SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Equipement, transports et logement
V. - TOURISME (p.
2
)
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ;
M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques ; Mme Odette Terrade, MM. Jean Besson, Paul Dubrule, André Maman,
Bernard Plasait, Bernard Joly, Marcel Bony.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.
Vote des crédits réservé.
I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT (p.
3
)
MM. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jacques Bellanger, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'urbanisme ; Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le logement ; Jacques Bimbenet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social ; André Vezinhet, Patrick Lassourd, André Maman.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
M. Charles Revet, Mme Odette Terrade, MM. Marcel-Pierre Cléach, Gérard Le
Cam.
MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Claude Gayssot, ministre
de l'équipement, des transports et du logement.
Vote des crédits réservé.
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
1.
Transports terrestres
2.
Sécurité routière
3.
Routes
(p.
5
)
MM. le président, Alain Lambert, président de la commission des finances.
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les
transports ; Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances,
pour les routes et la sécurité routière ; Jean-Claude Gayssot, ministre de
l'équipement, des transports et du logement.
MM. Georges Berchet, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, pour les transports terrestres ; Georges Gruillot, rapporteur pour
avis de la commission des affaires économiques, pour les routes et les voies
navigables ; le ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
M. Jean Bernard, le ministre.
M. André Maman, le ministre.
M. Jean Puech, le ministre.
M. Yvon Collin, le ministre.
M. Pierre Lefebvre, le ministre.
M. Jacques Bellanger, le ministre.
M. Gérard Larcher, le ministre.
M. Philippe Madrelle, le ministre.
M. Jean-François Le Grand, le ministre.
Vote des crédits réservé.
Article 60
bis.
- Adoption (p.
7
)
Article additionnel après l'article 60
bis
(p.
8
)
Amendement n° II-16 rectifié de M. Jean-Pierre Plancade. - MM. Jean-Pierre Plancade, Auguste Cazalet, rapporteur spécial ; le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
3.
Commission mixte paritaire
(p.
10
).
4.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
11
).
Equipement, transports et logement
(suite)
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
4.
Transport aérien et météorologie.
Budget annexe de l'aviation civile (p.
12
)
MM. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques, pour l'aviation civile et le transport aérien ; Pierre Lefebvre,
Jean-Pierre Plancade, Paul Girod.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement.
Crédits des titres III à VI. - Vote réservé (p.
13
)
Budget annexe de l'aviation civile (p.
14
)
Rejet des crédits figurant aux articles 35 et 36.
IV. - MER (p. 15 )
MM. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la marine marchande ; Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les ports maritimes ; Mme Anne Heinis, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
MM. Gérard Le Cam, André Maman.
MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement ; Alain Lambert, président de la commission des finances ; le
président.
Crédits des titres III à VI. - Rejet (p.
17
)
Article 60
ter.
- Adoption (p.
18
)
5.
Retrait de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la
Constitution
(p.
19
).
6.
Transmission d'un projet de loi
(p.
20
).
7.
Dépôt d'un rapport
(p.
21
).
8.
Ordre du jour
(p.
22
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92
(2000-2001).]
Equipement, transports et logement
V. - TOURISME
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : V. - Tourisme.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Le projet de budget que vous
présentez, madame la secrétaire d'Etat, commence enfin à dessiner les
orientations d'une politique en matière de tourisme digne des atouts et des
potentialités de notre pays.
Souvent, dans le passé, ce budget n'était ni mobilisateur ni à la hauteur des
possibilités. Il était souvent voté dans l'indifférence, comme si le tourisme
était un supplément d'âme pour la France ou une affaire de boutiquiers, voire
d'intellectuels accrochés au patrimoine. Il était voté dans une unanimité plate
sans être porteur d'un grand dessein. Ce temps semble révolu et je m'en
félicite, madame la secrétaire d'Etat.
Le projet de budget qui nous est soumis présente un caractère national marqué
par un intérêt pour l'exploitation de toutes les richesses de notre pays, le
rayonnement de son histoire, ses monuments, la mise en valeur de ses sites et
de ses paysages, l'engagement de plusieurs millions de Français travaillant
pour assurer le bonheur des vacanciers, des touristes et du pays.
Certes, il comporte encore des faiblesses, que je voudrais évoquer, tout
d'abord. Ainsi, 40 % de nos concitoyens ne partiront pas en vacances.
Les mesures nouvelles sont pourtant importantes. Je ne ferai que les citer car
elles figurent en détail dans le rapport écrit : il s'agit de l'extension de
l'accès au chèque-vacances à 7,5 millions de salariés des PME et de la mise en
place d'une « bourse solidarité-vacances », qui marque un point de départ pour
éviter que les plus démunis ne demeurent les oubliés, notre mauvaise conscience
n'altérant en rien le bonheur de partir éprouvé par les autres.
Ces 40 % qui ne partent pas en vacances ne seront pas oubliés : un groupe de
travail institué au sein du Comité national du tourisme proposera des solutions
nouvelles afin que les 15 % qui ne passent pas un seul jour en dehors de leur
domicile puissent enfin avoir quelques jours de vacances. Ces 15 % sont pour la
plupart des personnes handicapées ou âgées ou si démunies que le changement de
vie ne peut pas encore s'exprimer.
La deuxième faiblesse est l'absence de création d'emploi au sein du
secrétariat d'Etat au tourisme. Votre budget est le seul qui ne prévoit aucune
création d'emploi pour 2001. Je le regrette, madame la secrétaire d'Etat.
La troisième faiblesse que je voudrais noter réside non pas dans une
expression budgétaire, mais dans un constat.
La France a conforté sa première place de pays le plus visité de la planète,
avec 73 millions de visiteurs, nombre en accroissement de 3,7 %.
Je voudrais également citer un chiffre encore plus marquant : nous
représentons 11 % des arrivées mondiales. Nous sommes le seul pays avec un
pourcentage à deux chiffres. Le suivant étant l'Espagne avec 7,8 %.
Nous laissons loin derrière les Etats-Unis, avec 48 millions de touristes et
7,3 % des arrivées mondiales.
Alors, me direz-vous : « Où est la faiblesse » ? Ces chiffres sont plutôt
signe de force, j'en conviens. Mais, si l'on considère les recettes induites
selon l'OMT, l'Organisation mondiale du tourisme, les Etats-Unis sont premiers,
avec 74 448 millions de dollars, devant l'Espagne, avec 32 913 millions de
dollars. La France n'arrive qu'en troisième position, avec 31 699 millions de
dollars, ce qui représente moins de la moitié des recettes des Etats-Unis. Nous
n'absorbons que 7 % des recettes mondiales du tourisme, l'Espagne 7,3 % et les
Etats-Unis 16,4 %.
Cette remarque conduit à une réflexion. Les touristes passent en France, la
traversent, mais n'y séjournent pas assez. Cela pose la grave question du
maintien des touristes, donc de leur accueil, de leur hébergement, de leur
transport et de leurs loisirs.
Nous devons engager avec détermination une réflexion sur ce sujet car le
tourisme est un « poids lourd » de l'emploi. Il représente 3,6 % de l'ensemble
des emplois intérieurs de l'économie et 14 % des emplois intérieurs des
services marchands. Depuis 1992, la croissance en emploi a été de 16 000 par
année.
Nous devons être sensibles aux besoins forts en emplois saisonniers aussi bien
en bord de mer qu'à la montagne. Le statut de ces employés saisonniers, qui
reste à préciser, est d'autant plus important que le nombre de salariés du
secteur des hôtels, cafés, restaurants est évalué à 702 700, soit une
augmentation de 5,3 %. Elle avait été de 4,7 % l'année précédente. La
progression continue.
Je tiens également à évoquer, non pas comme des faiblesses, mais comme des
incertitudes, les perturbations climatiques renouvelées et le naufrage de
l'
Erika
.
Les résultats sont là : les régions Bretagne, Pays de la Loire,
Haute-Normandie et Basse-Normandie ont fait une moins bonne saison. En
revanche, les régions Languedoc-Roussillon, Provence - Alpes - Côte d'Azur,
Midi-Pyrénées ont enregistré une saison bien supérieure. Nous devons noter que
les régions Bourgogne, Limousin, d'Ile-de-France, et plus particulièrement
Paris, ont connu une excellente saison. Ces résultats constituent une
compensation aux baisses dues aux conséquences des tempêtes de fin d'années et
du naufrage de l'
Erika
.
L'excellente mobilisation de tous a permis de rassurer public et touristes.
Un problème est cependant posé : le réchauffement de la planète, l'effet de
serre induisent des incertitudes climatiques qui doivent nous conduire à
renforcer nos moyens de sauvegarde, de prévention, d'alerte et de
protection.
Les orientations de votre projet de budget permettront, je l'espère, d'éviter
les dérives et de les rendre maîtrisables. En effet, et ce sera l'objet de la
deuxième partie de mon intervention, nous avons à nous prononcer sur un budget
en hausse de 12 % par rapport à la loi de finances de l'année prédédente, soit
473,6 millions de francs contre 423,4 millions de francs, ce qui représente une
augmentation de 50,2 millions de francs. L'année précédente, l'augmentation
avait été de 7,4 %, soit au total une croissance de 20 % par rapport au projet
de loi de finances pour 1999.
Je souhaite noter également que, durant le premier trimestre 2000, 181,77
millions de francs de crédits sont venus compléter le budget initial. Sur cette
somme, 153 millions de francs constituent l'apport décidé par le Gouvernement
pour remédier aux effets de la marée noire. Ils ont permis de restaurer l'image
touristique du littoral et de contribuer au financement de la remise en état
des installations et équipements touristiques.
Les crédits du titre III augmentent de 0,9 %, les charges de personnel de près
de 4 %, avec un effort de compression de 1,97 million de francs témoignant
d'une volonté de rigueur dans la gestion.
Les moyens d'intervention augmentent de 16 %. A l'article 33, les crédits
destinés aux contrats de plan Etat-région doublent par rapport à l'an
dernier.
Je tiens à relever maintenant un des points forts du budget qui constitue une
orientation vers la décentralisation.
En effet, 80 % des touristes ne visitent que 20 % du territoire national.
Chaque « coin » de France a des richesses, des sites, un patrimoine et des
curiosités à faire connaître et à valoriser, madame la secretaire d'Etat.
La dotation des dépenses en capital augmente de près de 45 % et devrait
permettre un meilleur aménagement de l'ensemble des régions de France en
matière de tourisme.
Vous le savez, les attentes sont grandes.
Nous avons tenu à publier, dans le rapport écrit, un relevé des parcs à thème
qui ont vu le jour ces dernières années et qui s'intègrent, il est vrai, dans
une politique de décentralisation. Je proposerai à la commission des finances
de publier une étude beaucoup plus précise sur le coût et sur le rapport de ces
parcs. Dans le rapport écrit, vous pourrez prendre connaissance d'un bilan de
l'exploitation de ces parcs.
On recense aujourd'hui une dizaine de parcs de dimension nationale, voire
européenne - je pense à Disneyland-Paris, au Futuroscope et au parc Astérix -,
une cinquantaine de parcs récréatifs régionaux, une dizaine de parcs
aquatiques, environ 120 parcs botaniques, enfin, un millier d'éco-musées.
Pour démontrer ce que représentent ces parcs, je prendrai l'exemple de
Disneyland-Paris, dont le chiffre d'affaires s'élève à 6,03 milliards de
francs. Disneyland-Paris, reverse 201 millions de francs à la maison mère, la
Walt Disney Company. Prétextant une stagnation du nombre de visiteurs à 12 500
000 en 1999, Disneyland semble décidé à ouvrir un deuxième parc, qui
permettrait de drainer 17 millions de visiteurs en 2003, au voisinage d'un
mégacentre commercial de 90 000 mètres carrés, ce qui représenterait un
investissement de un milliard de francs.
Une question se pose donc : faut-il laisser le gigantisme s'emparer de ces
parcs, les laisser se développer au détriment des équipements de loisirs dont
la France, dans toutes ses profondeurs, a besoin ? Nous aimerions avoir votre
avis sur cette question, madame la secrétaire d'Etat.
La demande n'est pas infinie et l'accroissement du nombre de ces parcs n'est
pas sans danger financier. Ainsi, à Cergy-Pontoise le parc Mirapolis, qui avait
bénéficié de l'apport de fonds publics, a dû fermer ses portes.
Enfin, dans le projet de budget, nous notons également une hausse de 4 % de
crédits destinés à Maison de la France, s'ajoutant à l'augmentation de 13,4 %
enregistrée en 1999. Maison de la France est présente dans 18 pays. Elle peut
gagner d'autres positions. Sa modernisation, son informatisation, l'utilisation
d'Internet sont autant de facteur qui permettront de mieux faire connaître la
France dans le monde et de préparer la venue de nouveaux touristes
étrangers.
Pour qu'un tel objectif puisse s'affirmer en faveur du plus grand nombre de
nos concitoyens, notamment des plus jeunes, le tourisme doit aussi s'affirmer
social et associatif.
En mai 1999, madame la secrétaire d'Etat, vous avez pris des engagements lors
des états généraux du tourisme social et associatif.
J'observe, et je m'en félicite, que le premier engagement est tenu, celui
d'une coordination entre tous les acteurs du tourisme social et associatif.
Cette coordination est mise en place et s'articule auprès de collèges,
d'associations, des comités d'entreprises, des syndicats, des élus et des
personnes qualifiées. Les loisirs sont d'expression individuelle. Le caractère
collectif de leur organisation est un facteur d'épanouissement.
Quant au deuxième engagement pris, il est en cours de réalisation : il s'agit
d'une réforme de l'agrément des villages de vacances à but non lucratif.
Le troisième engagement d'une campagne nationale de promotion du tourisme
social et familial devrait - vous vous y êtes engagée, madame le secrétaire
d'Etat - être mis en place en direction du grand public au printemps 2001.
J'avais proposé l'adoption des crédits du secrétariat d'Etat au tourisme pour
2001. La commission des finances, ayant rejeté globalement les crédits du
ministère de l'équipement, des transports et du logement, n'a pas adopté ces
crédits.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Ginésy,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
intervention sur le budget du tourisme s'articulera autour de trois motifs de
satisfaction, mais également de trois sujets d'inquiétude.
En 1999, le solde du poste « voyages » de la balance des paiements s'est élevé
à 91 milliards de francs, contre 72 milliards de francs en 1998.
Proportionnellement, il a augmenté plus vite que le nombre d'arrivées
touristiques, ce qui semble indiquer que le différentiel entre le nombre de
touristes étrangers et les recettes de ce secteur ne s'accroît plus. C'est
encourageant pour poursuivre les efforts de promotion de la « destination
France » à l'étranger.
Je soulignerai également, à propos de la saison 2000, que les effets redoutés
des tempêtes et du naufrage de l'
Erika
semblent avoir été, autant que
faire se peut, combattus et maîtrisés. Permettez-moi de vous féliciter, madame
la secrétaire d'Etat, de votre rôle et de celui de votre secrétariat d'Etat,
ainsi que de la mobilisation des moyens financiers nécessaires.
Il convient, en 2001, de renforcer auprès de la clientèle tant nationale
qu'étrangère la promotion de l'image de la France après les tempêtes.
Malheureusement, le naufrage récent du chimiquier ne fait que renforcer ma
conviction sur ce point.
J'ai également un troisième motif de satisfaction qui concerne la mise en
oeuvre du plan « patrimoine » pour la réhabilitation des infrastructures du
tourisme social. Vous avez obtenu la prolongation de ce programme au-delà des
dix années initialement fixées. Qu'en sera-t-il les années suivantes et comment
s'établit le chiffrage de ce qui reste encore à rénover ?
En évoquant ensuite mes trois sujets d'inquiétude, voire de mécontentement, je
ne ferai que traduire, madame la secrétaire d'Etat, le sentiment général de la
commission des affaires économiques et du Plan.
En ce qui concerne les crédits dont dispose Maison de la France, les moyens
supplémentaires attribués vont, certes, lui permettre de réaliser des campagnes
de promotion en France, mais je persiste à croire qu'ils demeurent insuffisants
pour promouvoir notre pays sur les marchés étrangers.
Cette promotion doit, en effet, se faire non seulement sur les supports
traditionnels, mais aussi sur Internet, ce qui nécessite des moyens importants.
Elle doit se faire en renforçant le réseau des sites certifiés par les comités
régionaux de tourisme. Sans doute faut-il aller au-delà et, après avoir aidé à
faire connaître, aider à faire vendre. Comment mieux sensibiliser les
tours-opérateurs ou les voyagistes sur la diversité et la richesse des produits
touristiques de chacune de nos régions ?
Néanmoins, je note avec satisfaction que, s'agissant des pertes de change
enregistrées par Maison de la France, la dotation de 1,4 million de francs
inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000 vient
heureusement compléter les provisions pour pertes de change.
En ce qui concerne l'immobilier touristique, la loi relative à la solidarité
et au renouvellement urbains, grâce à « l'acharnement » des parlementaires,
donne un support législatif au concept d'opération programmée de réhabilitation
touristique, autorisant enfin, avec plus de deux ans de retard, la
récupération, par les propriétaires, de la TVA sur les travaux effectués, ainsi
que la possibilité de subventions décidées par les collectivités locales.
L'administration doit désormais tout mettre en oeuvre pour que le dispositif
soit opérationnel, puisque l'outil réglementaire est créé.
S'agissant des entreprises touristiques, il est urgent d'adopter des mesures
concrètes. Ce secteur aborde, dans des conditions très difficiles, les
négociations sur la diminution du temps de travail, car la spécificité de son
activité n'est manifestement pas prise en compte. La saison, qu'on le veuille
ou non, est concentrée sur quelques mois et les périodes de fêtes ou les congés
de fin de semaine connaissent une intense activité en matière touristique. Il
est indispensable, en conséquence, d'introduire le maximum de souplesse dans le
cadre de la modulation du temps de travail, et cela ne semble malheureusement
pas avoir été compris par le Gouvernement.
Le secteur des entreprises touristiques souffre également d'un manque de
main-d'oeuvre qualifiée, qui constitue un goulet d'étranglement très pénalisant
pour développer une offre touristique de qualité. Quelles solutions
proposez-vous, madame la secrétaire d'Etat, pour répondre rapidement à cette
crise du recrutement ?
Enfin, et vous le savez, nous ne partageons pas la même opinion sur l'épineuse
question de la TVA dans la restauration : vous vous félicitez de ce que ce
sujet fasse débat au sein du Gouvernement depuis maintenant deux ans, mais moi
je regrette vivement - et je ne suis pas le seul - qu'il n'ait pas encore
abouti, alors que tout a été dit, que les discriminations pratiquées par la
France entre les différents types de restauration sont condamnées à l'échelon
tant national qu'européen et que nos principaux concurrents au niveau européen
appliquent ce taux réduit de TVA.
Madame la secrétaire d'Etat, entendez-vous défendre l'amendement adopté par le
Sénat réduisant le taux de TVA appliqué à la restauration et obtenir une
dérogation sur le plan communautaire ? Cela me semble absolument
indispensable.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires économiques et du
Plan a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des
crédits consacrés au tourisme, inscrits dans le projet de loi de finances pour
2001
(Applaudissements.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 14 minutes ;
Goupe socialiste, 11 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour 25 minutes.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
chaque année, l'examen des crédits consacrés au tourisme pour 2001 permet
d'analyser la situation de ce secteur majeur, tant d'un point de vue économique
que d'un point de vue social et environnemental.
Sans m'appesantir trop longtemps sur les chiffres, je noterai qu'avec 73
millions d'entrées de touristes étrangers, la France a maintenu sa place de
première destination touristique mondiale au cours de l'année 1999 ainsi qu'au
premier semestre 2000, et ce malgré les tempêtes de la fin décembre dernier et
la marée noire qui a endommagé une partie de nos côtes atlantiques.
L'analyse de la place du tourisme dans l'économie française me semble
particulièrement intéressante, afin de dégager les potentiels et les enjeux qui
en découlent, notamment d'un point de vue économique. Dans cet esprit, il
convient d'apprécier positivement la progression constante de plusieurs
données. C'est le cas pour le solde positif du poste « voyages » de la balance
des paiements qui enregistre une croissance moyenne de 13 % par an. C'est
également vrai pour le nombre d'entrées de touristes étrangers en France, qui
progresse annuellement de 4 %.
Comme l'a fait remarquer mon amie Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de
la commission des finances, ces indices de la bonne santé du secteur du
tourisme doivent nous conduire à faire preuve d'audace, afin d'investir dans la
prospection des marchés étrangers et de renforcer notre offre sur un plan
qualitatif, en valorisant notre patrimoine et l'ensemble des richesses
touristiques de notre pays.
Rompant avec le passé, vous avez fait le choix, madame le secrétaire d'Etat,
et je vous en félicite, d'accompagner la progression de l'économie touristique
d'un accroissement continu du budget de votre ministère. Ainsi, il avait
augmenté de plus de 15 % l'année dernière et de près de 11 % il y a deux
ans.
Cette année encore, le budget du tourisme augmente de façon significative,
puisqu'il progresse de 12 % par rapport à l'année dernière. Au total, les
moyens budgétaires touristiques auront augmenté de 48,5 % entre 1998 et
2001.
