SEANCE DU 28 MARS 2001


M. le président. « Art. 16. - A la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2311-4 du code de la santé publique, les mots : "sur prescription médicale" sont supprimés. »
Sur l'article, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Nous sommes convaincus que l'amélioration des résultats en matière de contraception et d'IVG passe nécessairement par la mise en place d'une éducation à la sexualité plus ample et plus pertinente qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant.
Vous le savez tous, ces dernières années, alors que la priorité était donnée à la lutte contre le sida, les campagnes d'information ont surtout porté sur la prévention de cette maladie - et c'était absolument nécessaire - mais elles ont, de ce fait, quelque peu éclipsé les campagnes sur la contraception. Cela contribue sans doute à expliquer qu'on assiste aujourd'hui à une augmentation du nombre des grossesses non désirées chez les mineures, grossesses qui aboutissent deux fois sur trois à un avortement. Joëlle Kauffmann a souvent attiré notre attention sur les drames qui lui étaient racontés dans son cabinet.
Il faut développer considérablement la contraception, et l'action à entreprendre à cet égard est sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu'à présent. Tous les moyens doivent être mobilisés, à commencer par l'école.
Les raisons de l'évolution constatée sont multiples. Outre la méconnaissance par les jeunes de leur corps, celle de la contraception est souvent mise en avant.
Savez-vous, par exemple, que l'information sexuelle, qui a officiellement fait son entrée dans les programmes d'enseignement en 1973, se limite toujours à une heure en classe de biologie au collège ? Savez-vous aussi que 60 % des filles n'utilisent aucune contraception lors de leur premier rapport sexuel ?
Il nous faut donc d'urgence entreprendre des actions d'une tout autre ampleur. Certes, le texte présente des avancées à cet égard, mais nous pensons qu'il faut aller plus loin.
On constate, en effet, que ce sont les pays qui ont le plus accordé de place à l'éducation à la sexualité - je pense en particulier aux Pays-Bas - qui ont les taux d'IVG les plus bas. Cette éducation permet de responsabiliser les jeunes, filles et garçons, sur leur sexualité.
Nous vous proposons donc de mettre en place une éducation sexuelle dès l'école primaire, le message étant évidemment adapté aux différents âges, et d'augmenter le nombre de séances consacrées à ce thème au cours de l'année scolaire.
Dans les collèges, notamment, la maturité sexuelle des élèves est très hétérogène et l'évolution de leur rapport à la sexualité, très rapide. Par conséquent, certains élèves peuvent ne pas se sentir concernés par une séance d'éducation à la sexualité mais ressentir un besoin d'information deux ou trois mois plus tard. C'est pourquoi, dans mon département, le Val-de-Marne, le conseil général a mis en place la quinzaine « santé jeunes ». En cette année 2001, qui est l'an I de la parité, la quinzaine a été organisée sur le thème : « Les jeunes filles et la contraception ».
Pour avoir participé, en tant que conseillère générale de Choisy-le-Roi, à une discussion avec plus de 300 collégiens et lycéens, je peux vous dire qu'ils se sentent très concernés et qu'ils parlent très librement.
J'ajoute, monsieur le ministre, que le préservatif féminin n'a trouvé aucune place dans la campagne télévisée. Se pose d'ailleurs un problème de prix, car il coûte neuf francs. En tout cas, pour les jeunes filles, ce préservatif féminin représente une liberté supplémentaire qu'elles ont à conquérir.
Parler aux jeunes de sexualité et de contraception plus régulièrement au cours de l'année scolaire nous paraît de nature à mieux répondre à la situation. Cela concerne non seulement l'école, mais aussi les centres de loisirs, les centres de vacances, les maisons des jeunes et de la culture.
Nous défendrons tout à l'heure des amendements en ce sens.
M. le président. Par amendement n° 17, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 16.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. L'article 16 supprime l'obligation de prescription médicale pour la délivrance de contraceptifs dans les centres de planification familiale, en application des nouvelles règles de prescription des contraceptifs proposées à l'article 17.
