SEANCE DU 11 DECEMBRE 2000
et de l'ordre de la Libération
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les budgets
annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
Je suis heureux, au nom du Sénat, de saluer la présence, au côté de Mme
Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice, du général Douin,
grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, et du général
Simon, chancelier de l'ordre de la Libération.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Demerliat,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
garde des sceaux, monsieur le grand chancelier, monsieur le chancelier, mes
chers collègues, en 2001, le montant des recettes et des dépenses du budget
annexe de la Légion d'honneur s'établira à 121,3 millions de francs. Ce budget
est en baisse de 2 %, après une hausse de 9,4 % en 2000. Cela est dû à la
diminution des crédits de paiement afférents aux diverses opérations en capital
des maisons d'éducation.
En revanche, les recettes de l'ordre de la Légion d'honneur, qui proviennent
pour l'essentiel de la subvention versée par le budget de la justice,
augmentent de 2 %.
Les ressources propres, liées à l'activité de la grande chancellerie et des
maisons d'éducation, progressent, en 2001, de près de 3 %, pour atteindre 8,4
millions de francs. Les produits accessoires y sont en légère diminution, du
fait de la fermeture pendant neuf mois pour rénovation du musée de la Légion
d'honneur.
En 2001, les dépenses de fonctionnement restent stables à 99 millions de
francs, aucun mouvement d'effectifs n'étant prévu. Le paiement des traitements
des membres de l'ordre de la Légion d'honneur et des médaillés militaires,
crédité de 8,155 millions de francs, et les secours accordés par la grande
chancellerie, dotés de 346 000 francs, restent inchangés.
Quant aux opérations en capital, elles augmentent de 7,7 % en autorisations de
programme, pour atteindre 17,8 millions de francs, principalement en faveur de
la grande chancellerie, et elles connaissent une diminution de près de 16 % en
crédits de paiement. Toutefois, les programmes de travaux engagés seront
poursuivis, notamment la restauration du cloître de la maison d'éducation de
Saint-Denis, dont le coût total est estimé à 37 millions de francs. La
réfection du palais de Salm sera également poursuivie.
Pour conclure l'examen du budget annexe de la Légion d'honneur, je souhaite
formuler quelques observations.
Tout d'abord, je relève avec satisfaction la persistance de l'effort consenti
dans ce budget en matière de travaux. En effet, si les maisons d'éducation
doivent être régulièrement entretenues, il est également indispensable de
préserver tant les collections du musée de la Légion d'honneur que l'ensemble
architectural constitué par le palais de Salm et ses annexes.
Ensuite, je me félicite de la liquidation de la « provision pour risques et
charges financières », par une reprise en recettes de 5 millions de francs,
pour tenir compte des observations de la Cour des comptes. Toutefois, cet
ajustement de trésorerie permet d'éviter la baisse du budget annexe.
J'approuve la dissolution de l'établissement public administratif gérant le
musée national de la Légion d'honneur et son intégration en service de la
grande chancellerie. Cela permettra d'utiliser sa trésorerie pour réaliser les
travaux nécessités par l'état de vétusté du musée.
Le recrutement des élèves des maisons d'éducation a été étendu aux
arrière-petites-filles des membres de l'ordre de la Légion d'honneur ainsi
qu'aux petites-filles et arrières-petites-filles des membres de l'ordre
national du Mérite. Nous pouvons apprécier la qualité de l'enseignement
dispensé dans ces établissements. Elle est attestée par l'excellence des
résultats obtenus : 97,20 % de réussite au baccalauréat, avec mention pour près
de la moitié des lauréates.
Je me félicite également du renforcement de l'universalité des deux ordres
nationaux, la proportion de femmes dans les derniers contingents de nomination
atteignant régulièrement les 30 %.
S'agissant de la question, soulevée par la Cour des comptes, de la qualité
d'ordonnateur principal dont ne disposerait pas le grand chancelier de l'ordre
de la Légion d'honneur pour son budget, je souhaite, bien entendu, que le
Gouvernement mette fin à cette incertitude.
