SEANCE DU 6 FEVRIER 2001


M. le président. La parole est à M. Maman, auteur de la question n° 947, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. André Maman. Monsieur le ministre, je voudrais appeler l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les moyens d'action du Comité national de lutte contre la violence à l'école, qui a été récemment créé.
En effet, ce comité, qui a été officiellement installé le 24 octobre dernier, a pour objectif d'identifier et d'analyser les phénomènes de violence à l'école et de proposer des réponses visant à lutter contre les diverses manifestations de ces phénomènes.
Parallèlement, une mission a été mise sur pied, afin d'organiser prochainement une campagne de mobilisation contre la violence, mission qui doit agir en étroite collaboration avec le comité. Si l'on peut se féliciter de la création d'une telle instance, on peut toutefois se demander quels sont les moyens qui ont été prévus afin de garantir l'efficacité de la lutte menée contre la violence à l'école.
En conséquence, je vous serais reconnaissant d'indiquer à la Haute Assemblée quelles sont les mesures que le ministère de l'éducation nationale engager, afin que les déclarations d'intention soient suivies d'effets et que cette initiative ne reste pas lettre morte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler que la mise sur pied du Comité national de lutte contre la violence a été considérée comme importante par l'éducation nationale, animée par la volonté de relever le défi qui lui est lancé par l'explosion de formes de violence vis-à-vis desquelles il nous faut faire preuve de discernement.
En effet, des informations paradoxales nous parviennent sur ce phénomène. Ainsi, là où ont été conduites des interventions réfléchies, cohérentes, au sein de l'école, mais aussi, en partenariat avec les collectivités locales et les différents acteurs associatifs de terrain, on constate une baisse des actes de violence. Toutefois, lorsque ces actes de violence se produisent, ils se distinguent par un caractère particulièrement sauvage et barbare. En ce sens, nous avons le sentiment d'avoir dorénavant à relever un nouveau défi, comme l'a fait si souvent au cours de son histoire notre éducation nationale.
Il me paraît également important de replacer la part particulière qui revient à l'institution scolaire dans ces violences. Si le mécanisme même de l'institution peut parfois être vécu comme une blessure par tel ou tel jeune dans un état de détresse psychologique ou d'insurrection à l'égard de l'ordre social qui l'environne, nous avons le sentiment que, pour l'essentiel, ce n'est pas l'institution scolaire qui est responsable de la production de cette violence. Tout au contraire, elle en est la victime.
Néanmoins, ce n'est pas une raison pour reporter sur d'autres la tâche de régler ce problème ni pour vouloir le régler autrement que par les voies habituelles : l'éducation, l'élévation du niveau de culture, de qualification, de réussite personnelle des jeunes.
La mise sur pied de ce comité national de lutte contre la violence s'intègre dans une politique globale. Je tenais à rappeler, parce qu'on l'oublie souvent, que les vingt sites de prévention de la violence répartis dans neuf académies concernent 506 établissements du second degré et 2 338 écoles primaires. Ces sites ont bénéficié d'une concentration de moyens sans précédent : 200 emplois d'encadrement et de direction, 1 000 emplois de personnel administratif, technicien, ouvrier et de service, ATOS, dont 481 infirmières, 407 assistantes sociales et 76 emplois ou équivalents temps plein de médecins scolaires, 800 surveillants à mi-temps et 8 028 emplois-jeunes, dont 1 028 aides au cadre de vie, recrutés au niveau CAP-BEP. L'effort engagé sur ces sites est considérable.
Les neuf académies en question sont celles où les chiffres de la délinquance des mineurs imposaient une action forte : Créteil, Versailles, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Amiens, Rouen, Strasbourg et Toulouse.
Cette politique inscrite dans la continuité donne des résultats positifs. Ainsi, selon les toutes dernières statistiques émanant des sites de lutte contre la violence eux-mêmes, les résultats suivants peuvent être présentés.
Le site des Bouches-du-Rhône, qui représentait en 1997-1998 presque 42 % des incidents signalés dans tout le département n'en représente plus, en 1999-2000, que 37 %, soit une baisse de 5 %.
Le site de l'Oise comptabilisait, en 1998, 36,5 % des incidents survenus dans le département de l'Oise - vous voyez bien, monsieur le sénateur, que les sites retenus sont bien ceux où se déroule l'essentiel des actes de violence ; en 1999-2000, ce pourcentage est tombé à 25,5 %, soit une baisse de 10 %. Au cours du premier trimestre 2000, les incidents graves contre des enseignants ou entre des élèves ont diminué de 18,5 %, en dépit des apparences.