Par coordination avec un amendement que nous avons déposé à l'article 17, le présent amendement rétablit l'obligation d'une prescription médicale pour la délivrance de contraceptifs hormonaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Après tant d'années de pratique, parfois extrêmement longue pour certaines femmes, si nous voulons que, dans ce pays, la contraception se développe - et tel est bien notre souhait - il nous paraît nécessaire de lever l'obligation de prescription pour des produits qui sont, certes, des produits hormonaux, mais qui sont de plus en plus finement dosés, afin qu'ils soient délivrés sans ordonnance. Je crois que ce serait un progrès au regard de la liberté des femmes.
Je comprends que la question de la première prescription puisse être posée. Il est vrai que la première prescription et le contact avec un médecin seraient très bénéfiques. Mais, pour la suite, je pense que nous devrions supprimer l'obligation de prescription, conformément à ce qui est en usage dans beaucoup d'autres pays.
Voilà pourquoi je considère que le texte qui avait été présenté à l'Assemblée nationale constitue un progrès et je m'oppose à cet amendement.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. C'est sur cette question de la première prescription que je veux intervenir.
Qui d'entre nous accepterait que sa fille ou sa petite-fille puisse s'engager dans une contraception nécessairement régulière et absorber tous les mois ces pilules sans aucun bilan ou examen médical initial ?
Les problèmes hormonaux ne sont pas toujours apparents, et la prise de pilules contraceptives, même faiblement dosées, peut conduire à des déséquilibres graves. Il existe en médecine des phénomènes de sommation qui, peu à peu, provoquent des cumuls.
Vous me permettrez une comparaison. Nous appliquons le principe de précaution pour éviter que nos enfants ne mangent une tranche de foie de veau américain qui a peut-être reçu des hormones,...
M. Jean Chérioux. Peut-être !
M. Jean Delaneau, président de la commission, et nous laisserions notre fille ou notre petite-fille se charger en hormones sans autre forme de précaution !
M. Jean Chérioux. Incroyable !
M. Jean Delaneau, président de la commission. On marche sur la tête !
Si nous avons déposé cet amendement de suppression, monsieur le ministre, ce n'est pas pour que toutes les prises de contraceptifs dépendent d'une ordonnance médicale. Nous voulons créer un vide dans lequel vous pourrez placer au moins la consultation qui permettra la première délivrance de ces progestatifs ou oestroprogestatifs.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Lucien Neuwirth. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Nous sommes confrontés, en ce qui concerne la contraception chez les jeunes filles, à un problème double, car s'ajoute une question de protection et d'hygiène de vie. Je m'explique.
Je crois infiniment souhaitable que les jeunes filles, à un certain moment de leur vie, aient une première visite chez un médecin, pour qu'elles apprennent à connaître leur corps - qu'elles ne connaissent pas toujours - pour qu'elles apprennent à connaître la pratique contraceptive, mais d'un point de vue médical, et, surtout, pour qu'elles prennent l'habitude d'aller voir un gynécologue.
Je vais vous dire pourquoi : pour une question de sécurité, ainsi que je l'ai, dit dans la discussion générale. Nous connaissons les ravages du cancer du sein, du cancer du col de l'utérus. Si les jeunes femmes prennent l'habitude d'aller consulter leur médecin, que ce soit un généraliste ou, mieux encore, un gynécologue, nous avons la garantie, nous avons la certitude qu'elles seront suivies et protégées.
Il faudrait donc trouver une formulation qui amène à une première visite, à une première prise de contact entre la jeune fille et un médecin ou un gynécologue. Par la suite, elle fera ce qu'elle voudra, mais il y aura eu cette « prise de conscience » des réalités auxquelles elle sera confrontée toute sa vie. En même temps, elle aura la certitude d'une protection, d'une sécurité apportée par la visite devenue habituelle, dont elle déterminera elle-même la fréquence.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 16 est supprimé.

Article 16 bis