phénomène pluviométrique sans
précédent. L'ensemble de nos compatriotes est affecté par les conséquences de
ces précipitations.
A l'évidence, toutefois, les plus touchés sont les habitants de la vallée de
la Somme. Aujourd'hui encore, plus de 2 800 habitations sont inondées dans ce
secteur et, selon les experts, le retour à la normale ne devrait pas se
produire avant un certain temps.
Sur mon initiative, nos collègues sénateurs du département de la Somme n'ayant
pas manqué de m'interpeller sur ce point, le conseil de questure a débloqué un
secours d'urgence de 200 000 francs pour venir en aide aux collectivités
sinistrées de la Somme. Cet effort du Sénat symbolise, s'il en était besoin,
notre volonté de solidarité à l'égard de ces populations.
Au-delà de ce secours, nous avons ouvert, sur le site Internet du Sénat, avec
les trois sénateurs de la Somme, Fernand Demilly, Marcel Deneux et Pierre
Martin, une page « Somme : Sénat Solidarité », qui permet à chaque membre de la
Haute Assemblée de proposer des aides concrètes.
En cet instant, je forme le voeu que la commission d'enquête, quand elle sera
créée, soit en mesure d'établir un bilan et de trouver les voies et solutions
susceptibles d'éviter que pareille catastrophe ne se reproduise.
Une fois de plus, les élus locaux se sont trouvés en première ligne et ont dû
faire face.
Nos concitoyens, je le pense, en sont conscients : ils attendent de nous que
nous sachions répondre à leurs préoccupations, à leurs inquiétudes, voire, pour
certains d'entre eux, à leurs angoisses.
Il appartient maintenant au Sénat de délibérer sur la création de cette
commission d'enquête.
Je donne la parole à M. Deneux, rapporteur de la commission des affaires
économiques, qui a bien voulu rédiger son rapport dans les meilleurs délais, ce
dont je tiens à le complimenter.
M. Marcel Deneux,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, permettez-moi tout d'abord, au nom des trois sénateurs de la
Somme, de vous remercier solennellement de la manière dont vous avez compris la
détresse qui était la nôtre au cours des trois dernières semaines et dont vous
avez, à votre niveau, aidé à faire renaître l'espoir dans ce département. Les
populations de la Somme ont apprécié.
Mes chers collègues, la proposition de résolution que j'ai l'honneur de vous
présenter tend à la création d'une commission d'enquête relative aux
inondations dans le département de la Somme.
Les auteurs de cette proposition assignent à cette commission la mission
d'établir les causes et les responsabilités de ces crues, d'évaluer les coûts
et de prévenir les risques d'inondations.
La commission des lois est saisie pour avis afin de vérifier que cette
proposition est conforme à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 modifiée, relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires.
Il appartenait à la commission des affaires économiques, saisie au fond, de
juger de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête.
Comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, ce n'est pas
la première fois que la Somme subit la cruelle épreuve des inondations, mais
celle-ci connaît une intensité et une durée exceptionnelles jamais enregistrées
depuis 1920.
Cet événement fait notamment suite aux inondations à répétition subies dans
l'ouest de la France, et il est concomitant à des inondations enregistrées en
beaucoup d'autres points du territoire. Ainsi, au cours des dix-huit derniers
mois, c'est-à-dire entre janvier 1999 et juin 2000, on a enregistré dans notre
pays douze inondations de grande ampleur ayant provoqué la mort de cinquante et
une personnes.
Les inondations constituent ainsi, en France, le risque naturel prédominant,
car, sur 160 000 kilomètres de cours d'eau, une surface de 22 000 kilomètres
carrés ou 2,2 millions d'hectares, soit la superficie de trois gros
départements, est reconnue particulièrement inondable. Cela concerne 7 600
communes et 2 millions de riverains.
