SEANCE DU 14 DECEMBRE 2000
OUVERTURE À LA CONCURRENCE
DES SERVICES POSTAUX
DE LA COMMUNAUTÉ
Adoption d'une proposition de résolution
(ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 122,
2000-2001) de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan, sur la proposition de résolution (n° 89, 2000-2001) de
MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy, Louis Althapé
et Philippe Adnot, présentée en application de l'article 73
bis
du
règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture
à la concurrence des services postaux de la communauté (n° E-1520).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me réjouis
que le Sénat, au travers de la proposition de résolution que nous examinons
aujourd'hui, s'exprime dans le débat européen sur les services postaux le jour
même de la séance plénière du Parlement européen sur ce sujet. Nous l'avions
déjà fait en mai 1996, lors de l'examen de ce qui allait devenir la directive
du 15 décembre 1997, qu'il est aujourd'hui proposé de modifier. Notre assemblée
marque ainsi, une nouvelle fois, son attachement à ce grand service public.
La libéralisation graduelle du secteur postal a été lancée en 1989, au sommet
informel d'Antibes, sous présidence française, M. Paul Quilès étant le ministre
français en exercice. Cette volonté a été constamment réaffirmée depuis, par
tous les gouvernements, jusqu'au sommet de Lisbonne en mars 2000, où les chefs
d'Etat et de Gouvernement des Quinze ont demandé, à l'unanimité, la poursuite
de la libéralisation dans le secteur postal. La Commission européenne a
présenté le 30 mai 2000 la proposition dont nous sommes saisis.
La directive de 1997, qui était, déjà, un compromis, programmait une deuxième
étape : en application de son article 27, elle deviendra caduque au 1er janvier
2005, sauf si une nouvelle directive postale entre en vigueur, au plus tard le
1er janvier 2003. En cas de caducité, la Commission européenne pourrait, en
vertu du droit européen, imposer unilatéralement de nouvelles règles pour le
bon fonctionnement de la concurrence sur le marché communautaire.
L'adoption d'une nouvelle directive par le Parlement et le Conseil, dans le
cadre de la révision de la directive du 15 décembre 1997, est donc
souhaitable.
Permettez-moi d'insister, tout d'abord, sur ce qui ne change pas dans la
proposition de directive, car cela me paraît fondamental. Le service universel
postal, sa définition, son périmètre, son aptitude à être enrichi au fur et à
mesure de l'évolution du secteur ne sont pas modifiés.
Ces dispositions de la directive de 1997 ont d'ailleurs été introduites en
droit français par le Gouvernement dans la loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, qui dispose que « le
service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement
équilibré du territoire ». Régi par les principes d'égalité, de continuité et
d'adaptabilité, ainsi que par la recherche de « la meilleure efficacité
économique et sociale », le service universel postal garantit, en vertu de la
loi, à tous les usagers, « de manière permanente et sur l'ensemble du
territoire », des services postaux « répondant à des normes de qualité
déterminées », à des « prix abordables » pour tous les utilisateurs du
territoire.
Si le Sénat s'était opposé à la méthode de transposition retenue - un cavalier
gouvernemental, je le rappelle - la commission spéciale et le rapporteur, M.
Gérard Larcher, n'avaient rien trouvé à redire au contour du service universel
postal. Vous vous étiez, quant à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, félicité
de l'introduction, sur l'initiative du Gouvernement, de cette notion en droit
français.
La proposition de directive ne remet pas en cause le service universel
postal.
Pour financer les obligations de service universel, deux instruments sont
possibles : d'une part, un fonds de compensation, faculté déjà prévue par la
législation de six Etats membres, mais pas encore utilisée en France ; d'autre
part, des services « réservés », c'est-à-dire exercés sous monopole. C'est
d'ailleurs un principe admis dès 1993 par la Cour de justice, dans le fameux
arrêt « Corbeau ».
Ce sont ces « services réservés » à l'opérateur du service universel que la
commission propose de baisser, en deux étapes.
D'ici à 2003, ils seraient abaissés de trois cent cinquante grammes ou cinq
fois le tarif de base à cinquante grammes et deux fois et demie le tarif de
base. Parallèlement, toutes les limites de poids et de prix seraient supprimées
en ce qui concerne le courrier transfrontalier sortant et le courrier express.
En outre, des « services spéciaux » seraient définis, qui ne pourraient entrer
dans le périmètre des services réservés.
L'étape ultérieure proposée par la Commission, pour laquelle la décision
devrait intervenir au 31 décembre 2005 au plus tard, prendrait effet au 1er
janvier 2007 ; il s'agirait d'une nouvelle restriction des « services réservés
», dont l'ampleur serait déterminée par le Parlement européen et le Conseil,
sur proposition de la Commission, présentée avant le 31 décembre 2004.
On nous dit qu'un compromis se dégagera d'ici au conseil des ministres du 22
décembre, autour d'une libéralisation plus maîtrisée que ce que propose la
Commission. Ne crions tout de même pas victoire trop vite : six Etats membres
acceptent le degré de libéralisation proposé par la Commission ou souhaitent
ouvrir encore davantage le marché : il s'agit de l'Allemagne, du Danemark, de
l'Autriche, de la Finlande, des Pays-Bas et de la Suède, soit 29 voix sur les
87 du Conseil, la minorité de blocage étant de 26, monsieur le secrétaire
d'Etat.
Cinq Etats membres demandent que soit fixée une date pour la libéralisation
totale du marché postal, allant au-delà du scénario envisagé par la Commission.
Il s'agit de l'Autriche, de l'Allemagne, de la Finlande, des Pays-Bas et de la
Suède, soit 26 voix sur 87, ou encore le seuil de la minorité de blocage.
Il reste donc plus de chemin à parcourir qu'on ne le dit parfois, même si le
vote, ce matin, du Parlement européen est plutôt favorable aux thèses défendues
par la présidence française.
Les députés européens ont notamment adopté les amendements de la Commission
saisie au fond demandant la suppression de la notion de services spéciaux, la
fixation de nouvelles limites de poids et de prix des services réservés à cent
cinquante grammes et quatre fois le tarif de base, et la suppression de l'étape
de libéralisation de 2007.
Cette position a d'ailleurs sensiblement infléchi la tonalité du discours de
certains opposants français aux propositions Bolkestein. Plusieurs prises de
position étaient, en effet, initialement très favorables au maintien pur et
simple du
statu quo
et refusaient d'envisager - malgré les conclusions
unanimes du sommet de Lisbonne et l'engagement constant de la France depuis
1989 - toute libéralisation, même modérée. Depuis, les rangs des tenants d'un
compromis se sont brusquement étoffés. Je note, par exemple, que la résolution
de l'Assemblée nationale, devenue définitive après la réunion de la commission
de la production et des échanges du 29 novembre, épouse trait pour trait la
position de la commission de la politique régionale du Parlement européen,
établie le 22 novembre dernier.
Dans le cadre de la codécision, il faut réunir 62 voix sur 87 au Conseil pour
statuer à la majorité qualifiée, et les Quinze ne peuvent adopter qu'à
l'unanimité des amendements du Parlement européen auxquels s'opposerait la
Commission européenne. Le jeu reste donc encore largement ouvert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des affaires économiques vous
demande aujourd'hui de modérer le rythme d'ouverture à la concurrence par
rapport à ce que propose la Commission européenne.
Pourquoi ? Est-ce par suivisme, par protectionnisme ou parce que nous pensions
que le service public et la concurrence sont incompatibles ? Evidemment non
!
Les débats sur les télécommunications, en 1996, et sur l'électricité, en mars
dernier, sont là pour nous prouver que la libéralisation peut s'accompagner
d'un enrichissement du service public - je pense au droit à l'électricité pour
tous, que vous avez défendu - d'une garantie de ses principes essentiels - je
pense, par exemple, à la péréquation géographique des tarifs de raccordement,
d'abonnement et de consommation, légalement consacrée dans ces deux secteurs -
d'un financement des charges de service public par des fonds mutualisés, - je
pense aux fonds du service universel des télécommunications, actuellement
défendu, à juste titre, par le Gouvernement à Bruxelles, au fonds de la
production de l'électricité, au fonds de péréquation de l'électricité - et même
d'un financement par la collectivité des missions d'intérêt général ne relevant
pas
stricto sensus
du service public - c'est, par exemple, le cas du
soutien des cogénérateurs par EDF.
Le traité d'Amsterdam a reconnu la fonction essentielle des services d'intérêt
économique général en Europe, et la Commission européenne vient de publier une
communication sur les services d'intérêt général en Europe, qui sont, en
langage communautaire, nos services publics.
Ces orientations ont été approuvées par le Conseil européen au sommet de Nice
du 7 au 10 décembre. Nous avons d'ailleurs intégré à notre résolution initiale
un amendement de M. Trémel et des membres du groupe socialiste y faisant
référence.
Mais la concurrence requiert des adaptations : il faut établir notamment la
vérité des coûts du service universel et des charges d'intérêt général pour en
organiser le financement et instaurer la transparence comptable. Nous attendons
d'ailleurs toujours, monsieur le secrétaire d'Etat, le décret sur la
comptabilité et les obligations de La Poste, prévu par la loi du 25 juin 1999,
adoptée en urgence. Le Gouvernement aurait-il une conception sélective de
l'urgence, qui s'applique aux travaux du Parlement, mais pas aux siens ?
Je pense, ainsi que plusieurs de mes collègues signataires de la proposition
de résolution, qu'il faut aussi moderniser le statut de l'opérateur, sans
toucher à celui des personnels, comme pour France Télécom en 1996 et comme cela
est actuellement envisagé pour Gaz de France.
Pour une fois, je citerai les propos de M. Laurent Fabius, parus dans
le
Monde, le Figaro, les Echos, l'Humanité, Valeurs actuelles, La Tribune et
Libération
le 1er décembre dernier : « Concilier compétitivité industrielle
et service public à la française, ce peut être deux fois privilégier ce qui
marche. C'est dans ce cadre qu'avec pour objectif un projet industriel social
et ambitieux nous serons ouverts à faire évoluer, le moment venu, le statut de
GDF. » Je souscris pleinement à cette analyse ! Nous ne demandons rien d'autre
pour La Poste !
Je ne parle même pas de la compagnie Air France, pour laquelle le Gouvernement
est en train de sélectionner, selon le
Financial Times
du 12 décembre,
une banque d'affaires en vue d'un accord avec Alitalia, ni des dizaines de
milliards de francs de recettes de privatisation encaissées depuis 1997. Nous
n'en demandons pas tant pour La Poste, monsieur le secrétaire d'Etat !
A ceux qui tenteraient, pour masquer leur immobilisme, de nous taxer «
d'ultralibéraux privatiseurs », je rappellerai que le neuvième alinéa du
préambule de la Constitution de 1946 exclut toute privatisation des services
publics, c'est-à-dire la détention par l'Etat de moins de 50 % du capital, il
n'est question que de sociétisation.
Il n'est pas envisagé de toucher au statut des postiers. Mais il me semble que
ces derniers ont droit à un langage de vérité. Il y va de notre responsabilité,
monsieur le secrétaire d'Etat.
La presse indique ce matin que La Poste serait candidate au rachat de 25 % du
capital de la poste grecque : les mérites de la sociétisation ne valent-ils
qu'en dehors de nos frontières ? Vérité en deçà de la mer Egée, erreur au-delà
?
La directive de 1997, grâce au compromis Kohl-Chirac intervenu au sommet de
Dublin en 1996, nous laissait le temps de cette adaptation.
Le Gouvernement allemand l'a très bien compris et a parfaitement utilisé ce
délai. En France, qu'avons-nous fait de ce répit ?
Aucune des réformes de structure que nous réclamons dans nos rapports
d'information depuis 1997 n'ont été entamées, qu'il s'agisse de l'adaptation de
la forme juridique de La Poste, qu'il s'agisse de la solution de financement
des retraites - 22 milliards de francs à débourser en 2015, ce qui représente
une charge cumulative de 360 milliards de francs pour les années qui viennent -
qu'il s'agisse de la compensation du coût de l'aménagement postal du territoire
- pour un surcoût de 3,8 milliards de francs en 2000 - qu'il s'agisse de la
charge du transport postal de la presse - soit 3,1 milliards de francs par an,
financés par La Poste - ou qu'il s'agisse du coût de l'accueil des plus démunis
aux guichets financiers de La Poste - pour un surcoût annuel de 1,5 milliard de
francs.
Nous avons fait de nombreuses propositions argumentées sur tous ces sujets,
mais nous n'avons pas été entendus. Bien plus, alors que nous réclamons, depuis
1997, une loi postale qui nous fut, un temps, promise par le Gouvernement, que
nous a-t-on finalement proposé ?
Le Gouvernement a proposé un cavalier législatif à la loi d'aménagement et de
développement durable du territoire et une habilitation à légiférer par
ordonnances, laquelle a d'ailleurs été unanimement refusée en commission mixte
paritaire le 12 décembre dernier !
Pendant ce temps, les problèmes restent en suspens et des transferts de
charges inavoués ont lieu vers les communes pour le financement du réseau.
Ce n'est pas le contrat de plan, conclu dans un dialogue singulier entre
l'établissement et sa tutelle, qui pourra trancher des questions aussi
essentielles pour l'avenir de La Poste et l'aménagement du territoire !
A cause de l'immobilisme qui prévaut, en France, au regard de l'enjeu postal,
la concurrence peut déstabiliser La Poste.
C'est l'unique raison pour laquelle la proposition de résolution vise à
modérer l'ouverture à la concurrence, en neutralisant la définition des «
services spéciaux » de façon qu'ils ne puissent porter atteinte à la
possibilité d'enrichir, à l'avenir, le contenu du service universel postal.
