SEANCE DU 24 AVRIL 2001
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 1024, adressée à
M. le ministre de l'intérieur.
M. Ambroise Dupont.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la
récente décision de retirer du port de Ouistreham les dix-huit membres de la
police de l'air et des frontières - la PAF - qui y travaillent actuellement.
Cette décision nous préoccupe beaucoup et risque de porter un coup très dur au
développement du trafic transmanche. Elle semble aussi incohérente puisque la
PAF est maintenue au Havre, à Cherbourg ou à Saint-Malo et que seul le port de
Ouistreham est touché.
Bien que nous ayons confiance en leurs qualités, il nous paraît fort
improbable que les personnels de la douane et de la gendarmerie puissent, comme
il nous l'a été dit, assurer le travail de la PAF. Deux entités ayant déjà leur
propre travail et leurs responsabilités spécifiques à assumer peuvent-elles
remplacer dix-huit personnes disposant de moyens plus importants ?
De plus, la douane n'a pas de compétences judiciaires pour interpeller les
clandestins, dont le nombre, je le rappelle, est en augmentation constante :
soixante ont été appréhendés en 1999, cent vingt-neuf en 2000 et cent
vingt-quatre pour les trois premiers mois de 2001. Jeudi dernier, dix
clandestins kosovars ont encore été arrêtés, dont quatre mineurs âgés de treize
à quinze ans.
Et que se passera-t-il si la gendarmerie dépasse, pour arriver sur les lieux
où auront été appréhendés des passagers clandestins, le délai de garde à vue,
récemment réduit à une heure ?
Le port de Ouistreham accueille des cargos en provenance de tous les
continents, notamment d'Afrique. Il enregistre un transit de plus d'un million
de passagers et de 100 000 camions, et un nouveau
car-ferry
sera bientôt
mis en service entre Ouistreham et Porstmouth.
Mais le développement du transport de passagers et de marchandises qui devrait
s'ensuivre risque fort d'être empêché car les transporteurs routiers vont
hésiter, voire renoncer, à passer par Ouistreham si la police de l'air et des
frontières n'est plus présente. En effet, on le sait, les transporteurs
britanniques doivent payer de fortes amendes si des passagers clandestins sont
découverts dans leurs véhicules. Or, les contrôles se renforcent dans les
autres ports de la Manche.
Pour toutes ces raisons, et dans un contexte d'augmentation continue du nombre
de passagers clandestins, c'est, nous semble-t-il, moins que jamais le moment
de relâcher le contrôle. C'est pourquoi je demande que tout soit fait pour
maintenir le personnel de la police de l'air et des frontières actuellement
affecté au port de Ouistreham.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Monsieur
le sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les excuses de M. le
ministre de l'intérieur, qui est en déplacement, ce matin, au côté de M. le
Premier ministre.
Il m'a prié de vous communiquer les éléments de réponse suivants.
Le conseil de sécurité intérieure du 6 décembre 1999 a pris la décision de
procéder à une nouvelle répartition des tâches entre la direction centrale de
la police aux frontières et la direction générale des douanes et des droits
indirects, afin de permettre aux effectifs de police de se consacrer aux
missions de sécurité et de proximité.
En conséquence, une impulsion nouvelle a été donnée au développement de la
complémentarité entre les deux administrations, ce qui est une bonne chose.
Ainsi, la mission de contrôle transfrontière sur quarante et un points de
passage autorisés aériens, maritimes et terrestres, choisis en raison de la
faiblesse des flux « hors Schengen » qu'ils connaissent, a été transférée de la
police aux douanes.
Dans le Calvados, compte tenu de l'absence de bassin d'immigration irrégulière
dans l'aire urbaine de Caen, le service départemental de la police aux
frontières sera supprimé après la reprise de la mission de contrôle aux
frontières par les douaniers. Cette prise en charge par la douane devrait
intervenir à la fin du premier semestre de 2001.
En effet, les données statistiques relatives à l'activité de ce service
confirment qu'il n'existe pas, dans le secteur de Caen-Ouistreham, de pression
migratoire irrégulière en provenance ou à destination du Royaume-Uni.
