SEANCE DU 30 JANVIER 2001


M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra, auteur de la question n° 969, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, en 1988, face aux nombreux attentats perpétrés en Corse et afin d'y maintenir une bonne couverture des risques, les compagnies d'assurance s'étaient regroupées sous la forme d'un pool des risques aggravés. En dépit de son coût élevé, ce dispositif a été reconduit chaque année, jusqu'au 31 décembre 2000 et a permis le maintien d'une offre d'assurance dans des conditions satisfaisantes, aussi bien pour les risques des particuliers que pour ceux des entreprises et des collectivités territoriales.
Or, le Gouvernement a dissous ce pool le 30 juin 2000, mais seulement pour les collectivités territoriales corses et pour les établissements publics. Cette situation paradoxale contraint aujourd'hui les collectivités publiques de Corse à subir les lois concurrentielles du marché de l'assurance, alors que les sociétés privées et les particuliers peuvent bénéficier d'une tarification par le biais du pool corse.
Pour illustrer mes assertions, je citerai le cas du conseil général de la Corse-du-Sud, qui vient de procéder à une nouvelle mise en concurrence de son service assurance dommages aux biens : le résultat de l'appel d'offres est tout à fait éclairant puisque l'offre s'établit à 27 francs le mètre carré avec une garantie maximale égale à 50 millions de francs contre des offres qui s'établissent en moyenne à 3 francs le mètre carré pour une garantie maximale de 150 millions de francs sur le continent !
Cette situation est contraire aux dispositions de l'article L. 126-2 du code des assurances, qui organise la mutualisation du risque, notamment celui des attentats - qui n'est malheureusement pas spécifique aux départements de Corse. Or, on constate aujourd'hui que cette mutualisation est dévoyée, d'autant que, pour la France continentale, les assureurs instituent une surprime de 170 % alors que cette surprime est, en Corse, de 30 %.
A l'évidence, monsieur le secrétaire d'Etat, les collectivités territoriales de Corse sont aujourd'hui victimes de cette situation, qui ne peut qu'être préjudiciable à la plus grande partie d'entre elles, alors que leur situation financière est déjà des plus précaires.
Lors de la discussion sur l'avenir de la Corse concernant les accords dits « de Matignon », ce problème avait été évoqué à plusieurs reprises. Je rappelle ainsi que, le 27 juin 2000, le représentant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie nous avait assuré que son ministère étudiait avec la fédération des sociétés d'assurance une solution et que le suivi des éventuelles difficultés serait pris en charge par le ministre lui-même.
Qu'en est-il aujourd'hui ? Pourquoi avoir dissous le pool corse pour les seules collectivités territoriales ? Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ? Qu'adviendra-t-il lorsqu'une collectivité ne pourra s'assurer faute de moyens financiers suffisants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, comme vous l'indiquez, la récurrence du risque d'attentat en Corse a conduit les assureurs à mettre en place, il y a maintenant douze ans, une structure d'assurance particulière pour les biens concernés par ce risque, le pool des risques aggravés.
La baisse très significative du nombre de demandes adressées au pool depuis trois ans a conduit les assureurs à envisager la dissolution de cette structure, dont le coût très élevé, avec 120 millions de francs de sinistres pour 40 millions de francs de primes, a été supporté par la profession. Cette dissolution, qui, évidemment, est à l'initiative non pas du Gouvernement mais des organisations professionnelles, était prévue depuis plusieurs années.
A la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les assureurs ont néanmoins accepté de mettre en place une ultime phase transitoire de dix-huit mois, à compter du 1er juillet 2000 et jusqu'au 31 décembre 2001, avant un retour à une situation de droit commun, sous la forme d'un bureau des risques aggravés.
Ce bureau des risques aggravés a pour objet de permettre une couverture d'assurance pour les risques de particuliers et d'entreprises qui ne trouveraient pas à s'assurer. Ces biens sont assurés selon des conditions de primes et de franchises particulières, plus élevées que pour des biens non concernés par le risque d'attentat, sans que ces conditions permettent d'équilibrer primes et sinistres.
Les assureurs ont choisi de ne plus couvrir les biens des collectivités publiques dans le cadre de cette structure pour deux raisons.
D'une part, les collectivités publiques ont, depuis 1998, l'obligation de mettre en concurrence les offres d'assurance si le montant estimé du contrat est supérieur à 300 000 francs, ce qui est incompatible avec un placement contrôlé.
D'autre part, depuis la création du pool des risques aggravés en 1988, les biens des collectivités publiques représentent 40 % des primes et 15 % des indemnités versées, ce qui permet le retour à des conditions d'assurance de droit commun.
Il est donc difficile d'envisager des mesures d'ordre général. Cependant, quelques cas ponctuels délicats ont été portés à la connaissance des services du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui est intervenu auprès des associations professionnelles pour leur demander de les résoudre. D'après les contacts que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a pu avoir, ces cas ponctuels devraient pouvoir être réglés à court terme.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait qu'à moitié, vous vous en doutez bien. Toutefois, je prends acte de ce que vous venez d'affirmer au terme de votre intervention, et j'attends donc de voir comment va évoluer la situation.
Cela étant dit, il s'agit d'un problème récurrent qui pose nombre de questions à l'ensemble des représentants des collectivités territoriales de Corse, et je souhaite ardemment qu'il puisse être définitivement réglé, car nous risquons de rencontrer certaines difficultés très graves. En effet, même si la situation semble aujourd'hui être plus calme, nous restons à la merci d'une reprise éventuelle des attentats visant, comme cela a été le cas ces dernières années, les bâtiments appartenant aux collectivités locales.
M. le président. Pas seulement dans l'île de Corse, ailleurs aussi !

FERMETURE DU CENTRE DE RECHERCHE D'ATOFINA
À LEVALLOIS