L'article 5 de l'actuelle directive, que la commission ne propose pas de
modifier, dispose que le service universel postal « doit pouvoir évoluer en
fonction de l'environnement technique, économique et social, ainsi que des
besoins des utilisateurs ». Il s'agit de marquer notre attachement à ce
principe, en précisant que toute éventuelle définition des « services spéciaux
» ne contredit pas cet article fondamental de la directive.
Il est ensuite proposé d'élargir le périmètre des services réservés par
rapport aux propositions de la Commission européenne, en portant à 150 grammes
et à trois fois le tarif de base les seuils de poids et de prix des services
postaux réservés aux opérateurs de service universel et en incluant dans ces
seuils le courrier transfrontalier.
Il s'agirait, dans ce cas, d'exposer 4 milliards de francs de chiffre
d'affaires à la concurrence, contre 11 milliards de francs avec les
propositions de la Commission européenne et moins de 3 milliards de francs avec
la proposition du Parlement européen et de l'Assemblée nationale.
Je terminerai, monsieur le secrétaire d'Etat, en soulignant que la proposition
de résolution ne remet pas en cause le principe d'une deuxième étape de
libéralisation, qui interviendra après 2007. Cette étape répond en effet à une
demande très forte des clients de La Poste et ouvrira à terme des opportunités
pour La Poste sur les marchés européens.
Considérons le développement international de France Télécom depuis 1996 ou
celui d'Electricité de France ces deux dernières années ! Faisons confiance à
notre opérateur, qui, une fois remusclé, pourra affronter la concurrence et
n'oublions pas que la perpétuation du monopole fait, paradoxalement, le jeu de
la poste allemande, qui dispose, grâce aux revenus du monopole sur le premier
marché d'Europe, des moyens de financer une croissance externe fulgurante.
Le texte de la proposition de résolution m'apparaît en définitive équilibré :
il refuse la libéralisation à marche forcée, tout comme l'immobilisme, qui
serait, à mon sens, également néfaste à la poste française.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy, Paul Girod et Louis Althapé
ont eu une excellente initiative en présentant la proposition de résolution sur
les services postaux européens que nous discutons aujourd'hui.
Cette proposition a, en effet, un double mérite.
Tout d'abord, elle permet au Sénat de prendre position sur un projet de
directive européenne établi par la Commission le 30 mai dernier et qui sera, à
titre principal, négocié par le Gouvernement, la prochaine étape étant le
Conseil des ministres du 22 décembre prochain.
Il est en effet important que la représentation nationale fasse connaître son
analyse, le plus en amont possible, sur la norme communautaire, à l'élaboration
de laquelle elle ne participe pas directement.
Ensuite, cette proposition de résolution nous permet une nouvelle fois de vous
alerter, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la nécessité d'ouvrir un large
débat sur l'avenir de La Poste.
Ce débat, la commission des affaires économiques n'a eu de cesse de le
demander depuis 1997, comme elle n'a eu de cesse de vous demander une loi
d'orientation sur La Poste.
Or, maintenant, les échéances se rapprochent et nos craintes augmentent car,
monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas préparé La Poste à l'ouverture,
depuis longtemps annoncée, du marché des services postaux.
Je pense inutile de revenir sur l'objet de cette proposition de résolution,
qui est de répondre à l'urgence de la situation, tout en protégeant l'avenir de
La Poste. En prévoyant une ouverture partielle du marché pour 4 milliards de
francs du chiffre d'affaires de La Poste, et non de 11 milliards de francs,
comme le propose la Commission européenne, elle atteint cet objectif.
Notre collègue Pierre Hérisson a très précisément analysé le texte que nous
discutons et ses enjeux. Je n'ajouterai donc rien à ce propos.
En revanche, j'insisterai sur deux sujets qui nous préoccupent.
Le Gouvernement ne semble pas vouloir ouvrir le débat sur l'avenir de La
Poste, alors que les autres postes européennes, qui sont aussi nos
concurrentes, préparent leur avenir avec détermination et s'organisent en
conséquence.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les services postaux évoluent aujourd'hui dans
un environnement qui connaît de profonds bouleversements : d'une part, les
techniques changent, qu'il s'agisse des nouvelles technologies de
l'information, du marché de l'express ou des colis ; d'autre part, le marché
devient de plus en plus concurrentiel, comme l'attestent les évolutions
récentes d'autres postes européennes, que ce soit la Deutsche Post allemande,
le TNT Post Group hollandais ou la poste britannique.
Notre entreprise nationale ne peut continuer d'ignorer cet environnement et de
s'isoler ; il faut, au contraire, que sa tutelle, c'est-à-dire le ministère de
l'industrie, lui donne les moyens de son expansion.
Le retard que vous êtes en train de faire prendre à La Poste risque,
finalement, de se retourner contre elle : si La Poste ne peut pas se préparer à
la concurrence et se développer sur des marchés porteurs, elle n'aura pas les
moyens financiers nécessaires pour maintenir un service public auquel nous
sommes tous très attachés.
Or, force est de constater que le Gouvernement fait preuve d'une grande
frilosité lorsqu'il s'agit du dossier postal.
Tout d'abord, vous laissez passer votre chance. A ce titre, je rappellerai
que, en décembre 1996, au sommet de Dublin, l'initiative commune du Président
de la République et du Chancelier avait permis d'obtenir un répit pour La Poste
puisque la date butoir de la réduction des monopoles était repoussée de 1998 à
2003.
Ce répit aurait du être conçu comme une période d'adaptation pour La Poste.
C'est d'ailleurs ce qu'a parfaitement compris la poste allemande, qui s'est
résolument engagée dans la voie de la réforme et qui est devenue une entreprise
extrêmement compétitive.
La conséquence de ce dynamisme est simple : au niveau communautaire,
l'alliance entre la France et l'Allemagne n'est plus possible et notre pays
risque de se trouver isolé, alors que sept Etats membres ont déjà largement
transposé la directive de 1997 et que dix postes sur quinze ont le statut de
société anonyme.
Vous laissez donc passer dangereusement le temps, monsieur le secrétaire
d'Etat, et quand le Gouvernement légifère, comme le rappelait M. le rapporteur,
c'est en catimini : vous transposez une partie de la directive de 1997 par voie
d'amendement, à la va-vite, dans le projet de loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire, ou bien vous tentez de
légiférer par ordonnances en privant le Parlement de toute discussion, comme je
le dénonçais récemment en tant que rapporteur du projet de loi autorisant le
Gouvernement à transposer une soixantaine de textes européens par
ordonnances.
Finalement, il y a tout lieu de conclure que l'objectif du Gouvernement est
bien d'escamoter le débat en refusant d'aborder la question de la modernisation
de La Poste.
Certes, le dossier est complexe. Certes, les prochaines échéances électorales
poussent à la prudence. Mais sont-ce des raisons suffisantes pour sacrifier une
de nos principales entreprises sur l'autel de l'idéologie ?
Je crois, au contraire, qu'il est grand temps de préparer l'avenir de La
Poste, sans tabou ni préjugé. Plusieurs de nos partenaires l'ont déjà compris,
ce qui devrait nous montrer le chemin à suivre.
Les autres postes européennes n'ont pas attendu pour s'engager dans la voie de
la réforme ; il faut reconnaître qu'elles ont maintenant une longueur d'avance
sur la poste française.
Il en est surtout ainsi de la poste allemande, dont la mutation spectaculaire
mérite notre attention. Et ce n'est pas de l'admiration que j'exprime en
l'occurrence, c'est plutôt une inquiétude.
Dès 1994, la transformation de l'entreprise était définie autour de trois
priorités : adaptation du statut, réorganisation du réseau, évolution du statut
du personnel.
Pour financer cette véritable révolution, le gouvernement allemand a autorisé
la Deutsche Post à augmenter le prix du timbre. Ce n'est pas forcément une
bonne solution, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
C'est le timbre le plus cher d'Europe
!
M. Ladislas Poniatowski.
Puis, en 1995, l'entreprise a été transformée en société anonyme, ce qui lui a
permis de lever des capitaux sur les marchés financiers.
Cinq ans plus tard, en novembre dernier, la poste allemande entrait en bourse,
traduction d'une expansion rapide et solide.
Le bénéfice de l'entreprise dépasse désormais les 10 milliards de francs ;
elle a réalisé cette année près de quarante acquisitions pour un montant
d'environ 50 milliards de francs, son dernier succès, et non le moindre, étant
le rachat de DHL.
Si, il y a cinq ans, Deutsche Post faisait encore jeu égal avec la poste
française, ce n'est plus vrai aujourd'hui. Deutsche Post est devenue un géant
du secteur, intervenant dans le monde entier.
Mes chers collègues, on comprend alors aisément que le compromis de Dublin ne
se répétera pas : l'Allemagne est devenue la première poste européenne ; elle
joue maintenant le jeu de l'ouverture des marchés, car elle y est gagnante.
Elle a objectivement intérêt à ce que la poste française reste cantonnée dans
son monopole et continue de s'essoufler. Il faut en être conscient.
En outre, si l'Allemagne a désormais des intérêts divergents de ceux de la
France, elle peut trouver des appuis auprès d'autres pays européens. Ainsi, les
futurs Etats qui vont prendre en charge la présidence de l'Union européenne
après la France sont des fervents partisans des propositions très libérales de
la Commission européenne. Il s'agit de la Suède, jusqu'en juillet 2001 ; puis
ce sera le tour de l'Espagne et du Danemark en 2002, qui ne sont pas à nos
côtés sur ce sujet.
Dans ce contexte, la France paraît à la traîne des autres postes européennes.
Même si La Poste est une entreprise qui se porte bien, elle n'a pas la marge de
manoeuvre suffisante pour développer ses capacités d'investissement.
Dès lors, je vous pose la question, monsieur le secrétaire d'Etat : peut-on
financer les missions de service public si l'on ne donne pas à La Poste les
moyens de se défendre et d'être compétitive sur d'autres secteurs ?
A trop différer les ajustements nécessaires, comme vous le faites, La Poste
devra se contenter d'un rôle de second rang par rapport à ses concurrents qui
auront su prendre le train des réformes à temps.
Nous savons que, par principe - je devrais plutôt dire par ménagement de sa
majorité plurielle -, le Gouvernement est opposé à l'ouverture à la concurrence
des marchés. Après une transposition tardive et
a minima
de la directive
sur l'électricité, vous n'avez toujours pas amorcé la transposition de la
directive sur le gaz, qui aurait dû entrer en vigueur en août dernier, monsieur
le secrétaire d'Etat.
Il en est de même pour La Poste, que vous cantonnez dans un passé
illusoirement protégé en prenant le risque de la voir livrée à la concurrence
sans préparation, alors que l'entreprise a les compétences pour être
compétitive.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe des Républicains et
Indépendants apportera son soutien à la proposition de résolution de notre
collègue Gérard Larcher et des autres cosignataires, car elle constitue une
position raisonnable, à mi-chemin entre le maintien du monopole et l'ouverture
totale.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaiterais, en introduction de mon propos, me féliciter de l'initiative de
nos collègues Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy et
Louis Althapé, dont la proposition de résolution sur « l'ouverture à la
concurrence des services postaux de la Communauté » vient fort opportunément
nous permettre de débattre de l'avenir de nos services postaux à la veille
d'une échéance européenne capitale.
Le Parlement européen vient d'en débattre dans le cadre de la procédure de
codécision : le vote est intervenu ce matin même en assemblée plénière. Le
Conseil « poste » doit se réunir dans quelques jours, le 22 décembre, sous
votre présidence, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il était donc on ne peut plus utile que le Sénat - après l'Assemblée
nationale, au sein de sa commission de la production et des échanges et de sa
délégation à l'Union européenne - puisse aujourd'hui donner au Gouvernement son
appréciation sur la position que devrait défendre la France dans une
négociation difficile.
Je ne doute pas que la confrontation de nos analyses respectives nourrira la
réflexion du Gouvernement et confortera sa détermination à défendre un service
public de qualité.
A nos yeux, la problématique tient en quelques questions. Comment améliorer
les services rendus aux usagers ? Comment La Poste peut-elle continuer d'offrir
un service public de qualité, assurer une politique de gestion dynamique de ses
personnels et développer des métiers et des services compétitifs, le tout dans
un univers de plus en plus concurrentiel ? Comment conforter le rôle
irremplaçable de La Poste dans l'aménagement du territoire ? Comment, enfin,
faire en sorte que le secteur postal soit créateur de richesses et d'emplois de
qualité ?
Telles sont nos préoccupations, et j'espère qu'elles sont partagées - je pense
qu'elles le sont - sur d'autres travées de cette assemblée. Je me réjouis, en
tout cas, que ces préoccupations aient été celles des députés européens, qui, à
une très large majorité, ont approuvé ce matin les propositions de la
commission de la politique régionale.
Il a déjà été rappelé par M. le rapporteur que la situation actuelle était
régie par la directive postale du 15 décembre 1997. Cette directive fixe un
calendrier pour la poursuite du processus d'ouverture des marchés postaux à la
concurrence. C'est conformément aux dispositions de son article 27 que la
Commission européenne a rendu publique, le 30 mai dernier, une proposition de
révision de la directive postale en vigueur en vue de l'achèvement du marché
intérieur postal.
Cette proposition du commissaire Bolkenstein, marquée sans doute du sceau de
l'expérience néerlandaise, vise à accélérer la libéralisation des services
postaux en deux étapes successives : 2003 et 2007.
Les principales modifications qui seraient apportées à la directive de 1997
ont également été fort bien présentées par M. le rapporteur ; je n'y reviens
donc pas.
