SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Braye, auteur de la question n° 919, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
question, qui s'adressait à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement, concerne l'absence en France de sites de stockage
spécifiques pour les déchets radifères, entraînant l'inquiétude des élus qui ne
savent pas de quelle manière gérer ces déchets.
Cette situation est d'autant plus critique en Ile-de-France que l'histoire
même du radium s'est concentrée dans et autour de Paris, autrement dit dans un
milieu urbain dense.
Véritable engouement populaire au début du siècle, la radiumthérapie ou
curiethérapie a été beaucoup utilisée dans le traitement des cancers ou des
lésions dermato-logiques par application directe du radium.
Abondonnés dès les années cinquante, les outils utilisés, que ce soient des
aiguilles, des sondes, des applicateurs ou des plaques ont été délaissés et
oubliés dans les placards des hôpitaux, des cliniques, parmi les affaires des
médecins ou dans les caves de leurs maisons qui ont parfois été cédées ou
héritées par des tiers.
Aujourd'hui, nous savons que tous ces objets présentent un risque majeur pour
la santé publique, car ils sont toujours radioactifs, et ce pour des milliers
d'années.
Voilà quelques mois, la communauté d'agglomération de Mantes-la-Jolie en
Yvelines, que j'ai l'honneur de présider, a été confrontée à ce problème de
prise en charge de déchets radifères lors d'une collecte d'encombrants
ménagers.
Nous avons donc contacté l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs, agence dont l'intitulé nous avait naïvement laissé penser
qu'elle devait être compétente en la matière, pour lui demander ce qu'il
fallait faire.
Or, sa réponse fut pour le moins étonnante. Faute d'un site de stockage
spécifique, l'ANDRA nous a en effet conseillé soit de solliciter les
exploitants « d'installations nucléaires de base », soit de regrouper ces
déchets et de les maintenir sur site - je me demande où, d'ailleurs - ce qui
risque fort de conduire, si ce n'est déjà fait, à la création de véritables
décharges « sauvages » de matériaux radioactifs, au mépris des règles les plus
élémentaires de sécurité pour la santé de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi l'ANDRA nous a-t-elle fait cette
réponse, alors que nous avons appris entre-temps, en lisant son rapport annuel,
qu'elle avait lancé depuis décembre 1999 une campagne nationale de collecte
d'objets au radium qui sont ensuite provisoirement transférés à Saclay dans le
cadre d'accords de partenariat avec le Commissariat à l'énergie atomique, ou
CEA ?
Bien que cette solution ne soit qu'un pis-aller qui ne nous satisfait
nullement, pas plus que l'ANDRA, dont les dirigeants plaident pour un site de
stockage définitif, ce en quoi ils ont parfaitement raison, je tiens néanmoins
à souligner que cela ne justifie en rien la légèreté de la réponse qu'ils nous
ont transmise.
Face à cette désinvolture, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétraire
d'Etat, si l'ANDRA a une obligation de collecte des déchets radifères. Si oui,
pourquoi nous dit-elle le contraire ? Si non, que doivent faire les
collectivités locales et les élus, en présence de déchets radifères
potentiellement dangereux ramassés à l'occasion de collectes sélectives ? Dans
le cas que j'ai cité, le déchet est actuellement stocké dans la cave de Mme le
député de la circonscription, qui est aussi maire de la ville, près de la
chaudière ! Je lui ai proposé de me le donner de façon à vous le transmettre
aujourd'hui, car il me semble que vous auriez été plus compétent qu'elle pour
régler ce problème. Mais, partageant votre sensibilité politique, elle ne l'a
pas souhaité !
Enfin, quelle que soit l'hypothèse, qu'attend le Gouvernemetn, en particulier
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour
créer un ou plusieurs sites de stockage spécifiques ? Il en va de la protection
de l'environnement et de la santé de nos concitoyens.
Naturellement, je serai très attentif à votre réponse, monsieur le secrétaire
d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, je
partage la préoccupation qui est la vôtre. En matière de radon et d'émanations
de gaz à partir du radium, il s'agit de radioactivités très faibles mais qui,
néanmoins, on le sait, sont significatives et qui, surtout, ont des durées de
vie extrêmement longues. Le problème n'est donc pas temporaire, à l'échelle de
quelques décennies : on parle bien de milliers d'années. Il convient par
conséquent de s'organiser et de prendre des mesures.
Il a été demandé à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
de développer un concept de stockage pour ce type de déchets. Un tel concept
est en voie de définition. Il pourrait s'agir d'un stockage en subsurface dans
de l'argile suffisamment imperméable, avec une couverture comportant une
barrière humide anti-radon.
Il reste évidemment concrètement à trouver et à déterminer un site pouvant
accepter un tel stockage. La recherche d'un tel site est en cours et, bien
évidemment, on doit procéder, en l'occurrence, à la fois à une sélection
technique, technologique et géologique, pour s'assurer de l'adéquation des
sites retenus, et à un dialogue avec les élus locaux et les populations qui
puisse déboucher sur une décision positive dans le bassin concerné. Vous savez
d'ailleurs la sensibilité qui peut se manifester sur ce sujet ou sur d'autres,
ici ou là.
Par conséquent, dans l'attente de la définition d'un tel site, le recours à
des entreposages sur des sites nucléaires existants, dont je vous accorde que
ce n'est pas une solution définitive et que cela ne doit pas l'être, a été
effectivement considéré comme un moindre mal. Cette solution d'attente a été
retenue pour l'entreposage dans les installations du Centre d'études atomiques,
à Cadarache, de déchets radifères provenant de l'usine Rhône-Poulenc de La
Rochelle. L'autorisation provisoire sera renouvelée jusqu'à ce que le site de
stockage définitif ait été sélectionné et mis en oeuvre.
Je dirai d'ailleurs, pour abonder dans votre sens, monsieur le sénateur, que,
dans ce monde complexe des produits dérivés du nucléaire, c'est effectivement
souvent le milieu de la recherche ou le milieu hospitalier qui, par négligence
ou, peut-être, par manque de connaissance des dangers, font preuve du laxisme
le plus grand, en abandonnant un certain nombre de déchets. Ces milieux
adoptent souvent une attitude beaucoup moins rigoureuse que d'autres filières
où la question est posée de manière sans doute plus directe et plus crue au
quotidien.
Cette question concerne des sites que l'on découvre chaque année plus
nombreux. Mais, quand on cherche, on trouve, dirai-je : l'ANDRA, année après
année, à mesure qu'elle établit sa carte nationale, identifie concrètement
d'anciens laboratoires, d'anciens sites hospitaliers, d'anciens sites de
production, par exemple dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
Nous réalisons cet inventaire, et je crois qu'il nous faudra maintenant mettre
en place un plan national de gestion des déchets radioactifs qui détermine des
exutoires pour toutes les catégories de déchets suivant leur nature. Cette
proposition a d'ailleurs été faite dans un récent rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, et je
peux vous dire que Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement s'y rallie tout à fait et souhaite voir ce dossier aboutir.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse.
Il faut absolument que le Gouvernement se donne les moyens de sa politique. En
effet, les élus locaux ne comprennent pas pourquoi on leur impose, par exemple,
à l'entrée des sites, l'installation de portiques permettant de détecter les
matières radifères, et donc d'isoler et de récupérer ces dernières, alors que,
parallèlement, on leur déclare ne pas savoir quoi faire de ces déchets.
J'ai bien pris note de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat, et je vais
donc reprendre contact avec l'ANDRA pour savoir ce que Mme le député de ma
circonscription doit faire des déchets qu'elle a entreposés dans sa cave !
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