SEANCE DU 6 FEVRIER 2001
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Suite de la discussion d'une proposition
de loi organique déclarée d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi
organique (n° 166, 2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence, modifiant la date d'expiration des pouvoirs de
l'Assemblée nationale. [Rapport n° 186 (2000-2001).]
Je rappelle que la discussion générale a été close jeudi dernier, 1er février
2001.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, votre rapporteur, M. Christian Bonnet, a bien voulu, jeudi dernier,
faire avec talent la synthèse des trois semaines de la discussion générale qui
s'est déroulée au Sénat sur la proposition de loi organique modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Comme il l'a rappelé, cinq orateurs se sont exprimés en faveur de cette
proposition de loi organique, tandis que cinquante-cinq se sont exprimés
contre.
Je ne puis que remercier, au nom du Gouvernement, M. Christian Bonnet d'avoir
ainsi, au terme de la discussion générale, rappelé la position des uns et des
autres, afin que de l'abondance ne sorte pas la confusion...
Le Gouvernement a écouté tous les arguments ; il a été particulièrement
sensible à des discours convaincants. Je voudrais, à cet égard, saluer
notamment la remarquable intervention de M. Badinter, qui a fait la
démonstration du bien-fondé de la proposition de loi organique et de sa
conformité à la Constitution.
Je souhaite également saluer la qualité de la réflexion de nombreux orateurs
opposés à la proposition de loi organique, qui ont élevé le débat au niveau où
il devait se situer, s'agissant du fonctionnement de nos plus grandes
institutions. Il y aura eu, dans ce débat, quelques grands moments d'éloquence
parlementaire, mais aussi beaucoup de ce que les musiciens appellent des «
variations sur un thème », c'est-à-dire la reprise de la même mélodie en y
ajoutant des ornementations plus ou moins étendues, plus ou moins savantes.
(Sourires sur les travées socialistes.)
Venons-en au fond.
La proposition de loi organique est fondée sur un principe clair : l'élection
présidentielle est, depuis la réforme de 1962, l'acte politique essentiel. Elle
est ressentie comme telle par les Français : le simple examen comparé des taux
de participation aux différentes élections en est l'illustration.
Les circonstances ont conduit à un calendrier étrange et inédit, où cette
élection serait précédée de quelques semaines par celle de l'Assemblée
nationale.
L'institution du mandat de cinq ans du Président de la République a, de plus,
une forte probabilité de pérenniser ce calendrier.
Cette situation comporte de graves inconvénients, du point de vue tant
institutionnel que technique.
La clarté du choix des Français conduit à ce que ceux-ci élisent un Président
de la République et, avec lui, optent pour les grandes orientations du
quinquennat qui doit suivre sans que les élections législatives servent, par
accident, de primaires à l'élection présidentielle dans le cadre de 577
circonscriptions.
M. Emmanuel Hamel.
Pourquoi pas ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La clarté du choix des Français peut-elle se
satisfaire de la désignation d'un Premier ministre et de la formation d'un
Gouvernement s'effectuant au mois d'avril, quelques jours avant l'élection
présidentielle ? Quelle validité aurait le programme de ce Gouvernement, réduit
à expédier les affaires courantes dans l'attente du résultat de l'élection
présidentielle ?
La logique de nos institutions consiste à permettre aux Français d'effectuer
un choix politique clair, pas à maintenir leur expression dans un calendrier
générateur de confusion.
C'est ce qu'ont compris les initiateurs de la proposition de loi organique
qui, je le rappelle, sont des personnalités éminentes, connaissant bien la
pratique de nos institutions au plus haut niveau et appartenant, de surcroît, à
plusieurs familles politiques.
Quels sont les arguments nouveaux soulevés dans la discussion générale pour
s'opposer à cette initiative ?
Le premier de ces arguments repose sur la difficulté de mener à bien la
procédure budgétaire si l'Assemblée nationale était élue en juin. Si l'on
retenait cet argument, cela signifierait que le résultat de l'élection
présidentielle ne devrait avoir aucun effet sur la préparation du budget de
l'année suivante. En outre, l'organisation des élections législatives en juin,
en 1981 et en 1988, n'a nullement empêché l'adoption d'un budget pour 1982 et
pour 1989.
La seconde objection invoque le calendrier électoral de 2007 puisque, cette
année-là, doivent se dérouler à la fois des élections municipales et
cantonales, des élections législatives, une élection présidentielle, puis, en
septembre, des élections sénatoriales.
Ce calendrier est issu de la législation en vigueur et n'est nullement la
conséquence du texte que nous examinons.
Vous estimez, monsieur le rapporteur, qu'il ne serait pas possible de
reporter, comme en 1995, les élections municipales au mois de juin afin de
permettre aux maires sortants de parrainer un candidat à l'élection
présidentielle.
Si le calendrier n'était pas modifié, il faudrait organiser en mars 2007 trois
élections : les élections municipales, les élections cantonales et les
élections législatives. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la
concomitance des scrutins ne permet pas l'organisation simultanée de ces trois
élections. Il faudrait donc que les électeurs se rendent aux urnes quatre
dimanches de suite en mars 2007. Avouez que cette situation ne favoriserait ni
la participation électorale ni la clarté des enjeux respectifs des différents
scrutins.
Le report des élections législatives résout au contraire ce problème puisque
les élections locales seraient organisées en mars, l'élection présidentielle en
avril et les élections législatives en juin. Il n'y aurait, de plus, aucun
problème pour que les maires nouvellement élus participent au parrainage des
candidats à l'élection présidentielle.
L'objection soulevée apporte finalement un argument supplémentaire à l'appui
de la proposition de loi organique.
Permettez-moi, pour conclure, de revenir sur le soupçon de convenance, si
souvent invoqué ici. Qu'il me suffise, sur ce point, de citer l'intervention de
Jean Arthuis : « Nul ne sait ce qui se passera en 2002. Seule compte
aujourd'hui la préservation, la consolidation même de nos institutions ; le
reste n'est qu'illusion. »
Je trouve ces propos frappés au coin du bon sens.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er