Dans la Somme, depuis début avril 2001, et sans avoir, heureusement, à
déplorer de pertes humaines, 114 communes du département ont été touchées, 3
325 habitations ont été inondées, dont 497 évacuées, ce qui représente plus de
1 000 personnes à reloger.
Une analyse fine du phénomène s'impose au-delà du constat réel d'une
pluviométrie exceptionnelle ces derniers mois.
La commission d'enquête devra tout d'abord faire le point sur le rôle des
nappes phréatiques en ce qui concerne la durée des inondations, en tenant
compte des caractéristiques du bassin hydrographique.
Elle devra par ailleurs se pencher sur la part liée aux caractéristiques,
d'une part, du système hydrologique, notamment la faible déclivité du fleuve,
l'étroitesse du lit et, d'autre part, de la baie de la Somme, milieu naturel
particulier et apprécier la gestion du réseau complexe de canaux, construit au
xixe siècle et terminée au xxe siècle, pour faciliter la navigation entre
l'Oise, l'Aisne, la Somme et le réseau du Nord, avec la Deule, notamment en ce
qui concerne les mesures de délestage et les transferts d'eau qu'elles
impliquent.
La réflexion devra aussi porter sur l'adéquation du dispositif de réaction mis
en place pour gérer cette situation d'urgence, en matière tant de délais que de
moyens financiers et humains.
L'examen de la réponse des pouvoirs publics devra être mené à la lumière des
conclusions du rapport public de la Cour des comptes pour 1999, qui comportait
un chapitre sur la prévention des inondations. La haute juridiction y
soulignait notamment la complexité de l'organisation administrative en matière
de lutte contre les inondations.
Comme l'indiquent les auteurs de la proposition que j'ai l'honneur de
rapporter, le constat des dysfonctionnements éventuels devra déboucher sur des
propositions en matière de coordination des actions de l'Etat, avec le concours
éventuel des collectivités territoriales.
Il conviendra également de dresser un bilan des dégâts occasionnés et de
chiffrer le coût de l'inondation, même si, de l'avis des experts, la durée
inédite du phénomène rend la tâche très difficile.
L'arrêté du 26 avril 2001 déclare l'état de catastrophe naturelle dans 108
communes du département de la Somme et permet d'indemniser les victimes de
l'inondation.
Le bilan des dégâts devra prendre en compte les conséquences de l'inondation
sur l'activité économique du département, tant en ce qui concerne les
entreprises, les artisans et les commerçants que les agriculteurs.
La commission d'enquête devra alors s'assurer de la pertinence de la loi n°
82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de
catastrophes naturelles et de ses limites éventuelles. Elle devra analyser les
modifications apportées à ce régime d'indemnisation, notamment en ce qui
concerne le nouveau dispositif de franchise applicable depuis janvier 2001.
Elle devra également examiner le problème de l'indemnisation des bâtiments
publics.
Afin de tirer les leçons de cet événement, il appartiendra également à la
commission d'enquête d'analyser et d'évaluer les dispositifs existant en
matière de prévention des risques d'inondation et de leur mise en oeuvre dans
le bassin de la Somme.
Ainsi conviendra-t-il de s'interroger sur l'absence de plan de prévention des
risques naturels, ce qui empêche d'évaluer correctement le risque
d'inondation.
Au-delà, il importera de faire le point sur les responsabilités partagées en
matière d'entretien des rivières, de maîtrise de l'urbanisation, d'aménagement
de l'espace, ou encore d'évolution des pratiques agricoles. Ce sont autant de
pistes de réflexion que la commission d'enquête devra explorer afin de
déboucher sur des propositions concrètes et cohérentes de prévention.
Dans cette perspective, suivant les conclusions de son rapporteur et compte
tenu de l'avis émis par la commission des lois sur la conformité de la
proposition de résolution avec l'ordonnance de 1958 précitée, la commission des
affaires économiques vous propose, mes chers collègues, la mise en place de
cette commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de
cette ordonnance et de l'article 11 du règlement du Sénat.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Béteille présente au Sénat son premier rapport : je lui adresse tous mes
encouragements.