Cette proposition de modification de la directive est soumise à la procédure
de la codécision, laquelle fait intervenir le Parlement européen. La commission
de la politique régionale, des transports et du tourisme, saisie au fond, s'est
prononcée le 22 novembre, et l'assemblée plénière les 13 et 14 décembre,
c'est-à-dire hier et aujourd'hui. Nous sommes en pleine actualité !
En l'état, la proposition de la Commission européenne nous semble
inacceptable. Elle introduit en effet une dérégulation très brutale et risque,
en raison d'un périmètre des services réservés démesurément contracté, de vider
de toute consistance les garanties du service universel postal faute de
financement permettant de couvrir les coûts de sa fourniture. Au demeurant, la
plupart des opérateurs postaux regroupés dans Post Europ - dix sur quinze -
s'accordent pour définir une limite poids/prix de 150 grammes et trois fois le
prix de base, au minimum.
La proposition Bolkenstein ne permet donc pas l'enrichissement du service
universel au regard des progrès technologiques, une nouvelle catégorie de
services dits « à valeur ajoutée » - ce qui constitue une caractéristique des
plus floues - étant en effet créée. En ne permettant pas que ces « services
spéciaux » puissent être intégrés dans le service universel, on contrevient au
principe d'adaptabilité dudit service, pourant reconnu par l'actuelle
directive. On peut dès lors subodorer qu'il s'agit là de contourner les
services réservés jusqu'à ce que le service universel tombe en désuétude.
La libéralisation par segments de marchés - flux transfrontaliers et
publipostages - conduirait, en outre, à ouvrir à la concurrence des segments
majeurs en volume et en chiffre d'affaires des activités des prestataires de
service universel, tandis que l'opérateur historique devrait continuer à
assurer des services non rentables.
Enfin, l'échéancier relatif à l'étape de libéralisation totale et définitive
de l'ensemble des activités postales est établi sans qu'aucune évaluation
préalable, sérieuse et contradictoire de la première étape soit prévue.
En résumé, mes chers collèges, la perspective d'une libéralisation totale ne
nous apporte aucune garantie quant au maintien de la prestation du service
universel. La proposition de la Commission évacue, en outre, la prise en compte
de la multifonctionnalité du secteur postal, ses dimensions sociales et
territoriales, ainsi que les différences géographiques, parfois complexes et
importantes, entre Etats.
En termes sociaux, par exemple, rien ne vient garantir que la libéralisation
ne conduira pas à des risques inacceptables pour les 1 400 000 employés des
opérateurs historiques, bien au contraire : l'expérience suédoise montre un
rapport de dix à un entre les suppressions d'emplois de l'opérateur historique
et les créations dans les entreprises concurrentes sur les marchés nouvellement
ouverts à la concurrence.
En termes économiques, les PME-PMI - dont nous sommes particulièrement
soucieux dans cet hémicycle - tributaires pour leur activité des prestations
postales, mais n'ayant pas accès aux conditions tarifaires qui sont réservées
aux grands comptes, seraient indubitalement les premières victimes de la
libéralisation. En Suède toujours, les hausses tarifaires des prestations
isolées ont atteint 60 % en six ans.
Et je ne parle pas des conséquences en termes de présence postale en zone
rurale, dont nous avons également tous ici le plus grand souci, ainsi que le
débat budgétaire l'a encore montré récemment.
Bien que la démonstration convaincante de la nécessité de l'ouverture totale
du marché postal et de la compatibilité de celle-ci avec la pérennité de la
prestation du service universel reste à faire, les enjeux de ce débat, et donc
du Conseil du 22, sont de parvenir à une ouverture progressive et maîtrisée des
marchés postaux à la concurrence.
Il convient, dès lors, que la réduction des limites de poids et de prix du
domaine réservable, sans distinction de la nature des envois, soit progressive.
Aussi est-il important, à nos yeux, de parvenir, au niveau européen, à un
compromis qui préserve le service public postal sans ignorer l'évolution des
exigences du marché mondial.
C'est dans ce cadre que le Sénat discute ce soir d'une proposition de
résolution, bâtie autour d'un certain nombre de considérants et de deux
recommandations. J'aurai, pour ma part, deux reproches majeurs à lui
adresser.
Le premier tient à l'introduction dans les considérants de certaines prises de
position réellement polémiques auxquelles nous ne pouvons, bien entendu, pas
souscrire. Le second tient au fait que la proposition est en net retrait par
rapport à celle qu'a adoptée le Parlement européen et qui dessine un compromis,
selon nous, intelligent et utile.
Sur le premier point - et je fais ici également référence aux arguments qui
ont été développés par nos collègues de la majorité sénatoriale, aussi bien en
commission des affaires économiques que dans d'autres débats - je souhaiterais
faire valoir plusieurs arguments.
Je me demanderai, au passage, si l'ensemble du discours que l'on nous oppose
ne conduit pas, en vérité, à une forme de glissement vers l'adhésion aux thèses
de la Commission européenne et du commissaire Bolkestein. J'ai d'ailleurs
observé que ces thèses recueillaient l'assentiment de quelques députés
européens représentant la France : c'est le cas de M. Novelli, qui, hier, a
considéré ces propositions comme justifiées et attendues.
Par ailleurs, on nous parle constamment de la Deutsche Post. Eh bien,
parlons-en !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
On s'en inquiète !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Comment ne pas convenir que cet opérateur est aujourd'hui, en fait, bien autre
chose qu'une poste ? Le courrier n'y représente plus que 35 % des ventes. Le
groupe est désormais essentiellement positionné sur les livraisons express de
colis et de logistique, largement « dopées » par le commerce électronique. Ce
segment atteint d'ores et déjà 40 % du chiffre d'affaires.
L'objectif de la poste allemande est de s'afficher comme un véritable
intégrateur et de proposer une gamme complète de services dans le domaine du
transport et de la logistique. Elle fait le pari de la profitabilité à terme de
cette stratégie. Dans cette perspective, elle a procédé à de nombreuses
acquisitions et a introduit une partie de son capital en Bourse.
Cette stratégie ne semble pourtant pas convaincre les investisseurs. Un
analyste financier, cité tout récemment à la fois par
Les Echos
et
La
Tribune
, fait le constat suivant : « Deutsche Post reste une société
postale traditionnelle, à laquelle on a rattaché une série d'activités en
suivant une logique parfois douteuse... C'est en réalité un conglomérat qui
agrège la poste traditionnelle et des entreprises de logistique. »
Le marché a sanctionné cette logique hybride, comme le révèle le cours de
l'action à la Bourse de Francfort. Cette stratégie est en effet soumise au
succès préalable des acquisitions opérées - trente-cinq entreprises au total
ont été acquises uniquement ces deux dernières années ! - et à des
restructurations inéluctables. Ces opérations ont été financées par une hausse
du prix du timbre, en clair par les usagers, en clair par les services sous
monopole, car les marges sont étroites dans ces secteurs, de l'ordre de 3 %,
contre 20 % pour le courrier.
Que se passera-t-il avec la fin du monopole, décidée unilatéralement par
l'Allemagne pour le 1er janvier 2003 ?
Je crains que Deutsche Post n'ait pas fini de souffrir, mais nous aurons sans
doute l'occasion d'en reparler.
Est-ce bien là le modèle que nous voulons donner à La Poste ? Voulons-nous que
le prix du timbre soit l'un des plus élevés d'Europe ? Voulons-nous que des
emplois soient supprimés ou précarisés pour répondre aux impératifs de
rentabilité du marché ? Voulons-nous mettre en péril le service public au motif
qu'il serait utilisé pour financer des activités concurrentielles ?
Mes chers collègues, c'est bien la situation dans laquelle risque de se
trouver la poste allemande. La Commission européenne, vous le savez, examine
actuellement de très près le cas de la Deutsche Post pour pratiques
anticoncurrentielles et subventions croisées.
M. Gérard Larcher.
Heureusement ! C'est nous qui avons attiré l'attention sur ce point !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Pour notre part, nous refusons cette logique aventureuse. Il n'est pas,
pensons-nous, du rôle de La Poste de faciliter et de soutenir, par son
alignement sur de telles positions, les options qui ont été retenues par
Deutsche Post et qui ne me paraissent pas convaincantes.
Par ailleurs, les auteurs de la proposition de résolution s'appuient sur
l'exemple que constitueraient pour La Poste France Télécom, Electricité de
France ou même, comme l'indique le rapport de M. Hérisson, le transport
aérien.
Prendre l'exemple de France Télécom, c'est faire abstraction des
caractéristiques fondamentalement différentes des marchés sur lesquels opèrent
les deux entreprises. France Télécom opère aujourd'hui sur trois moteurs de
croissance : l'international, l'Internet et la téléphonie mobile. Sur ce
dernier marché, par exemple, le taux de croissance est de 30 % à 40 %.
La Poste, elle, opère sur des marchés « matures » pour la plupart - le
courrier, par exemple - et ses propres moteurs de croissance - le colis,
l'express et la logistique - ne sont pas appelés à connaître des évolutions
aussi rapides, malgré le souffle qu'apportera, je l'espère, le développement du
commerce électronique.
Ensuite, s'agissant du service universel dont France Télécom a la charge, le
bilan reste en demi-teinte. La baisse du prix des communications nationales ne
peut dissimuler une hausse assez importante de l'abonnement ces dernières
années. Je remercie au passage le Gouvernement de son opportune intervention
pour contraindre à une révision plus juste du coût des communications locales
pour lesquelles l'opérateur dispose encore du monopole.
Enfin, l'adaptabilité du service universel, qui était pourtant une condition
de la libéralisation, n'a pas fait pour l'instant, à nos yeux, la démonstration
de sa totale efficacité. Il n'est, en effet, que de rappeler le refus que
Bruxelles a opposé au voeu du Gouvernement d'introduire dans le service
universel l'accès à l'Internet à hauts débits pour les écoles.
Pour ce qui est de la libéralisation du transport aérien, les avantages en
matière de prix ou de dynamisme du marché peuvent paraître intéressants, mais
des lacunes flagrantes apparaissent dans certaines dessertes. Le fait même que
la commission des affaires économiques vienne de créer, sur l'initiative de son
président, un groupe de travail en son sein sur l'avenir du transport aérien
régional révèle une inquiétude tout à fait fondée.
Tout cela doit nous appeler à relativiser, sagement, les prétendus bénéfices
du « tout libéral ». Nulle part, ni par quiconque, la démonstration n'a été
faite jusqu'à présent que la libéralisation totale constitue ce « monde
merveilleux » que la théorie et les augures nous promettent.
Un singulier reproche d'immobilisme est ensuite adressé à La Poste et au
Gouvernement français. Beaucoup d'arguments méritent d'être repris.
Immobilisme, la constitution d'un groupe cohérent depuis dix ans autour de
l'établissement La Poste et dont le dynamisme s'accroît davantage encore depuis
le présent contrat de plan ? Immobilisme, la remarquable réussite de Chronopost
? Immobilisme, l'acquisition de Denkhaus en 1998 ? Immobilisme, l'acquisition
de quatre nouveaux franchisés en 1999 ? Immobilisme, l'accord conclu avec
l'intégrateur américain FedEx, qui ouvre la voie à un développement mondial des
activités dans le transport express ? Immobilisme, l'accord conclu avec Geodis
? Si c'est cela l'immobilisme, alors convenons qu'il s'agit d'une vertu
économique par trop sous-estimée !
L'autre reproche majeur concerne le poids de la tutelle de l'Etat et sa
prétendue inertie depuis trois ans ; M. le secrétaire d'Etat aura, bien
entendu, l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
Je rappellerai simplement que le contrat d'objectifs et de progrès, signé le
25 juin 1998 entre l'Etat et La Poste, portant contrat de plan pour la période
1998-2001, était marqué par l'ambition de faire évoluer profondément les
relations entre la tutelle et l'entreprise publique. Après deux ans et demi
d'application, un premier bilan peut en être dressé. L'Etat a pris des
engagements importants et les a tenus.
L'Etat a pris en charge la « dérive » annuelle du coût des retraites.
L'Etat a également honoré ses engagements en matière de contribution pour le
déficit du transport de presse.
La Poste bénéficie d'un abattement de 85 % sur les bases de la fiscalité
locale, accordé en contrepartie de la contrainte de desserte de l'ensemble du
territoire national et de la participation à l'aménagement du territoire.
Des conditions de modernisation de la présence postale territoriale ont été
définies. Ce n'est pas un dossier facile, mais, aujourd'hui, les commissions
départementales de présence postale territoriale sont en place et elles se
réunissent dans la plupart des départements. Elles peuvent, à condition qu'il y
ait une volonté politique, peser sur la répartition ou les modalités de la
présence postale.
Ainsi, sans se désengager du monde rural, La Poste essaye, par le dialogue et
la concertation, de mettre en place une organisation adaptée aux besoins des
populations, afin d'assurer la pérennité d'un service public de qualité.
En ce qui concerne le plan social, les postiers sont autant attachés à leur
statut de fonctionnaire qu'à la mission de service public. L'application des 35
heures, dont la négociation a été décentralisée, n'a pas posé trop de problèmes
- de réels efforts ont été accomplis en matière de « déprécarisation » des
emplois. Plusieurs chiffres pourraient le prouver.
Pour autant, il reste encore beaucoup à faire à La Poste, nul ne le nie, et
heureusement ! Mon but n'est pas ici de tomber dans l'excès d'honneur, mais je
voudrais que l'on regarde de façon positive l'exécution de ce premier contrat
de plan, tout en affirmant qu'il nous faut rester vigilants à l'égard du
prochain. Pour notre part, nous ne donnerons aucun chèque en blanc en la
matière, car de lourds chantiers nous attendent.
