SEANCE DU 3 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 13, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 6
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre
1958 précitée est ainsi rédigé :
« Je jure de me comporter en tout comme un digne et loyal magistrat,
impartial, libre, intègre, respectueux de la loi, des droits de toutes les
parties et du secret des délibérations. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Cet amendement fait suite à un débat qui a eu lieu à
l'Assemblée nationale concernant les serments. Je me suis permise de demander à
la Haute Assemblée d'actualiser le serment prêté par les magistrats, de manière
à faire apparaître plus explicitement le contenu de leur engagement. Le terme
de « loi » doit naturellement être entendu dans son sens le plus large, qui est
celui de la légalité. Il inclut ainsi toutes les normes de droit positif, quels
que soient leur niveau et leur source.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement, ainsi d'ailleurs que l'amendement suivant,
déposé par M. Haenel, amendements qui portent tous deux sur le serment des
magistrats, soulèvent et une question de méthode et une question de fond. Je
dirai un mot de la question de fond, puis je conclurai sur la question de
méthode.
Sur le fond, la commission est très réservée à l'idée de modifier la rédaction
du serment, peut-être en raison du scepticisme qu'elle éprouve sur l'efficacité
et la valeur contraignante du serment. En effet, le contenu du serment n'est
pas doté d'un effet aussi décisif qu'on pourrait l'espérer.
Quand on examine la proposition du Gouvernement, on se heurte à deux
difficultés.
Tout d'abord, on voit qu'est supprimé le mot « religieusement » dans une
phrase où il est dit que l'on s'engage à « respecter religieusement » le secret
des délibérations. Il est évident que, dans l'emploi ainsi fait du mot «
religieusement », il n'y a aucune référence au sens métaphysique du terme et
qu'ainsi employé, cet adverbe signifie « très consciencieusement ». Je trouve
qu'il y a quelque chose de mesquin, de suranné et même de franchement démodé à
faire la chasse au mot « religieusement ». C'est aussi, je crois, le sentiment
de la commission.
Ensuite, la nouvelle rédaction se livre à une énumération détaillée des
devoirs du magistrat, alors que la formule actuelle est plus générale. Or il
nous semble qu'une formule générale, qui englobe toutes les hypothèses
possibles, même celles auxquelles on ne pense pas, mais qui se rencontreront
peut-être un jour, est préférable à une énumération qui risque de ne pas
prendre en compte tel ou tel cas précis. Certains pourront dire : il y a une
énumération précise ; donc, ce qui ne figure pas dans l'énumération n'est pas
visé par le serment.
D'où notre réticence à l'égard de cette modification du serment.
J'en viens à la question de méthode que, finalement, la commission a
considérée comme plus décisive.
Cette question du serment revêt une importance non seulement morale, mais
aussi normative, dans la mesure où des poursuites disciplinaires peuvent être
déclenchées sur le fondement d'une violation du serment.
Pour notre part, nous avons déjà montré l'intérêt que nous attachions à
l'amélioration du régime disciplinaire, d'une part, par l'extension de la
saisine de la juridiction disciplinaire qu'est le CSM aux chefs de juridictions
d'appel, en ce qui concerne les juges du siège, ainsi que - c'est un ajout de
l'Assemblée nationale - aux procureurs généraux, pour ce qui concerne les
magistrats du parquet, d'autre part, par l'introduction d'une plus grande
transparence. Cela nous paraissait nécessaire pour répondre à un certain nombre
d'inquiétudes, que j'ai exprimées tout à l'heure à la tribune.
La question du serment va donc prendre une importance grandissante. Dès lors,
il nous paraît difficile de nous prononcer sur une modification à laquelle,
madame le garde des sceaux, vous et vos services avez sûrement réfléchi, je
n'en doute pas, mais qui n'a pas pu faire l'objet d'un travail suffisamment
approfondi de la part de la commission. Ainsi, nous n'avons pu consulter les
différents représentants qualifiés des instances juridictionnelles et des
magistrats, je veux parler des syndicats de magistrats, du président ou d'un
représentant du CSM, mais aussi du Premier président de la Cour de cassation,
qui d'ordinaire éclairent nos réflexions. Il nous paraît tout à fait nécessaire
d'entendre les personnes que je viens de citer pour mieux mesurer l'importance
du problème et déterminer ce qui doit figurer dans le serment.
Ne croyez pas que nous soyons hostiles à toute modification de la rédaction
actuelle du serment. Ce que nous voulons, c'est la modifier en connaissance de
cause, après avoir procédé aux consultations qui sont de règle dans toute
assemblée.
Dans cet esprit, nous vous faisons donc la proposition suivante, madame le
garde des sceaux. M. Haenel a déposé une proposition de loi organique portant
sur ce sujet. Il suffirait qu'elle soit inscrite à notre ordre du jour pour que
nous puissions aborder la question avec la préparation voulue et la sérénité
convenable.