Vous confirmez ainsi votre volonté de renforcer l'intervention de l'Etat dans
le domaine du tourisme. Cette volonté repose sur plusieurs objectifs.
Celui que je placerai en premier est la réduction des inégalités, qu'elles
soient sociales, territoriales ou même conjoncturelles, comme nous l'avons vu
avec les dernières catastrophes.
S'agissant des inégalités sociales, mon groupe soutient sans réserve votre
priorité à mettre en oeuvre « le droit aux vacances pour tous ». Comme vous,
nous ne nous résignons pas à ce que quatre Français sur dix ne partent pas en
vacances soit par manque d'argent, soit parce que leur accès aux vacances est
entravé par un handicap. C'est pourquoi nous apprécions que les crédits
destinés au secteur associatif augmentent de près de 40 %. Ces crédits sont en
grande partie destinés aux bourses solidarité vacances. Ils vont aussi au
financement des conventions signées avec les associations, ainsi qu'au
financement des actions en faveur des handicapés.
Pour améliorer la situation des 40 % de nos concitoyens qui sont privés de
vacances, vous avez déployé une politique diversifiée dont je ne citerai que
deux exemples : les chèques-vacances et la politique d'accès des handicapés aux
loisirs et aux vacances.
Le chèque-vacances contribue largement à accroître le taux de départ en
vacances, notamment pour les plus modestes. C'est pourquoi la loi du 12 juillet
1999, sur votre initiative, étend cette mesure aux salariés des entreprises de
moins de cinquante salariés et la rend effective sur l'ensemble du territoire
européen.
Je rappelle qu'en plus de la progression du chiffre d'affaires de l'Agence
nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV, qui montre l'intérêt des salariés
pour ce dispositif, la contre-valeur des chèques-vacances périmés est attribuée
aux organismes sociaux ou aux associations caritatives. Ainsi, en 1999, l'ANCV
leur a versé 8 millions de francs sous forme de bourses-vacances et près de 15
000 personnes en ont bénéficié.
Je fais une parenthèse pour souligner également le rôle social de la Bourse
solidarité vacances créée en 1998 par la loi d'orientation relative à la lutte
contre les exclusions. Ce groupement d'intérêt public a permis le départ de
plus de huit mille personnes depuis le début de l'année 2000.
J'en viens maintenant à la campagne « tourisme et handicap » que vous avez
réalisée en 2000 pour la troisième année consécutive. Cette action devrait
aboutir, vous l'avez annoncé, à la mise en place d'un label décliné en fonction
du type de handicap. Pouvez-vous nous préciser, madame la secrétaire d'Etat, le
rôle de chacun des partenaires, notamment celui de l'Etat, dans ce dispositif
qui devrait voir le jour l'année prochaine ?
Je dirai quelques mots, enfin, sur les inégalités territoriales. Je note avec
intérêt que les crédits du tourisme destinés aux contrats de plan Etat-régions
ont triplé : ils se montent à 897 millions de francs.
Le tourisme peut en effet contribuer au développement équilibré de l'ensemble
du territoire. Il convient pour cela de dégager des moyens pour valoriser les
attraits touristiques de tous les départements qui composent une région, sans
déséquilibrer l'un au détriment de l'autre.
Le second objectif très fort de votre action est l'emploi. A la suite du
rapport que vous avait remis M. Le Pors, vous aviez lancé un programme de
quinze mesures destiné à améliorer la situation sociale des saisonniers du
tourisme, notamment leur accès au logement. Compte tenu des chiffres cités, le
secteur du tourisme a un rôle primordial à jouer dans l'impulsion économique et
dans la création d'emplois. De ce point de vue, l'Etat doit donner des signes
fort s'agissant de la nécessité d'améliorer la qualité de l'emploi.
De nombreux professionnels, notamment dans l'hôtellerie et la restauration,
font état de leurs difficultés à recruter. Cette pénurie s'explique en grande
partie par le manque d'attractivité des métiers de ce secteur. En effet, la
précarité, les mauvaises conditions de travail et de rémunérations qui y sont
pratiquées, et qui sont connues de tous, ne favorisent pas l'attrait des jeunes
pour ce secteur.
Pouvez-nous préciser l'action de votre secrétariat d'Etat pour rendre ces
emplois plus attractifs ? Pourriez-vous également nous informer de l'avenir des
nombreux emplois-jeunes de ce secteur ?
Pour conclure, madame la secrétaire d'Etat, constatant que vous partagez avec
nous la volonté de faire du tourisme un secteur décisif du développement
économique, en harmonie avec le contexte environnemental et valorisant
l'ensemble du territoire, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen soutiennent avec conviction votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Besson.
M. Jean Besson.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget pour 2001 qui nous est soumis aujourd'hui doit être qualifié
de bon budget. En effet, pour la troisième année consécutive, il est en
augmentation substantielle et traduit, de par ses choix d'orientation, la
volonté forte du Gouvernement de valoriser ce secteur important de
développement économique, créateur de richesses et d'emplois.
Ainsi, le projet de budget prévoit une hausse des crédits du tourisme de 5,5 %
si on le compare à celui de 2000. Mais il faut considérer également qu'il y a
une hausse de 12 %, toujours par rapport à 2000, si l'on raisonne sur le budget
réel, c'est-à-dire en prenant en considération les réductions de chapitres et
les transferts opérés en cours d'année 2000.
Ce budget est donc passé, en trois ans, de 335 millions de francs à 474
millions de francs, enregistrant ainsi une augmentation de 40 % sur cette
période. Avec le groupe socialiste, je suis satisfait de cette évolution qui
demeurait indispensable pour rattraper, certes, progressivement, mais de
manière pugnace, le désintérêt que les pouvoirs publics avaient manifesté à
l'égard de ce secteur pendant des années.
Le Gouvernement confirme ici sa volonté de redynamiser un secteur dont
l'importance économique n'est plus à démontrer. Avec près de 205 000
entreprises et 624 370 salariés, on estime que le tourisme génère 2 millions
d'emplois directs et indirects et représente un excédent, pour notre balance
des paiements, de 91,5 milliards de francs en 1999.
La France demeure la première destination mondiale, avec une fréquentation en
progression moyenne de 3,7 % par an, malgré les intempéries et les catastrophes
qui ont affecté notre littoral.
Je tiens, à ce sujet, madame la secrétaire d'Etat, à saluer tout le travail
accompli et les financements immédiatement déployés par votre secrétariat
d'Etat. Je sais aussi que des négociations avec TotalFinaElf sont engagées pour
mettre en place des campagnes de promotion spécifiques.
Bien sûr, ce budget peut sembler modeste au regard du rôle que joue le
tourisme en termes d'aménagement du territoire, de potentialités économiques et
de notoriété de la France dans le monde.
Je me réjouis aussi que votre secrétariat d'Etat génère une participation
importante d'aides publiques complémentaires - Union européenne et
collectivités locales - et un autofinancement, qu'il soit privé ou public,
jouant un effet de levier.
Au-delà, quatre éléments particulièrement positifs caractérisent ce projet de
budget.
En premier lieu, le développement territorial du tourisme. A ce titre, 290
millions de francs sont inscrits, ce qui représente une augmentation de 16 %
par rapport à la loi de finances pour 2000 ; 40 millions de francs
supplémentaires sont réservés à l'amélioration du contenu de l'offre
touristique et au financement des actions contractualisées au titre des
contrats de plan Etat-régions et avec les structures professionnelles. Ces
procédures constituent l'outil d'une politique concertée d'aménagement du
territoire. Les dotations de l'Etat ont été multipliées par deux, les crédits
passant de 30 millions de francs à 60 millions de francs.
Je me félicite encore, à ce propos, que les contrats de plan Etat-régions, en
cohérence avec la réforme des fonds structurels européens, intègrent le
tourisme dans le développement durable de ce pays.
Madame la secrétaire d'Etat, votre projet de budget encourage la modernisation
et la rénovation du parc hôtelier traditionnel et de la petite hôtellerie.
J'avais accueilli avec beaucoup de satisfaction votre proposition de constituer
un fonds de garantie en faveur de l'hôtellerie familiale pour aller plus loin,
peut-être au travers des contrats de plan. Je souhaiterais connaître l'état de
ces réflexions.
En deuxième lieu, une priorité forte est confirmée en faveur du social et de
l'emploi. Ainsi, le soutien budgétaire au secteur associatif du tourisme est
accru de 40 % par rapport à 2000. Nous ne pouvons que saluer cette
orientation.
Je me réjouis du soutien marqué à l'emploi, notamment aux emplois-jeunes. Le
secteur du tourisme a créé 5,5 % de ces emplois, soit 6 400 embauches de
nouveaux salariés d'octobre 1997 à juin 2000, dans le cadre de projets des
collectivités locales ou du secteur associatif.
En troisième lieu, nous apprécions l'effort marqué en faveur des actions de
promotion de la France à l'étranger. Plus précisément, au-delà du soutien
régulier et fort à Maison de la France pour développer des marchés extérieurs
et absorber les effets de son assujettissement à la TVA, 6,5 millions de francs
supplémentaires sont réservés aux actions de promotion en France, comme mission
nouvelle de ce groupement d'intérêt public.
Enfin, en quatrième lieu, je souhaite insister sur la volonté affirmée du
Gouvernement d'inscrire le tourisme dans le dispositif global des grandes
réformes. La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dégage d'ores
et déjà du temps libre et disponible, pour le tourisme notamment. Cette
véritable mutation aura, et a déjà des répercussions sur l'évolution de notre
société et révèle des besoins nouveaux, sport, nature, terroirs, bien-être, par
exemple.
Je citerai également le allégements de charges sociales et le plan emploi
formation pour inciter les créations d'emplois.
Pour conclure, laissant le soin à mon collègue M. Marcel Bony d'évoquer
l'avenir des stations thermales et climatiques, je formulerais deux
souhaits.
Tout d'abord, madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention
sur le problème du tourisme des jeunes, qui voit son activité s'effondrer. La
diminution nette du nombre de classes de découverte, notamment, dont les causes
sont nombreuses et très différentes, pose de véritables difficultés, à nous
chercher des solutions.
Ensuite, je tiens à exprimer mon soutien à l'action budgétaire du Gouvernement
afin qu'elle soit maintenue, en 2002, au rythme du projet de loi de finances
pour 2001. La politique du tourisme renforcera ainsi le secteur de
l'observation économique et prospective.
J'insiste également sur les moyens de fonctionnement des délégations
régionales au tourisme, relais essentiels de l'action de l'Etat au niveau
local, qui augmentent cette année de 10 %.
Madame la secrétaire d'Etat, recevez toutes mes félicitations pour ce projet
de budget, véritable tour de force dû à l'augmentation massive des crédits
d'intervention, à l'orientation politique que vous avez su insuffler, à votre
action volontariste menée en liens étroits avec les régions et les pays, une
action ambitieuse pour la démarche de qualité et d'anticipation.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera ce
budget avec détermination et satisfaction.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Dubrule.
M. Paul Dubrule.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget du tourisme augmente de près de 12 % dans le projet de loi de finances
pour 2001.
C'est bien, mais, en valeur absolue, cela ne repésente que 473,5 millions de
francs, alors que les recettes touristiques représentent, pour la France, 250
milliards de francs, chiffre important, pour ne pas dire énorme, et méconnu. Si
l'on rapporte donc le budget du tourisme aux recettes du secteur, cela fait un
peu moins de 2 pour 1000 C'est peu, vous en conviendrez.
Un autre chiffre est significatif, celui de la balance touristique. Le
tourisme figure non pas dans la balance commerciale, mais dans la balance des
paiements. Les Français voyagent aussi à l'étranger et dépensent de l'ordre de
115 milliards de francs, d'où une balance touristique positive de 91 milliards
de francs. Le tourisme est donc, sur la base de ce critère, le secteur
économique le plus important de notre pays.
Il est donc d'une impérieuse nécessité d'avoir pour le tourisme une vision et
un projet à long terme soutenu par une action politique qui s'inscrive dans la
durée avec quatre objectifs majeurs : l'investissement dans nos infrastructures
touristiques ; la promotion de la destination « France » ; la formation des
cadres et employés et la coordination interministérielle des actions en faveur
du tourisme.
Concernant les investissements, il faut avoir en perspective les prévisions de
l'Organisation mondiale du tourisme, qui font état, pour l'Europe, d'un
doublement des flux touristiques en vingt ans, et celles du World Travel and
Tourism Council qui, lui, est plus optimiste, puisqu'il table sur un doublement
en quinze ans.
Pour accueillir ces touristes, il est évidemment nécessaire de mettre en place
une politique ambitieuse favorisant les investissements dans ce secteur
porteur.
Le domaine des investissements est très vaste. Il englobe, notamment, les
transports, le commerce, l'artisanat, la restauration, les loisirs. Il va de
l'aménagement des coeurs de villes aux rues piétonnes, des facilités d'accès
aux monuments à l'amélioration de l'accueil sur les sites, des centres de
conférence et du développement des gîtes ruraux à la mise en valeur des
produits du terroir. La liste peut être longue, mais jamais exhaustive, tant ce
qui touche à ce secteur est varié et ouvre des possibilités.
Pour ce qui est de la promotion de la destination « France », il y a les
outils et le budget. Un excellent outil est Maison de la France, créée en 1987
par Jean-Jacques Descamps, alors secrétaire d'Etat au tourisme, et que les
gouvernements successifs ont développée, améliorée, y compris vous-même, madame
le secrétaire d'Etat.
Mais le budget de promotion reste très insuffisant face à l'enjeu. Il faut
noter qu'un touriste qui paiera 500 francs pour une chambre d'hôtel, dépensera
2 000 francs à 4 000 francs, soit six à sept fois plus, en achats et dépenses
divers, taxi, bus, photos, restaurants, musées, souvenirs, notamment.
Cependant, la concurrence européenne et mondiale est rude et très efficace. Si
la situation présente est plutôt satisfaisante, je m'inquiète pour l'avenir, et
je partage l'avis de notre rapporteur spécial, qui a dénoncé le manque
d'ambition de ce budget à l'égard de Maison de la France. Tout comme lui, je
regrette la stagnation de son budget pour la deuxième année consécutive,
stagnation aggravée du fait de la faiblesse de l'euro, qui conduit cet
organisme à réduire ses actions de promotion sur les marchés extérieurs à la
zone euro.
On aurait pu espérer des moyens supplémentaires pour cette année, puisque
Maison de la France a inauguré sur le
net
le portail officiel du
tourisme français. Cela valait bien un effort !
Il faut progressivement augmenter le budget de promotion de la destination «
France » ; une centaine de millions de francs supplémentaire ne serait pas
exagérée.
S'agissant maintenant de la formation des cadres et du personnel, il est
urgent d'investir et d'investir encore, car nous connaissons, depuis plusieurs
années, un déficit de personnel qualifié. C'était vrai au moment où le chômage
était à son plus haut niveau ; cela devient dramatique aujourd'hui dans
l'hôtellerie et la restauration.
A ce titre, les 35 heures auront, et commencent déjà à avoir un effet très
négatif sur les entreprises du secteur, particulièrement sur les hôtels et sur
les restaurants indépendants. Pourquoi ?
C'est un paradoxe : la France à deux vitesses des 35 heures pénalise les
petites entreprises, car les employés préfèrent les grandes entreprises, qui
leur assurent tout de suite des conditions de travail plus favorables, une
formation professionnelle et de meilleures perspectives de promotion. Les
petites entreprises, qui n'ont pas une grande marge de manoeuvre, pensent à une
fermeture hebdomadaire supplémentaire ou à une fermeture annuelle prolongée.
Certains professionnels, et ils sont nombreux, songent même à se retirer, à
vendre, mais ne trouvent pas preneur.
Je rappelle que 500 francs perdus pour une chambre d'hôtel, ce sont 3 000
francs à 4 000 francs perdus pour l'économie locale. Le danger est grand.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques a détaillé les mesures
qui, face à cette évolution, seront utiles, voire indispensables, mesures
auxquelles je souscris pleinement.
J'en viens à la coordination interministérielle.
Le tourisme a besoin de l'ensemble des infrastructures des transports, qu'il
s'agisse des aéroports, des routes et des autoroutes, des trains, des voitures,
des avions et de tout ce qui fait le transport urbain. Le rattachement du
secrétariat d'Etat au tourisme au ministère de l'équipement est, de ce point de
vue, une bonne chose.
Cependant, le tourisme, c'est aussi, et pour beaucoup, la culture, les
monuments historiques, les musées, les sites classés. Que dire, alors, madame
la secrétaire d'Etat, d'une suppression sans préavis du personnel vacataire
saisonnier, contraint, sur de nombreux sites gérés par la direction du
patrimoine ou celle des musées de France, de fermer quelques heures de plus ?
C'est le cas au château de Fontainebleau, ce qui perturbe toute la chaîne des
intervenants - tour-opérateurs, offices de tourisme, transporteurs, hôtels,
musées - qui pourront, à juste titre, être accusés de publicité mensongère ?
Le tourisme, c'est l'éducation et la formation professionnelle, dont je viens
de parler. Le tourisme, c'est le commerce extérieur et les affaires
étrangères.
Le tourisme, c'est aussi la sécurité des biens et des personnes, donc le
ministère de l'intérieur. Le tourisme, c'est, bien sûr, la fiscalité, donc, le
ministère des finances. J'en parlerai dans ma conclusion.
Le tourisme, c'est, enfin, l'environnement et l'aménagement du territoire. La
protection de notre patrimoine et de nos sites est une évidente obligation pour
le développement du tourisme.
C'est pourquoi une coordination interministérielle plus efficace me paraît
être une des priorités du secrétariat d'Etat au tourisme pour que vos collègues
intègrent mieux les exigences de notre secteur.
J'aimerais revenir un instant sur un sujet qui me tient personnellement à
coeur et qui ne peut être ignoré dans cette assemblée, même s'il n'impose pas
obligatoirement, comme vous l'avez vous-même dit, madame la secrétaire d'Etat,
des moyens budgétaires complémentaires. Je veux parler du développement
durable.
C'est à la France, premier pays d'une Europe elle-même première destination
touristique mondiale, d'entraîner ses partenaires européens sur cette voie. La
préservation de l'environnement, la lutte contre la pollution, la protection du
patrimoine, la formation des hommes et des femmes sont, plus que jamais, des
impératifs pour un secteur économique qui envisage d'accueillir deux fois plus
de touristes d'ici quinze ans ou vingt ans.
Pour conclure, madame la secrétaire d'Etat, deux mesures peuvent être prises
rapidement.
La première, c'est la baisse de la TVA sur la restauration, baisse dont le
principe n'est plus contesté ; il suffit de la décider.
La seconde concerne la récupération de la TVA des frais professionnels imposée
par la Cour de justice des Communautés européennes. Pourquoi le Gouvernement
est-il si restrictif dans l'application ? Pourquoi ne joue-t-il pas un rôle
moteur pour faire adopter par le Conseil européen, pendant la présidence
française, la proposition de directive sur le sujet actuellement en discussion
?
J'ai déjà évoqué les autres mesures qui sont de plus longue haleine, à savoir
des efforts vigoureux en faveur de la formation professionnelle et de la
promotion de la destination France à l'étranger ainsi que l'intensification des
investissements dans nos infrastructures touristiques, pour être à même de
répondre à la demande.
Je dirai encore un mot, madame la secrétaire d'Etat, sur une activité qui est
orpheline car elle ne sait pas quel est son ministre de tutelle : c'est celle
du titre de service, tel que titre-restaurant, chèque-vacances, etc. Les
émetteurs de titres-restaurant continuent de se demander pourquoi il n'existe
pas de règles claires pour l'utilisation de ces titres par les agents de la
fonction publique.
Quant aux chèques-vacances, ces mêmes émetteurs se demandent également, et
depuis longtemps, pourquoi un émetteur à caractère public a seul le monopole
des émissions de chèques-vacances.
Monopole et chasse gardée ne sont dans l'esprit ni de l'Europe, ni de ses
directives. Je conclurai donc en vous demandant, pour ce secteur du tourisme,
plus d'audace, de volontarisme et de moyens.
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si le
budget du tourisme augmente pour la troisième année consécutive, cette hausse
doit cependant être relativisée. Avec 473,5 millions de francs, il s'agit d'un
budget modeste, au regard tant du poids de l'économie touristique que de la
contribution des collectivités locales au développement de l'activité
touristique. Cette progression répond à l'objectif que vous avez fixé, madame
la secrétaire d'Etat, visant à porter les crédits du tourisme à 700 millions de
francs au terme de la présente législature.
Les chiffres précitées sont extraits du « bleu » budgétaire et reflètent
fidèlement la dotation attribuée au ministère du tourisme pour 2001. Ils
contredisent, et par conséquent invalident, votre présentation qui s'appuie sur
une dotation totalement artificielle - et impossible à identifier dans le
fascicule budgétaire - de 518 millions de francs.
Si l'on ne peut qu'accueillir favorablement le redressement des crédits du
tourisme engagé depuis 1999, il convient toutefois d'en relativiser
l'augmentation.