M. Gérard Larcher.
Les retraites !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Les retraites, effectivement, mais aussi, globalement, les relations
financières entre l'Etat et La Poste. La tâche sera ardue !
Mon souci, ce soir, est simplement de conjurer le soupçon excessif que l'on
fait peser sur La Poste, ne serait-ce qu'en lui préférant systématiquement les
modèles allemand ou néerlandais, qui sont loin d'avoir convaincu.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
On n'a jamais dit cela !
M. Pierre-Yvon Trémel.
Certains le disent !
J'en arrive donc, naturellement, aux deux recommandations formulées dans la
proposition de résolution. J'avais annoncé que je les trouvais en retrait par
rapport à la position prise par le Parlement européen. Or, la prise en compte
de cette position est très importante.
Tout d'abord, elle participe du mécanisme de la codécision, ce dont il y a
tout lieu de se louer. Ensuite, les tamis successifs - Parlement européen,
parlements nationaux - contribuent à la bonification des politiques élaborées
par Bruxelles. C'est bien d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes ici ce
soir. Les propositions de la commission du Parlement européen, saisie au fond,
aboutissent donc à un compromis équilibré ; cela a été rappelé, je n'y
reviendrai pas.
En outre, les considérants retenus ont fait explicitement mention d'une
meilleure prise en compte des différences géographiques et du coût variable du
service universel selon les configurations géographiques propres à chaque Etat
et ont avancé l'idée d'un renforcement du principe d'adaptabilité du service
universel en fonction des évolutions technologiques.
A cette aune, les recommandations de la proposition de résolution de la
commission des affaires économiques apparaissent en retrait.
La première recommandation porte sur les limites de poids et de prix des
services réservés : elle retient, pour 150 grammes, trois fois le tarif de
base, contre quatre fois le tarif de base pour le Parlement européen.
La seconde recommandation exige une définition claire des services spéciaux.
Le Parlement européen a demandé leur suppression pure et simple.
Au total, la proposition de résolution, tant par ce qu'elle recommande que par
le cadre de référence dans lequel elle s'inscrit, pèche par le manque de
démonstration quant aux conséquences qu'emporteraient l'ouverture du marché
postal et la réduction du périmètre des services réservés.
Je comprends ce que veulent nos collègues auteurs de cette proposition de
résolution, mais je m'interroge très sincèrement sur les conséquences à
attendre de ce texte.
Si l'on suivait certaines préconisations, qu'en serait-il du tarif de base du
timbre ? Devrait-il être revu à la hausse comme en Allemagne, où il est le plus
cher d'Europe ? Une politique postale centrée sur le développement à
l'international et des investissements massifs ne peut être assurée que par une
hausse du prix du timbre, c'est-à-dire par le consommateur. Je ne crois pas que
nos concitoyens, et singulièrement nos entreprises, soient prêts à
l'accepter.
Il reste donc la possibilité que l'Etat prenne cette dépense supplémentaire à
son compte. Mais alors, où est la logique si, d'une part, on prêche pour une
diminution des charges publiques et, d'autre part, pour des interventions
renouvelées de l'Etat ?
Qu'en serait-il également de la qualité du service ? L'exemple néerlandais ne
nous rend pas très optimistes : il est envisagé de limiter la collecte à deux à
trois fois par semaine. Le maillage de notre réseau postal, notamment rural, en
serait aussi très fortement affecté. Le bureau de poste, au même titre que la
mairie, l'église, l'école ou le café, participe du visage nécessaire de nos
villes et de nos villages.
Qu'en serait-il, enfin, des effets sur l'emploi ? Aucune étude chiffrée n'est
avancée. Là encore, regardons ce qui s'est passé ailleurs. En Allemagne, la
Deutsche Post a réduit ses effectifs de 150 000 emplois depuis 1992 dans ses
métiers traditionnels pour financer son développement à l'international.
Autant de questions essentielles auxquelles on ne peut raisonnablement pas ne
pas chercher à apporter des réponses précises.
Pour conclure, mes chers collègues, nous préférons, au groupe socialiste,
adopter une attitude réaliste et rechercher le compromis pertinent entre le
maintien d'un service public de qualité et l'ouverture du marché.
Longtemps, la France a été le seul Etat membre de l'Union européenne à
défendre le concept de service public et sa prise en compte par la
réglementation européenne, c'est-à-dire une prestation pour tous, en tout lieu
et à un prix abordable. La notion de service universel dans le domaine des
télécommunications a constitué, en 1993, un premier pas vers cette
reconnaissance. Elle s'est diffusée peu à peu à d'autres secteurs ouverts à la
concurrence par la Communauté européenne.
Le tout récent Conseil européen de Nice en consacre le principe en affirmant
le rôle irremplaçable des services d'intérêt général pour assurer la
compétitivité globale de l'économie européenne. C'est à cela que nous voulons
travailler et cela restera notre ligne directrice.
Les auteurs de la proposition de résolution assurent ne vouloir remettre en
cause ni le maintien du caractère public de La Poste, ni l'accomplissement de
ses missions de service public, ni sa présence territoriale, ni les droits
acquis de ses personnels. Je les crédite bien volontiers de cette volonté, qui
est aussi celle du groupe socialiste.
Toutefois, parce que nous considérons que le texte qui nous est proposé ne
prend pas suffisamment en compte la position de compromis plus intéressante
vers laquelle le Parlement européen s'est tourné, parce que nous ne souscrivons
pas à l'analyse de la situation actuelle que décrivent les considérants de la
proposition de résolution et parce que celle-ci ne démontre rien quant aux
conséquences d'une libéralisation toujours plus grande du marché postal, nous
sommes amenés à proposer un amendement de réécriture de ce texte ; il sera
défendu tout à l'heure par mon collègue et ami Jacques Bellanger.
J'ajoute que Gérard Delfau, notre collègue du RDSE, nous a fait connaître
qu'il soutenait également notre position.
En cet instant, dans cet hémicycle, l'enjeu n'est rien moins que de manifester
clairement le soutien de la Haute Assemblée au Gouvernement qui souhaite
obtenir une révision rapide de la directive postale, c'est-à-dire dès le 22
décembre prochain, sous la présidence française, afin de pouvoir garantir dans
la durée, pour tous les citoyens, des missions de service public financées par
des services réservés suffisamment larges, un service public qui, à l'aube du
XXIe siècle, peut - nous en avons la conviction très forte - tenir lieu non pas
d'épouvantail, mais de socle à une conception moderne, dynamique et ambitieuse
du service postal.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, je demande la parole pour une mise au point.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
A cette heure qui, c'est vrai, est un peu celle du marchand de sable, je
souhaite vous présenter mes excuses, monsieur le président, mes chers
collègues, pour n'avoir point été présent vendredi en séance publique. Cela est
sans doute le fait des nombreuses soirées passées au fauteuil de la
présidence,...
M. le président.
Nous l'avons regretté, mon cher collègue !
M. Gérard Larcher.
... mais j'étais au coeur des débats.
Monsieur le secrétaire d'Etat, veuillez me pardonner, mais, après avoir lu le
compte rendu analytique de la séance de vendredi dernier, j'ai une petite mise
au point à faire et une gratitude à exprimer.
Je commencerai par la gratitude, car c'est toujours plus agréable. Elle va au
rapporteur, notre collègue Pierre Hérisson, qui a remis les choses au point
quand, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez utilisé, pour préciser mes
tentations, le mot « privatisation ».
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez alors, vous, succombé à la
tentation, ou alors vous avez entendu des voix ! Pourtant, Saint-Dié et Domrémy
ne sont ni tout à fait sur la même longitude ni tout à fait sur la même
latitude.
(Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, en acceptant les conclusions du rapport
Delebarre, avez-vous pour autant privatisé France Télécom, par exemple ? Léon
Blum, en 1936, quand il a transformé les chemins de fer français en société
anonyme, a-t-il pour autant privatisé ? Pas du tout.
Je voudrais dire les choses clairement. Je suis pour une « sociétisation » de
La Poste, parce que La Poste a besoin d'un capital. Ou bien, monsieur le
secrétaire d'Etat, engagez-vous à lui donner vingt milliards de francs sur deux
ans. Alors, La Poste pourra peut-être faire autrement que de créer des filiales
pour les capitaliser ou de capitaliser jusqu'à la flotte de transport.
Je tenais à faire cette mise au point, monsieur le président, et je vous
remercie de m'y avoir autorisé. Car il fallait rétablir la vérité, et cette
vérité, je tenais à la dire avant que de monter à la tribune pour qu'il soit
clair, quand, bientôt, je l'espère, nous aurons le plaisir de discuter d'une
certaine proposition de loi que les mêmes signataires ont déposée, qu'il n'est
nullement dans leur intention de « privatiser », mais qu'il s'agit simplement
de faire de La Poste une société capitalisée dont la majorité du capital est
détenue par l'Etat. D'autant que, à notre avis, des motifs constitutionnels
s'imposent à nous.
Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, parler de privatisation au cours d'un
tel débat m'apparaît un raccourci simplificateur, j'allais même dire une
erreur.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous donne acte de cette mise au point. M. le secrétaire
d'Etat vous a écouté et entendu, et je ne doute pas qu'il vous apportera
bientôt des éléments de réponse.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de directive postale dont nous discutons aujourd'hui au travers de
la proposition de résolution qui vient de vous être présentée, de manière
remarquablement claire, par le rapporteur, M. Pierre Hérisson, n'est que le
développement le plus récent d'un processus réglementaire engagé de longue
date.
C'est en effet au conseil d'Antibes, en décembre 1989, sous présidence
française - Paul Quilès était alors ministre - qu'a été décidée l'organisation
d'un cadre réglementaire européen en matière postale.
Tant le Livre vert postal de 1992 que les propositions de directive élaborées
ensuite par la Commission de Bruxelles n'ont été que les conséquences de cette
impulsion de 1989, sous présidence française.
Alors, il faut parler franchement. Nous n'allons pas nous mentir mutuellement
tout au long de la soirée ! De toute façon, les évolutions seront des juges
implacables bien plus forts que nos mots.
Il me semble que nous devons enlever, d'abord, tout ce qui est « faux nez
».
La responsabilité de l'engagement de la réforme postale européenne incombe non
aux postes, cher collègue Trémel, mais aux forces politiques. C'est aux
politiques de décider, et les forces politiques qui soutiennent aujourd'hui le
Gouvernement, au sein desquelles s'élèvent des voix pour demander un moratoire
dans la mise en oeuvre de cette réforme, ont participé à cet engagement.
Assumons donc les choix effectués !
Les principes posés à Antibes, voilà onze ans, n'ont pas été remis en cause
par les alternances politiques ultérieures. La raison en est simple, et je
souhaite la rappeler : il s'agit de la construction d'un marché postal européen
à la fois unifié et harmonisé, construction qui, si elle est correctement
conduite, peut constituer un atout à la fois pour le service public postal,
auquel je suis attaché, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la France et pour
l'Europe.
Pour le service public postal, un marché européen harmonisé est un moyen
d'empêcher, ou tout au moins de limiter diverses formes déloyales de
concurrence, au premier rang desquelles a longtemps figuré le « repostage »,
avec son champion, le Néerlandais KPN.
Par ailleurs, l'ouverture des frontières et l'accès à un grand marché unifié
sont, en général, une opportunité fructueuse pour les entreprises de grande
taille, mieux à même que les petites de bénéficier de l'effet d'échelle. La
Poste, premier opérateur européen en 1989 et deuxième aujourd'hui, peut
prétendre à un destin conquérant et mondial si elle sait s'adapter à la
nouvelle donne. Pour notre pays, disposer d'un opérateur postal passé du rang
de géant national à celui de géant européen et à même d'occuper une place
significative dans les échanges internationaux, serait, à mon sens, un atout
fort.
Dans le même ordre d'idées, l'Union européenne, dans son ensemble, a intérêt à
la structuration d'un marché postal unifié et à l'émergence d'acteurs de taille
mondiale dans ce secteur pour favoriser la bonne intégration des économies
nationales et pour s'affirmer mieux encore sur la scène planétaire.
A ce sujet, on pourrait faire de longs développements comparatifs sur le
secteur des télécommunications et de la poste. Dans le secteur des
télécommunications, les Etats-Unis avaient de l'avance sur nous. Nous avons
encore, dans le secteur postal, face à leur mastodonte resté immobile, une
certaine avance avec nos postes historiques européennes. Pourquoi gâcher cette
avance ?
Oui, de tels éléments doivent être médités. Ils démontrent à tout le moins que
des politiques de libéralisation soucieuses d'assurer des transitions
acceptables, et je parle de libéralisation maîtrisée, présentent nombre
d'avantages pour les pays qui sauront les mener.
Aussi prenons garde d'éviter les caricatures qui présentent l'exposition à la
concurrence comme le mal absolu. Demain, on risque fort de considérer que c'est
la défense intégriste des monopoles d'hier qui aura constitué l'erreur fatale
!
Cependant, si la conduite des activités postales se doit désormais de ne pas
méconnaître le marché, le marché ne saurait en devenir pour autant le maître
absolu.
Oui, le rôle joué par La Poste dans l'animation des territoires - ruraux et
urbains - qui connaissent des difficultés ne sautait être sacrifié à une
logique exclusive de rentabilité. Il en va de même de l'intégration bancaire,
que les plus démunis de nos concitoyens obtiennent en s'adressant à ses
guichets financiers. En ce qui concerne les plus démunis, chacun a en mémoire
notre vote récent sur le service de base bancaire.
