SEANCE DU 2 DECEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Jeunesse et sports (p. 2 )
MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; James
Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mme
Hélène Luc, MM. Marcel Vidal, Max Marest, Rémi Herment, Serge Lagauche.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
Crédits des titres III, IV et V. - Adoption (p.
3
)
Crédits du titre VI (p.
4
)
M. Alain Joyandet, Mme le ministre.
Adoption des crédits.
Suspension et reprise de la séance
(p.
5
)
Emploi et solidarité
III. - VILLE (p.
6
)
MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard
Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Paul
Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Roland
Muzeau, Mmes Gisèle Printz, Nelly Olin, MM. Gilbert Chabroux, Daniel
Eckenspieller.
MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Gérard Larcher, rapporteur
pour avis.
Crédits du titre III (p. 7 )
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
Rejet des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p.
8
)
Suspension et reprise de la séance
(p.
9
)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
Communication
(p.
10
)
MM. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul
Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
communication audiovisuelle ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles pour la presse écrite ; Ivan Renar, Mme
Danièle Pourtaud, MM. Louis de Broissia, Rémi Herment, Jean Boyer, Pierre
Laffitte, Henri Weber.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication.
Article 46 (p. 11 )
M. Jack Ralite.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
Mme Hélène Luc.
Amendement n° II-17 de la commission. - M. le rapporteur spécial, Mme le
ministre, M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement
supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 46 (p. 12 )
Amendements n°s II-29 rectifié de M. Paul Blanc et II-33 de M. Alain Joyandet.
- MM. Paul Blanc, Louis de Broissia, le rapporteur spécial, Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis ; Mme le ministre, MM. Pierre Laffitte, Yann Gaillard, Mme
Danièle Pourtaud, M. Ivan Renar. - Retrait de l'amendement n° II-29 rectifié ;
adoption de l'amendement n° II-33 insérant un article additionnel.
Amendements n°s II-30 à II-32 de M. Paul Blanc. - Retrait des trois
amendements.
Amendement n° II-36 rectifié de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le
rapporteur spécial, Mme le ministre. - Retrait.
Lignes 40 et 41 de l'état E. - Rejet (p.
13
)
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. -
Services généraux
(p.
14
)
Vote des crédits réservé.
Culture (p. 15 )
MM. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe
Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ;
Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
pour le cinéma et le théâtre dramatique ; Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques
Legendre, Rémi Herment, Jean Boyer, Pierre Laffitte, Jack Ralite, Marcel Vidal,
Louis de Broissia.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle.
Crédits du titre III (p. 16 )
M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.
Crédits du titre IV (p. 17 )
MM. Jack Ralite, Ivan Renar.
Adoption des crédits.
Crédits du titre V (p. 18 )
M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.
Crédits du titre VI (p. 19 )
M. Jack Ralite.
Adoption des crédits.
3.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
20
).
4.
Ordre du jour
(p.
21
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE,
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92
(2000-2001).]
Jeunesse et sports
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la jeunesse et les sports.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, les crédits budgétaires de la jeunesse et des
sports s'élèvent à 3,4 milliards de francs dans le projet de loi de finances
pour 2001, en hausse de 3,8 % à périmètre constant, soit un taux légèrement
supérieur à celui des années précédentes.
Je rappelle que les moyens attribués à la jeunesse et aux sports comprennent
également deux comptes spéciaux du Trésor : le Fonds national pour le
développement du sport, le FNDS, et le Fonds national pour le développement de
la vie associative, le FNDVA.
Le projet de loi de finances prévoit que les recettes du FNDS pourraient
atteindre 1,2 milliard de francs, compte tenu de l'intégration du fonds de
mutualisation issu de la contribution de 5 % sur la vente des droits de
retransmission télévisée. D'après les informations dont je dispose, les sommes
recueillies à ce jour sont largement inférieures aux prévisions de recettes de
75 millions de francs pour l'année 2000. Il est vrai que les droits de
retransmission des manifestations internationales, en particulier des jeux
Olympiques, ne sont pas soumis au prélèvement. Je souhaiterais donc connaître
les montants perçus à ce jour, et, s'ils sont effectivement inférieurs aux
prévisions, savoir comment vous ferez, madame la ministre, pour que le FNDS
perçoive effectivement les recettes prévues pour 2001, recettes dont le sport a
tant besoin.
Sans m'étendre trop longuement sur ces comptes spéciaux du Trésor, dont le
rapporteur spécial est notre collègue M. Paul Loridant, je souhaite également
me féliciter des suites que vous avez données, madame la ministre, au rapport
sur le FNDS que nous avons « commis » ensemble. Des réformes significatives
afin d'améliorer les modalités de fonctionnement du FNDS ont été engagées, dans
le sens que nous avions indiqué. Les mesures prises demeurent à ce stade
insuffisantes pour clarifier définitivement les actions dont le financement
relève du FNDS et celles qui relèvent du budget du ministère, ainsi que pour
accélérer l'engagement des dépenses d'investissement. Ces mesures témoignent
cependant d'une évidente volonté de transparence et de rénovation des modalités
de financement des équipements sportifs, que votre rapporteur appelle de ses
voeux. Je rappelle à ce sujet que les besoins en matière de remise à niveau des
équipements sportifs sont considérables, et méritent un effort accru et
planifié de la part de l'Etat. Un premier effort doit être signalé afin de
programmer les crédits de paiement de manière plus conforme à l'exécution
budgétaire.
Le FNDS, dont l'existence est régulièrement remise en cause, ne pourra assurer
sa pérennité que s'il s'affirme comme un apport singulier et complémentaire du
budget du ministère pour financer le sport dans notre pays. S'il ne constitue
qu'un appendice du budget du ministère, il perdra alors toute sa légitimité.
Madame la ministre, votre projet de budget pour l'année 2001 s'inscrit très
nettement dans la continuité des années précédentes. Les mesures nouvelles
soulignent en effet votre volonté de poursuivre une politique dont les axes
prioritaires sont l'insertion sociale et professionnelle par le sport, la
moralisation de la pratique du sport de haut niveau, le développement de
l'éducation populaire et du dialogue avec les jeunes.
Tout d'abord, la dimension sociale du sport est constamment réaffirmée.
Les dispositifs mis en oeuvre en faveur de l'accès au sport pour tous et en
faveur de l'emploi dans les associations sportives connaissent un succès
remarquable, qui nécessite une croissance des crédits qui y sont affectés.
L'aide aux associations par l'emploi constitue également un complément
intéressant à la politique de subventions. Je pense que ces dispositifs doivent
être accompagnés par un soutien accru au bénévolat, notamment la mise en place
d'un véritable statut du bénévole, qui est demandé depuis plusieurs années par
les associations sportives et qui commence à être ébauché.
La formation bénéficie également de crédits nouveaux, destinés en particulier
aux emplois-jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports. Votre
ministère s'est donné dès l'origine l'ambition de pérenniser les emplois créés,
qui correspondent souvent à un véritable besoin de la part des fédérations et
des associations sportives. On peut considérer que les efforts demeurent
insuffisants à ce stade, il convient néanmoins de saluer comme il se doit cette
volonté.
Le projet de budget pour 2001 traduit enfin un développement des actions en
faveur de la jeunesse, qui nous rappelle que vous n'êtes pas que la ministre
des sports. Le réseau d'information jeunesse est modernisé afin de répondre
mieux aux demandes des jeunes, en proposant notamment des accès libres au
réseau Internet. Votre ministère contribue ainsi à réduire la « fracture
numérique » évoquée avec justesse par les plus hautes autorités de l'Etat.
Le dialogue avec les jeunes est institutionnalisé avec la mise en place dans
toute la France de conseils de la jeunesse. Cette initiative ne porte pas
encore tous ses fruits, mais elle constitue un vecteur intéressant pour prendre
en considération les revendications des jeunes et pour les inciter à participer
davantage à la vie publique.
Enfin, pour revenir au sport, la lutte contre le dopage est renforcée, afin de
mettre en application les dispositions prévues par la loi du 23 mars 1999, dont
je souhaite d'ailleurs que les derniers décrets d'application entrent en
vigueur rapidement. Chacun constatera que la France se situe en pointe sur ce
sujet, tant sur le plan de la recherche médicale que du point de vue du
discours politique, au niveau national, européen et international. Le suivi
médical des sportifs de haut niveau, dont la généralisation est prévue pour
2001, permettra de répondre à la double nécessité de protéger la santé des
sportifs et de moraliser la pratique sportive de haut niveau. Madame la
ministre, il me semble que nous ne pouvons que soutenir votre fermeté face au
laxisme de l'Union cycliste internationale, pour ne prendre qu'un événement
tout à fait récent.
Je voudrais revenir un instant sur un élément dont la récurrence dans le
budget de la jeunesse et des sports année après année ne signifie rien de bon :
en 2001, le ministère devra encore verser une indemnité compensatoire de 76
millions de francs au consortium qui exploite le Stade de France, en l'absence
de club résident. Je ne puis que déplorer le fait que ce magnifique équipement
ne soit pas utilisé régulièrement par un club ; je pense que la recherche d'une
solution devient de plus en plus urgente, même si la venue d'un club résident
semble sans espoir.
Le Stade de France, qui restera à jamais dans nos esprits comme le temple du
football, me conduit également à évoquer la question du financement du sport
professionnel, du football en particulier. Les réformes du système des
transferts de joueurs de football envisagées par la Commission européenne
peuvent avoir des conséquences considérables, sur le plan tant sportif que
financier.
Je souhaite que vous nous rappeliez, madame la ministre, les positions qui
sont les vôtres.
Dans ce débat, il convient, me semble-t-il, de préserver le système français
axé sur la formation et l'équilibre financier de nos clubs, mais également de
maintenir une compétitivité mise à mal au niveau européen.
J'ajouterai quelques mots pour féliciter les sportifs qui ont obtenu de très
bons résultats à Sydney : 38 médailles et 242 finalistes. Mais ces résultats,
il faut l'avouer, ont été contrastés : à côté des valeurs sûres que sont le
cyclisme sur piste, le judo et l'escrime, à côté des bonnes surprises du
basket-ball et de la boxe, il faut bien reconnaître qu'un sport fondateur des
jeux Olympiques, l'athlétisme, a connu un revers cinglant. Une réorganisation
profonde de cette fédération, dont je crois savoir qu'elle est déjà programmée,
me semble indispensable afin d'envisager de nouveaux rapports entre les
sportifs, leurs agents, leurs entraîneurs et l'encadrement technique.
La commission des finances, madame la ministre, a considéré que le budget que
vous nous présentiez était un bon budget et elle a décidé de proposer au Sénat
de voter les crédits du ministère de la jeunesse et des sports.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du
ministère de la jeunesse et des sports est en progression, à structure
constante, de 3,75 %. Cela porte à 3,4 milliards de francs les moyens dont vous
disposez, madame le ministre, pour mener à bien vos actions.
Ces crédits sont complétés par ceux qui figurent sur deux comptes
d'affectation spéciale : le Fonds national de développement de la vie
associative, le FNDVA, dont les crédits sont estimés à 40 millions de francs,
ce qui correspond à la reconduction des ressources de l'année dernière, et le
Fonds national de développement du sport, le FNDS, dont les crédits devraient
s'établir à 1 199 millions de francs, soit une hausse de 10 %, grâce,
notamment, à l'extension en année pleine du prélèvement sur les droits de
diffusion télévisuelle. J'ai noté que les 150 millions de francs qui sont
attendus de celui-ci doivent bénéficier aux associations sportives locales.
Au total, les moyens dont vous disposez, madame le ministre, s'élèveront à un
peu plus de 4,6 milliards de francs. Ils sont en progression de 5,3 % par
rapport à l'année 2000.
Les moyens en personnel de votre ministère sont accrus, avec la création nette
de vingt-trois emplois dont quinze contrats supplémentaires de préparation
olympique et de haut niveau. Les moyens mis à la disposition du mouvement
associatif seront également renforcés par la création de cent nouveaux postes
au titre du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire,
FONJEP.
La revalorisation de la prise en charge par l'Etat des postes FONJEP, qui est
portée de 45 000 à 47 000 francs, était nécessaire, car aucune modification
n'était intervenue depuis 1993.
Madame le ministre, les quelques minutes dont je dispose ne me permettront pas
d'aborder, même succinctement, chacune des huit priorités que vous avez
exposées devant notre commission des affaires culturelles. Je devrai donc me
borner à souligner deux ou trois points qui soulèvent des questions
importantes, et sur lesquelles vous pourrez nous apporter des
éclaircissements.
Nous sommes convaincus, comme vous, madame le ministre, de la nécessité de
lutter contre le dopage, qui dénature les compétitions sportives. Nous avons
soutenu vos initiatives, mais nous nous inquiétons des retards pris dans la
mise en place des dispositifs prévus par la loi du 23 mars 1999.
Ainsi, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, constitué dès le
15 juin 1999, a dû attendre près d'un an la publication du décret qui lui
permet d'assumer effectivement sa mission de régulation, mais il ne peut
toujours pas exercer sa mission de veille scientifique.
Je souhaiterais que vous précisiez si la mise en place de certaines des 24
antennes médicales de lutte contre le dopage pourra effectivement intervenir
avant la fin de l'année, et si une partie des 13 millions de francs de mesures
nouvelles inscrites au projet de budget de l'année dernière à cette fin pourra
être engagée.
J'ai noté que le projet de budget pour 2001 prévoit deux mesures nouvelles
significatives : 2 millions de francs sont destinés à renforcer le nombre des
contrôles effectués par le laboratoire national de dépistage et 18 millions de
francs supplémentaires sont prévus pour étendre le suivi médical des sportifs
de haut niveau. En revanche, l'extension du suivi médical aux jeunes licenciés
inscrits dans les filières de haut niveau bute sur l'absence de définition
réglementaire de ces filières.
Le sport de haut niveau pose aujourd'hui un autre problème : celui de la
réforme du système de transfert des footballeurs.
Le système actuel, qui a débouché sur une inflation des indemnités, n'est pas
tenable. La Commission de Bruxelles estime d'ailleurs qu'il n'est pas conforme
à la législation européenne en matière de libre concurrence et de libre
circulation des personnes. La pression qu'elle exerce pourrait, en outre, être
renforcée par l'arrêt que doit prochainement rendre la Cour de justice des
Communautés européennes dans l'affaire « Tibor Balog ».
Les instances internationales du football ont fait connaître leurs
propositions ; il importe d'aboutir rapidement à une situation de sécurité
juridique qui soit acceptable pour les joueurs et pour les clubs, et qui
respecte le droit communautaire sans renier la spécificité du sport.
Le rapport que vous devez nous remettre ces jours-ci sur la situation du sport
professionnel nous éclairera-t-il sur les données de ce dossier ?
Madame la ministre, nous nous interrogeons aussi sur le devenir des
emplois-jeunes. Votre ministère a favorisé la création de 47 800 emplois, dont
près de 29 000 dans le secteur associatif et 15 000 dans les collectivités
locales. Ces structures seront-elles en mesure de conserver ces emplois une
fois qu'elles ne seront plus aidées ?
Au cours de votre audition devant la commission des affaires culturelles, vous
nous avez indiqué qu'il conviendrait de chercher des relais vers les
entreprises et les collectivités locales. Mais ces dernières, vous le savez
madame le ministre, paraissent déjà très sollicitées. Malgré le renforcement de
la formation de ces jeunes, bien des efforts restent à accomplir pour effectuer
une sortie en bon ordre du plan emploi-jeunes.
Madame la ministre, vous connaissez le rôle crucial joué par les bénévoles
dans le fonctionnement des clubs sportifs et la vie associative en général.
Vous avez entrepris la publication d'un « guide du bénévole », qui recense
utilement les dispositions existantes, mais je souhaite que vous alliez plus
loin et plus vite, si possible, pour trouver des solutions aux problèmes de
responsabilité et d'assurance auxquels ils sont souvent confrontés.
Je crois également que nous devrions encore amplifier les mesures permettant
l'accès aux activités sportives des personnes handicapées, et nous inspirer de
l'exemple que nous a montré l'Australie à l'occasion des jeux Paralympiques de
Sydney.
Qu'il me soit permis de rendre hommage à notre nageuse aux sept médailles
d'or, Béatrice Hess, et d'insister sur ses exploits, source d'espoirs et de
joies pour beaucoup de handicapés. Il suffit de passer un moment avec elle pour
être transporté dans un autre monde.
Je ne peux terminer mon intervention sans renouveler les réserves que j'avais
formulées l'an dernier sur la variété des actions que vous nous avez annoncées.
Elle sont certes sympathiques, mais je me demande si elles correspondent au
meilleur emploi des moyens dont vous disposez, madame le ministre ;
permettez-moi de continuer à en douter parfois.
Enfin, madame le ministre, je ne résiste pas à le dire : je déplore que
certains journalistes tentent depuis quelque temps de mettre sur le compte du
sport la montée de la violence constatée chez les jeunes. C'est aberrant et
triste. Nous devons combattre cette idée et développer encore les activités
sportives ; je compte sur vous.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires culturelles a
souhaité s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des
crédits de la jeunesse et des sports pour 2001, mais je pense qu'ils seront
adoptés, madame le ministre.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférences des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour 20 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Pour la quatrième fois consécutive depuis que vous êtes en charge de la
jeunesse et des sports, madame la ministre, votre projet de budget est en
progression. Avec 3,7 % pour 2001, celle-ci est particulièrement nette et
porteuse de réalisations nouvelles qu'au nom des sénateurs du groupe communiste
républicain et citoyen je tiens à saluer.
Nombreux, au-delà des clivages traditionnels, sont les élus et les acteurs du
monde sportif et associatif à reconnaître l'ambition et le bien-fondé des
actions que vous avez entreprises sur de nombreux terrains, que ce soit pour
endiguer la vague de la marchandisation du sport, pour faire respecter
l'éthique du sport, pour lutter contre le dopage ou pour redonner la voix et
l'initiative à la jeunesse.
Ces questions sont multiples et complexes, mais votre engagement opiniâtre et
constant permet de vaincre bien des résistances, d'ouvrir des chemins nouveaux
tant en France qu'en Europe, dans un contexte délicat de pluralité d'approches
et de convictions de nos partenaires qui, sans votre détermination, aurait pu
être source d'immobilisme.
C'est dire si le domaine d'action de votre ministère prend une dimension et
une échelle nouvelles. En effet, beaucoup était à reconstruire et à créer dans
des sociétés où la place des activités sportives, que ces dernières soient
organisées ou individuelles, compétitives ou purement désintéressées, est
devenue très prégnante, sans parler du sport scolaire.
Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer l'impact des communions planétaires
autour des événements du football, du tennis ou des jeux Olympiques,
l'engagement des dizaines de millions de bénévoles et des pratiquants dans les
clubs sportifs, les associations, ou à titre personnel. Voilà pourquoi l'aide
aux clubs sportifs est très appréciée.
Aussi, et sans vouloir nécessairement établir de parallèle hâtif avec la cause
culturelle, sur laquelle il est aussi nécessaire de s'interroger à nouveau, les
deux grandes priorités de la jeunesse et des sports seraient, je crois,
confortées grâce à une attention encore plus soutenue de notre majorité
plurielle dont la traduction devrait être l'accession de votre budget à la
barre symbolique du 1 % du budget de l'Etat.
A l'évidence, votre action mériterait, madame la ministre, que ce flambeau du
1 % soit à nouveau repris par toutes celles et tous ceux qui ont à coeur la
mise en valeur de cette source d'épanouissement humain. D'ailleurs, le groupe
du sport, en présence du président du Comité national olympique et sportif
français, s'est exprimé en ce sens : « Le temps est venu de prendre une
initiative nationale, et j'y participerai ».
A la lecture de votre projet de budget, deux grands axes se détachent très
nettement : les crédits en faveur de la lutte contre l'exclusion et le soutien
au développement des pratiques sportives.
La création de 100 nouveaux postes FONJEP vient rompre avec certaines
mauvaises habitudes et permettra, même si l'effort se doit d'être poursuivi,
d'améliorer les actions en direction de la jeunesse et de l'éducation
populaire.
De même, vis-à-vis de la pérennisation des emplois-jeunes, votre ministère a
mené de multiples actions innovantes, et nous nous félicitons de la progression
de 60 % de l'effort de formation pour les jeunes recrutés sous cette forme.
Concernant le dopage, madame la ministre, j'ai évoqué tout à l'heure votre
détermination, reconnue de tous, d'éradiquer ce phénomène, détermination qu'un
quotidien du matin attestait, ces derniers jours, en titrant : « La ministre
tient bon ». Je veux vous féliciter d'avoir été nommée représentante de
l'Europe auprès de l'Agence mondiale antidopage.
De réels efforts ont été accomplis et je m'en félicite. Je voudrais néanmoins
attirer votre attention sur la nécessité qu'il y a à mettre en place des
structures adaptées pour la lutte contre le dopage. Cela passe indubitablement
par le développement de la médecine sportive à tous les échelons du mouvement
sportif, sport amateur ou sport de compétition.
Dans la prochaine période et concernant le sport de haut niveau, j'approuve
les efforts que vous entreprenez et dont vous nous parlerez.
La candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2008 mérite un soutien sans
faille de l'ensemble de nos compatriotes. Aussi, attendons-nous beaucoup de la
commission nationale qui doit se tenir sur ce thème le 20 décembre prochain. Là
encore, madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous en dire davantage.
Par ailleurs, vous avancez l'idée d'un plan triennal pour la mise en
conformité des centres de loisirs et de vacances avec hébergement, et avec de
nombreux représentants des collectivités territoriales ; nous nous en
félicitons. Les crédits d'équipement sont encore largement insuffisants, alors
qu'ils pourraient aider les collectivités territoriales à rénover les piscines
et les gymnases. C'est pourquoi ce plan triennal est nécessaire. Il permettra
de programmer le financement et la réalisation des équipements. J'ai eu
l'immense bonheur d'assister aux jeux Olympiques de Sydney. En plus du
formidable spectacle des compétitions et de l'adhésion massive des Australiens,
j'ai pu mesurer les apports de notre pays aujourd'hui à la reflexion et à
l'initiative pour le développement futur du sport de haut niveau. Ce que vous
avez entrepris depuis trois ans avec les acteurs concernés n'y est certainement
pas étranger, madame la ministre.
Pour l'ensenble de ces raisons, notre groupe vous apportera son soutien
résolu, en formulant le voeu d'une amplitude encore plus forte de votre budget
pour la période à venir.
Je me réjouis que notre rapporteur, dont j'apprécie le rapport, et ses
collègues s'en remettent à la sagesse du Sénat, laquelle, selon nos traditions,
devrait, j'en suis persuadée, se traduire par un vote favorable. Ce sera un
encouragement pour vous et pour la jeunesse.
Quant à moi, avec ces cinq minutes de temps de parole, j'ai l'impression
d'avoir accompli un véritable Marathon !
(Sourires. - Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar.
Performance inédite !
M. le président.
Cinq minutes... avec la bienveillance du président.
(Nouveaux
sourires.)
La parole est à monsieur Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la jeunesse et
les sports constituent des enjeux considérables dans une société moderne, dont
l'évolution justifie la force de votre engagement et celle de votre
ministère.
Le projet de budget que vous présentez devant le Sénat et dont les crédits
sont en progression de 3,8 % par rapport à l'exercice écoulé répond
parfaitement, madame la ministre, à cette implication pour un mieux-être
collectif.
Pour la troisième année consécutive, le Gouvernement maintient son effort et
montre ainsi toute l'importance qu'il accorde non seulement au développement
des sports de haut niveau, mais également à la lutte contre le dopage, à la
protection de la santé des sportifs et, enfin, à une politique susceptible de
renforcer et d'accroître la participation des jeunes à la vie publique.
Je consacrerai le temps qui m'est imparti à l'examen de trois sujets
d'actualité : la lutte contre le dopage, le rôle de l'Office franco-allemand de
la jeunesse, la pratique du golf.
L'actualité récente prouve le bien-fondé de votre action, madame la ministre,
en faveur de ce dossier prioritaire que représente la santé des sportifs. Si le
cyclisme semble particulièrement touché par le dopage, les jeux Olympiques de
Sydney ont montré que d'autres sports sont également concernés par ce qui
constitue une atteinte fondamentale à l'intégralité du sport.
Cette lutte contre le dopage, longue et difficile, doit être menée sans
relâche, au nom de la santé publique et de l'éthique sportive. Elle implique
non seulement pour les Etats, mais aussi pour l'Europe, de jeter les bases
légales d'une politique d'ensemble qui demande une très forte coordination
policière et douanière afin de lutter contre les trafics.
La lutte contre le dopage concerne aussi la recherche, dont le développement
seul permettra de détecter efficacement les produits dopants qui sont utilisés.
La progression de leur utilisation chez les jeunes sportifs amateurs est
d'ailleurs un sujet sensible et fort préoccupant.
L'objectif est donc de parvenir à un changement des mentalités au sein du
mouvement sportif. Mais il est indispensable qu'il soit complété par une action
exemplaire et vigilante à tous les égards de la part des Etats.
L'Union européenne doit pouvoir aujourd'hui parler d'une seule voix pour
garantir l'action durable de l'Agence mondiale antidopage. Aussi nous
félicitons-nous que vous y représentiez, madame la ministre, l'Union
européenne. C'est une marque de reconnaissance donnée à votre engagement et à
celui du Gouvernement.
Il est essentiel que la présidence française de l'Europe s'affirme dans ce
domaine, car l'opinion publique, les sportives et les sportifs, ainsi que tous
ceux qui s'intéressent à la compétition attendent des décisions fermes et
conformes à l'intérêt général.
C'est au nom de cette même approche cohérente de l'Europe que vous avez,
madame la ministre, travaillé en lien étroit avec Mme Viviane Reding,
commissaire européen, notamment à l'occasion des « Rencontres européennes des
jeunes », organisées à Paris, les 5, 6 et 7 octobre dernier. Ces rencontres
s'inscrivent dans le projet d'élaboration d'un livre blanc sur les politiques
de jeunesse en Europe.
A cet égard, il est important de souligner le rôle que joue, depuis sa
création en 1963, l'Office franco-allemand de la jeunesse dans le resserrement
des liens qui unissent les jeunes gens des deux pays en renforçant leurs
compréhension mutuelle et en encourageant des rencontres et des échanges
fructueux sur le plan de la formation professionnelle, de l'apprentissage des
langues vivantes et de la mobilité étudiante en Europe.
En ma qualité d'élu du Languedoc-Roussillon, j'ai plaisir à rappeler la
qualité des échanges que l'Office franco-allemand de la jeunesse a su favoriser
dans notre région, en liaison notamment avec la Maison d'Heidelberg à
Montpellier, mais aussi grâce à l'appui de très nombreuses villes et communes
rurales engagées dans des relations de jumelage avec des villes allemandes. Un
débat s'est engagé au niveau national sur le coût de fonctionnement de cette
institution, qui paraît à certains anormalement élevé.
Il semble en tout cas légitime de ne pas sous-estimer son utilité, alors même
que les missions qu'elle remplit pourraient s'intégrer dans les programmes déjà
existants, par exemple les programmes européens Jeunesse, Socrate et
Léonardo.
Cette évolution est le résultat positif de la dynamique européenne, de ses
avancées significatives en termes de coopération, sans oublier les
collectivités territoriales, qui s'investissent fortement dans la lutte contre
les exclusions, le soutien à l'emploi des jeunes et à la diversité des
pratiques sportives.
Dans la reconnaissance de ce multipartenariat des collectivités territoriales,
des associations et des familles, votre projet de budget constitue un grand pas
en avant. Près des deux tiers des nouveaux contrats éducatifs locaux concernent
en effet des communes de moins de 2 000 habitants. L'accès aux activités
culturelles et sportives y sera donc particulièrement favorisé.
Je souhaite, avant de conclure, attirer votre attention, madame la ministre,
sur la pratique du golf en France, qui s'effectue majoritairement dans le
contexte de clubs privés.
La reconnaissance d'un accès plus démocratique passe par la création de golfs
publics, qu'ils soient municipaux, ou mieux, intercommunaux.
Il convient également de privilégier les actions concrètes destinées à
permettre au grand public, à des personnes handicapées, de se voir dispenser un
entraînement sportif.
Pour répondre à l'ensemble de ces questions, une réflexion globale en termes
d'aménagement du territoire, de création d'emplois et d'impact sur
l'environnement s'impose.
Je suis convaincu que les positions claires que vous avez adoptées en offrant
aux jeunes le cadre éducatif et d'insertion dont ils ont besoin seront d'un
grand apport dans ce débat.
Voilà, madame la ministre, brièvement formulées, quelques remarques et
appréciations.
Nous voterons votre projet de budget, car il répond aux engagements du Premier
ministre envers nos concitoyens, notamment en faveur de la jeunesse.
M. le président.
La parole est à M. Marest.
M. Max Marest.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget
consacré à la jeunesse et au sport pour 2001 ne représente que 0,20 % du budget
de l'Etat.
Avec 3,4 milliards de francs, c'est l'un des plus petits de tous. Comparé à la
loi de finances de 2000, ce budget est tout de même en progression de 7 %.
Pourquoi une telle progression ?
La raison est plutôt décevante : il s'agit, en partie, de l'intégration, au
sein du budget de la jeunesse et des sports, des cotisations patronales versées
au régime d'assurance maladie des personnels civils de l'Etat, dont les crédits
étaient auparavant inscrits au budget des charges communes, et des crédits
relatifs au fonctionnement du service de la jeunesse et des sports de la
Nouvelle-Calédonie, ce qui représente 132,5 millions de francs.
Feu Jacques Chaban-Delmas disait : « Le sport, c'est un humanisme ». Je reste
persuadé, madame la ministre, que vous êtes prête à faire vôtre cette devise,
bien mise en application par vos collègues précédents. La France a besoin d'une
véritable politique sportive nationale, avec des moyens financiers à la hauteur
des enjeux tant nationaux qu'européens et mondiaux.
Notre pays doit être, au sein de l'Union européenne, celui qui apporte une
véritable valeur ajoutée à l'intérêt général du sport par la préservation de
l'esprit olympique, la lutte contre le dopage et l'égal accès du public aux
rencontres sportives.
Madame la ministre, nous attendons beaucoup de votre part. Vous nous aviez
déçus avec la loi relative à l'organisation et la promotion des activités
physiques et sportives. Vous connaissez notre position et nos convictions
concernant cette loi, nous n'y reviendrons pas. Nous attendions une grande loi
ambitieuse pour le sport, une loi avec des moyens à la clef ! Mais cela n'a pas
été le cas ; je le répète, nous le regrettons.
Aujourd'hui, avec ce projet de budget, nous n'avons pas de surprise, le sport
n'obtient pas les moyens qu'il mérite. Cependant, nous sommes conscients de
votre détermination à faire avancer les choses, même si cela est difficile et
long.
Comment le Gouvernement ne peut-il prendre en compte que le budget de votre
ministère se situe quasiment au même niveau qu'en 1991, alors que, depuis dix
ans, le nombre de sportifs en France a augmenté considérablement, sans oublier
les 25 millions de personnes qui s'intéressent au sport ?
Les Français doivent savoir qu'aujourd'hui, dans notre pays, sans les
collectivités locales, il n'y aurait pas de politique sportive.
En effet, les crédits alloués au sport par les collectivités territoriales ont
augmenté de 1 005 % entre 1981 et 1990. N'oublions pas que les communes sont
les premiers financeurs publics du sport. L'effort qu'elles consacrent à son
financement est en constante augmentation. Entre 1981 et 1989, l'effort
communal a augmenté de 73 % en francs constants, s'élevant en 1989 à 22
milliards de francs. En 1999, les communes ont consacré environ 27 milliards de
francs au sport. Quant aux régions, leur effort financier en faveur du sport a
été multiplié par 18 de 1982 à 1994.
Il y a deux ans, vous aviez l'espoir au coeur et vous estimiez alors que vous
ne pouviez pas donner moins de 3,8 milliards de francs au budget de la jeunesse
et des sports.
Quelle déception a dû être la vôtre ! Quelle amertune avez-vous dû ressentir
!
En tout état de cause, vous avez la preuve que le sport constitue la dernière
des priorités. Pourtant - et je fais état des propos tenus par M. le Premier
ministre -, n'a-t-il pas souvent été répété que le sport devait être un facteur
d'intégration sociale et qu'il fallait faire en sorte de le promouvoir pour
améliorer la cohésion sociale ?
J'en arrive maintenant à un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre au cours
de ces dernières années, qui a donné lieu à beaucoup de fâcheries et qui n'a
pas toujours donné une bonne image du sport, je veux parler du dopage.
Je tiens à vous faire connaître notre soutien pour votre combat dans la lutte
contre ce fléau. Nous appuyons votre demande d'harmonisation au niveau européen
et international, car nous ne devons pas oublier qu'il s'agit de la santé de
jeunes et parfois même encore d'enfants.
Je pense qu'il serait tout à fait opportun que la France lance une grande
campagne d'information sur les risques qu'encourent les sportifs à consommer
des produits dopants, peut-être par le biais de témoignages d'anciens sportifs,
victimes aujourd'hui de gros problèmes de santé. La balle est dans votre camp,
madame, mais la partie n'est pas gagnée !
Le sport pour tous, voilà ce que vous prônez, madame le ministre ! Je
souhaiterais donc que nous abordions le sport pour les handicapés, qui, sans
être véritablement oubliés, voient leur situation soumise aux propositions que
fera le groupe de travail que vous avez prévu à cet effet.
Vous êtes allée en Australie pour les jeux Olympiques et Paralympiques, vous
avez donc pu constater la différence, le décalage entre ce pays et le nôtre.
Vous avez donc compris que, sur la planète Australie, il n'y avait pas de
sportifs handicapés, qu'il n'existait que des sportifs à part entière. Là-bas,
tout est prévu, pensé, organisé de façon qu'il n'y ait aucun obstacle à la
pratique du sport ! Les bâtiments sont adaptés, les transports sont adaptés, le
sport est à la portée de tous !
Notre pays est très en retard à côté de l'Australie, voire du Canada, pourquoi
? Avons-nous dans notre population moins de personnes handicapées que dans ces
deux pays ? Je sais que la question est simpliste, mais il est permis de se
demander comment nous pouvons encore décrocher autant de médailles
paralympiques avec si peu de moyens au service des handicapés ; je trouve
qu'ils ont d'autant plus de mérite !
L'accès au sport est un droit. C'est pourquoi notre groupe, dans le cadre de
l'examen de la loi sur l'organisation et la promotion des activités physiques
et sportives, a fait adopter un amendement permettant aux associations
sportives qui organisent des activités physiques et sportives destinées à des
personnes handicapées de bénéficier d'aides des pouvoirs publics en matière de
pratique sportive, d'accès aux équipements sportifs, d'organisation des
compétitions, de formation des éducateurs sportifs et d'adaptation des
transports. Cela constituait une étape dans l'amélioration de l'accès au sport
des personnes handicapées. Il faut continuer dans cette direction afin que la
France se trouve dans le peloton de tête des pays qui favorise le
handisport.
Pouvez-vous nous dire si vous avez d'ores et déjà dégagé des idées et retenues
des options concernant des crédits qui pourraient être débloqués en faveur du
handisport ?
Le projet de déclaration qui doit être annexé aux conclusions du prochain
sommet de Nice stipule que « la pratique des activités physiques et sportives
est, pour les personnes handicapées, physiques ou mentales, un moyen privilégié
d'épanouissement individuel, de rééducation, d'intégration sociale et de
solidarité et, à ce titre, doit être encouragée ».
Il est à souhaiter que, lors du sommet de Nice, la volonté des ministres
chargés des sports, qui se sont réunis à Paris le 6 novembre dernier, soit
entendue car nous devons encourager la pratique des activités physiques et
sportives pour les personnes touchées par un handicap physique ou mental ;
mais, pour cela, il faut se donner les moyens de dégager des crédits
suffisamment importants.
Le coeur du problème, vous le savez madame la ministre, c'est le manque de
moyens financiers pour le sport en général.
En conclusion, vous me permettrez d'attirer votre attention sur les ressources
financières des centres régionaux d'information jeunesse.
Initié et mis en place par le ministère de la jeunesse et des sports, en
partenariat avec les collectivités locales, le réseau information jeunesse est
présent sur l'ensemble du territoire. Ces centres accueillent tous les jeunes
sans exclusive et leur apportent des réponses adaptées en matière d'accès à la
vie professionnelle, d'études, de santé, de formation, de famille et encore sur
bien d'autres sujets.
Depuis maintenant trente ans, le ministère de la jeunesse et des sports
soutient l'activité de ce réseau d'information et participe aux financements
des centres nationaux et régionaux. Nous ne pouvons que nous en féliciter au
regard du rôle essentiel joué en matière de responsabilisation et d'autonomie
des jeunes.
Cependant, de nombreux cas nous amènent à constater que les subventions du
ministère, qui représentaient, pour certains centres, 65 % des recettes en 1980
n'en représentaient plus que 36 % en 1999.
Ainsi, hormis quelques mesures nouvelles, la ligne budgétaire « information
jeunesse » n'a pas connu d'évolution notable depuis 1994.
De telles situations budgétaires ont des conséquences dommageables pour ces
organismes.
Par ailleurs, les centres régionaux d'information jeunesse ayant des activités
de vente de séjours et de billets destinés à améliorer l'ordinaire vont se
trouver pénalisés financièrement par la réforme fiscale sur les
associations.
Une telle évolution ne pourra que fragiliser durablement leur équilibre
budgétaire déjà précaire.
Il nous semble urgent de réévaluer le financement des missions des centres
régionaux d'information jeunesse par l'Etat. En effet, le soutien aux centres
nationaux et régionaux a des répercussions importantes et directes sur la
politique des collectivités locales, des partenaires publics et privés de ces
associations, ainsi que sur le public des jeunes et leurs familles.
Dans le projet de budget pour 2001, vous prévoyez d'augmenter de 18,5 millions
de francs la ligne budgétaire relative aux crédits déconcentrés de
l'information de la jeunesse.
Comment ces crédits vont-ils être ventilés ? Par conséquent, quelle part de
ces mesures nouvelles reviendra réellement aux centres régionaux d'information
jeunesse ?
Enfin, madame la ministre, votre projet de budget certes accroît les efforts
engagés en faveur de l'accès au sport pour tous, il développe également les
moyens consacrés à la lutte contre le dopage, mais il n'est pas à la mesure des
ambitions que nous pensions être les vôtres.
Je vous remercie par avance, madame la ministre, des réponses que vous voudrez
bien apporter à ces interrogations.
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de
la jeunesse et des sports bénéficie, pour 2001, d'une progression de 5,3 % de
ses crédits, ceux-ci étant portés à 4,6 milliards de francs. Mais cet affichage
ne fait pas tout. L'augmentation en volume n'est en effet que de 3,8 %.
Les moyens d'intervention sont les principaux bénéficiaires de la
revalorisation du budget : les crédits du titre IV progressent de 114,6
millions de francs, soit 9,8 % de plus par rapport à 2000.
Quant au FNDS, il dispose de 110 millions de plus que l'année dernière, soit
une progression de 10,1 %.
Les crédits de fonctionnement sont également accrus puisque 48,6 millions de
francs supplémentaires sont affectés au titre III.
Enfin, 111 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits afin
de consolider les moyens d'engagement ouverts l'année dernière en faveur des
investissements.
Vous avez, madame la ministre, annoncé six axes prioritaires pour votre budget
: l'emploi, les jeunes, la pratique sportive, l'éducation populaire, la santé
des sportifs, les politiques éducatives territoriales.
Ces objectifs majeurs s'inscrivent dans la continuité des actions engagées
depuis maintenant plus de trois ans : favoriser la citoyenneté, l'égalité
d'accès à l'emploi et la formation des jeunes, développer la vie associative et
l'éducation populaire, soutenir le sport dans la diversité de ses pratiques et
de ses publics, préserver son éthique.
L'emploi et la lutte contre les exclusions sont la première priorité de votre
ministère et celle-ci se résume en réalité au plan emplois-jeunes, qui
bénéficiera d'une mesure nouvelle de 11,4 millions de francs.
Le plan « sport emploi » sera poursuivi et 100 nouveaux emplois sont annoncés,
pour un montant de 6,5 millions de francs.
Le dialogue avec les jeunes passe par le conseil permanent et les conseils
départementaux de la jeunesse. En 2001, deux cents conseils locaux verront le
jour, pour 18,2 millions de francs.
Le soutien à l'éducation populaire va bénéficier en 2001 de 65 millions de
francs, destinés aux associations nationales de jeunesse et d'éducation.
Le réseau « information jeunesse » recevra pour sa part 57,7 millions de
francs en 2001.
Au total, c'est le secteur de la jeunesse qui bénéficie de la plupart des
mesures nouvelles, le sport ne bénéficiant, quant à lui, que de 31 % du
budget.
Le développement de la pratique sportive passe par des animations telles que
l'opération « 1, 2, 3 à vous de jouer », mais aussi par le soutien au
bénévolat, auquel sont consacrés 13,5 millions de francs.
L'action en faveur de la santé des sportifs, qui vise à renforcer la
surveillance médicale, la protection de la santé des sportifs et la lutte
contre le dopage est, pour l'année prochaine encore, une priorité du
Gouvernement : les crédits augmenteront de 69,5 millions de francs. Nous vous
approuvons totalement sur ce point.
L'objectif du budget pour 2001 est donc, en la matière, de mettre en place des
moyens pour l'application de la loi relative au dopage. Il est donc plutôt
volontariste. Cependant, compte tenu de ce qu'est la réalité du milieu sportif,
et celle du dopage, l'action à mener ne passe pas seulement par l'abondement
d'une ligne budgétaire et la création d'une autorité administrative
indépendante ; elle passe aussi par l'éducation, l'information et la
sanction.
Vous le savez, madame la ministre, il vous faut aller plus loin que la simple
progression des moyens financiers destinés à la lutte contre le dopage, et
votre croisade dépasse désormais le cadre hexagonal.
Je note, en revanche, que les moyens consacrés à la réhabilitation des
équipements sportifs et socio-éducatifs, qui sont dans un état préoccupant,
restent insuffisants, que les redéploiements des moyens des fédérations ne
contribuent pas autant que les besoins le nécessiteraient au renforcement du
financement des petits clubs et qu'il n'y a rien concernant la question de la
violence.
A ces insuffisances s'ajoutent d'autres points qui peuvent justifier des
critiques : le refus de la cotation en bourse des clubs sportifs et la fin de
non-recevoir concernant la baisse du taux de TVA à 5,5 % pour les droits
d'utilisation des installations sportives, alors même que la directive 92/77
sur l'harmonisation des fiscalités indirectes au sein de l'Union européenne
donne la faculté d'appliquer un taux réduit de TVA aux droits d'utilisation
d'installations sportives.
Ce projet de budget pour 2001 est donc toujours très en deçà des besoins et
d'une vraie ambition sportive pour notre pays.
Cela est d'autant plus regrettable que la situation dans le secteur du sport
est préoccupante. En effet, après l'activité législative soutenue déployée
depuis deux ans, qui s'est traduite par l'adoption de la loi du 23 mars 1999
relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le
dopage, ainsi que de quatre textes modifiant la loi du 16 juillet 1984, la mise
en application des nouvelles dispositions tarde.
En ce qui concerne la loi du 23 mars 1999, le Conseil de prévention et de
lutte contre le dopage ne peut exercer son rôle de régulation que depuis la fin
du mois de mars 2000 et manque encore de moyens pour remplir sa mission de
veille scientifique et épidémiologique.
Le décret relatif aux antennes médicales de lutte contre le dopage, créées par
un amendement du Sénat, n'est paru qu'à la fin d'avril 2000, mais aucune de ces
antennes n'est encore mise en place.
Enfin, les procédures disciplinaires des fédérations et les contrôles
demeurent régis par les décrets d'application de la loi Bambuck de 1989.
La loi du 28 décembre 1999, quant à elle, avait été adoptée en urgence pour
permettre le rétablissement, dès le 1er janvier 2000, des subventions des
collectivités territoriales aux clubs sportifs, mais le décret indispensable
n'est toujours pas paru, non plus d'ailleurs que les autres textes
d'application prévus par cette loi.
Enfin, s'il n'est nullement anormal que les décrets d'application de la loi du
6 juillet 2000 modifiant la loi de 1984, elle aussi adoptée en urgence, ne
soient pas encore publiés, l'absence de certains d'entre eux crée déjà des
vides juridiques dangereux, notamment dans le domaine de l'accès aux fonctions
d'encadrement, d'animation et d'enseignement des activités physiques et
sportives.
Je dirai un mot du FNDS, auquel mes collègues du groupe d'études sur le sport
et son président Jean Faure sont particulièrement attachés.
Les recettes du Fonds national de développement du sport incluent désormais la
contribution de 5 % sur les droits de retransmission télévisée des
manifestations sportives. Or il semble que ce prélèvement n'ait pas le
rendement espéré. Cela est peut-être dû au fait que cette taxe ne touche que
les droits portant sur les manifestations sportives organisées par les
fédérations, et non par les organisateurs privés. Toujours est-il qu'il
manquera sans doute plusieurs dizaines de millions de francs de recettes sur
cette ligne du FNDS en 2001.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, comment vous comptez faire
pour permettre au FNDS de bénéficier du montant de recettes prévu pour 2001.
J'évoquerai pour terminer le problème du Stade de France.
Il est dommage qu'en 2001 vous soyez obligée de verser une indemnité
compensatoire de 76 millions de francs au consortium exploitant le Stade de
France, et ce en l'absence de club résident.
J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous apporter des éléments de
réponse sur les sujets que je viens d'évoquer.
Si ce budget marque un soutien affirmé à la création de nouveaux emplois et
confirme une politique volontariste pour l'insertion des jeunes, nous
regrettons qu'en cette année olympique le sport soit laissé un peu sur la
touche. Nous vous adresserons quand même un
satisfecit
pour votre
détermination dans la poursuite de la moralisation de la pratique sportive par
l'intensification de la lutte contre le dopage. C'est la raison pour laquelle
le groupe de l'Union centriste approuvera votre projet de budget pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
budget pour 2001 consacré à la jeunesse et aux sports s'inscrit dans la
continuité de la politique ambitieuse menée par le Gouvernement avec une
augmentation de 3,8 % à structure constante.
Je ne reviendrai pas sur la bonne analyse faite par le rapporteur de la
commission des affaires culturelles, quant à la répartition des crédits du
budget, dont il juge la progression positive. Le seul regret important que je
partage avec le rapporteur pour avis concerne la somme de 76 millions de francs
à verser au concessionnaire du Stade de France, question qu'il faudra bien
résoudre rapidement.
Néanmoins, permettez-moi de souligner, comme M. le rapporteur pour avis,
l'effort significatif accompli sur trois points, et qui intéresse les
personnels.
D'abord, la formation bénéficie d'une mesure nouvelle de 3,8 millions de
francs.
Ensuite, 15 contrats supplémentaires de préparation olympique et de haut
niveau permettant de porter leur efffectif total à 398.
A ce propos, nous pouvons nous féliciter des bons résultats de la délégation à
Sydney, malgré quelques déceptions en athlétisme et en natation.
Ajoutons qu'en 2001 nous participerons aux grandes rencontres
multidisciplinaires : jeux Méditerranéens à Tunis, jeu de la Francophonie à
Ottawa et préparation finale des jeux Olympiques de Salt Lake City, sans
compter les vingt-cinq championnats d'Europe et du monde organisés dans notre
pays. Bravo, donc, pour les efforts de votre ministère ! Et il faut aussi
mentionner à cet égard l'aide versée aux sportifs de haut niveau sous forme de
bourse, ainsi que l'aide à l'insertion professionnelle.
Enfin, 100 nouveaux postes FONJEP sont destinés en priorité aux associations
nationales qui renforcent leur présence sur le terrain, avec un relèvement de 2
000 francs de la participation de l'Etat à leur financement.
M. Bordas n'a pas manqué de constater que, de 1998 à 2000, 532 nouveaux postes
avaient été créés, ce qui montre bien la continuité de l'action.
Permettez-moi maintenant, mes chers collègues, de rappeler quelques-unes des
actions remarquables que sous-tend ce budget.
Le dialogue avec et entre les jeunes sera favorisé par le renforcement des
instances que sont le Conseil permanent de la jeunesse, grâce à des mesures
nouvelles, les conseils départementaux de la jeunesse et les conseils locaux de
jeunes - 200 pourront être créés - ainsi que par la reconduction en 2001 du
festival de la citoyenneté, en raison de sa réussite.
Le dialogue mais aussi le soutien des initiatives des jeunes et l'appel à leur
participation à des projets favoriseront leur insertion. La reconduction de
l'opération « Défi jeunes » ou de l'opération « 1, 2, 3 à vous de jouer », qui
bénéficiera d'une mesure nouvelle, est nécessaire.
L'accès des jeunes à l'information se veut moderne : le réseau « info-jeunesse
», qui bénéficie de mesures nouvelles, pourra équiper 600 points « info-jeunes
» en matériel d'accès au multimédia, dans le cadre du programme « Cyber-jeunes
». La proximité et la qualité de l'information seront donc à nouveau
développées en 2001 et nous ne pouvons, madame la ministre, que vous encourager
dans ce sens.
L'accès à la pratique sportive permet aussi de favoriser l'insertion et les
échanges entre jeunes : l'aide financière apportée par le coupon-sport a offert
à de nombreux jeunes de familles défavorisées la possibilité de pratiquer une
activité. Le budget qui nous est présenté permettra de répondre au nombre
croissant de demandes, grâce aux mesures nouvelles portant le total pour cette
opération à 50 millions de francs. Souhaitons que ces crédits puissent répondre
au succès de l'opération, qui traduit les besoins financiers de nombreuses
familles pour leurs enfants.
Quant aux contrats d'éducation locaux, l'augmentation de leur financement
permettra d'avancer vers leur généralisation, qui est encore loin d'être
atteinte. L'indispensable travail interministériel, malgré des débuts
difficiles, semble enfin porter ses fruits : plus de 2 millions d'enfants
étaient en effet concernés en juin de cette année.
Même si le financement repose de façon importante sur les collectivités, la
demande croissante impose à l'Etat d'apporter un soutien financier renforcé.
Rappelons que la nouvelle mesure de 45 millions de francs, répartis entre les
interventions en faveur des jeunes et le développement de la pratique sportive,
portera le crédit à 310 millions de francs.
L'emploi des jeunes est une autre priorité de ce budget, à laquelle, bien sûr,
nous adhérons fortement. Au premier plan figure le dispositif « nouveaux
services-nouveaux emplois ». Le ministère de la jeunesse et des sports a
participé à la création de plus de quarante-huit mille emplois, ce qui est
remarquable. C'était indispensable, tant pour les jeunes que pour répondre aux
besoins du sport. Pourtant, si 34,5 millions de francs de crédits en 2001
permettront de poursuivre la formation de ces jeunes et leur
professionnalisation, la pérennisation de leur emploi sera une étape qui pourra
s'avérer difficile, sachant que près des deux tiers relèvent des associations
et un tiers des collectivités locales.
Les conventions de formation permettent de progresser. Néanmoins, comment
financer ces nouveaux emplois devenus bien souvent indispensables ?
A ce stade, madame la ministre, pouvez-vous nous fournir des informations sur
l'état des discussions au sein du Gouvernement ?
D'ores et déjà, d'importants efforts ont été consentis en faveur de la
rénovation des filières des métiers du sports et de l'animation. En outre, 14
000 bourses de 2 000 francs seront octroyées à des jeunes issus de milieux
défavorisés afin qu'ils puissent préparer le brevet d'aptitude aux fonctions de
directeur.
La création d'un observatoire des métiers du sport et de l'animation est, de
même, une avancée importante. A ce sujet, j'avais souligné, lors de notre débat
en 1999 sur le sport et l'Europe, tout l'intérêt que présenterait la création
d'un organisme identique à l'échelle européenne. Cette action vous paraît-elle
réalisable, madame la ministre ?
Le soutien à la vie associative, autre priorité du Gouvernement, est assuré
grâce à des mesures en personnels, nous l'avons vu, mais aussi par le
renforcement des aides.
Le Fonds national pour le développement de la vie associative, le FNDVA, qui
atteindra de nouveau 40 millions de francs, permettra de poursuivre la
formation des responsables associatifs ainsi que des actions innovatrices ou
expérimentales.
Les centres de vacances, les très petites associations, et les « juniors
associations » bénéficieront de 19 millions de francs de mesures nouvelles, ce
qui répond à une demande qui a été formulée lors des assises nationales de la
vie associative de février 1999. Bien entendu, nous ne pouvons que soutenir
cette décision tant les besoins, importants, méritent d'être couverts.
Parler des associations à la veille du centenaire de la loi les créant, c'est
rappeler qu'elles sont au nombre d'environ sept cent mille regroupant vingt
millions de membres, avec huit cent trois mille salariés en équivalent temps
plein. Mobilisant environ neuf millions de bénévoles, elles constituent un gage
essentiel de cohésion sociale, qu'il importe de favoriser.
Sachant que les fonds d'origine publique représentent plus de la moitié des
ressources des associations, on ne peut que vous féliciter, madame la ministre,
pour les moyens que vous leur apportez, en particulier pour les 13 millions de
francs supplémentaires aux associations nationales, afin d'élargir la mixité et
la place des jeunes dans les instances dirigeantes.
A ce propos, le mouvement associatif attend beaucoup pour la célébration du
centenaire. Permettez-moi, madame la ministre, de vous signaler que l'aide aux
bénévoles comme la réforme de la fiscalité n'ont pas facilité le travail des
associations.
Parmi les dossiers difficiles à faire avancer, je note l'effort accompli pour
la promotion du sport féminin et du sport en entreprise.
En ce qui concerne l'accès des handicapés aux sports, la mise en place d'un
groupe de travail entre votre ministère et ceux de l'éducation nationale et de
la santé est positive. Néanmoins, il me semblerait pertinent d'y associer le
ministre de l'équipement, des transports et du logement, car sans une
adaptation des accès aux équipements et aux transports collectifs, la réponse
aux attentes de ces personnes ne pourra jamais être optimale.
De plus, j'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de mettre en oeuvre un
plan de rattrapage et de rénovation de l'ensemble des équipements sportifs, en
collaboration avec les collectivités territoriales et d'autres ministères.
Certes, 32,5 millions de francs sont prévus en autorisations de programme pour
2001 et ils seront bénéfiques si des crédits de paiement sont effectivement
ouverts, mais ils ne suffiront pas.
On ne peut pas parler du budget sans rappeler l'effort important réalisé pour
lutter contre le dopage. Les audiences du tribunal correctionnel de Lille
montrent que les efforts doivent se poursuivre, en particulier eu égard au
développement inquiétant de ce phénomène au sein du sport amateur. Il faut
pousser les fédérations à réagir par une action concertée.
Je partage l'avis de M. le rapporteur sur la lenteur administrative de la mise
en place des dispositifs permettant l'action complète du Conseil de prévention
et de lutte contre le dopage, accompagnée d'un retard important dans la mise en
place des antennes médicales, ce qui ne facilite pas le travail de contrôle.
Nous savons tous que la politique française du sport doit être relayée par une
action au niveau européen. Nous ne pouvons donc que vous féliciter, madame la
ministre, pour vos importantes initiatives à l'échelon communautaire, en
particulier sur le dopage : Vienne 1998, Lausanne 1999 avec la création de
l'Agence mondiale antidopage qui pose bien des problèmes, enfin la réunion des
ministres des sports du Conseil de l'Europe à Bratislava en mai 2000.
Les efforts que vous avez accomplis dans le cadre de la présidence française
contre le dopage font partie de notre volonté d'adapter les règles
communautaires visant à reconnaître la spécificité des activités sportives et
de refuser de les soumettre à une simple activité économique et aux règles de
la concurrence.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit en commission que la progression des
crédits du ministère allait dans le bon sens et, à de rares exceptions près,
vous avez trouvé les actions justes. Mme la ministre a essayé de répondre au
mieux à une demande que vous reconnaissez importante et justifiée, et vous
appelez malheureusement cela du saupoudrage et de la mauvaise gestion.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le rapporteur, que votre proposition de
s'en remettre à la sagesse du Sénat me fait penser que vous n'êtes pas
convaincu par vos arguments et que peut-être certains de vos collègues de la
majorité sénatoriale ont abusé de la vôtre.
J'espère qu'à la suite de notre débat la majorité de notre assemblée se
prononcera pour une approbation de votre budget, madame la ministre, face aux
efforts que vous déployez pour notre jeunesse et nos sportifs, respectant ainsi
la proposition de sagesse de notre collègue rapporteur.
(Applaudissements
sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le président, messieurs
les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que les orateurs
l'ont souligné, pour la quatrième année consécutive j'ai l'honneur de défendre
un budget en augmentation. Certes, madame Luc, ce budget n'atteint pas encore
le 1 % du budget de l'Etat, comme vous le souhaitez, et je comprends votre
impatience, celle des bénévoles, du mouvement associatif sportif ou d'éducation
populaire et des élus, qui me demandent encore plus de moyens. Cependant,
reconnaissez-le, nous sortons de la spirale du déclin que nous avons connue
précédemment, n'est-ce pas, monsieur Marest...
En réponse à vos question, j'insisterai sur quelques points.
Tout d'abord, monsieur Herment, à l'heure actuelle, les agrégats budgétaires
se présentent de la façon suivante : la jeunesse représente environ 844
millions de francs, le sport 1,4 milliard de francs, l'emploi et la formation
165 millions de francs, l'administration et le fonctionnement comptant pour un
peu moins de 1 milliard de francs. Certes, des déséquilibres demeurent et je
m'emploie à les corriger au rythme de l'augmentation de mon budget sans
déshabiller Pierre pour habiller Paul.
J'entends mettre ce budget au service de six objectifs précisément définis,
que je cherche à atteindre avec constance depuis maintenant trois ans, car ces
chantiers demandent une grande persévérance et beaucoup de volonté.
En premier lieu, vous m'avez interrogée quant à la poursuite de l'action pour
l'emploi sportif et la consolidation de nos capacités de formation.
Plusieurs d'entre vous l'ont souligné, le ministère de la jeunesse et des
sports s'est particulièrement investi dans la mise en oeuvre du plan
emploi-jeunes : 48 784 emplois ont ainsi été créés dans le champ jeunesse et
sports. Cet accès à l'emploi a redonné l'espoir à des milliers de jeunes et de
familles. L'enjeu de la pérennisation de ces emplois est évidemment capital,
vous l'avez souligné. Cela nécessite un effort soutenu en faveur de la
formation professionnelle offerte à ces jeunes. Les crédits consacrés à cet
objectif augmenteront de manière très significative dans le budget pour
2001.