Dans le département du Nord, le plan de lutte contre la violence a eu un impact que nous considérons comme significatif, puisqu'une baisse de 35 % des incidents a pu être enregistrée entre l'année scolaire 1998-1999 et celle de 1999-2000.
Ces données très récentes illustrent bien la volonté de l'éducation nationale de prendre à bras-le-corps la question de la lutte contre la violence, sans se laisser aller à la panique, en évaluant rigoureusement l'impact des politiques locales menées, ainsi que son souhait d'en approfondir les raisons pour plus d'efficacité.
Parallèlement, à partir des expériences recueillies et analysées par le comité national de lutte contre la violence, qui réunit une trentaine d'acteurs et de partenaires de terrain, comme vous le savez, monsieur le sénateur, le ministre de l'éducation nationale élabore de nouveaux objectifs et de nouvelles mesures.
Ainsi, les classes relais, qui ont permis de « rescolariser » 4 000 élèves en complet rejet de l'institution scolaire, verront leur nombre doubler d'ici à 2004.
Un travail de fond est engagé sur l'école primaire car c'est un lieu essentiel pour mener une politique de prévention véritablement efficace. C'est en effet dès leur détection que les comportements violents de certains élèves dovient être analysés et traités par un travail avec les familles, qui, à aucun moment, ne sauraient être déresponsabilisées, mais aussi par un suivi individualisé et une meilleure articulation des services sociaux.
Une campagne nationale, déclinée dans tous les établissements et les écoles, sur le respect à l'école sera l'occasion pour le ministère de l'éducation nationale d'engager un travail collectif sur les règles de vie nécessaires au bon fonctionnement de l'école.
Un colloque international se tiendra en France au tout début du mois de mars. En effet, le phénomène auquel nous nous heurtons est, hélas, assez largement répandu dans les pays qui nous environnent. Tous sont comme nous à la recherche des bonnes procédures et des bonnes pratiques permettant de traiter cette situation.
Ce colloque réunira les représentants de plus de vingt-quatre pays et une centaine de scientifiques étrangers. Ce sera l'occasion de confronter les approches, les réussites et les interrogations de nombreux pays autour de la question de la lutte contre la violence à l'école.
Une meilleure coordination des services de l'Etat, une mobilisation de l'ensemble des partenaires de l'école, au premier rang desquels les collectivités territoriales, l'affectation de moyens au service de politiques de prévention bien évaluées et efficaces, le refus absolu, intransigeant, de l'impunité pour les auteurs d'actes de violence, la diffusion d'expériences pédagogiques réussies, tels sont les objectifs que vise le ministère de l'éducation nationale avec énergie pour répondre à un phénomène dont la montée, au cours des dix dernières années, aurait mérité des réactions plus précoces et plus mûries de notre société.
M. André Maman. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Je vous remercie, monsieur le ministre, de tous les renseignements que vous venez de nous donner.
Certes, nous sommes préoccupés, mais nous ne cédons pas à la panique et nous sommes prêts à collaborer au-delà même des clivages politiques.
Vous avez raison de dire que ce n'est pas la seule responsabilité de l'école qui est engagée, mais que toute la société, notamment les parents, doit être également impliquée dans cette action.
Vous avez eu raison de souligner - c'est un aspect du problème qui m'avait quelque peu échappé - que nous avions un nouveau défi à relever dans la mesure où, chaque fois que l'on trouve une parade à une forme de violence, celle-ci réapparaît sous une forme nouvelle. Nous devons donc être prêts à agir par tous les moyens possibles, et essayer de prévenir ces débordements en faisant appel à des psychologues, à des enseignants spécialisés.
J'ai appris avec intérêt que 4 000 enfants ont pu être « rescolarisés » ; c'est un chiffre très important. Il faut évidemment faire en sorte que le plus grand nombre possible d'enfants soient ainsi réinsérés dans le milieu scolaire.
Vous avez cité les huit académies qui ont été retenues et où, après une action ciblée, les incidents ont diminué. Le ministère est donc sur la bonne voie.
Au demeurant, j'aurais aimé recevoir des informations supplémentaires. En effet, on entend souvent dire que, dans telle région, des enseignants, des administrateurs ont trouvé les moyens de faire diminuer la violence. Mais on ne sait jamais quels sont ces moyens.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je vous remercie des renseignements que vous m'avez fournis et je souhaite que le Gouvernement mette à la disposition du comité et de la mission qui viennent d'être installés tous les moyens possibles.

DÉSAMIANTAGE DE JUSSIEU