M. Laurent Béteille,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des lois a examiné
la proposition de résolution de nos collègues représentant le département de la
Somme sous l'angle de l'article 11 du règlement du Sénat qui prévoit que «
lorsqu'elle n'est pas saisie au fond d'une proposition tendant à la création
d'une commission d'enquête, la commission des lois » est néanmoins « appelée à
émettre un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de
l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires ».
En son état actuel, ce texte prévoit que « les commissions d'enquête sont
formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits
déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises
nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a
créées ». Il est en outre précisé qu'« il ne peut être créé de commission
d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi
longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée,
sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux
faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Lorsqu'elle est saisie pour avis d'une proposition de résolution tendant à la
création d'une commission d'enquête, la commission des lois a pour unique tâche
de déterminer si cette création entre dans le champ d'application de l'article
6 de l'ordonnance précitée.
La commission des lois a donc examiné le texte de la proposition de
résolution. Les auteurs de cette dernière, dans l'exposé des motifs de leur
proposition, ont manifesté le souhait de « comprendre » et d'« appréhender
l'ensemble des raisons de ce drame », ajoutant qu'« il est essentiel
aujourd'hui d'apporter les réponses que les citoyens de la Somme et leurs élus
sont en droit d'attendre pour prévenir demain ces risques récurrents ».
Les investigations de la commission d'enquête devraient donc porter sur les
moyens mis en oeuvre par les différents services publics concernés et sur la
coordination de ces derniers.
Prévoyant le contrôle de services publics, la proposition de résolution entre
donc dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance, sans qu'il soit
nécessaire d'interroger le Gouvernement sur l'existence de poursuites
judiciaires.
Enfin, la proposition de résolution fixe à vingt et un le nombre des membres
de la commission d'enquête, ce qui est conforme au maximum prévu par l'article
11 du règlement.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois estime que la
proposition de résolution n'est pas contraire aux dispositions de l'article 6
de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste, ainsi que
sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines à
présent, les inondations ont ravagé notre pays, et la Somme a figuré au nombre
des départements les plus sinistrés. Conséquences de pluies exceptionnelles -
vingt-six jours au mois d'avril - de sols gorgés d'eau, de nappes phréatiques
saturées, ces phénomènes naturels hors normes plongent les populations,
notamment les habitants de la Somme, dans une grande détresse.
Au premier rang des diverses causes de ces inondations, les intempéries ont
laissé plus de 2 500 maisons inondées, des champs et des prairies
impraticables, des entreprises en chômage technique. En outre, elles ont mis à
mal la saison touristique dans cette région. Aujourd'hui encore, 125 communes
ressentent très durement, et au quotidien, les conséquences de ces tragiques
inondations.
Ces événements ont mobilisé de très nombreux réseaux de solidarité, non
seulement au sein de la population, mais également parmi les élus, les services
municipaux, les pompiers et les militaires, ainsi qu'un très grand nombre
d'associations.
S'agissant de l'aide aux sinistrés, le Gouvernement a mis en oeuvre des moyens
d'envergure, que des situations le plus souvent tragiques rendaient
indispensables.
Ces moyens, pourtant importants, ne répondaient que partiellement aux besoins
de nos compatriotes victimes des inondations, souvent en état de choc devant
l'ampleur des dommages subis.
Compte tenu de ces éléments, la Haute Assemblée propose la mise en place d'une
commission d'enquête sur les inondations dans la Somme ; dans le même temps, le
Gouvernement a lui-même souhaité la création d'une mission d'experts pour faire
toute la lumière sur les causes profondes de ces inondations et pour pouvoir
mettre en oeuvre, dans ce département, une politique adaptée à de telles
circonstances.
De tels phénomènes mettent en lumière la nécessité d'améliorer la gestion de
nos fleuves et de nos rivières et de consacrer à cette fin des moyens très
importants !