Hors moyens des services, le budget s'établit, en fait, à la somme modique de
334,8 millions de francs, répartie entre 290 millions de francs au titre du
développement économique du tourisme et 44,8 millions de francs au titre du
développement territorial du tourisme. En réalité, la hausse du budget est
certes significative, mais les dépenses d'investissement apparaissent
extrêmement faibles par rapport aux dépenses ordinaires, qui absorbent 90 % des
crédits.
Par ailleurs, une partie des crédits est affectée à la compensation de
l'assujettissement à la TVA, pour 3,7 millions de francs, de l'Agence française
de l'ingénierie touristique, l'AFIT.
Enfin, quelques éléments de comparaison permettent de ramener le budget du
tourisme à sa juste mesure, puisqu'il ne représente que 0,03 % du budget de
l'Etat, 3 % du budget de la culture, et seulement 46 % du montant de la TVA
encaissée par l'Etat sur les billets d'entrée à Disneyland Paris. Il est donc
permis de se demander si les sommes engagées pour 2001 seront à la hauteur du
poids réel de l'industrie touristique dans notre pays.
Si vos objectifs, madame la secrétaire d'Etat, peuvent apparaître
satisfaisants, cette hausse des crédits doit être mesurée par rapport à
l'importance du tourisme dans l'économie nationale et aux recettes fiscales
qu'il génère.
Le poids économique du secteur touristique n'est plus à démontrer et les
dernières statistiques disponibles, en date de 1999, l'attestent. Comme les
orateurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ont indiqué, la France est la
première destination touristique mondiale. Plus de 73 millions de touristes
sont venus en France l'année dernière. Le poste « fréquentation des touristes
étrangers » de la balance des paiements a généré un excédent de 91,5 milliards
de francs. Les activités caractéristiques du tourisme - hôtels, campings,
villages de vacances, résidences de tourisme, gîtes, auberges de jeunesse -
représentent à elles seules 204 700 entreprises et 624 370 salariés.
Globalement, le tourisme génère 2 millions d'emplois directs et indirects. Son
chiffre d'affaires annuel est de l'ordre de 700 milliards de francs, soit 7,4 %
du PIB.
Ces quelques données, qui démontrent l'indéniable attractivité de notre pays,
éclairent une remarque récente du Conseil national du tourisme, selon lequel ce
secteur d'activité est toujours « aussi mal loti sur le plan budgétaire ».
Le soutien budgétaire à la politique du tourisme ne se limite pas aux seuls
crédits du secrétariat d'Etat, et leur augmentation ne saurait masquer d'autres
apports essentiels pour l'économie touristique de la France. L'effort consenti
par les collectivités locales, en particulier par les régions, mérite d'être
souligné. A titre d'exemple, la contribution financière des conseils régionaux
est de l'ordre de 530 millions de francs par an et représente 82 % du budget
total des comités régionaux du tourisme.
Enfin, l'intervention la plus significative de l'Etat est constituée par la
dotation aux communes touristiques, désormais intégrée au sein de la dotation
forfaitaire de la nouvelle dotation globale de fonctionnement. Le montant versé
au titre de la dotation touristique s'est élevé, pour 2000, à 1 133 millions de
francs. L'avenir de cette dotation devrait être arrêté au terme d'une réflexion
engagée par le comité des finances locales.
Alors que la France est toujours la première destination touristique au monde
avec une fréquentation en progression moyenne de 3,7 % par an, le tourisme
français affiche néanmoins certaines fragilités.
Notre pays ne parvient pas, en effet, à tirer de son activité touristique des
recettes aussi importantes, proportionnellement, que celles qu'obtiennent ses
principaux concurrents : avec 11 % des arrivées mondiales, ses recettes sont
inférieures à celles que recueille l'Espagne qui ne reçoit, pourtant, que 7,8 %
des touristes.
Un autre phénomène préoccupant, relevé par l'Observatoire national du
tourisme, réside dans la stagnation, voire la baisse, des départs en vacances
des Français, tant en été qu'en hiver, et dans le raccourcissement de leurs
séjours.
Le chiffre total de nuitées enregistré a subi une érosion quasi continuelle
entre 1995 et 1999.
A l'inverse, un nombre croissant de Français, parmi ceux qui partent,
choisissent de voyager à l'étranger. L'examen des destinations choisies montre,
depuis 1990, une diminution des séjours en Europe et un accroissement des
départs vers l'Afrique, aussi importants, depuis 1999, que les séjours en
Espagne.
Cette évolution est d'autant plus préoccupante que l'arrivée sur le marché
national des grands voyagistes de l'Europe du Nord, capables de proposer des
forfaits très compétitifs, risque de détourner des vacances en France une bonne
partie des clientèles à petit budget.
La France ne doit donc pas se satisfaire de sa position de première
destination touristique ; elle doit continuer à améliorer son offre
d'accueil.
En outre, si la saison 1999 a été bonne, la part du tourisme dans le PIB a
faiblement régressé. Quant aux six premiers mois de l'année 2000, ils resteront
marqués par un net recul de la fréquentation touristique dans les régions du
littoral atlantique malheureusement touchées par le naufrage de
l'
Erika
.
Si l'on ne dispose pas d'estimations fiables du préjudice causé par la marée
noire aux professionnels du tourisme, il apparaît néanmoins que la baisse de
fréquentation a pu atteindre jusqu'à 30 % pour certains équipements.
Or le Gouvernement n'a visiblement prévu aucune mesure fiscale et sociale,
notamment en matière d'échelonnement des charges, pour permettre aux
professionnels du tourisme de faire face aux difficultés qu'ils rencontrent.
La nécessité de valoriser au mieux les atouts de notre économie touristique et
d'accroître la qualité de l'offre en ce domaine apparaît donc clairement. Cette
amélioration passe nécessairement par la réhabilitation de certains équipements
et par une meilleure répartition des activités.
Dans le cadre des contrats de plan Etat-région, le volet « tourisme » devrait
bénéficier, pour la période 2000-2006, d'une enveloppe d'un montant global de
897 millions de francs. Il serait souhaitable que ces crédits soient utilisés
dans le sens d'un rééquilibrage du territoire. L'effort budgétaire en faveur du
tourisme reste en effet trop concentré sur un quart du pays, alors même que des
actions de soutien ou de promotion contribueraient efficacement au
désenclavement de nombreuses communes et permettraient au tourisme d'être
considéré comme un élément du développement local à part entière.
Votre politique, madame la secrétaire d'Etat, doit en la matière se montrer
plus volontariste, afficher un soutien plus déterminé au tourisme local et
consentir un effort particulier en faveur des contrats de pays. La
territorialisation de l'économie touristique, voire sa décentralisation, peut
être une piste d'approche intéressante pour améliorer l'attractivité
touristique de l'ensemble du territoire.
En outre, il convient de veiller à ce que l'économie touristique ne prenne pas
de retard par rapport aux évolutions de la demande. La recherche d'offres
adaptées aux exigences nouvelles, qui dépassent le caractère strictement
saisonnier, doit aussi contribuer à l'équilibre de l'aménagement du territoire,
dans la mesure où l'augmentation des courts séjours favorise le développement
du tourisme régional.
L'amélioration de l'attractivité de l'ensemble du territoire français passe
aussi par un redressement rapide de l'image des régions touchées à la fois par
la marée noire et par les tempêtes de décembre dernier.
Enfin, le travail saisonnier et, partant, la précarité constituent un problème
récurrent dans la politique du tourisme : sur le million d'emplois qui existent
dans ce secteur, 420 000 ont un caractère saisonnier. Alors que cette question
a fait l'objet d'un rapport en 1999, le Gouvernement n'envisage toujours pas
d'actions concrètes pour améliorer la situation des travailleurs saisonniers et
pour réfléchir à leur statut ainsi qu'à leur formation.
Compte tenu de ces observations, mes collègues et moi-même considérons que, si
ce projet de budget comporte d'indéniables atouts, il ne répond pas aux
fragilités du secteur. Le groupe de l'Union centriste partage donc
l'appréciation de notre excellent rapporteur pour avis, qui, je le rappelle,
s'en est remis à la sagesse du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
années se suivent et les records se succèdent ! L'an dernier, la France a
enregistré 73 millions d'arrivées touristiques, confirmant encore sa position
de première destination touristique internationale.
Dans ces bons résultats nationaux Paris n'est pas en reste, puisque, avec plus
de 31 millions de nuitées en 1999, dont 22 millions de nuitées étrangères, la
capitale demeure une toute première destination mondiale du tourisme de loisirs
et d'affaires.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cette situation, mais je ne voudrais pas
en conclure que le rôle de la puissance publique a été déterminant en la
matière. D'ailleurs, je m'en félicite, car je sais d'expérience que ce qui est
essentiel dans le domaine du tourisme, c'est de laisser les acteurs répondre
librement, et donc efficacement, aux attentes du client.
A cet égard, je ne vous cacherai pas, madame la secrétaire d'Etat, mon
inquiétude quand je lis que « le renforcement du rôle de l'Etat dans le domaine
touristique » constitue l'un des trois axes prioritaires de la politique du
Gouvernement. Je ne veux pas y voir le retour d'une intention d'administration
ou d'étatisation de notre économie touristique. Ce serait évidemment faire
fausse route. Si l'industrie touristique française est, depuis longtemps, en
pointe, c'est justement parce que l'Etat s'y est moins investi que dans
d'autres secteurs.
Je ne récuse pas l'idée de toute intervention, bien au contraire. Il est en
effet des interventions très utiles. Vous souhaitez conforter le tourisme comme
vecteur de l'aménagement du territoire et du développement local. Vous voulez
également développer l'accès aux vacances pour tous. Très bien !
Le présent projet de budget affiche une progression de 12 % par rapport à la
loi de finances initiale de 2000, avec une dotation de 473,5 millions de francs
en moyens de paiement, permettra d'oeuvrer dans le sens que vous jugez
prioritaire.
A ce stade, peut-on dire qu'il s'agit d'une vraie politique du tourisme, à la
hauteur des enjeux d'aujourd'hui et de demain ?
J'adhère pleinement aux propos du rapporteur pour avis, notre éminent collègue
Charles Ginésy, qui a fort judicieusement souligné les fragilités de l'économie
du tourisme.
Nous somme à l'ère du village mondial, et la concurrence est particulièrement
rude. Paris est directement concurrencé par le Grand Londres, Tokyo et New
York.
Dans cette compétition mondiale, il est plus que jamais indispensable de
promouvoir la destination France. C'est d'ailleurs la vocation du GIE « Maison
de la France », fort de ses trente-deux bureaux, dans vingt-cinq pays, couvrant
trente-huit marchés.
Cependant, je regrette vivement, madame la secrétaire d'Etat, la faiblesse des
dotations financières à cette structure prévues pour 2001, qui ne progressent
que de 4 %.
Il me paraît indispensable de faire un effort significatif en matière de
promotion, notamment en accentuant la stratégie Internet de Maison de la
France.
Notre pays ne figure qu'en sixième position pour les moyens qu'il consacre à
la promotion, derrière l'Espagne, la Thaïlande, Singapour, l'Autriche. Cela
n'est pas satisfaisant.
Je regrette l'effet un peu anesthésiant des lauriers que nous recueillons
chaque année. Notre première place en nombre de touristes accueillis nous
endort un peu. Beaucoup de ces touristes ne font que passer sur notre
territoire, et la recette touristique n'est pas à la hauteur de la
fréquentation. C'est pourquoi nous devons faire un plus grand effort en matière
de promotion de la destination, de politique d'image et de valorisation de
notre patrimoine, pour retenir plus longtemps nos visiteurs.
Comme chaque année, j'insisterai sur l'urgence qu'il y a à mettre un terme aux
distorsions des taux de TVA pénalisant la restauration classique, taxée à 19,6
%, par rapport aux autres formes de restauration, taxées à 5,5 %. Rien, pas
même le coût budgétaire pour l'Etat, n'explique plus l'obstination du
Gouvernement à refuser la création de 40 000 emplois que permettra cette
mesure, dès sa première année d'application.
Je le répète, il s'agit de 40 000 vrais emplois n'ayant rien à voir avec les
emplois-jeunes, qui, le jour de leur évaluation venu, nous réserveront de
belles déconvenues.
Alors, je vous le demande, madame la secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire
en la matière et quelles démarches allez-vous entreprendre pour convaincre le
ministre des finances et le Premier ministre du bien-fondé de cette disposition
? Les 9 313 entreprises parisiennes de restauration, qui représentent 66 563
emplois salariés, sont impatientes de connaître votre réponse.
Le tourisme est plus que jamais une industrie qui, pour se développer, a
besoin d'un environnement légal, réglementaire et fiscal favorable. La
puissance publique a un rôle primordial à jouer à cet égard : elle doit
justement, par tous les moyens, enlever les entraves et inciter les acteurs
privés à aller de l'avant, à investir pour moderniser et adapter l'offre
touristique.
Qu'on le veuille ou non, madame la secrétaire d'Etat, le monde évolue, il
bouge. Les frontières n'existent plus dans le secteur du tourisme. Et il nous
appartient de préparer les évolutions de demain, voire d'en prévenir certaines,
qui n'ont rien d'inéluctable.
Il est une évolution que je constate : c'est le rachat progressif de toute une
série d'acteurs par les groupes étrangers.
Bon nombre de salons parisiens ont été créés à l'origine par des organisations
professionnelles françaises, mais sont progressivement rachetés par des
sociétés à capitaux étrangers.
Il en va de même dans le secteur de l'hôtellerie. Je ne prendrai qu'un exemple
: cinq des six palaces parisiens - le Ritz, le Bristol, le Plaza, le George-V
et le Meurice - sont aujourd'hui l'entière propriété de personnes ou de groupes
étrangers.
Dans le secteur des voyagistes, la même concentration de capitaux s'opère,
avec, notamment, le rachat de Nouvelles Frontières.
Voilà les nouvelles tendances qui sont aujourd'hui à l'oeuvre. Vous voudriez
les interdire que vous ne le pourriez pas, et c'est heureux.
Mais il faut en prendre conscience et tout faire pour que des acteurs
nationaux s'insèrent et prennent toute leur place dans ce mouvement.
Il faut dès à présent encourager les groupes français à investir dans notre
pays. Aussi serais-je très heureux de savoir quelles dispositions particulières
vous entendez prendre pour éviter cette situation qui consiste, lorsqu'on est
Français, à quitter son pays pour investir sous des latitudes fiscalement plus
favorables.
En la matière, tout laisse à penser que c'est la loi qui opprime et la liberté
qui affranchit.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le tourisme
contribue à hauteur de 91,5 millions de francs à l'excédent de notre balance
commerciale, soit près du double du secteur agro-alimentaire. Or, les crédits
consacrés à votre secrétariat d'Etat, madame, ne représentent que 0,3 % du
budget national.
Comme l'a souligné M. Bernard Plasait, la France, par rapport à ses
concurrents étrangers, figure à la sixième place pour les moyens consacrés à la
promotion. Mais si l'on rapporte le volume d'investissement au nombre de
touristes, la chute est vertigineuse, et c'est alors le soixante-quatorzième
rang que notre pays occupe, avec moins d'un dollar en moyenne. Pour donner un
ordre de grandeur, disons que l'Autriche et la Suisse multiplient ce rapport
par trois et demi.
Si la France reste une destination favorite des visiteurs, il faut constater
que la durée de séjour de ces derniers est très courte. Nous accueillons 11 %
du flux mondial, soit 4 % de plus que l'Espagne, alors que, les recettes de nos
voisins d'outre-Pyrénées sont pourtant supérieures aux nôtres. Il est aisé de
comprendre que la France est plus un pays de transit que l'Espagne.
Les moyens dont dispose le GIE « Maison de la France » restent encore
insuffisants. Le temps est venu, me semble-t-il, de revoir les conditions de
fonctionnement de cet outil qui est le fer de lance de notre promotion à
l'extérieur. Compte tenu des données actuelles, le travail fourni est
excellent, mais il est nécessaire d'améliorer les conditions mises à sa
disposition.
Depuis l'année dernière, l'intégralité de ses activités est assujettie à la
TVA. On sait qu'elle réalise de nombreuses prestations pour le secteur privé.
Si les crédits du GIE « Maison de la France » augmentent, l'Etat les reprend
cependant partiellement, par le biais de prélèvements.
Il faut également signaler que l'accès aux services de Maison de la France
n'est pas égal pour tous. Le partenariat entre le secteur public et le secteur
privé conduit à privilégier ceux qui ont les moyens d'y avoir recours. Force
est de constater que 80 % des petits hôteliers ne les possèdent pas. Seules les
entreprises importantes sont à même de bénéficier de ce relais. Une réflexion
devrait être engagée pour trouver une voie qui ne laisse pas sur le bord de la
route un nombre aussi important de demandeurs.
Depuis cinq ans que je siège à la Haute Assemblée, il n'est pas d'occasion que
je saisisse pour souligner le taux trop élevé de TVA appliqué aux secteurs de
l'hôtellerie et de la restauration. C'est là, non pas un combat corporatiste,
mais l'observation de la réalité qui montre qu'on pénalise sciemment un secteur
d'activité dynamique. Comment voulez-vous être compétitif par rapport à nos
voisins européens quand la récupération de la taxe se fait à 5,5 %, alors même
que le prélèvement s'établit à 20,6 %.
La pirouette habituelle consiste à sortir l'argument de l'«
euro-incompatibilité ». Pourtant, le Portugal a récemment obtenu l'adoption
d'une directive dérogatoire qui valide rétroactivement sa pratique du taux
réduit de TVA depuis 1996. Nos représentants seraient-ils moins convaincants
que les leurs ? La France assure la présidence de l'Europe, je vous le
rappelle.
L'application du taux réduit fait l'unanimité sur tous les bancs. Néanmoins
Bercy, après l'avoir annoncé, résiste. C'est privilégier délibérément la
rentrée immédiate de recettes au détriment du développement d'un secteur auquel
le budget de l'Etat trouverait bénéfice.
A ce handicap fiscal s'ajoute celui de la mise en place de la réduction du
temps de travail. Or je n'ai pas entendu les propositions du Gouvernement pour
faciliter l'application de ces nouvelles dispositions là où la modulation du
temps de travail est indispensable pour répondre à la demande touristique.
Alors qu'on a affaire à une activité à forte utilisation de main-d'oeuvre -
et de main-d'oeuvre qualifiée - il faut prévoir non seulement des aménagements,
mais également des incitations portant sur des allégements touchant les charges
sociales patronales. J'aimerais savoir, madame la secrétaire d'Etat, ce que le
Gouvernement à l'intention de proposer à cet égard.
Les professionnels du tourisme ont un sentiment mitigé à l'égard de la
direction du tourisme. Ils estiment que son image ne les reflète plus vraiment
et qu'elle perd en efficacité. Depuis vingt ans, cette direction conserve
l'intégralité des actions dont elle avait la charge, alors que les moyens
budgétaires et les moyens en personnel ne sont plus les mêmes. Plutôt que
l'essaimage, pourquoi ne pas choisir des axes prioritaires soutenus par une
concentration des actifs ?
J'aborderai à présent des questions de fond, dont le nombre, compte tenu de
mon temps de parole, sera forcément limité.
La présidence française de l'Union européenne va bientôt toucher à son terme,
madame la secrétaire d'Etat, et je me demande si, en matière de tourisme, elle
a été bien utilisée.
L'harmonisation et la modernisation auraient dû être les objectifs.
Les règles de classement hôtelier, par exemple, datent de trente ans ; elles
sont largement obsolètes. Une remise à jour de la classification, en accord
avec les pays de l'Union européenne, aurait bien auguré de l'avenir, tout comme
des accords auraient pu intervenir en matière d'alignement des heures
d'ouverture des lieux fréquentés par les touristes d'un pays à l'autre.
L'abolition des frontières appelle des réponses évolutives mais, surtout,
accordées.
C'était aussi l'occasion d'engager une concertation sur le nouveau
fonctionnement de l'observatoire du tourisme. Quel bilan pouvez-vous nous
fournir madame la secrétaire d'Etat ?
Mais revenons-en à un cadre plus hexagonal : un vent de modernisation doit
souffler sur la loi de 1992 portant sur la commercialisation. Les
professionnels la trouve dépassée. La constitution, notamment en Allemagne, de
gros pôles de tour-opérateurs rend cette refonte urgente.
Dans le domaine législatif, l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition
de loi déposée voilà quelques années par le député Joël Sarlot en vue
d'éliminer les locations non déclarées est également attendue. Pouvons-nous
l'espérer pour bientôt ou, si cette proposition de loi est caduque, la voir
reprise, sous forme d'un projet de loi par le Gouvernement, qui doit veiller à
l'application des règles de compétitivité ?
L'Etat a un rôle d'animateur et de conseiller à jouer - je l'ai dit voilà un
instant - sur le plan européen, en normalisant les relations et les
réglementations avec les autres Etats, d'abord en Europe, puis dans le monde.
Mais, pour cela, il est impératif d'être à l'écoute des professionnels, au
risque de ne pas répondre aux besoins de ceux-ci. C'est, par exemple, le cas
pour les agents de voyages. Où est l'efficacité s'il y a décalage ?