Mais cette limite que je souhaite et propose à la libéralisation ne signifie
nullement que concurrence et missions de service public ne soient pas
conciliables. Bien au contraire, la réforme des télécommunications et d'autres
encore, notre rapporteur nous l'a rappelé, démontrent que cette conjugaison est
possible dès lors qu'il y a une volonté et un contrôle politiques.
Outre le courage politique, la réussite nécessite simplement de pouvoir
disposer de temps et, quand on en dispose, de l'utiliser.
Monsieur le rapporteur, vous l'avez rappelé, le Président de la République
l'avait compris, quand, au sommet de Dublin, en décembre 1996, grâce à un
compromis - les compromis sont à la mode, que ce soit à Nice ou à Dublin -, il
avait offert cinq ans de répit à notre poste.
La plupart des échéances concurrentielles que, à l'époque, la Commission de
Bruxelles proposait de fixer à 1998 ont été reportées à 2003.
Dès 1997, le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan et de notre groupe d'études sur
la poste et les télécommunications, avançait des propositions pour assurer
cette indispensable conciliation du service public, nécessaire à nos
territoires comme à la solidarité nationale, avec la concurrence, nécessaire,
elle, à un développement conquérant de notre pays.
Dans le même temps, la poste allemande, soeur jumelle de la poste française,
s'est mise à mettre les bouchées doubles pour se moderniser et affirmer ses
ambitions à l'abri du monopole que lui garantissait d'ailleurs le compromis de
Dublin. Il était à la portée de notre opérateur public d'emprunter non pas la
même voie, mais des voies qui, parallèles, pouvaient conduire à des résultats
comparables.
Hélas, trois ans après, que constate-t-on ?
Certes, La Poste n'est pas restée immobile, mais, ne pouvant s'appuyer sur une
véritable volonté politique de réforme, elle a avancé à tout petits pas.
La Deutsche Post, elle, a bénéficié d'un fort soutien politique, y compris
dans le cadre de l'alternance : Kohl et Schröder l'ayant soutenue de la même
manière. Devenue Deutsche Post World Net et introduite en bourse le 20 novembre
dernier, elle dispose maintenant d'un capital social comparable à celui de
Danone, soit 150 milliards de francs. La poste française n'en a toujours pas !
La Deutsche Post a réalisé, en 1999, un bénéfice quatre fois supérieur à celui
de La Poste, et les prévisions pour 2000 laissent supposer un écart d'au moins
un à dix.
Alors qu'il y a quatre ans les deux opérateurs étaient de taille comparable,
l'allemand sera, dans quelques années, 2,5 fois plus gros que le français.
Le temps gagné à Dublin a été mis à profit outre-Rhin, tandis qu'il a été mis
en terre, comme les talents de la parabole, à Paris. Autrement dit, les
Allemands, eux, ont su le faire fructifier. Et aujourd'hui, quand nous faisons
le bilan, nous trouvons une différence de 150 milliards de francs !
Bien plus, les charges de La Poste ont été alourdies du fait que l'entreprise
a été assujettie aux 35 heures, et sans compensation, contrairement à France
Télécom.
Je peux prédire un petit bilan financier, mais aussi un petit bilan pour
l'avenir, du fait d'une certaine frilosité pour notre opérateur public
national.
Alors, que faire ? Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de
l'Union européenne qui s'est tenu à Lisbonne, en mars dernier, sous présidence
portugaise, a conclu, à l'unanimité, qu'il était nécessaire « d'accélérer la
libéralisation dans des secteurs tels que les services postaux ».
Là encore, enlevons le faux nez qui consiste à accepter à Lisbonne ce qu'on
dénonce à Paris. Que je sache, ce texte adopté à l'unanimité ne l'a pas été en
l'absence de la France !
Dans la foulée du sommet de Lisbonne, au mois de mai, la Commission de
Bruxelles a proposé une modification de la directive postale de 1997,
actuellement en vigueur, qui, je le rappelle, n'est toujours pas entièrement
transposée. Nous avons eu le sentiment que le Gouvernement redoutait le débat
au Parlement. Heureusement la commission mixte paritaire sur le projet de loi
habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances en a décidé autrement,
grâce à l'action de notre collègue Ladislas Poniatowski.
Sur ce sujet important, nous allons donc avoir le débat attendu que l'on nous
avait soufflé.
Les propositions de la Commission européenne nous ont été rappelées très
précisément par M. le rapporteur. Je ne m'y appesantirai pas ; je vous livrerai
simplement mon sentiment.
Dans la situation actuelle de La Poste, l'acceptation en l'état des
propositions de la Commission de Bruxelles pourrait compromettre son avenir.
Nous ne sommes pas, d'un côté, les pro-Bolkenstein, de l'autre, les
anti-Bolkenstein. Nous défendons ensemble la poste française.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Parce que vous y êtes contraints !
M. Gérard Larcher.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, voilà longtemps que je suis vacciné contre
la contrainte, qui n'a pas de prise sur moi !
Le risque serait plus faible si les politiques réclamées au Sénat depuis trois
ans avaient connu un commencement de mise en oeuvre. L'exposé des motifs de la
proposition de résolution l'explique d'ailleurs en détail. Mais, je le dis, il
y a un petit bilan gouvernemental.
Alors, faut-il refuser toute évolution ou faut-il accepter des simplifications
?
Ceux qui ont peur oublient que ce serait indirectement faire le jeu de la
poste allemande, qui pourrait trouver dans une telle attitude prétexte à
repousser finalement l'ouverture de son monopole, prévue pour 2003, qui lui
garantit ses dix milliards de francs de bénéfices par an. Ainsi,
paradoxalement, en espérant nous protéger, nous musclerions celui qui veut nous
étouffer.
Tout de même, quelques chiffres, cher collègue Trémel. Vous avez parlé,
s'agissant de La poste allemande, des emplois précarisés. Savez-vous que La
Poste compte 60 000 emplois précaires sur un effectif total de 306 000 ? En
matière de précarité, pardonnez-moi, mais on ne peut pas toujours donner des
leçons !
Concernant Deutsche Post, vous avez parlé du courrier. Mais savez-vous que le
chiffre d'affaires du courrier de Deutsche Post est supérieur au chiffre
d'affaires du courrier de la poste française ? Simplement, la poste allemande a
développé d'autres secteurs d'activité, raison pour laquelle le courrier ne
compte que pour 35 % dans son chiffre d'affaires. Méfions-nous donc des
statistiques !
Enfin, j'évoquerai le nombre de fonctionnaires. L'absorption des dizaines de
milliers de fonctionnaires de la poste qui marchait la plus mal au monde, celle
de la République démocratique allemande, nous amène aussi à examiner les
statistiques avec prudence, car nous n'avons pas eu, nous, à absorber une
partie de notre pays qui vivait sous un autre régime.
Méfions-nous ! Je n'éprouve pas une admiration béate pour la poste allemande ;
simplement, je vois que, d'un côté, les choses évoluent, en prenant des risques
sans doute, mais elles évoluent, alors que, chez nous, elles évoluent trop
peu.
Alors, la solution que nous préconisons refuse tant ce choix de l'immobilisme
que celui de la libéralisation à marche forcée soutenue par la majorité de la
Commission européenne. Il nous apparaît que nous présentons un compromis
raisonnable.
Pour assurer le respect des engagements européens de la France, notamment ceux
qui ont été pris au sommet de Lisbonne, mais aussi pour continuer à favoriser
l'adaptation de La Poste à la nouvelle donne technologique et économique de son
secteur d'activité, le dispositif qui vous est soumis pose le principe de la
poursuite d'une ouverture maîtrisée à la concurrence d'une partie du monopole
postal.
Cependant, pour assurer le maintien du financement par ce monopole de missions
d'intérêt général qui ne relèvent pas strictement de l'activité postale, au
premier rang desquelles figure l'animation des territoires ruraux et urbains
qui connaissent des difficultés, l'ouverture de ce monopole est limitée et
fixée en deçà de ce que propose et défend la Commission européenne, y compris
après le vote du Parlement européen.
En l'absence de financement alternatif de ces missions - monsieur Trémel, au
montant des charges s'ajoute un milliard de francs au titre de la taxe
professionnelle, à moins que M. le secrétaire d'Etat ne nous annonce ce soir
une bonne nouvelle, une compensation de la disparition de la base salariale
pour le calcul de la taxe professionnelle de La Poste - les charges liées aux
exigences de l'aménagement du territoire pèseront plus fortement sur La Poste.
Nous devons trouver un équilibre dans l'intérêt de la politique d'aménagement
du territoire et d'une poste de qualité.
Notre position n'est pas très éloignée de celle que vient de défendre notre
collègue Trémel ; il l'a d'ailleurs dit. Celle qui sera présentée par notre
collègue Lefebvre sera sans doute plus éloignée.
M. Pierre Lefebvre.
Forcément !
M. Gérard Larcher.
Peut-être l'aurai-je fait évoluer !
M. le président.
N'anticipez pas, mon cher collègue !
M. Gérard Larcher.
Je rêve, monsieur le président !
(Sourires.)
Notre position n'est pas très éloignée, disais-je, de celle que nous avons
entendue ici voilà quelques instants et qu'a adoptée ce matin le Parlement
européen, saisi de ce dossier dans le cadre de la procédure de codécision, qui
impose un accord entre le Conseil et le Parlement.
Cependant, outre le fait que l'ouverture concurrentielle prônée par le
Parlement européen est légèrement moindre - mais ce n'est pas l'objet de fond -
et plus tardive que ce que nous proposons, sa faiblesse est d'écarter toute
clause de rendez-vous pour une éventuelle nouvelle étape d'ouverture partielle
du monopole.
M. Jacques Bellanger.
C'est précisément sa force !
M. Gérard Larcher.
Cela me paraît présenter plusieurs inconvénients.
Tout d'abord, le mieux étant toujours l'ennemi du bien, une telle attitude
peut conduire au renforcement du camp des Etats qui souhaitent voir fixer une
date de libéralisation totale des activités postales, ce qui serait
inacceptable et insupportable pour la France. D'ores et déjà, par les contacts
que nous avons, nous savons que c'est la position de cinq Etats.
Surtout, l'absence d'une clause de rendez-vous ne signifie pas - même si
certains peuvent le laisse croire - qu'à terme il n'y aura pas de poursuite du
mouvement de libéralisation. Aujourd'hui, à la différence de ce que l'on
constatait voilà quelques années, les entreprises et les associations
européennes de consommateurs réclament la concurrence postale.
Cependant, sans clause de rendez-vous, notre poste pourrait croire qu'elle est
encore à l'abri des chocs du futur derrière ses boucliers réglementaires et,
par conséquent, pourrait « baisser sa garde » en atténuant ses efforts de
modernisation. Dans ces conditions, elle risquerait de se trouver fort
dépourvue par une autre vague concurrentielle quand celle-ci se lèvera à
l'horizon.
Dans l'intérêt même de La Poste et des postiers, il serait donc périlleux
d'accepter cette « voie de la facilité », ce choix de la tête sous le sable qui
serait celui de tous les dangers. Voilà pourquoi il nous faut le refuser.
C'est pourquoi le texte de notre proposition de résolution demeure, à mon
sens, le compromis raisonnable et le plus protecteur des intérêts bien compris
de notre pays, de notre poste et de nos territoires.
L'amendement qui a été adopté par la commission des affaires économiques a par
ailleurs enrichi le texte présenté par la majorité des membres du bureau du
groupe d'études sur La Poste.
C'est la raison pour laquelle, vous l'aurez compris, ni autruche - la tête
sous le sable - ni tigre - qui laisserait au seul marché le soin de définir le
périmètre de ses proies - je ne peux que vous appeler, mes chers collègues, à
adopter ce texte ainsi amendé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
Commission de Bruxelles a décidé, en mai dernier, d'accélérer le processus
d'ouverture à la concurrence des services postaux.
La nouvelle directive, qui constitue une modification de la directive
97/67/CE, prévoit de réduire le domaine réservé de l'opérateur public en
diminuant les seuils limites de poids, de 350 grammes à 50 grammes, et de prix,
de cinq fois le tarif de base à deux fois et demie.
C'est une étape supplémentaire consacrant la généralisation des rapports
marchands à l'échelon européen. Il s'agit d'un pas de plus vers la constitution
du grand marché unique européen dans lequel, à la libre circulation des
marchandises, des hommes et des capitaux, s'ajoute désormais celle des
services.
Cette politique délibérée de libéralisation des services, amorcée avec les
télécommunications, s'est poursuivie. Elle est largement entamée. Aujourd'hui,
il s'agit du secteur postal.
Mais, avant d'en arriver au domaine des services postaux proprement dits,
cette étape supplémentaire dans l'achèvement du marché unique européen nous
oblige à réfléchir sur la nature de la construction européenne.
Si le droit communautaire véhicule un mode de régulation sociale et économique
particulier en s'intégrant dans les législations nationales, c'est précisément
sur ce mode qu'il faut s'interroger.
Quelles sont donc les valeurs qui président à son fondement ? Quel type de
projet économique et social, quel modèle de société nous propose cette Europe
en construction ?
Les contestations qui se multiplient à l'encontre de ce modèle européen,
qu'elles proviennent d'organisations politiques, syndicales, d'associations ou
encore de mouvements sociaux divers, prenant par exemple la forme du
contre-sommet européen de Nice, témoignent en tout cas du fait que la
conception de la Commission européenne est loin de faire l'unanimité.
En réalité, ces forces sociales ont en commun de partager une autre conception
de la construction européenne.
Que l'on ne se méprenne pas : ces forces sociales ne sont pas réactionnaires -
les réactionnaires sont ailleurs -, antimodernistes parce qu'elles rejettent le
type d'Europe qu'on leur propose ; c'est précisément parce qu'elles sont
attachées à un modèle progressiste, issu d'une lente maturation historique,
qu'elles sont antilibérales.
