SEANCE DU 30 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 922, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Xavier Darcos.
Madame le secrétaire d'Etat, comme beaucoup de mes collègues, je souhaite vous
poser une question sur les préoccupations du secteur de l'hospitalisation
privée, même si je n'oublie pas pour autant les problèmes que connaît l'hôpital
public, étant moi-même président du conseil d'administration d'un centre
hospitalier.
Je regrette qu'en raison de l'encombrement des questions orales mises à
l'ordre du jour du mardi matin ma question n'ait pu être examinée plus tôt car,
depuis sa publication au
Journal officiel
, le 19 octobre dernier, nous
avons perdu beaucoup de temps.
Au demeurant, le sujet est plus que jamais au coeur de l'actualité. Chaque
jour, les professionnels de santé publics ou privés expriment un mécontentement
croissant, dont la presse écrite ou orale se fait l'écho.
Ainsi, le 25 janvier dernier, dans ma province, un quotidien rapportait les
propos d'un médecin de campagne qui affirmait : « Je n'aurai plus de
successeur. » ; il faisait état du problème de recrutement des infirmières et
évoquait un kinésithérapeute qui renonçait à ses projets, ou encore les
patients qui n'acceptent plus le moindre aléa thérapeutique.
Tandis que les professionnels s'épuisent, l'exigence du risque zéro venue des
Etats-Unis gagne rapidement du terrain.
En cet instant, je voudrais vous parler plus particulièrement de la
polyclinique Francheville de Périgueux, qui m'a alerté voilà plusieurs mois à
propos des doléances du personnel, doléances qui ne sont guère différentes de
celles des professionnels de santé de l'ensemble des établissements
d'hospitalisation privée en France.
Elles portent sur quatre points : la dégradation orchestrée des relations
conventionnelles, autrement dit plus de contraintes sans contrepartie ;
l'impasse dans laquelle semble s'enfoncer le système de santé français, avec
plus de soins obligatoires et moins de crédits - nous venons d'en avoir un
exemple à propos du cancer du sein ; l'absence d'une politique concertée qui
conduit au rationnement des soins et à la perte du libre choix pour les
patients ; enfin, le plafonnement arbitraire des ressources des cliniques.
Le 26 octobre dernier, Périgueux a connu une journée « santé morte » et, du 23
décembre au 2 janvier, l'ensemble des médecins libéraux ont fait grève. Cent
médecins du département persévérant dans leur mécontentement ont été
réquisitionnés ; certains ont dû travailler 220 heures consécutives, au point
qu'une coordination des médecins de la Dordogne s'est constituée. Elle ne se
calme pas et nous la voyons souvent devant nos permanences. Elle dénonce les
conditions « d'esclavagisme », la mise en danger de la santé publique et
conteste l'ensemble des dispositions prises par le Gouvernement, sur lesquelles
d'ailleurs je poserai une autre question ultérieurement.
Limitant mon propos à la situation des établissements privés
d'hospitalisation, je rappellerai que ceux-ci sont à la limite de l'équilibre
financier et que, partout, des lits sont supprimés : deux cents lits à
Bordeaux, quatre-vingts lits à Agen ; à Bergerac, il n'y a plus de
maternité.
L'évolution des tarifs, surtout en 1999, a été trop faible pour contrebalancer
l'augmentation des charges principalement due au surcoût engendré par
l'application de la loi sur les trente-cinq heures.
A ce jour, ces établissements ne peuvent répondre aux revendications
salariales de leurs personnels, qui aspirent légitimement à des rémunérations
équivalentes - elles en sont bien éloignées - à celles de leurs homologues du
secteur public.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir
me faire connaître si vous entendez mettre en oeuvre une politique tarifaire
traduisant une volonté de traitement équitable à l'égard des établissements de
santé des deux secteurs hospitaliers, notamment des personnes qui y exercent
alors même qu'en mars 2000 le Gouvernement avait dégagé d'importants moyens en
faveur de la seule hospitalisation publique et que cette même hospitalisation
publique considère que les moyens dégagés sont encore très insuffisants.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, l'hospitalisation privée joue un rôle trés important
dans la réponse aux besoins de la population. La diversité croissante des
missions - les urgences en sont un exemple - qui sont confiées aux
établissements par les agences régionales de l'hospitalisation, en application
des schémas régionaux, témoigne de leur implication dans la prise en charge
sanitaire quotidienne de nos citoyens.