L'importance du tourisme dans l'activité économique du pays mérite que ce
département ministériel soit directement rattaché à Matignon avec une réforme
des structures à la clé. Maison de la France est son Quai d'Orsay tout trouvé
dans ses représentations à l'étranger. Voyez, madame la secrétaire d'Etat, que
je nourris beaucoup d'ambition à votre égard.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bony, dont je crois savoir qu'il intervient pour la
dernière fois, à cette tribune, à l'occasion d'un débat budgétaire.
M. Marcel Bony.
Madame la secrétaire d'Etat, comme mon ami Jean Besson, qui s'est plus
particulièrement chargé de la partie chiffrée, je me réjouis de l'augmentation
importante du budget du secrétariat d'Etat au tourisme.
De même, je ne peux qu'approuver le choix de vos objectifs principaux :
l'aménagement durable du territoire, pour lequel vous avez obtenu le
quadruplement des crédits du tourisme au sein des contrats de plan, l'accès aux
vacances pour tous, avec une augmentation, de près de 40 % des crédits inscrits
à ce titre, et, enfin, le renforcement du rôle de l'Etat. Voilà qui convient
tout à fait à l'élu de moyenne montagne que je suis. C'est d'ailleurs plus
particulièrement ce sujet que je souhaite aborder aujourd'hui.
Madame la secrétaire d'Etat, le tourisme de moyenne montagne est un véritable
enjeu pour le pays, et le rapport qui vous a été remis récemment sur ce sujet
en fait le constat. Je ne doute pas que vous veillerez à ce que cela se
traduise par des mesures concrètes.
A mon avis, le rapport pose bien les problématiques : « des espaces vastes,
divers et interdépendants où le tourisme prend une part grandissante mais n'est
pas la panacée ; des atouts sous-exploités ; des handicaps quant à
l'organisation, l'offre, l'image, le professionnalisme ». Tout cela me paraît
d'autant plus pertinent que le développement durable est toujours mis en
perspective.
Je parlerai tout d'abord des stations de moyenne montagne et des trois saisons
touristiques qu'elles connaissent, à savoir la saison d'hiver, la saison d'été
et la saison thermale.
Depuis une quinzaine d'années, la saison d'hiver est aléatoire, même à 1 800
mètres d'altitude, à cause du manque d'enneigement qui nécessite des
investissements de plus en plus lourds pour les petites communes.
J'ai souvent eu l'occasion d'intervenir en faveur de ces stations villages qui
correspondent à une vraie demande touristique familiale. Or le fonds neige,
dont on parle depuis plusieurs années, demeure toujours une question sans
réponse.
La saison d'été est pratiquement limitée aux mois de juillet et d'août et trop
rarement étendue au mois de septembre. La multisaisonnalité a du mal à voir le
jour, même si une meilleure dissémination de la demande touristique sur
l'ensemble de l'année est d'ores et déjà perceptible grâce à la réduction du
temps de travail. Mais plus de coordination des acteurs et des partenaires
publics est nécessaire.
A cet égard, l'incitation à la coopération intercommunale intégrée doit être
forte. L'idée de mettre en place des sociétés locales de développement
touristique durable est à creuser, car cela permettrait de regrouper acteurs
publics et socioprofessionnels dans une structure à vocation commerciale.
L'hébergement est une composante essentielle de l'offre d'accueil. L'effort
consenti par le Gouvernement en faveur des villages résidentiels de tourisme
est louable et sera prolongé par les dispositions de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains concernant les opérations de rénovation
de l'immobilier de loisir. Tant mieux !
Cependant, il conviendrait d'accentuer l'aide à la petite hôtellerie, dont
l'activité à caractère saisonnier ajoute aux difficultés rencontrées par le
tourisme en moyenne montagne. L'amortissement des investissements sur quelques
mois a un coût élevé, comme vous le savez, alors que certaines charges fixes
sont plus importantes qu'ailleurs. En outre, une mesure fiscale facilitant la
transmission du patrimoine hôtelier en zone de revitalisation rurale serait la
bienvenue.
La saison thermale et climatique est une autre caractéristique de la moyenne
montagne. Cette activité, qui n'est pas délocalisable, correspond à une
clientèle malade, plutôt âgée, souvent constituée de personnes seules, ce qui
induit une image de marque négative. Mais, même si leurs activités sont peu
diversifiées, ces stations thermales constituent un volet indispensable et très
complémentaire de l'économie locale.
Si certains contrats de plan prévoient heureusement des actions destinées à
revaloriser cette activité, il apparaît que le développement du thermalisme
thérapeutique se heurte toujours à une conception qui privilégie la remise en
forme. Or la crise de fréquentation qui affecte depuis longtemps les cures
aurait dû inciter les professionnels du secteur à concilier le médical et le
ludique, plutôt que de les opposer.
Il importe donc de moderniser l'offre des stations, qui n'est plus du tout
adaptée à la demande, surtout celle des jeunes, tout en préservant l'aspect
sanitaire du thermalisme.
Dans le « sillage » des stations, on trouve des espaces ruraux qui tentent de
lier leur sort à celui d'un pôle ou d'un point fort touristique. Toutefois, les
bénéfices tirés de ce pouvoir d'attraction sont loin d'être évidents, faute
probablement d'une organisation commune. De plus, le secteur rural isolé
continue de perdre des habitants, des services publics, bref de la vie. Il
existe certes une demande pour l'« agritourisme » et l'accueil à la ferme, mais
cela ne concerne encore que 2,3 % des exploitations agricoles. Le dispostif des
contrats territoriaux d'exploitation diversifiés reste donc à améliorer, plus
particulièrement dans les zones agricoles difficiles où toutes facilités
doivent être accordées aux pluriactifs et où des actions de formation
spécifiques doivent être engagées.
Madame la secrétaire d'Etat, il y a du travail en perspective pour qui veut,
comme les collectivités locales et leurs établissements publics, se placer dans
l'optique de l'aménagement et du développement du territoire. A cet égard, le
contrat de plan est un excellent outil, mais il existe d'autres procédures
publiques à améliorer, s'agissant notamment des conventions interrégionales de
massif.
A l'échelon local, la dotation touristique, bloquée au sein de la DGF, est à
revoir. Quant à la taxe de séjour, son rendement pourrait être meilleur si son
recouvrement était assuré par les services fiscaux.
Enfin, madame la secrétaire d'Etat, je vous exprime mes félicitations pour la
revalorisation du statut des saisonniers du tourisme et pour les dispositions
prises en vue de faciliter leur logement. La moyenne montagne a besoin de
développement et d'orientations spécifiques. C'est pourquoi je vous remercie de
bien vouloir plaider auprès du Premier ministre en faveur de la mise en place
d'une mission interministérielle du tourisme en moyenne montagne.
Madame la secrétaire d'Etat, je conclus en vous assurant de la confiance des
citoyens et des élus que je représente.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine.
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier Mme le rapporteur spécial de
la commission des finances et M. le rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques et du Plan de la densité et la qualité de leurs rapports
et l'intérêt de leurs suggestions. Je remercie également tous les orateurs de
leurs contributions et leurs questions, auxquelles je vais tenter de répondre
tout au long de mon propos.
Vous avez, madame et monsieur les rapporteurs, rappelé les chiffres du
tourisme et souligné l'importance des enjeux économiques qui y sont liés. Je
n'y reviendrai pas, car cela est connu de tous.
Toutefois, je rappellerai quelques prévisions de croissance de la
fréquentation touristique avancées par l'Organisation mondiale du tourisme :
dans les dix ans, on attend un triplement des flux à l'échelle mondiale, soit
deux milliards de touristes par an, un doublement à l'échelon de l'Europe, soit
huit cents millions de visiteurs par an, et 300 millions de visiteurs par an à
l'horizon 2025 pour les seules zones côtières du pourtour méditerranéen.
Ces prévisions et les exigences d'anticipation qu'elles impliquent pour les
Etats et les professionnels ont été au coeur des débats du forum sur le
développement durable du tourisme, que j'ai organisé à Lille le 22 novembre
dernier. Une plus grande volonté de coopération entre les quinze Etats membres
de l'Union européenne ne s'est ainsi manifestée, à l'occasion de la réunion
informelle des ministres européens du tourisme que j'ai présidée ce même jour à
Lille dans l'optique de la présidence française de l'Union.
A cet égard, monsieur Joly, les sujets que vous avez abordés ont fait l'objet
de résolutions très concrètes, qui sont au nombre de douze, parmi lesquelles
figure notamment le classement hôtelier. Je puis d'ailleurs ajouter que, voilà
un an, pour la première fois depuis la création de l'Union européenne, quatre
groupes de travail réunissant des experts ont été mis en place par la
Commission européenne afin de réfléchir sur un certain nombre de sujets, dont
ceux de la qualité de l'offre touristique - je crois que le classement hôtelier
en fait partie - du développement durable, de l'emploi et des systèmes
d'information développés grâce aux nouvelles technologies.
Par conséquent, puisque vous vous inquiétiez de l'énergie et du dynamisme de
la présidence française sur ce sujet, je peux vous affirmer qu'ils se sont
manifestés tout au long des cinq mois écoulés, mais aussi bien avant, car pour
obtenir un tel résultat il faut avoir travaillé en amont.
J'ai présenté hier matin à Bruxelles les résultats de ces travaux devant le
Conseil « marché intérieur ». Dans le strict respect du principe de
subsidiarité, une volonté commune s'y est dégagée de promouvoir une approche
intégrée du tourisme, notamment en développant les échanges de bonnes
pratiques, les réseaux d'information sur les expériences menées en matière de
qualité et de promotion du tourisme durable et l'élaboration des comptes
économiques.
Cette volonté démontre la montée en puissance d'une certaine stratégie
européenne du tourisme, nécessaire pour relever les défis que révèlent les
chiffres exponentiels de croissance de ce secteur.
Première destination touristique mondiale cette année encore, la France se
doit de jouer, en matière de politique du tourisme, un rôle naturellement
pilote et reconnu comme tel, de par ses orientations et les instruments qu'elle
a mis en place. C'est pourquoi le Gouvernement a accompagné le développement
constant de l'économie touristique d'une progression non moins continue des
crédits du budget du département ministériel chargé d'animer ce secteur.
Cette croissance se poursuit en effet depuis trois ans : elle a atteint 15,5 %
l'année dernière et 10,7 % voilà deux ans. Je rappellerai que, à mon arrivée,
j'ai trouvé un budget de 355 millions de francs. Il est satisfaisant de
constater que l'année 2001 marquera le passage du cap symbolique du
demi-milliard de francs.
Ainsi, le budget qui vous est présenté dépasse 518 millions de francs, soit
une croissance de 16 %, auxquels il faut ajouter 105 millions de francs qui
viennent d'être inscrits dans la loi de finances rectificative pour 2000 au
titre des avenants « tempêtes » et « marée noire », sur les 420 millions de
francs de crédits accordés par le comité interministériel pour la période
2000-2003 pour l'aménagement et le développement du territoire. Le budget total
de mon département ministériel pour 2001 sera donc, en réalité, supérieur à 620
millions de francs, soit une croissance consolidée de près de 40 % en un an !
En outre, l'étalement de ces moyens supplémentaires sur trois ans leur assure
une certaine pérennité.
Il convient d'ajouter à ce montant les engagements des autres ministères en
faveur du tourisme, qui, en première estimation, atteindraient plus de trois
milliards de francs. C'est d'ailleurs pour souligner le caractère transversal
et interministériel du tourisme et de l'action que je mène que j'ai décidé,
monsieur Dubrule, de réaliser un « jaune budgétaire » que je vous présenterai
l'an prochain. Y sera inscrite, monsieur Maman, la part de l'investissement
touristique, charge supportée essentiellement, comme vous le savez, par le
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, et
qui ne figure donc pas dans mon budget, ainsi que par les crédits européens.
Enfin, le bilan des engagements publics en faveur du tourisme ne serait pas
complet, puisque ce secteur est décentralisé, si l'on ne prenait pas en compte
les engagements des régions, des départements et des communes, engagements qui
représentent plusieurs milliards de francs et auxquels il convient encore
d'ajouter, s'agissant des zones de revitalisation rurale, les mesures fiscales
prises pour inciter à l'investissement dans l'immobilier touristique. Je vous
informe que, à l'heure actuelle, la réalisation de 4 500 lits touristiques
bénéficie déjà de ces dispositions fiscales.
Comme ceux qui l'ont précédé, ce budget a pour objet d'aider notre industrie
touristique à poursuivre et à accroître ses efforts d'adaptation
structurelle.
Cette adaptation est en effet indispensable pour conserver notre place sur le
plan international, en termes tant de fréquentation que de recettes, car le
secteur du tourisme présente, comme vous l'avez souligné à juste titre,
mesdames, messieurs les sénateurs, des signes de fragilité.
C'est d'ailleurs peut-être l'enseignement principal que je tire du bilan de
notre saison touristique 2000. En effet, si la situation d'ensemble s'est
révélée satisfaisante, elle a marqué un certain nombre d'évolutions : une forte
sensibilité aux événements conjoncturels, en l'occurrence les tempêtes et la
marée noire, qui peuvent se reproduire comme on le voit avec le
Ievoli Sun
;
de nouveaux rythmes de vie et de travail amenant un fractionnement des
vacances et impliquant une adaption de l'offre ; une concurrence de plus en
plus vive de la part des pays émergents ; enfin, une demande plus différenciée
et plus personnalisée des Français et des autres Européens.
Par ailleurs, vous avez pertinemment indiqué, madame Beaudeau, que les
recettes que nous retirons de cette fréquentation record sont inférieures à
celles de nos principaux concurrents, à savoir l'Espagne et les Etats-Unis.
Cela est vrai, mais la situation est en train de changer.
En ce qui concerne l'Espagne, il faut noter une baisse récente de ses
recettes, alors même que la fréquentation est en hausse. Cette évolution
résulte en fait d'une réorientation de la politique espagnole du tourisme, eu
égard aux conséquences environnementales de celui-ci, l'effort portant
désormais sur un tourisme plus diversifié et plus équilibré.
Pour les Etats-Unis, la situation est différente. On y constate un fort
pourcentage de touristes d'affaires, des durées de séjour très longues et des
activités qui entraînent un niveau de dépenses par visiteur très élevé, dû à
une clientèle disposant de hauts revenus.
Par comparaison avec ceux de ces deux pays, les indicateurs économiques de la
France enregistrent, pour leur part, des évolutions significatives. La
consommation touristique a ainsi augmenté en moyenne, entre le premier semestre
de 1998 et le premier semestre de 2000, de plus de 23 %, alors que la
fréquentation a augmenté de 4,8 %.
Par conséquent, la dépense moyenne de nos visiteurs étrangers augmente
sensiblement. C'est le résultat d'une politique de diversification de nos
produits et activités touristiques, fondée notamment sur la qualité. Cela est
évidemment à mettre au compte des professionnels du tourisme - j'en suis bien
d'accord avec vous, monsieur Plasait - mais aussi d'une volonté politique,
d'une animation et d'une réorientation des moyens de l'Etat.
Une adaptation structurelle est tout aussi nécessaire, à l'intérieur de notre
pays, pour développer nos territoires et l'emploi local et pour faire profiter
le plus grand nombre possible de nos concitoyens de leurs droits aux vacances
et aux loisirs.
C'est pourquoi mon projet de budget est orienté selon trois directions
principales : l'aménagement durable du territoire et le développement local,
l'impulsion économique et la création d'emplois, l'accès aux vacances pour
tous.
Le projet de budget pour 2001, cela a été souligné, marque, en faveur de
l'aménagement durable de notre territoire et de nos régions, un effort sans
précédent, qui se poursuivra jusqu'en 2006. En effet, j'ai obtenu un
quadruplement des crédits du tourisme au sein des contrats de plan Etat-région,
soit 788 millions de francs auxquels s'ajoutent 109 millions de francs pour les
massifs, soit au total 897 millions de francs, dont 125 millions de francs au
titre de 2001.
Cinq thèmes principaux ont été proposés : l'amélioration de l'hébergement,
l'observation économique, l'adaptation des entreprises aux évolutions du
marché, le droit aux vacances pour tous et le renforcement de la capacité
d'attraction des territoires.
Afin d'accentuer le rééquilibrage territorial, ce qui est, monsieur Besson,
l'une de vos préoccupations, et de favoriser le développement touristique de
l'espace rural, trois initiatives nouvelles sont programmées en 2001 dans
l'optique de ce projet de budget.
Tout d'abord, une campagne de promotion des régions touchées par les tempêtes
a été lancée pour créer une véritable image de la « destination France » en
termes de tourisme de pays, de tourisme vert et de tourisme de nature. On peut
la suivre actuellement dans un certain nombre de nos hebdomadaires.
M. Jean Besson.
Très bien !
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat.
Elle comportera, dès ce mois-ci, un volet hivernal,
plutôt tourné vers les régions Lorraine et Midi-Pyrénées, et, au printemps et à
l'été prochains, un volet « campagne verte ». Cette campagne concernera à la
fois le marché français et les principaux marchés européens.
Par ailleurs, la conférence permanente du tourisme rural, dont j'ai annoncé la
création à Manosque en septembre dernier, sera mise en place, dès parution de
son décret constitutif, au début de 2001. Elle associera l'ensemble des acteurs
du milieu rural afin de mettre en cohérence politiques et partenaires sur ce
thème essentiel pour l'avenir de nos territoires ruraux.
Enfin, monsieur Bony, le rapport sur la moyenne montagne, réalisé à la demande
du Premier ministre, pour élaborer un plan de développement touristique durable
des espaces montagnards situés hors des grandes stations a été rendu public
voilà quelques semaines, il est actuellement sur Internet. Il fait actuellement
l'objet d'une analyse entre les ministères concernés et je proposerai une série
de mesures lors du prochain conseil national de la montagne.
Monsieur Besson, je vous confirme que le fonds de garantie pour l'hôtellerie
est actuellement à l'étude.
De même, concernant le souhait que vous exprimez, comme M. Bony d'ailleurs,
que soit poursuivi le travail engagé pour moderniser et développer les stations
thermales, je rappellerai le programme national actuellement suivi par mes
services et par ceux de la DATAR pour aider les stations existantes à mieux
définir leurs stratégies de développement. A ce jour, onze stations ont fait
l'objet d'un diagnostic et onze stations supplémentaires sont candidates à ce
programme 2000. Ce programme rencontre un vif succès et il sera poursuivi dans
le prochain exercice.
Monsieur Ginésy, vous avez évoqué la nécessaire réhabilitation du mobilier de
loisirs touristiques. Comme vous le savez, la loi SRU a été adoptée par
l'Assemblée nationale voilà quelques jours. Je vous confirme que, dès sa
promulgation, les décrets sur les dispositifs, qui sont prêts depuis plus d'un
an, sortiront après l'avis définitif du Conseil d'Etat, avec lequel nous
travaillons en étroite concertation.
Afin d'accélérer leur mise en oeuvre, je compte promouvoir ces nouveaux
dispositifs, en concertation avec les associations d'élus, les professionnels
et les opérateurs locaux. Je vous annonce que j'ai réservé des moyens
financiers à cette fin.
Vous m'avez, madame Beaudeau, interrogé sur le cas particulier des parcs à
thèmes. A condition qu'ils soient bien étudiés, de dimension raisonnable et
qu'ils répartissent bien la charge et les risques entre secteur public et
secteur privé, ces parcs, petits et moyens, peuvent structurer les territoires,
y compris des territoires ruraux, et y faciliter la diffusion des flux
touristiques. Mais je partage votre point de vue sur la prudence qui doit
inspirer ces démarches.
Je crois à cet égard que les difficultés qui ont marqué l'époque de démarrage
reposaient sur des erreurs de conception graves, et ont rendu les experts, les
banquiers, les entreprises et les collectivités locales plus circonspects.
Vous avez été plusieurs, et c'est bien normal, à revenir sur les catastrophes
qui ont marqué l'année 2000 : les intempéries et le naufrage de
l'
Erika.
Ainsi que vous l'avez souligné, madame le rapporteur spécial, l'événement
douloureux qu'a été la marée noire a entraîné une formidable mobilisation, qui
a permis que la saison touristique se déroule dans les meilleures
conditions.
Vous m'interrogez également sur ce point, M. Ginésy : le Gouvernement a dégagé
des moyens d'urgence, mis en oeuvre des mesures d'accompagnement et, dans le
cadre des avenants aux contrats de plan, ce sont 117 millions de francs qui ont
été décidés pour les régions concernées sur la période 2000-2006, afin de leur
permettre de requalifier leur offre touristique.
Je suis très attentive à la mise en oeuvre des mesures d'indemnisation par le
FIPOL. J'ai ainsi obtenu qu'il élabore un formulaire simplifié pour les PME et
qu'il organise au plus près du terrain des réunions d'information pour les
responsables d'entreprises et les organismes consulaires. Je veillerai aussi,
conformément à l'engagement du Premier ministre, à ce que les victimes du
naufrage de l'
Erika
soient totalement indemnisées des dommages qu'elles
ont subis.