Par ailleurs, le Gouvernement travaille sur plusieurs dispositifs, monsieur
Bordas, pour répondre à la variété des situations que connaissent les
emplois-jeunes. Au niveau des collectivités locales, nous allons certainement
nous orienter vers l'ouverture de concours pour ces jeunes et la création de
nouvelles filières. Mais mon grand souci concerne les emplois-jeunes dans les
mouvements associatifs ; ils représentent plus de la moitié des emplois-jeunes,
jeunesse et sports. Bien entendu, les entreprises et parfois les collectivités
territoriales doivent être sollicitées. Mais il faut absolument que soient
maintenues les aides de l'Etat, peut-être sous une forme simple de contrats
triennals ou sous une forme dégressive. Dans le cas contraire, ces emplois dans
les associations devront être supprimés. Le débat est engagé et je pense que
nous progressons. Parallèlement, nous poursuivons, bien sûr, la mise en oeuvre
de notre propre plan sport-emploi.
Au-delà de l'effort que nous accomplissons pour rénover les formations et les
diplômes, des crédits ont été inscrits pour la validation des acquis
professionnels et bénévoles.
Le deuxième objectif tend à poursuivre le dialogue avec les jeunes. Vous en
avez souligné la portée, monsieur Lagauche.
En effet, grâce à la valeur de leurs activités et à la force de leurs
propositions, les conseils de la jeunesse - national et départementaux - ont
été reconnus par le Premier ministre comme des lieux priviligiés de
concertation entre les jeunes et les institutions. C'est pourquoi j'ai souhaité
que leurs moyens d'action soient renforcés et que nous puissions continuer à
participer à la création de conseils locaux. Nous allons ainsi pouvoir
reconduire en 2001 le festival de la citoyenneté : en 2000, il a donné lieu à
plus de mille évènements sur l'ensemble du territoire. Les jeunes ont pu y
discuter de la citoyenneté et cela me paraît très important. L'information des
jeunes et leur égal accès aux nouvelles technologies sont aussi des priorités
de mon ministère. Le réseau information jeunesse représente mille cinq cent
lieux accueillant cinq millions de jeunes par an. Son financement global sera
porté de 48 millions de francs en 1998 à 57,7 millions de francs en 2001. J'ai
bien entendu, monsieur Marest, votre remarque sur la nécessité de veiller, eu
égard à l'augmentation de l'aide de l'Etat, à une répartition équitable entre
les régions. Le développement des points cyber-jeunes, auquel 20 millions de
francs seront consacrés en 2001, doit permettre un accès pour tous et toutes
aux nouvelles technologies. Mon souci est de prévenir l'émergence d'une société
à deux vitesses et que les jeunes qui ne disposent pas d'un ordinateur à leur
domicile puissent néanmoins accéder à ces nouvelles technologies.
Par ailleurs, vous le savez, les jeunes s'intéressent à la dimension
internationale des échanges. Je tiens à souligner que la rencontre que nous
avons organisée à Paris de quatre cent cinquante jeunes de l'Union européenne
et des pays candidats à l'Union européenne a été particulièrement riche, comme
l'a été la rencontre entre les quinze ministres de l'Union européenne et les
dix-huit jeunes issus de cette rencontre internationale. Ceux-ci ont demandé
qu'il ne s'agisse pas simplement d'un coup médiatique, mais que, sous chaque
présidence, soit organisée une telle rencontre de la jeunesse.
Plusieurs questions ont été posées sur l'Office franco-allemand de la
jeunesse, l'OFAJ, notamment par M. Vidal.
Il convient effectivement de modifier désormais les orientations de l'OFAJ.
Cette organisation a été créée pour favoriser la réconciliation. Je crois que
la jeunesse d'aujourd'hui est toujours attachée à ce devoir de mémoire et à ces
échanges franco-allemands, mais elle cherche une nouvelle utilité à ces
échanges, notamment sur le plan de la formation et de l'insertion
professionnelle et il faut répondre à cette attente.
Il importe également de développer davantage les échanges linguistiques entre
l'Allemagne et la France, car nous constatons de part et d'autre une baisse de
l'apprentissage du français en Allemagne et de l'allemand en France ; ce souci
est partagé par nos deux pays.
Bien entendu, l'effort en faveur des vacances et des loisirs des jeunes sera
poursuivi, madame Luc, qu'il s'agisse des contrôles pour garantir la sécurité
et la qualité des séjours ou de l'aide à la rénovation et à la mise aux normes
de sécurité et d'hygiène.
Troisième objectif du présent projet de budget : aider au développement de
tous les niveaux de pratiques sportives.
Chacun d'entre vous a souligné les bons résultats enregistrés par nos équipes
aux jeux Olympiques et Paralympiques. Cela doit nous encourager à poursuivre
notre effort pour le développement du sport.
Nous allons tirer les enseignements des résultats contrastés obtenus par nos
athlètes. Nous avons déjà eu plusieurs réunions avec la fédération
d'athlétisme. J'ai rencontré son président, je le rencontrerai de nouveau dans
les prochains jours. Les cadres techniques ont également été réunis. J'ai reçu
le groupement des athlètes et d'autres partenaires. Nous devrions pouvoir
annoncer avant la fin de l'année, conjointement, fédération et ministère, un
plan pour le redressement de cette fédération. Je crois qu'il y a une volonté
commune d'y travailler.
Enfin, la réunion, le 20 décembre prochain, de la Commission nationale du
sport de haut niveau va revêtir une importance particulière, puisque nous
allons aborder la question de la définition des missions de la commission du
groupement d'intérêt public « préparation olympique » et surtout de l'INSEP,
dont il faut revaloriser les objectifs. Outre les manifestations sportives
internationales, très nombreuses - vous l'avez souligné, monsieur Lagauche -
nous allons, bien sûr, poursuivre notre action en vue de la candidature de
Paris en 2008 aux jeux Olympiques et Paralympiques, grâce à une contribution de
27,5 millions de francs en 2001.
Nombre d'entre vous ont souligné l'importance du handisport pour le plaisir,
le joie et l'insertion à travers le sport des personnes touchées par le
handicap. Je partage l'opinion émise par M. Bordas et plusieurs d'entre vous :
il faut consacrer devantage de moyens au développement du handisport.
Nous avons multiplié par deux les subventions à la fédération handisport et
nous poursuivrons cet effort en développant les moyens financiers et humains.
En effet, le grand problème, c'est bien sûr l'encadrement, mais aussi
l'accompagnement de nos sportifs. Nous avons décidé, avec M. Lang et Mme
Gillot, la mise en place d'un groupe de travail, très attendu par les
fédérations handisport, chargé de traiter de l'accès à la pratique sportive des
jeunes handicapés à l'école et dans les établissements spécialisés. Je souhaite
également apporter un soin particulier à la préparation des championnats du
monde d'athlétisme handisport qui auront lieu à Villeneuve-d'Ascq.
Le sport de haut niveau s'appuie, on le sait, sur l'accessibilité de toutes et
de tous. Cela exige de donner aux clubs les moyens nécessaires à leur
développement et à l'accueil des jeunes. Je m'y emploie.
Plus largement, puisque nous avons abordé la question du FNDS, je souligne que
nous avons suivi les conseils de M. Sergent en améliorant la consommation des
programmes, en reportant sur le budget de l'Etat des sommes qui avaient été
indûment portées sur le FNDS et en associant les élus au plan régional à la
répartition des fonds du FNDS. Ce n'est qu'un début de progrès, je le sais, et
seul un budget supérieur permettra de nouveau le redéploiement vers le budget
de l'Etat.
Mais nous avons augmenté depuis trois ans la part régionale du FNDS de 40 %,
ce qui nous a permis d'accroître le nombre des clubs bénéficiaires de 32 % et
de passer d'un montant moyen de subvention de 4 500 francs à 6 000 francs.
D'ailleurs, dans mes déplacements, je vois que les petits clubs commencent à
sentir les effets de cette augmentation de la part régionale.
Le fonds Sastre nous a permis d'aider 498 projets, pour 73 millions de francs.
Nous allons de nouveau distribuer des subventions, le 7 décembre prochain, pour
utiliser de la meilleure façon possible les 285 millions de francs que nous
attendons de ce fonds.
Le fonds de mutualisation, alimenté par le produit de la taxe de 5 % sur les
droits de diffusion, va donner son plein effet en 2001. Il est vrai qu'à la fin
du mois d'octobre nous n'avions perçu que 24 millions de francs pour l'année
2000. Mais, je le rappelle, la loi n'a été votée qu'au mois de juin, et les
contrats sont signés plutôt en début d'année. Je pense donc que cette somme va
augmenter. Nous ferons un bilan pour 2000 à la fin du mois de janvier ; nous
n'atteindrons peut-être pas 75 millions de francs, mais je pense qu'en 2001
nous pourrons arriver à 150 millions de francs.
Je ne veux pas m'étendre sur le golf mais, la question ayant été posée par M.
Vidal, je le prends comme exemple de sport qu'il faut aider à se démocratiser.
Pour faciliter l'accès à ce sport, le FNDS nous a permis un certain nombre de
mesures, notamment pour la création de « golfs compacts » permettant une
pratique plus urbaine du golf, donc un accès plus facile pour la population des
villes, notamment les jeunes. Nous tentons de défendre le golf public par
rapport au golf commercial, qui, petit à petit, envahit les terrains, laissant
peu de place aux associations sportives de golf.
Permettre l'accès à ces clubs du plus grand nombre demande des mesures
incitatives complémentaires. Nous allons augmenter encore la part consacrée aux
coupons-sports. Cette initiative prend une réelle importance et notamment dans
les départements les plus touchés par les problèmes sociaux et qui, souvent,
ont moins de licenciés que d'autres ; l'efficacité de cette aide est reconnue ;
elle demande un effort particulier.
Certes, monsieur Sergent, j'estime, comme vous, que les 76 millions de francs
d'indemnité que l'Etat doit verser au consortium exploitant le Stade de France
pourraient très certainement servir à financer des actions plus légitimes et
plus utiles au mouvement sportif. Cette charge, vous le savez, nous est imposée
par les termes de la convention de concession signée en 1995 par le
gouvernement de M. Balladur.
M. Alain Joyandet.
Qu'auriez-vous fait sans le Stade de France pour le Mondial ?
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Devant les difficultés à trouver
un club résident, l'Etat vient de désigner un négociateur chargé de réexaminer
avec le consortium l'équilibre de cette convention de concession, d'autant plus
que, je le rappelle, l'exploitation du stade est aujourd'hui bénéficiaire.
Je souhaite terminer ce volet consacré au sport sur une note plus positive. Je
puis vous indiquer aujourd'hui avec certitude que le Conseil européen de Nice
pourra adopter une déclaration annexée à ses conclusions reconnaissant les
caractéristiques spécifiques du sport et ses fonctions sociales, et donc leur
prise en compte dans la mise en oeuvre des politiques communes.
Ce fut une très longue bataille. Nous avons beaucoup discuté avec la
Commission, avec les quinze pays de l'Union européenne, et nous sommes parvenus
à un consensus, notamment sur le rôle central des fédérations sportives par
rapport à l'organisation privée de compétitions, sur la cohésion du mouvement
sportif, sur les liens de solidarité entre toutes les pratiques, sur la
préservation des clubs formateurs ou la protection des jeunes sportifs. Nous
avons pu également faire inscrire la place du handisport. Nous abordons
également, dans cette déclaration, la question fondamentale des transferts de
joueurs. Soyez persuadé, monsieur Bordas, que je me suis beaucoup investie dans
ce dossier afin que nous aboutissions à un compromis entre le mouvement sportif
international et la Commission, car rien ne serait plus grave que le maintien
de la situation actuelle ou une déréglementation encore plus importante.
Vous avez abordé les questions de fiscalité. Nous avançons, notamment par
rapport à la TVA sur la billetterie. Des groupes de travail se mettent en place
au niveau du secrétariat d'Etat de Mme Parly. Nous avançons également en ce qui
concerne la fiscalité des joueurs.
Concernant le décret sur les subventions publiques aux clubs professionnels,
cela fait, hélas ! six mois qu'il est bloqué au niveau de la Commission
européenne après avoir fait de multiples allers et retours. Nous avons pourtant
répondu à toutes les questions que nous posait la Commission européenne.
J'espère que nous obtiendrons la signature de ce décret pour l'année 2001 et
que les subventions publiques pourront être attribuées d'une façon tout à fait
normale.
Je vous signale tout de même qu'un des arguments de la Commission européenne
consistait à soutenir que, la formation des jeunes étant de la valeur ajoutée,
elle ne pouvait pas être subventionnée par de l'argent public ! Vous voyez quel
handicap nous avons dû surmonter.
Quatrième objectif : intensifier l'action pour la santé des sportifs et la
lutte contre le dopage.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Marest, il faut faire un effort permanent
et continu pour la prévention et l'éducation. Je retiens donc votre idée de
lancer une nouvelle campagne en ce sens.
Nous avons encore augmenté les crédits pour la lutte contre le dopage, qui
sont passés de 37 millions de francs en 1997 à 133 millions de francs en 2001.
Nous voulons étendre le suivi médical à l'ensemble des sportifs de haut niveau
et donner plus de moyens à notre laboratoire national de dépistage du
dopage.
A propos de ce laboratoire, la presse a fait état dernièrement de prétendues
oppositions entre le président du CIO et la ministre de la jeunesse et des
sports sur l'utilisation des prélèvements. Le problème vient du délai pris par
le CIO à valider ce test. En effet, à chaque fois, M. Samaranch, président du
CIO, m'écrit pour me confirmer que ce test est très positif, très intéressant,
mais la validation n'intervient toujours pas.
Je dois vous informer, si vous ne l'avez pas lu dans la presse ce matin, que,
dans le cadre d'une procédure judiciaire, le juge Château a décidé de
perquisitionner dans les locaux du laboratoire hier, y a saisi un certain
nombre de ces prélèvements et a demandé que les scellés soient posés sur les
autres. La justice applique donc la loi que vous avez adoptée en 1999.
Les médecins régionaux sont en place. S'agissant des antennes médicales, je
vous annonce une bonne nouvelle : nous avons reçu hier la circulaire signée par
l'ensemble des ministres concernés.
M. James Bordas,
rapporteur pour avis.
C'est Noël !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Nous sommes prêts à les mettre en
place dès maintenant à Lille et à Toulouse. Par conséquent, nous allons pouvoir
avancer avec au moins deux créations d'antenne très rapidement, comme vous le
souhaitez, monsieur Bordas.
MM. Lagauche et Vidal ont insisté sur la nécessité d'internationaliser cette
lutte ; je partage complètement leur point de vue. C'est l'action que nous
menons sur le plan européen et, vous l'avez constaté, c'est fait, l'Europe a
décidé de participer officiellement à l'Agence mondiale anti-dopage et à son
financement. La présidence de l'Union européenne et la commissaire concernée
participeront dorénavant aux travaux de la conférence.
Sur le dossier de la violence, nous avançons, monsieur Herment. Après avoir
étendu à vingt-six départements le dispositif que nous avions mis en place en
Seine-Saint-Denis et qui avait montré son efficacité, nous allons
progressivement, en concertation avec le ministère de l'intérieur, le
généraliser à l'ensemble des départements.
Cinquième objectif, monsieur Lagauche, le soutien aux associations,
l'encouragement aux bénévoles, le développement de l'éducation populaire.
L'aide aux associations nationales de jeunesse et d'éducation populaire sera
portée de 52 millions de francs à 65 millions de francs, dont une partie
significative pour leur fonctionnement.
Le développement du FNDVA est en train de s'améliorer grâce aux nouvelles
dispositions que nous avons prises et vous avez été plusieurs à souligner
l'importance des postes FONJEP et de leur augmentation.
Je ne sais pas si nous allons aboutir sur le statut des bénévoles, mais il est
certain que, à partir des premières mesures que nous avons arrêtées grâce au
Sénat et à l'Assemblée nationale, nous allons continuer, pour fêter, en 2001,
le centenaire de la loi sur les associations avec de nouvelles mesures.
Enfin, sur le sixième objectif, c'est-à-dire les CEL, vous avez raison
d'insister sur le fait que ces contrats éducatifs locaux sont utilisés très
fortement par les petites communes comme moyens de développer les activités
artistiques et sportives. Nous avons inscrit 45 millions de francs de mesures
nouvelles pour les financer.
Tels sont les six chantiers prioritaires que je voulais vous présenter. J'ai
essayé, dans la mesure du temps qui m'était imparti - à une minute près - de
répondre aux principales questions que vous avez posées.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les
travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la jeunesse
et les sports et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 154 390 535 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 241 717 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 46 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 23 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 70 588 000 francs ;
« Crédits de paiement : 38 088 000 francs. »
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre VI.
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Bien entendu, nous allons suivre les conseils de la commission, nous allons
être fair-play.
Je voudrais cependant relever ce qu'a dit Mme la ministre tout à l'heure, en
réponse à notre collègue Serge Lagauche concernant le Stade de France. Je suis
étonné qu'à l'occasion de l'examen de ce projet de budget, au moment où, ici,
au Sénat, se dégage un large accord sur les crédits du sport, Mme la ministre
regrette presque que l'on ait fait un Stade de France.
(Mme le ministre fait
un signe de dénégation.)
Mme la ministre regrette que les crédits ne
puissent être utilisés à autre chose qu'à respecter les termes d'une convention
qui a été passée pour continuer à payer cet équipement érigé sur la ville de
Saint-Denis, ville qu'elle doit bien connaître !
Il me semble pourtant avoir beaucoup vu Mme la ministre à la télévision, au
moment de cette fameuse finale de la Coupe du monde de football, qui a tout de
même été un moment historique pour notre pays. Je pensais qu'en tant que
ministre des sports elle aurait pu répondre que ces crédits étaient bien
nécessaires pour assumer l'héritage positif de ce grand événement mondial. Que
Mme la ministre ne se montre pas plus « sport » m'a beaucoup choqué.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur,
entendons-nous bien, je me félicite de l'existence du Stade de France et je
pense même qu'il sera notre principal atout pour obtenir l'organisation des
jeux Olympiques de 2008.
M. Alain Joyandet.
Voilà ! Il fallait le dire !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Laissez-moi poursuivre, monsieur
le sénateur. Le problème, je l'ai dit très clairement, tient non pas au Stade
de France ou à la gestion du consortium, mais à une clause du contrat...
M. Roland Muzeau.
C'est ça !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
... qui nous oblige, alors même
que le Stade est bénéficiaire depuis deux ans, à verser une sorte d'indemnité
pour absence de club résident.
C'est cela que nous allons renégocier. Voilà ce que j'ai dit.
M. Alain Joyandet.
Non, ce n'est pas ce que vous avez dit !
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Je pense que votre interprétation
dépassait très largement l'ambition de mon propos.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la jeunesse et les sports.
Mes chers collègues, pour laisser à M. le ministre délégué à la ville le temps
de gagner l'hémicycle, nous allons interrompre nos travaux quelques
instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures
cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Emploi et solidarité
III. - VILLE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la ville pour 2001 est,
une fois encore, annoncé en forte progression de 70 % par rapport au budget de
l'année dernière. Mais il ne s'agit que de 3 milliards de francs sur les 40
milliards de francs annoncés.
Depuis déjà plusieurs années, le Gouvernement s'évertue à démontrer le
caractère prioritaire de la politique de la ville. Il ne s'agit
malheureusement, que d'une politique en trompe-l'oeil, d'un discours de façade
qui tend à pallier les lacunes structurelles et budgétaires de cette
politique.
Comment mettre en oeuvre une véritable politique de la ville lorsque les
crédits strictement affectés à la ville ne représentent que la partie immergée
de l'iceberg : 3 milliards de francs sur les 40 milliards de francs annoncés ?
En effet, la principale caractéristique de la politique de la ville demeure
l'interministérialité. Aussi est-ce là un bon moyen pour le Gouvernement de
donner l'illusion d'une action forte en direction de nos banlieues alors que,
en réalité, la complexité des structures administratives rend quasiment
impossible la réalisation d'actions fortes en cette matière.
Par exemple, votre ministère a constaté que, dans certains territoires situés
en contrat de ville, les crédits d'Etat étaient moindres que pour les
territoires « de droit commun », l'apport de crédits spécifiques « ville »
produisant un effet d'éviction à l'égard des autres ministères. Ce constat est
tout simplement édifiant : à quoi sert-il de définir des périmètres
spécifiques, d'engager des études préalables coûteuses et de multiplier les
annonces si, sur le terrain, l'effet obtenu est contraire à celui qui est
attendu ?
Enfin, la multiplication des procédures dites « contractuelles » conduit
parfois les différents services de l'Etat à tenir des discours contradictoires
aux maires et aux bailleurs sociaux.
On ne pourra concevoir une politique de la ville forte sans une concentration
des moyens aux mains du ministère de la ville et une relation beaucoup plus
étroite, au niveau déconcentré, entre le maire et le préfet. Ce sont les
acteurs de terrain qui doivent définir les priorités au cas par cas et, pour ce
faire, une plus grande souplesse est nécessaire.
Aujourd'hui, un constat s'impose : la complexité des structures chargées de
mettre en oeuvre la politique de la ville tue la ville. Ce qui reposait sur une
bonne approche du terrain, sur le secteur associatif et, au final, sur les élus
locaux est désormais étouffé sous l'appareil administratif.
Il convient de faciliter l'utilisation des crédits, d'éviter les lourdeurs
administratives et de permettre une meilleure évaluation des actions menées,
car c'est peu de chose que de dire que celle-ci est lacunaire : il n'existe
aucune évaluation qualitative des résultats obtenus par les différentes
politiques.
Une telle situation vous a conduit à remettre en cause dans un premier temps
le dispositif des zones franches urbaines, les ZFU, condamnant les « effets
d'aubaine » et le coût de cette expérience. Or, devant la levée de boucliers
des maires, toutes tendances politiques confondues, vous avez dû, monsieur le
ministre, vous rendre à l'évidence : les zones franches, ça marche, et il faut
prévoir de prolonger le dispositif au-delà de 2002. C'est pourquoi vous
proposez une fusion des zones franches urbaines et des zones de redynamisation
urbaine, proposition qu'il faut saluer comme un retour à la raison du
Gouvernement.
Que faire alors pour définir une véritable politique de la ville qui soit
efficace et qui atteigne des objectifs clairement définis ?
Trois objectifs nous paraissent prioritaires : le logement avant tout, la
sécurité et la relance par l'économie.
En premier lieu, le logement : nous avons besoin d'un véritable « plan
Marshall » à destination de nos banlieues, ce qui implique notamment un vrai
programme de reconstruction-démolition. Lors de la discussion du budget de la
ville à l'Assemblée nationale, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que «
le tabou de la démolition était levé ». Alors, levons-le, mais pas avec les 10
000 logements prévus pour 2001 ! Prenons de vrais moyens et lançons des
opérations de grande envergure.
Il faut construire de nouveaux logements sociaux. A cet égard, le Gouvernement
a tenté de donner une réponse forte en imposant, dans la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, des sanctions pécuniaires pour les
communes qui ne construiraient pas assez de logements sociaux.
Cette disposition ne constitue pas une réponse adaptée au problème du
logement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les communes riches sont souvent confrontées à des problèmes
fonciers importants et préféreront, de toute évidence, payer des pénalités
plutôt que de construire des logements sociaux.
Deuxièmement, si ces communes construisent des logements, elles attireront les
familles les plus solvables et renforceront ainsi la ségrégation sociale, ce
qui va à l'encontre de l'objectif recherché.
Pour résoudre le problème du logement, le Gouvernement s'engage également dans
un programme de renouvellement urbain dont le point fort est la mise en oeuvre
de cinquante grands projets de ville, appelés à remplacer et à étendre le champ
d'intervention des grands projets urbains.
Les moyens qui y sont affectés sont insuffisants. Ils restent modestes
puisqu'ils représentent un taux de subvention moyen de 30 %, ce qui va
contraindre les communes pauvres à se lancer dans une incertaine tournée des
guichets ou à accroître la pression fiscale pour financer les dépenses
nécessaires.
On le voit bien, la question du logement est au coeur de la politique de la
ville. Elle va de pair avec un autre problème majeur : la question de la
sécurité, qui fait l'objet de ma deuxième remarque. Le problème de la sécurité
dans les quartiers est l'une des composantes essentielles de toute action en
faveur de la politique de la ville : on ne peut « Refaire la ville », comme
s'en prévaut le Gouvernement, sans assurer la sécurité dans les quartiers.
Que propose le Gouvernement sur ce point ? Les contrats locaux de sécurité ?
Ils sont inefficaces. J'en veux pour preuve le fait qu'il est question de les
relancer. Police et justice ne savent d'ailleurs plus quoi faire. En effet, à
quoi cela sert-il d'arrêter les responsables de nuisances s'ils sont
immédiatement remis en liberté ?
Nous sommes tous interpellés, monsieur le ministre, par le sort complaisant
qui est réservé aux « sauvageons ». Tant qu'ils apparaîtront comme des modèles
impunis, nos villes ne retrouveront pas la sérénité tant souhaitée.
Enfin - et c'est là le dernier point que je souhaite aborder pour la
définition d'une véritable politique de la ville -, il me semble indispensable
de donner une inflexion forte en direction de la relance par l'économie. Le
Gouvernement a mis en place un fonds de revitalisation. L'intention est
louable, mais les moyens ne sont pas, une fois encore, à la hauteur des enjeux.
Ce nouveau fonds présentera cependant l'avantage de la souplesse, puisqu'il
pourra aussi bien accorder des aides au fonctionnement que des aides à
l'investissement pour les petites entreprises implantées dans les zones
urbaines sensibles.
Je salue une bonne nouvelle, monsieur le ministre, à savoir la fin de la
remise en cause des zones franches par le Gouvernement. Cette décision va dans
le bon sens, puisqu'elle reconnaît l'utilité des expériences qui existent
depuis quatre ans. On commence d'ailleurs à peine à évaluer les effets
bénéfiques des zones franches urbaines. Il est donc souhaitable de pérenniser
l'expérience pour qu'elle apporte la preuve de son efficacité.
J'ai pu constater, en visitant des zones franches, l'intérêt d'un tel
dispositif permettant de refaire vivre des quartiers qui se transformaient en
véritables friches commerciales, de donner du travail à des habitants des
quartiers, et de créer une dynamique, à laquelle participent l'ensemble des
acteurs concernés. Si des effets d'aubaine existent - et vous les avez
d'ailleurs souvent dénoncés, monsieur le ministre - ils sont minimes et ne
doivent pas porter préjudice à la grande majorité des acteurs qui ont accepté
de relever ce défi courageux de s'implanter dans des zones difficiles. Je pense
que cette relance par l'économie est indispensable ; c'est elle qui redonnera
vie à nos quartiers et permettra aux jeunes qui, aujourd'hui, sont sans emploi,
de retrouver une dignité par le travail.
Il est de loin préférable, monsieur le ministre, d'attirer des entreprises
dans les quartiers, plutôt que de développer des dispositifs d'assistance.
Mieux vaut quelques exonérations pour les entreprises qui proposeront des
emplois aux jeunes plutôt que d'offrir à ces derniers, par exemple, des «
adultes-relais ».
Vous le voyez, le projet de budget, tel qu'il nous est présenté, ne répond pas
du tout aux problèmes qui se posent, même si un certain nombre d'avancées sont
constatées. Que ce soit en matière de logement, de sécurité ou d'emplois réels
pour les jeunes, nous constatons sur le terrain que votre politique de la
ville, monsieur le ministre, ne marche pas.
Si vos déclarations, comme je le reconnais, sont souvent justes, le
Gouvernement ne vous donne ni l'organisation ni les moyens pour réussir.
C'est pourquoi la commission des finances vous propose, mes chers collègues,
de rejeter les crédits de la ville pour 2001.
(Applaudissements sur les
travées du groupe du RPR.)
M. Roland Muzeau.
Incroyable !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le ministre, après l'exposé très complet de notre collègue Alain
Joyandet, vous me permettrez d'évoquer les résultats obtenus dans les zones
franches urbaines, puis quelques sujets de portée interministérielle, avant de
vous rendre compte de la visite que j'ai effectuée dans la ZFU de
Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne, autant de sujets qui me conduiront à
vous poser cinq questions précises.
Le nombre d'emplois salariés bénéficiant de mesures d'exonération sociale dans
les ZFU est passé de 42 635, en 1998, à plus de 50 000 en 1999, soit une
croissance de 18 %. La proportion des salariés résidant en zone franche serait
d'au moins 20 %, ce qui répond à l'obligation fixée par le législateur en
1996.
Cependant, la question du devenir des zones franches urbaines est désormais
posée. Tous les comités d'orientation et de surveillance consultés sur l'avenir
de ces zones ont souligné le risque que représenterait une interruption brutale
des régimes dérogatoires d'exonérations et ont proposé un dispositif de
transition avant le retour au droit commun.
Le Gouvernement semble avoir la sagesse de conserver le dispositif actuel ; il
faut qu'il trouve le courage d'en exploiter toutes les possibilités.
Il y a d'autant plus intérêt à suivre cette direction que les chiffres que
vient de nous transmettre l'association des villes ayant des zones franches
urbaines montrent que celles-ci sont un réel succès.
Le nombre des entreprises a progressé dans une fourchette allant de 1,4 à 2,8,
tandis que le nombre d'emplois a crû dans une proportion qui varie entre 1,6 et
3 par rapport à la situation initiale. Quant aux transferts d'entreprises, le
cabinet Ernst et Young, qui a réalisé cette étude pour l'association des villes
ayant des zones franches urbaines, estime que « les entreprises issues d'un
transfert sont généralement plus importantes en effectifs, plus assurées sur
leur marché et prêtes à investir plus durablement que les créations ». Voilà
pour le commentaire !
On constate d'ailleurs que, bien souvent, les emplois créés sont non pas des
emplois précaires mais des emplois à temps plein, occupés par des personnes peu
qualifiées au départ.
J'ajoute que, selon le cabinet d'audit précité, « aucun dispositif d'aide ne
semble aussi attractif que celui des ZFU », car il constitue « une aide globale
sur longue période », alors même qu'il est nettement moins coûteux par emploi :
l'exonération d'un emploi salarié sur un an n'est-elle pas de 49 000 francs
pour un contrat initiative-emploi et de 37 000 pour un salaire supérieur au
SMIC en zone franche urbaine ? J'en arrive, monsieur le ministre, à ma question
: qu'envisagez-vous très clairement de faire, à l'issue de la période de cinq
ans, pour les zones franches urbaines ? Nous attendons votre réponse.
M. Roland Muzeau.
Il faut en sortir !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
J'en viens aux sujets « transversaux », sujets
essentiels, comme l'est celui de la violence.
Je centrerai mon propos sur le thème de la sécurité, qui est le préalable de
toute politique de la ville, si ambitieuse soit-elle.
J'insisterai, en premier lieu, sur la nécessité de lutter contre la
délinquance des mineurs. J'aimerais avoir la confirmation que l'exécutif est
toujours soucieux de ramener dans le droit chemin ceux que l'un de ses
ministres qualifiait, voilà trois ans, de « sauvageons » et qu'Alain Joyandet
vient également d'évoquer.
J'observe, au demeurant, que nous sommes confrontés à une évolution des formes
de violence de rue : les délinquants sont de plus en plus jeunes ; les
agressions de molossoïdes se multiplient et, aujourd'hui, dans la région
parisienne celles des singes magots, qui semblent remplacer les molossoïdes.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : pour lutter contre la
délinquance juvénile, combien d'unités d'encadrement renforcé le Gouvernement
envisage-t-il de créer dans les mois à venir ? Voilà une question précise qui
attend une réponse précise !
Je souhaite, enfin, vous présenter les observations faites sur le terrain lors
de ma visite à Montereau-Fault-Yonne, cité dont l'origine remonte à la Condate
gallo-romaine, et qui n'aurait jamais eu à connaître de la « politique de la
ville » si, à la fin des années cinquante, l'Etat n'avait décidé, notamment au
travers de ses grands services, d'y construire de grands ensembles, puis de les
abandonner, sans y adjoindre les éléments du développement économique.
Le premier problème rencontré est celui du logement. Le parc de logements du
quartier de Surville, qui représente près des deux tiers de la population de la
ville, ne répond manifestement pas aux attentes des habitants. On dénombre 400
logements vacants. Le taux de vacance au rez-de-chaussée est, dans la plupart
des immeubles, de 50 %.
Afin d'améliorer le parc existant, l'office d'HLM local a fait poser, entre
1997 et 1999, pour améliorer la qualité de la vie, 1 400 portes blindées. Voilà
un élément positif de la politique de la ville !
Il serait souhaitable, comme le recommande le maire, Yves Jego, de faciliter
l'installation de propriétaires privés, de favoriser, ce faisant, la mixité
sociale, donc la diversité, dans ce quartier où 90 % des logements locatifs
sont collectifs. La présence d'une population de propriétaires serait de nature
à rééquilibrer la sociologie du quartier. Comme le disait le maire : « Quand
l'ascenseur social fonctionne, ceux qui le prennent quittent le quartier ». Ils
s'en vont dans la basse ville ou dans les villages alentour.
C'est cette tendance qu'il faut inverser, en engageant de grandes opérations
de démolition-reconstruction, et notamment en reconstruisant autour d'habitats
individuels diversifiés, comme le disait Alain Joyandet.
D'où ma question, monsieur le ministre : à partir de l'exemple de
Montereau-Fault-Yonne, envisagez-vous, au plan national, d'accélérer le
programme de démolition-reconstruction ?
Le quartier de Surville souffre d'un déficit d'image. Selon l'un de mes
interlocuteurs, un cambriolage qui serait appelé « fait divers » à
Fontainebleau ou à Melun devient un « fait de société » à Surville. Ce
phénomène d'ostracisme occasionne de graves dommages et occulte le succès de
certains jeunes, à l'instar de ces deux élèves de Surville dont l'une est
devenue, il y a quelques mois, docteur en mathématique et en informatique et
l'autre pilote de ligne. Personne n'en parle ! Lorsque l'on est jeune en
banlieue, on n'est pas forcément un voyou !
Voilà qui me conduit, monsieur le ministre, à vous poser ma quatrième question
: envisagez-vous d'encourager les médias à respecter davantage la déontologie
lorsqu'ils abordent le sujet de la ville ?
Vous me permettrez, à cet égard, de faire référence à l'amende requise par le
parquet, le 15 novembre dernier, contre les éditions Hachette-Filipacchi pour
la parution dans le magazine
Entrevue
d'un reportage où l'on voyait de «
faux jeunes » balancer un frigo sur de faux policiers, et dont le titre était :
« Banlieues, la chasse aux flics est ouverte ».
Un reportage « bidonné », des interview bidonnées avec des réponses bidonnées,
tout cela, naturellement, détruit le travail de reconstruction qu'accomplissent
les municipalités, les animateurs, les éducateurs. On ne peut donc pas rester
sans réponse, sur le plan de la déontologie, face à de tels agissements.
Oui, les problèmes rencontrés sont très lourds à gérer pour une ville moyenne
de 17 600 habitants, dont 12 000 dans le seul quartier de Surville ! Les
réponses des services municipaux ne peuvent être calibrées à la dimension des
problèmes que pose ce grand ensemble, d'autant que Montereau ne bénéficie
d'aucun avantage par rapport aux autre villes ayant des ZFU. Ainsi, la commune
ne peut pas recruter un administrateur territorial, dont le barème de
rémunération est exclusivement fonction du classement démographique.
D'où ma cinquième et dernière question, monsieur le ministre : eu égard à la
complexité des procédures et à la nécessité de disposer d'équipes stables dans
leur composition, ne conviendrait-il pas d'instituer un « surclassement
démographique » au bénéfice de ces communes de taille moyenne qui ont besoin
d'une politique de la ville ?
Le renouvellement urbain, nous l'avons évoqué ; il ne suffira pas, dans ce
quartier, de démolir 270 logements. La ZFU Montereau, c'est aussi soixante et
une entreprises supplémentaires, correspondant à 230 emplois nouveaux, c'est le
transfert de quinze entreprises employant soixante-quinze salariés.
Donc, pour ce qui est des ZFU, le pacte de relance pour la ville, cela marche,
et je sais que Nelly Olin, qui conduit sa commune avec le courage et la volonté
que l'on sait, en est également persuadée.
Mme Nelly Olin.
Merci, mon cher collègue !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Alors, parce que la politique de la ville doit
aussi être transversale, au regard de nos choix, la commission des affaires
économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des
crédits de la ville incrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union cntriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Le troisième
projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, affiche une
hausse spectaculaire de 70 %. Il est vrai qu'il enregistre en partie l'effet
des nouvelles mesures pour la ville décidées à la fin de 1999 et qui n'avaient
donc pu être entièrement transcrites dans le budget pour 2000.
Vous vous souvenez que, l'année dernière, à la même époque, nous regrettions
de devoir nous prononcer sans connaître le mesures qui allaient être annoncées
lors du comité interministériel des villes, CIV, du 14 décembre 1999. Le
Premier ministre a donc annoncé son programme « pour des villes renouvelées et
solidaires », nous permettant, enfin, de connaître la ligne d'action du
Gouvernement que nous attendions impatiemment depuis 1997.
Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales a reconnu que votre
projet de budget pour 2001 présentait des aspects positifs, mais, en même
temps, elle s'est montrée très réservée sur certains des nouveaux instruments
de la politique de la ville.
Parmi les éléments de satisfaction, le fonds interministériel pour la ville,
le FIV, qui avait été mis en place en 1995 pour simplifier les procédures
interministérielles, atteindra près d'un milliard de francs en 2001. Le seul
regret est que les services déconcentrés sur le terrain aient du mal à gérer
les délégations de crédit dans un esprit de simplification et de rapidité.
Par ailleurs, ce budget amorce plus clairement le financement des cinquante
grands projets de ville, qui amplifient et prolongent les grands projets
urbains lancés par Mme Simone Veil en 1993. Ces projets auront des résultats si
la démarche ambitieuse qui est proposée est effectivement appliquée.
Enfin, l'augmentation des dépenses de fonctionnement du ministère en 2001
n'est plus consacrée au développement pléthorique des dépenses de
communication, que nous avions un peu regretté l'année dernière, elle est
utilement orientée vers le renforcement des moyens d'information et de conseil
aux chômeurs des quartiers difficiles à travers la mise en place des équipes
emploi-formation.
J'apporterai toutefois deux nuances.
La commission a regretté la stagnation, déjà constatée l'année dernière, des
moyens consacrés aux opérations « ville-vie-vacances » ; les collectivités
territoriales assurant l'accueil des jeunes sont très sollicitées, et elles ne
doivent pas être considérées comme une variable d'ajustement.
La commission a également regretté l'absence d'un véritable redéploiement des
dépenses de communication du ministère, car elle n'est toujours pas convaincue
des résultats.
Mais c'est sur la nouvelle politique proposée en matière de revitalisation
sociale et économique que la commission se déclare la plus réservée.
Le bilan du pacte de relance pour la ville de 1996, voulu par MM. Alain Juppé,
Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult, montre, dans les zones franches urbaines,
non seulement que l'hémorragie d'emplois des année quatre-vingt a été jugulée,
mais aussi que 40 000 embauches peuvent être réalisées dans des zones réputées
sinistrées, comme vient de le dire Gérard Larcher.
Pourtant, le Gouvernement maintient son option d'une sortie progressive du
dispositif à compter de 2002, tout en prenant son temps pour informer les
entreprises de leur avenir. Tout à l'heure, j'ai entendu dire, à gauche, qu'il
fallait en sortir. Je ne crois pas que ce soit la solution !
Les réticences du Gouvernement à l'égard des zones franches urbaines sont
excessives, d'autant que l'on peut douter de l'efficacité des alternatives
proposées.
S'agissant de l'emploi, le dispositif des adultes relais, largement inspiré
des emplois-jeunes, est, en fait, un instrument classique et coûteux de lutte
contre le chômage par la création d'emplois parapublics non marchands, qui
n'apporteront pas de garantie de réinsertion durable pour les intéressés.
L'autre inconvénient de ces emplois réservés, qui représentent tout de même,
au total, 2,8 milliards de francs de dépenses, c'est de laisser penser aux
habitants des banlieues difficiles qu'ils sont à part. Comme l'écrit un
éditorialiste dans un grand journal du soir peu suspect de sympathie envers la
majorité sénatoriale : « La multiplication des médiateurs, des personnes relais
ne fait qu'exacerber l'impression de constituer une population à part, à
laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des
Indiens dans leur réserve. »
Concernant le développement économique, le fonds de revitalisation économique
met certes en place des moyens nouveaux, mais la commission des affaires
sociales est perplexe sur l'efficacité de ce dispositif, qui obéit à une
logique dépassée d'économie administrée à l'aide de subventions et qui
n'échappera pas au risque de saupoudrage des moyens.
Pour avoir un effet tangible, ce fonds devrait être calculé moins chichement,
ce qui ne permettrait pas pour autant de lui assurer la même efficacité qu'un
mécanisme d'exonérations fiscales et sociales.
Enfin, monsieur le ministre, vous me permettrez de revenir sur le problème de
l'insécurité, que vient d'évoquer mon collègue Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, j'ai été à la fois choqué - je dis bien choqué - et
abasourdi à la lecture d'un article paru dans un hebdomadaire hier soir
concernant les viols collectifs dans les cités. On ne peut que condamner des
actes aussi révoltants.
Je souhaiterais qu'en matière de sécurité des actions vraiment fortes soient
engagées pour éviter que de tels actes puissent se produire. La lecture de cet
article m'a conforté dans mon opinion et dans l'avis que je dois vous présenter
: la commission des affaires sociales est défavorable à l'adoption du projet de
budget de la ville pour 2001 transmis par l'Assemblée nationale. Tant que vous
n'apporterez pas une réponse à de tels actes, la commission des affaires
sociales ne pourra qu'être opposée à ce projet de budget.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 22 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Devant l'étendue des problèmes accumulés et exacerbés dans nombre de
quartiers, de villes, de zones urbaines, on ne peut que se féliciter de voir,
pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de la ville en
augmentation. Celui-ci passe de 1,4 milliard de francs à 2,4 milliards de
francs, soit 70 % de progression d'un exercice à l'autre.
C'est d'autant plus positif que ces crédits s'inscrivent dans un effort de
revalorisation des moyens publics dévolus à la politique de la ville qui
atteint les 40 milliards de francs en moyens d'engagement, traduisant ainsi une
progression de 65 % en trois ans.
Face à ces chiffres, le vote de rejet annoncé par la droite est surréaliste !
Il n'est motivé que par une attitude politicienne et idéologique.
Ce budget traduit la volonté politique du Gouvernement et des années
d'initiatives multiformes des élus, toutes tendances politiques confondues
d'ailleurs, pour qu'existe enfin une politique de la ville impliquant les
partenaires locaux une politique qui ne se contente pas de mettre en place des
soins palliatifs pour « empêcher le pire », mais qui commence à aborder le
curatif.
Les situations sont si inégales dans notre pays que le ministère de la ville
ne peut à lui seul tout régler. Il convient plus que jamais que l'action
interministérielle se développe et que tous les efforts soient concentrés dans
ces lieux de « mal vie ».
L'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
constitue un bel exemple en la matière, et il est regrettable que la majorité
sénatoriale l'ait si fortement combattue et la combatte encore si fortement.
Des ressources nouvelles doivent être dégagées et réparties en fonction du
potentiel fiscal de la commune, du niveau social des populations.
Je souhaite toutefois vous alerter, monsieur le ministre, sur les blocages
rencontrés par les collectivités locales.
Les collectivités locales sont parties prenantes d'une politique contractuelle
volontariste qui s'attaque aux causes des maux urbains, mais il faut que l'Etat
fasse encore plus là où les communes ou les coopérations intercommunales sont
dans l'incapacité de monter financièrement les projets dont elles ont pourtant
le plus grand besoin. Et je doute que les 13 millions de francs d'aides aux
communes les plus pauvres engagées dans les grands projets de ville soient
suffisants. Pour nombre d'entre elles, financer 20 % ou 30 % des projets est
hors de portée, même en passant par l'emprunt.
Dans ces conditions, comment rattraper les retards accumulés ? Cela s'avère
d'autant plus difficile que le retour de la croissance alimente un sentiment où
se mêlent l'espoir et la frustration. En effet, si le chômage a tendance à
diminuer dans ces quartiers aussi, l'écart existant entre le taux de chômage
qui y est enregistré et celui du reste de la commune, du département ou de la
nation ne se réduit pas. Cela suscite beaucoup de colère, d'amertume et de
rancoeur, et donc de multiples tensions.
La couleur de peau et l'adresse qui figurent sur leur
curriculum vitae
sont autant d'éléments de discrimination qui, ajoutés au manque de formation,
continuent à peser très lourdement au moment de l'embauche. Il faut donc
résolument s'attaquer à l'apartheid social et spatial, à l'existence de
territoires de non-droits, ces territoires où le droit à la réussite scolaire,
le droit à un véritable emploi, le droit aux services publics, le droit à la
sécurité sont trop souvent bafoués.
Le risque patent que la croissance s'arrête aux portes des quartiers
populaires, avec tous les effets catastrophiques que nous connaissons ensuite,
mérite que cette question soit prise à bras-le-corps.
Il est très regrettable à cet égard que les moyens prévus pour l'emploi dans
le projet de budget soient en diminution de 1,9 %.
En ce qui concerne la politique contractuelle, les choses vont dans le bon
sens, mais les élus se plaignent toujours de la complexité des procédures. Il
faut aller plus loin dans la simplification des circuits et des procédures
d'agrément des dossiers.
Par ailleurs, l'Etat et les services publics doivent montrer toujours plus
l'exemple. Mais interrogeons-nous : tout est-il fait, vraiment fait pour
assurer l'égalité de traitement en matière d'établissements scolaires, de
présence de guichets postaux, de centres de sécurité sociale et de la CAF,
d'antennes de police ? Poser la question, c'est y répondre !
Au sujet de l'éducation nationale, il est insupportable qu'à chaque rentrée
scolaire le même constat soit fait : les nouveaux enseignants sont très
majoritairement des débutants sortants des IUFM avec, pour corollaire, une
absence totale d'expérience pour exercer leur métier dans des classes parmi les
plus délicates. Quand cette situation changera-t-elle ?
Enfin, s'il faut admettre que des efforts de simplification des circuits de
financement de la politique de la ville ont été entrepris, il reste que les
acteurs de terrain, en particulier les associations où les bénévoles assurent
un travail souvent exemplaire, ne disposent toujours pas de leurs crédits avant
de très longs mois et sont contraintes de déposer de nouveaux dossiers chaque
année, sans avoir la garantie qu'ils seront acceptés. Vive la programmation
pluriannuelle ! disiez-vous, monsieur le ministre. Qu'elle devienne la règle
!
Pourquoi, monsieur le ministre, l'expérience menée à Paris par la Caisse des
dépôts et consignations depuis deux ans et permettant d'assurer un fonds de
roulement au bénéfice des associations n'est-elle pas généralisée en 2001 dans
tous les sites ?
Reconnaissons vraiment le travail des associations et leur statut de
partenaires à part entière.
En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe
communiste républicain et citoyen votera donc ce bon budget en espérant que ses
remarques seront prises en compte et que le dialogue avec les collectivités
locales s'amplifiera.
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Je suis très heureuse, au nom du groupe socialiste, de défendre le budget de
la ville qui est, une fois encore, un excellent budget. Depuis votre entrée en
fonction, monsieur le ministre, le Gouvernement a entrepris une importante
revalorisation des crédits destinés à la politique de la ville. Elle s'est
traduite par une augmentation de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, elle sera de
8 % pour 2001. En tenant compte des nouvelles mesures concernant le
renouvellement urbain et l'emploi, les crédits de ce budget vont croître de 70
%.
Pour la troisième année consécutive, votre budget est donc celui qui bénéficie
de la plus forte augmentation. Il me semble également important de souligner
que, depuis 1998, l'effort consacré à la politique de la ville a été multiplié
par trois. Cette augmentation significative marque une volonté forte du
Gouvernemnet de faire de la politique de la ville une priorité et d'inscrire
celle-ci dans la durée.
Une telle politique n'est en effet efficace que si elle est durable, car nous
connaissons toutes et tous l'ampleur des problèmes.
Lutter contre l'exclusion dans les quartiers est l'objectif principal de votre
politique et il ne pourra être atteint que sur la base de projets solides et
durables. Ainsi, ce projet de budget qui vise à faire profiter les habitants
des quartiers de la croissance, à lancer le renouvellement urbain à grande
échelle et à conforter les moyens des nouveaux contrats de ville, permettra de
poursuivre et d'amplifier l'effort engager depuis deux ans.
Faire profiter les habitants des quartiers de la croissance est un objectif
très important, car il est indispensable de mettre définitivement fin à
l'étiquette « foyer de pauvreté et d'exclusion » qui colle encore aux grands
ensembles urbains. Six millions de personnes vivent dans des cités de banlieue
et beaucoup ont encore bien souvent le sentiment d'être reléguées dans une
société de seconde zone. C'est pourquoi vous nous proposez des actions de
proximité en vue de résorber le chômage qui perdure dans les cités.
A cet effet, cent cinquante équipes emploi-insertion articulées avec le
service public de l'emploi seront mises en place dans les quartiers. Il s'agit
là d'une excellente initiative.
Je souhaite citer en exemple un dispositif équivalent dans mon département.
Dans le cadre du précédent contrat de ville de l'agglomération thionvilloise,
des espaces citoyens ont été créés. Ces structures ont pour objet de faciliter
l'accès à l'information et à la recherche d'emploi, et d'organiser un relais
avec les structures déjà en place. Ces dispositifs sont très appréciés, et
personne ne saurait en contester l'efficacité. Vous avez, vous-même, pu le
constater, monsieur le ministre, lors de votre visite en Moselle voilà deux
ans. Je suis donc très optimiste quant aux résultats de ce dispositif nouveau
sur l'emploi.
Pour ce qui est du programme concernant les « adultes-relais », il contribuera
lui aussi à redonner à certaines personnes leur chance sur le marché du
travail. Les nombreux bénévoles déjà en place dans des structures telles que
les commissions locales dans le cadre des contrats de ville ou Vie Libre
oeuvrent dans ce sens et leur reconnaissance en tant qu'« adultes-relais » ne
pourra que favoriser davantage le dialogue entre les habitants et faciliter la
réinsertion des exclus.
Concernant l'objectif visant à conforter les moyens des nouveaux contrats de
ville, il est, lui aussi, essentiel, car il permettra aux élus et aux
associations de s'impliquer davantage dans la politique de la ville au travers
des subventions qu'ils recevront en vue de mener à bien leurs projets. J'ai
récemment rencontré des acteurs locaux qui appliquent et font mettre en oeuvre
la politique de la ville au quotidien. Ils se félicitent d'une telle
orientation car elle leur permettra de conforter les initiatives prises en
faveur des jeunes et de les développer.
Ainsi en sera-t-il par exemple pour le projet Mob-emploi, récemment mis en
place dans le cadre du contrat de ville, en vue d'aider les jeunes dans leurs
déplacements. Pour l'instant, il s'agit de la mise à disposition de mobylettes
pour effectuer des démarches en faveur de l'emploi et pour se rendre au
travail, car de nombreux jeunes ayant trouvé un emploi n'ont pas les moyens de
se déplacer. Beaucoup de projets fleurissent autour de cette idée : location de
voitures, aides au permis de conduire, co-voiturage, garages associatifs,
etc.
En fait, l'imagination et les idées ne manquent pas, et le fait de conforter
les moyens alloués permettra donc à beaucoup de projets, comme celui que je
viens de citer en exemple, de se développer.
Le fonds de participation des habitants qui permet de soutenir des
micro-initiatives au sein des quartiers a été reconduit, et c'est une très
bonne chose. Les acteurs présents sur le terrain sont tout à fait acquis à
cette idée, mais certains sont encore un peu démunis quant aux modalités
techniques qu'elle demande. C'est pourquoi il me semble important de
communiquer davantage sur ce plan, monsieur le ministre.
Certains critiquent la part de votre budget réservée à la communication. En ce
qui me concerne, je ne la trouve pas excessive, au contraire. Il faut
communiquer et informer plus. La demande émane du terrain, les acteurs ont
beaucoup d'idées et ils attendent les informations et, surtout, les éléments
techniques nécessaires à la mise en oeuvre de leurs projets.
Pour ce qui est du financement, le guichet unique est une avancée réelle, mais
le versement des subventions est quelquefois tardif et il peut retarder la mise
en oeuvre de certains projets dont les initiateurs ne possèdent pas les fonds
suffisants. L'objectif de raccourcir encore les délais répond tout à fait aux
attentes des intéressés, mais ne serait-il pas possible d'aller encore plus
loin en avançant à certaines associations les fonds nécessaires à la
réalisation de leurs projets en début d'année ? Ce point particulier ne
pourrait-il pas faire l'objet d'une réflexion avec le ministre des finances
?
Monsieur le ministre, les crédits de la ville ont « explosé » et les projets
fleurissent de toutes parts. Il est nécessaire de coordonner les initiatives. A
ce sujet, je souhaite vous interroger sur la revalorisation de la fonction des
sous-préfets pour la ville, chargés de mettre en oeuvre votre politique dans
les départements les plus concernés. Suivront-ils à l'avenir une formation
particulière ? Pourront-ils passer outre les sous-préfets d'arrondissement pour
prendre des décisions ? Seront-ils des coordinateurs et les animateurs des
équipes intervenant dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales
?
Pour ce qui est de ces dernières, monsieur le ministre, je souhaite appeler
votre attention sur le statut des chargés de mission et des chefs de projets
recrutés dans ce cadre. Malgré le rapport rendu cet été par Mme Claude Brévan,
il semble que leur statut reste inchangé et que ces personnes restent confinées
dans la précarité de leur poste, à savoir un recrutement contractuel
reconductible d'une année sur l'autre, sans avancement ni plan de carrière.
Connaissant leur implication dans la politique de la ville et l'efficacité de
leur travail, je pense qu'il est grand temps, puisque le Gouvernement a décidé
d'inscrire son action dans la durée, de s'interroger sur la
professionnalisation des chargés de mission et des chefs de projet.
Concernant toujours les contrats de ville, vous connaissez, monsieur le
ministre, le rôle que jouent les appelés du contingent dans la politique de la
ville et l'apport significatif qu'ils représentent pour les petites
associations. Ils sont de moins en moins nombreux et vont totalement
disparaître avec la professionnalisation des armées et la fin de la
conscription le 31 décembre 2002. Aussi faudra-t-il les remplacer. La première
« solution » qui me vient à l'esprit est de les relayer par des emplois-jeunes.
Mais un problème peut se poser pour les associations qui n'ont pas les moyens
de couvrir les 25 % du salaire qui reste à la charge de l'employeur. Ce
financement résiduel pourrait-il être assuré par les crédits consacrés à la
politique de la ville ? Les associations concernées pourraient-elles déposer un
dossier, dans le cadre des contrats de ville, en vue d'obtenir, en plus de la
part de l'Etat, le financement résiduel de ces contrats, dans la mesure où
l'action effectuée par ces emplois-jeunes relève des priorités de la politique
de la ville ?
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le programme national de
renouvellement urbain, qui est aussi un volet important de votre politique.
Il s'illustrera, dans les années qui viennent, par des investissements massifs
pour transformer certains quartiers dont l'urbanisme est dépassé. Ces
investissements pourront se traduire non seulement par une amélioration du
cadre de vie, mais aussi par la réalisation d'équipements nouveaux, culturels
et sportifs, qui structurent la vie des cités et contribuent à une meilleure
qualité de vie au coeur des banlieues.
Ce programme s'illustrera également par le renforcement des services publics,
qui ouvrent le quartier à toute la ville. Je ne cesserai d'affirmer
l'importance d'une telle politique. La présence massive de services publics de
qualité au sein des grands ensembles, qu'il s'agisse de la poste, des
transports publics ou des écoles primaires, est une condition nécessaire pour
que le quartier urbain ne vive pas en circuit fermé. Ces services sont autant
de « passerelles » vers la ville, d'ouvertures vers le monde et de moyens pour
enrayer l'exode des habitants.
Monsieur le ministre, l'orientation de votre politique est excellente, la
coordination doit être à la hauteur. Nous vous faisons confiance, à vous-même
et au Gouvernement, pour atteindre ces objectifs ambitieux. C'est pourquoi le
groupe socialiste votera ce projet de budget sans hésiter.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a affiché la priorité qu'il entend
donner à la politique de la ville. Nous ne pouvons pas contester l'augmentation
significative de votre budget. Toutefois, je regrette qu'elle ne soit pas à la
hauteur de votre ambition. Connaissant votre volonté de redresser nos villes,
je reste persuadée que vous partagez mes regrets.
Cela dit, vous vous en doutez, de nombreuses remarques s'imposent, les mêmes,
pour la plupart, que l'an passé, je le déplore, car nous n'avons pas
l'impression d'être souvent entendus.
Le processus de délégation des crédits au préfet s'inscrit dans un mouvement
de déconcentration de l'Etat ; c'est une bonne chose, car les décisions seront
ainsi prises plus près du terrain.
Toutefois, ce progrès est assombri par la forte intensification des exigences,
en termes de procédures et de contrôles, que les acteurs locaux et les maires
que nous sommes comprennent d'autant moins que ces procédures de plus en plus
laborieuses et longues constituent un handicap certain pour l'aboutissement des
dossiers. Quant aux moyens, s'ils sont, certes, en augmentation, ils sont
extrêmement difficiles à mobiliser.
Les mécanismes traditionnels de la politique de la ville permettent une bonne
concertation entre les services de l'Etat, les élus et les associations. Il est
dommage que l'amplification des exigences de contrôles administratif et
financier donne aux élus le sentiment bien décourageant d'être en faute, de
jouer le rôle de quémandeurs quelque peu irresponsables dont l'Etat devrait
réfréner la tentation qu'ils ont d'utiliser de manière inconsidérée les deniers
publics.
Monsieur le ministre, ce sont pourtant bien les élus - je sais que vous en
avez conscience et que vous le reconnaissez -, en contact permanent avec les
acteurs locaux, qui peuvent juger s'il est bon de placer des animateurs dans
tel quartier ou de financer telle association.