Dans la plupart des pays européens, cette lente maturation a abouti, entre
autres conséquences, à permettre à la majorité de la population d'accéder à un
certain nombre de droits sociaux.
Certes, dans la pratique et en fonction de leur histoire sociale propre, les
voies d'application de l'intervention publique ont divergé d'un pays à
l'autre.
Cela s'est traduit par la mise en place de l'assurance sociale, de la sécurité
sociale, des retraites et de la participation à un certain nombre de biens
collectifs qui, en raison de leur caractère d'intérêt général, ont été séparés
du marché.
Cela s'est concrétisé, en France, par la mise en place d'un large secteur
public qui, nul ne pourrait le nier, a fortement contribué, en termes d'emplois
mais aussi d'investissement, d'égalité des citoyens, d'égalité des chances,
d'aménagement du territoire et de réalisation d'infrastructures, à la dynamique
vertueuse de la croissance.
Devrions-nous renoncer à ce type de modèle de société, au motif qu'il ne
répondrait plus aux critères de l'actuelle construction du droit et du champ de
l'intervention communautaires ?
La construction européenne ne doit-elle pas au contraire prolonger ce projet
?
Sur fond de bouleversements technologiques, la modernisation des économies
européennes peut s'inscrire dans la continuité de cette mise en marche du
progrès social que la construction européenne d'inspiration libérale risque de
faire échouer.
C'est au vu de cette longue période historique de maturation nécessaire à la
concrétisation des projets progressistes et de l'expérience moins longue - il
est toujours plus facile et plus rapide de détruire que de construire - de la
vague de déréglementation engagée vers le milieu des années quatre-vingt que
l'on doit juger aujourd'hui de l'opportunité d'accélérer l'ouverture à la
concurrence du service postal européen.
L'analyse voudrait que l'on se situe aussi bien sur le plan des expériences
étrangères que sur le plan proprement national.
Elle requerrait aussi, à notre avis, l'approche en termes d'emplois et de
performances socio-économiques des activités de service qui ont été
libéralisées. La tâche serait alors longue.
Il n'en demeure pas moins que l'on retiendrait d'abord de l'exemple
britannique les catastrophes ferroviaires, celle de Paddington étant la
dernière en date.
On retiendrait sans doute aussi les effets pervers de la déréglementation dans
les télécommunications : pressions à la baisse de l'emploi et des coûts
salariaux qui permettent la diminution des prix en faveur des entreprises de
dimension nationale, mais aussi au profit des multinationales de l'ensemble des
pays développés, et au détriment des ménages.
Un journal satirique paraissant le mercredi - et lu sur de nombreuses
travées
(Sourires) -
vient d'ailleurs opportunément de rappeler les ficelles qui
sont utilisées par les opérateurs de télécommunication mobile pour augmenter
aujourd'hui le tarif de leurs prestations, en faisant porter sur les usagers
les coûts de leur guerre commerciale à outrance.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Cela ne concerne pas seulement les mobiles !
M. Pierre Lefebvre.
Certes, mais les mobiles sont particulièrement concernés !
Dans le domaine de la poste, les exemples espagnol, suédois ou finlandais
devraient encore attirer toute notre attention avant que l'on se précipite dans
le gouffre d'une libéralisation à tous crins.
Si, dans ces pays, ces activités désormais pratiquement entièrement privées
sont susceptibles d'engendrer des profits, c'est sur la base d'une réduction de
l'emploi - 25 % en Suède -, d'une détérioration des conditions de travail -
augmentation des formes précarisées d'emploi - et d'une augmentation des tarifs
- estimée à 72 % en Suède.
Ne cessant d'affirmer que la libéralisation des services serait créatrice
d'emplois, la Commission européenne s'est néanmoins toujours abstenue de
vérifier cette assertion à l'aune des faits.
Malgré les demandes maintes fois réitérées par les organisations syndicales
nationales et par les syndicats postaux membres de la CES, la Commission refuse
toujours, alors qu'elle s'y était engagée, de mener officiellement une étude
critique sur les effets de la directive en termes d'emplois, tant sur le plan
quantitatif - nombre d'emplois qui seraient créés dans la meilleure hypothèse,
nombre de ceux qui seraient détruits suivant un scénario plus défavorable - que
sur le plan qualitatif - effet sur le statut du personnel du passage au
privé.
La Commission se retranche dernière des études partielles menées en 1998 -
études sur « le coût des obligations de service universel », sur « l'impact de
la libéralisation en amont », sur « l'impact de la libéralisation du
publipostage », sur « l'impact de l'abaissement des tarifs de poids/prix »,
etc. - études dont la fiabilité, du point de vue tant de la base statistique
utilisée que de la méthodologie employée, a été vivement dénoncée par un grand
nombre de députés européens et d'organisations syndicales des pays membres de
l'Union.
De source syndicale, près de 500 000 emplois, sur le plan européen, seraient à
terme directement menacés. En France, la transposition de la nouvelle directive
aboutirait à la suppression de 50 000 à 80 000 postes, soit entre 18 % et 29 %
de l'effectif actuel, avec à la clé la liquidation des agences et bureaux de
poste dans les zones rurales ou les quartiers urbains sensibles.
L'emploi, on l'a déjà souligné, est un facteur de soutien à la croissance par
l'effet revenu-dépenses qu'il induit. Il est aussi un facteur important - si ce
n'est « le » facteur - de l'intégration sociale.
Ce rôle d'intégration sociale que joue le facteur « emploi » est renforcé par
les missions de service d'intérêt général dévolues au service postal : égalité
d'accès à des prix abordables en tout point du territoire, dans le respect des
principes de base d'un service public, universalité, continuité, égalité
d'accès.
Qui nierait le fait que nos bureaux de poste, présents sur l'ensemble du
territoire, dans nos campagnes, dans les quartiers urbains sensibles,
favorisent l'intégration sociale, comme ils permettent, grâce aux services
financiers qu'ils offrent, d'éviter aux plus démunis le basculement dans
l'exclusion bancaire ?
En portant atteinte au mécanisme de péréquation tarifaire, ce sont précisément
ces missions d'intérêt général que l'on remet en cause. Comment La Poste
pourra-t-elle faire face à l'avenir si elle ne dispose plus de la possibilité
de réorienter les surplus financiers dégagés par les secteurs et activités
rentables vers les services déficitaires,
a fortiori
si ces mêmes
secteurs et activités rentables sont l'objet des convoitises du secteur privé
?
A défaut de pouvoir agir à temps sur les événements pour les prévenir,
autrement dit à défaut de refuser l'application de la directive, devons-nous,
ici même, dresser le bilan prospectif des conséquences de celle-ci ?
Dans le contexte actuel de restructuration à l'échelle européenne, voire
mondiale, des grands groupes présents dans le domaine postal, tels que DHL,
FedEx, UPS et TNT, l'exacerbation de la concurrence fait peser de lourdes
menaces sur La Poste.
Ainsi, on a de bonnes raisons,
a priori,
de penser que la réduction du
domaine réservé se traduira par la perte de la clientèle des entreprises, qui,
pour bénéficier de moindres tarifs, s'adresseront à la concurrence. Elles le
feront d'autant plus facilement que quelques feuilles supplémentaires suffiront
pour atteindre le seuil des cinquante grammes.
Ces inquiétudes paraissent d'ailleurs partagées par nos collègues auteurs de
la proposition de résolution. En prévoyant de ramener de trois cent cinquante
grammes à cent cinquante grammes et de cinq fois à trois fois, et non à deux
fois et demie, les seuils poids/prix encadrant le domaine réservé aux «
opérateurs historiques », leur proposition de résolution s'inscrit pourtant en
retrait par rapport à la nouvelle proposition de directive européenne qui vient
d'être élaborée.
Mon cher collègue Gérard Larcher, on se fourvoierait donc en croyant que,
s'agissant des risques encourus par La Poste, un réel consensus réunirait
certains rangs de la gauche et certains rangs de la droite. En tout cas, le
groupe communiste républicain et citoyen ne se joint pas à un tel consensus,
tant les analyses qui fondent la réflexion de nos collègues de la majorité
sénatoriale et les nôtres sont antinomiques.
En réalité, nos collègues fustigent les autorités pour n'avoir pas encore
délesté La Poste de ses missions de service d'intérêt général. C'est ce qu'ils
appellent l'immobilisme !
En effet, à les en croire, enfin libérée de ses missions « encombrantes »,
c'est-à-dire qui ne sont pas sources de profit, La Poste serait allégée « de
quelque 7 milliards de francs de charges liées aux coûts nets de missions
d'intérêt général ne relevant pas de l'activité postale proprement dite », à
savoir, est-il précisé, « l'entretien pour des raisons d'animation territoriale
de la partie la moins fréquentée ou la plus exposée du réseau, le transport de
la presse, l'accueil financier des plus démunis ».
Sans vouloir jouer sur les contradictions d'une pensée libérale, ce rôle
incomberait-il à l'Etat ? L'appauvrissement de l'Etat par la réduction du
secteur public, dont on a pourtant vu le rôle moteur dans la croissance, et par
l'obsession de la transformation de l'action publique en simple mission de
régulation d'un marché omnipotent se ferait sur la base de la mise en place
d'un service public minimaliste, réservé aux exclus du marché. Le service
universel serait, dans cette optique, une sorte de cache-misère, et La Poste
serait dès lors confinée à un rôle marginal.
On rejoint aisément ici la problématique libérale européenne d'une réduction à
la portion congrue des services publics, auxquels les nations et les citoyens
ne sont pas près de renoncer.
C'est sous le bénéfice de ces observations que, après avoir déposé sur ce
thème une proposition de résolution n° 315, qui nous permettra, mes chers
collègues, de débattre à nouveau de La Poste prochainement, et donnant mandat
au Gouvernement pour rejeter purement et simplement la directive européenne
version « Bolkenstein », les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen ont décidé de ne pas s'associer à la proposition que nous examinons
aujourd'hui.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, toutes les interventions portant sur le cadre
juridique communautaire des activités postales, ou plus exactement sur le
bouleversement de ce cadre juridique qui a été proposé par la Commission
européenne le 30 mai dernier, démontrent, outre un talent souvent tout à fait
remarquable, un intérêt affirmé pour le service public postal universel. Je
crois que cet intérêt est sincère chez un certain nombre de sénateurs, pour ne
pas dire chez la majorité d'entre eux. Le Gouvernement s'en réjouit.
M. Hérisson a dit d'emblée, avec honnêteté, que « beaucoup de chemin reste à
faire pour gagner la bataille du service public ». Nous devons donc tous nous
mobiliser. Mais je remarque que tel n'est pas le cas : ainsi que vous l'avez
souligné, monsieur Trémel, des voix ont beaucoup manqué ce matin, au Parlement
européen, pour défendre cette orientation.
Cependant, je ne bouderai pas mon plaisir : vous avez devant vous un
responsable ministériel heureux qu'une majorité écrasante - 358 voix pour, 104
contre et 33 abstentions - des membres du Parlement européen aient voté ce
matin en faveur d'un compromis équilibré, dynamique, assurant l'avenir du
service public en Europe. Il s'agit donc là évidemment d'un éclairage public
fort et incontournable pour notre débat de ce soir et pour notre action de la
semaine prochaine en vue de la défense du service public postal.
Si je parle de bouleversement du cadre juridique communautaire proposé par la
Commission et non pas, tout simplement, d'évolution, c'est bien parce que j'ai
moi aussi, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, entendu M.
Bolkenstein, le commissaire européen chargé de ces questions ; c'est bien parce
que j'ai entendu M. Novelli, membre du groupe libéral, s'en prendre au service
public en fustigeant sa « force d'inertie » et en trouvant « justifiées et
attendues » les propositions de M. Bolkenstein ; c'est bien parce que j'ai
compris et fait miens les propos de Mme Ainardi, du groupe de la gauche
unitaire européenne, qui, en dénonçant les propositions du commissaire
européen, a stigmatisé « une démarche de liquidation du service universel ». Et
je pourrais poursuivre l'énumération...
Certes, le groupe de la gauche unitaire européenne s'est abstenu, mais il a
soutenu les amendements déposés par le groupe socialiste européen. En outre, ce
matin même, au cours du débat au Parlement européen, M. Bolkenstein a estimé
que le rapport du très libéral député du Parti populaire européen, M. Ferber,
qui est favorable au compromis dégagé au sein de la commission du Parlement
européen saisie au fond, « ne marque aucun progrès », mais implique, bien au
contraire, un ralentissement du processus de libéralisation qu'il appelle de
ses voeux. La Commission, a conclu M. Bolkenstein, est donc en profond
désaccord avec le Parlement européen sur ce sujet.
Cette affaire suscite donc des réflexions, des prises de position qui sont
allées très au-delà de la question des étapes nouvelles d'ouverture à la
concurrence des marchés postaux proposées par la Commission elle-même.
La place des services publics postaux dans la vie nationale, l'évolution de La
Poste, son avenir dans un climat de compétition internationale croissante et de
mutations technologiques accélérées : autant de thèmes que tous les orateurs,
sur quelque travée qu'ils siègent, ont abordés au cours de leurs
interventions.
Je reviendrai sur ces questions, mais je souhaite auparavant souligner une
certaine convergence, que j'ai malgré tout décelée, dans les préoccupations
exprimées à cette tribune. Cela étant, peut-être devrais-je plutôt parler des
préoccupations que l'on a voulu afficher à cette tribune, tant il serait
difficile, pour un certain nombre de sénateurs, de révéler la véritable pensée
qui sous-tend leur raisonnement et qui est, au fond, je vais m'efforcer de le
démontrer, radicalement hostile, fondamentalement, intellectuellement et
irrévocablement hostile au concept même de service public, à l'histoire et aux
valeurs de celui-ci, ainsi qu'aux réalités qu'il a permis d'édifier au cours
des cinquante dernières années, tout particulièrement depuis l'élaboration du
programme du Conseil national de la Résistance et la Libération.