Enfin, j'espère que l'ensemble des travaux engagés depuis déjà plusieurs
années pourront être terminés pour 2002, année du bicentenaire de l'Ordre.
J'en viens, à présent, à l'examen des crédits relatifs au budget annexe de
l'ordre de la Libération.
La subvention du budget général, seule ressource du budget annexe, s'établit,
en 2001, à 5,5 millions de francs, soit une augmentation de 11 %.
Si les dépenses de fonctionnement restent stables, à 4,11 millions de francs,
les dépenses en capital s'élèvent à 1,4 million de francs en crédits de
paiement et à 600 000 francs en autorisations de programme. Ces crédits sont
destinés à la réalisation de la tranche définitive des travaux de réfection de
l'installation électrique de la chancellerie et du musée de l'ordre de la
Libération.
Avec les 600 000 francs supplémentaires qui ont dû être inscrits en 2001 pour
les honoraires de maîtrise d'oeuvre, le coût total de ces travaux, qui
nécessiteront la fermeture du musée pendant cinq mois, s'élèvera donc à 3,23
millions de francs.
Je conclurai en faisant part de deux observations.
Tout d'abord, j'apprécie que le financement des travaux devenus indispensables
voie son aboutissement dans le budget pour 2001, permettant ainsi une mise en
chantier rapide.
Ensuite, je me félicite de ce que la mémoire et les traditions de l'Ordre
soient sauvegardées lorsque celui-ci ne comportera plus le nombre de compagnons
de la Libération nécessaire à son fonctionnement, grâce à l'adoption, en 1999,
de la loi créant le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération
».
Ces observations étant faites, la commission des finances, suivant la
proposition de son rapporteur spécial, vous propose, mes chers collègues,
d'adopter ces deux budgets annexes.
M. le président.
J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le
temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, avec
l'examen des crédits des budgets de la Légion d'honneur et de l'ordre de la
Libération, nous abordons les deux budgets de la reconnaissance et du prestige
républicains.
Pourquoi la reconnaissance et le prestige républicains ? A cela, deux
raisons.
La Révolution avait aboli tous les ordres et décorations de l'Ancien Régime.
Pour récompenser les actes de bravoure, la Convention avait pris l'habitude
d'offrir des armes. Cette pratique donnera naissance au système des « armes
d'honneur » et d'une « Légion d'honneur » pour récompenser les militaires
bénéficiant de ces armes, mais aussi les services et vertus civils.
L'accouchement fut difficile, le corps législatif se prononçant par 116 voix
contre 110. La première promotion eut lieu le 24 septembre 1803. Depuis, jamais
un régime n'a remis en cause ce qui est devenu le mérite de la République.
Les effectifs vivants sont au nombre de 120 000, auxquels il convient
d'ajouter 68 villes, 51 régiments, 25 écoles militaires, 21 écoles civiles et 4
communautés : la Croix rouge, le réseau Résistance PTT, l'abbaye de
Notre-Dame-des-Dombes et la SNCF.
Ces personnalités - parmi lesquelles un certain nombre d'entre vous, mes chers
collègues - ces villes ou ces communautés ont un mérite reconnu.
L'ordre de la Libération est plus singulier mais tout aussi ptestigieux. Créé
le 17 novembre 1940, à Brazzaville, par le général de Gaulle, il n'est plus
décerné depuis le 23 janvier 1946, soit six mois après la capitulation de
l'Allemagne. Son statut est semblable à celui de la Légion d'honneur. Il compte
aujourd'hui 180 compagnons vivants. Par ailleurs, 1 059 croix ont été
décernées, dont cinq à des communes - Nantes, Paris, Vassieux-en-Vercors, l'île
de Sein, Grenoble - et d'autres à des unités militaires, comme le prestigieux
groupe Normandie-Niémen. L'Ordre récompense des hommes et des femmes s'étant
distingués lors de la libération de la France.