Dans le domaine économique, le dynamisme des créations d'emplois, qui sont
passés de 12 000 en 1997 à 30 000 en 1999, ne doivent pas occulter les
difficultés - vous les avez rappelées, madame Terrade, ainsi que d'autres
parlementaires - auxquelles est confronté ce secteur. En effet, l'emploi
touristique ne peut se développer dans la durée si l'on ne répond pas, par
exemple, au problème posé par la professionnalisation des acteurs ou par la
situation précaire de trop nombreux travailleurs.
J'entends poursuivre en 2001 mon action dans ce domaine qui est, vous le
savez, l'un des axes prioritaires du Gouvernement. C'est ainsi que je serai
particulièrement attentive aux moyens d'aider les petites et moyennes
entreprises du secteur hôtels, cafés et restaurants et de répondre à leur
besoin de recrutement et de modernisation. En effet, l'enjeu est d'importance
s'agissant d'un secteur qui emploie un million de personnes et génère un
million d'emplois indirects.
Le maintien et le développement de la qualité des prestations touristiques
passent bien évidemment par la qualité de l'emploi. Cela suppose de rendre ce
secteur attractif en termes de salaires et de conditions de travail. C'est
ainsi que des négociations paritaires ont lieu dans la branche des hôtels,
cafés et restaurants sur la réduction du temps de travail. Plusieurs réunions
se sont déjà tenues et d'autres sont programmées dans les jours à venir.
Ainsi que je l'ai fait depuis trois ans et demi, j'entends accompagner la
modernisation sociale dans ce secteur. C'est ainsi que j'ai lancé une réflexion
permettant de les aider dans leur démarche de modernisation, d'amélioration des
conditions de travail de leurs salariés, et dans le maintien des équilibres
économiques fragiles qui sont les leurs.
Un travail en commun avec le ministère de l'emploi et de la solidarité est
mené, dont l'aboutissement devrait être un plan emploi-formation, répondant à
la fois aux difficultés de recrutement, aux besoins de formation et à
l'accompagnement de la réduction du temps de travail.
Pour les professionnels de la restauration, la question de la baisse de TVA
est un moyen, selon eux, d'accélérer le mouvement en cours vers la
normalisation et l'amélioration de l'attractivité de leur secteur.
Vous avez été plusieurs, sinon tous, à me poser des questions sur ce sujet.
Chacun connaît ma position. Ce dossier a sérieusement progressé : il a fait
l'objet d'un véritable débat au sein du Gouvernement mais il n'a pu aboutir
pour 2001 dans la mesure où il fallait faire des choix budgétaires et, dans le
même temps, obtenir l'approbation de la Commission européenne.
Vous avez été plusieurs à m'interpeller sur les difficultés de recrutement
dans ce secteur ; elles sont fortement liées au problème des saisonniers. Vous
le savez, à la suite du rapport Le Pors, j'ai annoncé au mois de février
dernier quinze mesures en conseil des ministres, qui se concentrent sur deux
problèmes : le logement et les droits sociaux.
Ainsi, des dispositions réglementaires ont été prises pour élargir l'accès aux
aides personnelles au logement. Par ailleurs, un dispositif d'aide à la
programmation de 6 000 logements en trois ans est prévu ; des collectivités
locales sont d'ores et déjà engagées dans ce dispositif.
Concernant les droits sociaux, des initiatives visant à renforcer les
contrôles de l'inspection du travail et à développer la formation hors saison
ont été prises. Le projet de loi de modernisation sociale, qui sera débattu au
mois de janvier 2001, permettra la validation des acquis pour ces salariés. En
outre, d'autres initiatives se concrétisent, telles que des maisons des
saisonniers à Villars-Pont-d'Arc, à Serre-Chevalier, à Ax-les-Thermes et à
Belle-Ile-en-Mer.
Afin de poursuivre la mise en oeuvre des mesures annoncées l'année dernière et
de faire, si nécessaire, de nouvelles propositions, j'ai proposé à ma collègue
Elisabeth Guigou de confier une mission conjointe à l'inspection générale du
tourisme et à l'inspection générale des affaires sociales.
Vous savez que le Gouvernement travaille aussi à la sortie du dispositif
emploi-jeunes. Il s'agit d'aider les employeurs à maintenir et à développer ces
nouveaux services. Les mesures correspondantes seront présentées par la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame Beaudeau, madame Terrade, vous m'avez interrogée sur cette question. Je
l'ai prise « à bras-le-corps », puisque, dans mon domaine, 6 500 jeunes ont
rejoint le secteur du tourisme. Aussi, mon objectif est d'élaborer, avec les
représentants des organismes et les collectivités concernés, 6 500 projets
individuels de pérennisation.
Il s'agit de faire le point, à partir de chaque emploi, sur ce qui relève, par
exemple, du service public ou d'une activité solvable, d'inclure dans les prix
des prestations touristiques le salaire et l'apport de ces jeunes en termes de
développement de l'activité, enfin, d'examiner ensemble par quelles voies et
quels moyens la pérennisation pourra se faire.
Enfin, pour soutenir différentes initiatives des professionnels, une
augmentation de 36,2 % de mon budget est consacrée à des actions de promotion,
d'amélioration de la qualité de l'offre et de formation.
J'essaierai maintenant de répondre à votre question, monsieur Plasait, sur les
concentrations économiques dans le domaine du tourisme. La confirmation par le
groupe Preussag de son entrée dans le capital de Nouvelles Frontières a, en
effet, fortement ému l'ensemble des acteurs du tourisme.
Pour ma part, comme vous le savez, j'ai appelé les opérateurs français à se
concerter, et les premières réflexions ont commencé.
Ce phénomène, s'il accélère en Europe, notamment en France, risque d'aller à
l'encontre des aspirations des consommateurs recherchant des produits
individualisés et à forte identité. Il pourrait aussi avoir, à terme, des
conséquences sur notre environnement et aggraver nos déséquilibres
territoriaux. De plus, il inquiète beaucoup les petites entreprises
réceptrices, dont la présence est essentielle pour la vie de nos
territoires.
Je puis vous dire que mes collègues européens du tourisme, que j'ai rencontrés
lors de réunions bilatérales organisées sous la présidence française, partagent
ces inquiétudes. Nous en avons également parlé au forum de Lille.
D'autres évolutions, liées à l'essor des nouvelles technologies de
l'information et de la communication, auront aussi des conséquences sur
l'organisation de l'offre, en provoquant de nouveaux modes de distribution.
L'Etat ne peut être absent de cette évolution. En effet, depuis ma prise de
fonctions, outre un rapport réalisé par le Conseil supérieur du tourisme, en
1998, sur ce sujet, un travail a été lancé pour définir un format commun
d'échanges de données : il s'agit du projet TOURINFRANCE et du serveur
RESINFRANCE, dont l'objectif est de regrouper et de faciliter la mise en marché
de l'offre française très diversifiée, et qui sont en phase de
développement.
La promotion touristique de la France joue aussi un rôle essentiel pour
augmenter la fréquentation touristique qui contribue fortement à la croissance
et à l'emploi. MM. Dubrule, Joly et Plasait l'ont notamment souligné.
S'agissant de la promotion, en particulier du budget de Maison de la France,
sur lequel j'ai été interpellé par plusieurs intervenants, je tiens à rappeler
ici que l'efficacité de l'outil Maison de la France se mesure non seulement aux
évolutions budgétaires, mais aussi à sa modernité et à ses performances qui
sont à cet égard reconnues.
Elles sont tout d'abord reconnues, en France, par ses partenaires qui n'ont
jamais été si nombreux, passant de 750 à près de 1 100 cette année. Cette
augmentation, monsieur Joly, est constituée, pour l'essentiel, d'une grande
majorité de petites entreprises indépendantes auxquelles j'ai d'ailleurs décidé
de donner un siège au conseil d'administration de Maison de la France. Ce siège
est occupé par une personnalité éminente, ce qui n'a pas dû vous échapper.
Mais ces qualités sont aussi reconnues à l'étranger où le nombre de pays avec
lesquels la France entretient des programmes de coopération et qui sollicite un
transfert de savoir-faire en matière de promotion est sans cesse croissant.
D'un strict point de vue budgétaire, permettez-moi de vous rappeler que le
budget pour 2000 de cet organisme a augmenté de 20,5 millions de francs dont
18,5 millions de francs seulement correspondent à l'assujettissement à la TVA.
Même modeste - 2 millions de francs, soit 1,5 % - l'augmentation des moyens
pour 2000 de Maison de la France n'en était pas moins réelle. Pour 2001,
l'augmentation des crédits s'élève à 6,5 millions de francs, portant ainsi la
subvention de l'Etat au groupement d'intérêt économique à 180 millions de
francs. Il ne vous échappe pas que la part principale de mon projet de budget
est consacrée à ce poste.
Ainsi, le budget de Maison de la France a progressé de plus de 20 % à
périmètre constant, j'y insiste, hors assujettissement à la TVA, depuis trois
ans.
En ce qui concerne l'AFIT, l'Agence française de l'ingénierie touristique, le
renforcement de ses moyens financiers de 3,7 millions de francs a pour objet de
compenser le coût net de l'assujettissement du groupement d'intérêt public à la
TVA. Ces moyens permettront aussi à l'agence de maintenir sa capacité
d'études.
Enfin, cet essor continu de la fréquentation doit s'accompagner d'un effort en
matière d'observation économique, comme l'a souligné M. Besson. Des moyens
importants, en augmentation de 16,4 millions de francs ont ainsi été mobilisés
en deux ans. En effet, au-delà de l'indispensable enquête aux frontières qui
n'avait pas été réalisée depuis six ans, il nous faut inventer de nouveaux
outils d'observation intracommunautaires, liés à l'apparition de l'euro.
L'effort budgétaire dégagé pour les organismes associés à mon ministère se
retrouve aussi naturellement au niveau de mon administration, et vise cette
année particulièrement les services sur le terrain.
L'augmentation de 3,6 % de la dotation affectée au personnel est notamment
liée au traitement des carrières des agents de l'administration du tourisme et
à la revalorisation de l'indemnité de fonction des délégués régionaux au
tourisme. Les effectifs budgétaires, vous l'avez souligné, madame Beaudeau,
sont maintenus au niveau du budget 2000.
Une augmentation de 10 % des moyens de fonctionnement ira aux délégations
régionales.
A M. Joly qui m'a interpellé sur ce point, je précise que j'ai mis en oeuvre
un important travail de modernisation et de réorganisation de mon
administration : l'AFIT, Maison de la France, ONT ont vu leur statut
profondément remanié et, en ce moment même, s'achèvent les travaux de
réorganisation de la direction du tourisme. Un nouvel organigramme, dont les
arrêtés sont en cours de signature, mettra cette direction en ordre de marche
pour répondre aux grands enjeux de développement de l'économie touristique à
venir. Cette démarche répond à l'inquiétude que vous exprimiez, monsieur le
sénateur, de l'essaimage puisqu'elle s'oriente plutôt vers le recentrage de mon
administration sur les objectifs principaux.
Troisième direction de mon budget : le droit aux vacances. Les crédits
inscrits à ce titre augmentent cette année de 39,8 %.
Ainsi, la Bourse Solidarité Vacances verra ses moyens passer de 2,8 millions
de francs à 4 millions de francs. Cela a été dit, il y eu plus de 10 000
bénéficiaires en un an et mon objectif, pour l'an prochain, est de doubler ce
nombre. Fait significatif : pour 44 % de ces bénéficiaires, il s'agissait d'un
premier départ en vacances.
L'augmentation des crédits concernera aussi les associations de tourisme
social et associatif. Vous l'avez souligné, elles sont réunies depuis fin 1999
au sein d'une « coordination nationale du tourisme social et associatif »,
destinée à réfléchir sur les évolutions techniques et politiques de ce secteur.
Elle travaille ardemment pour trouver des solutions aux problèmes auxquels ce
secteur est confronté.
La réalisation d'une campagne institutionnelle de grande ampleur est prévue
d'ici à quelques semaines, pour valoriser la qualité et l'importance du
tourisme social et surtout associatif. Elle fera mieux connaître la mission
essentielle qu'il remplit pour un égal accès de tous aux vacances, pour assurer
la diversification de l'offre touristique et pour diffuser ses valeurs. Elle
sera suivie d'une campagne à destination du grand public.
En outre, j'ai décidé que le plan patrimoine de réhabilitation des villages de
vacances serait prolongé en 2001.
Vous le savez, l'Agence nationale pour les chèques-vacances est confrontée à
de nouveaux défis : l'extension du chèque-vacance, la création de l'euro,
l'ouverture européenne.
En ce qui concerne le chèque-vacances, la loi votée voilà plus d'un an est
progressivement mise en oeuvre.
Réduire les inégalités, c'est aussi agir pour favoriser l'accès aux vacances
des personnes handicapées.
Depuis maintenant deux ans, j'ai engagé en faveur des handicapés toute une
série d'actions de sensibilisation et de rencontres, avec le concours des
associations, des professionnels et des collectivités locales. Elles commencent
à porter leurs fruits, vous le savez.
L'année 2001 sera l'année de la mise en place d'un label et, puisque vous
m'avez posé la question, ce label qui concerne les handicaps sensoriel,
physique, visuel et mental sera attribué, sur le plan régional, aux
établissements adaptés.
Le dispositif qui permettra la mise en place du label national est en cours
d'élaboration. Il s'agit d'évidence d'un dispositif qui associera l'ensemble
des partenaires, l'Etat y tenant un rôle d'impulsion et étant garant de la
solidarité nationale.
Concernant le tourisme des jeunes et le problème des classes de découverte qui
vous préoccupe, monsieur Besson, j'y suis d'autant plus sensible que j'ai
engagé, avec ma collègue Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des
sports, un travail de réflexion sur les centres de vacances.
Une campagne de communication de ce ministère est actuellement en préparation.
Dans le cadre de ce travail en commun, la question du transport des jeunes sur
les lieux de vacances a été posée et une charte sera bientôt établie avec la
SNCF et les associations de tourisme.
Concernant les classes de découverte, vous avez fait état du rapport du
conseil national du tourisme, rendu public en février dernier. D'ores et déjà,
des mesures ont été prises par le secrétariat d'Etat au tourisme. Ainsi, dans
le cadre des avenants intempéries et marée noire, des crédits ont été consacrés
à la mise en conformité de villages de vacances pour l'accueil de classes de
mer.
Mais le développement des classes de découverte nécessite un travail
interministériel avec mes collègues de la jeunesse et des sports et de
l'éducation nationale que je m'emploie à développer. Enfin, je vous informe
qu'en partenariat avec l'Union nationale des associations de tourisme et de
plein air un dispositif d'observation spécifique aux vacances et aux loisirs
des jeunes a été intégré à notre Observatoire national du tourisme. Il
permettra ainsi de mieux orienter l'action publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne saurai terminer cette intervention
sans parler d'éthique. Dans le secteur du tourisme, comme dans bien d'autres
qui sont actuellement au coeur du débat, les valeurs et le sens que nous
donnons à nos activités économiques et sociales prennent de plus en plus
d'importance.
Ainsi, le code mondial d'éthique, adopté par l'Organisation mondiale du
tourisme en 1999, marque la volonté de promouvoir, partout dans le monde, un
tourisme responsable et durable, au bénéfice de tous : Etats, opérateurs
touristiques, touristes, mais aussi et surtout populations locales.
La France s'est beaucoup investie dans l'élaboration de ce code mondial, et
j'ai naturellement souhaité le faire vivre sur notre territoire en signant, en
septembre dernier, la déclinaison de ce code avec les quinze principales
fédérations professionnelles et les opérateurs privés représentant près de 60 %
de l'activité économique de ce secteur en France.
Je crois qu'il est bien du rôle de la France, dont la notoriété touristique
est en grande partie due à son patrimoine et à sa culture, d'être ainsi à la
pointe de la promotion de ces valeurs, dignes de son histoire et de son
humanisme.
(Applaudissements.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le tourisme inscrits à la
ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix aujourd'hui
même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs. »
« Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs. »
« Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le tourisme.
I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. -
Urbanisme et logement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me revient de
présenter deux rapports.
Le premier intéresse les crédits des services communs du ministère de
l'équipement, des transports et du logement. En introduction, je veux souligner
que, comme l'an dernier, le projet de budget des services communs est assez
difficile à lire.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oh !
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
Ce projet de budget fait en effet chaque année
l'objet de modifications de structures très substantielles puis de transferts
en cours d'année qui rendent sa signification limitée. Il est par ailleurs
difficile d'obtenir des données essentielles, comme la présentation du budget à
structure constante.
A priori,
le budget des services communs augmente de 9,8 % en 2001 pour
s'établir à 26,9 milliards de francs.
Toutefois, hors prise en compte des modifications de périmètre, ce budget est
pratiquement stable.
Pourtant, quelques augmentations d'effectifs sont annoncées : onze emplois
supplémentaires, pour arriver à un chiffre total approchant 100 000 emplois. Il
faut noter que ce dernier chiffre est une estimation puisque les chiffres du
bleu budgétaire ne correspondent pas à ceux qui sont donnés par le contrôleur
financier et que les effectifs budgétaires sont encore différents des effectifs
réels.
Malgré l'augmentation annoncée des effectifs, la rémunération des personnels,
qui concerne à 96 % les services déconcentrés du ministère, progressera
seulement de 0,2 %, pour s'établir à 11,9 milliards de francs.
Cette modération résulte seulement d'une donnée conjoncturelle, à savoir
l'absence de mesures de revalorisation des rémunérations dans la fonction
publique. C'est la modération salariale qui explique donc, pour l'essentiel, la
stabilisation du budget des services communs pour 2001.
Concernant les dépenses de fonctionnement, le projet de budget pour 2001
procède à une révision d'ensemble résultant notamment des gains de productivité
réalisés par les services et d'une réduction des moyens de fonctionnement de
Météo-France. Ces mouvements sont en partie compensés par des moyens nouveaux,
notamment une dotation pour le développement de projets informatiques et
télématiques.
Je me féliciterais donc de la stabilité du budget de personnel et de
fonctionnement des services communs pour 2001, si elle n'était excessivement
fragile, en raison des effets des accords salariaux qui, en l'absence d'efforts
sur le niveau des effectifs, ne manqueront pas d'augmenter les dépenses de
personnel en 2001.
Par ailleurs, je pense que le ministère de l'équipement, des transports et du
logement gagnerait beaucoup à présenter son budget de personnel avec une
comptabilité analytique.
La nomenclature budgétaire ne permet pas actuellement de savoir, par exemple,
combien d'agents sont affectés à tel ou tel domaine ministériel, qui sont
pourtant nombreux, notamment l'entretien des routes et les services de
l'urbanisme. Les indicateurs de performance qui commencent à être mis en place
portent essentiellement sur des données physiques générales et sont donc très
insuffisants.
D'une manière générale, il me semble urgent que le ministère se dote des
outils d'évaluation de sa politique, afin de mieux définir les secteurs qui lui
semblent prioritaires. Cette évaluation, qui serait hautement profitable tant
pour l'administration centrale que pour les services déconcentrés, devrait
s'étendre aux établissements publics auxquels des missions particulières sont
assignées, notamment l'Institut géographique national et l'Ecole nationale des
ponts et chaussées.
Ainsi, le dernier contrat de plan entre l'Etat et l'Institut géographique
national s'est achevé en 1997, et depuis rien n'a été signé. Notre collègue
député, Guy Lengagne, a réalisé une importante mission sur cet institut, et il
a rendu ses conclusions le 30 septembre 1999.
Il serait temps de déboucher sur des résultats, et peut-être M. le ministre
pourra-t-il nous en dire un peu plus.
Enfin, je souhaite aborder la question de la politique d'investissement du
ministère. Le budget des services communs est, dans sa quasi-intégralité, un
budget de personnel et de fonctionnement, ce qui laisse très peu de place à
l'investissement.
Les réponses que j'ai obtenues du ministère de l'équipement sur les
investissements immobiliers sont une sorte de cri d'alarme.
Le patrimoine immobilier des 172 services déconcentrés du ministère de
l'équipement est considérable.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il est beau !
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
Il est constitué de 8 500 bâtiments représentant une
surface de 4 millions de mètres carrés. Mais aucune opération lourde n'a été
engagée depuis 1995 et le ministère indique lui-même que « aucune véritable
politique de maintenance préventive n'a pu être mise en oeuvre depuis plusieurs
années » et craint « un risque réel de dégradation du patrimoine dans les
prochaines années ». Dans ces conditions, il me semble qu'il serait nécessaire
de connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.
En conclusion, je vous indique, mes chers collègues, que la commission des
finances a demandé le rejet des crédits de l'équipement, des transports et du
logement.
J'en arrive au projet de budget du logement.
Le budget de l'urbanisme et du logement est, cette année encore, élaboré dans
un contexte très favorable...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Très bon !
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
... de reprise du marché immobilier et de croissance
du secteur de la construction.
L'année 1999 a en effet pleinement confirmé le retour à la croissance du
secteur du bâtiment, dont l'activité de construction et d'entretien a augmenté
de 7,1 %.
Cette croissance a été portée par le dynamisme de la construction neuve.