Monsieur Hérisson, lorsque vous avez évoqué la nécessité de préserver la
présence de La Poste sur notre territoire national et affirmé votre volonté de
conserver le maillage de nos bureaux ruraux, gage de cohérence sociale, j'ai
retrouvé, permettez-moi de vous le dire, un certain nombre de concepts, de
mots, de réalités, de projets, de sentiments et de convictions que mes propres
échanges avec le commissaire Bolkenstein avaient permis de mettre en
évidence.
Ces orientations communes me semblent pouvoir être résumées par les
affirmations suivantes : oui à un service public postal évolutif et ambitieux,
au bénéfice de tous, citoyens et entreprises, que celles-ci soient petites ou
grandes ; oui à une poste qui est et doit demeurer, comme l'a souligné M.
Lefebvre, l'un des fondements de la cohésion économique et sociale de la
France, tout en devenant - j'ajoute cette précision - l'un des acteurs majeurs
de l'économie mondiale de demain ; non à toute position dogmatique ou découlant
d'une mauvaise économie théorique ou d'une idéologie surannée qui, par une
libéralisation brutale ou trop rapide, conduirait à déstabiliser des équilibres
fondamentaux pour les citoyens et pour les Etats.
Je crois que nous nous retrouvons sur ces points. D'ailleurs, les avis de la
commission supérieure du service public des postes et des télécommunications,
dont vous êtes membre, monsieur le rapporteur, de même que les consultations
auxquelles j'ai personnellement procédé auprès de nombreux élus, clients de La
Poste, opérateurs et usagers, m'ont permis de le constater avec certitude. Il
existe donc un certain consensus à l'échelon national - même si, bien sûr, M.
Novelli n'est pas de cet avis ! - autour de valeurs communes, à savoir la
défense du service public et la promotion de la liberté d'entreprendre, valeurs
qui constituent pour nous un atout déterminant dans la négociation
communautaire que je conduis actuellement au nom du gouvernement français.
Le grand débat postal européen suscite, et c'est légitime, des interrogations
sur l'avenir de l'opérateur postal national, sur son développement
international, sur le service diversifié et de qualité qu'il offrira à tous nos
concitoyens, sur les formes de son implantation physique au coeur de nos
campagnes ou dans les périphéries urbaines défavorisées.
Je souhaite, avant d'en venir aux problématiques européennes proprement dites,
évoquer les trois éléments qui contribuent à obscurcir le débat postal et
qu'ont voulu mettre en valeur les sénateurs de l'opposition, bâtissant ainsi,
je le souligne sans acrimonie, - j'aurais aimé le dire de vive voix à M.
Poniatowski - une sorte de « poste virtuelle » entièrement reconstruite autour
de ces échecs présumés qui étaient nécessaires à la démonstration de certains
intervenants.
Je pense qu'il en va vraiment tout autrement : La Poste réussit. Je vais
m'efforcer, par quelques exemples précis, de le démontrer, en reprenant trois
thèmes évoqués par l'opposition nationale : le poids de la tutelle, ses
conséquences sur la situation financière de La Poste et le prétendu «
immobilisme » de l'établissement.
Je commence par le poids de la tutelle. Le contrat d'objectifs et de progrès
de La Poste que j'ai signé en 1998 était marqué par l'ambition de faire évoluer
profondément les relations entre l'Etat et l'entreprise publique. Ce n'est pas
le choix de la frilosité, pourrais-je répondre à M. Poniatowski, s'il était
présent, ou monsieur Hérisson, pour reprendre les termes de votre rapport, de
l'immobilisme, mais bien, j'en suis convaincu, celui du mouvement et de la
modernité.
Après deux ans et demi d'application, il est possible d'établir un premier
bilan positif du contrat d'objectifs et de progrès signé en juin 1998.
Par exemple, monsieur Larcher, l'Etat a tenu tous ses engagements vis-à-vis de
l'entreprise : prise en charge de la dérive annuelle du coût des retraites,
soit 3 milliards de francs sur la durée du contrat d'objectifs et de progrès ;
contribution au déficit du transport de presse, avec une redevance versée par
le budget de l'Etat de 1 850 millions de francs en 1998, de 1,9 milliard de
francs en 2000 et de la même somme en 2001 ; les éditeurs ont vu, quant à eux,
leur tarif majoré de 50 %.
L'autonomie de gestion de l'entreprise a été volontairement, par votre
serviteur, confortée par une réforme importante : la décentralisation des fonds
des comptes chèques postaux. Comme vous le savez sans doute, la centralisation
des fonds des CCP au Trésor est progressivement abandonnée et La Poste prend
actuellement en charge la gestion de ces fonds. Dans la conjoncture de taux
d'intérêt que nous connaissons aujourd'hui, les résultats de sa gestion lui
permettent d'ailleurs d'améliorer ses recettes par rapport au système
antérieur.
Enfin, dernière illustration qui va à l'encontre du prétendu « immobilisme » :
il a été inscrit dans le contrat de plan un objectif de stabilisation des
tarifs du courrier qui tranche avec la dérive, lente, inexorable, en tout état
de cause insupportable, observée durant les années précédentes, puisque j'ai pu
affirmer - nous avons tenu et nous tiendrons encore - que le timbre
n'augmenterait pas.
Où en est La Poste aujourd'hui ? L'entreprise s'est véritablement
métamorphosée en une grande entreprise européenne. Affaiblie à l'origine par
une situation économique profondément dégradée, elle a restauré ses comptes,
engagé une croissance forte de ses activités, développé sa valeur ajoutée.
J'ajouterai que, désormais, elle a les moyens de lancer, au cours des tout
prochains mois, des chantiers multiples et ambitieux pour améliorer son
fonctionnement.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Il est temps !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le chiffre d'affaires de La Poste a franchi la barre
des 100 milliards de francs - il est peut-être même plus proche des 105
milliards de francs. Après un retour à l'équilibre en 1997 et un redressement
en 1998, le résultat net consolidé du groupe s'est sensiblement amélioré en
1999 : 1 868 millions de francs. Son investissement annuel représente
aujourd'hui près de 7 milliards de francs par an, à rapprocher du niveau plutôt
chétif, il faut bien le reconnaître, des années qui ont précédé 1997, où
l'investissement ne dépassait pas les 2,5 milliards de francs par an.
Quelle frilosité en effet, dirais-je M. Poniatowski, quand l'investissement en
trois ans a été multiplié par trois, passant de 2,5 milliards de francs à 7
milliards de francs !
Certes, il faut poursuivre et renforcer ces efforts pour aller vers une
meilleure compétitivité. A cet égard, monsieur le rapporteur, je regrette que
vous n'ayez pas souligné, à propos des 35 heures, l'effort de la réorganisation
accompli par les postiers de manière tout à fait remarquable dans la méthode,
puisqu'elles ont été discutées collectivement dans chaque établissement avec
les organisations représentatives et individuellement avec chaque postier.
(M. Gérard Larcher exprime un doute.)
Le cadre de gestion de l'établissement peut être encore sensiblement amélioré.
J'évoquerai, à cet égard, deux pistes importantes pour 2001, que je suis
heureux d'annoncer au Sénat ce soir.
Tout d'abord, c'est l'assujettissement à la TVA de certaines activités de La
Poste essentiellement tournées vers les entreprises. En permettant à La Poste
de récupérer la TVA sur ses achats et de minorer son exposition à la taxe sur
les salaires, cette mesure, actuellement à l'étude, et qui viendra à maturité
dans quelques semaines, présente des perspectives très intéressantes pour
l'établissement public.
Ensuite, je suis heureux de vous annoncer la possibilité pour La Poste
d'accéder à une pleine autonomie dans la gestion de ses immeubles, comme le
prévoit, d'ailleurs, dans l'un de ses articles, la proposition de loi de votre
collègue M. Larcher.
M. Gérard Larcher.
Je m'en félicite !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ces progrès sont réalisés et réalisables dans le cadre
de l'établissement public industriel et commercial actuel, et dans le respect
de ses missions de service public.
S'agissant, toujours, de l'immobilisme de l'établissement, vous avez évoqué,
monsieur Trémel, la réussite de Chronopost. Cette réussite connaît en ce moment
même une accélération singulière depuis, par exemple, la signature du contrat
d'objectifs et de progrès.
Oui, de quel dynamisme La Poste est-elle capable de faire preuve, répondrai-je
à ceux qui n'envisageaient La Poste, parce qu'elle est un établissement public,
qu'en statique !
En acquérant DPD, La Poste prend pied sur le marché européen du colis, en
croissance rapide. Elle a également acquis l'entreprise INSA, spécialisée dans
le transport international de la presse, surtout à destination des Etats-Unis.
Cette année 2000, l'acquisition de Maynes Nikless au Royaume-Uni lui donne
accès aux marchés de l'express et du transport rapide dans ce pays, où son
chiffre d'affaires atteindra plus de 2 milliards de francs en 2001.
Quel dynamisme, s'agissant cette fois du courrier international, qui lui
permet d'acquérir Brokers aux Etats-Unis et d'accéder ainsi au courrier
international émis à partir de ce pays.
Je n'oublierai pas, bien sûr - M. Trémel l'a également souligné à juste titre
- l'accord avec Geodis, qui est un peu un exemple de la politique qu'il
convient de poursuivre.
Je n'oublierai pas non plus l'accord commercial conclu avec l'intégrateur
FedEx, qui donne à La Poste un accès au réseau aérien mondial.
Quel dynamisme en effet, qui fait, comme M. Trémel l'a également souligné, de
La Poste un opérateur compétitif sans sacrifier pour autant les clients, les
postiers ou la collectivité !
Si « immobilisme » il y avait, ce serait plus sûrement celui des années qui
ont précédé le contrat d'objectifs et de progrès qu'il conviendrait de
regretter.
Le renforcement de cette performance d'entreprise dans le secteur
concurrentiel, notamment à l'international, n'est pas contradictoire, bien au
contraire, avec la nécessaire consolidation du socle des missions de service
public des opérateurs postaux, en France et dans l'Union européenne.
Si les services publics ne peuvent plus se passer de l'Europe pour leur
développement, l'Europe, mesdames et messieurs les sénateurs, ne peut se passer
des services publics. C'est le message que nous avons à défendre ; c'est le
message que la France cherche à promouvoir au sein de l'Union auprès de ses
quatorze partenaires.
Dans l'Europe postale que vous nous proposez, monsieur Gérard Larcher, je
crains que le service public et ses valeurs ne disparaissent à la longue. Vous
évoquez l'Allemagne. Que se passe-t-il dans ce pays ?
M. Gérard Larcher.
Ce n'est pas un modèle, je l'ai dit !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
C'est une inquiétude !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Oui, ce n'est pas un modèle ! Je vous remercie de le
souligner !
En effet, 100 000 suppressions de postes ont été décidées au cours des cinq
dernières années. Est-ce vraiment un modèle ! Je ne le pense pas.
A-t-on raison de se référer à « l'exemple » suédois ? Je mets à dessein ce mot
entre guillemets. Il faut que le Sénat soit informé de la réalité de ce pays :
la privatisation à 100 % de la poste suédoise s'est traduite par la suppression
d'un bureau sur deux entre 1990 et 1999.
M. Gérard Larcher.
Ils les ont remplacés par autre chose !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les organisations syndicales doivent être averties
d'une autre réalité : la disparition de 15 000 emplois sur 50 000 emplois
initiaux. Au cours de cette même période, les 58 concurrents de la poste
suédoise qui se partagent le marché n'ont créé que 1 500 emplois, soit un seul
emploi pour dix supprimés !
Quant au prix du timbre, mesdames, messieurs les sénateurs, il a augmenté en
Suède, après la privatisation, de 72 % entre 1990 et 1999. En Suède, c'est
encore une concurrence intérieure avivée qui a vu, face à la poste suédoise qui
contrôle 95 % du marché intérieur, une centaine d'opérateurs se partager les 5
% restants, un seul d'entre eux émergeant grâce au contrôle de 4 % du marché
intérieur.
Bref, c'est un paysage que personne ici ne peut sérieusement préconiser, qu'il
est impossible de promouvoir comme modèle sous peine d'être en contradiction
avec les affirmations que nous venons d'entendre ici, à cette tribune, de la
part des uns et des autres. Chez les uns, c'est une tradition politique, c'est
une réflexion politique profonde ; chez les autres, j'ai peur que ce ne soit
une concession passagère.
A cet égard, comme le soulignent MM. Trémel et Bellanger...
M. Gérard Larcher.
M. Bellanger n'est pas intervenu ce soir !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Certes, monsieur Larcher, mais M. Bellanger est un
ardent défenseur du service public...
M. Gérard Larcher.
Tout comme moi !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et il est très souvent intervenu auprès de moi
pour en rappeler et les valeurs et les nécessités.
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Conseil européen de Nice a affirmé, comme MM.
Trémel et Bellanger le soulignent, « le rôle irremplaçable des services
d'intérêt général pour assurer la compétitivité globale de l'économie
européenne ».
Les jours à venir vont être déterminants, notamment le second Conseil des
ministres sous présidence française, qui se tiendra le 22 décembre prochain. Je
souhaite donc faire un point précis avec vous de l'état des travaux en cours à
l'échelle communautaire.