Ce que nous gagnons aujourd'hui en déconcentration des décisions, nous le
perdons en lourdeur des règles d'instruction et de notification des
financements.
L'engagement et la motivation des services locaux de l'Etat ne sont pas en
cause ; ils sont, eux aussi, confrontés aux difficultés que nous
rencontrons.
Je suis donc amenée à vous demander s'il existe une réelle volonté au niveau
national de voir se concrétiser sur le terrain les crédits de la politique de
la ville.
Il est grand temps que l'Etat modernise son fonctionnement et ses procédures.
Il y va de la crédibilité de l'action publique dans son ensemble.
Monsieur le ministre, lorsque cette dernière est mise en péril par les
lourdeurs de l'Etat, ce sont les élus qui sont en première ligne pour faire
face au mécontentement et au découragement bien légitimes de nos
concitoyens.
Les maires éprouvent donc de grandes difficultés à concrétiser sur le terrain
les projets du Gouvernement, fussent-ils positifs.
Je prendrai pour exemple les grands projets de ville, qui succèdent aux grands
projets urbains. Sur un même projet, le financement peut provenir à la fois de
l'Etat, de la région, du département, de l'Europe et, bien sûr, des
collectivités locales qui, pour certaines, ne se sont toujours pas prononcées
sur leurs intentions et leur mode d'intervention.
Les grands projets de ville restent, on l'a dit, financés pour une part par
les communes qui n'en ont pas toujours les moyens puisqu'ils s'adressent par
définition à des villes en difficulté ! La part communale reste encore bien
trop lourde, et nombreux sont malheureusement les projets mis en attente faute
de moyens.
La complexité du système de financements croisés nous amène parfois à faire
appel à de véritables bataillons de spécialistes pour préparer et suivre les
mêmes dossiers dans un dédale de circuits administratifs dont je renonce à vous
décrire l'ampleur !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
Mme Nelly Olin.
Au demeurant, ces spécialistes coûtent fort cher aux villes. On serait mieux
avisé de les utiliser pour ce qui est leur fonction première !
Ce système est d'autant plus générateur de déperdition de temps, d'énergie et
de compétences que l'Etat s'est avisé, depuis peu, de demander systématiquement
les preuves écrites des accords des autres financeurs avant de confirmer son
propre accord.
Vous imaginez, monsieur le ministre, à quoi cette nouvelle rigidité risque de
conduire si chaque financeur se met à exprimer les mêmes exigences ! Les
décisions n'étant jamais simultanées, chacun pourra différer à l'infini son
engagement en s'abritant derrière les lenteurs des autres !
A force de complexité et de délais trop importants dans le processus
d'élaboration et d'instruction des dossiers, les actions sont engagées en
fonction non plus du seul intérêt général, qui devrait être le seul guide, mais
des aléas et des mécanismes opaques inhérents au fonctionnement des services
!
La concertation et le dialogue avec les citoyens s'apparentent aujourd'hui à
un véritable exercice de haute voltige pour lequel les élus doivent présenter
des actions et prendre des engagements sans en maîtriser la faisabilité dans le
temps, celle-ci étant subordonnée aux mécaniques totalement aléatoires des
processus de financement de l'Etat.
Monsieur le ministre, comment la démocratie locale peut-elle fonctionner si un
maire n'est pas en mesure de donner la moindre information quant au délai dans
lequel des travaux de réhabilitation d'un centre social - c'est un exemple
parmi d'autres - seront effectivement autorisés par la trésorerie générale ?
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
Mme Nelly Olin.
Quelle crédibilité les élus ont-ils vis-à-vis des habitants et des entreprises
si les projets les plus simples traînent des mois et des mois avant d'être
finalement rejetés pour des raisons que seuls des spécialistes aguerris peuvent
comprendre ? Malheureusement, ces spécialistes ne sont plus là quand il faut
s'expliquer dans les réunions de quartier et prendre de nouveaux engagements
devant les citoyens ou les entreprises !
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
Mme Nelly Olin.
Chacun comprendra que la simplification s'impose d'urgence, car la politique
de la ville doit être souple, rapide et efficace pour trouver une application
concrète sur le terrain.
Monsieur le ministre, votre projet de budget, certes ambitieux, n'est pas
assez imaginatif, et l'incitation à la mobilisation des acteurs privés demeure
le parent pauvre, ce qui, j'en suis convaincue, pénalise bon nombre de grands
projets.
Le problème des zones franches urbaines ayant été abordé, je ne serai pas
redondante.
La mise en place du pacte de relance par Alain Juppé a bien fonctionné. Je
constate que, d'ailleurs, vous revenez sur vos propos des débuts, qui m'avaient
profondément choquée puisque vous attaquiez les zones franches. Il en est qui
marchent bien. Je sais que vous êtes un honnête homme...
MM. Gérard Larcher et Paul Blanc,
rapporteurs pour avis.
Oh oui !
Mme Nelly Olin.
... et que vous saurez reconnaître ce qui va et ce qui ne va pas.
Aujourd'hui, vous connaissez l'inquiétude des entreprises, celles qui sont
déjà en zone franche comme celles qui voudraient y venir, et des élus qui en
bénéficient. Quelles mesures allez-vous, d'une manière précise, nous annoncer
?
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
Dans les villes où le dispositif relatif aux zones franches a bien fonctionné
c'est-à-dire dans la plupart d'entre elles, nous devons poursuivre le
redressement du volet économique qui, seul, permettra de résorber le chômage
des jeunes dans nos quartiers.
Il faut savoir aussi que les entreprises privées garantissent aujourd'hui des
emplois durables, mais les moyens que vous leur accordez ne sont pas à la
hauteur des enjeux.
La politique de la ville a besoin de toutes les énergies ; elle ne peut pas se
limiter au champ clos des acteurs publics. Il faut l'ouvrir largement aux
acteurs privés et savoir dépasser les préjugés des gouvernements de gauche qui
veulent faire croire que l'argent public est forcément mal utilisé, voire
dévoyé, par les acteurs privés.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial,
MM. Gérard Larcher et Paul Blanc,
rapporteurs pour avis.
Très bien !
Mme Nelly Olin.
Pour la première fois en Ile-de-France, les fonds structurels européens vont
être mobilisés au profit d'opérations privées contribuant à l'intérêt des
quartiers.
Le gouvernement français devrait s'inspirer des institutions européennes et
ouvrir la possibilité, aujourd'hui exclue, de mobiliser des subventions comme
incitations aux projets privés et ainsi augmenter la richesse et les emplois au
profit des quartiers en difficulté et de leurs habitants. L'Etat et les
collectivités, mais surtout les populations, s'y retrouveront, ainsi qu'en
témoigne la réussite des zones franches.
Ne soyons pas hypocrites, nul n'a envie de se promener dans un quartier sans
vie. Ce ne sont, hélas ! ni les adjoints de sécurité, ni les agents de
médiation, ni les « adultes-relais » qui feront revivre, par exemple, nos
centres commerciaux.
Toutefois, il y a des évolutions positives, et je me réjouis que certains
tabous soient tombés s'agissant des opérations de « démolition-reconstruction
».
Je mettrai cependant un bémol : je souhaite que les opérations de démolition
ne s'accompagnent pas systématiquement d'opérations de reconstruction. Ne
répétons pas les erreurs du passé ! L'échec des quartiers de nos banlieues
trouve sa cause dans une urbanisation massive. Aujourd'hui, ayons le courage de
dire quand il faut démolir et ne nous sentons pas obligés de reconstruire.
Ayons recours aussi aux « résidencialisations pieds d'immeuble », qui, à mon
avis, permettent de rendre les quartiers difficiles plus attrayants pour leurs
habitants.
Si nous voulons que la politique de la mixité sociale réussisse, nous ne
devons pas pérenniser les erreurs du passé.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces observations fondées sur des constats
et de ces interrogations sur des simplifications du système - et je crois avoir
attiré votre attention de manière alarmiste - ainsi que des attentes de
nombreux maires, je me rangerai à la position de sagesse de la commission et, à
titre personnel, je m'abstiendrai sur ce projet de budget, qui, s'il affiche
une volonté certaine, manque encore d'ambition et de moyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le ministre, c'est le troisième budget que vous nous présentez. Les
années se suivent et chacune d'elles apporte des mesures nouvelles et des
moyens fortement majorés.
En 1999, les crédits spécifiques de votre ministère progressaient de 32 %,
franchissant ainsi le cap symbolique du milliard de francs.
En 2000, la nouvelle progression étant de 10 %, votre budget était celui qui
augmentait le plus. Mais certains de nos collègues restaient dubitatifs : cela
allait-il durer ou ne s'agisssait-il que d'un effet d'annonce ?
Ils devraient trouver, dans le projet de budget que vous présentez pour 2001,
des réponses à leurs attentes. En effet, il progresse de 70 % pour atteindre
2,4 milliards de francs. Jamais il n'a connu une telle progression ! Jamais la
volonté de promouvoir et de réaliser une politique de la ville n'a été aussi
active !
La commission des affaires sociales et son rapporteur, notre collègue Paul
Blanc, en ont été troublés et ont demandé un temps de réflexion. Comment
pourraient-ils rejeter un tel budget ? C'est difficile...
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Non !
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Il va y arriver !
M. Gilbert Chabroux.
..., d'autant que M. le rapporteur reconnaît que, « pour la première fois, ce
budget va de pair avec la mise en oeuvre d'orientations et de mesures nouvelles
au titre de la politique de la ville par le gouvernement de M. Lionel Jospin ».
Notre collègue Paul Blanc a donc souhaité se concerter plus avant avec les
rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires
économiques avant de donner un avis définitif.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux.
S'il y a eu autant d'hésitations, c'est la preuve, monsieur le ministre, que
votre budget va dans le bon sens et, mieux, que c'est un bon budget.
Ce budget marque un tournant de la politique de la ville en associant
renouvellement urbain et revitalisation économique. Il convient de l'analyser
en tenant compte aussi de la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains, la loi SRU, qui devrait s'appliquer dès le 1er janvier prochain.
Ainsi que le constate notre collègue Paul Blanc,...
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Encore !
M. Gilbert Chabroux.
Je cite les bons auteurs...
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Je vous en remercie !
M. Gilbert Chabroux.
Comme le constate notre collègue Paul Blanc, disais-je, avec cette loi, le
Gouvernement disposera de tous les instruments de sa nouvelle politique de la
ville.
Je n'interviendrai pas sur le volet du renouvellement urbain car beaucoup de
choses ont déjà été dites sur ce sujet, particulièrement par Gisèle Printz.
Je voudrais en revanche insister sur le développement économique des quartiers
sensibles. Nous savons tous que la croissance a du mal à pénétrer dans ces
quartiers. Elle ne profite que très peu aux publics les plus en difficulté. De
ce fait, le fossé se creuse avec le reste de la population et le risque est
grand d'engendrer de fortes tensions.
Nous ne pouvons pas laisser sur le bord de la route ces publics, jeunes et
moins jeunes, qui ont le droit, eux aussi, de profiter de la croissance
retrouvée. Il ne peut pas y avoir de ville à deux vitesses, il faut lutter
contre la fracture urbaine. Il y a un problème de cohérence sociale au niveau
de chaque agglomération.
Bien sûr, tout le monde tient à peu près le même discours, mais les moyens
divergent. La droite ne voit de salut que dans les zones franches urbaines et
les allégements de fiscalité.
Mme Nelly Olin.
Eh oui, c'est la réalité !
M. Gilbert Chabroux.
Certaines zones franches, il est vrai, ont favorisé la création d'emplois. La
croissance y a sans doute eu une part importante, mais l'implantation
d'entreprises dans ces zones est toujours bénéfique, surtout si cette
implantation est accompagnée d'un recrutement local. Toutefois, dans
l'ensemble, force est de reconnaître que la situation ne s'est pas sensiblement
améliorée et que, trop souvent, les habitants des quartiers n'ont pas
réellement profité des avantages très importants concédés aux entreprises.
M. Alain Joyandet,
rapporteur spécial.
C'est faux !
M. Gilbert Chabroux.
Vous proposez, monsieur le ministre, de nouvelles actions pour favoriser la
revitalisation économique des quartiers avec, sans doute, des aides fiscales
mais aussi des aides sociales.
Seront ainsi accordées une prime supplémentaire pour toute embauche d'un
demandeur d'emploi habitant le quartier de même que des exonérations pendant
trois ans de 50 % des charges sociales pour les emplois créés en zone de
redynamisation urbaine. En outre, un fonds de revitalisation économique est
créé pour aider le commerce de proximité, les artisans, les entreprises déjà
installées dans le quartier. Nous devrions tous être d'accord avec de telles
mesures !
De même, nous devrions l'être avec la création et la mise en place d'équipes
emploi-insertion qui auront pour mission de rétablir le lien entre les
habitants et les services d'appui à l'emploi en portant l'information au coeur
des quartiers et en créant un partenariat étroit avec les différents acteurs
qui oeuvrent au quotidien pour l'insertion dans la ville.
Enfin, toujours pour développer l'accès à l'emploi et le lien social, vous
proposez de recruter, sur trois ans, 10 000 « adultes-relais ». Ces postes sont
destinés aux chômeurs hommes ou femmes, de plus de trente ans habitant dans les
quartiers. Le rapporteur de la commission des affaires sociales a vu dans ce
dispositif « le risque de conduire à un enfermement des banlieues sur
elles-mêmes, comme des Indiens dans une réserve ». C'était une citation, mais
elle pouvait être révélatrice d'une certaine attitude par rapport aux
populations des quartiers défavorisés. Ainsi que vous l'avez dit, monsieur le
ministre, nous avons, en fait, une dette envers ces populations qui ont été
lourdement touchées par la crise et qui ont été, en quelque sorte, assignées à
résidence. Les « adultes-relais » devraient permettre de favoriser le dialogue,
créer un lien social, résoudre les conflits mineurs de la vie quotidienne et
améliorer la qualité de vie sociale dans ces quartiers.
Ce dispositif présente, en outre, le très gros avantage de s'appuyer sur les
associations et les organismes comme les offices d'HLM, qui auront la
responsabilité de recruter. Il est important de mobiliser les associations qui
agissent au plus près de la réalité des quartiers.
Une autre critique porte sur la part de financement qui incombe aux
collectivités territoriales, par exemple pour les opérations «
ville-vie-vacances ». Les collectivités locales seraient considérées par l'Etat
comme « une variable d'ajustement » pour combler les dépenses.
Mais comment les villes pourraient-elles ne pas participer au financement de
projets ou d'actions qui les concernent au premier chef, surtout au moment où
elles revendiquent une plus grande autonomie ? De plus, l'échelle qui est
maintenant celle de l'agglomération tout entière permet de faire jouer la
solidarité intercommunale. Les départements même ont souhaité s'associer à la
politique de la ville et participent à son financement. Et n'oublions pas les
régions et les contrats de plan Etat-régions, qui jouent un rôle déterminant
!
Il faut aussi souligner que la dotation de solidarité urbaine s'est fortement
accrue ces dernières années. Elle a augmenté de 45 % en 1999 et de 14 % en
2000. Elle devrait augmenter encore, car c'est une dotation de péréquation.
L'Etat devrait mieux dimensionner son aide et la moduler, en prenant en compte
l'importance relative des problèmes locaux.
Monsieur le ministre, la politique de la ville date d'une bonne quinzaine
d'années, de vingt ans même. Elle avait fini par s'essouffler. Vous avez su, en
trois années, nous présenter des budgets d'impulsion et d'innovation, des
budgets pour un nouvel élan. Non seulement les crédits sont en très forte
hausse, mais des projets se dessinent et se réalisent. Ils doivent permettre de
faire de la ville un lieu d'échanges et de bien vivre, une ville faite pour
l'homme.
Mme Nelly Olin.
C'est cela !
M. Gilbert Chabroux.
Bien entendu, le groupe socialiste salue l'action que vous menez ; il vous
apportera tout son soutien pour que vous puissiez mettre en oeuvre cette
politique et donner une nouvelle ambition aux villes.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le ministre, ce sont les crédits de votre ministère qui connaissent
la plus forte progression même si, en valeur absolue, les moyens financiers
dont vous disposez en propre restent malgré tout modestes par rapport à
l'ampleur des problèmes posés.
Les acteurs de la politique de la ville sont, en principe, en ordre de marche,
puisque, à l'issue d'une concertation qui aura été longue, coûteuse et
complexe, les 247 contrats de ville, le 50 grands projets de ville et les 30
opérations de renouvellement urbain sont tous signés ou en voie de l'être.
Et pourtant, il faut bien en convenir, les acteurs de terrain restent
sceptiques.
Ils restent sceptiques, parce que, au quotidien, ils voient autour d'eux
s'aggraver les tensions et se multiplier les problèmes.
Ils restent sceptiques, encore et surtout, à cause de la lourdeur des
dispositifs, du rôle excessif qu'y joue l'appareil administratif, de la très
faible marge de manoeuvre laissée aux véritables artisans de la reconquête de
la ville, de l'échelle souvent peu pertinente à laquelle on entend résoudre les
problèmes, à cause enfin, des solutions trop stéréotypées proposées pour des
situations dont la diversité est considérable.
Le problème de fond qui se trouve posé est, en fait, celui de la maîtrise
d'oeuvre de la conduite de la politique de la ville.
Dans le dispositif mis en place, tout démontre qu'il n'y a, de la part de
l'Etat, ni véritable volonté de subsidiarité, ni même parfois de confiance
suffisante.
L'Etat réussit-il tellement mieux dans les domaines qui relèvent de sa pleine
compétence ?
Réussit-il en matière d'enseignement, de sécurié, de justice, de santé
publique, de gestion des prisons ?
Et n'oublions pas que les énormes ensembles immobiliers, qui nous posent tant
de problèmes, sont l'héritage d'une période du tout-Etat en matière de
réalisation de logements sociaux !
Les réussites en matière de reconquête urbaine sont toujours le résultat d'une
détermination et d'un engagement exceptionnels des élus locaux et des acteurs
de terrain.
C'est à eux qu'il conviendrait de donner, à travers des mesures de
simplification, de liberté, de responsabilité, les moyens de réussir là où - il
faut bien le reconnaître -, l'Etat a largement échoué.
C'est à eux aussi qu'il faudrait laisser l'évaluation de l'échelle de leur
action qui, certes, doit s'inscrire dans une certaine cohérence par rapport à
un large bassin de vie, mais qui est d'abord du « cousu main », au jour le
jour, et au plus près, loin des aréopages pléthoriques où le verbe est roi, où
l'on empile les études et où l'on fait dans la prospective alors que
l'actualité se nourrit surtout de l'imprévisible.
Il convient d'évoquer aussi les énormes obstacles que continuent de rencontrer
celles et ceux qui se battent sur le front de l'insertion professionnelle des
personnes en grande difficulté alors que l'embellie économique est en train de
creuser dramatiquement les écarts.
Les contrats emplois-solidarité et les contrats emplois consolidés sont de
plus en plus difficilement accessibles. Dans mon département, leur nombre a été
réduit de 30 % en une année.
Quant aux entreprises d'insertion - outils remarquables pour accompagner vers
« l'employabilité » des personnes qui en sont éloignées - elles se débattent
dans des difficultés énormes. Les services de l'Etat recensent vers le mois
d'octobre leurs besoins en matière de financement. Ces services ne sont en
mesure de leur indiquer leur dotation pour l'année en cours qu'au second
semestre, alors que le versement des fonds n'intervient qu'à la fin de l'année,
voire au début de l'année suivante. Les actions ont donc été conduites et
préfinancées par des entreprises qui travaillent dans des conditions
suffisamment difficiles pour que ne s'y ajoutent pas encore cette incertitude
et cette précarité.
Je voudrais souligner, ensuite, le paradoxe qui a conduit à mettre en place
des programmes intercommunaux de l'habitat et des conférences intercommunales
du logement, alors même que la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains conduit à apprécier le quota de logements sociaux
commune par commune.
Outre le fait que, dans certains cas, la loi sera inapplicable pour de simples
raisons matérielles, elle accélérera des effets pervers, dont certains se
produisent dès à présent.
Dans les ensembles les plus difficiles, les familles qui auront, grâce à la
reprise, vu s'améliorer leur situation s'empresseront de quitter le quartier,
où elles seront remplacées par de plus démunies. On verra donc s'accentuer
encore la ghettoïsation et, ce qui est souvent son corollaire, le
communautarisme.
Aussi convient-il de saluer comme une mesure positive l'accroissement des
crédits destinés à la démolition, puisque son rythme doit passer à environ 10
000 opérations par an.
Il n'en reste pas moins que ces opérations chirurgicales lourdes laissent à la
charge des communes - souvent les plus pauvres - des montants résiduels
considérables.
Dans notre ville, deux tours de soixante logements chacune ont été libérées,
puis démolies. La dette communale s'en trouve accrue de 15 millions de francs,
soit l'équivalent annuel du produit cumulé de la taxe d'habitation et de la
taxe foncière de la ville.
Comment, avant de conclure, ne pas évoquer les problèmes de violence urbaine
pour lesquels, manifestement, le dispositif existant n'apporte aucune
amélioration.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Daniel Eckenspieller.
Dans la communauté urbaine de Strasbourg, malgré une intercommunalité
totalement intégrée, malgré un contrat de ville, malgré un contrat local de
sécurité, les incendies de voitures ont augmenté de 36 % en un an : si on les
plaçait pare-chocs contre pare-chocs, les 1 600 voitures incendiées depuis le
début de l'année feraient une file de plus de six kilomètres de long !
Les vols avec violence ont augmenté, pendant la même période, de 32 %.
Il faudrait également évoquer la violence dans les établissements scolaires,
dans les transports en commun, dans les stades, dans les centres commerciaux et
autres lieux publics.
Quelle idée peut se faire, de la protection qui lui est accordée par la
puissance publique, le citoyen ou la citoyenne qui découvre, chaque matin, dans
son quotidien, le récit des exactions de la nuit précédente ?
Quelle est, en l'occurrence, la réponse de l'Etat ? Quinze centres de
placement immédiat pour tout le territoire national, des adjoints de sécurité
pour remplacer, au moins provisoirement, les policiers partant à la
retraite.
Qui peut croire que la reconquête de la paix civile se suffira de tels moyens
?
Que l'Etat remplisse d'abord pleinement et efficacement les missions qui sont
les siennes et qu'il donne, pour le reste, aux responsables locaux les moyens
de conduire, de la manière qui leur paraît la plus adaptée à la situation du
lieu et du moment, les actions à travers lesquelles se renoue le lien social,
se construit l'intégration, se réinsèrent les personnes en déshérence et se
retrouve l'équilibre de nos cités !
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Lagauche
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le contexte nouveau de
croissance et la volonté du Premier ministre ont profondément changé le sens de
la politique de la ville que je coordonne au sein du Gouvernement. De politique
de solidarité conçue pour amortir dans les quartiers populaires les effets de
la crise dans les quartiers populaires, elle devient une politique de
développement pour remettre à niveau les territoires à la dérive et prévenir
l'émergence de nouveaux ghettos.
Cette nouvelle ambition de développement solidaire bénéficie depuis deux ans
de moyens qui sont davantage à la mesure des enjeux, et les premiers résultats
sont déjà visibles.
Le premier budget que je vous ai présenté proposait pour 1999 une augmentation
de 32 %, de façon à ajuster les moyens mis à la disposition des acteurs des
contrats de ville, restés stables pendant des années malgré la progression de
l'exclusion sociale et urbaine.
Le budget de 2000, à travers une nouvelle augmentation de 40 %, visait à la
fois à simplifier des financements jusque-là éparpillés sur les budgets de
plusieurs ministères, - mais je reconnais qu'il reste beaucoup à faire en la
matière - et à préparer le changement d'échelle de la politique de la ville
programmé dans les contrats de ville 2000-2006.
Pour 2001, je vous propose de consolider ces acquis à travers une hausse de 8
%, à périmètre constant, des moyens consacrés au « coeur de métier » du
ministère, à savoir les actions menées dans le cadre des contrats de ville et
destinées à améliorer la vie quotidienne des habitants des quartiers les plus
en difficulté.
En plus de cette augmentation, de nouveaux dispositifs vont compléter la
palette d'intervention de mon ministère en matière de renouvellement urbain,
d'emploi et de revitalisation économique. Il vous est donc proposé d'accroître
mon budget de 70 %, pour le porter à 2,4 milliards de francs.
Ces moyens permettront de poursuivre et d'amplifier l'effort engagé depuis
deux ans, qui est conforté par de premiers indices de réussite.
J'aimerais revenir sur les trois objectifs principaux de cet effort :
conforter les acteurs de la politique de la ville ; lancer le renouvellement
urbain à grande échelle ; faire profiter les habitants de la croissance.
Conforter les moyens des acteurs dans les quartiers est ma première priorité,
car il ne faut jamais oublier que cette politique repose d'abord sur des
milliers d'élus, de fonctionnaires, de travailleurs sociaux, de professionnels
de terrain ou de bénévoles associatifs. Il s'agit donc d'ajuster les moyens des
nouveaux contrats 2000-2006, pour intensifier les actions en matière de
sécurité ou d'éducation, par exemple. Ces moyens sont donc accrus de 89
millions de francs, enregistrant ainsi une augmentation de 8 %.
Cet abondement permettra également de répondre à la nécessité de concentrer
les moyens dans les quartiers où les problèmes sont particulièrement aigus,
tout en prenant en compte la dimension intercommunale nouvelle de cette
politique.
Cet objectif se traduit également par la création d'une nouvelle ligne de 15
millions de francs pour favoriser les innovations sociales, dans des domaines
clés pour la politique de la ville comme la santé, la famille ou la culture.
Je poursuivrai avec ténacité le chantier de la simplification des procédures
en 2001, afin de permettre aux acteurs locaux, notamment les associations, de
bénéficier plus rapidement des crédits disponibles. Je vous sais, comme moi,
particulièrement attentifs à ce point. A ma demande, une mission parlementaire
vient d'ailleurs d'être confiée par le Premier ministre au député Jean-Claude
Sandrier sur le partenariat avec les associations. Ses propositions prendront
un relief particulier l'année où nous célébrerons le centenaire de la loi de
1901.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Claude Bartolone
ministre délégué.
Les professionnels de la politique de la ville
continueront également d'être confortés, à travers l'action de la délégation
interministérielle à la ville, dont les moyens sont stables, et la création de
l'Institut des villes, qui sera l'instrument des élus et de l'Etat pour faire
avancer la réflexion sur la gouvernance urbaine dans notre pays.
De nouveaux intervenants sont apparus dans la politique de la ville au cours
des deux dernières années, par exemple à travers le programme emploi-jeunes,
mais aussi avec le développement progressif du programme adultes-relais ou
l'installation de délégués de l'Etat dans les quartiers, de délégués du
Médiateur de la République et, prochainement, de volontaires civils.
Les missions de chef de projet de contrat de ville et, demain, directeur de
grand projet de ville nécessitent des profils de plus en plus complets.
Parallèlement, les travailleurs sociaux ou les agents des services publics ont
été amenés à faire évoluer sensiblement leurs pratiques professionnelles.
Ces « nouveaux métiers » ont fait l'objet d'un rapport confié à Claude Brevan
et Paul Picard. Leurs propositions, qui m'ont été remises il y a quelques
semaines, pour mieux les reconnaître, les pérenniser et les professionnaliser,
seront mises en oeuvre. Les efforts de formation seront intensifiés pour ces
professionnels, et de manière particulière pour les agents publics de l'Etat.
C'est ainsi que le programme de formation interministérielle et partenariale de
mon ministère bénéficiera de 25 millions de francs de moyens nouveaux en
2001.
Je voudrais revenir un instant sur la philosophie du programme de 10 000 «
adultes-relais », qui mobilisera 300 millions de francs dans le budget de mon
ministère en 2001. Il ne s'agira en aucun cas d'une mesure de traitement social
du chômage comme il a pu en exister par le passé ; il ne s'agit pas non plus
d'« emplois-vieux », comme il y a des emplois-jeunes. L'enjeu est de conforter
les processus de médiation et de développer la présence des adultes et des
parents dans ce que l'on pourrait appeler une « veille éducative ».
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de m'attarder quelques
instants sur les divers métiers de la médiation, tous les métiers de la
médiation : « adultes-relais », agents locaux de médiation sociale, délégués du
Médiateur.
La politique de la ville ne vise pas du tout à confiner les habitants dans une
réserve. Elle est au contraire à l'avant-garde, dans l'ensemble du pays, d'un
renouveau du mode de régulation des problèmes sociaux. Dans un certain nombre
de quartiers, qui sont socialement équilibrés, les difficultés sont moindres y
compris au regard de la médiation, simplement parce que, lorsqu'on maîtrise la
langue, lorsqu'on est mieux intégré dans notre culture, il est beaucoup plus
aisé d'aller rencontrer son sénateur, son député, son maire, son conseiller
général. En revanche, dans d'autres de nos quartiers populaires, pour celles et
ceux qui sont le plus en difficulté sociale, ce simple geste en direction des
élus, ou en direction des guichets de toutes sortes, représente un énorme
effort. Je crois que l'ensemble des métiers de la médiation permettront de
réintroduire ce lien social dans ces quartiers-là.
Lancer le renouvellement urbain à une vaste échelle sera la deuxième grande
priorité de mon action.
Le programme national de renouvellement urbain, lancé lors du conseil
interministériel des villes du 14 décembre 1999, permettra d'amplifier et de
coordonner les efforts dans cinquante sites en grand projet de ville, ou GPV,
et dans trente sites bénéficiant d'une opération de renouvellement urbain.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui vient d'être
votée, donne à ce programme la perspective politique de rééquilibrer nos
agglomérations pour renforcer la mixité sociale, casser les ghettos qui se sont
formés dans notre société urbaine et prévenir en amont les pulsions
séparatistes qui la travaillent.
Le tabou de la démolition est en train de sauter, et c'est une première
satisfaction pour moi. En effet, si la destruction d'une tour ou d'une barre
signe l'échec d'une forme inadaptée d'urbanisme, elle devient aussi, pour les
habitants, la promesse d'une vie meilleure.
Pour que cette promesse ne soit pas trop lointaine, j'ai insisté sur la
nécessité de prévoir, dans la phase de préparation et de mise en oeuvre, des
formes nouvelles de participation des habitants et de combiner les
interventions sur l'urbanisme avec des actions à plus court terme sur la vie
quotidienne des habitants. Les élus et les acteurs de terrain ont su produire
dans des délais très courts des projets ambitieux et de qualité.
Dans ces conditions, le programme de renouvellement va prendre très vite
l'ampleur nécessaire. Je vais signer dans les prochains jours les premières
conventions de sites en GPV, et les crédits de mon budget - 485 millions de
francs d'autorisations de programme,78 millions de francs de crédits de
paiement et 90 millions de francs de fonctionnement - seront immédiatement
disponibles. Ces crédits prennent également en compte les besoins en
ingénierie, ainsi qu'une aide spécifique de 70 millions de francs au bénéfice
du budget des communes les plus pauvres.
Enfin, la priorité de mon action restera de faire profiter les habitants de la
croissance, mais ce budget tend à la renforcer. Le risque était grand, en
effet, pour les habitants des quartiers populaires, de voir redémarrer sans eux
le train de la croissance. C'est donc devenu l'axe prioritaire de ma politique
dès 1998, à travers, par exemple, l'objectif de 20 % des emplois jeunes et 25 %
des parcours TRACE pour les quartiers, le développement des plans locaux
d'insertion par l'économique ou la lutte contre les discriminations. Cet effort
commence à produire des résultats depuis quelques mois, et le chômage baisse
dans la plupart des quartiers dans les mêmes proportions que sur le reste du
territoire.
J'ai demandé aux missions locales et aux différents services de l'emploi de me
remettre un rapport. Tous reconnaissent aujourd'hui que, si ce sentiment
n'existait pas voilà encore un an dans les quartiers, depuis le mois de mai
dernier, les choses bougent, et parfois de manière très spectaculaire.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
La mission locale et l'ANPE de Stains, en particulier,
me signalent un recul de 30 % du chômage.
Les choses bougent, y compris dans les têtes. J'étais voilà quelques jours à
Strasbourg. Le préfet m'a signalé que le conseil économique et social d'Alsace,
qui se préoccupe aujourd'hui des emplois non pourvus, a réalisé une étude tout
à fait intéressante dans laquelle, pour la première fois, sont mis en avant les
problèmes terribles de ségrégation à l'embauche qui se posent dans cette ville
et dans toute la région.
Monsieur Eckenspieller, j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur les
violences inadmissibles que connaît aujourd'hui Strasbourg. Je ne veux pas
spécialement mettre en avant des excuses psychologiques ou sociales, mais vous
conviendrez avec moi que, lorsque dans une région ou dans une ville comme la
vôtre le taux de chômage global approche 4 %, alors que, dans certains
quartiers de la même ville ou de la même région, il reste à 30 %, il y a tout
de même un problème ! De tels chiffres portent en eux les germes de la
violence.
J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec le préfet. Celui-ci est conscient
que, au-delà des postes de policiers supplémentaires, qui sont nécessaires, il
faut aussi réfléchir, en particulier avec les conseils généraux, aux problèmes
spécifiques que pose le fait que les auteurs d'actes de délinquance sont de
plus en plus jeunes ! En réalité, ce sont surtout des postes de travailleurs
sociaux qu'il faut créer, parce que la réponse à apporter, notamment dans le
cas de ces très jeunes délinquants, ne peut être seulement celle de
l'enfermement. Mais je reviendrai sur ce point à la fin de mon intervention.
Pour s'attaquer au noyau dur du chômage et résorber ainsi l'écart préoccupant
qui demeure dans les taux d'emploi, il faudra aller encore plus loin en 2001.
C'est le sens de mesures comme la mise en place dans les quartiers de 150
équipes emploi-insertion, articulées avec le service public de l'emploi, qui
bénéficieront de 20 millions de francs en 2001, et la poursuite des efforts de
formation, notamment en direction des plus jeunes, et de lutte contre les
discriminations.
La revitalisation économique des quartiers sera une dimension nouvelle de la
politique de la ville à partir de 2001, pour diversifier des quartiers conçus
comme des cités-dortoirs, contribuer au développement de l'activité, redonner
une valeur aux territoires les plus défavorisés et attirer les investisseurs
privés dans le sillage des investissements publics.
La panoplie à la disposition des acteurs reposera désormais sur deux types
d'outils : des exonérations fiscales et sociales dans un dispositif unique et
simplifié seront mises en place à partir de 2002 dans les 416 zones de
redynamisation urbaine, offrant ainsi une suite au dispositif des zones
franches urbaines ; un fonds de revitalisation économique, créé par la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains, permettra, dans une
géographie plus large, d'aider les créateurs d'entreprise, les investisseurs et
le tissu économique existant. Ce fonds sera doté de 500 millions de francs en
2001, dont 375 millions de francs de subventions disponibles.
La diversité des outils de revitalisation économique permettra de répondre aux
besoins spécifiques de chaque projet de territoire. Je voudrais rappeler, à ce
sujet, que le Gouvernement n'a pas souhaité mettre fin avant le terme prévu à
l'expérience des quarante-quatre zones franches.
Effectivement, j'ai été dur avec les zones franches, mesdames, messieurs les
sénateurs, mais il fallait que je le sois compte tenu de l'état dans lequel
j'ai trouvé ce dispositif. La première année, nous l'avons « moralisé ». Nous
avons demandé, comme l'avait réclamé le Sénat, des rapports qui nous
permettaient de savoir exactement ce qui ce passait dans les zones franches. De
l'examen effectué par ces trois commissions différentes il est ressorti - ce
qui est significatif - que, sur ces 44 sites 14 fonctionnaient mieux que les
autres et un tiers ne connaissait aucune modification, mais il s'agissait de
ceux qui avaient su faire de ces zones franches l'un des outils de la politique
de la ville. Les élus qui ont su conjuguer ces zones franches avec des
interventions sur le bâti, l'amélioration de la sécurité et les actions
sociales ont obtenu des résultats.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire devant votre commission et ici même à la
tribune, il n'était pas question pour moi d'adopter un comportement manichéen :
la politique de la ville et ses acteurs ont besoin de temps et de durée.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Mais il était indispensable pour le Gouvernement de
corriger les défauts de ce dispositif en tenant compte de ses aspects positifs
afin d'essayer de les intégrer aux mesures que j'ai eu l'occasion de présenter
dans le cadre du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement
urbains.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
On a voté le fonds de péréquation !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
En ce qui concerne les zones franches, monsieur Gérard
Larcher, le dispositif sera prolongé de façon dégressive pendant trois ans. Le
système que le Gouvernement prépare permettra à plus de territoires de
bénéficier des acquis de la politique d'exonération, tout en disposant d'outils
plus ciblés, qui ont fait défaut dans les zones franches pour impulser de
véritables dynamiques de développement. Ces nouveaux outils seront promus à
l'occasion d'une campagne nationale de mobilisation qui s'ouvrira en janvier
prochain et associera le secteur privé.
Madame Olin, même si, dans un premier temps, il a fallu rééquilibrer cette
politique, lui donner enfin les moyens qu'aucun gouvernement avant celui-là ne
lui a donné, cette année, il me semble indispensable d'associer le secteur
privé à cette réflexion, parce que, en termes à la fois de terrain, de bras et
d'intelligence, les quartiers populaires sont parties prenantes.
Il est un point sur lequel je veux être très clair aujourd'hui. La semaine
dernière, un grand hebdomadaire a rouvert le débat sur l'immigration : «
Faut-il ou non reprendre l'immigration ? » Ce débat me paraît indécent eu égard
au taux de chômage qui existe encore dans nos quartiers populaires.
Il faut que les entreprises comprennent que si elles ont besoin de bras, s'il
faut changer les modes de formation, nous le ferons avec l'intervention des
régions et des pouvoirs publics. Mais on ne peut pas continuer à entendre ce
discours sur le manque de salariés quand autant de jeunes diplômés, quand
autant de jeunes motivés, quand des femmes et des hommes, parce qu'ils habitent
des quartiers populaires, parce qu'ils ont des parents issus de pays étrangers,
ou encore parce qu'ils ont une couleur de peau différente, donneraient
l'impression d'être condamnés à tout jamais au chômage.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Vous n'avez pas le monopole en la matière !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je ne pense pas que ce soit une question de monopole !
Lorsque je lis dans le journal
Le Monde
un article de l'ancien premier
ministre, M. Juppé, qui est paru voilà quelques mois, attirant l'attention de
la collectivité nationale sur ce sujet, j'applaudis aussi ! En effet, cela
prouve que, sur un point comme celui-là, les lignes bougent et qu'il y a une
volonté non pas de se servir de la population immigrée ou de leurs enfants
comme repoussoirs, mais de renforcer la citoyenneté et la collectivité
nationale.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
On est tous d'accord sur ce point !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Au-delà du seul budget de mon ministère en 2001,
l'effort public global en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est
récapitulé dans le « jaune », traduit une nouvelle étape dans la prise en
compte par les pouvoirs publics de la crise urbaine. Cet effort dépassera 40
milliards de francs en 2001. Il aura ainsi doublé depuis 1997, ce qui vous
montre le chemin parcouru.
Je suis un ministre de la ville qui souhaite renforcer ses moyens propres,
mais je ne veux pas donner l'impression aux autres grands ministères que l'on
augmente mes moyens à leurs dépens. En effet, le véritable gisement de la
politique de la ville, ce sont les crédits de droit commun. Notre objectif
commun, élus ou ministre de la ville, doit être de faire comprendre au
ministère de l'éducation nationale, au ministère de l'intérieur et au ministère
de la justice qu'ils doivent travailler d'une manière différente, en intégrant
la problématique urbaine. Croyez-moi, l'avancée des contrats éducatifs locaux,
la mise en place des contrats locaux de sécurité, l'émergence d'une
intelligence partagée en matière de culture urbaine sont pour moi un grand
réconfort, car c'est là que réside le véritable gisement de la politique de la
ville.
C'est le signe que les acteurs publics, Etat - collectivités locales ou Europe
- ont enfin pris la mesure des défis urbains auxquels notre société est
confrontée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les moyens de la politique de la ville sont
davantage proportionnés aux enjeux, et les premiers résultats sont
encourageants. Mais la bataille ne sera gagnée que lorsque les habitants des
quartiers, notamment les plus jeunes, et ceux dont les familles ont connu
l'immigration, se sentiront les bienvenus dans notre société. Il reste encore
beaucoup à faire, beaucoup d'attitudes héritées de la crise à changer, pour que
ce message soit entendu.
Mon propos ne serait pas complet si je n'apportais pas des réponses plus
précises à certaines questions, notamment à celle qui a été posée par M. Gérard
Larcher en ce qui concerne le programme de développement des unités
d'encadrement éducatif renforcé.
Cinquante unités sont prévues. Le programme sera mis en oeuvre progressivement
en fonction de la montée en puissance des moyens, en particulier en matière de
formation. Mais le Gouvernement entend surtout diversifier l'offre en
privilégiant des lieux non fermés mettant l'accent sur un accompagnement
éducatif renforcé.
Je vous en livre deux exemples : le développement des centres de placement
immédiat après les décisions qui ont été prises par les centres de santé
intégrés, les CSI, et le recrutement, pour la première fois depuis dix ans,
d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Il sera procédé à plus
de deux cents recrutements l'année prochaine !
M. Gilbert Chabroux.
Très bien !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Vous vous rendez bien compte, monsieur le sénateur, que
cette politique d'embauche et de formation est indispensable ! Quels que soient
les problèmes que ces jeunes aient pu poser, on ne peut pas les placer dans des
structures pour essayer de les réinsérer s'ils n'ont pas face à eux des adultes
formés pour leur permettre de retrouver ce chemin de la réinsertion.
C'est à l'aune de cette remarque que je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs, de porter une attention soutenue à ce programme de dix mille «
adultes-relais ». Ce n'est pas simplement pour fournir un emploi à des adultes
de valeur que j'ai voulu instaurer ce programme d'« adultes-relais ». Il est
important que ces jeunes puissent retrouver dans les quartiers l'image de
l'adulte référent qui se lève le matin pour se rendre au travail, qui a des
horaires de l'adulte qui est considéré comme un médiateur, comme un intervenant
dans leur propre vie, pour rompre avec ce sentiment que leurs parents sont
condamnés à tout jamais à offrir l'image de l'adulte au chômage.
C'est aussi la raison pour laquelle mille de ces « adultes-relais » seront
spécialisés s'agissant du lien à établir entre les jeunes et l'école : là
encore, il me paraît important de mener une action, notamment en direction des
parents qui sont le plus éloignés de l'institution scolaire, pour que cette
institution puisse, en ayant un intérêt plus marqué aux yeux des parents, être
mieux considérée par leurs propres enfants.
Monsieur Gérard Larcher, j'ai, à mon tour, une demande à vous faire. Vous avez
évoqué le rapport de Ernst et Young qui a été commandé par l'Association sur
les zones franches urbaines. Pouvez-vous user de tout votre talent et de votre
influence pour que je sois destinataire de ce rapport que, depuis plusieurs
semaines, je réclame avec véhémence ? J'ai l'impression qu'il est marqué du
sceau « secret défense nationale » parce que, pour le moment, malgré toutes mes
suppliques, je n'ai pas pu l'obtenir. Cela me permettrait de comparer les
remarques formulées dans le rapport de Ernst et Young avec celles qui figurent
dans les rapports que j'ai eu l'occasion de consulter jusqu'à présent.
Madame Printz, comme vous, je suis attentif à la professionnalisation des
chefs de projet et des directeurs de projet, en particulier pour les grands
projets de ville. C'est pourquoi nous avons créé sept centres de ressources
dans les régions, qui devront essayer de nous donner plus de moyens en ce qui
concerne ces sujets. Les sous-préfets de ville suivent une formation spécifique
quand ils sont nommés. Il est par ailleurs essentiel qu'ils travaillent en
harmonie avec les sous-préfets d'arrondissement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, je souhaite
vous remercier les uns et les autres, que vous ayez approuvé ou contesté ce
projet de budget. Mais, croyez-moi, au-delà du soutien manifesté par les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste,
je sens comme un hommage ou une volonté de soutenir cette action dans les
hésitations qui ont marqué la prise de position de M. Blanc, rapporteur pour
avis de la commission des affaires sociales, avant qu'il n'annonce cette
position. Je vois également dans l'abstention de Mme Nelly Olin comme un
encouragement à poursuivre. Je sais qu'elle suit particulièrement ce dossier et
je connais l'intérêt qu'elle manifeste en ce qui concerne la politique de la
ville. Cette abstention est peut-être une hirondelle qui annonce le printemps !
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Larcher, rapporteur pour avis.
M. Gérard Larcher,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, en référence à vos derniers
mots, je dirai qu'avec la présence de Nelly Olin c'est toujours le printemps
ici.
(Sourires.)
Je tiens à souligner le courage avec lequel Nelly Olin
conduit sa cité. Je me souviens des difficultés qu'elle a rencontrées lors de
son intervention auprès de l'Etablissement d'aménagement et de restructuration
des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, à propos d'un centre
commercial dégradé dans sa commune.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous promettre que je
transmettrai votre supplique. Vous recevrez sans aucun doute ces rapports, même
si je n'appartiens pas à cette association.
Par ailleurs, cette année, l'une de nos requêtes a été couronnée de succès :
la transmission du « jaune » à temps. Auparavant, le « jaune » arrivait après
le « blanc ». C'est l'histoire de l'oeuf et de la poule !
(Sourires.)
Et
la réponse de vos services a été très complète.
Enfin, en ce qui concerne la campagne que vous allez conduire avec les
entrepreneurs privés, je souhaite qu'elle ne s'arrête pas le 18 mars prochain :
en la poursuivant tout au long de l'année, vous manifesterez ainsi votre
volonté de développer les zones franches et les zones de redynamisation
urbaines.
Je ne sais pas si c'est un hommage, mais je crois que la politique de la ville
est capable, à certains moments, de dépasser les clivages. Dans le même temps,
un certain nombre de choix que vous opérez ne sont pas ceux que nous ferions si
nous avions la responsabilité de l'exécutif. C'est aussi ce que souhaite dire
la majorité sénatoriale ; mes deux collègues rapporteurs partagent ce
sentiment.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant la ville.
ÉTAT B
EMPLOI ET SOLIDARITÉ
III. -
Ville
M. le président. « Titre III : 25 000 000 francs. »
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc,
rapporteur pour avis.
Je tiens à corriger une petite erreur qui s'est
glissée dans le propos de mon collègue Gilbert Chabroux et qui a été reprise
par M. le ministre : la commission n'a pas hésité. Je vous rappelle simplement
qu'elle s'était réunie le 26 octobre et que l'Assemblée nationale avait examiné
le projet le 13 novembre. Nous pensions que la sagesse du Sénat serait entendue
et qu'il serait tenu compte de nos critiques. Malheureusement, cela n'a pas été
le cas, ce qui explique pourquoi notre commission a décidé d'émettre un vote
négatif.
Quant à ce que je disais de la variable d'ajustement, monsieur Chabroux, je
tiens à préciser que l'expression ne vaut pas pour tout et ne concernait, dans
mon esprit, que l'opération Ville Vie Vacances.
J'ajoute que les contrats de ville actuellement signés entre l'Etat et les
villes, me semblent tout de même un peu éloignés de ce que l'on entend
communément par « contrat ». Lorsqu'il y a un contrat, les parties s'entendent
sur ce qu'elles signent. Or, en l'espèce, l'Etat propose et les partenaires
n'ont d'autre solution que d'apposer leur signature, sans discussion, sans
préparation en amont. Donc, sur le terme « contrat », il y aurait peut-être
beaucoup à dire.
Ces pour ces raisons que la commission a émis un avis défavorable à l'adoption
des crédits. Comme l'a fort justement dit M. Larcher, si nous étions au
gouvernement, nous ne pratiquerions pas la même politique !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 761 826 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
EMPLOI ET SOLIDARITÉ
III. -
Ville
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 6 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 6 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 115 770 000 francs ;
Crédits de paiement : 299 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
Nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté
par l'Assemblée nationale.
Communication
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services
généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, moment important que celui où l'on discute de la
pensée, de l'image et de l'information, et donc de la démocratie.
S'agissant de la presse, nous avons l'impression, en ce moment, que le système
craque de partout, car nous vivons dans un contexte résultant de dispositions
qui ont été mises en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui ne
sont plus adaptées à la situation d'aujourd'hui.
J'insisterai plus particulièrement sur quelques points qui prennent
actuellement une intensité particulière.
J'évoquerai, d'abord, le problème des Nouvelles Messageries de la presse
parisienne, les NMPP. La loi Bichet de 1947 n'est plus adaptée à la situation
actuelle. Cependant, l'objectif demeure : à l'évidence, la démocratie française
exige que tous les journaux puissent arriver dans n'importe quel point de notre
pays, à l'heure et sans discrimination. Or, aujourd'hui, le système ne
fonctionne que grâce à une bonne volonté générale, qui s'émousse, voire
disparaît. En effet, on ne peut pas demander à des personnes d'effectuer une
tâche sans rémunération ou avec une rémunération très insuffisante. J'en suis
convaincu, on arrive quasiment au terme de ce système, si vous n'y prenez pas
garde, madame la ministre, et si vous ne mettez pas en place des dispositifs
beaucoup plus adaptés.
J'examinerai, ensuite, le problème de l'AFP, l'agence France-Presse.
Votre prédécesseur avait nommé ou, plutôt, fait nommer M. Giuily - c'était en
mars 1999 - avec pour mission de redresser la situation de cette entreprise en
grande difficulté. L'année dernière, la commission des finances avait décidé de
faire des contrôles sur pièces et sur place, comme nous en avons la
possibilité. Mais M. Giuily semblait dans une telle difficulté et si soucieux
de bien faire que nous avons décidé de surseoir à cette démarche, qui aurait pu
être désagréable et lui compliquer la tâche. Force est de constater,
aujourd'hui, que vous n'avez pas soutenu M. Giuily. Il est parti après avoir
exercé ses responsabilités pendant une quinzaine de mois. Il s'est efforcé de
redresser une entreprise qui ne pourra pas continuer d'exercer son métier. Or
il s'agit d'un métier fondamental, qui consiste à être le regard de la France
dans le monde entier. Notre pays ne peut que s'honorer d'avoir pu maintenir
jusqu'à présent cette institution vaille que vaille. Il faut continuer.
Toutefois, dans des domaines importants, comme l'information du monde en
matière économique, l'AFP, si elle n'a pas complètement « décroché », n'a plus
les moyens de suivre ses concurrents. Cela ne va donc pas.
En outre et par définition, de nombreux personnels de l'AFP vivent à
l'étranger. Ils subissent de plein fouet la dépréciation de l'euro et ne
peuvent continuer à exercer leur métier sans revalorisation salariale.
Par ailleurs, cette entreprise est tout de même extraordinaire : il n'y a pas
de capital ni d'actionnaires ; le conseil d'administration est composé
essentiellement de clients et ceux qui décident de l'avenir de l'entreprise ne
sont donc pas ceux qui doivent assumer la responsabilité de son
fonctionnement.
Madame la ministre, nous allons, l'année prochaine, sérieusement examiner les
problèmes de l'AFP. Nous n'entendons pas gêner son nouveau responsable. Le
Sénat, comme il le fait habituellement, c'est-à-dire avec un esprit de
responsabilité et le souci de faire en sorte que la France réussisse dans
toutes ses composantes, conduira cette opération à partir du printemps car il
est urgent d'intervenir, mais, j'en suis sûr, vous en êtes vous-même
consciente.
Le changement de responsable est un geste d'humeur. Il ne suffira pas pour
redresser la barque. Or, cela est urgent. Je vous confirme notre attachement à
l'existence de l'AFP. Il s'agit d'un organisme important. L'AFP doit donc
demeurer, mais comme une entreprise. Elle doit donc avoir une comptabilité,
faire face aux nécessités de la modernisation, de l'engagement. Il faut qu'elle
ait les moyens de vivre. Ces moyens sont certes financiers, mais aussi
structurels. Telle est ma conviction.
J'en viens au prix du papier, qui est un problème mineur. J'ai entendu les
responsables de presse. Vous les avez sans doute entendus vous-même à Lille.
Ils vous ont présenté de nombreuses doléances, parmi lesquelles celle qui
concerne le prix du papier. Une entreprise de presse est une entreprise comme
une autre, qui doit assumer ses fins de mois. Aussi, il est important que vous
trouviez une solution non pas en ce qui concerne le prix du papier - car
celui-ci dépend du cours mondial - mais pour compenser le surcoût qui en
résulte.
On continue une politique. Un fonds de modernisation a été créé. Son
fonctionnement n'est pas une grande réussite, car il est extrêmement
administratif. L'innovation n'est, semble-t-il, pas prise en compte. Dans un
certain nombre de cas, il s'agit d'un moyen pour augmenter le nombre de
véhicules ou pour diminuer l'âge du parc automobile car il est urgent de
traiter les dossiers avant le 31 décembre. Si on ne rend pas des projets bien
ficelés, c'est effectivement ainsi que les choses se passent.
La situation de la presse peut se résumer ainsi : une reconduction des
crédits, pas ou peu d'innovations, et des problèmes qu'il est urgent de régler,
je pense notamment à l'AFP et aux Nouvelles Messageries de la presse
parisienne.
J'en viens à l'audiovisuel. Le problème est d'une autre ampleur. En effet,
nous sommes en train de vivre en même temps plusieurs évolutions ou
révolutions.
Si l'on s'en tient aux chiffres bruts, les crédits augmentent effectivement de
6,1 %, et vous avez donc été un ministre gâté. Mais il y a la mondialisation de
l'économie. Avec l'avènement du numérique, il est nécessaire de fabriquer
quantité de contenus. Les grandes concentrations auxquelles nous assistons
montrent bien que, dans le monde entier, on s'adapte à cette évolution.
L'audiovisuel public français devra avoir les moyens de suivre. Il n'est pas
possible qu'il ne soit que diffuseur de contenus, qu'il aura, bien sûr, achetés
à d'autres. En effet, on vit toujours sur les quotas, et c'est sans doute une
bonne chose. Encore lui faudra-t-il être capable de réaliser en français
suffisamment de productions à un moment où il sera nécessaire d'assurer
simultanément de nombreuses diffusions.
Nous vivons donc à un moment où d'importants moyens sont nécessaires. Je pense
aux contenus et à la numérisation. Je pense également à l'avènement du
numérique terrestre. On verra ce qui se passera dans ce domaine-là. Beaucoup de
choses se passent déjà au niveau des « tuyaux » de diffusion de l'image. Nous
voyons apparaître une convergence entre le téléphone, Internet, qui, lui aussi,
porte des images, et la télévision.
Selon les acteurs du domaine audiovisuel - c'est ce que j'entends de plus en
plus non pas en France car dans notre pays on est plus réservé sur cette
question, mais à l'étranger - Internet sera le tuyau et le produit - car c'est
un produit particulier - le téléphone utilisera le même tuyau et la télévision
sera donnée en prime. Quand je dis « la télévision », il s'agit bien sûr des
télévisions du monde entier. Il faut bien en être conscient, raisonner à partir
du seul Hexagone n'a plus de sens. C'est pourquoi il faut donner à
l'audiovisuel public les moyens de travailler, les moyens d'exister et, à coup
sûr, les moyens de vivre.
J'ai eu l'honneur de présider, à la commission des finances, un groupe de
travail qui, pendant plusieurs mois, a rencontré les acteurs, a réfléchi, a
essayé de comprendre ce qui se passe dans ce domaine. Nous sommes allés à
Londres, au Canada, nous avons regardé ce qui se fait dans d'autres grands pays
démocratiques.
Je tiens à vous le dire, la commission des finances est très attachée à
l'existence d'un audiovisuel public fort. Nous l'avons dit et voté à
l'unanimité. La commission des finances du Sénat, toutes tendances confondues,
a considéré qu'il était nécessaire d'avoir un audiovisuel public de qualité,
fort, correspondant à un esprit de service public, même si, parfois, on peut
débattre sur ce point, comme l'a montré l'actualité récente. Telle est notre
position.
Pour parvenir à cela, il faut des moyens. Or, vous avez décidé de diminuer la
publicité. Ce choix a des conséquences. Alors que les diffuseurs privés voient
leur chiffre d'affaires publicitaire augmenter - 16 % pour le principal d'entre
eux et plus de 20 % pour M 6 - au 31 décembre prochain, la télévision publique
affichera, au mieux, une stagnation de ses recettes publicitaires. Il faut donc
absolument trouver une autre ressource, laquelle, dans l'état actuel du droit,
ne peut être que la redevance. Des amendements ont été déposés sur ce point, et
je vous exposerai tout à l'heure la position de la commission des finances.
Mais il est nécessaire de bien réfléchir à ce sujet et de donner à
l'audiovisuel public les moyens d'exister, de travailler et de préparer un
avenir serein.
Vous avez choisi - et je crois que c'est un bon choix - de faire de France
Télévision une entreprise comme les autres, avec un capital, avec les risques
d'une entreprise, avec la subordination aux règles du droit privé en cas de
pertes ou d'insuffisance de recettes. Par conséquent, le milliard de francs,
que l'on ne voit d'ailleurs toujours pas venir, n'est pas suffisant.
La commission des finances a estimé qu'il faudrait au moins 4 milliards de
francs de ressources, dont une part importante sous forme de capitalisation
pour permettre à cette entreprise de perdurer sans difficulté. C'est quelque
chose d'important.
Je rappellerai, afin que nous ayons tous une idée très claire de ce sujet, que
la capitalisation boursière de TF 1, de Canal Plus et de M 6 représente
aujourd'hui 350 milliards de francs, alors que l'on envisage de doter France
Télévision de 1 milliard de francs. Je sais que la bourse fluctue, je sais que
l'on ne fait pas la politique, et encore moins la politique audiovisuelle, à la
corbeille ; mais ce que je sais - et l'arithmétique la plus élémentaire le
prouve -, c'est que ces entreprises n'auraient aucune difficulté à augmenter
leur capital de 1 % et qu'elles auraient immédiatement trois fois plus que le
capital de France Télévision.
Madame la ministre, la commission des finances souhaite que vous donniez à
cette entreprise France Télévision les moyens qui lui sont nécessaires pour,
comme c'est notre choix, maintenir un audiovisuel public à hauteur de l'enjeu,
qui n'est pas un simple enjeu technique ou ludique, mais également un enjeu
démocratique ; c'est très important.