L'année 2000 devrait encore être soutenue, mais cette fois-ci par le secteur
de l'entretien.
Les mesures d'incitation fiscale, comme la baisse des droits de mutation, et
surtout l'abaissement de la TVA sur les travaux réalisés dans les logements à
usage d'habitation, ont contribué à l'euphorie du secteur de la rénovation.
Le contexte dans lequel nous est présenté le budget du logement est donc une
nouvelle fois favorable, même si la progression du budget est modeste en 2001,
1,2 %, soit 48,7 milliards de francs.
Notre collègue M. Jacques Bellanger vous présentera ses observations sur le
budget de l'urbanisme, thème sur lequel il a mené une importante réflexion ces
derniers mois ; je me concentrerai donc plus spécifiquement sur les crédits
consacrés au logement.
En premier lieu, je veux tout d'abord exprimer ma satisfaction.
L'an dernier, nous regrettions vivement qu'une réforme importante des aides
personnelles ne soit pas engagée dans cette période de croissance
économique.
Cette réforme devrait voir enfin le jour à compter du 1er janvier 2001.
Le Premier ministre a en effet présenté une réforme des aides personnelles
lors de la conférence sur la famille du 15 juin 2000.
Cette réforme a deux objectifs auxquels je souscris : harmoniser et simplifier
les barèmes des aides, regroupés dans un barème unique ; améliorer l'équité des
aides en prenant en compte tous les revenus de la même manière.
Elle permet donc un traitement équitable et cohérent de l'aide aux ménages
ayant de très faibles revenus, qu'ils soient issus du travail ou de transferts
sociaux.
La réforme aura un coût important - 6,5 milliards de francs au total - dont
une partie sera prise en charge sur les crédits du secrétariat d'Etat au
logement.
Pour 2001, 2 milliards de francs sont prévus sur le budget de l'urbanisme et
du logement à ce titre.
Je regrette que la réforme ne concerne pas tout le monde : 4,3 millions
d'allocataires sur 6 millions sont concernés, c'est-à-dire que les
bénéficiaires d'aides à l'accession, les habitants de logements-foyers et les
étudiants ne sont pas concernés.
Je conçois qu'il n'est pas possible de tout faire en même temps...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Tout à fait !
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
... mais il est regrettable que certaines personnes,
qui sont également des personnes modestes, ne bénéficient pas de la réforme.
On peut par ailleurs déplorer, une nouvelle fois, que l'aide à l'accession ne
bénéficie pas du même intérêt que l'aide à la location, alors qu'il s'agit
souvent de personnes de conditions comparables.
Pour 2001, je regrette vivement que le financement de la réforme des aides
personnelles soit réalisé au détriment des aides à la pierre.
En effet, l'effort budgétaire sur les aides personnelles se traduit par une
plus faible ambition sur les autres lignes du budget.
Quant aux moyens dévolus à l'Agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat, l'ANAH, et à la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, ils
sont fusionnés, conformément à la réforme introduite dans la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains. Cette fusion s'accompagne d'une forte
réduction des crédits de paiement ouverts pour 2001 : 2,7 milliards de francs
contre 3 milliards de francs en 2000.
Pour la première année de réforme de l'ANAH, la réduction de ses moyens
d'intervention est un signal qui me semble négatif. Certes, l'ANAH dispose
d'une trésorerie importante - environ 700 millions de francs - et elle pourra
s'en servir, mais cette solution ne peut être que temporaire.
Par ailleurs, compte tenu des besoins en réhabilitation des propriétaires
occupants, une réforme de l'ANAH à moyens constants risque de se traduire par
une baisse de l'aide aux propriétaires bailleurs.
Vous savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que notre
commission est attachée à la rénovation du parc locatif privé, qui est un moyen
essentiel de remettre des logements vacants sur le marché. Vous savez également
que les bailleurs payent une taxe additionnelle au droit de bail très élevée, à
hauteur de 3,5 milliards de francs, et qu'il serait dès lors paradoxal de
réduire leurs subventions.
Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur le maintien de ces subventions ?
J'en viens maintenant au prêt à taux zéro.
Les crédits du prêt à taux zéro s'élèveront, selon le projet de loi de
finances, à 5,85 milliards de francs en 2001, soit en légère diminution par
rapport au budget de 2000. Compte tenu de la croissance de la demande et de
l'augmentation des taux d'intérêt, cette légère diminution de la dotation
traduit en réalité une baisse sensible de l'efficacité du dispositif.
Depuis plusieurs années, de nombreuses mesures ont réduit l'efficacité sociale
des aides à l'accession à la propriété. En octobre 1997, les prêts à taux zéro
ont été restreints aux primo-accédants. Un arrêté du 29 décembre 1999 a
plafonné la subvention de l'Etat et un arrêté du 29 septembre 2000 a réduit la
période de remboursement des prêts.
Ainsi, les moyens inscrits en faveur de l'accession à la propriété des ménages
modestes ne cessent de diminuer en temps réel.
Depuis la réintégration des crédits du prêt à taux zéro dans le budget du
logement, force est de constater un écart croissant entre les ressources tirées
du 1 % logement versées au budget général et les dotations de crédits
nécessaires au prêt à taux zéro. Vous aviez estimé, monsieur le ministre, qu'il
fallait dégager 15 milliards de francs sur la période de la convention conclue
avec le 1 % logement pour maintenir son efficacité. Je crains que ces sommes ne
soient de plus en plus difficiles à trouver.
Or je pense qu'il est important de maintenir un niveau d'aide suffisant à
l'accession à la propriété des ménages modestes.
Dans ces conditions, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous
donniez des assurances sur le fait que le Gouvernement ne recourra pas à de
nouveaux arrêtés en 2001 afin de réduire l'efficacité des prêts à taux zéro.
J'en viens au dernier point : la construction sociale.
Je ne rappellerai pas les débats qui ont eu lieu, notamment dans cette
assemblée, sur les dispositions de la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Très bonne loi
!
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001
devraient permettre le financement de 70 000 prêts locatifs à usage social -
appelés désormais PLUS - pour la construction de logements neufs et de 120 000
PALULOS - prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation
sociale - soit une reconduction du programme prévu pour l'an 2000.
Malheureusement, le PLUS n'a pas encore permis un redémarrage de la
construction sociale et l'objectif de 70 000 PLUS ne sera probablement pas
atteint, comme ces dernières années.
Lors du tout récent congrès des HLM, vous avez demandé aux organismes,
monsieur le ministre, de prendre leurs responsabilités et de construire
davantage.
Je partage votre appréciation sur la responsabilité du mouvement HLM.
Toutefois, vous savez que la question de la construction sociale n'est pas
simple.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Eh oui !
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
Des mesures de compensation ont été prises, comme
l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties, mais d'autres sont à
venir, notamment pour neutraliser les conséquences de la hausse du livret A en
2001.
Les organismes de HLM se plaignent également de l'inadaptation des aides à la
pierre à l'évolution du coût de la construction. L'idéal serait donc de lier la
subvention à l'évolution du coût de la construction. Pourriez-vous, monsieur le
ministre, nous rappeler vos intentions sur ce sujet ?
D'une manière générale, je rappellerai que tous les chiffres montrent que la
part de la construction sociale dans la construction neuve tend à diminuer dans
les pays de l'Union européenne.
Je pense donc qu'un débat sur la seule construction sociale n'est pas
suffisant. Il faut reconnaître que la qualité du logement des personnes à
faible revenu dépend non pas uniquement du nombre de logements sociaux
construits, mais également des mesures en faveur de leur accès au parc
privé.
A cet égard, je rappelle que la commission des finances a approuvé sans
réserve votre souhait de créer un parc de logements locatifs conventionnés.
Elle souhaite simplement que, comme il s'attache au logement social, le
Gouvernement développe tous les efforts nécessaires à la consolidation d'un
secteur locatif privé intermédiaire.
C'est pourquoi la commission des finances a présenté, en première partie de la
loi de finances, un amendement tendant à améliorer encore le dispositif fiscal
d'aide à l'investissement locatif. Il s'agit de permettre aux investisseurs de
louer leur bien à un ascendant ou à un descendant. La secrétaire d'Etat au
budget, Mme Parly, nous a promis que le Gouvernement déposerait un amendement
sur ce sujet en deuxième partie de la loi de finances. Nous attendons ces
propositions avec intérêt.
En conclusion, j'ai donné, à titre personnel, un avis favorable sur l'adoption
du budget de l'urbanisme et du logement, mais je rappelle que la commission des
finances a demandé au Sénat le rejet des crédits de l'équipement, des
transports et du logement en regrettant, une fois encore, que le Gouvernement
nous demande un vote unique sur l'ensemble des crédits.
(Applaudissements.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Exactement !
M. le président.
La parole est à M. Bellanger, rapporteur pour avis.
Je rappelle que chaque rapporteur pour avis dispose de cinq minutes pour
présenter son rapport.
M. Jacques Bellanger,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de centrer mon propos sur
diverses questions d'actualité intéressant le droit de l'urbanisme et la
gestion des crédits qu'a présentés M. Pelletier, rapporteur spécial de la
commission des finances.
Ma première question concerne les conséquences de la suppression du Fonds pour
l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF.
La commission des affaires économiques se félicite du fait que le Gouvernement
ait, conformément aux engagements pris lors de l'examen du budget pour 2000,
reconduit le montant figurant antérieurement à ce fonds dans le budget général.
Elle s'interroge, cependant, sur le sort des produits de cession des terrains
anciennement achetés par son intermédiaire. Elle souhaite que, nonobstant le
principe de non-affectation des ressources publiques aux charges, l'intégralité
du fruit de ces cessions soit consacrée à des investissements, faute de quoi,
le gain réalisé par l'Etat au titre de la vente d'actifs immobiliers serait
affecté à des dépenses de fonctionnement, au détriment de la bonne gestion du
patrimoine de la collectivité.
Ma deuxième question portera sur le volet urbanisme de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, que le Parlement vient d'adopter dans
une grande inflation de textes législatifs, dont l'origine est aussi bien
gouvernementale que parlementaire.
Les réformes du droit du sol adoptées sont d'une grande importance pour les
citoyens et pour les équipes municipales qui seront mises en place dès le mois
de mars prochain. En tenant compte des réserves possibles dues aux saisines
dont la loi fait l'objet, dans quels délais, monsieur le ministre, pensez-vous
pouvoir assurer une mise en application réelle ?
Une troisième question préoccupe la commission des affaires économiques ; il
concerne l'évolution des dotations que l'Etat verse aux collectivités locales
au titre de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Comme la mise en oeuvre des dispositions de la loi relative à la solidarité et
au renouvellement urbains nécessitera la confection d'un certain nombre de
documents de planification intercommunale, de schémas de cohérence
territoriale, de plans locaux d'urbanisme et de cartes communales, il nous
semble utile que le Gouvernement précise, dès à présent, les conditions dans
lesquelles sera quantifié et compensé aux collectivités locales l'accroissement
de charges résultant de leur élaboration.
Les trente-huit agences d'urbanisme de métropole et des DOM, qui ont accumulé
en ces domaines une réelle capacité d'expertise, seront des auxiliaires
précieux pour les communes. Nous constatons d'ailleurs un très fort taux de
consommation des crédits destinés à ces agences ; 57,3 millions de francs en
1999 ont été consommés sur les 60,6 millions de francs disponibles avec les
reports cumulés, soit plus de 94 %. Il est donc nécessaire d'accroître les
crédits qui leur sont destinés si nous souhaitons une application rapide des
mesures incluses dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains en matière d'urbanisme.
S'agissant de l'état d'application des lois que nous avons votées, il me
semble nécessaire d'achever de publier les décrets d'application de la loi du
30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur
de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements
d'outre-mer. Certes, une avancée a eu lieu depuis l'année dernière, mais il
reste encore à déterminer les conditions qui doivent être réunies pour que des
cessions de terrains fassent l'objet d'une aide exceptionnelle de l'Etat et il
faut procéder à la nomination des directeurs des agences pour la mise en valeur
des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques.
Vous constaterez, monsieur le ministre, que nous n'évoquons plus les
difficultés rencontrées par les élus auprès des architectes des Bâtiments de
France. Nous souhaitons tous, je crois, que le texte adopté dans la loi SRU
règle définitivement ce débat.
Il reste cependant une interrogation sur la place des architectes dans le
cadre de la réforme du droit de l'urbanisme. Je sais bien que cela relève
maintenant de votre collègue en charge de la culture. Permettez-moi cependant
d'insister à nouveau, au nom de nombre de mes collègues, pour que l'action des
CAUE - conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement - puisse être
renforcée dans l'application de ce nouveau texte.
M. Jacques Pelletier,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Bellanger,
rapporteur pour avis.
Enfin, je suis obligé de constater la lenteur et la
lourdeur de la mise en oeuvre des directives territoriales d'aménagement. Nous
nous félicitons donc que la nouvelle législation rende possible des
prescriptions de massif pour les zones de montagne, beaucoup plus rapides à
mettre en place que ces directives, et je souhaite que vous puissiez nous le
confirmer.
Enfin, respectant une coutume parlementaire bien établie, je me propose de
saisir l'occasion qu'offre l'examen du budget de l'équipement pour évoquer un
problème d'application du droit de l'urbanisme portant sur une difficile
conciliation entre les activités agricoles et les dispositions de la loi «
littoral ».
Des éleveurs d'agneaux de pré salé ont demandé la création d'une appellation
d'origine contrôlée. Malheureusement, une interprétation stricte, sans doute
même excessive, menace d'empêcher la réalisation de ce projet, allant ainsi à
l'encontre de l'esprit même qui a conduit à l'élaboration de la loi « littoral
».
Vous trouverez les détails dans le rapport ; ils confirment certaines
approches ou comportements qui, s'ils ne sont pas la règle, nous avaient amenés
à donner aux seuls élus locaux la charge des nouvelles cartes communales.
Dans ce cas précis, la partie réglementaire du code de l'urbanisme ne
pourrait-elle pas indiquer que l'avis de la commission des sites est requis par
les services instructeurs au même titre que les accords et avis à recueillir
auprès des personnes publiques, services et commissions intéressés tels que le
prévoient les lois ou règlements en vigueur et que cet avis est rendu dans un
délai d'un mois à compter de la réception de la demande afin que les
dispositions introduites par l'article 109 de la loi d'orientation agricole
pour assouplir une règle d'application délicate ne soient utilisées pour
alourdir un peu plus une législation très complexe ?
La commission des affaires économiques juge souhaitable de mettre un terme à
de tels blocages.
Je conclurai mon propos en indiquant au Sénat que, contrairement à l'avis
favorable que je lui proposai d'émettre, la commission des affaires économiques
s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption des crédits sur
l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Charles Revet.
C'est le bon sens !
M. le président.
La parole est à M. Plancade, rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le logement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour 2001, le budget de l'urbanisme et
du logement s'établit à 48,7 milliards de francs en moyens de paiement, ce qui
confirme, une nouvelle fois, la priorité qui est donnée au logement par le
Gouvernement : les mesures qu'il contient viennent à la suite de l'application
du taux réduit de TVA au secteur du logement décidé en 2000 et des efforts
consentis en matière d'aide à la pierre en 1998 et 1999, avec, bien sûr, la
rebudgétisation du prêt à taux zéro et la mise en place du statut du bailleur
privé.
Tout d'abord, 2001 consacre une réforme ambitieuse s'agissant des aides à la
personne, très attendue par tous et qu'il convient ici de saluer.
Les deux objectifs que l'on cherche à atteindre sont la simplification des
barèmes des aides, regroupés dans un barème unique, et la prise en compte
équitable, pour le calcul des aides, de tous les revenus, qu'ils soient issus
du travail ou de transferts sociaux.
Votre rapporteur pour avis se félicite de cette réforme qui constitue une
véritable mesure de justice sociale pour plus de deux tiers des bénéficiaires
des aides au logement. Mais il conviendra de poursuivre cette réforme,
notamment pour les aides versées en accession.
De plus, l'unification totale des aides est souhaitable afin d'améliorer la
fluidité entre le parc privé et le parc social. Mais cela ne pourra se faire
qu'avec la réforme de la procédure du conventionnement.
Le second volet important du budget du logement concerne les aides à la pierre
pour le parc social, dont les crédits sont reconduits à un niveau identique en
2001.
Le programme physique affiché reste ambitieux, puisqu'il prévoit le
financement de soixante-dix mille prêts locatifs à usage social, pour le neuf,
et cent vingt mille PALULOS pour l'aide à la réhabilitation.
M. Patrick Lassourd.
Affichage !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Mais on ne peut que constater, année après année,
que cet affichage, monsieur Lassourd, est démenti par les chiffres, la mise en
place du PLUS en 2000 n'ayant d'ailleurs pas permis d'inverser la tendance :
comme en 1999, il y aura seulement quarante mille constructions neuves.
M. Charles Revet.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Certes, les explications données sont multiples et
complémentaires ; d'ailleurs, elles se conjuguent.
En milieu rural ou dans les petites villes, le PLUS est structurellement
déséquilibré, car il est parfois difficile d'avoir 10 % de locataires dépassant
le plafond de ressources fixé pour l'attribution d'un logement social.
Dans d'autres zones, les tensions sur le marché du foncier renchérissent les
coûts.
Le coût du crédit et, tout récemment, la revalorisation de la rémunération du
livret A pèsent évidemment sur les charges financières des organismes et les
compensations promises ne sont sans doute pas suffisantes.
M. Charles Revet.
Ce point n'est pas réglé !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Par ailleurs, la forte croissance de l'activité du
bâtiment - les entreprises tournent à plein régime, mais souffrent d'une
pénurie de main-d'oeuvre - entraîne une hausse des prix, d'autant que les prix
des matières premières ont également remonté. Plusieurs appels d'offres restent
ainsi infructueux.
Enfin, dans certains cas, il faut évoquer aussi les réticences des
collectivités territoriales à accueillir des logements sociaux. A l'inverse -
et je profite de la présence de M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement pour attirer son attention sur ce point - ce sont parfois les
directions départementales de l'équipement qui montrent beaucoup de réticences
à implanter des logements collectifs en zone semi-urbaine ou en zone rurale.
M. Patrick Lassourd.
Eh oui !
M. Charles Revet.
Tout à fait ! Je peux vous en donner de multiples exemples !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
En tout état de cause, et il faut s'en féliciter
car il y a urgence, vous avez pris l'engagement, monsieur le secrétaire d'Etat,
de réfléchir à une modification des règles de calcul de l'aide à la pierre pour
les concentrer sur un nombre moins important d'opérations, notamment au travers
d'une meilleure prise en compte de l'évolution effective des coûts de
construction.
Il convient aussi de se tourner vers les collecteurs du 1 % logement. Ceux-ci
ont signé en décembre 1999, avec l'Union des HLM, un protocole d'accord sur
l'investissement et le renouvellement du parc social. Il ne faudrait pas que ce
protocole reste lettre morte.
Le troisième volet de ce projet de budget concerne les encouragements au parc
privé, et je veux à ce sujet faire trois remarques.
En application de la disposition du projet de loi relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains sur ce que l'on appelle maintenant la « grande ANAH
», les dotations budgétaires pour la prime à l'amélioration de l'habitat et les
subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat sont
fusionnées en 2001.
La légère diminution des crédits d'intervention serait compensée par
l'utilisation de la trésorerie abondante de l'ANAH. Tout en prenant acte de
cette solution, il convient de souligner qu'elle ne saurait être pérenne et,
dès 2002, le montant des crédits de paiement devra être revalorisé pour ne pas
pénaliser l'ANAH et lui permettre d'exercer ses nouvelles compétences,
notamment dans les copropriétés en difficulté.
Ma deuxième remarque porte sur les moyens en faveur de l'accession sociale à
la propriété.
La faible diminution des moyens de paiement, compte tenu de la croissance de
la demande et de l'augmentation du coût moyen des prêts, semble induire une
baisse de l'efficacité du dispositif.
D'ailleurs, le récent arrêt du 29 septembre 2000 réduit la période de
remboursement du prêt pour les tranches de revenus les plus élevées, ce qui
accroît le taux d'effort des catégories à moyen revenu.
Certes, l'effet de cette nouvelle mesure sur la solvabilité des ménages est
faible, mais il s'inscrit dans un contexte général de hausse de taux d'intérêts
des prêts et de remontée des prix de l'immobilier, ce qui pourrait avoir des
conséquences regrettables.
Enfin, je fonde beaucoup d'espoir sur l'achèvement de la discussion du projet
de loi de finances, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour
obtenir une modification de la définition du champ d'application du statut du
bailleur privé et faire cesser ainsi une inégalité criante, comme l'a déjà
excellemment souligné Jacques Pelletier, rapporteur spécial.
S'agissant de la possibilité de louer les logements acquis sous le bénéfice de
ce régime aux ascendants et aux descendants, nous sommes tous d'accord - sur
l'ensemble des travées de cette assemblée - pour éviter qu'une combinaison «
astucieuse » de tous les mécanismes fiscaux et budgétaires légalement autorisés
ne favorise un enrichissement patrimonial indu et sans réelle contrepartie sur
le plan social.