Cet ordre présente la particularité d'être fondé sur un principe d'égalité :
il est donc sans grade, seul le mérite étant reconnu. Le plus jeune décoré, je
le rappelle, avait quatorze ans ; il s'agit de Mathurin Barrioz, auquel nous
pouvons rendre hommage, et qui était d'ailleurs de deux ans plus jeune que
Môquet.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne remettra bien sûr pas en cause
cet ordre prestigieux. Il votera son budget, comme celui de l'ordre national de
la Légion d'honneur, mais tient cependant à faire quelques remarques.
En premier lieu, une différence existe entre ces deux ordres, qu'il convient
de corriger. Dans le cas de l'ordre de la Libération, l'ordonnateur principal
du budget est le chancelier de l'ordre ; dans celui de l'ordre de la Légion
d'honneur, le ministre adresse tous les trois mois une situation des mandats et
paiements. Ce qui est étonnant, c'est que l'effort de modernisation du code de
l'ordre national de la Légion d'honneur ne soit pas allé jusqu'à l'abrogation
du décret du 1er décembre 1881. Des dispositions désuètes ont en effet été
maintenues, et je vous propose donc, mes chers collègues, à l'instar du
rapporteur, M. Demerliat, de reconnaître le chancelier de l'ordre national de
la Légion d'honneur comme ordonnateur du budget. L'adoption de cette
disposition a d'ailleurs été recommandée par la Cour des comptes.
En deuxième lieu, des efforts de féminisation de l'Ordre ont été entrepris.
Les femmes représentent aujourd'hui, 30 % des effectifs de l'ordre du Mérite :
ne seraient-elles pas plus nombreuses à mériter d'être décorées pour services
civils rendus ? Je le pense. Cinq femmes ont accédé à la décoration suprême de
la Légion d'honneur : Marie-Jeanne Schellink fut la première femme chevalier,
Rosa Bonheur, la première femme officier, Anna de Noailles, la première femme
commandeur, Colette, la première femme grand-officier et, enfin, Geneviève de
Gaulle-Anthonioz, la première femme grand-croix. Le groupe communiste
républicain et citoyen estime que les promotions annuelles doivent prendre
aussi en compte le mérite féminin.
En troisième lieu, deux mesures nouvelles ne seront pas sans effet à terme.
D'une part, la réduction des crédits du budget annexe de la Légion d'honneur ne
compromettra-t-elle pas la poursuite des travaux de restauration du patrimoine,
déjà largement entrepris ? D'autre part, la dissolution de l'établissement
public administratif gérant le musée de la Légion d'honneur et l'intégration
des crédits afférents dans le budget annexe ne se feront-elles pas au détriment
de la trésorerie ? Bien entendu, l'avenir le dira...
En quatrième lieu, je voudrais exprimer notre accord pour confirmer le choix
de créer certaines communes « Compagnons de la Libération », afin de
reconnaître les mérites patriotiques de bien des villages, hameaux ou villes de
France dans l'oeuvre de libération.
Enfin, je voudrais exprimer nos félicitations, au nom de mon groupe, aux 849
élèves des deux maisons d'éducation de Saint-Denis et des Loges : près de 100 %
de réussite aux examens, voilà qui honore l'Ordre.
Nous voterons donc en faveur du rapport présenté au nom de la commission des
finances par notre collègue et préconisant l'approbation des projets de budget.
Ceux-ci seront vraisemblablement votés à l'unanimité, ce qui confirmera
l'attachement du Sénat à ces deux ordres, les deux premiers des quarante-deux
reconnus.
A Michelet, proposant la légion d'honneur à de Gaulle, ce dernier répondit : «
on ne décore pas la France ». Elu Président de la République dix-huit ans plus
tard, de Gaulle devint grand-maître de la Légion d'honneur, avec obligation de
porter plaque et écharpe lors des réceptions élyséennes. La légion d'honneur a
résisté à tout, nous la conserverons.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, mesdames
et messieurs les sénateurs, monsieur le grand chancelier de l'ordre national de
la Légion d'honneur, monsieur le chancelier de l'ordre de la Libération, le
budget annexe de la Légion d'honneur atteindra en 2001, en recettes et en
dépenses, 121,3 millions de francs, dont 107,5 millions de francs en
fonctionnement, soit un montant stable par rapport à 2000, et 13,8 millions de
francs en investissement, soit une diminution de 2,6 millions de francs qui
résulte principalement de la baisse des crédits de paiement afférents aux
opérations relatives aux maisons d'éducation.