Enfin, j'évoquerai, pour terminer, l'absence complète de vue sur l'avenir de
la télévision de proximité. France 3 n'est pas une télévision de proximité. Et
la France est pratiquement le dernier des grands pays démocratiques à ne pas
avoir de télévision de proximité.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer à cette tribune, ma ville est
jumelée avec une ville québécoise. J'ai vu naître dans cette dernière, voilà
vingt ans, une véritable télévision de proximité. Celle-ci connaît une très
grande réussite, bien qu'elle ne dispose pas de moyens considérables. La
situation doit donc changer en France.
Si tel n'était pas le cas, vous laisseriez perdurer ce qui commence à
apparaître. Vous savez parfaitement que certaines personnes, se fondant sur la
directive européenne de 1992, fabriquent déjà, dans un petit pays situé à
l'intérieur de la France, des images qui sont ensuite diffusées depuis
Bruxelles. Or vous ne pouvez pas vous y opposer, car elles appliquent
strictement la directive. Par conséquent, si vous n'adoptez pas, sur le sujet,
une attitude claire, voire offensive, tout se passera en dehors des normes
françaises, et vous n'y pourrez rien, ce qui serait bien dommage à beaucoup
d'égards.
Voilà tout simplement ce que je voulais vous dire, madame la ministre. Au-delà
des chiffres, aucune doctrine n'apparaît très clairement en matière
d'audiovisuel public. La commission des finances proposera donc au Sénat,
contrairement aux années précédentes - je tiens à le préciser - de rejeter les
crédits budgétaires consacrés à la communication audiovisuelle. En effet, alors
que l'heure est grave et qu'il faut s'adapter à une situation sous peine de
voir les choses nous échapper, il n'est pas possible d'agir comme il le
faudrait.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
communication audiovisuelle.
Monsieur le président, madame la ministre,
mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés de constater dans mes propos un
certain nombre de convergences avec les approches et peut-être aussi avec les
conclusions de la commission des finances, brillamment exposées par notre
collègue Claude Belot.
Les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 6,1 % en 2001.
Madame la ministre, si, sur ce point, la reconnaissance de l'effort est
unanimement admise, il importe cependant de voir comment ces évolutions
s'inscrivent à l'égard d'une loi récente puisque le progrès enregistré dans ce
projet de budget a été présenté comme la traduction concrète des engagements
pris dans le cadre de la loi du 1er août 2000. Ce critère d'appréciation
s'impose effectivement - nous ne sommes pas que des comptables - quelque cinq
mois après le vote de la loi, puisque, ce qui nous importe, ce sont les
objectifs. C'est donc en fonction des intentions et des promesses de cette loi,
à l'enrichissement de laquelle le Sénat a souhaité largement participer, que la
commission des affaires culturelles a porté un jugement sur le projet de
budget.
En ce qui concerne les promesses tenues, je note que l'augmentation globale
des ressources résulte essentiellement - et c'est déjà inquiétant - de la forte
diminution des prévisions de recettes publicitaires et de la hausse des
ressources publiques. Certes, la part des ressources publiques passera de 74 %
à 76,6 %.
Peut-être même, madame la ministre, les résultats constatés seront-ils même
supérieurs, si l'on extrapole les mauvais chiffres des chaînes publiques sur le
marché publicitaire en 1999 et en 2000. En effet, la baisse des recettes
publicitaires est autant subie que voulue. La situation des chaînes publiques,
vue à travers les bilans de 1999 publiés par le CSA, n'est en effet pas bonne :
les résultats financiers ont été mauvais du fait d'une dégradation des parts de
marché publicitaire causée elle-même - nous avons le devoir de le dire avec
quelque regret - par la baisse des parts d'audience.
On nous dit que les résultats comptables et d'audience ont été stabilisés au
cours du premier trimestre de cette année. Nous verrons l'an prochain si les
bilans de 2000 le confirment ; nous évaluerons aussi l'incidence de la baisse
des recettes publicitaires sur la qualité des programmes ; et nous pourrons
commencer à voir si l'augmentation de la qualité justifiait l'abandon de
ressources indispensables à la création du pôle industriel de l'audiovisuel
public. J'ai exprimé plus que des doutes sur ce point au cours du débat
législatif du printemps dernier, et la polémique qui vient d'éclater sur la
programmation de France 3 me paraît susceptible de faire rebondir le débat.
Mais il est difficile d'en dire plus pour le moment : le débat n'est
manifestement pas tout à fait mûr.
Je voudrais poursuivre mon analyse de la mise en oeuvre budgétaire de la
récente loi en évoquant une des rares propositions du projet initial que le
Sénat avait approuvée d'emblée. Il s'agit de l'idée de pôle industriel de
l'audiovisuel public, que vous avez renoncé à introduire explicitement dans la
loi, madame la ministre, sans en rejeter la substance, me semble-t-il. C'est
d'ailleurs un concept qui était évoqué dans les années précédant immédiatement
votre prise de responsabilités.
Quoi qu'il en soit, nous avons tous souhaité, au printemps dernier, que la loi
donne une impulsion décisive au développement de l'audiovisuel public, et nous
avons à vérifier que le budget prend le relais.
Nous avons voulu inscrire dans la loi, à travers la définition des missions,
la description des moyens, la réforme des structures, la confiance, réitérée
après la déclaration de notre collègue de la commission des finances, que nous
portons à l'audiovisuel public comme instrument d'un double objectif : d'une
part, inventer, mettre en scène et diffuser cette « culture pour tous », fondée
sur les valeurs de liberté et d'égalité, qui est indispensable à la
construction permanente de notre lien social ; d'autre part, soutenir de façon
active, en France comme à l'étranger, la vitalité de la culture française face
à une mondialisation porteuse de valeurs que nous ne voulons pas assimiler
servilement. La télévision publique doit, à mes yeux, trier les propositions
d'autres cultures, les croiser avec nos propres traditions, affirmer la
créativité et le rayonnement de nos valeurs.
C'est la raison pour laquelle, au-delà du taux enchanteur de 6,1 %, il est
indispensable que nous vérifiions si le projet de budget traduit seulement les
engagements du Gouvernement en matière de recettes publicitaires ou prend aussi
en charge la mission que nous avons assignée à l'audiovisuel public il y a
moins de cinq mois.
Se pose d'abord le problème global des moyens financiers.
Je souhaite, pour ma part, distinguer les modes de financement en fonction des
deux objectifs que je viens d'évoquer, objectifs concernant, je le rappelle,
d'une part, d'un point de vue national, la promotion d'une culture pour tous
et, d'autre part, le rayonnement de la culture française dans le monde.
La redevance doit, à mon avis, financer le premier objectif, qui correspond à
la mission généraliste de l'audiovisuel public, le faire sans entraver par des
prélèvements excessifs la possibilité pour les auditeurs de consacrer une part
de leur « budget audiovisuel », si je peux m'exprimer ainsi, à l'offre nouvelle
de programmes payants. J'approuve donc, madame la ministre, le maintien des
taux de la redevance à leur niveau de 2000.
Compte tenu des critiques largement justifiées portées contre l'archaïsme et
le caractère inégalitaire de cette ressource, il est certainement souhaitable,
par ailleurs, de réfléchir au moyen de réformer la redevance pour lui assurer
une vraie légitimité. Mais il faut la réformer pour pouvoir la maintenir.
J'esquisse à cet égard dans mon rapport écrit quelques commentaires que je n'ai
pas le temps de développer à cette tribune.
Les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel public constituent la seconde
source de financement public. Il faut, à mon avis, fixer leur montant en
fonction du niveau des objectifs que les pouvoirs publics assignent à
l'audiovisuel public en tant qu'instrument du rayonnement international et
avant tout européen de la culture française - c'est la seconde mission. Comme
les fonctions traditionnelles de souveraineté de l'Etat, telle la fonction
diplomatique, par exemple, cette mission doit être financée par des dotations
budgétaires et non par les assujettis à la redevance. Les crédits budgétaires
doivent, en outre, être fixés à un niveau suffisamment élevé pour que le
développement lié à la mise en oeuvre de cette mission soit assuré dans les
meilleures conditions. Il faut en particulier que le pôle industriel public
soit convenablement financé afin que le groupe France Télévision puisse
investir le numérique de terre avec une véritable dynamique et pour que la
télévision publique soit en mesure de tirer l'industrie française des
programmes, mais désormais dans un champ de compétition qui est clairement
mondial.
Nous en sommes loin.
Le financement des nouvelles chaînes numériques publiques, non prévu par le
budget de 2001, apparaît en particulier très problématique. Le coût du projet
numérique de France Télévision serait de 1,6 milliard de francs à 1,8 milliard
de francs par an au terme de la période de lancement. Quels seront les
financements ? La gratuité des chaînes publiques numériques a été annoncée, ce
qui exclut les ressources d'abonnement. Le financement publicitaire est
d'autant plus incertain que le marché du numérique de terre sera très
concurrentiel, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ayant souhaité que les
fréquences destinées aux chaînes privées soient attribuées de façon prioritaire
aux services gratuits. Le Gouvernement a annoncé pour plus tard une dotation en
capital d'un milliard de francs. En Grande-Bretagne, ce sont 200 millions de
livres qui seront levés chaque année pour financer le projet numérique, grâce à
une augmentation annuelle de la redevance de 1,5 % en valeur.
J'ai dit pourquoi je ne propose pas d'augmenter chez nous les taux de la
redevance. C'est le budget de l'Etat qui doit être mobilisé pour relever le
défi du numérique et pour engager ainsi l'évolution vers le pôle industriel
public capable de porter sur les plans national et international nos ambitions
culturelles. Qu'est en effet, aujourd'hui, un pôle industriel qui, d'emblée,
n'assure pas sa survie et ses objectifs sur un champ de compétition mondiale
?
Or, il est clair que les crédits budgétaire de l'audiovisuel public n'iront
pas au-delà des 2,16 milliards de francs accordés en 2001 au titre de la
compensation des exonérations de redevance. Le système de financement mis en
place par la loi du 1er août 2000 comporte en effet une sorte de butoir :
toutes les exonérations seront compensées, et l'on s'arrêtera là pour ce qui
est des crédits budgétaires.
Au cours de la discussion de cette loi, j'ai dénoncé à plusieurs reprises les
chausse-trapes du régime juridique mis en place par l'Assemblée nationale pour
le numérique de terre. J'en ai cité une ; il y en aura bien d'autres, pour le
public comme pour le privé.
A côté du problème des moyens globaux du secteur public, je voudrais évoquer
celui de la répartition des ressources entre les organismes.
Pour une augmentation globale des dotations de quelque 6 %, comme on l'a vu,
le budget de RFI, par exemple, n'augmentera que de 3,5 %. Cela permettra à
peine de financer les glissements et ajustements inéluctables, c'est-à-dire,
essentiellement, les augmentations conventionnelles de salaires - y compris les
35 heures - et les mesures d'alignement sur les salaires du reste de
l'audiovisuel public. RFI ne pourra consacrer que de très faibles moyens au
développement d'activités et de projets nouveaux.
Je regrette fortement cette situation, qui affaiblira l'un des instruments les
plus efficaces de notre politique audiovisuelle extérieure.
Je me félicite, en revanche, que le budget d'Arte augmente de 9,1 %. J'espère
que ce traitement privilégié sera, comme la commission en a déjà exprimé le
souhait, mis à profit pour élargir, spécialement vers l'Europe du Sud, les
centres d'intérêt et les partenariats de la chaîne. Je crains en effet que le
couple télévisuel franco-allemand ne tourne désespérément au vieux couple
ressasseur. Il faut y introduire un peu d'air et de soleil.
En ce qui concerne l'aide à l'industrie des programmes, j'ai noté les efforts
que vous avez consentis, après que les signaux d'alarme eurent sonné assez
longtemps, afin de réagir aux menaces que la direction générale de la
concurrence de la Commission européenne fait périodiquement peser sur les
systèmes d'aide nationaux.
La réunion du Conseil « culture et audiovisuel » du 23 novembre dernier a
permis, sur votre initiative, madame la ministre, de préciser la position des
ministes sur ce point. Dans une résolution sur les aides nationales au cinéma
et à l'audiovisuel, le Conseil a en effet souligné que l'industrie
audiovisuelle constituait une « industrie culturelle par excellence » et a
affirmé la nécessité des aides nationales pour compenser les faiblesses
structurelles des industries européennes.
Je me félicite de cette prise de position, sans en exagérer, malheureusement,
la portée, car la position du Conseil « culture » ne modifiera pas les pouvoirs
dont la Commission européenne dispose pour la mise en oeuvre du droit européen
de la concurrence.
Quelles sont alors les perspectives concrètes ? Je voudrais avoir votre
analyse sur ce dossier, madame la ministre.
Lors du débat législatif du printemps dernier, le Gouvernement et l'Assemblée
nationale ont pris l'initiative d'introduire dans la loi des mesures détaillées
en faveur de l'industrie française des programmes, sans craindre d'empiéter sur
le domaine réglementaire. Etait-ce utile ou vain ? Etait-ce louable intention
ou simple affichage, dans la mesure où l'on n'est pas certain, aujourd'hui, de
pouvoir faire obstacle aux tendances éradicatrices de la Commission européenne
?
Je termine mon analyse par un dernier parallèle entre le projet de budget et
la loi d'août 2000.
Je me souviens, madame la ministre, que vous aviez mentionné le renforcement
de la régulation parmi les nombreux mérites de la loi du 1er août 2000. Je me
souviens aussi que vous citiez parmi les éléments forts de ce renforcement le
rôle attribué au CSA dans la mise en place de l'offre du numérique de terre et
ses nouvelles compétences en matière de surveillance des candidatures des
actionnaires des chaînes privées à des marchés publics ou à des délégations de
service public.
Or, pour faire face à ces nouvelles compétences, ainsi qu'à l'extension de son
champ de compétences à la diffusion satellitaire, le CSA a demandé la création
de... trois emplois. Cette demande me paraît des plus modestes, compte tenu du
rôle directeur que la loi a attribué au CSA dans la mise en place du numérique
de terre. Je rappelle que le régulateur est quasiment appelé à se substituer
aux opérateurs dans la détermination de l'offre numérique proposée au public.
Ce n'est pas une mince responsabilité !
Or, le CSA n'a obtenu, m'a-t-il été indiqué, que deux emplois nouveaux, ce qui
ne lui permettra guère de se lancer dans le dépouillement des candidatures aux
marchés publics. Cette compétence, présentée voilà cinq mois comme un pas
décisif vers la transparence et la déontologie, est-elle jetée aux oubliettes ?
Quant à la mise en place du numérique de terre, je crains qu'elle n'ait lieu,
dans ces conditions, au petit bonheur la chance et qu'elle ne nous réserve des
surprises, qui n'en seront d'ailleurs pas vraiment pour qui a suivi les débats
législatifs du Sénat sur ce dossier.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles estime que les
enjeux les plus importants ont été mal perçus et que les réponses ont été mal
conçues. Nous proposons donc de donner un avis défavorable à l'adoption des
crédits de la communication audiovisuelle pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la presse
écrite.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les aides budgétaires directes qui, chaque année,
servent à mesurer de manière synthétique et, bien entendu, sommaire l'évolution
de l'effort de l'Etat en faveur de la presse diminueront de près de 2 % en
2001.
Tout d'abord, mes chers collègues, d'où vient ce chiffre, différent de celui
de 1,8 % annoncé aussi à bon droit, madame la ministre, lors de votre récente
audition par notre commission ?
Il s'explique par la diminution draconienne de l'aide au plan social de la
presse parisienne. Cette aide finançant un programme en voie d'achèvement, sa
diminution est donc normale. Il n'en reste pas moins que les aides budgétaires
directes diminueront, en 2001, de 9,5 millions de francs, alors que la presse
évolue - je rejoins, là encore, l'analyse de M. le rapporteur spécial - dans un
environnement économique difficile et qu'il aurait été justifié d'affecter
cette somme, ou d'autres, à des actions compensatrices des handicaps nouveaux
ou persistants dont souffre la presse.
Quels sont donc ces handicaps ?
Le chiffre d'affaires de la presse a augmenté globalement de 5,3 % en 1999,
soit un résultat honorable, mais cette reprise est très fragile, dans la mesure
où elle est tirée fortement par la publicité, alors que le lectorat continue de
se dégrader.
Elle restera fragile à l'avenir puisque s'annonce, de façon inéluctable, en
2001, une augmentation de 15 % à 20 % du prix du papier journal qui dégradera
fortement les comptes. Pour donner un exemple, le prix du papier journal, dans
un quotidien régional, représente environ 20 % des charges globales, ce qui
revient à dire que 4 % à 5 % de la rentabilité brute se trouvent affectés. Une
menace évidente plane également sur l'accroissement de l'espace éditorial
entrepris depuis plusieurs années par quantité de journaux afin de développer
leur lectorat.
Enfin, la reprise est fragile dans la mesure où la presse d'information
politique et générale, dont la vitalité est indispensable à la démocratie, en
bénéficie très peu.
Vous me direz, madame la ministre, que la réaffectation de 9,5 millions de
francs aurait peu contribué à la solution de ces vastes problèmes et qu'elle
n'aurait été qu'un modeste symbole, sachant que les dotations de 2001
atteindront 613 millions de francs si l'on s'en tient aux aides budgétaires
directes, 868 millions de francs si l'on y ajoute les abonnements de l'Etat à
l'AFP, 2,3 milliards si l'on tient compte du fonds de modernisation et quelque
10 milliards de francs si l'on considère l'ensemble des aides indirectes.
L'ensemble des chiffres figurent dans le rapport écrit.
Tout cela est vrai. Mais la diminution de 2 % des aides budgétaires directes
est surtout révélatrice, mes chers collègues, d'une politique d'attentisme -
c'est, madame la ministre, le mot le plus plaisant que j'ai pu trouver - dont
les manifestations m'apparaissent alarmantes. Je vais en citer quelques cas.
Je commencerai, à tout seigneur tout honneur, par l'AFP, et vous ne serez pas
étonnés que j'évoque immédiatement son sort.
Chacun sait que certaines dispositions du statut de l'AFP, qui remonte à la
IVe République et que l'on doit à l'initiative d'un ministre de l'époque qui
s'appelait François Mitterand, empêchent la recherche des financements
nécessaires à son développement.
Je ferai court. Nombre de présidents se sont exprimés sur ce sujet. Le
Gouvernement a rappelé le soutien qu'il a apporté aux tentatives, de plus en
plus modestes, lancées par l'avant-dernier président. Ce soutien s'est fait
discret, si j'ose dire, puis chancelant. Changer sans rien toucher, tel était
le mot d'ordre du Gouvernement, et d'ailleurs celui de l'ensemble de
l'environnement de l'AFP, jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il fallait tout
de même faire semblant de bouger. Aussi a-t-on préféré changer de président
plutôt que de dispositions statutaires !
La commission des affaires culturelles, considérant que c'était son devoir, a,
de ce fait, adopté une proposition de loi adaptant la loi de 1957, ancienne et
caduque, aux exigences minimales d'une relance de l'AFP.
Nous voulions permettre au conseil de l'AFP d'adopter un budget en
déséquilibre, à titre exceptionnel, après avis motivé de la commission
financière. Nous voulions consacrer le droit de l'AFP de recourir à des
emprunts, ce qui semble aussi être le bon sens. Ces propositions ont été
écartées.
Madame la ministre, nous serons heureux de vous entendre, l'augmentation de
0,93 % des abonnements de l'Etat à l'AFP me paraissant relever plus de l'humour
que d'une véritable réponse à la dure réalité à laquelle est confrontée
l'AFP.
Et voici que le nouveau président a annoncé, madame la ministre - j'y suis
sensible, en tant que rapporteur des crédits de la presse - qu'avec l'accord de
l'Etat, et cela n'a jamais été démenti, un budget pourrait être adopté en
déséquilibre !
Je ne chercherai pas à me retrouver dans ces circonvolutions de bateau ivre.
Je rappelle simplement que l'adoption d'un budget en déséquilibre est illégale
en l'état actuel de la loi. Je le ferai alors remarquer ; ce sera mon devoir,
ce sera notre devoir.
La réorganisation des Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP
est un autre sujet d'inquiétude.
La situation est claire, je la résume : les NMPP sont, en France, le principal
acteur de la vente de la presse au numéro.
Leurs ventes représentaient, en 1998, à peu près le tiers du marché total de
la vente de la presse, 51 % du marché de la vente au numéro et 88 % du marché
de la vente au numéro de la presse nationale.
Or, ces chiffres ont tendance à régresser, ce qui met en péril la situation
d'une entreprise essentielle pour la distribution de la presse. La concurrence
est en effet engagée avec d'autres formes de distribution, comme le portage, ou
avec d'autres entreprises.
Le Gouvernement, je le souligne, n'a pas méconnu la gravité de la situation.
Un rapport a été commandé, en janvier 2000, à un membre du Conseil d'Etat par
votre ministère. Hélas ! ce rapport a soigneusement évité de répondre à la
seule question que l'Etat doit se poser, celle de l'imputation de la charge
financière que, dans l'intérêt public, dans l'intérêt du pluralisme de
l'information et de la démocratie, la distribution de la presse quotidienne
d'information politique et générale fait peser sur les NMPP, et donc sur la
collectivité des éditeurs.
Pour le moment, la réponse de l'Etat demeure ambiguë. Vous avez reçu
récemment, en février dernier, le syndicat CGT des NMPP. Mme Trautmann n'avait
pas, à l'époque, rejeté le principe d'une contribution de l'Etat à la mise en
oeuvre du plan. Les subventions annoncées n'ont pas été adoptées.
Vous avez déclaré devant notre commission, madame la ministre - j'en prends
acte - que vous ne refusiez pas, mais que vous étiez attentive à ce que
pourrait dire l'Europe. Cette position nous apparaît, au mieux, ambiguë et, au
pire, annonciatrice d'une stratégie de défaussement que je viens de constater,
s'agissant de l'AFP.
Notre commission estime légitime - notre débat, à cet égard, a été fort
intéressant - que l'Etat prenne en charge les coûts spécifiques afférents à la
distribution de ce type de presse, dans le cadre juridique de la notion de
service universel, que nous défendons, et que la Commission européenne ne
saurait critiquer à l'heure où l'Union adopte une charte des droits
fondamentaux consacrant solennellement les principes de la démocratie et
dressant un inventaire de leurs conséquences.
Au-delà de l'AFP, des NMPP, c'est une stratégie globale de reconquête du
lectorat qu'il faudrait aider la presse à mettre en oeuvre. Il faut savoir que
45 % du lectorat de l'ensemble de la presse a plus de cinquante-cinq ans. D'où
la nécessité de former - je le dis depuis plusieurs années à cette tribune ou
ailleurs - la jeunesse scolaire à la lecture de la presse. C'est à cet âge que
l'on « accroche » la lecture.
C'est pourquoi je m'attache depuis plusieurs mois - en vain jusqu'à présent,
mais j'y arriverai sans doute un jour - à faire admettre l'idée de créer un
fonds de concours destiné à permettre à l'ensemble des classes des
établissements d'enseignement - je dis bien à chaque classe - de disposer, dans
des conditions favorables, d'abonnements aux journaux de toutes tendances. Je
sais que le CLEMI, le Centre de liaison de l'enseignement et des moyens
d'information, y travaille, mais il s'agit de remèdes trop homéopathiques pour
enrayer la dégradation du lectorat de la presse.
D'autres préoccupations de la presse à vocation nationale ou régionale
mériteraient de trouver une traduction budgétaire. Je vous livre en vrac
quelques suggestions à cet égard.
Tout d'abord, l'aide à la transmission des données numérisées pourrait
utilement être progressivement substituée à celle qui concerne le fac-similé,
or cette mesure n'est pas inscrite au projet de budget pour 2001.
Ensuite, l'élargissement du champ d'intervention du fonds de modernisation de
la presse à d'autres supports que le papier devient une nécessité, car la
presse dans le monde ne sera plus jamais « unimédia ». Or les crédits de ce
fonds de modernisation, madame la ministre, déclinent. En effet, ils atteignent
160 millions de francs, alors que l'on avait évoqué le chiffre de 300 millions,
voire de 400 millions de francs lors de l'examen de la proposition de loi de
notre collègue député Jean-Marie Le Guen. Rien ne permet d'espérer le
redressement du montant de ces crédits.
Enfin, un autre aspect de ce projet de budget pour 2001 nous inquiète : aucune
mesure nouvelle ne concerne les correspondants de presse, véritables artisans
de la presse au coeur de la vie des quartiers urbains ou des cantons ruraux,
alors que les bas revenus sont exonérés de la CSG et du RDS.
Pour conclure, j'affirmerai qu'un grand redéploiement du budget des aides à la
presse était possible et souhaitable. Le projet de loi de finances pour 2001 ne
l'engage pas : c'est une occasion ratée, alors que la croissance économique le
permettait.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis
défavorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2001. Elle souhaite à
l'avenir, madame la ministre, des arbitrages plus volontaristes en faveur de
l'un des piliers de la démocratie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, dix-huit minutes ;
Groupe socialiste, seize minutes ;
Groupe de l'Union centriste, quatorze minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, quatorze minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, douze minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, onze minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je
demande à chacun d'y veiller.
Par ailleurs, le temps de parole prévu pour le Gouvernement est de
quarante-cinq minutes au maximum.
Telles sont les règles que nous respectons depuis le début de la seconde
partie du débat budgétaire.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la télévision et, dans une moindre mesure, la radio
doivent-elles et peuvent-elles sortir des crises qui les secouent, au moment
même où l'accompagnement budgétaire du Gouvernement marque une très nette
progression des dotations publiques, avec une hausse des crédits de 6,1 % par
rapport à l'an dernier ? Est-ce à dire que cet accompagnement budgétaire
suffira à redonner au service public de la communication une place particulière
dans le paysage audiovisuel de notre pays ?
Nous ne le pensons pas, et ce pour de multiples raisons, eu égard en
particulier à l'inadéquation qui existe entre la réalité du secteur de
l'audiovisuel aujourd'hui, en incessante mutation, et les mesures politiques
d'accompagnement.
Au moment où il conviendrait d'affirmer une volonté politique très forte en
matière de contenus et d'originalité des programmes, où la recherche
audiovisuelle devrait être renforcée, n'y a-t-il pas lieu de craindre, par
exemple, un amoindrissement des missions de l'Institut national de
l'audiovisuel, l'INA, qui subit une réduction de 1 % du montant de ses
dotations ? Le développement du numérique à Radio-France peut-il se concevoir
alors que les missions de ce groupe se trouvent réduites ? D'ores et déjà, le
réseau de FIP et les productions locales et régionales y ont beaucoup perdu.
La majorité plurielle reste, je l'avoue, attendue sur le terrain de
l'audiovisuel, comme sur celui de la culture, d'ailleurs.
A la suite de l'adoption d'un nouveau cadre législatif pour l'audiovisuel, la
télévision publique peine aujourd'hui à trouver une place originale au sein
d'un secteur très fortement concurrentiel, et c'est là un euphémisme ! On ne
peut se satisfaire du constat d'une relative inadaptation de notre télévision
publique.
Peut-être le moment est-il venu de remettre sur l'établi un certain nombre des
politiques qui ont été conduites jusqu'à présent et de chercher les raisons
structurelles des difficultés que traversent les chaînes publiques. Les
objectifs de qualité des programmes inscrits dans la loi récemment adoptée
peuvent-ils réellement être atteints sans que l'on remette en question
l'ensemble de la politique des programmes ? L'absence d'un volet relatif à
l'industrie des programmes, s'agissant notamment du service public, n'est-elle
pas une entrave à l'originalité que nous souhaiterions voir mise en oeuvre ?
Au-delà des missions de régulation du Conseil supérieur de l'audiovisuel - je
ne remets pas du tout en cause le bien-fondé de l'existence de cette instance -
ne conviendrait-il pas de donner au politique, notamment à la représentation
nationale, des instruments permettant de mieux orienter qu'aujourd'hui les
missions du service public de l'audiovisuel, à l'image, par exemple, de ce que
représente l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques dans
un autre domaine ?
Certes, l'apport de moyens financiers publics nouveaux pour l'audiovisuel
était nécessaire, et il conviendra de poursuivre cette démarche. Nous savons
que notre pays avait pris en la matière un très gros retard, mais il faut
avoir, pour l'audiovisuel public, d'autres ambitions.
En effet, n'est-il pas nécessaire, voire vital pour elle, que la télévision de
service public reste une réponse incontournable aux attentes très diverses de
nos compatriotes en matière de programmes ? Pour ce faire, peut-être
convient-il de favoriser plus que ne l'a fait la loi sur la liberté de la
communication les spécificités du service public.
Certes, les chaînes thématiques existent et le service public doit tenir une
place dans ce secteur, mais on constate aujourd'hui un éclatement de la
télévision, peu propice aux surprises du talent, à la création dont pourrait se
nourrir l'audiovisuel.
Au-delà de l'examen du projet de budget lui-même, nous souhaiterions qu'un
réel débat s'engage sur les missions de l'audiovisuel public dans notre pays,
de la même manière qu'il serait bon que la représentation nationale soit
associée, plus qu'elle ne l'est actuellement, à la mise en place du réseau
hertzien numérique.
En matière de presse écrite, madame la ministre, je prends acte avec
satisfaction des efforts continus consentis en matière d'aides,
particulièrement en direction des journaux, des hebdomadaires et des quotidiens
ne bénéficiant que de faibles ressources publicitaires. Je n'insisterai jamais
assez sur l'absolue nécessité de ces aides, qui sont non pas une aumône mais un
véritable concours à l'exercice du pluralisme, donc de la démocratie. Et ce
n'est pas inutile !
La presse se porte mieux, peut-on entendre ou lire. Qui s'en plaindra ? Je me
garderai pourtant bien, pour ma part, de toute vision idyllique des choses, car
la presse écrite est confrontée à de nombreux défis, notamment avec la
concurrence des nouveaux médias, la numérisation de l'entreprise de presse, la
mondialisation, la concentration et, en arrière-plan, la « statue du commandeur
» de la
World Company
.
Cela étant, l'éclaircie que j'ai évoquée est principalement due à un essor des
ressources publicitaires. Mais qu'en sera-t-il demain ? La presse reste en
effet en butte à des difficultés majeures, particulièrement à la réduction et
au vieillissement du lectorat.
Mais, surtout, le bulletin de santé n'est pas identique pour tous. Je pense
ici aux difficultés spécifiques que connaissent les journaux d'information
politique et générale, ainsi qu'aux phénomènes de concentration et de
regroupement menaçant des titres existants, ainsi que le pluralisme.
Dès lors, une question se pose : les dispositions actuelles suffisent-elles ou
non à garantir réellement le maintien et l'existence d'une presse d'information
libre, pluraliste et indépendante des grands groupes financiers ?
Cette question est d'autant plus légitime que l'ensemble de la presse écrite
se trouve aujourd'hui confronté, comme je l'ai souligné, à des défis inédits
liés à l'émergence et au développement des nouveaux vecteurs de communication,
le réseau Internet en particulier. Aucun titre aujourd'hui ne peut penser son
avenir hors de la « toile », sans apporter une réponse à ces besoins naissants
des citoyens.
La presse écrite a donc besoin d'Internet. Cela ne peut que favoriser une
reconquête du lectorat et le rajeunissement de celui-ci, mais Internet a aussi
besoin de la presse écrite. Au moment où nous constatons une mainmise massive
des grands groupes marchands sur les réseaux, je considère comme essentiel le
développement de lieux alternatifs d'information et de portails progressistes.
La responsabilité de la presse écrite, qui est mise en valeur par le
remarquable sondage réalisé à l'occasion du congrès national de la Fédération
de la presse, qui s'est tenu à Lille la semaine dernière.
Bien sûr, les interrogations ne manquent pas. Comment éviter que la révolution
numérique n'amplifie les déséquilibres entre les journaux puissants et les
autres, entre ceux qui pourront investir dans les nouveaux réseaux de
communications et ceux qui n'en auront pas les moyens ? Comment garantir que la
presse écrite garde sa spécificité, son éthique, les valeurs propres qui lui
sont reconnues et qui lui valent cette relation de confiance avec le lecteur ?
Autrement dit, la recherche de rentabilisation des investissements sur Internet
ne risque-t-elle pas de dénaturer la presse écrite, de la noyer dans un mélange
des genres entre information, divertissement, publicité et commerce ?
Nous touchons là à de véritables enjeux de société. La presse écrite et les
nouveaux vecteurs de communication ont un chemin à parcourir ensemble, mais pas
à n'importe quel prix. Il y a là matière à réflexion pour l'Etat, qui doit non
pas brider et imposer, mais garantir le respect de valeurs éthiques, morales,
démocratiques, déontologiques.
En effet, ce que l'on appelle la société de l'information, ou plutôt le nouvel
environnement numérique, représente non pas une question technique, mais l'une
des plus grandes questions politiques du moment, politique au meilleur sens du
terme, c'est-à-dire ce qui permet d'assumer son destin et non de le subir.
Parler de la presse écrite m'amène tout naturellement à évoquer brièvement
l'Agence France Presse, dont le Gouvernement vient d'annoncer l'apurement de la
dette de quarante-cinq millions de francs. C'est là un deuxième pas, après
celui de l'année dernière, dont nous prenons volontiers acte.
Néanmoins, la question de la modernisation de l'Agence et de son développement
reste à ce jour incontournable. Nous avons à ce titre formulé un certain nombre
de propositions - mise en oeuvre de nouvelles synergies publiques, dotation
exceptionnelle pour modernisation, attribution d'un prêt bonifié - et, comme
vous le savez, les personnels sont eux-mêmes porteurs d'un grand nombre de
suggestions. Aussi souhaiterais-je connaître, madame la ministre, l'état des
travaux menés par le ministère et, plus généralement, par le Gouvernement, sur
le problème de la modernisation de l'Agence France Presse et du développement
de ses missions.
Madame la ministre, lors du récent congrès de la Fédération de la presse qui
s'est tenu à Lille, j'ai pu écouter et apprécier vos propos. Vous avez en
particulier joliment cité Paul Valéry, souhaitant que « le commerce des esprits
soit le premier commerce du monde ». Comment le garantir dans cette société
libérale, où s'annonce, pour paraphraser Octavio Paz mais aussi Jack Ralite
(sourires),
le « marché sans concurrence ni miséricorde » ?
Mais, comme le disait Cocteau, « en amour, ce qui compte, ce ne sont pas les
déclarations, ce sont les manifestations », ou, plus prosaïquement, la preuve
du
pudding,
c'est qu'on le mange.
(Nouveaux sourires.)
Madame la ministre, vous pouvez compter, pour aborder ce vaste chantier, sur
notre soutien le plus résolu.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu'il s'agisse
de demander des garanties pour Canal Plus dans la fusion Vivendi-Universal, de
renforcer le service public de l'audiovisuel ou de se battre pour les crédits
des grands programmes culturels et audiovisuels européens, le combat du
gouvernement français - le vôtre, madame la ministre - vise bel et bien à
préserver les capacités de production de nos industries de programmes, garantes
de la diversité culturelle.
Dans l'univers numérique, la bataille d'aujourd'hui, et plus encore de demain,
est plus que jamais, je le répète, celle des programmes.
Le projet de budget de la communication pour 2001 peut être qualifié d'emblée
d'excellent : le Gouvernement tient ses promesses, et nous savons tous que vous
n'y êtes pas pour rien, madame la ministre.
Ce budget devra permettre d'assumer une lourde tâche, celle de mettre en
oeuvre la loi que nous avons votée avant l'été. Cette année sera effectivement
une année stratégique pour France Télévision, avec trois axes majeurs :
redonner au service public les moyens d'affirmer sa spécificité ; le renforcer
globalement vis-à-vis de la concurrence du secteur privé ; assurer son
développement dans l'aventure du numérique hertzien terrestre.
Il fallait donc continuer à renforcer les moyens du secteur public. Votre
budget progresse de 6,1 %, et c'est la quatrième année consécutive qu'il croît.
Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que ces crédits avaient déjà
augmenté de 3 % en 1998 et en 1999, et de 4,8 % en 2000.
Le budget total de l'audiovisuel public représentera 20,6 milliards de francs,
dont 13,5 milliards de francs pour le groupe public France Télévision,
désormais en ordre de marche, plus de 1,1 milliard de francs pour Arte France,
3 milliards de francs pour Radio France et, enfin, 1,4 milliard de francs pour
RFO, la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer.
J'en viens au deuxième défi que vous avez relevé : redonner au service public
les moyens d'affirmer sa spécificité en le rendant moins dépendant des recettes
publicitaires.
Les financements publics représenteront plus de 75 % des ressources de
l'audiovisuel public et 69,1 % de celles de France Télévision, avec deux
conséquences : le confort pour les téléspectateurs, avec la fin des tunnels
publicitaires, puisque le volume horaire sera passé en deux ans de douze à huit
minutes, et, surtout, une certaine liberté de programmation qui devrait
permettre à France Télévision, comme c'est sa vocation, de donner toute sa
place à l'audace et à la création, sans négliger l'audience.
Je trouve assez étrange - ou amusant - que le rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, qui prétend défendre le secteur public,
désapprouve ce budget, lui qui, en décembre 1996, votait des deux mains, si
j'ose dire, un budget pour 1997 qui entérinait la diminution des ressources
publiques de 1 milliard de francs en deux ans et faisait dépendre France 2 à
plus de 50 % des recettes publicitaires. Le lien entre pression publicitaire et
programmation n'est plus à démontrer dans cet hémicycle.
Aujourd'hui, ce sont 2,1 milliards de francs de remboursement des exonérations
de redevance que l'Etat consacre à ce désengagement publicitaire. Je crois que
les Français apprécieront.
Par ailleurs, cette manne supplémentaire servira en priorité les programmes,
puisqu'ils bénéficieront de 450 millions de francs de mesures nouvelles, sur
les 783 millions de francs accordés à France Télévision. Là encore, comparons
avec le « bon budget » de décembre 1996, qui demandait à France 2 d'économiser
200 millions de francs sur les programmes ! Tous les créateurs qui travaillent
pour le secteur public apprécieront, monsieur Hugot !
Néanmoins, je me permettrai, madame la ministre, de formuler rapidement
quelques interrogations quelques inquiétudes.
La première inquiétude, et c'est le troisième défi qui est devant nous :
permettre le développement du secteur public et, bien sûr, d'abord sur le
numérique hertzien. M. le rapporteur pour avis semble s'indigner du milliard de
francs promis par le Gouvernement, qui fera l'objet d'une dotation
spécifique.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Ah bon !
Mme Danièle Pourtaud.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'aux termes de la loi que vous
n'avez, il est vrai, pas votée, le secteur public bénéficie d'une priorité par
rapport au secteur privé. Il sera doté d'au moins dix canaux sur les trente-six
disponibles dans les six multiplexes.
Vous le savez comme moi, la viabilité économique du numérique hertzien
terrestre repose sur l'équipement massif des téléspectateurs en terminaux
numériques. L'offre de programmes doit être attractive et nous avons choisi de
privilégier les services gratuits.
France Télévision vient d'ailleurs de finaliser un projet ambitieux de chaînes
gratuites qui devront éclore à l'automne 2002 : une chaîne d'information
permanente, qui s'appuiera sur la puissance rédactionnelle de France Télévision
; des chaînes régionales, qui permettront de nombreux décrochages locaux ; une
chaîne « sport », qui rendra leur place aux sports délaissés par les chaînes
généralistes ou les chaînes payantes, alors qu'ils regroupent énormément de
pratiquants dans notre pays ; une chaîne « jeunes » pour les adolescents, qui
cherchera à leur ressembler et à les rassembler, le « mouv » de la télévision
en quelque sorte ; enfin, deux chaînes tournées vers la création française,
d'abord une chaîne dite « nouveaux choix », qui sélectionnera les meilleurs
programmes de France 2 et France 3 et donnera à certaines émissions programmées
hors des heures de grande écoute l'opportunité de rencontrer de nouveaux
publics, ensuite une chaîne « arts et spectacles », qui traitera de l'actualité
artistique et fera mieux connaître aux Français notre patrimoine.
Nous devrons accompagner France Télévision dans cette aventure du numérique
hertzien, qui constitue une chance pour le service public de répondre aux
demandes du plus grand nombre et d'offrir de nouveaux débouchés à la production
audiovisuelle. J'ajouterai que la dotation spécifique prévue, dont vous allez
peut-être nous dire un mot, madame la ministre, ne fait d'ailleurs que couvrir
une partie de l'ensemble des financements nécessaires, évalués à plus de 1,5
milliard de francs.
Deuxième inquiétude : les moyens financiers du secteur seront-ils suffisants
pour affronter tous ces défis et pourront-ils maintenir le groupe public dans
une concurrence équitable avec le secteur privé ?
Je le répète, le budget du secteur public français demeure trop faible comparé
à celui de l'Allemagne, plus de 40 milliards de francs actuellement, ou à celui
de la Grande-Bretagne, qui dépasse les 25 milliards de francs.
Je ne reprendrai pas ici la mauvaise et vieille polémique sur la suppression
de la redevance. Je remarque qu'elle rebondit à travers un amendement présenté
par certaines membres du groupe du RPR.
Mon avis est connu, je continue à penser qu'elle est non seulement nécessaire
mais qu'elle devrait être augmentée pour atteindre les niveaux allemand de 1
000 francs, ou britannique de 1 200 francs.
M. Paul Blanc.
C'est cela !
Mme Danièle Pourtaud.
Elle est la garantie du financement autonome de l'audiovisuel public et, par
là même, de son indépendance éditoriale, et je pense que l'on aurait tort de
sous-estimer le lien qu'elle établit entre les Français et leur télévision
publique.
Mais soyons réalistes, ce n'est sans doute pas la ressource dynamique à forte
croissance annuelle dont a besoin le service public pour son développement.
Nous devons faire preuve d'imagination, demander aux services de Bercy de faire
des simulations et inventer une nouvelle ressource de complément, voire de
substitution.
M. Louis de Broissia.
Une vignette !
Mme Danièle Pourtaud.
Je ne peux conclure sans revenir aux financements des télévisions
associatives. Je dois redire encore une fois qu'il serait totalement incohérent
et hypocrite de reconnaître le droit d'exister aux télévisions associatives
sans leur en donner les moyens.
Je n'ai pas besoin de vous convaincre, madame la ministre, dans notre société
dominée par les médias commerciaux, où le tiers secteur audiovisuel donne la
parole aux citoyens, que ces télévisions sont des espaces de liberté, et
qu'elles créent un lien social. Pouvez-vous nous préciser si elles peuvent
espérer très rapidement la création d'un fonds de soutien à l'expression
télévisuelle ?
J'évoquerai en quelques mots des sujets qui engagent l'Europe, alors que
s'achève la présidence européenne, en exprimant une satisfaction et une
inquiétude.
Avec 400 millions d'euros, le nouveau programme Média Plus est en hausse de 23
% par rapport à Média II. Je crois que c'est là encore le fruit de combats que
vous avez menés. Le programme Média Plus se dote de financements, certes
modestes, mais au moins au niveau de son ambition : favoriser la circulation de
la production européenne dans l'univers numérique.
Moins assurée et beaucoup plus lourde de menaces est la question du sort de la
culture et de l'audiovisuel dans les négociations internationales. Après l'AMI
- accord multilatéral sur l'investissement - et les négociations NTM -
New
Transatlantic market -
nous savons qu'aujourd'hui nos partenaires européens
exercent une forte pression pour inclure l'article 133-5 du traité de
Maastricht, dont dépendent culture et communication, dans le champ des sujets
sur lesquels l'Europe déciderait à la majorité. Comme les artistes rassemblés
il y a une heure devant l'Odéon, nous pensons, madame la ministre, qu'il faut
plus que jamais préserver la diversité culturelle par l'exception
culturelle.
Sachez que nous vous soutiendrons, madame la ministre, dans cette bataille et
que le groupe socialiste votera avec plaisir ce budget, qui ouvre une nouvelle
ère pour l'audiovisuel public.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas
reprendre, après l'excellent rapport de notre collègue Jean-Paul Hugot, les
données de ce projet de budget pour 2001 sur l'audiovisuel public. L'évolution
des crédits traduit bien le nouvel équilibre ou le nouveau déséquilibre qui
s'opère entre les différentes ressources de l'audiovisuel public.
J'insisterai simplement sur deux points qui ont particulièrement retenu
l'attention du groupe du Rassemblement pour la République : d'abord, l'enjeu du
numérique dont Mme Pourtaud et d'autres intervenants ont parlé, ensuite, le
maintien utile de la redevance audiovisuelle, et j'évoquerai, bien entendu, les
défis de la programmation.
S'agissant de l'enjeu du numérique, madame le ministre, nous avions tous
insisté, lors de l'examen du projet de loi sur l'audiovisuel, sur la nécessité
de l'engagement de l'audiovisuel public dans ce mode de diffusion, mais aussi
sur l'importance des coûts qu'entraînerait son développement.
Il est vrai que certains voient l'avenir en rose, et que d'autres sont plus
réalistes ; mais le coût pour France Télévision a été chiffré - il figure dans
le rapport de notre collègue M. Hugot - à 1,6 ou 1,8 milliard de francs. Nous
avons la confirmation de ces chiffres et nous savons que ces investissements ne
seront possibles qu'au prix d'un effort budgétaire important que la
Grande-Bretagne a déjà consenti à hauteur de 200 millions de livres - ce
chiffre figure également dans le rapport de notre collègue Hugot.
Madame le ministre, nous attendons que vous nous éclairiez quant à vos
intentions en la matière.
La loi sur la liberté de communication, adoptée en août dernier, a permis des
avancées voulues par le Sénat,...
Mme Danièle Pourtaud.
Ah bon !
M. Louis de Broissia.
... notamment en matière de diffusion numérique hertzienne. Cet objectif
majeur, compromis par les contraintes financières de cette même loi, n'a,
semble-t-il, pas été pris en compte dans ce projet de budget, ou alors, madame
le ministre, il y a des idées différentes, des idées de partenariat local ou
national, d'ouverture sur le capital pour l'exploitation des multiplexes. Nous
serions heureux que vous nous rassuriez sur ce point. J'émets un doute
positif.
S'agissant de l'avenir de la redevance et de la manière dont l'audiovisuel
public sera financé, plusieurs amendements ont été déposés. Pour ma part, je ne
soutiendrai que celui que j'ai déposé avec M. Joyandet. Cet amendement vise à
exonérer de la redevance ceux qui font partie du quart monde de l'audiovisuel,
c'est-à-dire ceux qui ne reçoivent aujourd'hui rien. Est-il possible au xxie
siècle d'admettre durablement qu'un téléspectateur soit obligé de payer pour
des chaînes publiques qu'il ne reçoit pas ?
En revanche, je ne soutiendrai pas l'amendement de mes collègues visant à
supprimer la redevance. Je pense, et je suis en cohérence avec ce que je disais
voilà quelques jours s'agissant de la vignette automobile, qu'il s'agit d'un
impôt d'usage qui établit un lien entre le public et le service public de
l'audiovisuel.
On peut s'interroger sur l'avenir d'une telle taxe. Nous avons soulevé cette
question à plusieurs reprises, en particulier avec M. Pelchat. Son mode de
recouvrement est archaïque et plus coûteux que celui de la vignette automobile,
que le Gouvernement a pourtant choisi de supprimer pour plusieurs raisons,
dont, m'a-t-on dit, des raisons électorales propres au lieu où se situe le
service de la redevance !
Quel paradoxe en tout cas de ne pas vouloir maintenir un financement
transparent comme c'est le cas dans la plupart des pays européens.
Quel paradoxe ce serait aussi de ne pas nous pencher sur la programmation de
la télévision publique. Il serait tout de même navrant que le Sénat n'aborde
pas cette question. L'audiovisuel public s'efforce de diversifier ses
programmes, de « coller » davantage aux demandes de tous les publics, au risque
de déplaire en diffusant des émissions qui sont - nous pensons tous à des
émissions comme « C'est mon choix » mais il en est d'autres - jugées trop
racoleuses, populaires, voire voyeuristes.
Quel paradoxe effectivement que notre service public à la française n'ait
comme ressource, si je puis dire, que d'être condamné par des parlementaires.
J'ai entendu hier et ce matin des commentateurs de la presse radiophonique
déclarer que nos collègues de l'Assemblée nationale devenaient les censeurs ou
les procureurs des médias publics. C'est là, madame le ministre, que le fameux
équilibre entre le financement public et le financement privé pose problème.
L'audiovisuel public - nous l'avons tous souligné, mais nous n'avons pas été
beaucoup entendus - est obligé en permanence de faire le grand écart entre des
missions de service public dont la définition reste, quoi que l'on en dise,
totalement floue et la nécessité évidente - il n'y a qu'à entendre les patrons
de ces chaînes - de diffuser des émissions qui plaisent au public auquel elles
sont relativement destinées.
Voilà donc le problème posé à l'occasion du vote du budget pour 2001. En ce
domaine, mes chers collègues, ne faisons pas trop de crise d'ego et regardons
le chiffre figurant dans le rapport de notre collègue M. Hugot qui reprend la
réponse, madame le ministre, que vous avez bien voulu apporter à une question
écrite que j'avais posée sur le financement public consenti par nos principaux
partenaires européens. La France est loin derrière le Danemark, le Royaume-Uni
et l'Allemagne. Nous pouvons faire infiniment mieux. Je ne pense pas que la
suppression totale de la redevance réponde aux nécessités de l'heure.
Je ne voudrais pas, en revanche, que nous achevions cette discussion
budgétaire sans évoquer deux sujets : l'indépendance du secteur public que,
pour ma part, j'entends respecter par le maintien de la redevance, et le souci
de la convergence qui doit être notre préoccupation première.
Je le pense, madame le ministre : dans les visions que vous nous proposez pour
2001, l'indépendance n'est pas mise en cause, mais la convergence me paraît
particulièrement écartée. C'est la raison pour laquelle j'aurai de très grands
doutes au moment du vote de ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui le budget du « toujours plus » et des « engagements tenus » selon
vos propres termes, madame la ministre. A la fin de l'été, vous en avez dévoilé
les chiffres et indiqué que le remboursement des exonérations de redevance sera
intégral en 2001 et approchera 2,2 milliards de francs, montant qui représente
plus du double des effets de la limitation de la publicité sur France 2 et
France 3.
Le projet de budget du secteur public de la communication audiovisuelle
s'élève donc à 20,6 milliards de francs pour 2001 contre 19 milliards de francs
en 2000.
Les ressources publiques - redevances et dotations budgétaires - connaissent
une croissance de près de 1,5 milliard de francs ce qui porte en deux ans la
progression de l'effort public à 23,2 %. Le taux de redevance est stable et la
redevance reste à 751 francs pour un récepteur couleur et à 479 francs pour un
poste noir et blanc ; le produit des encaissements de cette redevance s'élève à
13,5 milliards de francs pour l'année prochaine.
Conformément à la loi du 1er août 2000, le budget de l'Etat compense l'impact
des exonérations de redevance, et les crédits budgétaires s'élèvent à 2,11
milliards de francs. Il s'agit là de la concrétisation du fort desserrement de
la dépendance des chaînes publiques à l'égard des recettes commerciales.
Si les ressources publiques augmentent, les ressources propres assignées aux
organismes, quant à elles, diminuent, puisqu'il y a eu baisse des recettes
publicitaires en raison de la réduction des écrans sur France 2 et sur France
3.
Les objectifs de recettes publicitaires ou de parrainage sont donc en baisse
de 6 %, compte tenu de la restructuration des ressources pour la télévision
publique.
Le holding France Télévision, qui était au coeur de la réforme législative, se
trouve ainsi être le grand bénéficiaire de la manne publique et voit son
budget, qualifié de « refondation », progresser de 6,1 %.
France Télévision disposera de 783 millions de francs de moyens nouveaux, dont
450 millions de francs seront entièrement consacrés aux programmes.
Les autres chaînes du secteur public bénéficient également de crédits
supplémentaires, qui s'élèvent respectivement pour Arte à 9,1 %, pour RFO à 8,1
%, pour Radio-France à 6,1 % et pour RFI à 3,4 %.
Les axes prioritaires retenus pour 2001 tendent à « assurer des moyens au
service public audiovisuel » et à « mettre en oeuvre la réforme de la
télévision publique ».
Cela se traduit par « une rupture dans la structure de financement de
l'audiovisuel public » et par « une augmentation des budgets totaux des
sociétés ».
Cette rupture dans la structure du financement a pour conséquence une hausse
de la part du financement public qui passera ainsi de 69,4 % en 1999, à 76 % en
2001.
L'augmentation des crédits publics résulte, pour moitié, de la hausse du
rendement de la redevance et, pour moitié, de l'abondement des crédits
budgétaires.
Pour autant, hormis cette grande tendance, il n'y rien sur le fond et ce
budget laisse l'impression que les questions d'avenir ne sont pas réellement
traitées.
Ainsi en est-il du numérique, pour lequel le Gouvernement indique qu'il n'a «
pas été traité à l'occasion de la préparation de ce budget » et auquel il
affecte un milliard de francs, mais pour 2002 !... J'y reviendrai dans un
instant.
Autre pilier de la réforme mis à mal : la redevance. On a en effet entendu
parler d'un projet de suppression. Cela aurait des conséquences dramatiques
pour le financement de l'audiovisuel public, qui ne serait plus alors assuré,
et perdrait l'indépendance que lui confère une taxe affectée...
Cela signifierait, à terme, la réduction du périmètre de l'audiovisuel public,
donc la privatisation de France 2, et marquerait un tournant pour le PAF, qui
basculerait dans le privé.
Ce qui est sûr, c'est que le débat sur la redevance est plus que jamais ouvert
et qu'il ne peut être éludé... Vous avez, madame la ministre, avoué avoir
engagé une réflexion sur un nouveau mode de financement à moyen terme car « la
pérennité de la redevance pose un problème et son rendement n'est plus à la
hauteur des défis du marché »...
Ce projet de budget ne répond pas à un problème immédiat : le numérique
hertzien, dont le traitement est renvoyé à 2002. Pourtant, vous avez souligné,
madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement
souhaitait un démarrage « rapide et réussi » de ce vaste projet. Dès lors,
pourquoi attendre 2002 ? Seriez-vous inquiète des prises de position des
principaux opérateurs privés - TF 1, Canal Plus ou le bouquet satellitaire TPS
- qui soulignent que le numérique hertzien va au devant d'innombrables périls ?
Certains lui prédisent même le sort funeste du plan câble comme dans les années
quatre-vingt.
Par ailleurs, comme l'a fort bien rappelé, dans son rapport écrit, mon
collègue M. Claude Belot, ce budget nous laisse l'impression que vous ne
percevez pas complètement les enjeux du secteur. La France a besoin
d'entreprises privées fortes. Pour cela, elles doivent pouvoir s'appuyer sur un
cadre législatif stable et en adéquation avec celui qui est en vigueur à
l'extérieur de nos frontières. Parallèlement, le service public, pour
s'affirmer, doit pouvoir bénéficier de toutes les ressources disponibles pour
faire face aux investissements qu'exige le numérique. Il doit aussi bénéficier
de ressources courantes pour se placer sur le marché de l'interactivité.
En outre, votre politique, madame la ministre, demeure timide sur
l'indispensable développement des télévisions locales. Pourtant nos concitoyens
voient dans ces télévisions de proximité un moyen de cultiver leur identité et
d'approfondir la démocratie.
Enfin, je dirai un mot sur les crédits d'aides à la presse pour 2001. Deux
questions fondamentales ne sont pas réglées. Les Nouvelles messageries de la
presse parisienne sont toujours en crise. L'agence France-Presse, l'AFP souffre
toujours d'une situation dans laquelle l'Etat ne lui donne pas les moyens
d'accomplir ses missions.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes collègues et moi-même ne
pourrons voter ni le budget de l'audiovisuel public, ni les crédits d'aides à
la presse. Ils ne permettent pas d'envisager l'avenir sereinement, ils ne
permettent pas aux entreprises publiques du secteur d'assurer l'indispensable
convergence des technologies.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, 6,1 % d'augmentation pour le budget de la communication, voilà
qui devrait
a priori
nous satisfaire. Ce budget de la communication pour
2001 ne saurait cependant me contenter. Nous partons de si loin, madame la
ministre, comparativement à nos voisins ! Et nous allons dans le mur si le
sous-financement chronique du secteur public de l'audiovisuel perdure !
Nous savons depuis longtemps déjà que notre production nationale en matière
d'audiovisuel est très inférieure à celle des Etats-Unis d'Amérique. Mais elle
l'est aussi vis-à-vis de la production de nos voisins européens. Et cela, parce
que nos chaînes publiques manquent de ressources !
Ainsi, par exemple, les ressources cumulées des chaînes françaises sont très
largement inférieures à celles des diffuseurs britanniques et allemands. Là où
pour les seules chaînes publiques allemandes le budget total des activités
s'élevait en 1998 à 30 milliards de francs et les ressources de la BBC à
légèrement plus de 30 milliards, le cumul des budgets de France 2, France 3, La
cinquième, la Sept, Arte et l'INA atteignait péniblement les 14 milliards de
francs !... Inutile de dire que nous ne pouvons prétendre combattre dans la
même catégorie.
Qu'attendez-vous pour réformer le système de la redevance ? Estimez-vous la
décision si impopulaire qu'il vaille mieux attendre des échéances électorales ?
N'y a-t-il pas un intérêt populaire supérieur qui exige des réformes urgentes
?
J'insiste : il faut, sans attendre, en réformer le mode de perception. C'est
là la principale source de financement du service public de l'audiovisuel.
C'est la garantie d'un minimum de ressources stables et pérennes. Je
rappellerai à ceux qui auraient des velléités de la supprimer qu'il y a quand
même 13 pays sur 15 en Europe où une redevance est perçue pour l'audiovisuel,
et à un taux supérieur !
Mon collègue M. Michel Pelchat a lui aussi déjà exposé ici, à plusieurs
reprises, sa proposition de réforme de l'assiette de la redevance et M. Louis
de Broissia y a fait allusion tout à l'heure en prenant comme fait générateur
de celle-ci non plus le binôme « poste de télévision et point de réception »
sur un rôle constitué par un acte de déclaration volontaire, mais simplement le
« point de réception ».
Je n'y reviendrai pas dans le détail cet après-midi. Je ne reviendrai pas plus
sur l'engagement pris dans la loi que nous avons votée il y a quelques mois en
ce qui concerne le remboursement des exonérations.
