SEANCE DU 16 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 943, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le ministre, ma question porte sur le dossier du cognac.
Les graves difficultés de ce vignoble ne datent pas d'aujourd'hui. Elles
touchent une partie du département de la Charente, une partie du département de
la Charente-Maritime, mais, au fond, c'est le patrimoine économique et social
de toute une région qui est en jeu.
Ces difficultés ont fait l'objet d'une très forte mobilisation dans la période
récente. Des initiatives ont été prises, qui se trouvent en quelque sorte
rassemblées dans le plan d'adaptation du vignoble charentais. Les
professionnels, à qui l'on a très longtemps reproché de ne pas prendre leur
avenir en main, se sont longuement concertés pour bâtir ce plan. Vous-même,
monsieur le ministre, avez fait preuve de disponibilité et de volontarisme sur
ce dossier, tout comme le Président de la République, qui est venu, sur place,
travailler avec les professionnels. L'ensemble des collectivités territoriales
se sont mobilisées. Si donc rien n'est parfait, ce plan d'adaptation du
vignoble charentais a tout de même concentré sur lui beaucoup d'énergie.
Hélas ! l'Union européenne a jugé cette démarche illégale. Ainsi s'est ouvert
un contentieux entre l'Europe et le gouvernement français.
Nous avons appris avec satisfaction, monsieur le ministre, que, dans le cadre
de ce contentieux, la France avait engagé un recours devant la Cour de justice
des Communautés européennes. La requête a été enregistrée au greffe de la cour
le 18 décembre dernier.
C'est donc là la démarche suivie pour essayer de sortir de ce contentieux par
le haut.
Mes questions sont simples, monsieur le ministre. Quels sont les points
principaux de la requête du Gouvernement ? Le Gouvernement souhaite-t-il
relancer le plan « Cognac » sur une base réellement tripartite, c'est-à-dire
Etat, Europe et acteurs locaux ? Quelles initiatives le Gouvernement
souhaite-t-il prendre dans la phase transitoire avant la décision de la Cour de
justice ? Enfin, confirmez-vous que les viticulteurs qui ont déjà reçu des
aides n'auront pas à les rembourser ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur Raffarin, je suis très
heureux d'avoir à répondre à votre question, d'autant que l'actualité nous a
déjà permis d'entamer le dialogue par voie de presse ces dernières semaines.
Cela me donnera l'occasion d'apporter tous les éclaircissements nécessaires,
car je souhaite que la transparence soit la plus totale sur ce sujet.
Vous l'avez dit, le Gouvernement porte une grande attention au vignoble de la
région délimitée de Cognac, à l'origine d'un produit d'appellation d'origine
contrôlée de réputation mondiale et qui constitue une richesse à la fois
économique et patrimoniale pour notre pays.
La viticulture charentaise a effectivement été confrontée, ces dernières
années, à une réduction de ses débouchés au cognac qui a entraîné un certain
nombre de difficultés.
C'est pourquoi le Gouvernement a bâti, avec les professionnels concernés, un
plan d'adaptation de la viticulture charentaise que j'ai présenté lors de ma
visite à Cognac, le 23 juin dernier. Je dois dire qu'à cette occasion j'ai été
très agréablement surpris de voir à quel point la profession, qui s'était
longtemps déchirée, divisée, opposée sur les solutions à mettre en place,
s'était réunie autour de ce plan sur lequel nous avons travaillé conjointement.
Cela laisse bien augurer de l'avenir.
Les trois éléments autour desquels s'articule ce plan sont : premièrement, une
meilleure gestion des hectares destinés et une maîtrise des rendements ;
deuxièmement, une reconversion raisonnable de 5 000 hectares vers des vignobles
de qualité ; troisièmement, une adaptation du potentiel par la mise en oeuvre
d'une prime d'arrachage appropriée.
Jusqu'à l'année 2000, cet effort de reconversion a été soutenu par le seul
régime national de reconversion du vignoble. Pour la campagne 1999-2000, ces
aides sont en cours de versement - je vous confirme qu'elles seront bien
versées - et c'est cela qui est le plus important pour les vignerons des
Charentes.
Ces aides ont été contestées par la Commission européenne, c'est un fait, mais
la France a saisi, comme vous l'avez dit, le 15 décembre 2000, la Cour de
justice d'une requête en annulation de cette décision. C'est la Cour de justice
qui dira le droit. Je vous ferai parvenir, monsieur le sénateur, puisque vous
me l'avez demandé, les tenants et aboutissants de notre requête devant la Cour
de justice européenne. Là aussi, je veux en effet faire preuve de la plus
grande transparence.
Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation commune du marché du vin,
nous avons obtenu un engagement communautaire de 104 millions d'euros en faveur
de la restructuration et du réencépagement de l'ensemble des vignobles
français. Il s'agit d'un effort très important dont, bien entendu, la région
délimitée de Cognac pourra bénéficier comme les autres régions viticoles
françaises.
Le Gouvernement a donc aussitôt saisi la Commission européenne d'un projet
global pour cette région, qui doit en effet pouvoir pleinement bénéficier du
régime communautaire à raison de 35 000 francs par hectare. Ce montant exclut
tout cofinancement national.
Parmi les mesures prioritaires à mettre en oeuvre dans ce projet figure un
programme de reconversion de 1 000 hectares par an entre 2000 et 2006 qui sera
mis en place dès la campagne 2000-2001. Les opérations conduites à partir du
printemps 2001 pourront donc bénéficier du nouveau régime communautaire.
Le programme d'adaptation du vignoble charentais en cours de négociation avec
la Commission européenne devra inclure également un volet d'abandon définitif
primé avec la Commission européenne. L'ensemble de ces actions pourra être
financé conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales grâce à un
engagement de l'ONIVINS parallèle au contrat de plan Etat-région, que vous
connaissez bien.
Voilà, monsieur le sénateur, quelques premiers éléments. Vous voyez que je
n'ai rien caché dans cette affaire, puisque ce que nous avons porté à
Bruxelles, c'est ce à quoi nous nous étions engagés, qui avait été mis au point
avec les professionnels, et que je n'ai non plus rien travesti, puisque,
effectivement, la Commission a contesté nos dispositions, mais que la Cour
européenne dira le droit. Cela n'arrive pas tous les jours, mais cela arrive
fréquemment. C'est aussi une de nos manières de fonctionner couramment qui nous
permettra d'y voir plus clair à l'avenir.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je prends acte de vos engagements, monsieur le ministre, et je vous en
remercie.
En effet, ce dossier a besoin de transparence parce qu'il mobilise de très
nombreux acteurs. Je me réjouis des précisions qui sont apportées. Sachez que
les collectivités territoriales vous apporteront tout leur soutien pour que les
viticulteurs puissent être aidés. Je tiens à vous le dire.
Si, comme je le crois, il sera nécessaire, à un moment ou à un autre, qu'il y
ait vraiment une base tripartite entre l'Europe, l'Etat et les acteurs locaux,
les collectivités territoriales, départements et régions, seront prêtes à
s'asseoir autour de la table pour poursuivre le renouveau du Cognac.
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