S'agissant de l'organisation des actions sous présidence française, il m'est
apparu primordial que, compte tenu de l'importance des enjeux de la proposition
pour l'avenir du secteur postal, les travaux en vue de l'adoption d'une
directive équilibrée, source de sécurité juridique - c'est important - pour
tous les acteurs du secteur et de progrès - c'est également important - pour
l'ensemble des consommateurs, puissent progresser aussi vite et aussi
complètement que possible.
Aussi, les travaux du groupe technique du Conseil des ministres en charge des
questions postales ont commencé dès le 10 juillet dernier. Les réunions se sont
depuis succédé à un rythme soutenu.
Dans cette même perspective d'avancées rapides, la France a inscrit la
proposition de directive à l'ordre du jour des deux conseils «
télécommunications » prévus sous sa présidence, le 3 octobre dernier et le 22
décembre prochain.
Le 3 octobre, la Commission a officiellement présenté au Conseil des ministres
des postes et des télécommunications sa proposition. Le Conseil a ensuite
procédé à un échange de vues préliminaires : les interventions des Etats
membres ont montré, par leur densité et par les interrogations formulées,
l'importance attachée au domaine postal.
Les discussions ont fait apparaître qu'il n'existait pas de consensus sur les
principales propositions de la Commission.
Des divergences se sont exprimées sur des points majeurs. Je pense ainsi a
l'introduction de la notion de services spéciaux, notion imprécise et qui doit
être conciliée avec la nécessité de disposer de règles transparentes, simples
et faciles à gérer.
Je pense aussi à la proposition de limiter les services réservés à 50 grammes
et à deux fois et demie le tarif de base. Des délégations des Etats membres de
l'Union européenne ont souligné qu'un tel projet n'était pas compatible avec
des missions de service public ambitieuses, vous l'avez dit.
La proposition défendue par la délégation française lors du Conseil, et qui
est aussi soutenue en permanence par les représentants français dans les
groupes techniques que j'ai précédemment évoqués, est particulièrement
claire.
D'abord, il s'agit de refuser une libéralisation excessive, à 50 grammes et
2,5 fois le tarif de base en 2003, que la Commission propose, ce qui mettrait
en danger les acquis du service public, notamment la péréquation tarifaire, la
qualité de service uniforme sur l'ensemble du territoire et la richesse de la
présence postale territoriale. C'est clair : il s'agit pour nous d'un refus.
Ensuite, il convient de refuser, conformément au souhait exprimé par M.
Trémel, l'insécurité juridique représentée par le flou des services spéciaux,
qui compromettrait l'évolution du service universel et qui empêcherait de
contrôler le domaine réservé à La Poste.
Enfin, la délégation française refuse, évidemment, une perspective de
libéralisation totale.
Plusieurs Etats partagent avec la France la volonté commune de soutenir une
approche maîtrisée, respectueuse du service universel : le Portugal, la Grèce,
l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg.
En face, une tendance favorable à une libéralisation la plus rapide et la plus
complète possible s'est affirmée. Elle s'est d'ailleurs affirmée contre
l'accord et la déclaration signés par dix postes voilà quelques mois, contre
l'unanimité des organisations syndicales représentatives et qui ont manifesté à
Bruxelles au moment de la décision. Elle s'est également affirmée contre un
certain nombre d'Etats membres qui ont d'ores et déjà soutenu la nécessité de
parvenir à un compromis qui ne soit pas calé sur les limites de poids et de
prix préconisées par la Commission.
Cette tendance favorable à une libéralisation la plus complète possible est
représentée par les Néerlandais et les Suédois, qui sont, bien entendu, nos
amis, mais qui, ne partageant pas nos options, ont souhaité soutenir la
proposition du collège des commissaires énoncée par M. Bolkestein.
Toutefois, les Etats membres se sont tous rejoints, au-delà de ces
divergences, pour exprimer leur souhait de conforter le cadre juridique actuel.
Ils ont indiqué clairement à la présidence qu'elle devait rechercher un accord
politique en vue du Conseil du mois de décembre 2000, c'est-à-dire sous
présidence française.
En parallèle à ces travaux du Conseil, le Parlement européen a mené à bien
l'examen du projet de la Commission.
Les nombreuses commissions du Parlement européen saisies pour avis ont toutes
proposé des amendements refusant la logique présentée par le commissaire
Bolkenstein.
La commission de la politique régionale des transports et du tourisme,
compétente au fond, a souhaité favoriser une adoption rapide de la nouvelle
directive et a apporté au projet des amendements significatifs rejoignant les
préoccupations exprimées par la France.
Son avis, voté le 22 novembre, a été la base des débats en séance plénière, le
13 décembre, et du vote de ce matin, dont j'ai dit tout à l'heure qu'il avait
été obtenu à une majorité écrasante. Le Parlement européen a en effet adopté un
compromis équilibré proposé par la commission de la politique régionale visant
- et cela nous convient - à conforter le service universel postal, grâce à des
services réservés suffisamment larges et à la suppression de toute possibilité
de contournement de ce périmètre réservé.
Grâce à l'action de nombreux parlementaires européens, notamment français, que
je souhaite remercier de leur action, mais aussi britanniques, comme M. Brian
Simpson, ou irlandais, comme M. Proinsias de Rossa, nous voyons s'éloigner le
risque fort d'une libéralisation dogmatique et incontrôlée.
Je note que même le rapporteur libéral, M. Markus Ferber, ou le président du
groupe PPE, M. Georg Jarzembowski, ont soutenu le compromis adopté au sein de
la commission du Parlement européen.
Je ne doute pas, en ce qui concerne le Parlement français, qu'une même
convergence de points de vue pourra également prévaloir finalement.
A cet égard, le commissaire Bolkestein, citant un membre de votre assemblée,
M. Larcher, a cru percevoir un certain nombre de divergences dans les positions
françaises.
M. Gérard Larcher.
Il a dit :
Well-known !
Quelle gloire !
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il a effectivement parlé du très célèbre M. Larcher,
monsieur le sénateur !
Je veux répondre très cordialement, je dirai même amicalement, à ce que vous
avez dit tout à l'heure, monsieur le sénateur, à l'occasion de votre mise au
point, concernant le concept de privatisation.
Je ne vous fais évidemment pas le procès de prôner ouvertement la
privatisation.
M. Gérard Larcher.
Ni même de façon masquée !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'attire seulement votre attention sur le fait que
l'orientation et le contenu intrinsèque de votre logique générale vous
amèneront immanquablement, sans que vous en soyez même conscient, à la logique
allemande - une loi oblige nos amis allemands à privatiser la poste le 31
décembre 2002 -, logique que, je le sais, vous ne prenez pas comme modèle.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Et Gaz de France ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Vous arriverez néanmoins au même résultat !
Les orientations données par le Parlement européen constituent désormais des
acquis essentiels. La recherche du compromis sera menée en incluant ces apports
dans les travaux du Conseil.
Je souligne enfin que le comité des régions, représentatif des territoires au
niveau de l'Union, et le comité économique et social, représentatif de la
société civile, viennent de s'exprimer dans le même sens que le Parlement
européen.
La présidence française invite désormais tous les Etats membres à s'engager
dans la recherche active d'un accord politique.
L'enjeu du Conseil du 22 décembre est en effet de concrétiser un accord sur le
contenu de la révision de la directive, sous notre présidence, qui permette de
garantir dans la durée des missions de service public pour tous les citoyens,
financées par des services réservés suffisamment larges.
En prenant mes fonctions en juin 1997, j'avais indiqué que La Poste,
établissement public industriel et commercial, devait être un service public
avec un esprit d'entreprise ouvert sur l'international. Je pense que ces trois
volets de l'avenir de La Poste définissent vraiment ce que souhaitent le
Gouvernement et un certain nombre de sénateurs, ceux des groupes de la gauche.
C'est nécessaire pour que La Poste progresse, pour la pertinence de son
organisation de service public et la réalité de son implantation progressive,
implantation qui réussit au sein de l'Union européenne et qui réussira sans
doute bientôt dans le monde entier.
Avec votre appui, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'y
emploiera avec fermeté et détermination. Nous réaliserons, par le biais
d'accords politiques avec nos partenaires européens, La Poste de demain, fondée
sur les valeurs du service public, en France et dans l'ensemble de l'Europe.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
Je souhaite, après les différentes interventions, apporter
quelques précisions.
Monsieur Trémel, certains membres de la commission des affaires économiques
comprennent mal, alors que le Gouvernement défend le service universel à
Bruxelles, que vous puissiez, vous, le critiquer à Paris. Cette divergence
n'est pas négligeable. Il nous faudra en reparler lorsque nous examinerons -
rapidement, j'en suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat - la proposition de
loi de M. Larcher.
Par ailleurs, j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que le rapport
sur le service universel des télécommunications, qui devait être déposé au mois
de juillet, ne l'est toujours pas au mois de décembre !
Monsieur Trémel, vous avez fait état de la ferme intention du président de la
commission des affaires économiques de former un groupe de travail sur
l'aviation régionale. Permettez-moi de vous dire que, s'il souhaite examiner la
situation de l'aviation régionale aujourd'hui, c'est afin de comprendre
pourquoi Air France tend à rétablir une situation de monopole de fait en
rachetant des compagnies régionales telles que Flandre Air, Proteus, Regional
Airlines, etc., et en fermant petit à petit les aéroports régionaux pour
concentrer la clientèle sur de plus grands aéroports où la compagnie Air France
a une position dominante aujourd'hui, même si elle ne détient plus de
monopole.
Monsieur Lefebvre, nous n'avons jamais demandé que La Poste cesse d'exercer
des activités d'intérêt général. Au contraire, nous voulons pérenniser ces
activités en assurant leur financement par la collectivité. C'est un vrai
débat.
Je terminerai en m'adressant à M. le secrétaire d'Etat à la suite des
interventions qui ont mis l'accent sur les inquiétudes que suscite la poste
allemande.
Nous sommes, pour la plupart d'entre nous, des Européens convaincus. C'est
donc bien d'une poste européenne qu'il faut parler dans l'avenir, et non pas
seulement des problèmes qui peuvent se poser entre les postes française,
allemande, néerlandaise ou britannique. Les Britanniques, par exemple, partis
peut-être un peu vite sur la voie du libéralisme, cherchent aujourd'hui à
trouver des paliers leur permettant de maintenir chez eux un service public.
Quant à la poste allemande, que vous avez critiquée alors que nous avions,
nous, fait part de nos inquiétudes, elle rencontre, comme l'a dit Gérard
Larcher tout à l'heure, en raison de la réunification allemande, un certain
nombre de problèmes, et c'est vrai pour les services publics en général.
En effet, une grande partie des réductions d'emplois et des diminutions
d'effectifs provient précisément de cette réunification, et pas seulement des
fermetures liées à une réorganisation.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Allemagne étant gouvernée par un
gouvernement social-démocrate, la majorité sénatoriale a le droit d'imaginer
certaines convergences, qui paraissent logiques !
(M. Lefebvre conteste.)
Il est vrai, monsieur Lefebvre, que le
gouvernement social-démocrate n'a pas le régulateur, parfois de bon sens, que
constituent les communistes !
M. Pierre Lefebvre.
C'est vrai !
M. Pierre Hérisson,
rapporteur.
C'est peut-être pour cela que les choses vont mieux dans
notre pays !
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez salué l'ensemble du personnel de La
Poste. Sur ce sujet, nos points de vue sont identiques. Mais, s'agissant des 35
heures, l'application de la loi n'est pas aussi facile que vous le dites. En
effet, sur 100 000 jours totaux de grève du premier semestre 2000, 80 % restent
liés à la réduction du temps de travail et à la réorganisation qu'elle
implique, même si les personnels ont fait l'objet de beaucoup de compréhension
! Je vous engage à aller voir comment les choses se passent sur le terrain.
Il est grand temps aussi de penser à la réorganisation du service postal dans
les mois qui viennent, car nos compatriotes sont aujourd'hui fort mécontents,
surtout en ce qui concerne la présence postale de proximité.
Je vous engage aussi vivement à lire mon rapport, particulièrement ce qui
concerne le passage aux 35 heures, réalisé sans aide de l'Etat. C'est peut-être
par pudeur que je n'en ai pas parlé lors de la discussion générale, le système
comportant des lacunes, alors que vous l'avez présenté comme étant très
positif.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, La Poste est présente sur 17 000 points
du territoire, mais les commissions départementales de la présence postale
territoriale, depuis qu'elles existent, n'ont tenu que 73 réunions dans 50
départements. Cela n'est pas dû à l'absence de problèmes ; c'est dû au fait
qu'elles ont des difficultés à fonctionner correctement. Elles ont aussi
beaucoup de mal à trouver des solutions aux problèmes posés parce qu'il y a un
décalage entre La Poste en milieu rural et La Poste en milieu urbain ou
périurbain. Je pense en particulier aux problèmes de sécurité qui peuvent se
poser avec acuité en certains secteurs.
Sur tous ces points, nous devons être prudents dans nos comparaisons.
En fait, si nous nous sommes manifestés les uns et les autres, c'est parce que
ce qui se passe dans la poste allemande nous inquiète. Il n'est pas question
pour nous de prendre celle-ci comme référence, et nous n'avons jamais eu
d'autre intention que de retrouver un grand service public tel que nous l'avons
connu, qui assure une bonne couverture du territoire. Or, il y a une différence
importante entre notre pays et les autres pays de l'Union européennes. C'est
qu'en France 80 % de la population vit sur 20 % du territoire et que tous nos
concitoyens, surtout le territoire, ont droit à un égal accès au service
public, dans les mêmes conditions financières et dans les mêmes conditions de
qualité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la proposition de résolution de adoptée par la
commission des affaires économiques et du Plan.