Nous attendons également qu'une large part du débat sur le projet de loi
relatif à la politique de l'eau dans notre pays soit consacrée à la question
des risques d'inondations, ainsi qu'à la prévention de ceux-ci. En effet, les
dangers liés aux conséquences de l'urbanisation méritent une attention
particulière, et l'observatoire des changements climatiques devrait être mis en
place.
En l'état actuel des choses, il convient que le Gouvernement reste mobilisé
pour apporter une aide aux milliers de personnes qui vivent encore très
douloureusement les suites de ces inondations. La solidarité doit continuer de
s'exercer à l'échelon local et national, mais aussi, comme cela a été le cas, à
l'échelon international.
Dans une situation aussi insupportable que l'est, aujourd'hui, celle des
sinistrés du département de la Somme, grande est la tentation de chercher, ici
ou là, des responsables à un phénomène qui est sûrement dû, pour l'essentiel,
aux conditions météorologiques ayant prévalu dans notre pays ces dernières
semaines.
Nous souhaitons, pour notre part, que les détresses accumulées tout au long de
ces jours n'alimentent pas des discours où les inondations seraient en fait
utilisées à des fins politiques, voire politiciennes...
Nous approuvons tout à fait, sur le plan des principes, la proposition de
créer une commission d'enquête qui nous est soumise, à condition, toutefois,
que cet instrument soit mis au service de la connaissance et d'une meilleure
information quant aux causes de ces inondations, afin que l'on puisse prévenir
au mieux de tels accidents, dans l'intérêt des populations.
A cet égard, d'ailleurs, peut-être eût-il été préférable, du moins sur le plan
formel, de mettre en place une mission d'information, mieux à même de prendre
en compte la complexité de ces questions. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons
déterminer et comprendre l'ensemble des raisons de ce drame, car nous devons à
nos concitoyens une totale transparence sur ces événements, afin qu'il soit
possible d'y remédier.
C'est donc dans cet état d'esprit que nous participerons aux travaux de la
commission d'enquête, qui, nous l'espérons, sera à même de formuler dans les
meilleurs délais des propositions en vue de favoriser la prévention des risques
d'inondations dans le département de la Somme et, plus largement, dans
l'ensemble de notre pays.
En tout état de cause, nous souhaitons assurer de tout notre soutien nos
concitoyens et, au premier rang d'entre eux, les victimes des inondations.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées socialistes et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, mes chers collègues, je représente en cette
circonstance un canton où se trouve la commune la plus sinistrée par rapport au
chiffre de sa population. Ce n'est pas un secret : Fontaine-sur-Somme sera
bientôt connue dans toute la France, puisque les médias en parlent chaque
jour.
Je voudrais tout d'abord remercier les deux commissions, qui ont donné un avis
favorable à la création de la commission d'enquête, ainsi que M. le président
du Sénat, pour la capacité d'écoute dont il a fait preuve et pour tout ce qu'il
a fait en l'occurrence. Je voudrais également remercier tous mes collègues, qui
sont venus au secours des sinistrés de la Somme.
Actuellement, la situation est telle que nous sommes toujours dans l'urgence.
Certes, on annonce qu'il y a décrue, mais, dans la commune que j'ai évoquée, le
niveau a baissé de 3,5 centimètres en douze jours, et les rues restent
recouvertes par 1,50 mètre d'eau ! Telle est la situation, et nous n'en voyons
pas la fin.
J'ai écouté, sur place, les réflexions des uns et des autres ; des allégations
aux rumeurs, cela va bon train ! Evidemment, on cherche des coupables, mais il
faut avant tout essayer d'établir la vérité. Si la commission d'enquête peut y
contribuer, nous aurons accompli un travail très positif.