Nous sommes sensibles, comme vous, aux difficultés que rencontrent certaines
cliniques pour le recrutement de personnel soignant en raison de l'insuffisance
du nombre d'infirmiers.
Depuis 1997, le Gouvernement a pris des mesures pour faire face à cette
situation. Les établissements de santé privés bénéficieront ainsi de la
décision d'augmenter les quotas d'entrées dans les écoles d'infirmiers lors de
la rentrée 2000. Ce sont ainsi 8 000 infirmiers de plus qui se présenteront
dans trois ans sur le marché du travail, je le rappelle.
Pour répondre aux difficultés de recrutement d'infirmiers, mais aussi à la
demande légitime de promotion professionnelle des aides-soignantes, Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité a pris un arrêté le 21 août 2000
relatif à la voie qualifiante pour les aides-soignantes leur donnant un accès
aménagé aux écoles d'infirmiers.
En complément, une instruction ministérielle du 17 juillet 2000 a étendu à
l'ensemble des établissements de santé privés la possibilité pour le directeur
départemental des affaires sanitaires et sociales d'autoriser temporairement
les étudiants en médecine à exercer en qualité d'aide-soignant ou d'infirmier.
Cette mesure n'était jusqu'alors applicable qu'aux seuls établissements publics
de santé et aux établissements privés de santé participant au service public
hospitalier.
De plus, le Gouvernement a répondu favorablement à la demande des fédérations
de l'hospitalisation privée de réformer les modalités de calcul des normes de
personnels fixées par le décret de 1956. Un texte sera très prochainement
soumis à la concertation auprès des fédérations.
Un travail est en cours pour analyser la possibilité de mener des actions de
formation et de communication vis-à-vis des infirmiers n'exerçant plus et qui
sont prêts à reprendre une activité.
Plus généralement, le Gouvernement a pris en compte la situation des
établissements privés.
Pour 2001, le taux d'augmentation des dépenses des cliniques a été fixé à un
niveau équivalent à celui des établissements sous dotation globale, soit une
progression de 3,3 %.
La dotation du fonds pour la modernisation des cliniques privées, créée par
l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, a été
portée à 150 millions de francs par la loi de financement pour 2001. Ce fonds
permettra d'aider à financer vingt à trente opérations d'investissements
structurants.
Dans le cadre des discussions menées avec l'ensemble des acteurs de
l'hospitalisation, Mme Elisabeth Guigou a reçu, le 20 décembre dernier, les
représentants des fédérations de l'hospitalisation privée. Cette rencontre a
permis d'établir un premier bilan de la situation de ce secteur et de réfléchir
ensemble aux dispositions complémentaires souhaitables. Un travail d'expertise
technique est en cours sur cette base.
Enfin, soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est
effectivement attaché à un traitement équilibré entre les hôpitaux privés et
publics, dans le respect des spécificités de chacune de ces deux catégories
d'établissements.
M. Xavier Darcos.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse circonstanciée
qui confirme en tout cas le taux d'augmentation de 3,3 % pour 2001, ce qui
répond au souhait des cliniques d'obtenir la parité avec l'hospitalisation
publique.
Il reste que des cliniques ferment, que des services ferment. Or, dans des
villes moyennes - c'est ainsi dans mon département - lorsque l'hospitalisation
privée disparaît, elle n'est pas relayée par l'hospitalisation publique. A
Bergerac, les services de maternité, les urgences pédiatriques, en particulier,
ne sont plus assurées depuis que la clinique privée y a renoncé.
J'ajoute enfin, en ce qui concerne les recrutements, que, s'il est bon
d'ouvrir plus largement le concours des infirmiers, d'organiser des concours
internes, encore faut-il trouver des candidats intéressés. C'est ainsi que
l'école d'infirmière de Périgueux, malgré une augmentation des postes mis au
concours, ne parvient pas à attirer de postulants. La raison en est simple :
les rémunérations sont trop faibles et les conditions de travail restent
extrêmement pénibles.
AIDE DE L'ÉTAT
AUX ENTREPRISES D'INSERTION