A mon sens, vous le savez, cet engagement ne peut tenir que si, chaque année,
à l'occasion du vote de la loi de finances, le Gouvernement soumet au Parlement
le champ des exonérations qu'il envisage, ainsi que leurs conséquences
budgétaires.
Je vous donnerai simplement quelques chiffres très révélateurs et instructifs
quant au potentiel de recettes de redevances non perçues.
Au 30 avril 2000, les comptes gérés par le service de la redevance étaient de
21 884 980, exonérations comprises. Ceux qui se sont acquittés de cette taxe
étaient ainsi 18 327 589 et les exonérés, eux, étaient au nombre de 3 557
391.
Or, savez-vous combien il y a de foyers en France ? A la même date du 30
avril, selon l'INSEE, il y avait plus de 29 millions de foyers !
Faudrait-il en conclure qu'il y a en France plus de 8 millions de foyers qui
ne possèdent pas de poste de télévision ? Je laisse à chacun ici le soin
d'apprécier... et de chercher l'erreur !
Ainsi, madame la ministre, parce que le budget que vous nous présentez n'est
pas du tout à la hauteur des ambitions nécessaires pour le service public de
l'audiovisuel, je ne voterai pas ce projet de budget pour la communication.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les débats
internationaux concernant les spectres de fréquences sont particulièrement vifs
- je pense que mon collègue M. Ralite ne me démentira pas sur ce point - car,
notamment lorsqu'il s'agit de questions stratégiques, nos amis américains ne
sont pas tellement faciles à convaincre !
Les besoins en fréquences augmentent avec le développement des technologies de
l'information et des communications, au rang desquelles je compte, bien
entendu, la communication audiovisuelle.
Je rappelle que l'excellent rapport publié par le ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie en juin 2000 précise que la contribution de ce
secteur à la croissance est infiniment supérieure à sa part du produit
intérieur brut. On estime en effet que cette contribution pourrait aller
jusqu'à 1,6 point de croissance, c'est-à-dire la moitié de la croissance en
France, alors que le poids de ce secteur dans l'économie n'est que de 2,5 % à 3
%.
Cela provient de diverses raisons, en particulier de la « transversalité »
totale de ces produits et de leur usage, et de la forte croissance des
investissements dans ce secteur.
Tous les industriels du domaine stratégique considèrent que les besoins en
fréquences sont très forts. Ils le prouvent puisque, pour obtenir une licence
dans une bande de fréquence UMTS, ils sont allés jusqu'à s'engager à payer 32,5
milliards de francs, et pour se déployer sur la part du territoire qu'ils se
sont engagés à couvrir, il leur faudra encore dépenser de l'ordre de 40
milliards de francs. C'est beaucoup d'argent !
Le coût du déploiement des UHF -
Ultra High Frequency
- et des VHF -
Very High Frequency
- est beaucoup plus faible, et coûtera de l'ordre du
quart du prix, tout simplement parce que ces fréquences ont une longueur
d'ondes plus grande et qu'un pylône couvre plus de territoire.
La numérisation va permettre de libérer une vingtaine, voire une trentaine de
fréquences supplémentaires, indépendamment de celles qui sont attribuées aux
opérateurs actuels. Par conséquent, on peut se demander s'il faudra les faire
payer. Dans l'affirmative, quel en sera le coût, selon quelles modalités, en
fonction de quels critères et de quelles priorités ?
Lors de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de communication,
examiné le 18 janvier 2000 en première lecture au Sénat, j'avais déjà évoqué ce
sujet, en indiquant qu'à mon sens il serait déraisonnable de ne pas débattre au
moins de l'affectation réservée à certains services prioritaires. Je pense, par
exemple, aux services concernant la santé, la prévention, le télédiagnostic, la
télémédecine ou la médecine à domicile - pensez au budget de la sécurité
sociale - ou encore à d'autres domaines tels que l'enseignement et la formation
continue, qui représentent environ 400 milliards de francs de dépenses dans le
projet de budget pour 2001 et ne cessent d'augmenter. Bref, tout cela prouve
qu'il y a vraiment là un problème majeur dont, à mon sens, le Parlement doit
débattre.
Je ne sais pas quelles seront les positions qui seront prises, madame la
ministre, mais une chose est sûre : il est absolument indispensable que le
Parlement débatte de la mise à plat du spectre de fréquences.
Certaines fréquences sont affectées à des militaires, d'autres sont utilisées
en commun avec des pays voisins, d'autres encore sont affectées à la
télévision, d'autres enfin aux télécommunications... L'ordre de grandeur de la
valeur de ces fréquences - la valeur affichée et non, comme l'ont fait les
Britanniques, celle qui résulte d'une mise aux enchères ! - dépasse les 1 000
milliards de francs !
Cela mérite bien que le Gouvernement et le Parlement débattent de la
répartition, des priorités, des modalités d'appréciation et éventuellement de
la remise à plat des affectations et des responsabilités.
Des réaffectations en capital pourraient, monsieur Belot, être réalisées à
cette occasion au bénéfice de France Télévision, qui doterait alors fortement
la Banque de programmes et des services déjà mise en place par La Cinquième,
afin de lui donner une réelle dimension nationale, et contribuerait aux
services numériques interactifs que j'ai évoqués.
Cela précise bien que je ne suis pas opposé à la réaffectation de fréquences
au domaine télévisuel. Il est d'autant plus nécessaire de mettre à plat les
problèmes, les types de services et de monter les structures correspondantes,
qu'il y a le phénomène de convergence.
Des télévisions commencent à diffuser sur Internet, à l'image de Canal Web. La
prochaine fois que vous viendrez à Cannes, madame la ministre, vous serez
filmée par Azur Télévision, une petite société qui vient de se créer et qui va
probablement se capitaliser, pour diffuser largement sur Internet et vendre des
produits culturels de proximité.
Cela conduit à envisager que ce ne sont plus les seules fréquences distribuées
par le CSA qui doivent être contrôlées par le CSA. Il faut réorganiser les
fonctions à la fois du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de
régulation des télécommunications et de l'Agence nationale des fréquences. Sur
ce point, madame la ministre, je souhaite que vous nous donniez un avis, et que
vous preniez éventuellement un engagement sur l'intérêt que présenterait un
débat au Parlement sur ce problème. Je vous remercie
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue
Danièle Pourtaud ayant dit tout le bien que nous pensons de votre projet de
budget, je n'y reviendrai pas, sinon pour me réjouir des informations
complémentaires que vous avez données aux députés : les 550 millions de francs
d'exonérations supplémentaires votés par l'Assemblée nationale seront reversés
intégralement à votre budget, via le fonds d'affectation spéciale, ainsi que
les 200 millions de francs d'exédents de redevance perçus l'année dernière.
Toutefois, je tiens, au passage, à joindre ma protestation à celle de mes
collègues députés et sénateurs concernant le coût de la collecte de cette
redevance. La redevance en elle-même est une excellente chose - nous l'avions
d'ailleurs défendue cet été lorsqu'elle a été mise en cause -, car elle permet
d'assurer l'autonomie de l'audiovisuel public. En revanche, un récent rapport
de l'inspection des finances a révélé que le coût de sa collecte était non pas
de 400 millions de francs, comme on nous l'avait assuré jusque-là malgré nos
marques de scepticisme, mais bien du double, voire de 1 milliard de francs, ce
qui est exorbitant ! Je réitère la proposition de prélèvement automatique à la
source de cette « malheureuse » somme de 753 francs annuels pour tous les
ménages qui n'en sont pas exemptés ; quitte, pour ceux qui n'ont pas de poste
de télévision, à faire une déclaration sur l'honneur. Un tel système de
collecte non seulement serait beaucoup moins onéreux, mais permettrait de
surcroît, en concentrant les contrôles sur une population plus étroite, de
réduire la fraude, qui reste considérable.
S'agissant du financement de l'audiovisuel public, je note avec satisfaction
une croissance de 6 %, contre 4,8 % l'année dernière. Conformément à nos
engagements, la part des dotations publiques atteint désormais 76 %, les écrans
publicitaires passant de dix à huit minutes.
Madame la ministre, il ne m'a pas échappé non plus que le chiffre d'affaires
de TF1 a augmenté dans le même temps de 16 % et celui de M6 de 24 %, les deux
chaînes commerciales bénéficiant de l'effet d'aubaine du retrait progressif de
France Télévision du marché de la publicité. Le fossé entre les ressources des
chaînes publiques et celles des chaînes privées continue donc de s'élargir,
malgré l'effort considérable de financement que vous avez consenti. Il en va de
même de l'autre fossé, celui qui existe entre les ressources de l'audiovisuel
national, public et privé confondus, et celles de ses homologues étrangers,
ressources supérieures d'un bon quart aux nôtres en ce qui concerne
l'audiovisuel britannique et d'un bon tiers en ce qui concerne l'audiovisuel
allemand.
Je rappelle que le Gouvernement de M. Tony Blair, qui n'est pourtant pas
spécialement porté à augmenter les prélèvements obligatoires, s'est engagé à
accroître la redevance de 2 milliards de francs par an pendant cinq ans pour
financer l'essor du numérique hertzien en Grande-Bretagne. En Allemagne, cet
engagement est de 3 milliards de francs par an. En comparaison, la dotation
spécifique de 1 milliard de francs, confirmée par le Gouvernement, pour
financer le développement de France Télévision dans le numérique hertzien,
paraît bien modeste !
Madame la ministre, vous en avez conscience, je le sais, et vous êtes même
plus encore préoccupée de l'existence de ce double handicap. Vos services
travaillent à la recherche d'un financement nouveau du service public de
l'audiovisuel, financement pérenne, affecté et dynamique, c'est-à-dire qui
bénéficierait d'une croissance forte, car il serait indexé sur celle du secteur
économique de l'information et des télécommunications plus que sur celle du
budget de l'Etat.
Nous attendons avec intérêt des propositions dans ce domaine qui pourraient
progressivement mettre un terme, à l'état de sous-financement chronique du
secteur audiovisuel public et du secteur audiovisuel en général.
L'année 2000 sera aussi celle de la négociation des contrats d'objectifs et de
moyens entre l'Etat actionnaire et France Télévision. Le débat sur ce qu'est et
sur ce que devrait être une télévision de service public va rebondir de plus
belle. Il a même déjà rebondi, si j'en juge par le discours tenu à cette
tribune par M. de Broissia.
Si l'on s'efforce de définir la télévision publique par opposition à la
télévision privée, l'une et l'autre étant, en quelque sorte, d'essence
différente et assumant des fonctions radicalement autres, on aboutit, je le
crois, à une impasse.
Une telle démarche pose en effet comme postulat implicite que la vocation des
chaînes commerciales serait de divertir, de détendre, d'amuser, alors que la
vocation des chaînes de service public serait d'éduquer, d'informer, d'élever
les âmes. On aurait, d'un côté, une télévision récréative et, de l'autre, une
télévision éducative, la seconde devant évidemment s'interdire de se laisser
entraîner sur le terrain de la première ! Une telle approche, sous-jacente à
bien des critiques que nous entendons actuellement, est caricaturale et
dangereuse.
Elle est caricaturale, car les chaînes privées, TF1, M6 et Canal Plus ne se
réduisent évidemment pas à cette fonction de divertissement. Elles assument,
elles aussi, du fait de leur cahier des charges, mais aussi par leur propre
mouvement, des missions de service public dans l'ordre de l'information, de la
fiction, du débat.
Cette approche est par ailleurs dangereuse car, si les chaînes publiques
généralistes ne se limitaient qu'à leur fonction éducative, si elles ne
s'efforçaient pas de répondre aussi bien que possible aux besoins de
divertissement, de détente, de jeux, des téléspectateurs, elles perdraient
beaucoup de leur audience et se marginaliseraient.
Or conserver une vaste audience - elle est aujourd'hui, malgré la
multiplication des chaînes concurrentes, supérieures à 40 % - constitue un
impératif catégorique pour le service public de l'audiovisuel, car c'est
précisément cette vaste audience qui lui permet de peser sur notre système
audiovisuel dans son ensemble et de le conditionner.
La qualité et la fécondité de notre télévision proviennent largement, à mon
sens, de l'équilibre et de la compétition qui se sont institués entre ces deux
pôles.
Le premier est un pôle public puissant qui prétend incarner la tradition, les
valeurs, les ambitions de la télévision de service public - promotion des
oeuvres de fiction et des documentaires de qualité pour un grand public,
informations nationales et internationales, animation du débat public -,
fonction qui incite les chaînes privées à démontrer qu'elles peuvent, elles
aussi, et peut-être mieux encore, s'acquitter de telles missions.
Le second est un pôle commercial qui, créant la concurrence, incite France
Télévision à se soucier de son audience, à éviter l'élitisme, la routine et le
corporatisme.
Cette émulation tire l'ensemble de notre système audiovisuel vers le haut. Il
ne faudrait pas l'affaiblir. Si l'audience du service public tombait en deçà
d'un certain seuil, si l'équilibre actuel était rompu, la dérive des chaînes
commerciales ne connaîtrait plus de limite, comme on le voit en Italie ou aux
Etats-Unis.
Je me réjouis de la progression de l'audience de France 3 qui est passée, en
six mois, de 16,4 % à 17,3 %, ainsi que de l'image excellente que recueille
cette chaîne auprès de nos concitoyens. Je juge un peu excessif le procès qui a
été fait à l'émission « C'est mon choix ».
M. Louis de Broissia.
Procès fait à gauche !
M. Henri Weber.
Elle a sans doute donné lieu à des dérapages que la chaîne s'est d'ailleurs
engagée à corriger, mais le concept de l'émission ne me paraît pas déplacé sur
une chaîne publique, même si le choix des sujets mérite d'être resserré. Il est
possible de divertir sans abêtir, d'amuser sans dégrader.
Nous attendons donc, madame la ministre, les contrats d'objectifs et de moyens
en cours d'élaboration. Je ne doute pas qu'ils donneront vie à toutes les
missions du service public de l'audiovisuel tout en ayant à coeur de préserver
et d'augmenter son audience. C'est donc avec satisfaction et confiance que nous
allons voter votre budget, que ma collègue et amie Danièle Pourtaud a qualifié
à juste titre d'excellent.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Louis de Broissia.
Débat intéressant entre MM. Weber et Fabius.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous présenter
aujourd'hui le projet de budget de la communication pour 2001 et de renouer
ainsi, après quelques années, ce débat avec votre assemblée, débat qui touche à
des enjeux essentiels pour notre démocratie, ainsi que pour l'information, la
culture et le divertissement de nos concitoyens.
A mes yeux, le projet de budget que je vous soumets est bon. Je commencerai
par la presse.
Partons d'un constat : la presse va globalement plutôt bien. La reprise
économique aidant, les journaux ont bénéficié de rentrées publicitaires qui ont
atteint des niveaux importants. L'année 2000 sera très positive et cette
tendance devrait se confirmer en 2001.
Je rappelle que, pour le Gouvernement, c'est toute la presse - quotidiens et
magazines - qui doit pouvoir se développer dans de bonnes conditions, car elle
contribue à la création d'un lien social fort. La presse est un secteur clef
pour un pays démocratique. Il appartient donc au Gouvernement de créer
l'environnement juridique et économique qui facilite son développement, dans le
respect de la libre concurrence.
La véritable et durable indépendance de la presse nécessite santé économique
et rentabilité. Il faut donc se féliciter de cette situation économique plus
favorable, même si nous savons qu'elle est inégalement partagée.
L'existence d'une presse quotidienne d'information politique et générale est,
à l'évidence, plus fragile.
C'est pourquoi le Gouvernement a soutenu, en 1997, une initiative
parlementaire créant un fonds de modernisation pour accélérer la modernisation
et le développement de cette presse, ce qui lui permet notamment d'être
présente sur Internet, voie incontournable, comme l'a souligné M. Renar.
Depuis sa création, le fonds a permis d'accorder 200 aides pour un montant
global de 327 millions de francs, ce qui n'est pas peu, vous en conviendrez, je
pense, monsieur de Broissia.
La presse quotidienne régionale totalise 81 dossiers instruits et arrive en
tête de l'aide avec 145 millions de francs. La presse quotidienne nationale a
bénéficié, quant à elle, de 104,8 millions de francs, la presse quotidienne
départementale de 39 millions de francs et la presse hebdomadaire régionale de
26,4 millions de francs.
Pour 2001, le montant estimé du compte d'affectation spéciale est de 160
millions de francs mais, comme vous le savez, le montant final de la ressource
sera fonction du produit de la taxe sur la publicité destinée à le financer.
C'est pourquoi j'ai demandé à ma collègue Mme Parly, secrétaire d'Etat chargé
du budget, de veiller au bon fonctionnement de la perception de la taxe afin
que, tant par son niveau que par sa dynamique, elle assure un meilleur
financement du fonds de modernisation. La situation du marché publicitaire
devrait le permettre, et mes services suivent ce dossier avec attention.
Pour le Gouvernement, vous l'avez bien compris, les aides sont prioritairement
justifiées par le souci du maintien d'une diversité de titres d'information
politique et générale, garant du pluralisme. Ce sont ces principes qui donnent
à l'intervention publique sa légitimité puisqu'ils visent à garantir
effectivement la liberté de la presse.
Je voudrais maintenant répondre à la question et aux suggestions de M. de
Broissia concernant la presse à l'école.
En 1990, Lionel Jospin, alors ministre d'Etat, ministre de l'éducation
nationale, et moi-même avons lancé la première semaine de la presse à l'école.
Nous fêterons donc, au printemps 2001, sa douzième édition. Au cours de l'année
2000, cinq millions d'élèves ont été touchés, quatre cent cinquante journaux se
sont portés volontaires pour distribuer, dans les différents établissements, 2
millions d'exemplaires, qui ont été acheminés par La Poste. On ne peut que se
réjouir d'un tel succès !
Faut-il aller plus loin, comme vous le proposez, monsieur le rapporteur pour
avis ? Dans l'affirmative, l'Etat doit-il intervenir ?
Il me semble que c'est plutôt dans l'établissement de relations au plan local
entre les écoles, collèges ou lycées et les éditeurs que les solutions doivent
être trouvées. En revanche, si de telles initiatives devaient exister, il
conviendrait de veiller à assurer le pluralisme de l'information et à conserver
la neutralité du service public de l'enseignement. Je suis certaine que les
parents d'élèves y seraient très attentifs.
Les crédits qui seront consacrés aux aides directes à la presse baissent de 2
%. Mais cette baisse résulte du fait que le plan social de la presse
quotidienne prendra fin le 31 août 2001, comme l'a rappelé M. de Broissia. Au
total, c'est près d'un demi-milliard de francs qui auront été consacrés en tout
par l'Etat à l'accompagnement social de la modernisation de la presse
parisienne sur huit ans.
Pour rester dans le domaine des plans sociaux, des mesures propres aux NMPP,
les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, ont conduit l'Etat à
intervenir pour accompagner le plan social de cette entreprise, de 1993 à 1999,
à hauteur de 105 millions de francs.
Cela étant précisé, à périmètre constant, l'ensemble des crédits consacrés aux
aides directes à la presse pour 2001 progressera de 1,8 %, passant de 247
millions à 255,7 millions de francs, comme je l'avais en effet indiqué devant
votre commission.
A ce chiffre vient bien évidemment s'ajouter le montant des abonnements
souscrits par l'Etat auprès de l'AFP, soit, en 2001, 613 millions de francs.
La part des abonnements souscrits par l'Etat par rapport au chiffre d'affaires
de l'agence diminue depuis quinze ans grâce notamment aux efforts de
développement de l'agence et à la diversification de ses ressources.
Aujourd'hui l'AFP, comme tous ses homologues, doit relever le défi de
l'internet ; vous avez été nombreux à le rappeler à cette tribune.
Nous sommes convaincus que la révolution en cours du marché de l'information
lui offre de réelles perspectives de développement sans qu'il soit nécessaire
pour autant de remettre en cause ses missions et ses valeurs. Au contraire, le
besoin d'informations vérifiées valorise et renforce le métier de base de
l'agence et le travail de ses journalistes.
Nous souhaitons que M. Bertrand Eveno, président de l'AFP, construise une
véritable politique de modernisation et de développement de son entreprise,
dans la confiance, le dialogue et la transparence, comme l'a souhaité M.
Belot.
C'est à partir d'un tel projet que peut s'engager la réflexion sur une réforme
des statuts telle que l'appelle de ses voeux depuis longtemps, je dois le
reconnaître, M. Broissia.
Mais le Gouvernement estime qu'une telle réforme ne peut s'engager dans une
entreprise qui, pendant plusieurs mois, a douté de son avenir. Quelles qu'aient
été les qualités et les propositions de son précédent président, celui-ci n'a
pas été en mesure d'associer à son projet l'ensemble de son personnel et de son
conseil d'administration.
Pour le Gouvernement, l'avenir de l'AFP ne peut se concevoir que selon deux
critères principaux : d'une part, un respect scrupuleux de la déontologie qui
fonde toute l'histoire même de l'AFP ; d'autre part, une équation économique
impliquant l'ensemble des parties et suffisamment dynamique pour diversifier
les recettes de l'agence.
L'Etat, je puis vous l'assurer, est prêt à prendre la part qui lui incombe. Il
ne saurait agir seul. L'effort doit rester équilibré ; l'examen décidé par le
Sénat, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, peut y
contribuer.
Je rappelle l'abandon de 45 millions de francs de prêts participatifs approuvé
par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Je souhaite, à présent, évoquer plus particulièrement les aides publiques
directes à la presse et le fonds d'aide au multimédia.
L'aide au portage des quotidiens, dont bénéficient déjà cinquante-neuf titres,
permet de toucher et de fidéliser un nouveau lectorat. Elle progressera de 3,9
%. Il est à noter que, pour près de 70 %, cette aide a bénéficié cette année à
la presse quotidienne régionale puisque 34,8 millions de francs ont été
répartis sur trente-deux titres, alors que sept quotidiens nationaux et vingt
quotidiens départementaux se partagent respectivement 10,4 millions de francs
et 5,2 millions de francs.
Les trois fonds d'aide aux quotidiens nationaux ou départementaux et aux
hebdomadaires régionaux à faibles ressources publicitaires ont progressé en
trois ans de 31,6 %. Dix-sept quotidiens, dont cinq nationaux, et deux cents
hebdomadaires régionaux en ont bénéficié.
Le fonds d'aide au multimédia accompagne désormais efficacement les
développements en ligne des diverses catégories de presse. Je dois dire à ce
propos que le colloque organisé par la fédération nationale de la presse à
Lille a mis en évidence la prise de conscience chez l'ensemble des
professionnels de l'absolue nécessité d'investir pour donner à leur entreprise
un prolongement sur Internet.
Même s'ils n'ont aucune implication budgétaire, je souhaite évoquer devant le
Sénat deux dossiers qui préoccupent actuellement les éditeurs de journaux.
Le premier concerne le papier journal, pour lequel sont apparues récemment des
craintes de pénurie, ce dont je me suis bien évidemment préoccupée.
Un certain nombre d'éditeurs de presse s'approvisionnent directement auprès
d'usines françaises, généralement dans le cadre de contrats annuels. Ces
éditeurs ne paraissent pas aujourd'hui rencontrer de difficultés
particulières.
D'autres, comme cela semble être le cas de la Société professionnelle des
papiers de presse, la SPPP, depuis de nombreuses années, ont choisi, dans le
cadre de leur politique commerciale, de s'approvisionner sur le marché spot
international. Ceux-là s'émeuvent de difficultés éventuelles pour 2001.
Il serait évidemment regrettable que, au moment où la presse quotidienne a
investi pour offrir aux annonceurs une meilleure qualité, par exemple par la
systématisation de la quadrichromie, elle se retrouve pénalisée par une
pagination qui s'avérerait insuffisante pour faire face à la demande des
publicitaires.
Prenant en compte ces différents éléments, mon collègue Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, que j'avais immédiatement saisi de la
question, m'a répondu : « Il me paraît important d'examiner les conditions dans
lesquelles les producteurs français pourraient approvisionner de façon plus
significative les éditeurs, notamment ceux qui rencontrent aujourd'hui des
difficultés, sans ignorer que les contrats de longue durée passés par la
profession avec ses clients actuels pourraient être un obstacle à une
augmentation immédiate des quantités livrées. »
Je compte donc poursuivre le dialogue avec la SPPP, qui ne m'avait pas donné
exactement cet éclairage sur la situation de l'approvisionnement des éditeurs
de presse.
Le deuxième dossier que je souhaite évoquer devant vous est celui des NMPP,
sur lequel a particulièrement insisté M. Belot.
Le 17 février 2000, l'opérateur Hachette et la direction des NMPP ont présenté
à l'Etat les grandes lignes d'un plan de modernisation de l'entreprise.
Ce plan comporte un volet social, dont la mise en oeuvre et le financement
devraient être assurés grâce à un accord de branche signé le 9 novembre
dernier.
Par ailleurs, les NMPP et Hachette ont fait savoir que, selon eux, ce plan
nécessiterait une aide pérenne de l'Etat, évaluée entre 200 et 250 millions de
francs par an, s'ajoutant au coût pour l'Etat des mesures sociales.
Si une aide devait être apportée par l'Etat, elle devrait bien entendu
répondre à une double exigence de transparence : transparence interne par la
fourniture d'informations de caractère financier et comptable de la part de
l'entreprise ; transparence externe par rapport, notamment, au respect des
règles de la concurrence tant nationales qu'européennes.
La profession a pris l'initiative d'une table ronde sur la distribution de la
presse en présence d'un représentant de l'Etat. Elle devrait se réunir de
nouveau le 11 décembre prochain. Le Gouvernement est prêt à étudier, sur la
base de propositions solides et consensuelles des éditeurs, un mécanisme d'aide
à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et
générale.
J'ai même engagé avec mes services des études ponctuelles sur les différents
aspects techniques que se pose aujourd'hui notre système des NMPP.
Je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si les textes
qui fondent tant l'agence France-Presse que les NMPP ont pris de l'âge, nous ne
devons pas perdre de vue que la raison d'être de ces entreprises, au service de
la liberté et du pluralisme de la presse, conservent toute sa validité.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Tout aménagement de ces
textes, toute évolution de ces entreprises devrait, bien sûr, s'inscrire dans
ce même objectif.
J'ai noté avec un peu de surprise, je dois le dire, que plusieurs orateurs,
notamment les rapporteurs, suggéraient de répondre à ces situations par des
financements de l'Etat. L'Etat, je le répète, est prêt à prendre sa part. Mais
je n'oublie pas que nous devons, par ailleurs, nous inscrire dans un propos
budgétaire responsable qui, lui-même, s'inscrit dans une réflexion dynamique
sur la diminution des dépenses publiques et la réduction des impôts.
Je voudrais évoquer également, M. de Brossia ayant appelé mon attention sur ce
point, la situation des correspondants locaux de presse au regard du droit
social et fiscal.
Le statut dérogatoire dont ils bénéficiaient depuis 1993 a été supprimé, je le
rappelle, par la loi de financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996,
sous le gouvernement de M. Juppé. J'ai donc saisi la ministre de l'emploi et de
la solidarité de cette situation en lui demandant comment il pourrait y être
remédié, et je vous tiendrai informé, monsieur le sénateur, des suites de cette
démarche.
J'en viens maintenant au secteur audiovisuel lui-même.
Vous avez abordé divers sujets qui ne sont pas directement liés au débat
strictement budgétaire, mais qui rendent compte de vos préoccupations, et je
tiens à vous répondre avant d'évoquer le budget lui-même.
C'est en termes financiers mais aussi en termes de diversification de notre
paysage audiovisuel que Mme Pourtaud a traité de la question des télévisions
locales.
Si nous nous entendons tous pour reconnaître l'enjeu de société que recouvre
cette question, le Gouvernement estime que le financement des télévisions
associatives ne peut être calqué sur celui de la radio, d'abord parce que les
deux supports répondent à des logiques techniques et financières différentes,
mais surtout parce que le dossier du développement de la télévision locale doit
être traité de manière globale, en tenant compte de toutes les possibilités
techniques qui se présentent désormais. Diffusion hertzienne, diffusion
analogique ou numérique, diffusion par Internet : les possibilités sont
extraordinairement ouvertes au regard tant des données techniques et
économiques qu'au regard des attentes du public. Tout cela fera l'objet du
rapport que le Gouvernement doit vous présenter au plus tard en août 2001.
M. Laffite a soulevé, également en marge de ce débat budgétaire, mais avec le
souci de prospective - ou de projection dans l'avenir qui est toujours le sien,
le problème d'une remise à plat du spectre général des fréquences. S'agissant
de l'utilisation des fréquences qui se trouvent libérées par la numérisation,
nous avons, en effet, à nous poser aussi la question de leur mode d'attribution
et de leur mode de distribution, celle-ci pouvant être soit gratuite, soit
payante.
Qu'il soit utile d'en débattre à terme relativement proche, j'en suis
d'accord, monsieur le sénateur, et soyez certain que le Gouvernement est
conscient de la nécessité d'un tel débat. Cependant, il me paraît un peu
prématuré de le tenir aujourd'hui : nous croyons préférable d'attendre que les
premiers usages du numérique soient déterminés avant d'établir, à partir
d'études solides, de véritables projections économiques et d'engager la
concertation que vous souhaitez.
L'actualité veut, par ailleurs, que nous nous interrogions tous sur les
phénomènes de concentration dans l'audiovisuel. Je crois que, d'une manière
générale, nous devons en avoir une vision dynamique.
Des mécanismes de régulation existent dans notre pays en matière de
concentration et de respect de la concurrence : les autorités compétentes - je
pense en particulier au Conseil de la concurrence et au CSA - auront donc à
intervenir le cas échéant.
Sous la condition du respect des règles de la concurrence, la constitution de
grands groupes français peut être bénéfique si elle apporte, face aux groupes
étrangers, dynamisme et efficacité à l'économie de ce secteur, et si elle
accroît, comme vous l'avez dit, madame Pourtaud, les capacités de notre
appareil de production de contenus.
En ce qui concerne plus spécifiquement le projet de fusion entre les sociétés
Vivendi et Seagram, le Gouvernement a suivi avec attention l'évolution de ce
dossier et son examen par le CSA.
Notre préoccupation, largement partagée, je le crois, était de préserver le
champ propre de Canal Plus dans le nouveau groupe, afin de garantir durablement
le respect des engagements souscrits auprès du cinéma et de la production
audiovisuelle.
Le 30 novembre, le CSA, dans l'exercice de la responsabilité de régulateur que
lui a confiée le législateur, a décidé de ne pas s'opposer au projet de fusion.
Il a conduit de larges consultations avec les professionnels et obtenu que
divers aménagements soient apportés au projet initial de convention liant Canal
Plus SA à Canal Plus distribution.
Je suis certaine que le CSA et les professionnels du secteur resteront
vigilants sur la mise en oeuvre de ces accords.
J'en viens maintenant aux sujets strictement budgétaires.
Ce budget, que M. Herment présentait, apparemment à regret, comme celui du «
toujours plus » - se démarquant ainsi de plusieurs interventions qui plaidaient
justement pour le « plus », notamment pour le « plus » de financements
budgétaires - s'inscrit dans la logique du vote de la loi du 1er août 2000 sur
la liberté de communication, par laquelle le Gouvernement a exprimé très
clairement son choix en faveur d'un service public fort, c'est-à-dire mieux
financé, tourné vers l'avenir, dans la perspective du déploiement du numérique
terrestre, et attaché, dans ce cadre nouveau, à remplir ses missions.
Je note à nouveau, comme lors du débat sur la loi du 1er août 2000, que la
Haute Assemblée nous rejoint sur la nécessité d'un service audiovisuel public
fort, et donc doté des moyens lui permettant réellement de remplir ses
missions.
La représentation nationale tout entière a approuvé ces choix, dont le projet
de budget pour 2001 de l'audiovisuel public est la traduction concrète. Il
démontre l'engagement de ce gouvernement en faveur d'un audiovisuel public bien
armé pour affronter la compétition nationale et internationale qui caractérise
aujourd'hui ce secteur.
Un service public mieux financé : c'est le premier axe du projet de budget que
j'ai l'honneur de vous présenter. M. Belot, rapporteur spécial, a bien insisté
sur cette nécessité. Les ressources publiques affectées au secteur progresse de
10,3 %, soit 1,5 milliard de francs de plus par rapport à l'année dernière, ce
qui se traduit par un accroissement de 6,1 % du budget du secteur.
L'effort consenti n'est donc pas négligeable, et j'avoue ne pas avoir bien
compris, monsieur le rapporteur spécial, si vous considériez ce chiffre comme
très positif ou comme très insuffisant. L'annonce que vous avez faite quant à
votre vote à venir semble indiquer que la seconde hypothèse est la bonne, mais
cela n'apparaissait pas de manière limpide dans le reste de vos propos.
(Sourires.)
La croissance du budget s'explique par la mise en oeuvre de la disposition,
figurant dans la loi du 1er août 2000, relative au remboursement des
exonérations, qui se traduit par une ressource additionnelle de 2,1 milliards
de francs, inscrite au budget en 2001, 900 millions de francs ayant déjà été
versés au titre de l'année 2000.
Dans la logique de la loi du 1er août dernier, la nouvelle catégorie
d'exonérations qui a été créée, à la suite de l'adoption d'un amendement
parlementaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances,
fera elle-même l'objet d'un remboursement intégral, pour un montant de 550
millions de francs, comme j'ai le plaisir de le confirmer ici. Il n'y a donc
pas d'incidence sur les ressources affectées au secteur public.
J'évoquerai brièvement la répartition, entreprise par entreprise, de ces
moyens supplémentaires.
Deux axes principaux de dépenses se dégagent : le renforcement des programmes
et la modernisation des structures.
France Télévision voit ses moyens augmenter de près de 1,1 milliard de francs,
soit une progression de ses ressources publiques de 13,2 %. Sur ce total, plus
de 450 millions de francs de moyens nouveaux iront au renforcement des
programmes des différentes chaînes du groupe : La Cinquième, France 2, France
3.
Je ne peux vous suivre, monsieur le rapporteur spécial, lorsque vous dites que
France 3 ne saurait être considérée comme une chaîne de proximité. Cette chaîne
à elle seule ne répond certainement pas à l'ensemble des attentes de proximité
des téléspectateurs, mais je crois qu'elle remplit néanmoins déjà largement
cette mission. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'elle mesure, jour après jour,
la grande fidélité de son public, qui se reconnaît dans ses programmes
régionaux. Il s'agit également d'un axe fort de ses projets de développement,
dont j'ai pu m'entretenir tour récemment avec MM. Tessier et Pfimlin. Les
nouvelles grilles de France 3 font une place croissante aux décrochages locaux
et aux nouvelles éditions locales, ce que nous devons encourager.
Le budget de Radio France augmente de 6,1 %. Cette progression est consacrée à
trois projets fondamentaux : la numérisation de ses antennes, le développement
des projets stratégiques visant à renforcer ses antennes de proximité - c'est
l'objet assigné au « plan bleu », dont Radio France vient de commencer la mise
en oeuvre - et la politique de modernisation de sa gestion salariale.
L'objectif de RFO est d'assainir ses bases financières : cet objectif sera
atteint grâce à la forte progression - de 8,1 % - des moyens qui lui sont
accordés, dont plus de 30 milions de francs correspondent à la reconstruction
de sa base budgétaire.
Le budget d'Arte France progresse de 9,2 %. Ces moyens supplémentaires sont
justifiés par une dépense exceptionnelle, liée à la construction de son siège
unique à Strasbourg, et par le renforcement de ses budgets de programmes.
La part de la redevance attribuée à RFI, dont vous vous êtes particulièrement
préoccupé, monsieur Hugot, avec le souci d'assurer le rayonnement de notre
audiovisuel public hors de nos frontières, permet d'enregistrer un budget en
hausse de 3,4 %. L'entreprise les consacrera notamment à la modernisation de
l'organisation du travail.
S'agissant de l'INA, nous nous situons dans le cadre de son contrat
d'objectifs et de moyens, le premier signé entre l'Etat et une entreprise de
l'audiovisuel public, qui est axé sur une stratégie de recentrage de l'Institut
sur ses missions patrimoniales. Sa dotation n'est pas en diminution,
permettez-moi de vous le dire, monsieur Renar : elle est stable avec 415,5
millions de francs.
Je traiterai également brièvement du collectif budgétaire, qui vise à répartir
les excédents de redevance enregistrés cette année, soit environ 200 millions
de francs. Il permettra notamment à l'ensemble des entreprises de financer en
2000 les engagements salariaux qui ont été pris.
Les perspectives de développement du secteur public ne se concevant que dans
la durée, je souhaite encore dire un mot du débat qui s'est engagé et qui se
poursuit sur les modalités de son financement. Le sujet a été abordé ici,
notamment par M. le rapporteur spécial, Mme Pourtaud et M. Weber, mais il a
donné lieu, ces derniers temps, à nombre de commentaires dans les médias.
Chacun sait que la redevance soulève des interrogations et des critiques. Ceux
qui parlent de sa suppression insistent, en général, sur le coût de sa
perception. Les chiffres sont connus, mais depuis très peu de temps. Tout comme
MM. Jean Boyer et Henri Weber, je pense que nous pourrions assez aisément
améliorer les conditions de cette perception.
Au-delà de cette question du coût, je voudrais invoquer des arguments plus
prospectifs, fondés sur les évolutions technologiques, qui conduisent à
remettre en cause le lien exclusif qui existait jusqu'à présent entre la
détention d'un poste de télévision et le paiement de la redevance.
Les analyses économiques démontrent que l'évolution de la recette liée à la
redevance n'est pas suffisamment dynamique - et c'est bien là que se situe le
vrai problème - pour répondre aux besoins d'un secteur public en plein
développement, qui doit tenir sa place dans un paysage audiovisuel où les
acteurs privés disposent de ressources très importantes et en forte croissance.
Il existe effectivement un double écart : par rapport au secteur privé
intervenant dans notre pays et par rapport aux autres secteurs publics de
l'espace européen.
En d'autres termes, il ne peut être question de se contenter de ce qui n'est
peut-être qu'une rémission dans le débat sur l'éventuelle suppression de la
redevance. Nous ne pouvons pas considérer que le débat est clos par la décision
positive prise par le gouvernement de Lionel Jospin de ne pas remettre en cause
la redevance.
Il nous faut évidemment poursuivre la réflexion et apporter des réponses aux
questions de fond que traite imparfaitement le débat, me semble-t-il.
On sait que l'existence même d'une télévision publique forte est liée, comme
l'a souligné M. Herment, à la présence de ressources affectées et
dynamiques.
S'agissant du nécessaire maintien de la redevance, je rejoins, pour ma part,
l'analyse de plusieurs parlementaires et notamment, dans cette assemblée, celle
de M. de Broissia : le lien que maintient cette redevance entre les entreprises
de l'audiovisuel public et le public n'est pas un lien indifférent, mais il est
clair que nous ne pouvons pas nous contenter de cette ressource.
L'interrogation sur le financement du secteur public audiovisuel ne peut se
résumer à cette question de la redevance. Il faut au contraire - vous l'avez
souligné, monsieur Weber - travailler à l'avenir de ce financement, comme l'a
souhaité M. Hugot, rapporteur pour avis, et comme le souhaitent, me
semble-t-il, tous ceux qui s'intéressent réellement à l'avenir du secteur
public. Pour ma part, j'ai engagé avec mes services un travail sur cette
question difficile, mais décisive, et je ne manquerai pas de m'inspirer des
travaux qui ont d'ores et déjà été réalisés à ce sujet, en particulier par
votre assemblée.
Il s'agit, en effet, de travailler à l'avenir du secteur public en veillant
prioritairement à l'accomplissement de ses missions : tel est le second axe de
notre stratégie budgétaire, en particulier du projet de budget qui est
aujourd'hui soumis à votre examen.
La progression des moyens alloués en témoigne, puisqu'elle permet de conforter
la part du financement public dans les ressources du secteur public de
l'audiovisuel : cette part passe à 76,7 %. Il s'agit là d'un point central.
C'est un fort desserrement de la dépendance des chaînes publiques, en
particulier de France 2 et de France 3, à l'égard des recettes commerciales.
On ne peut pas à la fois souhaiter - nous l'avons fait presque tous - ce
desserrement et, dans le même temps, déplorer que cela ampute, d'une certaine
manière, les ressources du secteur public de l'audiovisuel. Cela doit au
contraire nous conduire à trouver d'autres ressources.
Ce desserrement de la dépendance des chaînes publiques permet aussi de mieux
répondre aux attentes des téléspectateurs, en allégeant les écrans
publicitaires et en travaillant aux stratégies éditoriales dans un esprit, qui,
sans être ignorant de l'audience, doit être moins soumis à l'Audimat tel qu'il
peut être conçu par les annonceurs. C'est également avec la préoccupation
d'apporter une attention scrupuleuse aux missions de service public du groupe
France Télévision qu'a été défini le cadre de ce budget.
On sait que le budget pour 2001 sera le premier budget d'application des
contrats d'objectifs et de moyens, au travers desquels l'Etat entend renouveler
son mode de relation avec les organismes du secteur. Il s'agit d'accompagner la
modernisation de la gestion de ces entreprises telle qu'elle a été engagée par
leurs responsables. Le redressement opéré depuis 1999 permet d'envisager un
résultat sensiblement amélioré. Je ne partage pas, notamment, le constat
quelque peu pessimiste de certains sur l'évolution de l'audience et des
recettes publicitaires. Les chiffres récents nous donnent de bonnes raisons
d'avoir confiance.
Mais il s'agit aussi - et j'y suis particulièrement attachée - de dire
clairement à ces organismes du secteur public de l'audiovisuel ce qui est
attendu d'eux, y compris en termes éditoriaux, parce que c'est là que se trouve
le coeur des missions qui leur sont confiées par la nation.
En d'autres termes, c'est aussi dans ce cadre que doit avoir lieu le débat que
vous appelez de vos voeux, messieurs Renar, Weber et tant d'autres. L'actualité
récente veut que chacun ait pu prendre la mesure des attentes, parfois aussi
des partis pris, qui peuvent s'exprimer en la matière. Même si les propos sont
parfois outrés - et vous avez raison, monsieur Weber, de souligner les
présentations trop globales ou caricaturales - ces attentes à l'égard de
l'audiovisuel public doivent être entendues. Parallèlement, il nous faut
reconnaître au service public ses mérites lorsqu'il assure ses missions, par
exemple, lorsqu'il développe réellement une offre de proximité. C'est en ce
sens que je vous répondais, monsieur le rapporteur spécial, eu égard à votre
vision sévère s'agissant de France 3 et de sa contribution à l'offre de
proximité.
Nous devons également saluer l'effort qui est accompli de soutien à la
production : production de fiction, production documentaire, animation. Il
s'agit là d'un apport incontestable de l'audiovisuel public.
Nous devons aussi saluer les efforts de renouvellement des formats et,
disons-le, du style, de la nature même de l'offre télévisuelle. C'est une tâche
difficile ! Au fil des ans, les générations se renouvellent et les attentes du
public sont différentes. En tout état de cause, puisque France 3 a été plus
particulièrement mise en cause ces dernières semaines, je tiens à dire que
cette entreprise me semble inscrire son projet d'avenir dans cette démarche. Il
me paraît fondamental de débattre de ce sujet, ne serait-ce que pour répondre à
ces interrogations.
Le débat sur les contenus est inépuisable ! En tout cas, il n'a jamais trouvé
de réponse univoque. Il reste que nous avons aujourd'hui l'occasion et le
devoir de l'aborder : l'occasion, puisque la loi donne à l'Etat, avec les
contrats d'objectifs et de moyens, un instrument précieux pour travailler et
que je compte utiliser la négociation de ces contrats à cet effet ; le devoir,
parce que l'évolution du paysage audiovisuel, que vous avez tous saluée - la
multiplication de l'offre, l'évolution de notre société et des goûts que le
public exprime, la nécessité pour le service public de demeurer dans une
approche de communication vers le plus grand nombre - renouvelle très
profondément ce débat sur les contenus et les programmes.
Je crois que nous ne saurions aller, et vous l'avez dit, vers une télévision
de public fractionné, voire de public élitaire. La télévision publique doit
être une télévision généraliste de grand public, sans pour autant se
transformer en une télévision publique de simple réponse à la demande. Elle
doit maintenir son ambition ! Je suis sûre qu'elle se préoccupe d'être
réellement une télévision de divertissement, quels que soient les genres. On le
voit bien d'ailleurs aujourd'hui, au travers des efforts de renouvellement des
chaînes publiques : le divertissement est, lui aussi, un champ de création tout
à fait fondamental.
J'y vois une responsabilité culturelle, dont la réponse se trouve dans le
contenu des programmes, et qui doit s'exprimer en termes de pluralisme, de
création et de diversité. Cette responsabilité relève, bien sûr, des présidents
et directeurs généraux des chaînes, mais les pouvoirs publics doivent bien
évidemment l'accompagner.
De ce point de vue, le projet numérique terrestre de France Télévision jouera
un grand rôle. Il s'agit, là encore, de traduire concrètement les priorités
fixées par la loi.
Nous avons confié au service public un rôle moteur en ce qui concerne le
développement de cette nouvelle technologie. Vous en connaissez le calendrier :
les administrations de tutelle analysent, en ce momemt même, les projets qui
lui ont été présentés. Les décisions seront prises prochainement - au plus tard
au début de l'année 2001 - pour la signature des contrats d'objectifs et de
moyens.
Mme Pourtaud a évoqué l'ensemble des propositions de France Télévision. A ce
jour, en effet, il s'agit de propositions ; les pouvoirs publics n'ont pas
encore arrêté leurs choix.
Ceux-ci devront être opérés dans un esprit de responsabilité, en fonction des
capacités créatives du secteur public et de ses moyens financiers.
Pour assurer le financement de ce projet numérique terrestre, le Gouvernement
s'est engagé, vous le savez, à accorder à France Télévision une dotation en
capital de 1 milliard de francs. Je confirme cet engagement devant la Haute
Assemblée. Ce point ne relevait pas du projet de budget pour 2001, car le
calendrier du CSA nous permet de ne prévoir la mise en oeuvre de ces projets
que pour 2002.
Nous aurons donc de nouveau l'occasion, dans les mois à venir, de débattre
avec vous des choix qui pourront être les nôtres en matière de contenu de ce
développement numérique, dans lequel je vois l'un des très grands enjeux de la
transformation du paysage audiovisuel.
Enfin, plusieurs d'entre vous ont également mentionné, à juste raison, les
enjeux de l'audiovisuel dans l'espace européen. Je vous remercie d'avoir
approuvé la position de la présidence française et la victoire que nous avons
tous ensemble remportée en amenant le programme Média Plus au niveau de 400
millions d'euros. Cela me paraît décisif pour l'ensemble des opérateurs et
producteurs français, puisqu'il s'agit non seulement de soutenir les créations,
mais également d'en favoriser la circulation entre pays et publics
européens.
De même, je vous remercie d'avoir souligné que la résolution confirmant
l'engagement des gouvernements européens dans leur système d'aides nationales à
la production cinématographique et audiovisuelle est une résolution extrêmement
importante pour l'avenir du paysage audiovisuel européen.
Le projet de budget que j'ai l'honneur de soumettre à votre approbation
s'inscrit donc bien, vous le voyez, dans une logique d'avenir. Modernisation et
développement pour l'audiovisuel public en sont les maîtres mots.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous allons maintenant examiner l'article 46 puis, en accord avec la
commission des finances, les amendements n°s II-29 rectifié, II-30, II-31,
II-32, II-33 et II-36 rectifié, qui tendent à insérer des articles additionnels
après l'article 46, enfin, les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article
42.
Article 46
M. le président.
« Art. 46. - Est approuvée, pour l'exercice 2001, la répartition suivante
entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle, des
recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, du compte d'emploi de la redevance
pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision :
(En millions
de francs)
France Télévision 9 356
Radio France 2 839
Radio France Internationale 311
Réseau France Outre-mer 1 255
Arte-France 1 166
Institut national de l'audiovisuel 415,5
Total 15 342,5 »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite
Madame la ministre, je souhaite dire quelques mots au sujet de l'accord qui
est intervenu entre Vivendi, Canal Plus et Universal et du vote qui sera émis à
Nice, les 6 et 7 décembre prochain, sur l'article 133, alinéa 5.
Auparavant, sachez que je suis heureux des résultats obtenus en ce qui
concerne Média Plus - je sais la part que vous y avez prise - et que j'apprécie
les propos que vous avez tenus au sujet des aides nationales. En effet, il
était un peu scandaleux que la DG IV à Bruxelles assimile les obligations des
chaînes de télévision, par exemple à l'égard de la production
cinématographique, à des subventions.
Je veux rappeler aussi que, voilà un an, nous étions quelques-uns à être
présents à Seattle, dans la foulée de l'acte majeur du gouvernement de Lionel
Jospin, à savoir le rejet de l'Accord multilatéral sur l'investissement l'AMI ;
les attaques de l'OMC contre la mesure n'ont pu aboutir.
En ce qui concerne l'accord Vivendi - Canal Plus - Universal, il n'a pas la
qualité qu'on lui prête ici et là. C'est en effet la construction d'un ensemble
qui, d'ailleurs, ressemble beaucoup à AOL-Time Warner et, bientôt, à EMI, même
si, provisoirement, la DG IV ne l'a pas accepté. On assiste en effet à la
création d'organismes privés transnationaux d'une puissance telle que l'on se
demande comment les services publics résisteront. La capitalisation de Canal
Plus-Vivendi-Universal est gigantesque, mais, surtout, il s'agit de la mise en
rapport de portefeuilles de droits d'oeuvres avec des abonnés. Vivendi
Universal annonce, un peu triomphalement, d'ailleurs, détenir plus de 70
millions d'abonnés potentiels, un portefeuille d'oeuvres composé des 1 500
films d'Universal et des 27 000 épisodes d'émissions de télévision, mais aussi
le catalogue musical d'Universal Music Group.
C'est une véritable puissance mondiale qui se constitue sous nos yeux.
Sur la carte UGC, dont nous avons discuté il y a quelque temps, je me félicite
que le Premier ministre ait dit, à Montreuil, et vous étiez à ses côtés,
qu'elle n'était tout de même pas « le bonheur du cinéma ». Voilà une
déclaration forte. Reste qu'UCG et Vivendi marchent ensemble et que le terme «
d'abonnés » à travers la carte, introduit dans le cinéma les pratiques
télévisuelles.
La création d'un tel ensemble me paraît constituer un véritable séisme
culturel et économique à partir duquel se structurerait le secteur clé de
l'économie du xxie siècle : l'industrie de l'esprit.
En vérité, ce groupe veut gérer les représentations de l'information et de
l'imaginaire en s'appuyant sur la maturité des technologies numériques, le
développement d'internet et la réglementation généralisée.
Comme l'a dit, à mon avis très justement, le directeur de la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, le CSA a plutôt exprimé un
non-refus que donné un accord. D'ailleurs, M. Bourges montre que le CSA, en la
circonstance, n'a pas les pouvoirs suffisants. Ne déclare-t-il pas que cette
affaire « marque bien quels sont les pouvoirs du Conseil en matière de
régulation économique, mais aussi quelles sont leurs limites et à quels enjeux
le régulateur se trouvera de plus en plus confronté » ?
Et puis, comment ne pas noter que Jean-Marie Messier, dans
Le Figaro
de
ce matin, fait montre d'une quasi-insolence à l'égard des autres acteurs de
l'audiovisuel et du cinéma, en osant déclarer, notamment : « Nous sommes fiers
de la culture française. Nous souhaitons la propager, mais il faut assurer la
diversité culturelle. »
Dire qu'il faut assurer la diversité culturelle en France, alors que nous
sommes le pays du monde où elle est le mieux assurée ! On se demande vraiment
de quoi il parle. Même la nomination de M. Jorge Semprun, un homme d'une
immense valeur, est blessante à l'égard du CSA. Le CSA avait revendiqué la
présidence du comité de surveillance ; on la lui a refusée et, le lendemain, on
a accordé une vice-présidence à Jorge Semprun. C'est entraîner cet immense
homme d'éthique, d'art et de dignité sur un chemin où il risque de se
blesser.
M. Jean-Marie Messier va jusqu'à estimer que « le cinéma manque de décence ».
Sur cette question, je pense qu'il nous faut réfléchir beaucoup à la création
de procédures antitrust. Là, nous sentons bien que nous sommes à la limite,
plus même que les Etats-Unis qui, lorsque Microsoft grossit trop, arrivent à le
tronçonner. Pas nous !
J'en viens à l'article 133, alinéa 5. Je vous ai entendue parler, avec une
grande force, à Beaune, lors des rencontres de l'ARP, en octobre dernier,
madame la ministre. Je connais votre détermination sur ces questions. Je
redoute toutefois, s'agissant des votes à la majorité qualifiée ou à
l'unanimité, que l'on nous accule dans une position qui ne nous servira pas.
Et, disant « nous », je pense non pas à la France et aux Français, mais à la
culture de tous les pays du monde.
Je sais que, à l'heure actuelle, on réfléchit à Bruxelles.
On envisage le vote à la majorité qualifiée sur le futur et le vote à
l'unanimité sur l'ancien. Je me souviens de M. Valenti, le grand patron du
cinéma hollywoodien, conseillant, à Beaune, de continuer la régulation
a
minima
pour les anciennes technologies et, pour les nouvelles technologies,
pas de régulation du tout. Curieuse attitude européenne ! Cela reviendrait à
créer un « AMI européen », alors que nous avons rejeté l'AMI mondial.
Toujours à Bruxelles, on envisage aussi un vote à la majorité qualifiée en
interne et un vote à l'unanimité en externe. Cela me fait penser à ces gosses
qui jouent à la marelle. Ils vont vers le ciel, mais à cloche-pied ! On
commencerait ainsi par des petits bouts, puis on glisserait vers le vote à la
majorité qualifiée. Non pas que je nie son importance dans de nombreux
domaines. Mais la culture, vous l'avez dit à juste titre à Beaune, madame la
ministre, n'est pas une partie d'un tout, elle est le socle de tout. Et le
socle de tout, cela ne se négocie pas. C'est comme l'homme, comme la femme.
Je pense que, là, il nous faut vraiment agir, et je regrette que cette
assemblée, qui avait organisé un débat au moment des négociations de l'AMI et
qui en avait organisé un autre dans les jours qui avaient précédé Seattle,
n'ait pas réussi, au sein de la commission des affaires culturelles, à nous
faire débattre de la question comme je l'avais demandé en octobre.
Grâce au Gouvernement, nous avions obtenu que les parlementaires soient
associés aux discussions de l'OMC, et votre collègue M. Huwart nous réunit
d'ailleurs régulièrement. Mais, sur le plan européen, on n'arrive pas à créer
la structure où l'on puisse débattre en amont, avant les votes, avant les
décisions.
Je ne suis pas pessimiste, ayant participé, depuis le 15 août, à une quinzaine
de réunions et de colloques qui ont traité de ces questions. Partout, sans
exception, on refuse la règle de la majorité qualifiée et l'article 133, alinéa
5. Il y a donc une force et j'ai voulu m'en faire l'écho ici, passionné et
exigeant.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
(M. Paul Girod remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Société
française de production, la SFP, et l'Institut national de l'audiovisuel,
l'INA, ont été durant de longues années des instruments incontournables de la
politique audiovisuelle de notre pays.
Aujourd'hui, la SFP, qui se meut au sein d'un environnement extrêmement
concurrentiel, doit tout mettre en oeuvre pour valoriser son principal site
qu'elle partage avec l'Institut national de l'audiovisuel, à Bry-sur-Marne.
Dans ce cadre, le conseil général du Val-de-Marne a pris l'initiative, à la
fin du mois d'avril 2000, de la création d'un groupe de travail sur la
redynamisation du pôle audiovisuel de Bry-sur-Marne et Villiers-sur-Marne avec
les maires de ces deux villes et le préfet du Val-de-Marne.
Nous pensons, en effet, madame la ministre, mes chers collègues, que le
secteur public de l'audiovisuel ne peut faire aujourd'hui l'économie
d'instruments adaptés en matière de production audiovisuelle. Le développement
d'un pôle audiovisuel regroupant la SFP et l'INA sur les territoires de
Bry-sur-Marne et de Villiers-sur-Marne doit retenir toute notre attention.
Sur le site de l'INA et de la SFP, de multiples activités, regroupées en
partenariats publics et privés, pourraient voir le jour autour des métiers du
cinéma et de la télévision.
J'ai souhaité attirer votre attention, madame la ministre, sur cette question.
Le département du Val-de-Marne entend assurer la maîtrise d'ouvrage d'une étude
stratégique de développement d'un pôle audiovisuel sur ces territoires ainsi
que d'une formation professionnelle pour ces métiers.
L'Etat doit, bien évidemment, y jouer également un rôle important.
Pour autant, et compte tenu de l'évolution du secteur de l'audiovisuel, nous
souhaiterions connaître les orientations du Gouvernement sur les outils que
contituent la SFP et l'INA, pour avancer sur le dossier de la création d'un
pôle public de production et d'études audiovisuelles constitué sur les sites
que j'évoquais.
L'examen du budget de la communication nous offre ainsi l'occasion d'aborder
la question plus large de la politique de l'industrie cinématographique et
audiovisuelle de notre pays.
M. le président.
Par amendement n° II-17, M. Belot, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
L'amendement tend purement et simplement à supprimer
l'article 46 pour une raison simple de technique budgétaire. Si, en effet, on
émet un vote défavorable sur les crédits, on doit logiquement supprimer
l'article. Il est bien évident que cela ne signifie pas un désaccord sur la
répartition entre les différents bénéficiaires du produit de la redevance.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le problème de la
répartition est en effet réglé si l'on supprime la redevance, monsieur le
rapporteur spécial !
Le Gouvernement s'est souvent exprimé sur la nécessité de maintenir la
redevance, au moins tant qu'une autre ressource n'aura pas été définie. Avis
donc défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-17.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
J'adhère à la proposition de M. le rapporteur
spécial. Nous voterons cet amendement, pour exprimer formellement notre refus
du budget, mais pas du tout pour nous opposer à l'opportunité de la redevance
et à sa répartition.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-17, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
En conséquence, l'article 46 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 46
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° II-29 rectifié, MM. Blanc, André, Bizet, Dejoie, Gérard,
Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont proposent d'insérer, après
l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication est ainsi modifié :
« A. - Les premier et deuxième alinéas du III sont supprimés.
« B. - Le V est supprimé.
« C. - En conséquence, les mentions : "VI" et "VII" sont remplacées par les
mentions : "V" et "VI".