Pourquoi dis-je cela ? Pourquoi ai-je demandé au président du Sénat si la mise
en place d'une telle commission était envisageable ? Différentes commissions et
missions ont été évoquées, mais j'ai surtout noté, sur le terrain, que les
conclusions remises par une commission sénatoriale seraient étudiées avec
beaucoup d'attention, précisément parce que la sagesse du Sénat est reconnue.
Cette confiance d'une population qui a moralement bien besoin qu'on l'aide,
nous ne pouvons évidemment que faire en sorte de la conforter.
M. Lucien Neuwirth.
Très bien !
M. Pierre Martin.
En effet, si l'urgence prévaut aujourd'hui, il faut aussi penser à l'avenir.
Cet avenir, nous devons aider tous les sinistrés à le déterminer ; quand on
voit des maisons se fissurer et s'enfoncer dans le sol tourbeux, on n'ose
imaginer ce qu'il en sera dans quelques semaines, quand l'eau se sera
écoulée.
A cet égard, avons-nous le droit de laisser beaucoup d'espoir à ces gens ?
Quand le niveau de l'eau baisse un peu, ils se précipitent immédiatement dans
leurs maisons : qui pourrait leur dénier le droit de vouloir retrouver leurs
conditions de vie normales et leurs habitudes ? Néanmoins, est-ce une bonne
solution ? Avons-nous le droit de laisser faire cela sans avoir procédé à une
étude, à une enquête, sans pouvoir prendre dans de bonnes conditions des
décisions qui engagent l'avenir ? Certes, on avance des suggestions, on affirme
qu'il s'agit d'une crue cinquantenaire ou décennale, mais si les mêmes
phénomènes se reproduisaient l'automne ou l'hiver prochains, notre
responsabilité collective serait en jeu.
Aussi est-ce notre devoir d'essayer d'être aux côtés des populations, d'abord
pour leur dire la vérité, ensuite pour les aider à retrouver de bonnes
conditions de vie, si ce n'est là où elles résidaient jusqu'à présent, du moins
ailleurs, car si des décisions courageuses doivent être prises, il faut
qu'elles le soient par des personnes ayant soigneusement étudié le problème.
Telle est la situation dans la vallée de la Somme, mes chers collègues, une
situation qui intrigue beaucoup ! Je souhaite en tout cas que se manifeste dans
mon département la même solidarité que celle que nous avons constatée
aujourd'hui dans cette assemblée.
M. le président.
Très bien !
M. Pierre Martin.
Il va de soi que tous les efforts doivent tendre dans la même direction, car
nous ne devons penser qu'aux sinistrés. Il n'y a aucune raison qu'il y ait,
comme je l'ai entendu dire, « de la récupération dans l'air ». Les sinistrés se
moquent bien, en effet, de tout cela ; ce qu'ils demandent, c'est simplement de
retrouver des conditions de vie décentes, et c'est le moins que nous puissions
leur offrir !
Grâce aux compétences et à la bonne volonté des uns et des autres, la
commission d'enquête devrait permettre de faire le jour sur une situation
certes inédite, mais qui ne mérite pas moins que l'on s'en préoccupe.
En tout état de cause, je remercie M. le président du Sénat pour tout ce qu'il
a fait, tout comme je remercie l'ensemble des membres de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je remercie M. Martin des propos aimables qu'il a adressés au Sénat, ainsi
qu'à son président.
La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous aurez remarqué que les
sénateurs de la Somme sont particulièrement solidaires face aux difficultés que
connaît leur département. Je tiens donc simplement ici à m'associer aux propos
de mes collègues.
Bien évidemment, si la commission d'enquête est créée, je participerai à ses
travaux, pour essayer de déterminer les causes de ces inondations, s'agissant
en particulier du département de la Somme, d'évaluer les dégâts, qui sont
considérables, de réfléchir aux solutions nécessaires ainsi qu'à
l'indispensable coordination des différents intervenants dans ce type de
situation et d'étudier les orientations législatives à mettre en oeuvre.