De fait, s'agissant des contrôles transfrontière, il apparaît que le nombre
des étrangers non admis par les fonctionnaires de la police aux frontières n'a
cessé de diminuer depuis 1998. La tendance est identique pour le nombre de
clandestins maritimes découverts : dix en 1998, huit en 1999 et cinq en 2000. A
cet égard, aucun placement en zone d'attente n'a été effectué depuis 1998 et
aucune demande d'asile n'a été présentée à la frontière.
Dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière, le nombre des
procédures judiciaires diligentées par les fonctionnaires du service
départemental de la police aux frontières du Calvados pour entrée ou séjour
irrégulier a décru en 1998 et en 1999.
L'augmentation notée en 2000, et que vous avez soulignée, monsieur le
sénateur, s'explique, d'une part, par la vigilance accrue des chauffeurs de
camion, qui alertent les forces de l'ordre dès qu'ils soupçonnent la présence
de clandestins dans leur attelage - cette vigilance étant elle-même liée à la
mise en place de pénalités financières par les autorités britanniques en cas de
découvertes d'immigrants irréguliers - et, d'autre part, par la mise en oeuvre
des accords de complémentarité conduisant la sécurité publique et la
gendarmerie du Calvados à remettre au service départemental de la PAF les
étrangers en situation irrégulière interpellés, afin que ce dernier établisse
les procédures judiciaires et administratives.
Ainsi, une grande partie de ces interpellations ne se produisent pas à la
frontière, mais sont réalisées en amont, notamment par les services de
gendarmerie et de sécurité publique compétents.
S'agissant du traitement des procédures judiciaires, les missions de sécurité
et de paix publiques dans les ports ne sont pas, à de rares exceptions près, du
ressort de la police aux frontières, mais relèvent du service de sécurité
publique ou de gendarmerie territorialement compétent. A Caen-Ouistreham, cette
mission était, est et restera dévolue à la brigade territoriale de la
gendarmerie nationale.
En ce qui concerne la question du placement en zone d'attente d'un étranger
non admis à la suite du contrôle opéré par la douane, il est exact qu'il ne
peut être effectué que par un officier désigné par le chef de la police aux
frontières territorialement compétent, en vertu des dispositions de
l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Aussi, afin non seulement de mettre en oeuvre ces mesures, mais également de
gérer les escortes consécutives et de traiter le cas des clandestins maritimes,
un service référent de la police aux frontières a-t-il été désigné. Pour le
point de passage autorisé de Caen-Ouistreham, il s'agit de la direction
départementale de la police aux frontières de la Seine-Maritime, sise au
Havre.
En aucune façon le transfert à la douane des missions de contrôle
transfrontière ne représente un désengagement de l'Etat de sa mission sur les
frontières, puisqu'elle sera assurée, sans rupture de continuité, par cette
administration. Cette meilleure complémentarité des services, décidée par le
conseil de sécurité intérieure, permettra à la police aux frontières de
renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière et l'emploi dissimulé sur
les aires urbaines et les aéroports où la pression migratoire est
importante.
En conclusion, rien dans la situation actuelle de Caen-Ouistreham, ni même du
département du Calvados, ne justifie le maintien d'un service de la police aux
frontières. Toutefois, si la pression migratoire devait évoluer de façon
significative, il y serait répondu par un mode d'organisation dynamique,
performant et adapté.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. Daniel Vaillant souhaitait
apporter à vos interrogations.
M. Ambroise Dupont.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont.
La fin de la réponse transmise par M. le secrétaire d'Etat est plus
encourageante que son début !
En effet, nous avons des doutes à propos des bases sur lesquelles s'est fondé
le conseil de sécurité intérieure : il s'agissait de chiffres datant de 1998,
que vous avez rappelés, monsieur le secrétaire d'Etat, mais on constate une
aggravation pour l'année 2000, que vous avez bien voulu reconnaître.
Nous ne voudrions pas qu'une faiblesse dans le dispositif général, à l'échelon
du port de Caen-Ouistreham, vienne justifier, à l'avenir, la prise de
dispositions nouvelles.
Je demande donc au Gouvernement d'être attentif à cette question, qui inquiète
tout le monde dans notre région, qu'il s'agisse de la chambre de commerce, des
élus ou des transporteurs.
CONDITIONS DE DÉTENTION EN GARDE À VUE