« D. - Au VII, la mention : "VI" est remplacée par la mention : "V".
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° II-33, MM. Joyandet, de Broissia et Trégouët proposent
d'insérer, après l'article 46, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... sont exonérés de la redevance applicable aux appareils récepteurs de
télévision de première catégorie les foyers qui, situés en zone d'ombre, ne
reçoivent pas les chaînes publiques.
« II. - Nonobstant le V de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986
précitée, la perte de recettes est compensée à due concurrence par une
augmentation du taux de la redevance applicable aux postes récepteurs couleur.
»
La parole est à M. Blanc, pour présenter l'amendement n° II-29 rectifié.
M. Paul Blanc.
La présentation de cet amendement va peut-être paraître incongrue.
Mme Danièle Pourtaud.
Oui !
M. Paul Blanc.
C'est pourquoi je souhaite donner au Sénat quelques explications.
M. Henri Weber.
Il en faut !
M. Paul Blanc.
Le 9 mars dernier, alors qu'il était question de la découverte d'une cagnotte
de 30 milliards de francs, j'avais demandé au secrétaire d'Etat au budget de
l'époque, M. Sautter, si, à l'occasion de l'affectation de cette cagnotte, on
ne pourrait pas tout simplement supprimer la redevance et la compenser de façon
à ce que l'audiovisuel public puisse bénéficier du financement nécessaire à son
fonctionnement.
Par ailleurs, comme, dans le monde rural, il est question de supprimer de
nombreux postes de perception, et donc d'agents du Trésor, j'avais proposé, à
l'époque, que les postes des 1 442 agents actuellement chargés du recouvrement
de la taxe sur l'audiovisuel puissent être redistribués de façon à maintenir en
milieu rural toutes ces perceptions.
Je regrette que le débat qui s'est engagé à cette époque ait un peu dérapé. On
m'a reproché de vouloir, en supprimant la redevance qui alimente l'audiovisuel
public, supprimer le financement du service public. Telle n'était pas du tout
mon intention.
M. Henri Weber.
C'est pourtant le résultat !
M. Paul Blanc.
Je ne vous ai pas interrompu, tout à l'heure, monsieur Weber !
Je continue à penser que la suppression de la redevance audiovisuelle peut
être compensée par l'Etat, d'où cet amendement.
Quand le Gouvernement a décidé de supprimer la vignette, je ne pense pas qu'il
ait été dans ses intentions de priver les conseils généraux des revenus qui y
étaient liés. Le Gouvernement s'est alors engagé à compenser, au franc le
franc, ce que les conseils généraux ne percevraient plus de ce fait.
Et si l'on s'est beaucoup préoccupé des 1 442 agents qui assurent le
recouvrement de la redevance, on s'est beaucoup moins préoccupé des 142 000
buralistes qui vendaient la vignette et qui ont, d'ailleurs, alerté le public
sur les conséquences de la décision du Gouvernement.
Aussi, il m'avait semblé tout naturel de supprimer la redevance. Tous les
intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont
fait état de la complexité de son recouvrement et de la difficulté de faire
accepter quelques exonérations. En définitive, le seul fait de la percevoir
coûte cher et revient - vous l'avez dit vous-même, monsieur Weber - à près de 1
milliard de francs.
M. Henri Weber.
Il faut la percevoir autrement !
M. Paul Blanc.
Pour toutes ces raisons, je considérais que la suppression de la redevance
était une simplification. En définitive, cette redevance aurait très bien pu
être compensée par des engagements de l'Etat sur des recettes sûres, par
exemple la taxe sur les jeux. On aurait donc pu assurer ainsi à l'audiovisuel
des ressources qui me paraissent nécessaires. Sur ce point, il existe un
consensus.
Cependant, et je m'en rends bien compte, si je maintiens cet amendement, ce
sera un combat perdu. Je vous ai tous entendus. J'ai noté dans vos propos,
madame la ministre, un désir de réexaminer ce problème.
Par ailleurs, je m'étais réjoui, quelques semaines après avoir posé ma
question orale, d'entendre le rapporteur général de la commission des finances
de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, émettre, lui aussi, l'hypothèse
d'une suppression de la redevance. J'ai alors pensé que la proposition d'un
sénateur de base, élu d'un milieu rural, n'était pas aussi farfelue qu'elle
pouvait sembler l'être.
Compte tenu des propos que j'ai entendus, je retire bien sûr mon amendement.
Quand on fait de la politique, de la vraie politique, c'est-à-dire quand on
essaye de prévoir l'avenir et d'organiser la société, il n'est pas bon d'avoir
raison trop tôt. Aussi, à mes yeux, le retrait de cet amendement n'est pas une
défaite. Cela prépare peut-être une victoire pour demain.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° II-29 rectifié est retiré.
La parole est à M. de Broissia, pour défendre l'amendement n° II-33.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, cet amendement ayant été déposé également par mes collègues
MM. Joyandet et Trégouët, je ne lui réserverai pas le sort qui a été réservé à
l'amendement précédent.
Vous l'avez entendu, madame la ministre, je suis favorable au maintien de la
redevance. Je l'ai défendue et je n'ai d'ailleurs de mérite que celui de la
cohérence. Comme je l'ai dit à votre collègue Florence Parly à propos de la
suppression de la vignette, je crois à l'impôt d'usage, l'usage d'une route
départementale ou nationale comme l'usage du domaine hertzien, ou, demain, du
domaine numérique. Je considère également que c'est un lien indispensable entre
le service public de l'audiovisuel et le citoyen.
Cela étant, que puis-je dire au citoyen qui ne reçoit pas France 3 régions, sa
région ? D'ailleurs, je suis dans cette situation. Je reçois deux régions
voisines : Champagne-Ardenne - c'est charmant - et la Franche-Comté - c'est
adorable - qui est ma région d'origine, mais pas la région où j'habite. Je dis
à ceux qui sont dans cette situation : payez la redevance et rouspétez !
Doit-on aller devant le tribunal administratif ou au Conseil d'Etat pour
constater ce droit à un usage qui n'existe pas ?
A l'évidence, il en va de même pour Arte et La Cinquième, que nous ne pouvons
pas non plus recevoir.
A une époque, on a beaucoup parlé - et M. le Président de la Répubique avait
raison - d'une fracture sociale. Madame la ministre, à force d'éluder cette
question qui revient de façon récurrente lors de chacune de nos discussions, je
crains que nous ne finissions par évacuer définitivement le problème de la
fracture territoriale. Ce sera l'un des thèmes majeurs du développement de la
télévision française et de la télévision publique. Je crois que nous nous
honorerions à prendre, enfin, une mesure qui, du coup, conforterait la
redevance dans son ensemble, et qui montrerait l'existence d'une certaine
justice dans cette redevance !
Tel est l'objet de cet amendement, que je défends au nom de mes collègues MM.
Joyandet et Trégouët.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Sagesse plutôt favorable.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Visant le même objectif que notre collègue M. de
Broissia mais avec d'autres arguments, je demande à nos collègues d'émettre un
avis favorable sur cet amendement, tout en précisant que la redevance est une
réponse au service public, et pas nécessairement au service rendu.
Cela étant dit, le service public comporte, selon moi, l'universalité de la
desserte. Or elle n'est pas, aujourd'hui, assurée. C'est parce que le service
public n'est pas à la hauteur que je suis favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
savez, comme moi, que la redevance qui est due en raison de la détention d'un
téléviseur vise à assurer un financement indépendant des chaînes de service
public.
Je déplore, comme vous, que tous nos concitoyens ne puissent recevoir dans
leur foyer l'intégralité des chaînes publiques. Le service public s'efforce
constamment d'améliorer les conditions de réception de ses programmes ;
toutefois, si France 2 et France 3 sont reçues de façon quasi générale, il est
des zones, notamment frontalières, où le cinquième réseau n'est pas accessible,
faute de fréquence disponible.
Un effort particulier pour ce réseau est en cours, avec l'installation en 2001
de nouveaux émetteurs. Le pourcentage de la population couverte n'en sera
toutefois que partiellement augmenté, puisqu'il s'agit surtout de zones de
faible densité démographique.
Les réseaux câblés, après des débuts difficiles, connaissent depuis deux ans
un fort développement. Ils touchent aujourd'hui près de 3 millions de foyers,
et de nouveaux sites sont en construction. Dans un avenir proche, le
développement du numérique hertzien améliorera considérablement l'accès à Arte
et à La Cinquième. Je reconnais qu'il y a là un manque de service public, dont
nos concitoyens peuvent légitimement s'émouvoir.
J'émets cependant un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
M. Paul Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement. J'aurais même préféré aller
beaucoup plus loin, je l'ai dit tout à l'heure.
Je suis chargé de quarante-sept communes au sein d'un syndicat de télévision
qui possède dix-sept relais payés par les collectivités locales. Pourtant, il y
a encore dans nos vallées pyrénéennes des zones d'ombre, où des personnes ne
reçoivent pas la télévision.
Quand, de surcroît, on demande aux contribuables de participer, à travers une
cotisation à un syndicat de télévision, au financement de relais de télévision
alors qu'ils ne reçoivent rien, on comprend qu'ils expriment un véritable
courroux.
De plus, et je ne suis pas du tout d'accord avec vous, madame la ministre,
cette situation sera encore aggravée par le numérique hertzien. Lorsque l'on
examine la carte présentée par TDF sur les relais qui seront équipés en
numérique hertzien, que constate-t-on ?
Pour le Languedoc-Roussillon, et notamment dans le département des
Pyrénées-Orientales, on voit que seulement deux relais sont prévus : le pic de
Nore, qui arrose une partie de l'Aude et une partie des Pyrénées-Orientales, et
le Néoulous, qui arrose Perpignan et sa zone périphérique. En revanche, tous
les autres relais, qui sont pourtant des relais officiels, tels ceux du pic de
Baou et de Fontfroide, ne font l'objet d'aucune prévision d'équipement en
numérique hertzien. Il est donc clair que, à l'avenir, on fera encore appel aux
collectivités locales pour équiper ces relais en numérique hertzien. De
surcroît, le nombre de personnes qui paieront la redevance, à qui elle sera
imposée et qui n'auront pas accès au numérique hertzien, sera encore plus
important.
Je suis bien sûr favorable à cet amendement. Ce sera un pis-aller en attendant
que les collectivités locales puissent s'engager et faire mieux.
M. Pierre Laffitte.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Je suis favorable à cet amendement pour les raisons qui viennent d'être
exprimées. Je rappelle que la situation est la même pour les licences UMTS, qui
ne couvriront que 40 % du territoire.
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Pierre Laffitte.
Il y a là un problème. C'est la raison pour laquelle j'avais demandé, madame
la ministre, indépendamment des problèmes financiers, qu'un débat soit
organisé. Le problème que nous évoquons est un problème de justice sociale pour
l'ensemble des territoires français. Je crois qu'il y a là une nécessité
absolue. Pour marquer le besoin d'aller plus avant - parce que ce n'est tout de
même pas TDF qui doit définir la politique de couverture de la France - il est
nécessaire que le Gouvernement et le Parlement puissent en débattre de façon à
étudier les avantages et les inconvénients ainsi que la façon dont on peut
compenser.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je voterai cet amendement pour deux raisons.
La première, c'est le problème spécifique qui est posé par cet amendement
s'agissant des zones d'ombre. C'est encore un problème de ruralité mal traité
qui, par conséquent, ne peut qu'appeler notre sympathie.
Seconde raison, je considère cet amendement comme un amendement d'appel sur le
problème de la redevance. J'ai beaucoup apprécié la déclaration pleine de bon
sens et empreinte de noblesse de M. Paul Blanc quand il a renoncé à défendre
son amendement. Il est certain que ce débat sur la redevance est biaisé. En
effet, deux éléments sont mêlés. D'une part, il faut porter un jugement sur le
mécanisme fiscal qu'est la redevance. D'autre part, se pose la question
suivante : est-on pour le service public ou pas ? Par conséquent, tout
amendement de suppression peut être pris par la télévision publique comme un
acte de guerre. Je n'aurais pas voulu que le Sénat apparaisse comme celui qui
aurait déclaré la guerre à la télévision publique.
Cela étant, sur le plan fiscal et d'un point de vue technique, ce mécanisme de
la redevance apparaît obsolète et coûteux. Cette situation appelle
véritablement une réflexion sur la manière dont l'Etat manage son système de
recouvrement, qui est assez mauvais dans notre pays.
A cet égard, cet amendement montre que la redevance présente des défauts
évidents, notamment celui qui a été mis en lumière par M. de Broissia.
Je voterai donc cet amendement car il pose un problème pratique et invite le
Gouvernement à réfléchir et à mettre enfin sur la table ce problème de la
redevance en tant que modalité spécifique de recouvrement d'une taxe qui est de
plus en plus contestée.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Je vais expliquer pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
Si nous le votons pas, ce n'est pas parce que nous ne considérerions pas qu'il
n'est pas nécessaire d'assurer un égal accès de tous nos concitoyens à tous les
services publics, qu'il s'agisse de la télévision ou des licences de téléphonie
mobile de nouvelle génération, les licences UMTS. A cet égard, je dirai
seulement à M. Laffitte que le secrétaire d'Etat M. Christian Pierret s'est
préoccupé de ce problème et que les cahiers des charges des opérateurs seront
revus afin que la couverture soit largement supérieure au pourcentage qu'il a
évoqué voilà un instant.
Je ne voterai donc pas cet amendement car, en fait, une fois de plus, on le
voit bien, c'est un moyen détourné pour faire le procès de la redevance. Je
dirai à mes collègues qui n'ont pas voulu maintenir leur amendement mais qui
ont néanmoins exposé leurs arguments que, pour moi, la redevance est un outil
indispensable pour assurer l'indépendance du service public. Aujourd'hui,
l'indépendance du service public est liée à la fois à l'existence du CSA et à
l'existence de la redevance.
Vous nous dites qu'il est possible de remplacer la redevance par des crédits
publics. Bien sûr, on le peut, et si c'était le gouvernement de Lionel Jospin
qui nous faisait cette proposition, je lui ferais confiance, car je sais à quel
point le gouvernement actuel est attaché au service public.
(M. de Broissia s'exclame.)
Mais, mes chers collègues, j'ai en mémoire des budgets qui nous ont été
présentés dans cet hémicycle par des gouvernements que je ne soutenais pas et
qui, à court de crédits publics, nous proposaient assez facilement des
régulations sur le budget de l'audiovisuel public. Dans ces cas-là,
l'audiovisuel public n'était plus du tout une priorité ! J'ai donné les
chiffres tout à l'heure. J'ajoute qu'à ces moments-là on trouvait assez souvent
sur les travées de la majorité sénatoriale des sénateurs qui non seulement
votaient ces budgets, mais, de plus, proposaient assez rapidement de trouver
une solution à l'insuffisance des crédits publics pour l'audiovisuel public en
privatisant France 2 !
Je répète donc que, pour nous, la redevance est la garantie de l'existence et
de l'indépendance du service public. Peut-être devons-nous néanmoins
collectivement réfléchir à la mise en place d'une ressource complémentaire plus
dynamique. Et si cette dernière offre les mêmes garanties de sécurité et de
pérennité, nous verrons ensuite si nous pouvons la substituer à la redevance.
Mais nous ne devons en aucun cas lâcher la proie pour l'ombre !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, nous discutons de plusieurs
amendements à la fois, et nous en venons à nous interroger sur la question
posée !
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Le groupe de travail que j'ai eu l'honneur de
présider sur l'audiovisuel public a beaucoup travaillé. Il a longuement débattu
de la nature, de l'essence de l'audiovisuel public et de la redevance. Ce
groupe, réunissant les différentes composantes de cette assemblée, a estimé à
l'unanimité qu'il était indispensable de donner des moyens significatifs à
l'audiovisuel public, et il n'a pas trouvé, pour ce faire, autre chose que la
redevance. La redevance française est l'une des plus faibles d'Europe - c'est
un fait objectif, et tous les Etats européens, toutes les grandes démocraties à
l'exception d'un ou deux pays, ont décidé de maintenir le principe d'une
recette affectée,...
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
... en général une redevance.
En Grande-Bretagne, la redevance s'élève à plus de 100 livres par an, avec une
augmentation programmée systématique sur une période assez longue de 1,5 % par
an. Cela signifie donc que lorsque l'on veut disposer d'un audiovisuel public,
qui est un bien d'une nature particulière, il faut sans doute le payer.
M. Henri Weber.
Très bien !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Voilà la conclusion à laquelle le groupe de travail,
à l'unanimité, est parvenue.
M. Paul Blanc.
Il faut une recette affectée !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Par ailleurs, quelques-uns d'entre nous, dont Mme
Beaudeau et moi-même, sont allés faire du contrôle sur place au service de la
redevance de Rennes. Depuis, j'ai reçu longuement le chef du service de
l'inspection générale des finances et l'inspecteur des finances qui ont procédé
précisément à l'analyse de l'opération « redevance ». Permettez-moi de vous
livrer nos impressions.
Tout d'abord, il s'agit d'un commando très motivé qui a réalisé des gains de
productivité considérables depuis quelques années, et j'ai le sentiment que ces
personnes font leur travail et qu'elles le font plutôt bien.
Par ailleurs, je voudrais dire que, pour un impôt dont, par définition, le
recouvrement moyen est de 751 francs, il faut souvent déployer le même effort
que pour un impôt important, et parfois même envoyer beaucoup plus de courrier.
Par conséquent, il suffirait de doubler la redevance pour faire tomber
immédiatement le pourcentage de quelque 7 % à 3,5 %. Je crois qu'il faut être
sérieux dans ce domaine. Il s'agit de relever des produits qui sont de faible
importance.
Il y a peut-être d'autres solutions. Et si le pouvoir exécutif en trouve
d'autres qui soient efficaces, nous les examinerons. Mais je voudrais quand
même rappeler que la Haute Assemblée a toujours soutenu la redevance, et
qu'elle a fait ce qu'il fallait pour la rendre plus productive. C'est en effet
un amdement du Sénat, qui, voilà cinq ans seulement, a permis le recoupement
des fichiers de la taxe d'habitation et de ceux de la redevance, ce qui a fait
passer le produit de cette dernière de quelque 8 milliards de francs à 13
milliards de francs en peu de temps. Cela a été la cause essentielle de
l'amélioration de la situation.
Par ailleurs, compte tenu de l'état du droit, il est vraisemblable que les
bases de la redevance ne pourront pas beaucoup augmenter, ou alors on change de
société et l'on s'intéresse de très près aux résidence secondaires, à la limite
de ce que peut tolérer notre société. Il faudra donc engager dans les plus
brefs délais une réflexion sur la nature de la redevance. Internet posera
également problème, car nos concitoyens pourront recevoir la télévision par ce
moyen. Il est certain qu'il faudra, dans les années à venir, étudier
sérieusement cette question.
Mais, dans l'état actuel des choses et tant que nous n'avons pas une solution
plus efficace, je crois infondé le débat sur le coût excessif du produit. Et ce
n'est pas sans conséquence. En effet, il est toujours facile d'ouvrir un débat
de cette nature, mais, quand on le fait, on soulève des problèmes. Aujourd'hui,
les agents du service de la redevance reçoivent des dizaines de milliers de
lettres de personnes demandant à ne payer qu'un prorata de la redevance dans la
mesure où cette dernière doit être supprimée à compter du 1er janvier 2001 !
Nous devons donc être prudents dans nos propos. Les médias font leur métier, et
ensuite on complique la tâche de ceux qui font plutôt bien leur travail !
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
M. le rapporteur spécial est passé, si j'ai bien compris, de la sagesse
favorable à la sagesse défavorable...
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Non !
M. Ivan Renar.
Je rejoins son propos sur les amendements n°s II-29 rectifié et II-33, qui
sont en discussion.
M. le président.
Seul l'amendement n° II-33 est en discussion, mon cher collègue !
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
Nous débattons dans la confusion !
M. Ivan Renar.
C'est une confusion, mais aussi une non-confusion ! Sur le fond, aujourd'hui,
c'est le sort de la redevance pour les années à venir qui est en jeu. Sur ce
point, nous avons intérêt à clarifier la situation.
Je pense que la redevance n'est pas seulement une recette fiscale ; c'est
aussi un lien social qui unit le téléspectateur au service public de
l'audiovisuel. Comparons-le au spectateur de cinéma : dans le prix de sa place
figure notamment l'avance sur recettes. De ce fait, il participe au financement
de la production cinématographique dans son pays. Si l'on supprime ces formes
de recettes, le service public est mort.
A mon avis, ce n'est pas au débotté que l'on doit discuter et voter ce type de
mesure. Cela mérite un grand débat contradictoire, préparé suffisamment
longtemps à l'avance, qui fixera les nouvelles règles du financement du secteur
de l'audiovisuel public. Je suis globalement hostile à tout vote qui viserait à
supprimer ou à diminuer la redevance de télévision.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Cette explication de vote m'apparaît d'autant plus nécessaire que je crois que
nous sommes en train de refaire la guerre de 1914-1918,...
M. Ivan Renar.
Même celle de 1870 !
M. Louis de Broissia.
... puisque l'un des deux amendements a été retiré. La responsabilité en
revient à Mme Pourtaud, qui est revenue sur la discussion de l'amendement
précédent.
Mme Danièle Pourtaud.
Je répondais à M. Gaillard !
M. Louis de Broissia.
Permettez-moi, madame Pourtaud, de vous le dire ! L'amendement n° 29 rectifié
a été retiré, et nous n'en avons alors plus discuté.
Mme Danièle Pourtaud.
Si, M. Gaillard en a parlé !
M. Louis de Broissia.
Je suis d'accord avec Mme Pourtaud, avec M. le rapporteur spécial et avec M.
Renar. L'amendement n° II-33 que je défends, le seul qui reste en discussion,
tient compte d'un lien social important, d'un lien civique avec la télévision
publique et, aussi, d'un lien territorial. Comment demander une redevance à
quelqu'un qui n'a pas les moyens de ce lien civique ? C'est la seule question
que vise à traiter cet amendement, et je me réjouis que M. Laffitte ait bien
voulu dire qu'après la fracture territoriale de la télévision il y aura la
fracture territoriale d'Internet à moyen et à haut débit. C'est clair !
M. Paul Blanc.
Bien sûr !
M. Louis de Broissia.
Il y a déjà la fracture territoriale de la téléphonie mobile ; c'est la même
fracture ! Alors, madame Pourtaud, il vous arrive de sortir des arrondissements
parisiens ! Venez à vingt kilomètres de Dijon : ce n'est pas une zone de haute
montagne, et nous ne recevons pourtant rien ! Comment expliquer à mes
concitoyens qu'ils doivent quand même payer pour tout ? C'est le but de mon
amendement, et c'est le seul.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 46.
Je suis saisi de trois amendements, présentés par MM. Blanc, André, Bizet,
Dejoie, Gérard, Francis Giraud, Le Grand, Murat et de Richemont.
L'amendement n° II-30 vise à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les articles 94, 95 et 96 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle sont abrogés.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° II-31 tend à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281
nonies
du code général des impôts est abrogé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
L'amendement n° II-32 vise à insérer, après l'article 46, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'avant-dernier alinéa (18°) de l'article 257 du code général des
impôts est supprimé.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par suite du retrait de l'amendement n° II-29 rectifié, ces trois amendements
n'ont plus d'objet.
Par amendement n° II-36 rectifié, MM. Laffitte, Valley, Joly et de Montesquiou
proposent d'insérer, après l'article 46, un article additionnel rédigé comme
suit :
« Il est institué un fonds alimenté par une partie des recettes qui seront
tirées de la cession des licences d'attribution des fréquences hertziennes
rendues disponibles par le processus de numérisation des bandes de fréquences
UHF et VHF.
« Ce fonds a pour objet de financer le développement de recherches
industrielles dans le domaine du multimédia, ainsi que la numérisation des
chaînes et des logiciels associés. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Cet amendement va dans un sens différent puisqu'il vise à donner au service
public de la télévision la possibilité d'un financement supplémentaire,
important le cas échéant.
Il s'agit tout simplement d'instituer un fonds alimenté par une partie des
recettes, et notamment par celles qui seront tirées de la cession des licences
d'attribution des fréquences hertziennes rendues disponibles par le processus
de numérisation des bandes de fréquences UHF et VHF.
Ce fonds aura pour objet de financer le développement des recherches
industrielles dans le domaine du multimédia ainsi que la numérisation des
chaînes et des logiciels associés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
La commission des finances a voté contre l'article
23, qui portait sur les produits de l'UMTS. Par conséquent, le rapporteur
spécial ne peut pas soutenir cet amendement qui crée un prélèvement de même
nature.
M. Pierre Laffitte.
Ce n'est pas l'UMTS !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, en
ce qui concerne la réorganisation du spectre des fréquences, je crois, avec
vous, qu'il nous faut réfléchir à cette question ensemble, sur la base d'études
solides réalisées à mesure que les technologies numériques se seront
stabilisées et qu'elles auront commencé à trouver leurs usages. C'est
d'ailleurs ce que je disais tout à l'heure dans mon propos.
Le moment ne me semble pas encore tout à fait venu. Aujourd'hui, le décret du
6 décembre 1996 dispose « que les fréquences attribuées à la radiodiffusion
audiovisuelle sont exemptées de toute rémunération de la part des chaînes ».
Vous savez que, par convention passée avec le CSA, les chaînes s'engagent à un
grand nombre d'obligations, notamment en faveur de la diversité, de la
contribution à la production, de la diffusion de programmes et de la mise en
oeuvre d'un certain nombre de missions.
La loi du 1er août 2000 a maintenu sur les réseaux terrestres numériques un
régime d'obligations assez contraignant en faveur de l'intérêt général. Je ne
crois pas que le temps soit venu de modifier ces équilibres que nous avons
évalués avec la représentation nationale au profit d'équilibres à venir que
nous pouvons, dans le meilleur des cas seulement, commencer à étudier et à
distinguer.
J'entends votre souci de soutenir les jeunes pousses du multimédia et la
recherche, l'innovation, dans ce domaine. C'est pourquoi je mettrai en place,
avec mes collègues de la recherche et de l'industrie, dès le début de l'année
2001, un nouveau réseau de recherche et d'innovation pour l'audiovisuel et le
multimédia. Il devrait permettre, avec toute la neutralité et l'objectivité que
permet ce type de crédit, d'inciter et de suivre la vitalité du secteur.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n°
II-36 rectifié.
M. le président.
Monsieur Laffitte, l'amendement n° II-36 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte.
Compte tenu de l'opposition simultanée de la commission des finances et du
Gouvernement, je retire mon amendement.
Toutefois, je précise, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas de revenus
provenant de la cession de fréquences affectées à l'audiovisuel. Mon amendement
visait le cas très probable où la fréquence serait attribuée à d'autres
opérateurs. Par conséquent, il y aurait eu là une possibilité, et c'est sur
cette dernière que je voulais insister. En effet, je crois véritablement qu'un
financement important sera nécessaire pour que le service public de
l'audiovisuel puisse effectivement développer les opérations de numérisation,
comme il a commencé à le faire, notamment avec la banque de programmes de La
Cinquième.
M. le président.
L'amendement n° II-36 est retiré.
Nous allons maintenant examiner les lignes 40 et 41 de l'état E annexé à
l'article 42.
Ligne 40 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 40 de l'état E concernant la redevance pour droit d'usage
des appareils récepteurs de télévision.
LIGNES
2000
|
DESCRIPTION |
PRODUIT
la campagne 1999-2000 |
ÉVALUATION
la campagne 2000-2001 |
|
---|---|---|---|---|
. | . |
Culture et communication |
||
39 | 40 |
Nature de la taxe : |
13 602 189 600 | 13 982 892 500 |
. | . |
- redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision Organismes bénéficiaires ou objet : - compte spécial du Trésor institué par l'article 33 de la loi de finances pour 1975 Taux et assiette : Redevance perçue annuellement : En 2000 et 2001 : - 479 F pour les appareils récepteurs « noir et blanc » - 751 F pour les appareils récepteurs « couleur » Textes : - décret n° 92-304 du 30 mars 1992 modifié - décret n° 94-1088 du 15 décembre 1994 - décret n° 95-1333 du 29 décembre 1995 |
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. Sur la ligne 40 de l'état E, ainsi que, je le dis par avance, sur la ligne 41 de ce même état, la commission des finances a émis un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 40 de l'Etat E, repoussée par la commission.
(La ligne 40 de l'état E n'est pas adoptée.)
Ligne 41 de l'état E
M. le président.
J'appelle la ligne 41 de l'état E concernant la taxe sur la publicité
radiodiffusée et télévisée.
LIGNES
2000
|
DESCRIPTION |
PRODUIT
la campagne 1999-2000 |
ÉVALUATION
la campagne 2000-2001 |
|
---|---|---|---|---|
. | . |
Culture et communication |
||
40 | 41 |
Nature de la taxe : |
125 000 000 | 130 000 000 |
. | . |
- taxe sur la publicité radiodiffusée et télévisée Organismes bénéficiaires ou objet : - fonds de soutien à l'expression radiophonique locale Taux et assiette : - taxe assise sur le produit des activités des régies publicitaires Textes : - décret n° 92-1063 du 30 septembre 1992 - décret n° 94-1222 du 30 décembre 1994 - décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 - arrêté du 23 juillet 1998 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la ligne 41 de l'état E, repoussée par la commission.
(La ligne 41 de l'état E n'est pas adoptée.)
M. le président. Le vote sur l'ensemble de l'article 42 est réservé.
Je rappelle que les crédits concernant la communication inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le lundi 4 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.
ÉTAT B
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. -
Services généraux
M. le président.
« Titre III : 174 946 965 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre III est réservé.
« Titre IV : 2 011 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre IV est réservé.
ÉTAT C
SERVICES DU PREMIER MINISTRE
I. -
Services généraux
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 312 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 165 000 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur le titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la communication.
Culture
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, le budget de la culture va
« tangenter » le fameux 1 %. Avec ses 16,67 milliards de francs, en
augmentation de 590 millions de francs par rapport au budget précédent, nous y
voilà, ou presque : 0,997 % !
J'ai déjà lu dans la presse le voeu exprimé par tel ou tel de viser les 1,25 %
ou - pourquoi pas ? - les 2 %, mais, plus sagement, Mme la ministre a dit à
l'Assemblée nationale - j'ai apprécié - que l'objectif de ce 1 % n'avait «
jamais représenté à lui seul une politique » et qu'il convient désormais de
réfléchir à « l'au-delà » du 1 %. Nous la rejoindrons s'il s'agit d'un au-delà
qualitatif et non quantitatif.
D'autant que ce 1 % pratiquement atteint ne l'a été que parce que le périmètre
du ministère n'a cessé de s'élargir. Et peut-être ce désir de franchir un seuil
psychologique n'est-il pas étranger à l'inclusion, telle année, des services de
l'architecture ôtés au ministère de l'équipement, telle autre, des dotations de
bibliothèques, reprises à l'intérieur, cette année encore, ou encore des
cotisations sociales de l'Etat employeur qui figuraient jusqu'à présent au
budget des charges communes - il est vrai qu'il s'agit d'une mesure de portée
générale.
Mais oublions tout cela ! Ne chipotons pas sur la comparaison entre
pourcentage d'augmentation en valeur absolue, à savoir 3,7 %, et pourcentage
d'augmentation à structure constante, soit 2,5 %. Ce qui compte, c'est le
contenu de ce budget et la politique, plus ou moins volontariste, plus ou moins
subie, dont il est la traduction.
L'analyse n'est pas aisée, car le budget de l'Etat, nous le savons tous, est
un budget de moyens et non de missions. Peut-être la réflexion qui est
actuellement menée sur la réforme de l'ordonnance organique de 1959, au Sénat
comme à l'Assemblée nationale, nous permettra-t-elle, dans deux ans, dans trois
ans - qui sait ? - d'y voir plus clair. Il nous serait alors possible de
chiffrer précisément quels moyens l'Etat consacre respectivement aux trois
principales missions du ministère de la culture : conservation, création,
diffusion. Nous pourrions alors disposer d'un instrument de mesure pour
apprécier au plus juste les priorités du ministre en place pour savoir s'il
préfère la préservation du passé à la préparation de l'avenir, ou l'inverse.
Mais puisque nous n'en sommes qu'à un budget de moyens, analysons ceux-ci.
Les moyens augmentent sensiblement. Les dépenses de fonctionnement qui nous
sont proposées - 7,9 milliards de francs - sont supérieures de 2,33 % à celles
de l'an passé, si l'on ne tient pas compte du transfert des charges de
retraite. Les dépenses d'intervention - 5 milliards de francs - augmentent de
2,45 %. Les dépenses d'investissement, exprimées en autorisation de programmes,
connaissent une progression de 6,19 %, supérieure à celle de l'an dernier, qui
était de 4,64 %, effaçant ainsi le reflux de 1999, qui atteignait 4,96 %.
Tout cela est assez honorable, mais n'échappe pas à une double critique que
n'ont pas manqué de faire des observateurs aussi impartiaux que les magistrats
de la Cour des comptes. On pourrait dire, en gros, que le budget de la culture
souffre d'un manque de lisibilité.
D'une part, les dépenses de fonctionnement sont de plus en plus éparpillées,
sans que les moyens de suivi, informatique ou comptable, soient suffisants pour
compenser cet éparpillement. D'autre part, les dépenses d'équipement sont,
parfois, de pure apparence, parce que le taux de consommation des crédits est
fort insuffisant et que le niveau des reports finit par ressembler à une
méthode occulte de régulation budgétaire.
Fragmentation et éparpillement, d'abord : ils s'accroissent d'année en année,
du fait de la déconcentration et de la croissance des subventions. Bénéficient
de cette déconcentration, outre les vingt-six DRAC, les nombreux services à
compétence nationale, les SCN. Cette nouvelle catégorie administrative
comprend, outre les musées nationaux - quand ils ne sont pas érigés en
établissements publics - les centres d'archives, les centres d'art et les
laboratoires de recherche. Au total, en 2000, les dépenses exécutées
directement par l'Etat ne représentent que le tiers des crédits disponibles.
Dans le domaine des spectacles et des arts plastiques, plus de 70 % des crédits
sont déconcentrés.
S'y ajoutent, bien sûr, les subventions, technique traditionnelle
d'intervention pour l'Etat culturel. On peut estimer que plus de 60 % des
crédits du ministère sont consacrés à ces subventions, qu'il s'agisse de
fonctionnement ou d'investissement, qu'il s'agisse des SNC ou de cette myriade
d'institutions para-administratives ou associatives que sont les centres
dramatiques ou chorégraphiques, les orchestres, nationaux ou régionaux, les
fonds régionaux d'art contemporain, etc. A eux seuls, trois grands
établissements - l'Opéra national de Paris, la Bibliothèque nationale de France
et le Centre Georges-Pompidou - consomment 10 % du budget du ministère !
C'est un choix que je ne conteste pas, mais les moyens qui, en contrepartie,
rendraient possibles un pilotage fin et un contrôle effectif sont encore
insuffisants, en dépit des efforts déjà entrepris. Je vous renvoie, sur ce
point, mes chers collègues, à mon rapport écrit, comme à celui, d'ailleurs, de
mon homologue de l'Assemblée nationale.
Qu'il suffise de dire à cette tribune que le logiciel Quadrille, outil de
suivi comptable et d'analyse de la dépense, que l'on nous avait déjà promis
l'an passé, n'est toujours pas en place. Et je pourrais m'étendre sur
l'inégalité entre les grands établissements quant aux méthodes comptables !
En matière de personnel, l'intention affirmée est de résorber l'emploi
précaire, dans l'esprit de l'accord passé le 10 juillet 2000 à la suite des
mouvements sociaux dans les musées et les monuments historiques : 300 emplois «
stabilisés », comme l'an dernier, à raison de 190 plus 111 transferts d'emplois
contractuels dans les budgets des établissements publics.
Mais a-t-on la certitude que, par l'intermédiaire des crédits de vacations, ne
s'annoncent pas d'autres emplois précaires ? L'ancien directeur de
l'administration générale du ministère m'avait assuré qu'il y veillerait
personnellement. Je souhaite que son successeur manifeste la même vigilance.
Autre question : derrière ce souci, légitime, de faire disparaître la
précarité, est-ce que ne se profile pas la tentation d'augmenter les effectifs
du ministère et de ses établissements publics ? Il semble bien qu'une certaine
dérive, de 1996 à 1999, qui porte sur plus de 1 200 postes supplémentaires, se
soit déjà manifestée.
Les observations que l'on peut faire sur les crédits de fonctionnement sont
toutefois mineures au regard de celles que le budget du ministère appelle pour
les crédits d'équipement : sous-consommation des crédits, ampleur exagérée des
reports.
On avait constaté, de 1995 à 1997, un certain redressement, vertu qui était
peut-être liée aux restrictions budgétaires. Depuis 1998, le taux de
consommation des crédits du titre V est de l'ordre de 70 %. Chaque année, les
reliquats disponibles en fin de gestion sont supérieurs à 900 millions de
francs. En 1999 et 2000, les reports représentent plus de 30 % des crédits
ouverts. Sur le titre VI, la consommation des crédits, qui s'était améliorée en
1999, tend à se dégrader de nouveau, notamment pour le chapitre 66-20, consacré
au patrimoine monumental : 144,5 millions de francs de report à la fin de la
gestion 2000.
Il semble que, outre les difficultés inhérentes aux grands travaux, le contrat
de gestion passé avec le ministère de l'économie et des finances n'y soit pas
pour rien - c'est du moins l'avis de la Cour des comptes ! On substituerait
ainsi une régulation budgétaire endogène, moins visible, aux gels et aux
annulations de crédits. Mais, dans les deux cas, c'est bien l'autorisation
parlementaire qui est contournée.
La mission patrimoniale appelle donc d'assez vives critiques quant aux
méthodes budgétaires. Elle en appelle aussi sur le fond. Permettez-moi, à cet
égard, de vous présenter quatre remarques.
Premièrement : le rééquilibrage entre Paris et les régions n'est plus de
saison. L'an dernier, pour les grands équipements, la province, avec 567
millions de francs, dépassait de peu la capitale, qui disposait de 538 millions
de francs. En 2000, Paris, avec 744 millions de francs de crédits
d'investissement, relègue le reste de la France à 610 millions de francs. On me
répondra que c'est dû, en partie, à la montée en puissance du musée du quai
Branly, voulue par le Président de la République, et j'en conviens, mais cela
ne suffit pas à expliquer ce regrettable renversement.
Deuxièmement : le feuilleton des grands travaux, détaillé dans le rapport
écrit, et qui continue, hélas ! Immeuble des Bons-Enfants, Grand Palais, Palais
de Tokyo, où des dizaines de millions de francs auront été dépensés en pure
perte pour un musée du cinéma transféré à l'
American Center
de Bercy !
Travaux qui traînent, immeubles en déshérence ! Tout cela, monsieur le
secrétaire d'Etat, a commencé avant la mise en place du nouvel attelage
ministériel.
Je me contenterai d'une modeste requête : que s'ouvre au moins, avenue du
Président-Wilson, l'espace voué à la jeune création en France, qui fait si
cruellement défaut à nos artistes, et qui fut une des bonnes idées de Mme
Trautmann !
J'ajouterai, s'il se peut : qu'on y voie enfin clair sur le devenir du Grand
Palais, qui, à mon sens, devrait être consacré aux expositions de prestige, en
vue de soutenir notre marché de l'art. Qu'une destination soit enfin prévue
pour l'admirable Musée des arts africains et océaniens de la porte Dorée, qui
n'a pas seulement ses crocodiles, chers aux enfants, et qui, même privé de ses
collections d'arts premiers, pourrait présenter ses admirables collections sur
l'histoire coloniale française - je sais bien que ce n'est pas à la mode ! -
sous l'ombre tutélaire du maréchal Lyautey.
Troisièmement : les crédits d'entretien du patrimoine, qu'il s'agisse des
bâtiments appartenant à l'Etat, qui se voient dotés de 83 millions de francs,
ou de ceux dont il aide les propriétaires, sont notoirement insuffisants. La
fragilité de ces bâtiments a été soulignée par la tempête de décembre 1999, au
point qu'il a fallu dégager dans le collectif 500 millions de francs : 300
millions de francs pour l'Etat, 200 millions de francs pour les autres
propriétaires, ces derniers crédits étant faiblement engagés jusqu'à
présent.
Les 87 cathédrales et les 100 monuments historiques ouverts au public ne
reçoivent, en moyenne, que 200 000 francs par an ! Par ailleurs, 470 monuments
sont considérés comme « en péril » et 3 690 « en état défectueux ». Cette
situation ne s'améliore pas d'une année sur l'autre. Monsieur le secrétaire
d'Etat chargé du patrimoine, vous avez du travail !
Quatrièmement : les crédits d'acquisition de nos musées sont, eux aussi,
insuffisants, tout comme leurs crédits d'investissement. Il est même proposé,
cette année, de prélever 10 millions de francs sur le fonds du patrimoine au
chapitre 43-92 - commandes artistiques et achats d'oeuvres - pour compenser la
perte de recettes liée à la gratuité du premier dimanche de chaque année. Cette
mesure, certes, est sociale, et elle est utile à l'amour de l'art. Mais
n'est-ce pas mesquinerie de la financer de cette manière ?
Le budget comporte, certes, pour les deux autres missions du ministère, la
création et la diffusion, des inscriptions mieux inspirées.
Le spectacle vivant est bien pourvu - cela ne saurait nous surprendre de la
part de Mme Catherine Tasca - avec une augmentation de 3,65 % des crédits
d'intervention et de 9,3 % des autorisations de programme. Les théâtres
nationaux voient leurs moyens renforcés de 13 millions de francs. Chaillot
pourra enfin accueillir des spectacles de danse.
Les responsables de certaines scènes nationales font toutefois remarquer que
les 35 heures devraient coûter plus de 100 millions de francs au spectacle
vivant, soit plus que l'ensemble des mesures nouvelles - 80 millions de francs
- prévues cette année. Ces funestes 35 heures font également des ravages à
l'Opéra de Paris en dépit de la gestion brillante de son directeur, M. Hugues
Gall.
Au cours d'une audition préparatoire avec la directrice du théâtre, de la
musique et de la danse, Mme Hubac, j'ai toutefois été sensible à certains
aspects positifs de la réforme des compagnies théâtrales. La tendance à la
reconduction automatique, notamment, serait freinée puisque 170 compagnies
nouvelles auraient été aidées en l'an 2000.
Le budget de 2001 porte une attention bienveillante aux enseignements
artistiques : 18 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues dans le
cadre de l'accord conclu avec le ministère de l'éducation nationale, permettant
d'ouvrir 1 600 ateliers d'expression artistique dans les lycées.
Enfin, je porte un jugement favorable sur le budget du livre, qui, avec ses 1
131,6 millions de francs de crédits, est en augmentation de 3,23 %. Les efforts
entrepris pour les bibliothèques municipales, notamment, ne peuvent laisser
indifférents les sénateurs qui, Dieu merci ! sont encore maires et qui, je
l'espère, le resteront.
S'il est permis au rapporteur spécial de céder un instant la parole au maire
d'Essoyes, commune de 650 habitants située dans l'Aube, celui-ci se dira charmé
par les progrès de nos bibliothèques municipales en milieu rural. L'aide de
l'Europe, de l'Etat, de la région et du département y est certes pour beaucoup,
mais aussi le dévouement des bénévoles qui les animent. Je ne saurais donc trop
encourager le ministère à poursuivre son effort en faveur de la lecture
publique et, pour reprendre un débat que j'ai eu avec Mme Tasca dans cet
hémicycle voilà peu de temps à propos de l'affaire du prêt payant en
bibliothèque, je veux continuer à plaider la cause des communes. J'espère
qu'elles seront ménagées dans les annonces que Mme le ministre de la culture
devrait faire en fin d'année sur ce dossier épineux.
Je me suis permis de parler de la bibliothèque d'Essoyes : cela m'évite
d'évoquer le cauchemar de la Bibliothèque nationale de France, peut-être dû à
la malchance mais qui ne cesse de connaître de nouveaux épisodes.
En conclusion, le projet de budget pour la culture se caractérise par beaucoup
d'ombres et peu de lumière. Comme les nouveaux responsables ministériels ne
sont en fonctions que depuis neuf mois, je pense qu'ils ne pouvaient pas
estomper toutes les ombres et pousser tous les éclairages. La commission des
finances, en préconisant, malgré tout, l'adoption de ce projet de budget, a
voulu, en somme, réserver son jugement et leur rappeler l'invite du poète Henri
Michaux : « Ne désespérez pas, faites infuser davantage. »
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de la culture que nous examinons voit alterner, comme le
rappelait à l'instant M. Gaillard, les ombres et les lumières. C'est peut-être
ce qui en fait une oeuvre d'art, c'est en tout cas ce qui m'autorisera à le
présenter sous trois éclairages différents.
Il s'agit - ce sera le premier éclairage - d'un projet de budget globalement
satisfaisant, mais qui supporte, nous le constatons année après année, de très
lourdes contraintes.
L'augmentation des crédits, que j'évoquerai très brièvement, me référant, pour
ce qui est du détail, au rapport écrit, est de 2,5 % en francs courants. C'est
à peu près autant qu'en 2000, c'est moins qu'en 1999, où l'augmentation était
de 3,5 %, mais c'est plus, en revanche - et j'en terminerai là avec
l'énumération, ô combien aride, des pourcentages - que la progression du budget
global de l'Etat, qui est de 1,5 %.
Nous nous approchons par conséquent, avec 0,98 % du budget total de l'Etat, du
« 1 % », mais nous ne sommes plus à l'époque où Jean Vilar considérait ce taux
comme la pierre de touche en fonction de laquelle on devait juger de l'intérêt
d'une politique culturelle. La modification constante et normale des
compétences du ministère a rendu tout à fait relative la pertinence de ce
critère.
Cette augmentation est équitablement répartie entre les dépenses ordinaires et
les dépenses d'intervention, alors que le budget de l'année précédente avait
donné très nettement la priorité aux dépenses ordinaires. Ces dernières
augmentent de 2,7 % à structure constante, ce qui devrait permettre de dégager
des moyens permettant au ministère d'affirmer ses intentions.
Deux contraintes pèsent cependant très lourdement sur cette partie du
budget.
S'agissant tout d'abord des dépenses en personnel, nul ne contestera la
nécessité impérieuse de s'engager dans la voie de la résorption de la
précarité. Les établissements publics culturels et les services du ministère
eux-mêmes ont en effet trop souffert d'un climat social difficile en raison du
pourcentage, à l'évidence excessif, d'agents non titulaires. Il fallait par
conséquent mettre en oeuvre ce plan, et la commission des affaires culturelles
ne peut que s'en féliciter.
Toutefois, la quasi-totalité des emplois créés étant affectés à ce plan de
résorption, on peut s'interroger sur les difficultés que rencontreront en
particulier les services déconcentrés pour faire face aux tâches qui leur sont
progressivement dévolues.
La seconde contrainte qui pèse sur le projet de budget tient à la lourdeur des
subventions versées pour assurer le fonctionnement des grands établissements
publics. Nous constatons depuis quelques années une montée en puissance de ces
institutions, liée à la politique des grands travaux - je ne la critiquerai
pas, ayant au contraire, lors des précédentes discussions budgétaires, loué les
réalisations prestigieuses et la diffusion culturelle qu'elle a induites - qui
entraîne des conséquences considérables pour le budget du ministère de la
culture. En effet, près d'un tiers de ses crédits servent désormais à financer
le fonctionnement de ces établissements. Une politique de contractualisation a
été mise sur pied, un contrat ayant notamment été signé avec le Centre national
de la danse : nous assistons peut-être à l'amorce d'une modération toute
relative face à la dérive financière que pourrait engendrer le fonctionnement
de ces institutions.
En ce qui concerne les dépenses d'intervention du titre IV, dont l'importance
est réelle puisqu'il reflète les priorités de la politique culturelle du
ministère, on enregistre une progression de 3,12 %. Je ne peux que saluer cette
augmentation tout à fait importante, qui vient conforter les principales
orientations marquées par ce budget, notamment - j'y reviendrai dans un instant
en examinant au fond les politiques préconisées - la promotion du spectacle
vivant et le renforcement des enseignements artistiques et de la
décentralisation, ce qui correspond aux souhaits que le Sénat exprime depuis
longtemps. J'exprimerai simplement un petit regret à cet égard, à propos de la
nette réduction des commandes de l'Etat aux artistes : l'Etat ne doit pas
oublier qu'il est aussi un mécène et qu'il a des devoirs en ce domaine, que ce
budget ne permettra pas d'assumer pleinement.
S'agissant des dépenses en capital, qui sont essentielles puisqu'elles
intéressent à la fois le patrimoine monumental et celui des grandes
institutions, elles augmentent globalement d'une manière satisfaisante.
Néanmoins, leur répartition amène à s'interroger, comme l'a fait, voilà un
instant, M. le rapporteur spécial, sur le déséquilibre qui existe entre Paris
et la province. Les crédits affectés hors patrimoine aux équipements culturels
parisiens augmentent ainsi de 38 %, tandis que ceux qui sont alloués à la
province sont en hausse de 7,4 %, même s'il va sans dire que l'ensemble de
notre pays profite des infrastructures parisiennes. Parmi les nouvelles
opérations inscrites dans ce projet de budget figurent notamment celle qui a
trait à l'espace du quai Branly et la restructuration du théâtre de l'Odéon. Je
ne disconviens en aucune manière de l'intérêt de ces opérations, je voudrais
néanmoins que l'on n'oubliât pas que la province a elle aussi des besoins
considérables.
J'indiquerai à cet égard qu'un effort tout à fait louable est proposé, au
travers de ce projet de budget, dans deux domaines importants pour le Sénat,
qui est sensible aux demandes des élus locaux : il s'agit, d'une part, des
bâtiments d'archives, dont les crédits augmentent de 70 %, ce qui est tout à
fait méritoire, et, d'autre part, de la construction et de la rénovation des
salles de spectacle.
En ce qui concerne enfin les crédits du patrimoine, et j'en terminerai par là
avec les dépenses en capital, leur stagnation, voire leur recul, est plus
qu'inquiétante. J'y reviendrai dans un instant.
J'aborderai maintenant le deuxième éclairage que j'entendais donner sur ce
projet de budget.
Les priorités que le ministère a définies traduisent la continuité de l'action
culturelle. La commission des affaires culturelles du Sénat a estimé qu'il
fallait s'en féliciter, car les trois objectifs retenus, à savoir soutenir la
création, favoriser l'égalité d'accès à la culture et poursuivre la politique
de déconcentration, correspondent à ce que nous souhaitions.
En ce qui concerne tout d'abord la création artistique, les crédits destinés
au développement de l'aide au spectacle vivant augmentent de 3,8 % et
représentent près du quart du budget. Si l'on détaille les différentes
interventions, on peut estimer que le soutien apporté aux établissements
publics nationaux est tout à fait exemplaire et que celui qui est consenti aux
compagnies subventionnées et aux institutions est convenable.
En revanche, une lacune existe s'agissant des théâtres municipaux non
conventionnés. En effet, nombre de petites villes font l'effort, immense au
regard de leurs ressources, d'entretenir des théâtres municipaux, pour lesquels
la formule du conventionnement n'est pas adaptée. Je citerai l'exemple d'une
commune de mon département, Frouard, petite ville de 7 000 habitants qui
consacre 2 millions de francs par an, sur 17 millions de francs de dépenses de
fonctionnement, à son théâtre municipal. Peut-être serait-il souhaitable que
les services du ministère engagent une réflexion sur la manière dont pourraient
être soutenues de telles institutions, pour lesquelles le conventionnement,
formule sans doute trop complexe et trop lourde de conséquences financières,
n'est pas adapté.
Un autre point recueille l'approbation de la commission des affaires
culturelles : je veux parler de l'aide apportée au développement des
enseignements artistiques spécialisés, notamment par le biais des grandes
institutions universitaires, héritières d'une tradition tout à fait
prestigieuse. Je souhaiterais, à cet égard, indiquer que nous avons été
sensibles au soutien apporté aux vingt-deux écoles d'architecture. Voilà
quelques années, lorsque ces écoles avaient échangé la tutelle d'un ministère
riche pour celle d'un ministère moins riche, de grandes inquiétudes s'étaient
fait jour. Ces écoles sont aujourd'hui convenablement traitées et leurs
responsables n'hésitent pas à le dire ; cela méritait d'être rappelé ici même.
En revanche, les établissements d'enseignement relevant des collectivités
locales, à savoir les conservatoires, d'une part, les écoles d'art municipales
ou régionales, d'autre part, ne bénéficient pas d'une aide suffisante, ce qui
signifie, puisque les collectivités territoriales, qui y sont très attachées,
les financent, que de réelles disparités existent entre les régions.
En ce qui concerne par ailleurs la promotion de l'égalité d'accès à la
culture, deux points importants me paraissent là aussi mériter quelques
commentaires.
J'évoquerai en premier lieu le soutien à l'éducation artistique,
indépendamment des grands établissements universitaires que j'évoquais à
l'instant. En 1998, le Parlement a voté une loi organisant les enseignements
artistiques, qui n'a jamais été appliquée d'une manière convenable. Elle a
toutefois incité le ministère, et je m'en félicite, à mettre en place une
politique très « pointue » dans ce domaine, avec des classes culturelles, des
ateliers de pratiques artistiques et des jumelages avec les institutions
culturelles, destinée à diffuser l'éducation artistique en milieu scolaire.
Malheureusement, seuls 1,5 % des élèves en bénéficient : c'est dire à quel
point nous devons rappeler que c'est à l'éducation nationale et à elle
principalement qu'il appartient d'assurer cette diffusion, quel que soit
l'effort accompli par le ministère de la culture.
J'ajouterai que les collectivités locales et les associations fournissent un
effort tout à fait considérable dans ce domaine, qui mériterait d'être beaucoup
mieux soutenu, car c'est le ministère de la culture, d'une part, les élus
locaux et les associations, d'autre part, qui compensent l'insuffisance criante
de l'éducation nationale en matière d'enseignements artistiques, essentiels
pourtant si l'on veut assurer l'égalité des chances pour tous les enfants.
En second lieu, j'aborderai rapidement la question de la politique tarifaire,
dont nous avions longuement parlé l'an dernier. Cette année, le projet de
budget marque une pause sur ce point, et je crois que c'est une bonne chose,
car cette politique tarifaire visant les musées, les théâtres ou les monuments
historiques a un peu été, comme la langue d'Esope, la pire et la meilleure des
choses. En effet, elle a engendré un effet d'aubaine, de telle sorte qu'elle
n'a pas du tout touché le public auquel elle était destinée, mais les habitués,
qui se sont judicieusement adaptés à la situation. Elle a eu enfin, sur le plan
financier, des conséquences tout à fait dommageables pour de nombreuses
institutions, telles que les musées.
S'agissant enfin de la poursuite de la déconcentration, 69 % des crédits
disponibles sont actuellement gérés de manière déconcentrée. Je ne peux que
m'en féliciter, parce que cela traduit le souci qu'a le ministère d'assurer une
gestion de proximité. Un certain nombre de nos collègues, au sein de la
commission, se sont interrogés sur le devenir du rôle de l'Etat dans ce
domaine. Pour ma part, je suis de ceux qui, lorsqu'ils voient fonctionner leur
direction régionale des affaires culturelles n'éprouvent aucune inquiétude
quant à la manière dont s'organise la déconcentration. Mais peut-être la
situation prévalant dans d'autres régions a-t-elle conduit certains de nos
collègues à formuler des objections que je dois ici relayer, car c'est mon rôle
de rapporteur. En tout cas, je crois que la voie de la contractualisation dans
laquelle nous nous engageons pourra sans doute permettre d'apporter un
correctif utile.
Enfin, le troisième éclairage sera légèrement différent des précédents et
portera sur l'insuffisance criante, monsieur le secrétaire d'Etat, des crédits
affectés au patrimoine.
La tempête - cela a été rappelé - a été à cet égard un signal d'alarme :
dépenser 1,713 milliard de francs pour réparer les dégâts, cela signifie tout
simplement que l'entretien du patrimoine n'était pas suffisant. Or les crédits
que nous examinons aujourd'hui ne sont pas à la hauteur des besoins, aussi bien
pour assurer l'entretien que pour financer l'investissement, alors que la loi
de programme du 31 décembre 1993 avait prévu un effort annuel de 2 %. Je crois
que cette faiblesse est grave, parce qu'elle démontre que des pans entiers du
patrimoine de notre pays sont voués à disparaître - et j'avais évoqué à ce
titre, l'an dernier, l'exemple criant du patrimoine industriel.
Il est essentiel que le prochain budget marque un effort particulier dans ce
domaine. Je citerai seulement, parce que le chiffre est caricatural, les 70
millions de francs affectés, pour toute la France, au patrimoine rural non
protégé. Cela permet de traiter un dossier par région, ce qui, à l'évidence, ne
correspond pas à l'état de notre patrimoine. De même, j'évoquerai d'une phrase
les crédits d'acquisition des musées, qui nous paraissent tout à fait
insuffisants.
Je conclurai en indiquant que, compte tenu des lourdes charges qui pèsent sur
ce budget et des orientations positives que, malgré cela, le ministère a su lui
donner, la commission des affaires culturelles, en dépit des zones d'ombre que
j'évoquais, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal.
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour le cinéma
et le théâtre dramatique.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les politiques du cinéma et du théâtre, si elles
reposent sur des mécanismes de soutien très différents, concourent également à
promouvoir la création, priorité du projet de budget du ministère de la culture
pour 2001. J'examinerai successivement les crédits qui leur sont consacrés par
le projet de loi de finances.
Avant de procéder à l'analyse comptable des crédits du cinéma, je dresserai un
rapide bilan de la situation économique de ce secteur qui, hélas ! demeure
fragile.
Même si un léger infléchissement de la fréquentation a été observé en 1999,
avec 155 millions d'entrées, les premiers résultats de 2000 confirment la
tendance au redressement observée depuis quelques années. Ce retour du public
vers les salles se traduit par le dynamisme du secteur de l'exploitation. Entre
1998 et 1999, le nombre d'écrans a ainsi augmenté de manière inégalée au cours
de la dernière décennie, évolution largement imputable aux multiplexes, qui
représentent aujourdhui 14,3 % de l'offre cinématographique en termes de
fauteuils, mais aussi plus de 27 % de la fréquentation globale.
La production cinématographique fait également preuve de sa vigueur et de ses
capacités de renouvellement.