La solution que je propose tend à autoriser la location aux ascendants et aux
descendants, mais les périodes de location correspondantes sont neutralisées du
point de vue de l'avantage fiscal.
Votre collègue Mme la secrétaire d'Etat au budget s'est engagée à nous
proposer un dispositif lors de l'examen des articles de la deuxième partie du
projet de loi de finances. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire
d'Etat, nous en dire un peu plus, sachant que vous êtes également très soucieux
que cet obstacle soit levé dans de bonnes conditions.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous confirme que je déposerai de
nouveau l'amendement que j'avais présenté voilà quelques jours, ce qui nous
permettra de comparer les deux amendements. Si celui de Mme Parly ne nous
satisfaisait pas, je maintiendrai le mien, contrairement à l'attitude du groupe
socialiste, qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un consensus au sein de notre
assemblée.
J'avais également déposé un deuxième amendement en ce qui concerne les
bailleurs privés qui n'entrent pas dans le cadre du statut du bailleur social.
La réponse de Mme le secrétaire d'Etat à cet égard ne m'a pas convaincu. Mais
elle nous a annoncé son intention de nous présenter des propositions. Je
présenterai cependant de nouveau cet amendement, car il faut élargir,
précisément, l'offre en matière de logement social.
En conclusion, j'indique qu'alors que je lui proposais de donner un avis très
favorable, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits consacrés au logement dans le projet de loi de finances
pour 2001. C'était, il est vrai, le lendemain du vote de la loi SRU par
l'Assemblée nationale !
M. Patrick Lassourd.
Il n'y avait pas que cela !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Peut-être ceci expliquerait-il cela !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bimbenet, rapporteur pour avis.
M. Jacques Bimbenet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement
social.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget pour 2001 du
logement est en augmentation de 1,2 % en moyens de paiement par rapport à la
loi de finances initiale pour 2000, soit 48,8 milliards de francs. Compte tenu
d'un taux d'inflation qui pourrait atteindre 1,3 % en 2001, on observe donc une
stagnation des crédits alloués au logement, en termes réels.
L'analyse de ce budget se doit d'être nuancée. D'un côté, il y a des réformes,
comme celle des aides à la personne, qui doivent être saluées. De l'autre, il y
a des insuffisances qui doivent être pointées, comme en matière d'accession
sociale à la propriété ou de construction de logements sociaux.
Une critique importante, que votre rapporteur pour avis a fait sienne les
années passées, avait consisté à remarquer que les aides à la personne
constituaient un élément « désincitatif à la reprise d'un emploi », notamment
pour les personnes dont le revenu se limitait au RMI.
Le Gouvernement a entendu ce message puisqu'il propose cette année une réforme
des aides au logement consistant à simplifier et à harmoniser les barèmes
d'aides personnelles. En supprimant l'écart d'aide qui existe pour un même
niveau de revenu selon qu'il résulte de transferts sociaux ou d'une activité
professionnelle, la réforme a pour objet de réduire le phénomène de «
désincitation » au travail sensible au niveau du RMI, ce qui doit être
remarqué.
Cette réforme se traduit pour 4,8 millions de ménages par une aide
supplémentaire de 1 300 francs par an en moyenne. Elle sera mise en oeuvre en
deux étapes : au 1er janvier 2001 et au 1er janvier 2002. Elle représente une
augmentation des prestations versées de 6,5 milliards de francs en régime de
croisière et de 3,3 milliards de francs en 2001, dont 2 milliards de francs
pour le budget de l'Etat, année de transition.
Compte tenu d'un ajustement à la baisse, consécutif à l'amélioration de la
conjoncture économique, pour un montant de 1,345 milliard de francs, de la
contribution de l'Etat au Fonds national de l'habitation et au Fonds national
d'aide au logement, on peut estimer que la contribution de l'Etat au
financement des aides à la personne augmentera de 655 milions de francs en
2001.
On peut néanmoins regretter que le Gouvernement se soit employé à réaliser
cette réforme « par le haut », c'est-à-dire par une augmentation de l'enveloppe
globale. Cela n'a été rendu possible que par la croissance économique.
Il en résulte que le coût de la réforme à terme est loin d'être maîtrisé. Un
retournement de la conjoncture pourrait en effet faire « s'envoler » le besoin
de financement des aides personnelles au logement.
En ce qui concerne la réforme proprement dite, on peut regretter qu'elle se
limite au seul secteur locatif, alors que le régime des aides à l'accession à
la propriété nécessite également une simplification.
Pour ce qui est du secteur locatif, cette réforme laisse insatisfaites des
demandes importantes des organismes d'HLM et des associations familiales. Les
nouveaux loyers plafonds sont ceux de l'aide personnalisée au logement, l'APL,
ce qui signifie que le problème de l'écart entre le loyer effectif et le loyer
pris en compte reste entier. Ce problème concerne principalement les ménages
modestes dans le secteur conventionné et toutes les catégories de famille dans
le secteur libre.
Je souhaite évoquer maintenant la construction de logements sociaux. On
continue d'observer un profond marasme dans ce secteur. Alors que le ministère
a annoncé 60 000 logements sociaux pour l'année 2000, seuls 11 376 agréments
avaient été signés au cours du premier semestre. Le Gouvernement ne semble pas
tenir compte de ce décalage entre les crédits inscrits et le montant des
crédits effectivement consommés puisque les crédits en faveur du locatif social
figurant sur la ligne fongible augmentent de 0,5 % en autorisations de
programme.
Cette situation n'est pas satisfaisante puisqu'elle nous amène à douter, sinon
de l'honnêteté du projet de budget présenté, en tout cas de son caractère
réalisable.
Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001 sont en effet associés à
des objectifs physiques inchangés : cent vingt mille PALULOS, dix mille prêts
locatifs aidés d'intégration, dix mille prêts locatifs à usage social
construction-logement et cinquante mille prêts locatifs à usage social. Cette
programmation suppose que le prix des opérations n'augmente que de 0,5 %, ce
qui paraît faible, à moins de considérer que, de toute façon, les objectifs
physiques ne seront pas atteints.
Votre rapporteur pour avis insiste depuis plusieurs années sur le décalage
qui existe entre les objectifs de logements budgétés et la proportion de prêts
locatifs aidés effectivement mis en chantier. Ce rapport est passé de 73 % en
1994 à 55 % en 1998 et probablement moins en 1999 et en 2000. Il traduit une
crise profonde de la politique du logement social.
Par ailleurs, depuis deux ans, une partie des crédits non consommés est
transférée et affectée au financement des primes d'épargne-logement, soit 650
millions de francs en 1998, 780 millions de francs en 1999. Compte tenu du
rythme de consommation actuel, on peut s'attendre à une nouvelle ponction en
2000. Il est regrettable que des crédits initialement votés en faveur du
logement social soient ainsi détournés de leur objet initial, d'autant plus que
la sous-consommation de la ligne fongible est largement imputable au
déséquilibre des opérations de construction.
En outre, le projet de budget prévoit une augmentation des crédits consacrés
au financement des opérations de démolition-reconstruction de logements
sociaux. Ces crédits, qui ont permis la démolition de 5 000 logements en 1999
et de plus de 6 000 logements en 2000, devraient être portés de 140 millions de
francs à 170 millions de francs.
On peut remarquer que ce montant de 170 millions de francs correspondant à un
objectif de 10 000 démolitions de logements représente une aide de 17 000
francs par logement démoli. Or le coût global d'une démolition, y compris le
déficit d'exploitation prévisionnel, est de l'ordre de 100 000 francs à 150 000
francs, ce qui laisse deviner l'effort demandé aux collectivités locales.
M. Patrick Lassourd.
Une fois de plus !
M. Jacques Bimbenet,
rapporteur pour avis.
La politique de démolition-reconstruction ne
constitue certes pas la panacée, mais il arrive qu'elle représente la seule
solution dans le cas de certains ensembles très dégradés. Il faut remarquer
que, même dans ce cas, ce sont des logements qui restent souvent rentables pour
les organismes d'HLM, compte tenu du fait qu'ils ont fini d'être remboursés.
Dans ces conditions, il serait souhaitable que le Gouvernement prenne la pleine
mesure de l'effort financier que représente cette politique de
démolition-reconstruction, afin de ne pas aboutir à un effet paradoxal
consistant à favoriser le renouvellement du parc au détriment de la santé
financière des organismes d'HLM.
Je formulerai maintenant quelques brèves observations sur l'ANAH.
A compter du 1er janvier 2001, aux termes de la loi relative à la solidarité
et au renouvellement urbains dite loi « SRU », l'ANAH devrait avoir désormais
vocation à intervenir sur l'ensemble du parc privé, qu'il appartienne à des
propriétaires bailleurs ou à des propriétaires occupants. A ce titre, l'ANAH
devrait prendre en charge l'attribution des primes à l'amélioration de
l'habitat.
Les crédits budgétaires relatifs à la prime à l'amélioration de l'habitat
seront intégrés dans la subvention d'investissement de l'ANAH en 2001. Compte
tenu de cette fusion des crédits, la subvention globale d'investissement de
l'ANAH inscrite en projet de loi de finances initiale sera de 3 milliards de
francs en autorisations de programme et de 2,26 milliards de francs en crédits
de paiement consacrés à l'amélioration de l'ensemble du parc privé.
En définitive, le projet de budget qui nous est présenté n'est pas en lui-même
un mauvais budget. Seulement, il comprend de nombreuses faiblesses dues,
notamment, à l'absence de renforcement des aides à l'accession sociale à la
propriété, aux incertitudes qui entourent la place réservée au prêt à taux zéro
et à l'insuffisance des aides en faveur du logement intermédiaire. Il s'inscrit
surtout dans un cadre politique plus général qui ne peut pas nous satisfaire.
La réforme des aides à la personne aurait pu se faire à crédits constants. Il
est à craindre que le Gouvernement n'ait mis en place une nouvelle « machine à
créer des déficits » qu'auront à gérer ses successeurs en cas de ralentissement
de la croissance.
Par ailleurs, la solution retenue dans la loi SRU pour inciter les
collectivités locales à construire des logements sociaux, à savoir une taxation
pouvant déboucher sur un pouvoir de substitution du préfet, ne peut pas non
plus nous satisfaire. Il s'agit là d'une marque de défiance à l'égard des
collectivités locales à laquelle le Sénat s'est opposé fermement à chaque stade
de la discussion du projet de loi.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
C'est vrai, mais à tort !
(Sourires.)
M. Jacques Bimbenet,
rapporteur pour avis.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales
a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du logement social en 2001.
(Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 14 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la
conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit
dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps de parole du Gouvernement est prévu au maximum pour
quarante-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, avec des moyens de paiement de 48,8 milliards de francs,
soit une augmentation de 1,2 %, et des moyens d'engagement de 49,6 milliards de
francs, en hausse de 1,6 %, le projet de budget pour 2001 témoigne d'une
réalité : l'effort public en direction du logement ne se dément pas.
Le projet de budget pour 2001 sera celui de la mise en oeuvre d'une réforme en
profondeur des aides personnelles au logement, décidée le 15 juin 2000 lors de
la conférence de la famille et présentée par le Premier ministre, M. Lionel
Jospin.
La création d'un barème unique des aides au logement dans le secteur locatif,
avec un alignement vers le haut des grilles actuelles, constitue une mesure de
cohérence et de justice, qui tend à supprimer l'écart d'aide existant, pour un
même niveau de revenu, selon qu'il résulte de transferts sociaux ou d'une
activité professionnelle.
Simplification, équité, incitation au retour à l'emploi pour les allocataires
au voisinage du RMI : ainsi peut-on résumer à gros traits cette réforme
ambitieuse qui sera mise en place en deux étapes et qui représente une hausse
des prestations versées de 6,5 milliards de francs.
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. André Vezinhet.
Aucun ménage ne verra son aide baisser et 4,8 millions d'entre eux percevront
1 300 francs par an, en moyenne, d'aide supplémentaire.
En outre, cette amélioration, sans précédent pour les ménages modestes, des
allocations logement ne remet pas en cause l'actualisation des barèmes, au 1er
juillet, comme convenu depuis 1997.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget est l'une des pièces d'un vaste
puzzle que vous avez, avec constance et détermination, mis en place, qu'il
s'agisse de mesures réglementaires ou législatives que vous nous avez
soumises.
Comment, en effet, appréhender le projet de budget pour 2001 sans examiner son
articulation avec deux grandes lois, la loi d'orientation relative à la lutte
contre les exclusions et la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains, qui vient d'être définitivement adoptée par le Parlement ?
Ainsi que le rappelle mon collègue M. Plancade, rapporteur pour avis, la loi
de 1998, c'est, au total, 1,7 milliard de francs supplémentaire, avec des
enveloppes destinées au fonds de solidarité pour le logement, le FSL, à l'aide
à la médiation locative, l'AML, et à l'aide au logement temporaire, l'ALT, qui
ont doublé depuis 1997 et qui, maintenues à niveau, atteignent 718 millions de
francs.
L'application de la loi de 1998 sur le terrain, plus spécialement dans le
département de l'Hérault, qui m'est cher, a favorisé un partenariat riche et
efficace dans le cadre de l'élaboration du troisième plan départemental
d'action pour le logement des personnes défavorisées ainsi que l'adaptation du
FSL.
Le plan départemental a su concilier les préconisations de la loi et les
particularismes locaux. L'ensemble de tous les partenaires locaux, qu'ils
soient institutionnels, tels que la direction départementale de l'équipement,
la direction déparementale des affaires sanitaires et sociale, la Caisse
d'allocations familiales, les associations pour l'emploi dans l'industrie et le
commerce, les bailleurs, publics et privés, et les centres communaux d'action
sociale, les associatifs ou acteurs de terrain tels que les travailleurs
sociaux, tous seront très fortement mobilisés en modifiant des pratiques
traditionnelles du travail social ; permettez-moi d'ailleurs de saluer ici le
rôle majeur du milieu associatif dans l'action sociale liée au logement, la
gestion locative ou la médiation sociale.
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. André Vezinhet.
Pourtant, les crédits budgétaires affectés à cet objet, d'un montant de 35
millions de francs, sont en baisse de 28 %. On peut s'en étonner.
Par ailleurs, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées
regrette le retard pris dans la mise en oeuvre de l'aide à la médiation
locative, bien que tout ait été fait pour que le dispositif soit opérationnel
au plus vite ; le décret d'application a été publié dès le mois de novembre
1998, les lignes de crédit ont été abondées peu après l'adoption de la loi.
Malgré cette diligence, le rapport indique que seuls 37 % des financements ont
été dépensés. Selon le Haut comité, le problème s'expliquerait probablement par
un contrôle financier tatillon des services déconcentrés de l'Etat.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
apporter des éclaircissements sur ces points ?
Enfin, et toujours en liaison avec la loi de 1998, je tiens à saluer ici la
parution des textes relatifs au numéro unique départemental d'enregistrement
des demandes de logements locatifs sociaux. Cette procédure garantira mieux les
droits des demandeurs et sera un outil permettant de connaître les besoins par
zone géographique.
Le projet de budget pour 2001, ce sont aussi des moyens au service d'une
double priorité : le développement du logement social et le renouvellement
urbain.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains va pouvoir
s'appuyer sur des moyens budgétaires, maintenus au niveau élevé qui était prévu
pour l'année 2000, nécessaires à sa mise en oeuvre ; ainsi 120 000 PALULOS pour
poursuivre les réhabilitations et 70 000 PLUS pour faciliter la construction de
logements neufs seront accordés.
J'entends ici et là fuser les objections. A quoi bon reconduire le même volume
d'aides à la pierre alors même qu'à peine plus de la moitié aura été consommée
dans l'année qui s'achève ? La réponse est contenue dans la loi précitée qui,
désormais, s'impose à tous : dans les agglomérations de plus de 50 000
habitants, il manque 450 000 logements sociaux. Efforçons-nous solidairement de
les réaliser.
Pour combler ce déficit, tout en mettant fin au mécanisme de concentration et
en favorisant la mixité sociale, il faut que les communes jusqu'alors
récalcitrantes et j'oserai dire « inhospitalières » construisent plus de 22 000
logements par an pendant vingt ans.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il a raison !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Bravo !
M. Patrick Lassourd.
C'est une compétence de l'Etat !
M. André Vezinhet.
Mais un constat s'impose : la production de logements sociaux est notoirement
insuffisante et ne correspond pas à la réalité des besoins de nos concitoyens.
Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez mesuré l'ampleur du problème qui
se pose à nous tous, collectivités locales, bailleurs sociaux, Etat.
Vous l'avez très clairement indiqué au congrès HLM de Bordeaux, « ni le
Gouvernement ni le corps social ne pourront durablement comprendre une telle
situation au regard des efforts importants qui ont été consentis ».
En effet, le Gouvernement ne s'est pas borné, contrairement à ce que laisse
supposer le rapporteur spécial, M. Jacques Pelletier, « à tenir un discours
volontariste en faveur de la construction sociale, qui se heurterait à la
réalité ».
Faut-il rappeler que les conditions du financement du logement social n'ont
jamais été aussi favorables depuis au moins vingt ans ? Qu'on en juge : baisse
du taux du livret A en 1999 ; baisse de 0,75 % du coût de la dette HLM ; durée
d'amortissement des prêts locatifs relatifs au foncier portée à cinquante ans ;
taux réduit de TVA sur les travaux d'entretien ; création du PLUS.
Comment expliquer, alors, que la relance attendue ne soit pas au rendez-vous
?
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Quel bilan.
(Sourires.)
Mme Odette Terrade.
Ça oui !
M. André Vezinhet.
On peut avancer plusieurs raisons : réticences de certaines communes à
accueillir des logements sociaux ; coût du foncier ; hausse des prix à la
construction ; frilosité de certains maîtres d'ouvrage, qui privilégient la
gestion du patrimoine plutôt que son développement ; difficultés pour les
organismes constructeurs d'équilibrer financièrement leurs opérations ;
difficultés aussi pour des petites communes de trouver un opérateur qui accepte
de construire cinq ou dix logements, opération jugée peu rentable. Sur ce
dernier point, j'en profite pour rappeler que, depuis le décret du 8 février
2000, les collectivités locales peuvent elles-mêmes être opératrices et
bénéficier du PLUS pour financer des opérations d'acquisition-amélioration. Je
les encourage à se saisir de cette faculté.
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Nous aussi !
M. André Vezinhet.
Cependant, pour inverser la tendance, faut-il, monsieur le secrétaire d'Etat,
envisager d'améliorer le financement par l'Etat, en augmentant le taux des
subventions ?
Une simplification et une réorganisation du secteur de la construction sociale
- offices d'HLM, OPAC, sociétés anonymes, coopératives - ne s'imposent-elles
pas, tant est rendue complexe et difficilement lisible l'organisation actuelle,
marquée qu'elle est par la multiplicité des statuts des organismes, la
diversité de leur taille, de leurs compétences ou de leurs champs
d'intervention ?
Une restructuration en cohérence avec l'intercommunalité, les agglomérations,
les pays, les bassins d'habitat me paraît inéluctable pour éviter au mouvement
HLM de s'autoscléroser.
La priorité accordée au renouvellement urbain se traduit, quant à elle, par
une hausse de 21 % des crédits affectés aux démolitions, qui passent de 140
millions de francs à 170 millions de francs.
Les crédits pour qualité de service, qui doublent pour atteindre 100 millions
de francs, répondent à une très forte demande des locataires en HLM et
contribuent à une requalification des quartiers sensibles.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en confiant à
l'ANAH l'ensemble des interventions financières de l'Etat sur le parc privé,
ancre plus profondément l'action de cet organisme au coeur de la politique de
renouvellement urbain. Sur des objectifs à la fois sociaux et urbains, la
simple reconduction d'un crédit de l'ANAH de 3 milliards de francs sera-t-elle
suffisante pour cette noble ambition ?
Dans le même esprit, est également prévu le renforcement des opérations de
résorption de l'habitat insalubre. Globalement, donc, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget assure le maintien des dotations au
parc privé.
L'accession sociale à la propriété suscite quelques inquiétudes. Le 22
novembre 2000, sous le titre « Alerte sur le prêt à taux zéro », le journal
Les Echos
consacrait un long article qui débutait ainsi : « Symbole de
l'aide à l'accession sociale à la propriété, le prêt à taux zéro est menacé. Le
soutien aux ménages désireux de devenir propriétaires ne semble plus faire
partie des priorités du Gouvernement à l'heure où, pourtant, se confirme un
infléchissement des mises en chantier de logements. »
Je ne partage pas cette approche particulièrement alarmiste ; cependant, des
craintes se font jour d'aboutir, sinon à sa disparition, du moins à une sorte
d'asphyxie...
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Il ne faut pas exagérer !
M. André Vezinhet.
... et de voir se reproduire le scénario qu'a subi le PAP en son temps.
Après ces interrogations, je terminerai sur les nombreux motifs de
satisfaction.
Le premier concerne la politique que vous avez menée à l'égard des locataires
: avec la suppression du droit de bail qui représente un montant d'allégements
fiscaux de 7 milliards de francs sur deux ans et la réforme des aides
personnelles qui représente 6,5 milliards de francs, ce sont, au total, 13,5
milliards de francs qui bénéficient aux locataires, dont les loyers auront, en
outre, été gelés pendant deux années, pour ceux qui relèvent du parc social.