Le budget global sera, pour cette raison, en diminution de 2,1 %, comme vous
l'avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, par rapport à la dotation de
l'exercice précédent.
Les ressources du budget annexe de la Légion d'honneur pour 2001 sont
principalement constituées par la subvention versée par le ministère de la
justice, qui s'élèvera à 107,9 millions de francs en 2001, contre 105,7
millions de francs en 2000, soit une augmentation de 2 %. L'effort de mon
ministère en faveur de l'institution va donc au-delà de la progression du
budget de l'Etat, et c'est tant mieux !
Les crédits de fonctionnement, qui atteignent 107,5 millions de francs, ne
varient pas par rapport à 2000. Ils assurent le paiement des traitements des
membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement
des services ainsi que le financement de l'action sociale menée par la grande
chancellerie.
Pour 2001, la dotation des crédits de paiement est essentiellement consacrée à
l'entretien des bâtiments des maisons d'éducation et de la grande chancellerie,
ainsi qu'aux travaux de restauration du cloître de l'abbaye de Saint-Denis.
Le financement de cette dernière opération, dont le coût est estimé à 37
millions de francs, sera assuré en loi de finances initiale pour 2001 par une
dotation budgétaire de 10 millions de francs en autorisations de programme et
de 6 millions de francs en crédits de paiement.
Les nominations et promotions dans l'ordre national de la Légion d'honneur et
dans l'ordre national du Mérite, ainsi que les concessions de la médaille
militaire - qui constituent la raison d'être de la grande chancellerie - ont
concerné, en 1999, plus de 14 000 citoyens français, hommes et femmes, civils
et militaires. Les effectifs des décorés vivants étaient, pour la Légion
d'honneur, de 111 449 au 30 juin 2000.
Sur le plan qualitatif, les ordres nationaux se sont ouverts aux activités
civiques de toute nature.
Un effort particulier est fait depuis trois ans, comme le rappelait Mme
Beaudeau, pour la promotion des femmes. En 1999, elles ont ainsi représenté 26
% des personnes décorées ; ce taux est en forte progression, puisqu'il n'était
que de 20 % en 1998. Cette évolution montre que toutes les administrations sont
désormais sensibilisées à cette question et font de réels efforts pour tendre
vers la parité.
Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion
d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de 1 000 élèves, filles
et petites-filles des membres français de l'Ordre. Les résultats obtenus aux
examens à la fin de l'année scolaire 1999-2000 par les élèves des maisons
d'éducation ont été, comme toujours, excellents : 98 % d'entre elles ont obtenu
le brevet des collèges, alors que le taux de réussite national est de 78 %, 97
% ont réussi aux épreuves du baccalauréat, pour lesquelles le taux de réussite
national est de 79,5 %, et 100 % ont obtenu le BTS. Ces résultats, fondés non
pas sur la sélection des meilleures, mais sur la qualité de l'éducation et de
l'enseignement qui sont prodigués, sont le meilleur gage de la pérennité de ces
institutions.
En 2002 sera célébré le bicentenaire de l'ordre national de la Légion
d'honneur. Cet anniversaire sera solennellement marqué par des manifestations
qui illustreront la place de l'Ordre dans la société française. Le projet de
budget annexe qui vous est présenté, mesdames, messieurs les sénateurs, doit
permettre à la Légion d'honneur de se préparer à célébrer dignement cet
événement.
J'ajoute enfin que la question de l'ordonnateur du budget de l'ordre national
de la Légion d'honneur est réglée, nous le vérifierons avec les services de
Bercy.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les budgets
annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération, et figurant aux
articles 35 et 36.
légion d'honneur