Le nombre de films agréés par le CNC s'établit à un niveau qui n'avait pas été
atteint depuis 1980. Et les premiers et deuxièmes films, qui bénéficient
désormais de meilleures conditions de financement, représentent plus de la
moitié des films français.
En dépit de ces signes encourageants, les parts de marché des oeuvres
françaises restent modestes : elles ne dépasseraient pas 30 % pour les premiers
mois de l'année 2000, contre 36 % pour la même période en 1999. Leurs recettes
à l'exportation dépendent de quelques grands succès et elles ne connaissent pas
encore d'amélioration durable.
Ces évolutions ne peuvent laisser indifférents en raison du renforcement de la
concurrence sur le secteur de l'exploitation, évolution qui risque à terme de
menacer la diversité de la programmation. Certes, les multiplexes n'ont pas -
ou pas encore - eu les effets dévastateurs annoncés. A cet égard, les analyses
du rapport de M. Françis Delon sont rassurantes : les salles indépendantes, en
particulier les établissements d'art et d'essai, semblent avoir bien résisté,
du moins celles qui mènent une politique d'animation dynamique.
Ces analyses s'inscrivent dans un contexte favorable de croissance de la
fréquentation. Elles ne permettent pas d'anticiper les conséquences de
l'accélération du rythme de création de ces complexes multisalle à laquelle on
assiste aujourd'hui.
Au-delà des 70 multiplexes déjà en activité, près de 70 nouvelles
implantations ont été autorisées. Mais l'amendement adopté par le Sénat, sur la
proposition de Mme la ministre, lors de l'examen du projet de loi relatif aux
nouvelles régulations économiques, devrait permettre d'aboutir à une
implantation plus raisonnée des multiplexes.
Ce dispositif, assez différent de celui qui est proposé par le rapport Delon,
prévoit essentiellement, au-delà d'une extension du champ de la procédure
d'autorisation, de compléter les critèrers d'autorisation afin de mieux tenir
compte de la vocation culturelle de ces équipements.
Vous me permettez toutefois de regretter que sa logique demeure celle de
l'urbanisme commercial, qui, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, me
semble peu adaptée.
Je me demande par ailleurs si une modification de la composition des
commissions départementales d'équipement commercial n'aurait pas été nécessaire
pour permettre à ces instances d'arbitrer plus aisément entre les intérêts
locaux en présence.
Enfin, j'exprime le souhait que les contraintes imposées aux multiplexes au
nom de la diversité de la programmation n'aboutissent pas, paradoxalement, à
accroître la concurrence envers les autres exploitants.
Cette concurrence est déjà très vive, comme en témoigne l'apparition de
nouvelles pratiques commerciales telles que les abonnements illimités lancées
par plusieurs opérateurs. C'est l'actualité.
Sur cette question, je ne peux que soutenir le Gouvernement, qui veut
restaurer l'efficacité des mécanismes de régulation du secteur de
l'exploitation, ces mécanismes étant mis à mal par des initiatives qui n'ont
été précédées d'aucune concertation.
Le texte inséré dans le projet de loi relatif aux nouvelles régulations
économiques présente le mérite de garantir les conditions de rémunération des
ayants droit et d'obliger les grands groupes à associer à leurs initiatives les
exploitants indépendants. En dépit de ces possibilités d'association, les
risques que représentent pour les indépendants de telles formules demeurent, en
raison de la fragilité de leur situation financière.
Par ailleurs, il n'est pas exclu que ces pratiques se révèlent, à l'usage,
anticoncurrentielles et, de ce fait, portent atteinte aux conditions
d'exploitation de ces salles indépendantes. Cette possibilité n'a pas été
exclue par le Conseil de la concurrence.
A l'évidence, il est nécessaire que ces salles bénéficient d'un soutien accru
et les réformes engagées pour renforcer les aides sélectives seront les
bienvenues.
J'en arrive, mes chers collègues, aux données comptables. Le budget du cinéma
s'établit pour 2001 à 1 791,9 millions de francs ; il est donc en progression
de 6,2 % par rapport à 2000.
Ces crédits proviennent, pour 1 489 millions de francs, de la section « cinéma
» du compte de soutien, et pour 295 millions de francs du budget du ministère
de la culture.
La progression des recettes de la section « cinéma » du compte de soutien sera
essentiellement consacrée au renforcement du soutien sélectif, notamment au
secteur de l'exploitation.
L'objectif est de simplifier les dispositifs et de permettre aux salles
indépendantes de disposer de moyens plus importants pour moderniser leurs
équipements, ce qui, je crois, constitue aujourd'hui une condition de leur
survie face aux investissements considérables consentis par les grands groupes
intégrés.
Les crédits du ministère de la culture destinés au cinéma augmentent de 5,4 %.
Les dépenses ordinaires et les dépenses d'investissement connaissent toutefois
des évolutions contrastées.
Les crédits d'intervention affectés au CNC ne progressent que faiblement, ce
qui ne permettra guère de renforcer son action de soutien aux initiatives
locales, qu'il s'agisse de la sensibilisation des jeunes ou des actions de
soutien au cinéma en régions.
En revanche, les crédits d'investissement connaissent une progression
significative qui bénéficiera aux services des archives du film et du dépôt
légal. Je m'en félicite parce que j'ai eu l'occasion de me rendre compte de la
précarité de leurs conditions de travail.
En outre, le projet de budget prévoit 20 millions de francs pour l'achèvement
de la future Maison du cinéma. Je souhaite que les difficultés auxquelles se
heurte ce projet puissent être rapidement levées afin de permettre l'ouverture
dans les meilleurs délais de cette institution indispensable à la valorisation
de notre patrimoine cinématographique.
Enfin, nous nous satisfaisons des récentes mesures européennes en faveur d'un
soutien de 2,5 milliards de francs à la création cinématographique.
La présidence française de l'Union européenne a permis de garder bien vivant
l'espoir de voir émerger l'Europe du cinéma, notamment à l'issue de la réunion
du Conseil des Quinze, le jeudi 23 novembre dernier. Au cours de cette réunion,
les ministres de la culture et de la communication des Quinze ont adopté le
programme européen Média Plus.
La plus grande part de ce budget visera à faciliter, pour les films européens,
la traversée des frontières nationales au sein de l'Union européenne.
Depuis le mois de septembre dernier, avec l'appui efficace de la commissaire,
Mme Viviane Reding, du Parlement européen et de la profession, Mme la ministre
s'est beaucoup dépensée pour convaincre et mobiliser.
Ce programme d'aide à l'industrie audiovisuelle lui doit beaucoup. Il incite
aujourd'hui à faire preuve de plus d'optimisme et il doit être salué comme une
avancée stimulante pour l'avenir du septième art.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
En 2001, l'augmentation significative des crédits consacrés, au sein du budget
de la culture, au spectacle vivant et représentant 3,77 % à structure
constante, permettra de poursuivre l'effort engagé en faveur du théâtre au
cours des précédents exercices budgétaires.
Cet effort profite aux théâtres nationaux mais également au réseau résultant
de la décentralisation.
Sur les 80 millions de francs de mesures nouvelles dégagées sur le titre IV en
faveur du spectacle vivant, environ la moitié ira au théâtre.
Ces moyens supplémentaires permettront de consolider en 2001 les crédits
ouverts par le collectif de printemps en faveur des centres dramatiques
nationaux qui ont pâti, au cours des dernières années, d'un alourdissement de
leurs charges de fonctionnement. Les subventions des scènes nationales seront
augmentées dans la perspective de la négociation des nouveaux contrats
d'objectifs les liant à l'Etat. La mise en place de scènes conventionnées fera
également l'objet d'un effort spécifique.
Les compagnies dramatiques devraient bénéficier pour leur part de moyens
supplémentaires, à hauteur de 14 millions de francs.
Enfin, comme en 2000, les dépenses d'investissement consacrées au théâtre
progresseront d'une manière significative, essentiellement au bénéfice des
institutions régionales. Je me félicite de cette orientation.
La politique d'équipement conduite par les collectivités locales est donc
confortée, ce qui n'est que justice.
Je dois cependant souligner que l'évolution des dotations budgétaires
consacrées au théâtre est difficile à apprécier. La présentation des documents
budgétaires comme l'uniformisation des procédures de soutien au spectacle
vivant, dont la vocation devient de plus en plus pluridisciplinaire, ne
permettent plus d'identifier les crédits consacrés au théâtre au sein des
enveloppes gérées par la direction unique en charge de l'ensemble des
disciplines du spectacle vivant, notamment les dépenses d'intervention qui
constituent le coeur de la politique de soutien à la création.
La déconcentration des crédits complique encore les choses. Faute notamment
d'outils informatiques adaptés, les services centraux ne disposent, au moment
où nous examinons le budget, ni d'indications fiables sur les conditions
d'exécution de la loi de finances pour 2000 ni de données précises sur la
répartition de l'enveloppe budgétaire entre les différentes actions pour
l'année 2001.
Au-delà des inconvénients que cela représente pour un contrôle approfondi du
Parlement sur le budget, cette situation révèle que les effets de la
déconcentration sont encore mal maîtrisés par le ministère.
A cet égard, je ne pourrais que vous inciter, monsieur le secrétaire d'Etat, à
poursuivre vos efforts pour réaffirmer le rôle d'impulsion et d'évaluation du
ministère et de ses services centraux qui ne sont pas encore rompus à cette
nouvelle donne administrative.
Sous réserve de ces observations, compte tenu de la volonté de poursuivre la
politique de soutien à la création que traduit le projet de budget, la
commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits pour 2001 du cinéma et du théâtre dramatique.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour 40 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget de la culture progresse pour la quatrième année consécutive. Il s'élève
à près de 16,5 milliards de francs. Avec 2,6 % d'augmentation, il représentera
0,99 % du budget de l'Etat en 2001.
Le fameux seuil du 1 %, tant convoité par tous les ministres de la culture
après mai 68, n'a jamais été si proche depuis 1993, où il avait été atteint
pour la première fois grâce au volontarisme de Jack Lang.
Pour autant, je ne vous surprendrai pas, monsieur le ministre, le symbole n'a
jamais eu moins de sens qu'aujourd'hui. Jean Vilar, à qui l'on doit cette
célèbre revendication, remettait déjà le pourcentage à sa place : « aussi
imprécis », disait-il « que peut l'être un chiffre... Cela tient du
grignotage... C'est sans doute une tactique, mais est-elle vraiment efficace ?
».
Je ne crois pas le trahir en disant que l'idéal des pères de la
décentralisation culturelle ne s'est jamais résolu dans un chiffre mais qui
s'incarne plutôt dans l'exigence démocratique de la culture pour tous. Nous le
savons tous aussi, par un tour de passe-passe destiné à masquer
artificiellement une chute brutale des crédits, M. Philippe Douste-Blazy avait
élargi les compétences du ministère, sans que les moyens suivent. Au fil du
temps, si la ritournelle du 1 % est passé du mythe à la complainte, elle n'est
en aucun cas une finalité.
Depuis vote arrivée rue de Valois, Mme Catherine Tasca et vous-même avez
décidé de vous consacrer à une « refondation de la politique culturelle ».
Trois objectifs prioritaires ont été clairement définis : la défense de la
diversité culturelle, la poursuite de la décentralisation et l'égalité d'accès
à la culture.
Défendre la diversité culturelle, c'est vouloir restaurer les « marges
artistiques » pour mieux soutenir la création et les créateurs.
La tâche est ardue au regard des missions incompressibles du ministère de la
culture. Nous pensions que la fin des « grands travaux » allait débrider sa
capacité d'initiative. Mais vous devez faire face à des investissements trop
longtemps différés, qu'il s'agisse des indispensables réparations du Grand
Palais, de la rénovation de l'Odéon ou de la restauration de l'Orangerie, sans
parler des chantiers à lancer, comme la Cité de l'architecture et du patrimoine
à Chaillot ou la réalisation d'une grande salle de concert à La Villette. Vous
avez par ailleurs « hérité » de la construction du Musée des arts premiers,
quai Branly.
Au total, si l'on ajoute les charges de fonctionnement, le ministère de la
culture consacrera 56 % de son budget en 2001 aux grandes institutions
parisiennes, alors même que la Bibliothèque nationale de France dévore à elle
seule 10 % des crédits.
Ce n'est pas l'élue parisienne que je suis qui s'en plaindrait et irait
contester l'attrait de ces grands lieux de culture, ces « phares », comme le
disait Baudelaire, dont les feux rayonnent dans le monde entier. Mais il faut
bien constater que les marges d'action sont du coup extrêmement réduites. Je me
limiterai à l'exemple du spectacle vivant : en l'espace de cinq ans, de 1994 à
1999, les subventions aux établissements publics - opéras, théâtres nationaux -
ont augmenté de 32 %, celles des réseaux nationaux - centres dramatiques,
chorégraphiques, scènes nationales, orchestres... - de 21 %, tandis que les
compagnies dramatiques, les arts de la rue, les festivals, bref, tout le vivier
de la création de demain n'a bénéficié que d'une hausse de 4 %.
Comment, dans ces conditions, pourra-t-on réussir le virage du renouveau des
générations artistiques et le pari de l'élargissement des publics ? Je ne
saurai le dire mieux que Tadeusz Kantor, que je cite : « ce n'est pas l'oeuvre
comme produit qui importe, ce n'est pas son aspect éternel et figé, mais
l'activité même de créer. »
A la faiblesse des moyens financiers s'ajoutent des difficultés que je
qualifierai d'administratives.
La réforme de l'aide aux compagnies et le principe d'une aide à la création
tous les deux ans, si elle a permis de soutenir plus de projets, déstabilise
aussi les aventures confirmées. Par ailleurs, le réseau national des cent vingt
scènes de musiques actuelles est en ordre de marche, mais peut-on actuellement
promouvoir une programmation audacieuse ?
Je ne vous le cache pas, mes interlocuteurs ne comprennent pas toujours les
critères d'évaluation pratiqués et m'interrogent régulièrement sur la
transparence des décisions.
Le revers de la médaille est paradoxalement plus positif. La génération
montante se désintéresse des lieux de l'art officiel, que se partagent depuis
trop d'années les mêmes « barons de la culture ». C'est ainsi que nous voyons
émerger un peu partout de nouvelles spontanéités artistiques, plus proches du
tissu urbain, des quartiers, hors les murs, hors l'institution, dans les
friches industrielles ou les immeubles désaffectés, bref, dans les squats
artistiques.
Mon intention n'est pas de remettre en cause le processus de déconcentration
des crédits, qui s'est beaucoup accéléré en l'espace de trois ans - en 2001,
les deux tiers des « crédits déconcentrables » le seront effectivement. Il
était nécessaire de rapprocher l'Etat des artistes et du public. Mais
fallait-il autant se précipiter ? A-t-on vraiment voulu « cette déconcentration
à marche forcée », alors que les effectifs dans les directions régionales des
affaires culturelles n'ont pas suivi ?
Je salue la création annoncée de 514 emplois budgétaires, auxquels s'ajoutent
110 transferts d'emplois contractuels. Cela permettra en particulier de
résorber l'emploi précaire, mais je souhaite savoir quels sont les moyens
supplémentaires des DRAC, en particulier ceux de la DRAC d'Ile-de-France,
laquelle, je le souligne, doit gérer autant de compagnies que le reste de la
France !
Comme l'a dit Catherine Tasca, « l'enjeu culturel doit se hisser au rang des
grands enjeux politiques », et je salue au passage la pugnacité qui lui a
permis d'obtenir, pour la première fois dans le cadre d'un collectif
budgétaire, 50 millions de francs supplémentaires pour la création et les
créateurs. Sachez que nous serons toujours à vos côtés.
Je crois néanmoins qu'à l'avenir la culture devra plus que jamais devenir une
préoccupation transversale et largement partagée. Votre ministère pourra se
reposer davantage sur ses partenaires, l'éducation, les affaires étrangères ou
l'environnement, l'Etat pourra lever la tête vers l'Europe, sans oublier le
rôle prépondérant des collectivités locales.
Nous le savons, depuis 1996, la part des collectivités territoriales dans le
financement public de la culture dépasse nettement, avec plus de 30 milliards
de francs, celle de l'Etat.
Je ne peux m'empêcher de souligner que cette saine émulation - est-ce vraiment
une surprise ? - ne trouve malheureusement pas d'écho dans la plus grande ville
de France. La forte implication de l'Etat y est inversement proportionnelle au
désengagement scandaleux de la municipalité. Avec moins de 5 % de son budget
pour la culture, contre trois fois plus dans la plupart des capitales
européennes,...
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mes chers collègues, il ne s'agit que de comparaisons !
M. Louis de Broissia.
Pas de campagne électorale !
Mme Danièle Pourtaud.
Il ne s'agit pas de campagne électorale ! Certaines vérités sont bonnes à dire
et, si elles vous dérangent, c'est dommage !
M. Louis de Broissia.
Trouvez d'autres enceintes !
Mme Danièle Pourtaud.
... la mairie de Paris peut s'enorgueillir d'apporter sa contribution à
l'asphyxie du ministère de la culture et brandir la lanterne rouge de
l'initiative culturelle.
Quoi qu'il en soit, le second acte de la décentralisation passe nécessairement
par le développement des partenariats entre l'Etat déconcentré et les
collectivités locales. Il faut, comme vous l'avez décidé, inventer de nouvelles
formes de collaboration avec les régions, les villes, voire les
arrondissements. Osons mettre un terme à cette politique gigogne qui consiste à
imiter et à reproduire à tous les échelons, sans aucune concertation !
Mais je n'oublie pas que toute politique culturelle, toute innovation ou
création n'a de sens que dans sa capacité à toucher le plus grand nombre.
La démocratisation de la culture ne passe pas seulement, nous le savons bien,
par des politiques tarifaires. Une politique tarifaire, sans éducation, sans
éveil de la sensibilité à l'art dès le plus jeune âge, ne profite qu'à ceux qui
ont déjà une pratique culturelle.
L'éducation nationale a enfin répondu à l'appel du ministère de la culture. Un
plan ambitieux de 300 millions de francs permettra d'instituer de solides
partenariats dès l'année prochaine. Le ministère de la culture s'engagera en
mobilisant ses structures pour que la formation artistique se fasse avec les
artistes et dans les lieux de spectacles. Je souhaite vivement que vous
disposiez de moyens accrus dans les prochaines années pour pérenniser ces
actions.
Je voudrais maintenant revenir sur un problème qui n'a que peu à voir, à mon
avis, avec la démocratisation de l'accès à la culture, je veux parler des
cartes d'abonnement au cinéma, lancées par les grands circuits de
distribution.
Il est clair que cette trouvaille
marketing
ne vise qu'à capter les
spectateurs et spécialement les jeunes au détriment des salles indépendantes.
Ces pratiques font peser deux dangers majeurs sur le cinéma français.
Le premier danger est de faire oublier que le cinéma est le septième art et
que sa diversité est essentielle à notre identité culturelle. La carte
illimitée risque de transformer, surtout pour les jeunes, le choix d'un film en
« sortie pop corn » : peu importe ce que l'on va voir, on « zappe » d'une salle
à l'autre.
Le second danger est de tuer le réseau le plus riche du monde de salles
indépendantes et d'art et d'essai, salles dont les animateurs sont des amoureux
du cinéma et qui sont indispensables pour que « petits films » ou « films
difficiles » puissent rencontrer un public. Conjuguée à la multiplication
engagée des multiplexes, dont la programmation est totalement tournée vers les
grosses productions américaines, ces pratiques commerciales risquent
d'assassiner le cinéma français. Nous devons tous rester très vigilants, et il
faudra certainement améliorer encore le dispositif d'encadrement proposé par
Catherine Tasca.
Je ne peux conclure sans évoquer des dossiers qui engagent l'Europe, alors que
s'achève la présidence française de l'Union européenne.
M. le président.
Il vous faut effectivement conclure, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud.
Je conclus, monsieur le président.
Je ne reviendrai pas sur le plan Média Plus. Je voudrais toutefois souligner
deux inquiétudes.
La première concerne la TVA sur le disque. Au moment où toute l'industrie
musicale est menacée par l'inflation des copies privées et par le piratage sur
Internet, via la norme MP3, je suis plus que jamais convaincue de la nécessité
d'intégrer le disque dans les produits culturels auxquels le taux réduit peut
s'appliquer.
Ma seconde inquiétude porte sur le commerce électronique, qui soulève de
nombreuses craintes dans le milieu de l'édition papier. Monsieur le secrétaire
d'Etat, peut-être pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos pistes de
réflexion pour rassurer les éditeurs et les libraires indépendants.
En conclusion, vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe socaliste
votera ce projet de budget, qui traduit bien, malgré les difficultés, la
volonté de réformer le service public de la culture.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous examinons aujourd'hui les crédits du ministère de la culture et les
crédits consacrés à la décentralisation culturelle. Cet ajout est heureux. Il
faut, en effet, dans ce pays, faire un effort, et un effort important, en
faveur de la décentralisation culturelle au niveau de l'Etat. En effet, s'il
existe bien une politique culturelle locale, on la doit, pour l'essentiel, aux
collectivités locales. Il est donc juste, bon et nécessaire que l'Etat en
tienne compte et aide les collectivités dans leur effort de
décentralisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes en charge de cette
décentralisation, pour laquelle je formule des souhaits de succès,
permettez-moi, à l'occasion de l'examen de ce budget, de redire ici combien il
est paradoxal, alors que vous affichez une volonté de décentralisation, que le
premier texte que vous soyez amené à défendre dans cette enceinte vise à la
création d'un monopole d´Etat dans le domaine culturel ! C'est même tout à fait
contradictoire avec la volonté que vous affichez et que nous partageons.
Sur un dossier comme l'archéologie préventive, qu'on veuille bien croire que
nous recherchons un accord et un bon texte, et non pas des oppositions de
caractère idéologique qui, vraiment, n'ont pas leur place dans cette affaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons bientôt, dans cet hémicycle,
examiner en troisième lecture ce texte qui est, je vous le redis,
contradictoire avec la volonté de décentralisation que vous affichez.
De plus, il consterne - et le mot est faible ! - tous les acteurs des services
locaux des collectivités territoriales dans le domaine de l'archéologie -
services qui ont été créés, là encore, par la volonté de ces collectivités -
qui ne sont pas encore assez nombreux et qui sentent, malgré toutes les
garanties que vous avez bien voulu leur donner, malgré les propos que vous
allez tenir, que leur situation va être minorée, qu'on va faire d'eux des
auxiliaires qu'on utilisera quand on le voudra bien. Peu importe qu'il s'agisse
d'un établissement public à caractère administratif, comme vous le voulez, ou à
caractère industriel ou commercial, comme cela a été dit. Ces hommes et ces
femmes attachés à leur territoire auraient voulu qu'on reconnaisse leur rôle,
leur contribution et leur dignité, au même titre que les personnes au service
de l'Etat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les chiffres du budget n'annoncent pas, dans
les services de l'Etat qui ont à connaître de l'archéologie, des créations de
postes permettant à ceux-ci de jouer leur rôle. Il est probable qu'il s'agira
plutôt, d'une certaine manière, d'un transfert à cet établissement public des
responsabilités régaliennes qui sont celles de l'Etat dans la préservation des
vestiges archéologiques.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de souhaiter solennellement et
sincèrement qu'à l'occasion de nos retrouvailles, pour l'examen en troisième
lecture du texte, il y ait de votre part, comme elle existe de la nôtre, une
volonté de parvenir enfin à un accord qui, s'il dote la France d'un
établissement à vocation nationale pour le service de l'archéologie, permette
aussi aux collectivités quand elles le souhaitent - et même les incite à le
faire - de se doter de services archéologiques responsables au premier chef de
leur territoire.
Voilà ce qu'il me fallait vous dire aujourd'hui sur ce point.
On me permettra maintenant d'aborder un autre sujet qui, je le crois, est
fondamental quand on parle de culture française. Monsieur le secrétaire d'Etat,
il ne relève pas directement de votre responsabilité, mais je crois savoir que
Mme Tasca a à coeur la place et la défense de la langue française en France.
Qu'y a-t-il de plus important pour notre culture que de veiller à ce que notre
langue continue bien à tenir toute sa place en France même ? Or, monsieur le
secrétaire d'Etat, des menaces sérieuses risquent malheureusement de se
préciser année après année dans ce domaine.
Il arrive même parfois aux parlementaires qui s'intéressent à cette question
d'être quelque peu découragés par les bonnes paroles avec lesquelles on leur
répond et du peu de résultats obtenus sur le plan de l'action. Déjà, l'an
dernier, je dénonçais à cette tribune ce problème singulier des films dits
français subventionnés et aidés par nos soins - ce qui est normal - qui ont
l'anglais comme version originale ! Il en est ainsi de la
Jeanne d'Arc
qui a fait des grosses entrées l'an dernier. Aussi singulier que cela puisse
paraître, les exemples sont nombreux et se répètent.
Je viens de recevoir un exemplaire de la
Nouvelle revue aérospatiale
,
titre bien français. Elle s'appellera désormais
Planet Aerospace
! Les
éditeurs ont dû se sentir un peu gênés. Ils expliquent les raisons de ce
changement de titre dans un éditorial. Pour sacrifier à une mode ? Non point !
Tout simplement pour symboliser d'abord une unité dans la diversité et aussi
parce que ces mots dans la langue de Shakespeare sont compris par tous les
professionnels et les passionnés des technologies aéronautiques et spatiales de
par le monde !
Qui ne comprend que ce mode de raisonnement peut se retrouver dans bien
d'autres disciplines ? Ainsi, on nous explique qu'il est indispensable que les
films français, pour être exportés, soient en anglais dans leur version
originale, que la langue de la science soit maintenant l'anglais et que les
scientifiques doivent s'exprimer en anglais. Et tant pis pour ceux qui sont un
peu moins doués pour la langue de Shakespeare ! On nous explique encore que la
langue des transports est l'anglais et, maintenant - c'est M. le ministre de la
défense qui l'a dit - que l'anglais sera aussi la langue opérationnelle pour
les forces françaises qui opèrent conjointement avec les troupes de l'OTAN !
Autrement dit, notre armée, dont le rôle est tout de même d'assurer la défense
et l'indépendance de notre pays, reconnaît elle-même qu'elle devra de plus en
plus utiliser une autre langue que la sienne !
M. Allègre, qui n'est certes plus membre du Gouvernement puisqu'il a connu
quelques vicissitudes dans l'exercice de ses responsabilités ministérielles,
nous expliquait, lui aussi, que nous devions nous résoudre, en France, que cela
nous plaise ou non, à aller vers le bilinguisme, à voir l'anglais devenir notre
autre langue.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que le ministère de la culture est
aussi le ministère de la langue française, et que l'une de ses tâches
primordiales est bien de veiller tout simplement au respect de notre langue en
France et d'intervenir quand son usage est ainsi menacé.
Comment la France, elle qui milite pour le plurilinguisme en Europe, pour la
préservation de la place du français dans les institutions internationales,
serait-elle crédible si elle continue d'accepter sans rechigner que la place du
français en France soit, année après année, minorée ?
Ne nous y trompons pas : encore quelques années de ce comportement en France
et c'en sera fait du rôle international de la langue française ! Et nous
pourrons faire toutes les grandes manifestations francophoniques possibles,
pour l'essentiel, notre action dans ce domaine ne sera plus que gesticulation,
théâtre.
Cela, nous ne pouvons l'accepter, monsieur le secrétaire d'Etat.
Alors, permettez-moi de m'inquiéter quand je vois que, dans ce budget, les
crédits de la délégation générale à la langue française, qui est votre
principal outil d'action ou d'intervention, sont stables, et à un niveau très
moyen, alors même que vous avez décidé cette année d'attribuer à cette
délégation générale des compétences nouvelles.
Vous souhaitez en effet que la délégation générale à la langue française
s'occupe de la langue française et des langues de France. Je ne suis pas de
ceux qui veulent opposer les langues de France à la langue française ; je crois
que chaque langue est respectable, surtout quand elle est la langue du coeur et
qu'elle est ressentie comme une langue maternelle. Je ne suis donc pas choqué
que le Gouvernement veuille permettre aux langues de France de s'exprimer d'une
manière ou d'une autre. Encore faut-il savoir quelle forme cela peut prendre,
mais c'est là un autre débat.
En revanche, quand je constate que les crédits destinés aux langues de France
sont prélevés sur les crédits, déjà bien faibles, consacrés au rôle et à la
place de la langue française en France - car il apparaît clairement que ce ne
sont pas des crédits supplémentaires -, je ne peux pas être d'accord, monsieur
le secrétaire d'Etat. Les sommes en cause ne sont pas telles que vous ne
puissiez pas, à cette mission nouvelle, consacrer des crédits nouveaux.
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire en sorte
que votre action en faveur des langues de France ne soit pas un simple
transfert des crédits de la langue française, menacée, au profit des langues de
France, que vous estimez également menacées, mais traduise bien une ambition
nouvelle du Gouvernement, dotée de crédits nouveaux.
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Legendre.
Monsieur le président, je terminerai donc en disant que, si ce budget présente
l'apparence d'une certaine aisance financière et indique un certain nombre
d'orientations qui peuvent être intéressantes sur des points essentiels - je
pense en particulier à ce problème de la langue française, qui doit être au
coeur de l'action d'un ministère comme le ministère de la culture - un gros
effort reste à faire pour qu'aux mots correspondent les réalités.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget de la culture pour 2001 ressemble à s'y méprendre à celui de
l'année dernière. On y retrouve les mêmes priorités politiques : démocratiser,
décentraliser et stabiliser les emplois et les institutions.
A structure constante, il s'élève à 16,495 milliards de francs.
Les dépenses ordinaires sont en hausse de 2,4 %. Ces crédits supplémentaires
profiteront à la dotation générale de décentralisation pour les bibliothèques
et aux interventions culturelles.
Les autorisations de programme font l'objet d'une hausse importante pour ce
qui concerne les subventions d'investissement accordées par l'Etat et
enregistrent une diminution sensible pour les investissements réalisés à la
suite de l'achèvement programmé de plusieurs grands travaux.
Au total, le budget du ministère de la culture représentera 0,98 % des charges
nettes de l'Etat en 2001. Il n'a donc toujours pas atteint l'objectif
symbolique de 1 % du budget de l'Etat.
Comme du temps de Mme Trautmann, la part belle est faite à l'« art vivant »,
qu'il s'agisse de soutenir les créateurs ou de renforcer les moyens des
structures de formation et de diffusion.
En parallèle, la contractualisation des rapports entre l'Etat et les
institutions culturelles sera développée.
Des secteurs spécifiques de la création, comme le cirque, la jeune création
contemporaine ou le multimédia, font également l'objet d'un soutien
renforcé.
Par ailleurs, cette priorité s'exprime par un soutien plus effectif aux
enseignements artistiques spécialisés, notamment aux écoles d'architecture.
Nous ne pouvons que saluer ces mesures.
La deuxième priorité du budget concerne la poursuite de l'effort en matière de
démocratisation : gratuité de l'accès aux musées nationaux le premier dimanche
du mois, par exemple. Là aussi, nous vous approuvons totalement.
Le dernier axe prioritaire est l'établissement d'un nouvel équilibre de
l'action culturelle entre Paris et la province. Cette heureuse évolution
passera, comme en 2000, par la poursuite de la déconcentration des crédits -
plus de 50 % des crédits d'intervention du ministère de la culture sont en
effet désormais directement gérés par les directions régionales des affaires
culturelles -, par la relance concomitante de la politique contractuelle avec
les collectivités territoriales ainsi que par un soutien renforcé aux
équipements culturels en région.
Le projet de budget pour 2001 permet, certes, de consolider les priorités,
mais il sacrifie pour cela plusieurs domaines qui conditionnent à long terme
l'efficacité et la pérennité de l'action culturelle et de ses institutions.
Pour la seconde année consécutive, le budget de la culture témoigne du faible
intérêt accordé aux monuments historiques, les crédits qui y sont consacrés
n'augmentant que de 1,4 %.
Il s'agit malheureusement là d'une vision à court terme : il est dangereux de
consentir un effort aussi mesuré en faveur de l'entretien de nos monuments, car
le risque est grand de devoir, un jour ou l'autre, débourser des sommes
beaucoup plus importantes pour effectuer des réparations lourdes.
C'est d'autant plus grave que les tempêtes de décembre 1999 ont causé des
dégâts considérables. Ils ont été chiffrés à 900 millions de francs. Mais cette
estimation semble en dessous de la réalité si l'on inclut les dommages subis
par les collectivités territoriales et les demandes des propriétaires privés.
Aucune ligne budgétaire n'est prévue.
De même, le point noir du budget demeure la faiblesse des crédits
d'acquisition. Alors que le Parlement a adopté un projet de loi relatif à la
protection des trésors nationaux, on ne peut que regretter ce manque de
cohérence entre les objectifs affichés et les moyens réellement mis en
oeuvre.
La situation de la direction des musées de France sera particulièrement
difficile puisque l'apparent maintien de ses crédits d'acquisition dissimule en
réalité une amputation de 10 millions de francs. En effet, la compensation de
la gratuité pour l'entrée dans les musées nationaux a été en 2000 et sera en
2001 prélevée sur le fonds du patrimoine. Avec 95 millions de francs, ce fonds
est censé à la fois permettre l'acquisition des oeuvres dont le refus de
certificat d'exportation est arrivé à échéance, poursuivre les acquisitions
destinées au musée du quai Branly et concourir à l'enrichissement des
collections des musées nationaux.
Dans ce contexte, on ne peut que dénoncer l'absence d'une véritable politique
d'incitation fiscale en matière d'oeuvres d'art.
Au début des années cinquante, la France se plaçait au premier rang du marché
mondial de l'art. Aujourd'hui, la situation est très différente : le marché de
l'art français a décliné de 24 % au cours des dix dernières années.
On assiste à une véritable hémorragie : le ratio exportation/importation
montre que sortent de France chaque année 2 milliards de francs d'objets d'art,
dont les trois quarts partent vers les Etats-Unis. Le danger de fuite de notre
patrimoine vers l'étranger est donc bien réel.
Il est clair que, dans le domaine culturel, l'Etat ne peut pas tout assumer.
C'est pourquoi on ne peut que regretter l'absence, en France, d'encouragement
au mécénat. Le mécénat d'entreprise participe pourtant activement, par exemple,
à la rénovation du château de Versailles, dont le coût total est estimé à près
de 3 milliards de francs sur vingt-cinq ans.
Enfin, concernant la politique de l'emploi, les efforts en matière de
résorption de l'emploi précaire sont poursuivis. Le ministère affiche 300
créations d'emploi. En réalité, sur ces 300 emplois, 110 correspondent à des
transferts de postes du budget de l'Etat vers celui des établissements
publics.
Par ailleurs, le budget ne fait aucune mention de la situation des écoles
nationales d'art, en dépit des engagements pris par Mme la ministre de la
culture et de la communication lors de la signature d'un protocole d'accord de
fin de grève. Elle avait d'ailleurs, à cette occasion, reconnu le bien-fondé de
leurs revendications et promis des solutions rapidement.
Ces huit écoles nationales demandent la reconnaissance de leur statut
d'établissement d'enseignement supérieur.
Je sais les marges de manoeuvre budgétaires limitées. Les grands
établissements absorbent encore une part importante des fonds. En 1999, leur
subvention de fonctionnement représentait près de 12 % du budget total.
Parmi les grands travaux, la Bibliothèque nationale de France représente un
véritable gouffre financier, qui ne fait que se creuser, pour une efficacité
contestable. En 2000, le coût pour le budget de l'Etat s'élevait à 1 milliard
de francs. On croit rêver !
J'attends, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des
précisions sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.
Malgré les carences regrettables que je viens d'évoquer, il faut reconnaître
que ce budget témoigne de l'effort de rigueur qu'appelle de ses voeux la
commission des finances du Sénat. Le processus de réduction de l'emploi
précaire qui est engagé et le rééquilibrage entre Paris et la province sont
globalement satisfaisants. Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste
votera ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'aurais aimé pouvoir saluer Mme Tasca, nouveau ministre de la culture, ayant
eu pendant des décennies le privilège d'apprécier ses qualités d'efficacité et
d'amabilité lorsqu'elle était à la tête de la maison de la culture de Grenoble.
Puis-je vous demander, monsieur le secrétaire d'Etat, de lui transmettre ce
modeste message ?
Nos collègues Yann Gaillard et Philippe Nachbar, que je remercie pour leurs
rapports, ont bien mis en évidence les points positifs de ce budget ainsi que
les réserves qu'il pouvait susciter. Aussi concentrerai-je mon propos sur la
décentralisation culturelle et sur le spectacle vivant.
La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle laissait augurer des avancées importantes dans ces deux domaines. De
ce point de vue, il faut l'avouer, ce projet de budget nous laisse, du moins
pour le moment, sur notre faim.
L'une des priorités affichées pour l'année prochaine est la poursuite de la
construction d'un nouvel équilibre de l'action culturelle entre Paris et la
province. Cette action passe par la déconcentration des crédits et la
décentralisation culturelle.
La déconcentration est, on le sait, l'un des acquis et des atouts de ce
ministère. Chaque année, on se félicite des avancées dans ce domaine. Ce projet
de budget ne faut pas à la coutume. En 2001, 69 % des crédits d'intervention
seront délégués aux DRAC, contre 67 % cette année.
Pour autant, ce
satisfecit
quant à l'évolution globale ne doit pas
cacher le déséquilibre important qui subsiste.
Cette année, tous titres confondus et hors crédits de personnel, 31,5 % des
crédits disponibles ont été déconcentrés. C'est mieux que l'année dernière,
certes, où l'on atteignait 28,7 % ; c'est même mieux d'année en année, je le
reconnais. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui près de 70 % des crédits
restent à Paris. La capitale continue de drainer bien plus de la moitié des
crédits consacrés par l'Etat à la culture.
Une déconcentration qui ne concerne, après tant d'années de réflexion et de
suppliques, qu'un peu plus de 30 % du budget du ministère est-elle une vraie
déconcentration ?
En outre, si l'évolution globale va dans le bon sens, certains postes marquent
le pas.
Prenons les dépenses en capital, par exemple. Vous continuez de vous
prévaloir, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un effort en faveur des équipements
culturels locaux. Qu'en est-il réellement ?
D'abord, les taux d'évolution pour l'année prochaine des crédits
d'investissement à Paris et en province sont sans comparaison.
Hors dotations destinées au patrimoine, les crédits consacrés aux équipements
culturels progressent de 38 % à Paris et seulement de 7,4 % en régions, soit
cinq fois moins.
En outre, les projets financés de part et d'autre sont d'une tout autre
dimension. A l'exception du Cargo à Grenoble et du Centre de la mémoire
contemporaine de Reims, les opérations menées en province sont nettement plus
modestes que celles qui sont lancées à Paris.
Comme l'a montré mon collègue Yann Gaillard, le rapport entre les crédits
d'investissement consacrés aux équipements culturels en région et ceux qui sont
destinés à Paris passe de 105 cette année à 82 pour l'année prochaine. La
disproportion des moyens engagés est patente. Le fort rééquilibrage dont se
prévalait le Gouvernement se révèle donc précaire. On le constate également
dans le domaine du spectacle vivant.
En cinq ans, le budget des établissements publics, tels que les opéras et les
théâtres nationaux, a progressé de plus de 30 %, celui du réseau national,
comme les scènes nationales et les orchestres de région, de plus de 20 % et,
enfin, celui des compagnies et des festivals seulement de 4 %.
L'étude détaillée des crédits budgétaires pour 2001 laisse apparaître une
réelle prise en compte des besoins pour les seuls établissements publics
nationaux - l'Opéra de Paris, la Comédie française et les autres théâtres
nationaux - alors que, pour le titre IV, l'augmentation est nettement
inférieure à celle des années précédentes, et ce malgré l'arrivée de nouveaux
établissements labellisés.
Les établissements nationaux, directement gérés par l'Etat, étant tous situés
à Paris, à quelques exceptions près comme le théâtre national de Strasbourg, le
fossé entre les moyens alloués à la capitale et ceux qui sont réservés à la
province grandit.
L'une des raisons de cette évolution tient à la réduction du temps de travail
dont le coût pour le seul secteur du spectacle vivant a été évalué à 110
millions de francs, soit près de quatre fois plus que la totalité des mesures
nouvelles prévues en faveur de ce serveur pour 2001, lesquelles s'élèvent à 30
millions de francs.
Plus profondément, le fossé entre Paris et la province est d'ordre culturel,
si je puis dire. La culture est trop souvent le fait de fonctionnaires
parisiens, pour un public qui vit à Paris, qui vient à Paris ou qui aime Paris,
et assez peu pour la province !
Je sais bien que votre ministère fait des efforts et je vous en sais gré.
En tant qu'homme de province, élu du monde rural depuis plus de quarante ans,
je tiens à vous dire que nous ne voyons guère de trace sur le terrain de toutes
ces sommes immenses consacrées à la culture dont nous parlons ici. Etant
concerné et impliqué dans les affaires culturelles, je vois comme il est
difficile d'obtenir localement le soutien que l'on espère des pouvoirs
publics.
C'est pourquoi, malgré tous les points positifs que je reconnais, l'évolution
actuelle me paraît préoccupante. Elle révèle le soutien à une exception
parisienne plus qu'à une exception française. Elle reproduit à petite échelle
dans les métropoles dotées de scènes nationales le schéma parisien. Qu'en
est-il alors de la politique de la ville en matière culturelle et, surtout, des
populations rurales situées, par définition, loin de ces pôles régionaux ?
L'exemple du Cargo à Grenoble est édifiant à cet égard. Voilà une maison de la
culture que Mme la ministre a dirigée et où elle a laissé le meilleur souvenir,
je dois le reconnaître. Eh bien ! pour sa « requalification », comme l'on dit,
250 millions de francs sont, paraît-il, nécessaires !
Depuis deux ans, mes chers collègues, les locaux sont vides ! Les travaux
n'ont pas commencé et les appels d'offres sont infructueux. Il faudra peut être
prévoir 30 millions ou 40 millions de francs de plus. Le projet artistique,
auquel aucun directeur ni professionnel de l'agglomération n'a été associé,
d'ailleurs, est aujourd'hui abandonné par les artistes eux-mêmes. Il faut le
savoir !
Je note qu'alors que tout est bloqué les théâtres des villes de
l'agglomération grenobloise n'obtiennent rien de l'Etat, tandis que, pour Le
Cargo, on provisionne dix millions de francs en budget artistique sur
l'exercice 2001, alors qu'il est fermé. Telle est la vérité !
Il est grand temps que l'Etat contrôle au mieux l'utilisation de ses aides et
subventions.
Une décentralisation accrue devrait faciliter le dialogue entre les
professionnels et l'Etat. Ensemble, ils seraient mieux à même de juger de
l'authenticité et de l'intérêt des projets. On éviterait ainsi ces décisions
fondées sur une vision simplifiée d'aménagement du territoire réservée aux
villes-centres.
Pour illustrer ces difficultés persistantes entre une mainmise parisienne et
une province encore délaissée, je finirai mon propos par une question.
La Côte-Saint-André, dont je suis l'élu, est, vous le savez, le lieu de
naissance d'Hector Berlioz. En 2003, nous fêterons le bicentenaire de celle-ci.
Je souhaite que soient présents de nombreux sénateurs qui, depuis de nombreuses
années, manifestent leur amitié à Berlioz ainsi qu'à ma modeste personne.
Pourrons-nous encore solliciter l'Etat pour cette célébration ou devrons-nous,
pour rentrer dans les cadres fixés par Paris, faire un festival de musiques
actuelles, aujourd'hui au catalogue des subventions prioritaires ? Cette
question est d'actualité et je souhaiterais que vous puissiez me répondre,
monsieur le secrétaire d'Etat.
En fait, je suis persuadé que vous avez conscience de l'importance de cet
anniversaire, que le monde entier fêtera. Mme la ministre comme vous-même vous
intéressez depuis longtemps à la région. J'espère que nous pourrons compter sur
vous et, par avance, je vous en exprime toute ma gratitude.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de la décentralisation
culturelle. Je souhaite limiter mon intervention à la diffusion de la culture
scientifique et technique.
La Cité des sciences et de l'industrie se trouve, bien entendu, à Paris et son
coût de fonctionnement est très élevé. En province, nous n'avons aucun
équivalent ! La fonction de ce type d'établissement est tout à fait capitale,
car, dans le monde moderne, il faut de plus en plus comprendre ce qui se
passe.
La technologie envahit tout, y compris les arts, d'ailleurs. Internet
distribue de la musique. Les cours d'arts plastiques sur Internet sont
extrêmement riches, puisque des débats peuvent avoir lieu entre des élèves, des
professeurs, des artistes. Du reste, les directions régionales des affaires
culturelles, les DRAC, devraient être plus attentives à ce type de mélange
entre la technologie et la culture.
Dans le même temps, l'économie se mondialise, les stratégies industrielles se
modifient. La plupart des gens s'interrogent : ils ne comprennent pas ! Des
sociétés de la nouvelle économie qui perdent de l'argent trouvent facilement
des millions et des millions de francs, alors que des sociétés traditionnelles,
des artisans ou des commerçants se voient refuser des petites avances.
Quand on ne comprend pas, on s'inquiète et on mélange tout. On mélange la
vache folle et la biotechnologie, comme s'il y avait un rapport entre les deux
! On dénonce le dérèglement du climat, mais on continue à rouler en 4 × 4 ou à
chauffer très fort son appartement sans se rendre compte que l'on contribue à
l'effet de serre.
Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire de démocratiser le savoir,
notamment scientifique, parce que, si l'on ne comprend pas la science, la
technologie et l'économie nouvelle, on s'inquiète et la société se dérègle.
Mais il s'agit là d'un problème d'ordre général. Je parlerai plus
particulièrement de vos responsabilités, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il existe à Paris de nombreuses structures qui font de la formation continue,
et ce depuis longtemps. Le Muséum national d'histoire naturelle a été créé par
le roi de France, justement pour diffuser la culture scientifique. Ensuite, on
a créé le Palais de la découverte, en 1936, puis le musée de la Villette, qui
est devenu la Cité des sciences et de l'industrie. Cette dernière a une
vocation nationale qu'elle ne remplit pas ou trop peu !
Des projets majeurs sont mis en oeuvre, pour lesquels une contribution humaine
et financière de la Cité des sciences et de l'industrie serait nécessaire. J'en
citerai au moins deux : l'un se trouve à Strasbourg et il a pour objet de
diffuser la francophonie, qui est chère à nos coeurs, notamment à notre ami
Jacques Legendre, vers l'Europe centrale et l'Europe de l'est ; l'autre projet,
situé à Sophia Antipolis, permettrait d'assurer une diffusion de la culture
scientifique vers l'ensemble des milieux méditerranéens, où de nombreuses
personnes ont envie de connaître la science moderne, les technologies modernes
et les progrès techniques.
Ces projets sont soutenus par les forces vives locales : soit des universités,
soit des grandes écoles, soit des centres de recherche, soit des industriels.
Par conséquent, l'ensemble serait assuré d'un appui local très fort auquel
s'ajoutent, bien entendu, les collectivités locales, qui sont toujours mises à
contribution.
Il faut bien que la collectivité nationale, qui a déjà investi dans ce
domaine, sollicite la participation forte de la Cité des sciences et de
l'industrie. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous adjure de pousser son
conseil d'administration à agir dans ce sens.
En fait, les négociations, aussi bien avec Sophia Antipolis qu'avec
Strasbourg, sont déjà bien avancées. Mais peut-être craint-on que les autorités
de tutelle considèrent que tout doit rester centralisé à Paris. Je ne le pense
pas, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous êtes chargé de la
décentralisation culturelle et je vous demande d'y veiller.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai
ce budget, mais je souhaite intervenir sur son montant, parce que je crains
que, finalement, dans le domaine de la culture, on ne travaille qu'à la marge
des enjeux qui nous sont posés.
Je rappelle mon attachement à la création artistique et aux questions
culturelles, qui prennent de plus en plus d'importance dans notre société, je
devrais dire dans notre humanité : d'abord, parce que les artistes et les
écrivains sont des observateurs de tout ce qui est inhabituel et inquiétant ;
ensuite, parce que notre temps est confronté à la perte de sens, pour le moins
à un sens suspendu, et qu'art et culture, par la place qu'ils tiennent dans
notre imaginaire, sont irremplaçables ; encore, parce que, de plus en plus, le
marché et les technologies sont déclarés « naturels », alors que les femmes et
les hommes sont traités comme des invités de raccroc - or les arts et la
culture sont le lieu de l'autonomie humaine ; enfin, parce que l'industrie du
divertissement, face à la crise des façons de vivre, répand platitude et
vacarme et nous cerne avec le factuel. Les arts, eux, ne sont jamais tempérés,
ils convoquent la pensée, ils travaillent sur l'exception, ils sont mutins.
Bref, la civilisation n'est qu'une mince couche qui peut se rompre, d'autant
que le noyau même de l'être humain est actuellement attaqué. Certains artistes
vont jusqu'à dire que tout ce que nous nommons avenir est comme une roulette.
J'ai lu cette phrase d'une écrivain qui n'accepte pas l'indifférence et
l'égoïsme aveugles d'aujourd'hui : « J'ai si froid autour du cerveau. »
Mais je ne suis pas pessimiste. Il y aurait un développement à faire sur le
foisonnement des créations artistiques et littéraires.
Toutefois, de ce débat budgétaire, je ne veux retenir que le premier
développement, d'autant que dans le monde des artistes et de la culture se
murmure souvent, se crie parfois, se dit presque toujours que les arts et la
culture ne sont pas suffisamment dotés.
Chacun a sa façon d'entendre le chant profond du pays. J'ai voulu, par ces
quelques mots, témoigner auprès de vous de la mienne qui n'oublie jamais que la
création artistique, la culture, dans leur pluralisme, leur tension vibrante,
dépassent la notion d'utilité. Il s'agit d'une responsabilité publique et
nationale qui concerne la création et tous les citoyens, plus généralement
l'émancipation des femmes et des hommes, et cela dès l'enfance, c'est-à-dire
dès l'école.
J'entends que le 1 % est presque atteint. Je ne peux que rappeler, ayant été
le porte-parole à la fin des années soixante du mouvement pour le 1 %, qui
comptait 137 organisations, que l'objectif du 1 %, pour symbolique qu'il soit,
a connu une histoire brouillée et que, surtout aujourd'hui, ce ne peut être
qu'un plancher, et qu'il faut l'utiliser plus comme tremplin que comme but.
Mme Catherine Trautmann avait commencé sa tâche ministérielle avec un budget
rétréci par des gels et des recompositions de compétence antérieurs, ce qui n'a
pas été sans conséquence.
En intervenant comme je le fais, je veux dire que Mme Catherine Tasca et
vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez besoin d'un geste fort,
d'un acte budgétaire d'envergure pour 2001, à la hauteur des enjeux auxquels
est confronté votre ministère.
Ecoutant les arguments de l'économie et de la finance, je pense, sans en
sous-estimer l'intérêt, que doit cesser l'hégémonie des comptables supérieurs
sur les décisions politiques culturelles. Certes, le budget pour 2001 comporte
une majoration, mais je pense surtout à celui de 2002, qui ne saurait se
contenter du « 1 % », ce qui en ferait un budget à mi-côte ; et je crois que,
sur cette question, il y a du courage à avoir, y compris envers ses amis.
La politique artistique et culturelle ne peut marcher à la dérive des vents
budgétaires. C'est en tant que membre d'une des composantes de la gauche
plurielle, soutien actif et exigeant du Gouvernement, que je dis cela. C'est
encore comme maire d'Aubervilliers, ville plébéienne où il y a de véritables
embellies conquises, mais aussi une mise de côté d'une partie de la population
qui a l'impression d'être en trop, que je le fais. D'ailleurs, nous ne
renonçons pas au développement de notre politique culturelle, préoccupée du
nouage - travail inouï ! - entre créateurs et citoyens, tout aussi éloigné du
consensus mou que des mondes séparés.
Et puis n'oublions pas que les actes de notre pays en ce domaine sont «
sémaphore » pour nos partenaires européens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous comprendrez le sens de ma
démarche qui ne vise pas simplement à ce que nous ne connaissions en France ni
freinage culturel ni
statu quo
qui conduirait à des « agios » humains et
politiques. Elle vise, au contraire, à ce que nous favorisions de nouveaux
élans artistiques et culturels avec un budget dont je vous propose dès
maintenant d'envisager qu'il « décolle » l'an prochain. La revue
Mouvement
a proposé de le doubler et a recueilli 7 000 signatures. Je
propose, pour ma part, que l'on donne au budget de la culture, comme à celui de
l'audiovisuel d'ailleurs, le référent du PIB. Pour ma part, je verrais bien ce
budget de la culture et de l'audiovisuel atteindre ensemble 1 % du PIB.
Je veux terminer cette brève intervention - j'interviendrai lors de l'examen
des articles pour dire le reste
(Sourires)
- en évoquant le spectacle
vivant et les nouveaux chemins qu'il emprunte.
En effet, cet été, j'ai visité quatre lieux :
En Balagne, dans quatre villages corses, où le comédien Robin Renucci a pour
la troisième année mis en oeuvre un rendez-vous théâtral qui, cette année, a
favorisé la présentation de vingt-huit mises en scène de théâtre. Cette très
belle région de la Corse s'est mobilisée autour d'actes artistiques et de
paroles citoyennes grâce à l'initiative de Robin Renucci, avec pour base deux
démarches : premièrement, créer des pièces de théâtre ; deuxièmement,
pérenniser tout au long de l'année une formation concernant aussi bien les
amateurs que les professionnels. Un très important public était là, heureux de
voir s'allumer une flamme théâtrale de l'intérieur même de leurs communes, une
flamme qui gagne comme une folie contagieuse et contribue à créer un espace de
fraternité, une alchimie communautaire ouverte, une utopie créative avec la
revendication d'installer dans l'école d'Olmi-Cappela un lieu de formation, de
réflexion, de culture pour un départ nouveau des lieux.
A Uzeste, non loin de Bordeaux, qui vivait cette année son vingt-troisième
rendez-vous musical animé par un enfant du pays, le musicien compositeur
Bernard Lubat, la rencontre fut, avec ses spécificités, de même nature. Bernard
Lubat et son équipe considérant que les subventions n'évoluaient pas au niveau
de la qualité et de l'audience de leur travail annuel avaient décidé de
suspendre les manifestations artistiques et d'occuper la durée des rencontres
par des débats.
Là aussi, sur la base d'une mêlée, actes artistiques et paroles citoyennes, et
de la durée tout le long de l'année d'une activité de formation, le rendez-vous
fut d'une extraordinaire qualité. Des dizaines de débats avec des participants
allant de 400 à 1 500, voire 2 000 personnes ont « troussé », comme eût dit
François Mauriac, le dossier de la culture, de l'art et de la ruralité. Débat
sur politique et culture, débat sur décentralisation culturelle, débat sur
mondialisation et culture ponctuèrent ce rendez-vous incontournable en
Gironde.
Troisième rendez-vous, Bussang. Ce théâtre de statut privé qui a cent cinq ans
d'âge et qui, s'appuyant sur cette immense tradition et sur une aptitude rare à
penser à neuf, a cette année, lui aussi, continué d'affirmer sa pratique
d'actes artistiques du mois d'août et de formation tout au long de l'année
d'amateurs dans un lieu devenu familier « la popote ».
Là aussi, un artiste, Jean-Claude Berutti, une équipe, une rigueur et un
profond respect des lieux. Là aussi, un véritable mouvement, ni une troupe au
sens traditionnel, ni un syndicat de la corporation du théâtre, ni un parti, le
parti du théâtre, ni un enfermement - « la vosgitude » - mais une grande
dimension d'échange, un croisement de paroles et d'actes, un travail de douze
mois pour un rendez-vous d'un mois, on peut presque dire un peuple qui fabrique
du sens.
Et cette année, un premier grand résultat : vous êtes venu, monsieur le
secrétaire d'Etat, consacrer une étape décisive de Bussang, c'est-à-dire une
convention de principe et de subvention associant - c'est une première
nationale - les trois régions d'Alsace, de Lorraine et de Franche-Comté, le
conseil général des Vosges et l'Etat. Dans ce gros bourg vosgien, c'était
vraiment un acte de confiance dans l'avenir que cette signature.
Quatrième rendez-vous, à Aubervilliers, au mois d'août, un collectif critique
et artistique, avec en son coeur le chorégraphe François Verret, recevant au «
Labo » d'Aubervilliers le théâtre itinérant du Cameroun avec un très large
public complétant tout un travail original au long de l'année qui tourne autour
des langues - une centaine de langues sont parlées dans notre ville - qui
tourne autour du cirque, élément de création populaire mais qui ne triche
jamais avec la réalité, qui tourne autour du travail de mémoire, notamment du
quartier.
Actuellement, nous préparons une rencontre entre Robin Renucci, Bernard Lubat,
François Verret et Jean-Claude Berutti afin d'approfondir ces initiatives
d'authentiques décentralisations, de grande qualité artistique et de formation
permanente d'amateurs. Il n'y a pas plus de miracle culturel que de miracle
social, mais en Balagne, comme à Uzeste, comme à Bussang, comme à
Aubervilliers, se construit d'une manière vivante et démocratique un énorme
labeur sur le sens qui concerne toute la société, tant il est vrai, comme le
dit Torga, que « l'universel c'est le local sans les murs ».
M. le président.
Il faut conclure !
M. Jack Ralite.
Je continuerai tout à l'heure mon intervention.
(Rires. - Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
N'ayez aucune crainte, monsieur Ralite, je vous laisserai à chaque fois le
temps imparti à chaque orateur, mais pas plus.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes invités aujourd'hui à discuter du budget de la culture, dont
l'élaboration répond à trois priorités essentielles : le soutien de la
diversité culturelle, les garanties d'égalité d'accès et le renforcement de la
décentralisation.
Certains ont cru pouvoir affirmer, notamment lors des récents débats au
Palais-Bourbon, que de telles priorités n'étaient que très classiques. Mais
peut-on parler sérieusement de classicisme lorsque la politique culturelle du
Gouvernement, engagée depuis 1997, a pour objectif la démocratie culturelle
?
L'une des plus importantes missions du ministère de la culture est, en effet,
de favoriser l'accès de la culture dans ses différentes composantes et au plus
grand nombre.
Or, en réalité, le contenu artistique proprement dit et le prix d'accès à une
activité culturelle sont aujourd'hui les facteurs déterminants de l'affluence
du public.