Par ailleurs, nous souhaitons bien sûr élargir le débat, puisque nous ne
sommes hélas ! pas seuls à subir de cruelles inondations.
Je m'associe, en conclusion, à mes collègues pour remercier la Haute Assemblée
et son président de tout l'intérêt qu'ils ont manifesté et de toutes les
actions qu'ils ont menées pour aider le département de la Somme.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe socialiste s'associe à
cette proposition de créer une commission d'enquête sur la situation dans le
département de la Somme, tout en souhaitant que la réflexion soit élargie à
l'ensemble du territoire national, tant il est vrai que les inondations sont
devenues un phénomène naturel préoccupant pour nos populations : une commune
sur quatre est concernée dans notre pays, ce qui représente 10 % de la
superficie nationale.
De plus, si la fréquence de ce phénomène nous inquiète, il en va de même son
ampleur. On se souvient, à cet égard, de la catastrophe de Vaison-la-Romaine,
mais aussi des inondations subies par certains départements de l'Ouest et par
ceux de la Mayenne et de l'Aude.
Il nous faut donc mener une réflexion globale et forte sur les causes de cette
situation, qui sont bien évidemment d'abord naturelles : la pluviométrie a été
exceptionnelle, puisqu'il est tombé de deux à trois fois plus d'eau
qu'habituellement sur le territoire de la Picardie, et nous devons donc
réfléchir aux les conséquences de l'effet de serre et du réchauffement
climatique. Encore faut-il rappeler que d'autres régions, dans le même temps,
souffrent de la sécheresse.
Par ailleurs, d'autres causes sont souvent avancées, telles que
l'imperméabilisation des sols, le ruissellement plus rapide des eaux du fait
d'une politique aboutissant à favoriser la culture du maïs plutôt que celle de
l'herbe ou la saturation des nappes phréatiques. Une réflexion d'ensemble doit
donc être conduite pour proposer des actions concrètes.
J'ajouterai que nous pouvons aussi nous interroger sur la pertinence de
certains des instruments réglementaires dont nous disposons. En outre, des
outils tels que les agences de l'eau, le SDAGE - le schéma directeur
d'aménagement et de gestion des eaux - le SAGE - le schéma d'aménagement et de
gestion des eaux - sont relativement peu utilisés. Peut-être le plan local
d'urbanisme et le schéma de cohérence territoriale constitueront-ils demain des
moyens d'action adéquats, mais encore faut-il que les élus aient la volonté de
les mettre en place.
En tout état de cause, la prévention des inondations reste insuffisante et la
maîtrise de l'urbanisation dans les zones inondables pose toujours problème. Il
nous faut donc engager tous ensemble une réflexion de fond, sans esprit
polémique, sans essayer de désigner tel ou tel coupable, dans le dessein
d'élaborer des textes nous permettant de mieux faire face aux difficultés.
Une autre grande question concerne les moyens de permettre une réparation
équitable des dommages. A cet égard, il convient de réfléchir sur les
conditions de l'indemnisation permise par les assureurs et par les différents
fonds publics. La solidarité nationale doit bien sûr s'exercer, mais il ne
faudrait pas déresponsabiliser les assurés et les assureurs. Il est donc, là
aussi, nécessaire de définir une grande politique permettant certes de dégager
d'indispensables crédits nouveaux, mais aussi de gérer correctement les cours
d'eau et de mettre en place des outils de prévention des inondations et un
dispositif plus simple, plus clair et plus rapide d'indemnisation des
dommages.
Le groupe socialiste s'associe donc pleinement à cette initiative visant à
créer une commission d'enquête, tout en souhaitant un élargissement de la
réflexion à tout le territoire national.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
En application de l'article 11 du règlement du
Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission
d'enquête de vingt et un membres sur les inondations de la Somme afin d'établir
les causes et les responsabilités de ces crues, d'évaluer les coûts et de
prévenir les risques d'inondations. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
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