Ne voyez dans ma proposition, madame, aucune astuce pour gagner du temps ou
pour cacher une réticence de fond. Simplement, cette façon de procéder me
paraît beaucoup plus sage et raisonnable et permettrait d'aboutir à une
modification du serment dans un délai assez bref.
Aussi, pour l'instant, je me permets respectueusement de vous suggérer de bien
vouloir retirer votre amendement. Vous pourrez ensuite parfaitement inscrire la
proposition de loi de M. Haenel à l'ordre du jour d'une prochaine séance ;
donnez-nous toutefois au moins un mois, pour que nous procédions aux
consultations nécessaires ! Dans le même esprit, je demande à M. de Richemont
de retirer l'amendement n° 39.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sur le fond, je comprends parfaitement ce qui vient
d'être dit. Cependant, je suis embarrassée pour accéder à votre demande,
monsieur le rapporteur, parce que je m'étais engagée devant les députés - qui
le désiraient ardemment -, lors de la première lecture d'un autre texte, à vous
proposer cet amendement dans le projet de loi organique relatif au statut des
magistrats. Je ne pouvais pas proposer d'insérer cette disposition dans le
texte alors en discussion à l'Assemblée nationale dans la mesure où elle y
aurait constitué un cavalier.
Cet amendement résulte donc d'un engagement que j'ai pris devant l'Assemblée
natioanle, peut-être avec une grande imprudence. Son dépôt témoignera en tout
cas de ma bonne foi.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous vous en donnons acte !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sans doute serait-il possible d'inscrire une
proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat. En revanche, elle aurait peu de
chances d'être inscrite avant un certain temps à celui de l'Assemblée
nationale, qui est déjà très chargé. Mais je verrai ce qu'il est possible de
faire ...
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, j'accepte de retirer cet
amendement.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je vous remercie, madame le garde des sceaux.
M. le président.
L'amendement n° 13 est retiré.
Par amendement n° 39, M. Haenel et les membres du groupe du Rassemblement pour
la République et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6
ter
,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout magistrat, qu'il soit du siège ou du parquet, doit réitérer, à chaque
changement d'affectation, devant la juridiction à laquelle il est nommé, sa
prestation de serment dont la teneur suit : "Je jure de me comporter en tout
comme un digne et loyal magistrat intègre, libre, impartial, respectueux de la
loi, des droits de toutes les parties et du secret professionnel". »
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
J'indique d'emblée que je vais accéder au souhait de M. le rapporteur et
retirer cet amendement.
Au demeurant, je crois que l'identité des termes du serment, qu'il s'agisse
d'un magistrat du parquet ou d'un magistrat du siège pose quelques problèmes.
Demander à un magistrat du parquet de respecter les droits de toutes les
parties, voire d'être impartial, c'est lui demander quelque chose qu'il ne doit
pas faire. Le rôle du parquet est de défendre l'intérêt public, d'agir au nom
de l'Etat, de requérir contre l'accusé et non de le défendre. La défense, c'est
la mission de l'avocat ! Le parquet n'est qu'une partie parmi d'autres.
J'approuve donc la proposition de M. le rapporteur : il convient de réfléchir
encore aux termes des serments à prêter.
M. le président.
L'amendement n° 39 est retiré.
Par amendement n° 14, le Gouvernement propose d'insérer après l'article 6
ter
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 précitée est ainsi rédigé :
« Je jure de respecter le secret professionnel et de me comporter en tout
comme un digne et loyal auditeur de justice. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Il s'agit du même problème. Cet amendement tend à
instituer une formule actualisée du serment prêté par les auditeurs de justice.
Dans la mesure où je suppose que la réponse de M. le rapporteur sera la même,
je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 14 est retiré.
Par amendement n° 15, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 6
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 29 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de la loi du 30 décembre 1921 rapprochant les
fonctionnaires qui, étrangers au département, sont unis par le mariage, soit à
des fonctionnaires du département, soit à des personnes qui y ont fixé leur
résidence ne sont pas applicables aux magistrats. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le statut de la magistrature, dans son article 29 issu
de la loi organique du 5 février 1994, prévoit expressément la prise en compte
de la situation de famille des magistrats lors de l'élaboration des projets de
nomination, dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du
service et les particularités de l'organisation judiciaire.
L'application systématique des dispositions de la loi dite « loi Roustan »
est, en effet, largement incompatible avec le mode de gestion des affectations
des magistrats et, par là même, du service public de la justice.
Le présent amendement tend, en conséquence, à écarter l'application de ce
texte aux magistrats, dont la situation familiale est prise en compte, selon
des modalités qui leur sont spécifiques, par le statut de la magistrature.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Favorable.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Il me semble que Mme le garde des
sceaux a oublié la situation des « pacsés ». On me dit que le PACS sert, dans
un certain nombre de cas, à favoriser les rapprochements géographiques. Mais
peut-être les magistrats ne se « pacsent »-ils pas ?
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6
ter
.
Chapitre II
Dispositions relatives au régime disciplinaire
des magistrats
Article additionnel après l'article 8