Dès lors, nous devons nous attacher, d'une part, à favoriser l'éducation
artistique de l'ensemble de nos concitoyens, qui va de pair avec un
élargissement des formes artistiques, et, d'autre part, à encourager le
développement de manifestations gratuites.
Les caractéristiques du projet de budget de la culture pour l'année 2001
répondent à ces attentes essentielles pour notre société.
Pour illustrer l'importance de telles directives budgétaires, je prendrai
l'exemple de l'extraordinaire diversité de la programmation de l'établissement
public du parc et de la grande halle de la Villette. En effet, cet
établissement propose des activités artistiques d'une grande variété en
organisant notamment des spectacles allant du cirque au festival de jazz, des
manifestations de plein air gratuites telles que le cinéma de plein air ou les
bals-concerts, des expositions à thèmes très différents et la création de
jardins artistiques.
Le résultat d'une telle politique est qu'aujourd'hui le public de la Villette
est d'une incontestable diversité sociale, puisqu'il est composé de familles,
de jeunes et moins jeunes, démontrant une vraie mixité sociale.
Cet exemple me semble parfaitement justifier les objectifs du projet de budget
de la culture qui nous est présenté, objectifs qui ne peuvent que recevoir
notre soutien.
Par ailleurs, nous pouvons tous constater que la forte progression du budget
de la culture démontre que le Gouvernement, considérant cette politique comme
prioritaire, met en oeuvre des moyens financiers importants.
Nous ne pouvons qu'être satisfaits du fait que, compte tenu de l'inscription
de crédits relatifs à la réserve parlementaire dans la loi de finances initiale
pour 2000, le budget de la culture bénéficiera en 2001 de 457 millions de
francs de crédits supplémentaires par rapport à ceux qui ont été mis
effectivement à sa disposition en 2000, soit une progression de 2,8 %.
En 2001, le budget de la culture représentera donc 0,994 % du projet de loi de
finances.
Certes, le pourcentage symbolique du « 1 % culturel » n'a pas été encore
atteint cette année. Toutefois, comme le soulignait très récemment Mme la
ministre, ce pourcentage n'a jamais en lui-même représenté une politique. Il
constitue uniquement le symbole d'un véritable engagement du Gouvernement en
faveur de la culture. D'ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter du fait
que vous souhaitiez désormais réfléchir à l'au-delà du 1 %. En effet, si le
budget pour l'année 2001 est équilibré dans son ensemble, il nous faudra
poursuivre l'effort entrepris.
Les établissements publics culturels, tant nationaux que locaux, sont devenus
des acteurs essentiels de l'activité culturelle en France. L'influence des
musées nationaux, notamment, dépasse d'ailleurs très largement le cadre
national et contribue à l'image de la France.
Or, s'il est vrai que votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, prévoit
d'importantes subventions pour les établissements culturels, puisqu'elles
représenteront en 2001 près de 27 % du budget de la culture, il conviendra très
prochainement de faire en sorte que cet effort budgétaire soit poursuivi et
amplifié, notamment pour les crédits affectés à l'acquisition d'oeuvres
d'art.
En effet, depuis trois ans, ces crédits stagnent, alors même que le marché de
l'art s'est fortement développé. La situation est d'autant plus préoccupante
que la compensation de la gratuité de l'entrée des musées, mesure par ailleurs
excellente, vient en déduction des crédits d'acquisition.
Je citerai l'exemple du centre Georges-Pompidou, pour qui, comme vous le
savez, j'ai une particulière affection, que je partage avec vous, mes chers
collègues, mais aussi avec de très nombreux Français et visiteurs venant du
monde entier. Le succès populaire de sa réouverture, le 1er janvier 2000,
l'illustre parfaitement.
En effet, les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art du Musée national d'art
moderne-Centre de création industrielle s'élèvent à un peu plus de 28 millions
de francs. Toutefois, sur ces crédits, le centre devra rembourser une avance du
fonds du patrimoine effectuée en 2000 pour l'acquisition d'une oeuvre d'Yves
Klein. En conséquence, les moyens financiers disponibles pour l'acquisition
d'oeuvres d'art en 2001 ne s'élèveront qu'à 19,2 millions de francs.
Les crédits d'acquisition d'oeuvres d'art attribués au centre Georges-Pompidou
se situent ainsi au même niveau depuis plusieurs années. Cet exemple atteste
des difficultés rencontrées par les établissements culturels.
Dès lors, il est à craindre, à moyen terme, que nos musées ne puissent
poursuivre efficacement leur politique d'acquisition, faute de crédits
suffisants, compte tenu de la concurrence, notamment anglo-saxonne. Il est donc
important que les crédits d'acquisition soient augmentés dans les meilleurs
délais. A cet égard, notre collègue Yann Gaillard, également membre du conseil
d'administration du centre, est en mesure d'apporter son témoignage. Nous
espérons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apporterez une
réponse à la fois encourageante et conforme au contexte général.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement a démontré son
attachement à la protection de notre patrimoine culturel, notamment en donnant
à la fois au marché de l'art et à nos trésors nationaux un encadrement
législatif.
Enfin, j'évoquerai brièvement la situation de la BNF, la Bibliothèque
nationale de France. Je me félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
subvention affectée à la Bibliothèque nationale de France soit fortement
augmentée afin de permettre le développement des services offerts au public et
aux chercheurs. En effet, si la BNF a connu récemment de graves difficultés -
nous en sommes très conscients - cet établissement, en raison de sa conception
novatrice et d'un personnel de grande qualité, est en passe de devenir l'un des
vecteurs les plus importants de notre culture.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, définit ainsi une
approche démocratique de la culture. Nous le voterons donc avec conviction et
enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
écoutant tout à l'heure avec beaucoup de plaisir M. Ralite, je pensais que la
culture était la manière dont notre vie, tel un diamant brut, était taillée en
de multiples facettes. Ce soir, je n'aborderai que trois facettes.
Je formulerai tout d'abord une remarque de fond, monsieur le secrétaire d'Etat
; M. Fabius aurait quand même pu faire un petit effort pour vous accorder les
6/100 000e qui vous auraient permis d'atteindre le seuil un peu fétichiste de 1
% du budget de l'Etat, seuil auquel je n'attache, pour ma part, pas
d'importance considérable, mais qui aurait tant fait plaisir à certains ! Je
prends donc acte de la fin de ce fétichisme.
Je me contenterai d'aborder trois sujets, à savoir le patrimoine, le cinéma et
les grands travaux provinciaux.
S'agissant du patrimoine, permettez-moi de vous faire part de notre surprise
face à la faiblesse déconcertante des crédits alloués. Là aussi, je pensais que
votre ministère pouvait être mieux encouragé. La stagnation est inquiétante ;
quelle que soit la manière dont on peut présenter la consommation des crédits,
il me paraît important de souligner, après M. le rapporteur spécial, que les
collectivités locales et les particuliers demeurent heureusement actifs dans ce
domaine essentiel de la culture des Français, à laquelle il sont tous très
attachés, tout comme le sont les Européens et tous les touristes du monde.
Je constate que les dépenses d'entretien pour les monuments appartenant à
l'Etat représenteront moins de 200 000 francs par bâtiment. Que peut-on faire
avec cette somme ? Les collectivités locales s'inquiéteraient de disposer de
crédits aussi faibles.
J'espère également, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous accorderez
crédit quant à l'inquiétude que nous avons témoignée à l'égard de la
consommation, à la suite de la tempête, des 300 millions de francs consacrés
aux monuments historiques appartenant à l'Etat et des 200 millions de francs
consacrés aux monument historiques n'appartenant pas à l'Etat, sommes qui - et
je me réfère à ce que disait notre collègue Herment - ne correspondent qu'à la
moitié des crédits d'urgence qu'il aurait fallu inscrire. Pouvez-vous dresser
ce soir le bilan des mesures prises et nous indiquer l'état d'avancement de ces
réparations ?
J'exprime donc, sur ces crédits consacrés au patrimoine, des réserves qui,
malheureusement, sont récurrentes dans nos discussions budgétaires. Je regrette
que vous n'ayez pas été encouragé plus fortement par Bercy.
Je veux exprimer, en revanche, une certaine satisfaction quant à votre
approche du cinéma. Le secteur cinématographique a connu une période heureuse.
La France reste un pays où le cinéma est un art apprécié de nos concitoyens.
Mme Tasca, à l'occasion du Congrès des exploitants, a tenu les propos qui
convenaient en disant qu'il fallait veiller au maintien de la diversité des
lieux d'accès au cinéma, dans les centres-villes, dans les communes, mais aussi
à leur périphérie, et être vigilants quant à la variété des programmations.
Permettez-moi néanmoins - chat échaudé craint l'eau froide ! - de vous dire
que, quelles que soient les mesures que nous prendrons, votre ministère devra
veiller au respect des engagements pris au moment des ouvertures de salles
multiplexes. Je suis bien placé pour le dire. Si le cinéma d'art et d'essai est
protégé sur le papier lors de l'ouverture d'une salle multiplexe, il ne l'est
jamais dans les mois ou les années qui suivent. Je vous invite à venir à Dijon
constater sur place ce qui se passe avec
l'Eldorado,
et il y a hélas !
beaucoup d'autres cas de ce type en France !
Je pense d'ailleurs que nous ne devons pas nous obnubiler sur le problème des
cartes d'abonnement illimité. Ces cartes ont le mérite de permettre la
démocratisation de l'accès à la culture, en particulier pour les plus jeunes.
Elles incarnent, il est vrai, une pratique purement commerciale à laquelle nous
devrons veiller.
La spécificité du cinéma français est aujourd'hui préservée, avec un film sur
trois. Je pense que le ministère a les moyens de poursuivre dans le sens que
souhaite le Sénat.
Je terminerai mon intervention par une facette locale. On parle beaucoup des
grands travaux parisiens, et j'ai entendu quelques-uns de mes prédécesseurs les
évoquer. Mais il existe aussi des grands travaux - ô tout relatifs ! - en
province. J'en donnerai un exemple, ayant la chance de m'exprimer en
dernier.
Voilà 2052 ans, sur le plateau d'Alésia, là où serpente le TGV, Jules César a
engagé un siège qui a duré quarante jours. Nous engageons la réhabilitation de
ce site. C'est pour nous, à l'échelle de la Bourgogne, du département de la
Côte-d'Or, de l'Auxois et sans doute de l'Europe, un combat et un travail de
grande importance au moment où le film
Vercingétorix
va remettre en
lumière l'acteur majeur de l'unité nationale qu'a été très provisoirement ce
chef gaulois.
Ce dossier est connu de votre ministère. C'est, à mon avis, un exemple
remarquable de patrimoine reconstruit, restitué et de décentralisation. Je
compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que votre soutien, en
2001, soit non pas seulement moral, mais aussi concret et financier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est pour moi un
honneur que de présenter aujourd'hui, au nom de Catherine Tasca et en mon nom
propre, le budget du ministère de la culture devant une assemblée que je
connais bien et où j'aime à me retrouver.
M. le président.
Et qui est ravie de vous retrouver, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Cela intervient huit mois après notre double
nomination, le temps, en ce qui me concerne, d'entamer plus que largement ce
que j'ai appelé un « Tour de France de la culture » et donc d'observer, mais
surtout de dialoguer et d'échanger avec l'ensemble de ceux qui font la culture
dans ce pays, les artistes et les professionnels, les administrations et, bien
sûr, les élus.
Ce que je retiens particulièrement, c'est l'appétence de notre pays en matière
artistique et culturelle, mais c'est aussi le mouvement, les mutations
profondes qui le traversent et le dynamisent en profondeur.
Le regard « décentralisé » que je porte sur ce nouveau paysage est tout à fait
optimiste. Non seulement l'histoire culturelle « exceptionnelle » de la France
se poursuit dans un champ institutionnel élargi et vivant, mais elle s'enrichit
d'un foisonnement d'expériences nouvelles, de pratiques innovantes qui
bousculent les catégories, les hiérarchies et les disciplines. Nous devons y
être attentifs, fidèles précisément à notre histoire spécifique.
Cette affirmation initiale relève d'une conviction profonde et ancienne qui
considère l'art et la culture comme un vecteur essentiel du développement de la
société, et mon expérience d'élu à la culture me rappelle, s'il en était
besoin, qu'il n'est pas de politique culturelle sérieuse qui ne s'appuie à la
fois sur le plus haut niveau d'exigence artistique, tel que je l'ai bien connu
en travaillant aux côtés du Théâtre des Amandiers, et l'action inlassable,
toujours renouvelée, toujours à inventer auprès du et des publics.
Les enseignements de cette expérience nouvelle ajoutés à mon cheminement
personnel me conduisent naturellement à une pleine convergence de vues avec
Catherine Tasca.
L'Etat, donc notre ministère, doit affirmer la présence de la création au
coeur de la cité, rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres dans
toute leur diversité, y compris dans leurs nouvelles inspirations.
C'est le sens premier du soutien de l'Etat, c'est ce qui fonde la légitimité
de son intervention. Celle-ci est aujourd'hui reconnue tant par les
professionnels que par toutes les collectivités territoriales qui, depuis des
décennies, ont consenti des efforts considérables.
Alors que le temps libéré s'accroît, le risque est grand, malgré l'élévation
du niveau éducatif de nos concitoyens, d'une standardisation de la culture et
des loisirs culturels. Alors que le marché y occupe une place de plus en plus
forte, le rôle de l'Etat me paraît aujourd'hui encore plus nécessaire pour
soutenir la création dans sa diversité, pour garantir l'égalité devant la
culture, pour équilibrer l'offre culturelle au bénéfice de l'ensemble de nos
villes, de nos quartiers et de nos territoires.
A quelques jours du sommet européen de Nice, je souhaite rappeler devant vous
la position de la France. Le Gouvernement s'est prononcé très clairement sur
l'article 133-5. Il défendra le maintien de la règle de l'unanimité pour les
secteurs de l'audiovisuel et de la culture. Notre attachement à la diversité
culturelle et à la promotion d'une identité culturelle française et européenne
est bien l'un des combats majeurs.
Face à la logique marchande qui est aussi une réalité pour le champ culturel,
l'Etat peut-il se contenter de colmater les digues ? Il y a une manière de
résister qui fait avancer plus vite ce que l'on veut contenir.
J'accorde ma préférence à un autre dessein : agir, et non pas seulement
réagir. Je veux ici souligner ma profonde convergence avec vos propos, monsieur
Ralite. Cela implique de proposer du sens, et non de l'imposer, d'indiquer
aujourd'hui ce que pourrait être la politique culturelle de demain.
Le budget que j'ai pour responsabilité de présenter devant vous s'y efforce.
Toutes les mesures nouvelles qu'il comporte traduisent un esprit, une visée :
contribuer à ouvrir en grand les portes du débat public et citoyen qui est
absolument nécessaire.
Avec un total de 16,496 milliards de francs, soit 0,994 % du budget de l'Etat,
le budget de la culture a anticipé sur l'objectif fixé par le Premier ministre
en 1997, de 1 % du budget de l'Etat à la fin de la législature. Si cet objectif
n'a jamais en lui-même représenté une politique - vous avez raison de le
souligner, madame Pourtaud - il est bien cependant le symbole d'un véritable
engagement de notre Gouvernement.
Avec 415 millions de francs de mesures nouvelles, le budget de la culture
connaît une progression de 2,6 %, supérieure à celle qui a été enregistrée
entre 1999 et 2000, et plus de deux fois supérieure à l'augmentation moyenne du
budget de l'Etat.
Le budget pour 2001 marque également une progression très significative en
matière d'emploi : le ministère s'inscrit résolument dans la politique de
résorption de l'emploi précaire, et je remercie M. Nachbar de son appréciation.
C'est ainsi que 300 vacataires seront stabilisés dans des corps correspondant à
l'ensemble des catégories A, B et C. Par ailleurs, les établissements publics
bénéficient de 315 créations d'emploi.
Ainsi, nous nous attachons à sortir progressivement d'une situation
socialement et fonctionnellement très fragile liée à un recours excessif à des
agents précaires pour satisfaire des besoins permanents du service public.
Je suis particulièrement sensible aux préoccupations que vous avez
manifestées, messieurs les rapporteurs, ainsi que madame Pourtaud ou monsieur
Herment, envers la capacité du ministère à épauler la déconcentration de ses
objectifs et de ses moyens par des effectifs suffisants dans les DRAC.
Sur ce dernier point, je tiens à dire ici que le mouvement entrepris depuis
dix ans de renforcement des effectifs des directions régionales des affaires
culturelles a connu une réelle accélération, sur laquelle il n'est en aucune
façon question de revenir, bien au contraire. Entre 1990 et 1999, l'effectif
des directions régionales est passé de 1 470 emplois à 1 807, soit une
augmentation de 23 % qui me semble attester d'une aptitude du ministère à la
réforme de son fonctionnement, puisque ce renforcement des effectifs a coïncidé
avec l'augmentation de la part des crédits déconcentrés dans le budget : 70 %
du titre IV est aujourd'hui déconcentré, monsieur Boyer. Plus encore, en 1999,
la décision a été prise de transférer 200 emplois supplémentaires sur quatre
ans, jusqu'en 2002, et ce sont 50 emplois dont la création est prévue en 2001.
C'est donc sur un objectif de croissance des effectifs en DRAC de 11 % que je
vous donne rendez-vous au terme de l'année 2002.
Je voudrais dire là encore que ce transfert d'emplois est à la fois
quantitatif et qualitatif. Je pense notamment à la nomination de quatre
nouveaux conseillers en architecture et à nos travaux en cours sur le statut
des conseillers sectoriels.
Je relève dans les rapports de MM. Nachbar et Gaillard une inquiétude sur
l'efficacité, la rigueur et la transparence de la gestion des crédits de notre
ministère. Je tiens à leur dire que le nouveau logiciel Quadrille, dont M.
Nachbar réclame la mise en service, sera effectivement opérationnel dès le
début de l'année 2001.
Ce budget pour 2001 permettra, à partir de l'existant, de mettre en oeuvre des
actions nouvelles conformes à nos priorités.
Les moyens supplémentaires seront mis au service de deux objectifs majeurs :
d'une part, renforcer la création et la diffusion des arts vivants ; d'autre
part, maintenir un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
S'agissant du premier objectif, dès notre arrivée au ministère, vous le savez,
nous avons souhaité l'inscription au collectif de printemps de 50 millions de
francs de crédits au bénéfice de la création et des créateurs. Le Parlement a
adopté cette mesure.
En 2001, 80 millions de francs de mesures nouvelles porteront à 2 263 millions
de francs les crédits d'intervention destinés au spectacle vivant. En outre,
les théâtres nationaux bénéficieront de 13 millions de francs de mesures
nouvelles, dont 6 millions permettront notamment au théâtre de Chaillot
d'enrichir sa programmation en s'ouvrant largement à la danse.
Mais, je l'ai souligné dans mon introduction, le champ artistique s'élargit
tous les jours, et la création passe aujourd'hui aussi par de nouveaux lieux,
par l'éclosion de disciplines nouvelles que nous devons accompagner.
M. Ralite évoque des expériences passionnantes, atypiques, qui, de la Balagne
à Aubervilliers, transforment tel ou tel territoire en laboratoire dédié
simultanément aux artistes et aux populations. Il a raison de les mettre en
valeur, car elles traduisent toutes un nouveau rapport à la création et à
l'action culturelle.
La réforme du soutien aux compagnies a permis d'ouvrir le dispositif aux
jeunes équipes théâtrales et chorégraphiques, qui bénéficieront, l'an prochain,
de 14 millions de francs de mesures nouvelles.
En ce domaine, je voudrais dire à Mme Pourtaud ainsi qu'à M. Gaillard que la
réforme de l'aide aux compagnies, mise en place en 1999, a permis de maintenir
globalement le nombre des compagnies aidées chaque année : environ 580 sur les
1 500 qui se déclarent professionnelles.
Le nouveau dispositif identifie deux modes d'intervention dans le soutien aux
compagnies, comme vous l'avez parfaitement souligné, monsieur Vidal.
D'abord, le conventionnement, qui permet d'accompagner sur la durée l'activité
d'une équipe permanente dont le rayonnement, la régularité professionnelle et
les capacités de recherche sont avérées : le nombre des compagnies
conventionnées est passé de 167, en 1998, à 245 en 2000, tandis que le montant
moyen des aides de l'Etat progressait simultanément.
Ensuite, l'aide à la production, qui vise à donner de vrais moyens à des
projets de création ambitieux, ajustés le mieux possible à la réalité de chaque
compagnie, en sachant que la règle d'un subventionnement tous les deux ans est
assouplie.
Le programme de conventionnement des théâtres de ville, devenant théâtres
conventionnés, se poursuit à un rythme régulier, monsieur Nachbar.
L'année 2001 sera consacrée « année du cirque », avec une dotation
supplémentaire de 9 millions de francs.
Par ailleurs, le soutien à la création implique désormais une aide à la
création artistique multimédia. Ce nouveau mode d'expression, souvent
pluridisciplinaire, porté par de jeunes créateurs, s'adapte mal à
l'organisation et aux procédures des services traditionnels ; et pourtant, il
fait preuve d'une rare vitalité ! Nous avons donc décidé la création d'un
dispositif fonctionnant comme un guichet unique, doté de 4 millions de
francs.
Dans le domaine cinématographique, je note que M. Vidal souligne dans son
rapport « la vigueur, les capacités de renouvellement de la production et le
niveau élevé de la fréquentation des salles », ce qui constitue de grands
motifs de satisfaction, même si la vulnérabilité de ce secteur oblige à une
vigilance de tous les instants.
Les aides du Centre national de la cinématographie au cinéma et à
l'audiovisuel connaîtront une progression très sensible en 2001.
Le compte de soutien devrait augmenter de 9,7 %. Cette progression profitera
prioritairement, dans le secteur du cinéma, aux aides sélectives destinées aux
salles d'art et d'essai, à l'écriture, à la distribution et au court
métrage.
On a évoqué le site de Bercy, dont l'ouverture est prévue en 2002. Il
bénéficiera de 35 millions d'autorisations de programme.
Concernant les cartes d'abonnement, Catherine Tasca, on le sait, à réagi
fermement et, jeudi dernier, M. le Premier ministre a redit sa préoccupation,
madame Pourtaud, quant au risque qu'elles font peser sur les maillages des
cinémas indépendants.
Enfin, une politique en faveur de la création passe par la formation des
créateurs de l'avenir : comédiens, artistes plasticiens, architectes, etc. Avec
52 millions de francs de mesures nouvelles, les crédits consacrés aux
enseignements artistiques atteindront 1,7 milliard de francs en 2001, soit une
progression de plus de 18 % depuis 1999.
Le Palais de Tokyo, monsieur Gaillard, verra bien le jour.
Quant au protocole sur les écoles d'art, monsieur Boyer, il se met bien en
place grâce au développement des passerelles avec l'Université, au statut des
enseignants, que nous étudions, et au statut futur des écoles nationales.
Le deuxième objectif que Catherine Tasca et moi-même nous sommes fixé vise le
maintien d'un haut niveau de soutien aux politiques patrimoniales.
J'ai bien entendu la préoccupation majeure des rapporteurs concernant en
quelque sorte le cercle diabolique de la préservation patrimoniale quand
augmente, avec notre désir de mémoire, le nombre de bâtiments qui seraient à
protéger. Cette crainte, que je comprends, pourrait d'ailleurs intervenir aussi
en nuance des critiques sur l'insuffisance de l'engagement du ministère : il y
aurait comme une fatalité dans ce mécanisme, par nature culturel, qui nous fait
les uns et les autres nous sentir responsables, souvent partenaires, de la
préservation active du patrimoine.
Il est vrai que ce désir de mémoire ouvre en quelque sorte sur la «
patrimonialisation » des approches des territoires quels qu'ils soient, et, de
ce fait, en effet, nous pouvons, à propos du patrimoine, nous concevoir dans la
démarche éternellement répétée de Sisyphe.
Mais je me souviens aussi qu'Albert Camus écrivait dans
le Mythe de Sisyphe
qu'il fallait « imaginer Sisyphe heureux ». C'est pourquoi sans naïveté ni
angélisme, je souhaite faire trois remarques préalables.
Premièrement, je voudrais rappeler les graves annulations de crédits des
exercices 1996 et 1997,...
Mme Danièle Pourtaud.
Eh oui !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
... atteignant, 500 millions de francs, soit 30 % du
budget du patrimoine, et faire observer le spectaculaire rétablissement, avec,
aujourd'hui, une enveloppe globale de 1,68 milliard de francs !
M. Ivan Renar.
Ce sont les conservateurs qui ne conservent rien !
M. Michel Duffour,
secrétaire d'Etat.
Deuxièmement, les opérations de restauration des
monuments historiques relèvent d'une programmation pluriannuelle. C'est donc au
regard d'un effort poursuivi sur plusieurs exercices que doivent être appréciés
les moyens consacrés à la restauration du patrimoine relevant du ministère de
la culture et de la communication.
Troisièmement, pour les monuments historiques en régions et n'appartenant pas
à l'Etat, des coopérations se mettent en place entre conseil régional, conseil
général, ville et Etat, ou encore des crédits sont inscrits au contrat de plan
Etat-région.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos et, en outre, nuancer les
critiques persistantes sur le déséquilibre entre Paris et les régions.
La cathédrale d'Amiens, monument historique appartenant à l'Etat et classé au
patrimoine mondial, vient de connaître un dommage. La restauration des parties
extérieures des flancs nord et sud, pour un montant total estimé à 125 millions
de francs, fait l'objet d'une convention de l'Etat avec trois collectivités
territoriales pour une réalisation des travaux de 2000 à 2006.
Le plan pour la sauvegarde du patrimoine antique de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur est inscrit au contrat de plan Etat-région
2000-2006. Sont prévus 700 millions de francs de travaux sur sept ans qui
concernent différents monuments antiques à Arles, Fréjus, Orange ou Nice.
Ces éléments éclairent les chiffres du budget pour 2001.
Avant de les aborder, je voudrais revenir, pour répondre à M. de Broissia, sur
les tempêtes des 26 et 27 décembre 1999 et sur leurs conséquences.
Dans les jours qui ont suivi, le ministère de la culture et de la
communication s'est immédiatement mobilisé, et tout particulièrement ses
directions régionales des affaires culturelles.
Pour les monuments appartenant à l'Etat, les dommages les plus importants ont
frappé les domaines de Versailles - ils sont évalués à 250 millions de francs,
dont 5 millions de francs seront financés par des souscriptions du public - de
Saint-Cloud - ils atteignent près de 40 millions de francs - mais aussi les
cathédrales de Rouen et de Paris.
Pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, les dommages s'observent tant
sur les édifices que sur les parcs et jardins. Les parcs et jardins ont été,
pour certains, ravagés, jusqu'à 90 %.
Notre patrimoine a donc été durement éprouvé. Le montant global des dommages
non couverts par les assurances a été évalué à 800 millions de francs. Le
collectif budgétaire voté au mois de juin a d'ores et déjà dégagé des crédits
de 500 millions de francs, inclus dans « les avenants tempêtes » aux contrats
de plan Etat-région et, bien sûr, nous attendons le collectif budgétaire de fin
d'année 2000.
Il convient de rappeler que, pour contribuer à cet effort, les dotations
ordinaires d'entretien ont été exceptionnellement augmentées de 60 millions de
francs : 30 millions de francs pour les monuments de l'Etat et 30 millions de
francs pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat à cet effort.
En 2001, concernant le patrimoine, je veux rappeler ici le vote imminent du
projet de loi sur l'archéologie préventive. J'ai le sentiment, monsieur
Legendre, que nos points de vue ne sont pas très éloignés, mais nous n'avons
pas la même lecture de ce texte dont nous allons débattre à nouveau bientôt.
Le budget global du patrimoine progressera de 43 millions de francs. Outre les
14 millions de francs du budget pour 2001 qui permettront de poursuivre en
priorité la restauration de grandes cathédrales - Bourges, Strasbourg, Beauvais
- les travaux sur les grands monuments - Grand Palais, Opéra Garnier, Chaillot,
Musée du Louvre - sont poursuivis, avec une augmentation globale de 13,55
millions de francs.
L'ensemble de ces grandes opérations a représenté, ces dernières années, une
part très significative du budget global alloué aux monuments historiques de
l'Etat entre 13 % et 42 %.
En 2000, 192 millions de francs sur les 852 millions de francs affectés aux
monuments historiques de l'Etat leur ont été consacrés, et en 2001, ce sera
205,5 millions de francs sur 880 millions de francs.
En ce qui concerne le patrimoine n'appartenant pas à l'Etat, les demandes de
financement sont sans cesse plus nombreuses pour des opérations souvent très
lourdes. Parmi les opérations importantes qui continueront d'être financées en
2001, il convient de citer notamment la poursuite de la restauration de la
flèche de l'église Saint-Maclou à Rouen, qui s'élève à 4,75 millions de francs,
opération dont la réalisation est prévue dans la convention signée en 1998 avec
la ville de Rouen.
L'effort en faveur de la restauration du patrimoine rural non protégé se
poursuit, avec le maintien de 35 millions de francs en 2001, et sera développé
dans le cadre des crédits réservés aux « protocoles de décentralisation ».
Je voudrais souligner l'ensemble des actions de sensibilisation au patrimoine
qui sont conduites par le ministère, notamment avec la réforme du centre des
monuments nationaux, dont la mission d'ouverture au public est redéfinie dans
le sens de l'égalité d'accès de tous à la culture et d'une meilleure diffusion
des connaissances. Elle tend à rapprocher la notion de monument de celle de
musée et de pôle d'animation culturelle en prise sur la création artistique.
Par ailleurs, associé aux opérateurs locaux du tourisme, le Centre des
monuments nationaux participe au développement du tourisme culturel. Il joue un
rôle important en termes d'aménagement culturel du territoire et de
démocratisation de la culture.
On peut citer également les journées du patrimoine, qui auront cette année
pour thème le patrimoine du xxe siècle et qui rencontrent un succès croissant,
11,5 millions de visiteurs ayant été recensés l'an dernier. Cet accès
démocratique à la culture patrimoniale se trouve ainsi renforcé et s'inscrit
dans le droit-fil de la résolution pour la qualité architecturale qui vient
d'être votée par le conseil des ministres européens de la culture, sous la
présidence française.
L'objectif culturel est bien d'allier la dimension historique du patrimoine et
la création architecturale dans le débat sur l'avenir de la ville et d'associer
les habitants à celui-ci. La configuration et la qualité des espaces publics,
leur conception et leur transformation, l'intégration du patrimoine et de la
création architecturale sont en effet autant de questions qui concernent tous
nos concitoyens, ainsi que nos voisins européens.
Nous constatons tous le succès de fréquentation, en termes de visite comme en
termes de rendez-vous réguliers, des musées de France. L'institution du musée
connaît de profondes mutations, qui toutes tendent, en quelque sorte, à
désacraliser l'accès au musée, l'accès à l'oeuvre, en même temps qu'elles
attestent de la réalité fédératrice, structurante du musée dans notre rapport à
la culture. C'est d'ailleurs une observation que nous avons largement partagée
avec la commission que présidait M. Alfred Recours.
C'est dans cette optique que les musées classés et contrôlés verront leurs
autorisations de programme progresser de 8 %. Les monuments historiques
abritant des musées seront privilégiés. Nous mènerons ainsi une cinquantaine
d'opérations sur l'ensemble du territoire. A Paris, notre ministère contribuera
ainsi, à hauteur de 376 millions de francs, à la première phase de construction
du futur musée du quai Branly. Je ne peux évidemment pas ne pas mentionner,
puisque nous parlons de Paris et de la province, la décentralisation à
Marseille du musée des arts et traditions populaires, projet que Catherine
Tasca et moi-même avons repris et auquel nous travaillons.
Cette politique patrimoniale rejoint une forte attente du public et contribue
au rayonnement culturel de notre pays. En effet, en 1999, 49 millions de
personnes ont visité nos musées, et les chiffres de l'année 2000 devraient
marquer une nouvelle progression.
Dans ce même champ patrimonial, nous soutiendrons massivement l'effort de
modernisation des bâtiments d'archives entrepris par les collectivités
territoriales.
Enfin, s'agissant des bibliothèques, nous poursuivrons la modernisation du
réseau, y compris en milieu rural. Il s'agit notamment d'accélérer la
généralisation de l'application des techniques de l'information et de faciliter
la numérisation des fonds patrimoniaux.
La politique en faveur de la création et de la défense du patrimoine que je
viens de dessiner doit s'inscrire elle-même dans une double logique, celle de
la réduction des inégalités et de la décentralisation.
Les mesures de gratuité mises en place dans certains secteurs, par exemple
dans les musées, ont eu un impact réel. Elles ne constituent évidemment qu'une
réponse partielle aux difficultés d'accès à la culture. Ces inégalités
apparaissent dès l'enfance et doivent être réduites au sein même du système
scolaire. C'est pourquoi nous travaillons activement à l'approfondissement de
la collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.
En outre, dès 2001, nous consacrerons 18 millions de francs, au titre des
mesures nouvelles, à des actions d'éducation artistique et à la formation des
professionnels de la culture intervenant en milieu scolaire. Ces moyens
nouveaux permettront la création de 660 ateliers d'expression artistique
supplémentaires dans les lycées, qui s'ajouteront aux 1 650 ateliers déjà
existants. De plus, le dispositif « musique à l'école », qui a pour objet de
favoriser la pratique musicale, sera renforcé.
On le sait, face aux nouvelles technologies de l'information, l'égalité
d'accès à la culture passe par une attention vigilante aux contenus qui seront
diffusés sur les nouveaux réseaux. Conformément aux orientations définies par
le Premier ministre, nous entendons, grâce à l'ensemble des ressources du
ministère et de ses établissements publics, enrichir l'offre en mobilisant 8
millions de francs pour la numérisation des fonds culturels.
J'aborde maintenant un domaine qui m'est particulièrement cher, puisqu'il
s'agit de la décentralisation.
Comme l'a indiqué le Premier ministre, le Gouvernement a décidé d'engager une
deuxième étape de la décentralisation. La commission présidée par Pierre Mauroy
vient de rendre public son rapport, à partir duquel un débat national est
engagé. La création d'un secrétariat d'Etat au patrimoine et à la
décentralisation culturelle traduit l'importance, l'actualité et l'acuité de
cette grande question qui traverse notre histoire, en particulier notre
histoire culturelle. Permettez-moi de rappeler que la décentralisation n'est
pas une fin en soi ; elle n'a de sens que si elle tend, par le biais d'un
meilleur service public, à la démocratie culturelle.
Le nouveau contexte dans lequel s'inscrit l'action concertée de l'Etat et des
collectivités locales au travers de multiples contrats, qu'il s'agisse
d'agglomérations, de villes ou de pays, appelle une modernisation des modes
d'intervention de notre ministère. Seront expérimentés dès 2001, avec des
collectivités locales volontaires, de nouveaux protocoles de décentralisation
culturelle, qui concerneront prioritairement le patrimoine et les enseignements
artistiques. Au nombre de six à huit, ils permettront une nouvelle répartition
des responsabilités en matière culturelle, qui sera expérimentée pendant trois
ans. Notre ministère leur consacrera dès 2001 une enveloppe de 15 millions de
francs. Ces protocoles, j'y insiste, notamment à l'intention de M. Nachbar, ne
sont donc ni un succédané de la décentralisation culturelle ni le cache-misère
d'un ministère qui hésiterait à se réformer, mais bien la mise à l'essai de
nouvelles figures de la responsabilité publique partagée en matière
culturelle.
L'acquis de notre politique décentralisée est considérable, et le projet de
budget que nous vous proposons prévoit une forte progression des concours à
l'investissement pour la réalisation d'équipements culturels dans les
régions.
L'effort le plus significatif sera consenti, comme je l'ai déjà indiqué, en
faveur de la modernisation des bâtiments d'archives, entreprise avec les
collectivités territoriales. Ainsi, le montant des crédits d'aide à la
construction ou à l'extension de ces bâtiments progressera de plus de 70 %,
après avoir plus que doublé en 2000 par rapport à 1999.
Les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement constituent un
instrument précieux au service des collectivités territoriales. Nous avons
demandé que soient étudiées les nécessaires modifications de l'organisation,
des missions et du financement des CAUE, notamment un aménagement de la
fiscalité qui permettrait d'assurer à ces organismes des ressources
pérennes.
Les crédits d'investissement prévus au projet de budget pour 2001, qui
s'élèveront à 190 millions de francs pour le spectacle vivant et à 70 millions
de francs pour les arts plastiques, permettront de poursuivre la politique de
construction et d'aménagement des lieux de diffusion et d'enseignement, en
partenariat avec les collectivités locales.
Dans le domaine du livre et de la lecture qui, je le souligne, représente une
authentique réussite de la décentralisation, une mesure nouvelle de 32 millions
de francs portant à 981 millions de francs le montant des crédits affectés aux
bibliothèques permettra la poursuite de la modernisation du réseau des
bibliothèques. Ces crédits permettront de soutenir plus de 300 opérations de
construction et d'extension de bibliothèques. Le programme des bibliothèques à
vocation régionale touche à son terme avec l'inauguration récente de celles de
Montpellier et de Châlons-en-Champagne, qui précède la réalisation des
bibliothèques de Rennes et de Troyes.
Je voudrais rasséréner M. Legendre sur notre engagement en faveur de la langue
française et des langues de France : le succès des bibliothèques publiques est
tout de même rassurant ! Nous sommes, Catherine Tasca et moi-même, très
vigilants sur ces questions, tout en sachant qu'il y a beaucoup à faire. Cela
étant, le bilan de l'application de la loi du 4 août est à notre avis positif
et la sensibilisation à la langue française donne lieu à de nombreuses
opérations qui contribueront à la participation de la France à l'année
européenne des langues.
Je tiens à souligner la qualité de ce réseau dense et moderne qui se met en
place dans notre pays et le rôle joué par la Bibliothèque nationale de France,
qui, par les systèmes de consultation à distance et de numérisation des
catalogues, tient, et tiendra demain plus encore, sa place de pilote et de
partenaire dans le réseau des grandes bibliothèques régionales.
En outre, on ne met pas assez en exergue, dans les enquêtes ou les articles
consacrés aux rapports entre Paris et les régions, la participation croissante
de nos grands établissements publics culturels à la politique de
décentralisation. Comme la Bibliothèque nationale de France, le Centre
Georges-Pompidou, la Réunion des musées nationaux, la Cité des sciences et de
l'industrie et, bientôt, la Cité de l'architecture et du patrimoine coopèrent
très activement, chacun selon des modalités correspondant à sa vocation, avec
l'ensemble du territoire et sont donc à prendre en compte dans l'équilibre
entre Paris et la province.
M. Laffitte m'a interrogé à propos de la culture scientifique, technique et
industrielle. Je lui renverrai au soutien que nous apportons à la diffusion de
cette culture et au rôle joué dans ce domaine par la Cité des sciences et de
l'industrie, qui connaît une très forte fréquentation.
A M. Vidal, qui m'a interrogé sur le Centre Georges-Pompidou, je répondrai que
les crédits alloués à l'acquisition d'oeuvres d'art contemporain par les lois
de finances sont stables depuis 1996. Toutefois, le Centre n'a plus subi
d'annulation importante de ses crédits en collectif budgétaire depuis 1997. Il
faut s'en féliciter, d'autant que cela se traduit par une augmentation des
moyens réellement disponsibles. En outre, le fonds du patrimoine a complété les
crédits du Centre Georges-Pompidou à plusieurs reprises depuis 1996. Ainsi,
18,7 millions de francs lui ont été accordés pour l'aide à acquérir des oeuvres
importantes. Par ailleurs, la politique d'acquisition de l'Etat en matière
d'oeuvres d'art contemporain doit s'apprécier globalement. Le Fonds national
d'art contemporain et les fonds régionaux d'art contemporain ont ainsi
bénéficié à cette fin de l'attribution de 33 millions de francs de crédits de
l'Etat en 2000, auxquels s'ajoutent 34 millions de francs de crédits consacrés
à la commande publique en matière d'arts plastiques.
Enfin, c'est une réalité, les villes, les départements et les régions
s'engagent - certes encore irrégulièrement, mais de plus en plus activement -
dans le domaine culturel. Les moyens qu'ils y consacrent sont en constante
progression, et la dynamique de partenariat qui profite à tous nos concitoyens
est, je le crois, irréversible.
J'ai la ferme conviction que l'Etat, garant de la diversité de la création et
de l'égal accès de tous à la culture, a un rôle essentiel à jouer. Il a des
responsabilités propres, même si, de plus en plus, il intervient en coopération
avec les collectivités teritoriales. Au cours des années récentes,
l'augmentation du budget de notre ministère a marqué une volonté constante
d'encourager et d'accompagner l'essor des actions culturelles dans les régions.
Le projet de budget pour 2001 traduit bien cette volonté et nous souhaitons,
Catherine Tasca et moi-même, qu'à l'avenir, et avec votre soutien, nous ayons
les moyens de poursuivre ce développement.
Baudelaire disait : « Pour taper sur le ventre d'un colosse, il faut pouvoir
s'y hausser. » Aujourd'hui, le colosse, c'est l'absolutisme du marché, sa
prédilection pour la politique du fait accompli ; l'échelle pour gravir
l'obstacle, c'est l'intervention citoyenne. Le ministère veut être un barreau,
l'appui pour escalader le colosse. Pour casser ce barreau-là, il faudrait avoir
perdu la raison, et j'apprécie que tous les orateurs qui se sont exprimés
aujourd'hui dans cet hémicycle aient partagé les préoccupations du ministère.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 359 829 393 francs. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
J'ai décidé de demander la parole sur les crédits parce que dix minutes dans
la discussion générale, c'était peu. J'ai l'impression de lancer des confettis,
mais l'enjeu en vaut la peine.
Pour entamer mon propos, je citerai Camus : « Mal nommer les choses, c'est
ajouter au malheur du monde. »
En l'occurrence, je veux parler de l'« exception culturelle ». Depuis plus
d'un an et demi, on nous dit partout que c'est une expression archaïque, une
expression dépassée, et qu'il faut maintenant s'entendre sur « la diversité
culturelle ». Or, au moment où l'on arrive à l'échéance, on s'aperçoit que même
les conditions d'établissement, de maintien ou d'épanouissement de la diversité
culturelle sont remises en cause.
Mme Danièle Pourtaud.
Exactement !
M. Jack Ralite.
Il faut toujours faire attention aux mots, car, comme je le dis souvent, quand
on cède sur les mots, on cède sur les choses.
Mme Danièle Pourtaud.
Très juste !
M. Jack Ralite.
Je ferai une deuxième citation, tirée cette fois de Walter Benjamin : «
Laisser aller le cours des choses, voilà la catastrophe ! »
Aujourd'hui, j'ai été très sensible à la façon dont Mme Tasca et M. Duffour
ont traité du budget. Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat forment un
tandem dynamique, inventif et rigoureux, cela me plaît ! Mais je m'empresse
d'ajouter qu'au jour d'aujourd'hui, à l'OMC, certains tentent de glisser, dans
la discussion sur les services, l'audiovisuel et la propriété intellectuelle.
Là, je dis : danger.
J'évoque une nouvelle fois l'article 133-5 résultant du traité d'Amsterdam :
c'est exactement la même chose.
Il s'agit de dangers tout à fait importants, mais il y en a d'autres. Il y en
a notamment un, dont j'ai oublié de parler tout à l'heure : à propos de Vivendi
- Canal Plus - Universal.
Une chaîne ne peut être avalisée si plus de 20 % de son capital sont d'origine
extra-communautaire ! La question mérite d'être posée en l'occurrence parce que
les petits calculs auxquels je me suis livré débouchent sur quelque 26 % à 28 %
! C'est une question dont les artistes sont décidés à s'emparer.
Autre sujet dangereux, celui qui concerne l'UNEDIC. Il y a eu, comme vous le
savez, la « refondation sociale » et, pendant tout un temps, les annexes VIII
et X qui concernent les intermittents du spectacle ont été le point de mire. Je
suis très heureux de constater qu'après un échange de courrier entre Mmes
Catherine Tasca et Elisabeth Guigou, fort heureusement, les intermittents vont
provisoirement échapper aux dangers de l'offensive du Medef. Cela dit, le texte
de base, le texte fondamental a été voté et reste potentiellement hors de
danger.
Je parlerai enfin de la carte UGC. M. le Premier ministre l'a jugée
insatisfaisante. Très bien ! Maintenant, il faut un acte. On ne peut pas
continuer comme cela.
Voilà quelques dangers que je souhaitais relever.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole !...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 181 871 042 francs. »
M. Jack Ralite.
Ce point est important, lui aussi, et je citerai un autre écrivain, René Char
: « Méfie-toi de ceux qui se déclarent tranquilles, parce qu'ils pactisent
».
J'ai dit tout à l'heure ce qui avait été proposé sur l'article 133-5 comme
devant faciliter son acceptation. Mais une autre idée est avancée en ce moment
à Bruxelles : nous passerions au vote à la majorité qualifiée sur l'article
133-5, mais un protocole nous garantirait que la culture serait mise de
côté.
Il faurdrait donc définir ce qu'est la culture ! Cela nous promet des séances
de discussion interminables, comme celles qui ont lieu à l'Académie française
pour le dictionnaire. La culture, cela ne peut pas se définir, puisque c'est
essentiellement l'innovation.
Il ne faut pas se satisfaire d'une disposition qui semble protectrice. Cela ne
suffit pas !
Il faut de plus cesser de dire : « Je fais avec. » Il faut cesser d'obéir à la
fatale fatalité. Il faut cesser la fuite en avant comme le repliement
identitaire. Il faut au contraire adopter une attitude de courage, d'examen
objectif de la réalité.
Et puis, il faut travailler à la transformer, à la maîtriser, donc à favoriser
la création dont nous discutons le budget ce soir.
(M. Jean Boyer
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'ai souhaité intervenir sur ce titre, car j'ai déposé un amendement visant à
réduire les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité pour abonder
les crédits du titre IV du ministère de la culture à hauteur de 300 millions de
francs.
Il faut voir là non pas une attaque contre l'emploi au profit de la culture,
mais bien plutôt la persistance de règles constitutionnelles en matière
budgétaire qui privent le Parlement de toute possibilité réelle d'intervention,
autrement que par l'adoption ou le rejet du budget proposé à la représentation
nationale.
Je dois donc recourir à un artifice budgétaire de ce type. Cela étant, à bien
y penser, l'imputation de crédits destinés aux aides à l'emploi au profit du
ministère de la culture n'est pas aussi saugrenue qu'il peut paraître.
La réduction du temps de travail, la reprise économique, de nouvelles formes
d'organisation de notre société appellent un effort sans précédent dans des
domaines aussi variés et importants que la culture, pour ce qui nous occupe, la
formation, l'éducation et le sport où, là encore, les attentes de nos
concitoyens sont grandes.
Mais je veux quand même rassurer tout le monde : pour éviter toute
interprétation malveillante, je serai amené, lundi, à retirer cet
amendement.
Ce dont je veux témoigner ce soir, c'est qu'il faut conforter le budget de la
culture, qui est insuffisant, parce que la création même du ministère, en son
temps, a généré des demandes nouvelles. Nous avons tout lieu de nous en
réjouir. Nous avons le devoir de répondre à cet appel, à plus forte raison dans
un contexte de forte reprise économique.
L'insuffisance des crédits consacrés au spectacle vivant, en particulier au
théâtre, est une des insuffisances les plus marquées de ce budget.
Certes, il faut l'acter, 29 millions de francs sont apportés, s'ajoutant aux
50 millions de francs déjà dégagés à l'occasion du collectif budgétaire du
printemps dernier. Mais cela reste notoirement insuffisant face aux difficultés
et aux nouveaux enjeux auxquels sont confrontés les professionnels de la
culture et les structures, tout particulièrement les jeunes compagnies.
Les sommes annoncées dans ce budget sont, par exemple, à rapprocher des 110
millions de francs correspondant au coût du passage aux 35 heures dans ce
secteur culturel.
Il faudra bien en parler un jour, comme du coût de la fiscalisation. Il n'est
pas inutile en effet de rappeler les changements supplémentaires engendrés par
les nouvelles dispositions fiscales : d'un côté, l'Etat verse sa subvention, de
l'autre, il en récupère une partie.
Les activités des structures culturelles, leurs missions de service public,
sont désormais assimilées aux activités commerciales ou industrielles et donc
soumises à la taxe professionnelle, à l'impôt sur les sociétés et à la taxe
parafiscale.
Tous ces nouveaux prélèvements grèveront à coup sûr les activités artistiques,
en particulier les créations.
J'aborderai, enfin, la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques qui,
malgré les mesures transitoires adoptées, tout en faisant ressurgir des
conflits entre les petites et les grandes structures, risque de fragiliser
l'ensemble des secteurs.
J'ai rencontré à plusieurs reprises les compagnies qui travaillent dans la
région Nord - Pas-de-Calais.
Cette réforme a pour conséquence, acceptée pour dix d'entre elles qui sont
conventionnées, au mieux de les priver de l'aide une année sur deux, au pire de
leur retirer toute aide. Concrètement, pour trente compagnies relevant de
l'aide à la production, seize sont aidées en 2000 et quatorze ne le sont pas,
et inversement l'an prochain.
Il y a bien, en définitive, qu'on le veuille ou non, une diminution de
l'action et de l'aide de l'Etat. Je regrette par ailleurs que tout cela se soit
mis en place sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, qui
doivent pourtant aujourd'hui assumer sur le terrain les conséquences de ces
dispositions, surtout dans une région où la collectivité intervient à part
entière, et même au-delà de l'intervention de l'Etat.
D'une manière générale, l'aide à la création dans notre pays est encore
insuffisante.
Je pourrais évoquer encore la politique des achats d'oeuvres en région, où, là
encore, les moyens se révèlent insuffisants en dépit d'un financement croisé
entre l'Etat et les régions, notamment avec les fonds d'acquisition des musées
et les fonds régionaux d'art contemporain. Il faut bien voir que la politique
d'achat d'oeuvres est une manière de venir en aide aux artistes, notamment aux
plus jeunes et aux plus talentueux d'entre eux, mais, pour aider la création à
la source, d'autres aides mériteraient d'être évoquées. Je pense notamment à
l'augmentation du nombre des bourses et à l'aide aux publications.
Autant dire que la création culturelle, dans son ensemble, n'aurait pas trop
des 300 millions de francs dont nous proposerons d'amputer les crédits de
l'emploi.
Par cette intervention, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, rappeler
tout notre attachement à doter le ministère des moyens nécessaires à ses
actions, et indiquer à nos collègues du Sénat que le moment est peut-être venu
de dépasser le symbole du 1 % pour la culture afin de donner à la politique
culturelle, notamment à l'aide à la création, un nouvel essor. Je rejoins sur
ce point les propos de M. Ralite.
J'insiste sur cet aspect des choses : à calculer désormais le 1 % réservé à la
culture sur le produit intérieur brut, cela nous donne une ligne d'horizon. Je
ne souhaite pas que plus nous nous en rapprochons, plus elle s'éloigne ! Il est
indispensable, pour un pays civilisé comme le nôtre, de se fixer un tel
objectif s'il veut continuer à jouer le rôle qui est le sien dans le monde.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 840 890 000 francs ;
« Crédits de paiement : 470 045 000 francs. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Je pars cette fois-ci d'un texte d'Hölderlin : « Là où croît le danger, croît
aussi ce qui sauve. »
Pendant douze à treize ans, les artistes se sont mobilisés, notamment en
France, afin de réunir les artistes européens, voire mondiaux. Ils ont gagné
des acquis. Je pense à la directive Télévision sans frontière, au GATT et à la
naissance de l'exception culturelle, au rejet de l'AMI, au rejet du NTM, au
rejet de la convergence à la conférence de Birmingham. C'est un capital qu'il
serait dommage de brader aujourd'hui.
Quand on fréquente ce milieu et ceux qui prennent plaisir à le côtoyer, ses
spectateurs, on s'aperçoit qu'il y a une quasi-unanimité sur ces questions.
Je peux citer aussi les rencontres à l'occasion du Salon du livre de la
jeunesse, à Montreuil.
Mais la bataille est aujourd'hui particulièrement intense pour le cinéma.
Citons à cet égard les rencontres sur le statut des artistes, comme à Cabourg
la semaine dernière, sur les salles de cinéma, avec l'ADRC voilà dix jours -
plus de 1 500 salles ont été financées par cette association en France - et
hier encore à Europa Cinéma où tous les pays d'Europe étaient représentés,
ainsi que les pays des rives de la Méditerranée.
Partout la question de la sauvegarde et de l'épanouissement du pluralisme
culturel a été posée comme une exigence.
On sent bien que la force est grande. Bien évidemment, à l'heure qu'il est, au
nombre que nous sommes, il peut paraître quelque peu comique de s'exprimer
ainsi, et, d'une certaine manière, c'est grave. Mais par notre volonté au sein
de notre assemblée, qui n'a jamais failli sur ces questions, comme à
l'extérieur, nous devons travailler pour continuer dans la voie de l'invention
législative dont nous avons besoin pour que la création continue son chemin.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisation de programme : 2 103 266 000 francs ;
« Crédits de paiement : 1 006 083 000 francs. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Sur ce titre VI, je prends plutôt la parole pour faire des propositions. Après
l'ère tout à fait légitime de grands travaux culturels que nous avons connue en
France, je trouve que nous aurions besoin de certaines grandes décisions.
Premièrement, il faudrait que le budget de la culture et celui de
l'audiovisuel atteignent ensemble 1 % du PIB.
Deuxièmement, le Gouvernement devrait s'engager à maintenir l'exception
culturelle pour tout ce qui relève de l'alinéa 5 de l'article 133 résultant du
traité d'Amsterdam. Ce serait une grande décision ! Troisièmement, il serait
nécessaire de relancer une grande ambition pour le livre car, à une époque où
les nouvelles technologies se développent, la place de l'écrit demeure
fondamentale. Heureusement, au Salon du livre de jeunesse à Montreuil,
Catherine Tasca nous a dit qu'elle était contre le prêt payant dans les
bibliothèques, mais cela ne résout pas le problème des auteurs. Or on ne
réglera pas la question des bibliothèques en choisissant l'un contre l'autre.
C'est l'un et l'autre !
La première partie est réglée, mais la seconde ne l'est pas. Il faut un
nouveau statut pour les écrivains. Il faut s'occuper de leur retraite,
maintenant qu'ils ont gagné la sécurité sociale, et il faut codifier la
rémunération de leurs interventions. Je propose que la Journée du livre au mois
d'octobre soit jumelée avec une multitude d'assemblées de réflexions et
d'échanges entre les écrivains et leurs lecteurs.
Quatrièmement, sur Vivendi - j'y reviens - il faut préparer un texte
antitrust. Hier, à EuropaCinema, une grande dame de la culture italienne,
Luciana Castellina, et la cinéaste française Catherine Breillat ont dit qu'il
fallait trouver des critères - qu'elles ont même l'une et l'autre qualifiés d'«
antitotalitaires » - pour ne pas s'abandonner à un seul groupe dans un monde
qui réclame de la diversité.
Cinquièmement, sur le spectacle vivant, il ne faut pas choisir la création
contre le patrimoine ni le patrimoine contre la création. De ce point de vue,
j'ai trouvé l'argumentaire du secrétaire d'Etat, Michel Duffour, très fin et
très fort.
Sixièmement, le temps est venu d'établir une responsabilité publique pour le
secteur privé comme pour le secteur public, en matière de culture, car le
secteur public seul ne suffit pas.
Septièmement, pour les nouvelles technologies, les grandes questions sont la
création et la formation par rapport à ces nouvelles technologies.
Huitièmement, pour la formation à l'école, on a parlé des crédits de votre
ministère, mais il faut y ajouter les crédits du ministère de Jack Lang. Il
faut prendre en compte la responsabilité de former des enfants à l'art et à la
culture.
Neuvièmement, pour la décentralisation, j'aime beaucoup l'utilisation du mot «
partenariat ». J'ai pris précédemment l'exemple du théâtre Bussang ; Michel
Duffour en a pris d'autres. C'est une bonne voie.
Dixièmement, comme je l'ai proposé plusieurs fois, la France devrait reprendre
l'idée d'une réunion mondiale ou internationale sur la culture. Choisissez le
qualificatif qui vous plaît le mieux. Personnellement, je préfère «
internationale », mais celui de « mondiale » est plus approprié aujourd'hui.
Une telle réunion permettrait à toutes les cultures du monde de se rencontrer,
de se connaître et donc de se respecter et de se déveloper. Comme il y a eu un
Rio de l'environnement, il devrait y avoir un Rio de la culture, et la France
s'honorerait de concrétiser cette idée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la culture.
3
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Xavier Darcos une proposition de résolution, présentée au nom
de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil sur le
brevet communautaire (n° E-1539).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 118 distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
4
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 4 décembre 2000, à neuf heures trente, quinze heures et le soir.
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. -
Moyens des services et dispositions spéciales :
Emploi et solidarité :
I. -
Emploi (et articles 57 à 59, 59
bis
et 60)
:
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 17) ;
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(travail et emploi, avis n° 96, tome IV) ;
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales (formation professionnelle, avis n° 96, tome V).
II. -
Santé et solidarité (et articles 54, 55, 55
bis
et 56) :
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 18).
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(solidarité, avis n° 96, tome I) ;
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(santé, avis n° 96, tome II).
Services du Premier ministre :
I. -
Services généraux
(à l'exclusion des crédits relatifs à la
fonction publique, à l'audiovisuel et à la presse) :
M. Roland du Luart, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 35).
II. -
Secrétariat général de la défense nationale :
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 36).
III. -
Conseil économique et social :
M. Claude Lise, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 37).
IV. -
Plan :
M. Claude Haut, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 38) ;
Mme Janine Bardou, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 94, tome XII).
Budget annexe des Journaux officiels :
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 39).
Fonction publique et réforme de l'Etat (et article 63) :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 28).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le
projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉLAI LIMITE POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera le mercredi 6 décembre 2000, à 9 h 30, le rapport de M. Pierre Hérisson sur la proposition de résolution n° 89 (2000-2001) de M. Gérard Larcher et plusieurs de ses collègues sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E 1520), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 5 décembre 2000, à 12 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation du pôle de santé de Prades
959.
- 2 décembre 2000. -
M. Paul Blanc
s'inquiète auprès de
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés
de la disparition du pôle de santé de Prades : fermeture de la maternité le 30
novembre 2000, suppression du service de cardiologie à l'hôpital rural.