Je me félicite également que soit maintenu l'encadrement des loyers du secteur
privé à Paris et en Ile-de-France au moment de la reprise économique et des
dérapages qu'elle pourrait susciter.
Je me félicite aussi de la reconnaissance du rôle des ADIL, les associations
départementales d'information sur le logement, en faveur du grand public.
Autre motif de satisfaction : pour la deuxième année de suite, le seuil des
300 000 logements construits et des 600 000 logements réhabilités a été atteint
; on compte aussi 600 000 transactions dans l'ancien. Bref, l'immobilier et,
avec lui, le bâtiment sont redevenus des moteurs de la croissance.
En deux ans, 120 000 emplois directs ou indirects ont été créés.
Dans l'Hérault, et j'y suis particulièrement sensible, la croissance du parc
de logement - 2 % contre 1 % à l'échelon national - et l'activité liée au
bâtiment représentent près de la moitié de l'activité économique.
Voilà peu, à Montpellier, lors de son assemblée générale, la Confédération de
l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, s'est réjouie du
fait que jamais la conjoncture n'a été aussi bonne pour le secteur, sachant que
58 % du chiffre d'affaires est assuré par les artisans et les petites
entreprises.
Je vois là des raisons d'être optimiste pour l'avenir, tout en appelant à une
nécessaire vigilance.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ces très bons résultats
ne sont pas le fruit du hasard : ils découlent d'une conjoncture économique
certes favorable, mais aussi de mesures fiscales et législatives adaptées,
portées par une politique budgétaire à la hauteur des ambitions. Le groupe
socialiste, bien entendu, votera avec enthousiasme le projet de budget pour
2001, auquel il apporte son total soutien.
(Bravo ! et applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous allons changer de ton.
En préambule, je dirai à notre collègue M. Plancade, rapporteur pour avis de
la commission des affaires économiques, que je m'étonne qu'il soit surpris que
la commission des affaires économiques n'ait pas voulu adopter ce projet de
budget : il a fait un rapport parfait, qui, à l'évidence, a démontré les
insuffisances du projet de budget du logement. Aussi, je ne comprends pas
pourquoi, sur ce rapport, il a proposé de voter ledit projet de budget.
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
C'est trop facile !
M. Patrick Lassourd.
Pour commenter les lacunes de ce projet de budget décevant, j'axerai mon
propos sur trois points.
Le premier, c'est le logement social. La sous-consommation des crédits qui lui
sont affectés est toujours plus manifeste. Les causes de cette
sous-consommation sont pourtant clairement identifiées. Je les cite
brièvement.
Première cause : le déséquilibre intrinsèque du dispositif des PLUS, les prêts
locatifs à usage social, censés permettre une plus grande mixité sociale. Or,
c'est l'inverse qui se produit. La tranche des 10 % de locataires dont les
revenus dépassaient le plafond de ressources autorisé a été progressivement
exclue du système, faute de loyers suffisamment attractifs. Cette population,
qui garantissait précisément la mixité mais bénéficiait peu de l'APL,
confrontée à un arbitrage réel entre locatif social et locatif privé, se tourne
vers ce dernier. Outre la tension qu'elle engendre sur le marché en tirant à la
hausse les loyers privés, cette situation contraint les offices d'HLM, pour
retenir ces locataires, à ne pas majorer les loyers, d'où le déséquilibre
intrinsèque du dispositif des PLUS.
Deuxième cause : l'insuffisance de l'aide à la pierre, qui a chuté de 10,77 %
à 7 % de l'ensemble de l'effort public, entre 1995 et 2000. Les collectivités
se voient obligées de prendre le relais, face au désengagement de l'Etat à
l'égard d'une compétence qui lui est pourtant dévolue. Ainsi, en Bretagne,
l'aide à la pierre émanant de la région, des départements, des communautés de
communes et des communes est bien supérieure à celle qui est accordée par
l'Etat, lequel, de surcroît, jalonne le parcours des subventions locales à la
pierre de difficultés administratives ! Triste et paradoxale ironie...
Troisième obstacle : l'augmentation des taux du PLUS consécutive à celle du
taux du livret A et la hausse de 15 % des coûts de la construction, ce qui rend
de nombreux appels d'offres infructueux.
Enfin, le prix élevé du foncier, qui freine le développement du logement
social. Il serait temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de réaliser à quel
point le zonage, notamment 2 et 3, est obsolète. Le prix du foncier exige que
certaines communes soient reclassées en zone 2. De plus, ce zonage est en
parfaite incohérence avec la loi Chevènement. Ainsi, sur les trente-six
communes de l'agglomération de Rennes, huit sont classées en zone 2 et
vingt-huit en zone 3, alors même que la politique globale de logement social de
cette communauté d'agglomération se révèle particulièrement dynamique. Comment
voulez-vous, dans ces conditions, que les organismes d'HLM puissent respecter
leur engagement de geler les loyers pendant l'année 2001 ?
Au vu de ces constats objectifs, tout se passe comme si le Gouvernement
refusait de tenir compte des réalités pour programmer, encore et toujours, la
construction de logements sociaux, qui, on le sait, ne seront, pour la plupart,
jamais réalisés. Chaque année, les chiffres laissent tomber des verdicts de
plus en plus sévères : 70 000 logements budgétés en 1999 pour 43 000 réalisés,
70 000 annoncés pour l'année 2000, avec seulement 11 376 agréments au premier
trimestre. Tel est mon premier point.
Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne le prêt à taux zéro.
Son évolution inquiétante confirme la volonté du Gouvernement d'ignorer
l'accession à la propriété, aspiration pourtant profondément ancrée dans la
population. Cet excellent outil d'accession sociale à la propriété - je
souligne le mot « sociale » - et de promotion du logement avait pour principale
qualité de toucher une large cible : 75 % des ménages français pouvaient, à
l'origine, y prétendre, le montant du prêt étant fonction de la composition de
la famille et la durée de remboursement fonction des revenus. Par ces critères,
fondés plus sur les besoins du ménage que sur ses revenus, il s'agissait donc
d'un prêt éminemment social, qui permettait enfin aux familles modestes
d'acquérir un logement.
Vos gouvernements n'ont eu de cesse de réduire l'efficacité du prêt à taux
zéro et d'en limiter l'accès. Premier coup porté en octobre 1997 : la
restriction du prêt aux seuls primo-accédants, puis l'augmentation des quotas
de travaux obligatoires. En novembre 1999 : réduction de la durée des
remboursements pour les plus aisés des ayants droit. Enfin, en octobre dernier,
on a encore diminué les durées des prêts, mais cette fois-ci pour les ménages à
ressources intermédiaires. Cette dérive, qui s'apparente à ce que l'on pourrait
appeler une « papisation » du prêt à taux zéro, représente, sur une durée de
quatre ans, une baisse de 16 % des crédits.
Ce prêt à taux zéro mériterait d'être amplifié, et non pas « grignoté » et
sacrifié, pour élargir le nombre de candidats à l'accession. Mais le
Gouvernement préfère brandir la carte du tout-locatif. La loi SRU confirme,
d'ailleurs, cette volonté délibérée d'écarter l'accession, exclue du quota de
20 % de logements sociaux...
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
C'est un peu gros tout de même !
M. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis.
Nous avons créé le prêt à taux zéro !
M. Patrick Lassourd.
Le troisième point que j'aborderai concerne la réduction des crédits de
l'ANAH, notamment au détriment du logement en milieu rural. Cette mesure
s'avérerait particulièrement inadaptée, lorsqu'on sait combien les communes
rurales comptent sur l'habitat social privé pour maintenir et développer leur
population. Cette réduction frapperait également les zones suburbaines
défavorisées. Globalement, la dotation budgétaire de l'ANAH stagne par rapport
aux crédits inscrits pour 1999 et 2000 : 2,2 milliards de francs en crédits de
paiement, soit un recul sensible. Ces tendances confirment le désengagement de
l'Etat à l'égard de l'amélioration du parc privé observé depuis 1996. Or le
parc privé, qui représente 55 % du parc locatif, joue un rôle social
incontestable, dont il convient de tenir compte.
Enfin, lors de la dernière réunion du conseil d'administration de l'ANAH, le 5
octobre 2000, il a été procédé à des modifications des règles de calcul des
subventions pour augmenter celles-ci dans les secteurs urbains denses et
stabiliser, voire diminuer, les crédits affectés aux villes moyennes et aux
secteurs ruraux.
En conclusion, je dirai que ce budget est, une fois encore, un budget
d'affichage, aux objectifs largement invalidés par les faits. Le logement,
monsieur le secrétaire d'Etat, est non pas une projection virtuelle, mais une
réalité concrète, qui touche les familles dans leurs attentes et dans leurs
besoins. La politique d'affichage est d'autant plus dangereuse qu'au bout du
compte elle n'est plus crédible.
Quel espoir donnez-vous à ceux qui sont pénalisés par ce décalage entre un
discours et une réalité, je veux parler des ménages et des élus des
collectivités locales ? Ces derniers ne disposent pas, en effet, des moyens
nécessaires pour équilibrer les opérations de logement social dont le
Gouvernement se défausse sur eux. Nous l'avons vu lors des débats sur le projet
de loi SRU : le Gouvernement tente de réaliser par la contrainte ce qu'il ne
parvient pas à faire lui-même.
Il fallait mettre en oeuvre un véritable redéploiement de crédits en direction
des problèmes que je viens d'évoquer, et non poursuivre cette stratégie
doctrinaire qui consiste à augmenter quantitativement des programmes
irréalisables de construction de logements sociaux, et qui, finalement, ne
profitent pas aux plus démunis.
Ce projet de budget ne contribue pas à préparer l'application de la loi SRU,
si peu adaptée aux réalités du terrain. Il ne sort pas le logement social de
son marasme. Vous affichez en permanence le souci d'aider nos concitoyens qui
ont les revenus les plus modestes. Mais que constate-t-on ? Tout d'abord, vous
ignorez les vraies conditions économiques de construction de logements sociaux,
et seulement un logement sur deux programmés est réalisé. Ensuite, vous rendez
l'accession sociale à la propriété plus difficile pour les bas revenus. Enfin,
par le biais de l'ANAH, vous diminuez les crédits pour les zones rurales,
territoires traditionnellement pauvres.
Il serait temps de reconnaître à la propriété privée un rôle d'utilité
publique. Elle constitue une réalité économique qui a son poids et sa place
dans une politique de logement ambitieuse. Huit Français sur dix sont ou
désirent être propriétaires.
Prisonnier d'une idéologie, ce projet de budget mésestime le véritable rôle
d'intégration sociale joué par le logement dans toutes ses variétés et toute sa
richesse : locatif social public, accession à la propriété, locatif privé.
C'est pourquoi le groupe du RPR ne votera pas ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Bellanger,
rapporteur pour avis.
Ce n'est pas possible.
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
budget pour 2001 prend largement la forme d'un budget de reconduction. Il
reflète la crise permanente du logement social. La sous-consommation des
crédits conduit même à s'interroger sur le rôle du parc public et sur sa
capacité à répondre à ses missions. Les moyens consacrés au logement des
personnes les plus défavorisées sont, pour leur part, en baisse, alors que le
nombre de mal-logés est toujours aussi préoccupant. Par ailleurs, la politique
en faveur du parc privé manque d'envergure, comme l'illustrent les mesures
fiscales, qui ne favorisent pas toujours les propriétaires.
Alors que les aides publiques au logement atteignent traditionnellement plus
de 190 milliards de francs, le projet de budget du logement et de l'urbanisme
pour 2001 s'élève à 48,75 milliards de francs. Il ne constitue que la partie
émergée de l'effort de la nation en faveur du logement.
Il s'agit donc d'un budget d'une certaine stabilité, alors même que le
contexte juridique dans lequel il s'inscrit est particulièrement fluctuant,
puisque le Parlement devrait adopter définitivement, à la fin de l'année, le
projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Cette loi dite « loi SRU » tend à réviser les outils de la planification
urbaine et à imposer des objectifs contraignants de mixité sociale dans
l'habitat, et il n'est pas certain que la simple reconduction des crédits à la
hauteur de ceux qui ont été votés en 2000 suffise à assurer l'efficience des
mesures de développement du logement social et de renouvellement urbain.
M. Gayssot et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, avez décidé une
réforme des aides personnelles, tendant à simplifier les barèmes et à les
aligner vers le haut. Cette réforme doit se traduire pour 4,8 millions de
ménages par un montant d'aides supplémentaires de 1 300 francs par an, en
moyenne. Elle représente une augmentation des prestations de 3,3 milliards de
francs dès 2001, dont 2 milliards de francs pour le budget de l'Etat.
Si le versement d'aides personnelles au logement permet de solvabiliser des
locataires souvent modestes, de leur garantir un accès effectif au logement et
de sécuriser les bailleurs, le nombre croissant des bénéficiaires n'en est pas
moins un phénomène extrêmement préoccupant. En 1999, environ 49 % des ménages
locataires et 18 % des ménages propriétaires ont bénéficié d'une aide
personnelle au logement.
Cette augmentation du nombre de bénéficiaires s'est accompagnée d'une
augmentation d'autant plus rapide du montant total des prestations versées que
celles-ci ont fait l'objet de revalorisations. Ainsi, les aides personnelles au
logement représentaient un coût budgétaire total de 50,6 milliards de francs en
1990 et plus de 80 milliards de francs en 1999, dont 34,6 milliards de francs
pour l'Etat.
Sans remettre en cause la vocation fondamentale des aides au logement,
pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous assurer que la réforme
permettra d'amorcer une maîtrise des dépenses publiques dans ce secteur ? Ce
système, marqué par une extrême complexité, est-il à même de faire preuve de
son efficacité sociale et d'éviter notamment l'attribution d'aides à des
logements qui ne remplissent pas les critères minimum de salubrité ?
Depuis plusieurs années, le secteur locatif social est marqué par une
diminution continue et significative du nombre de logements sociaux financés et
mis en chantier. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les
derniers éléments disponibles pour 2000 ne mettent pas en évidence une reprise
de la construction. Pour un programme budgétaire de 70 000 logements en 2000,
le rythme d'exécution au 30 juin 2000 était seulement de 8 707, soit un recul
de 5,7 % par rapport au rythme constaté à la même date, l'année précédente.
Si le rythme d'exécution est plus satisfaisant en matière de réhabilitation et
de consommation de primes PALULOS, avec 134 075 logements réhabilités en 1999,
il n'est toutefois pas exagéré, au vu de ces résultats, de parler de crise du
logement locatif social. La tentative du Gouvernement d'y remédier par la
création, en 1999, du PLUS, destiné à remplacer le PLA ordinaire et le PLA à
loyer minoré, n'a pas eu les effets escomptés. La mise en route du PLUS est
extrêmement lente et les difficultés d'exécution bien réelles.
Cette situation illustre une sous-consommation effective des crédits destinés
à l'amélioration et à la réhabilitation de l'habitat locatif social, crédits
qui s'élèveront, pour 2001, à 2,6 milliards de francs contre 2,5 milliards de
francs en 2000.
L'INSEE estime qu'il faudra plus de 300 000 logements neufs, hors
renouvellement du parc, pour faire face aux besoins entre 2000 et 2005.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous fournir des explications sur
cette crise de la construction du logement social, ainsi que sur la
sous-consommation des PLA ?
C'est toute la politique du Gouvernement en faveur de la mixité sociale,
imposée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui
est ici en jeu.
Les débats sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
ont été l'occasion de mettre en lumière le rôle économique et social
incontestable que joue le parc privé en France. Ce dernier représente,
aujourd'hui, 55 % du parc locatif. D'après les comptes du logement pour 2000,
le parc privé accueille deux fois plus de locataires dont le revenu annuel est
inférieur à 30 000 francs que le parc public. Un ménage pauvre sur trois est
aujourd'hui logé dans le parc locatif privé, contre un sur cinq au début des
années quatre-vingt.
Ces quelques données statistiques montrent, à l'évidence, que le parc public
ne suffit plus à répondre aux besoins et aux attentes des ménages les plus
modestes ni, en conséquence, à assumer seul sa mission de service public.
Sans doute convient-il alors de réorienter la politique du logement social
vers une meilleure prise en compte du rôle social des propriétaires bailleurs.
A titre d'exemple, la mobilisation de l'épargne privée, pour financer une
nouvelle filière de logements locatifs à vocation sociale, qui viendrait
compléter l'offre locative sociale des HLM, pourrait trouver sa place dans ce
nouveau contexte, marqué à la fois par le recul de la construction des HLM et
par les futurs besoins de construction qui naîtront de l'application de la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains dans les communes.
Un autre domaine est préoccupant : il s'agit du logement des personnes les
plus démunies. Pour 2001, les moyens sont en baisse et illustrent la fragilité
de l'action publique en ce domaine.
Cette diminution, à laquelle il convient d'ajouter l'évolution négative des
programmes de réalisation de logements sociaux, est d'autant plus préoccupante
que les « mal-logés » sont toujours aussi nombreux.
L'application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions, dont l'un des objets, à travers la mise en oeuvre d'un droit au
logement, était de faire en sorte que le logement devienne une réalité pour la
partie la plus vulnérable de la population, se traduit - il faut le dire - par
un bilan mitigé.
S'il n'existe pas d'évaluation nationale exhaustive du nombre de personnes
privées de domicile, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées
estime néanmoins qu'une population de 730 000 personnes se trouve sans
perspective d'accès à court terme à un habitat autonome. A celles-là s'ajoutent
les quelque 300 000 ménages en situation d'impayé de loyer, soit un million de
personnes, dont 350 000 enfants, dont les perspectives de maintien dans le
logement apparaissent alors précaires. Cette situation est extrêmement
préoccupante.
Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les politiques successives menées
en faveur des populations défavorisées ont permis l'émergence d'un parc
d'hébergement d'urgence et de logements d'insertion. Il n'en reste pas moins
que cette offre est actuellement bien inférieure à la demande.
Augmenter l'offre de logements sociaux notoirement insuffisants dans certains
bassins d'habitat, tel était l'un des objectifs prioritaires du budget pour
2000 et de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Malheureusement, tous les ans, et maintenant depuis trois ans, nous constatons
que la construction locative est en panne.
Vous nous expliquez, monsieur le secrétaire d'Etat, que les collectivités
locales sont réticentes à s'investir dans le financement de telles opérations
et que le mouvement HLM est démobilisé. Mais le gel des loyers, la pression sur
les prix et l'augmentation des taux d'intérêt ne facilitent pas le bouclage des
plans de financement.
Vous nous expliquez le bien-fondé des dispositions de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains. Mais, chacun le sait, elles ne
concernent que les zones urbaines, et nous ne sommes pas convaincus de leur
efficacité pour accroître le parc de logements sociaux.
Comme en 2000, le projet de budget pour 2001 n'apporte pas les correctifs
nécessaires pour relancer le logement social. Le redémarrage de la construction
locative sociale ne pourra intervenir que si l'incitation est jugée suffisante
par les bailleurs sociaux, et à condition également que le Gouvernement
réoriente la politique du logement social vers une meilleure prise en compte du
rôle social des propriétaires bailleurs.
Compte tenu de ces observations, mes collègues du groupe de l'Union centriste
et moi-même ne pourrons pas voter le budget du logement pour 2001.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
présidence de m. jacques valade
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2001 relatives à l'urbanisme et au logement.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Revet.
M. Charles Revet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la présente discussion, je partirai d'un
constat paradoxal : plusieurs orateurs ont souligné ce matin le faible degré de
consommation, depuis plusieurs années, des crédits - déjà insuffisants à notre
gré - réservés au logement social. Or, dans le même temps, on constate une
attente forte de nos concitoyens en matière de logement, car ils veulent vivre
autrement.
Vous pouvez par ailleurs mesurer comme nous - je suis président, vous le
savez, de l'office public d'aménagement et de construction de Seine-Maritime -
que le nombre de logements vacants s'accroît dans les banlieues alors que, dans
le même temps, les listes d'attente s'allongent dans nos villes moyennes, dans
nos bourgs et dans nos communes rurales. Cette situation mérite que nous y
apportions réponse.
A mon sens, la finalité de notre action, c'est de faire vivre des hommes - ou
plutôt des humains : je ne veux pas oublier les femmes -...
Mme Odette Terrade.
Ah !
M. Charles Revet.
... et je vise donc, bien entendu, l'ensemble des familles - la finalité de
notre action, dis-je, c'est de faire vivre les humains dans le logement qui
constitue leur cadre de vie et qui est le lieu où ils se retrouvent et
s'épanouissent.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous soumettre
quelques suggestions. Bien sûr, une politique a été mise en route, mais elle
est, à notre gré, totalement insuffisante. Il faut mener, à mon avis, une
politique beaucoup plus dynamique, en matière de restructuration des banlieues,
que ce qui a été fait jusqu'à présent. Si les constructions qui datent d'une
quarantaine d'années répondaient à une urgence, et satisfaisaient même parfois
leurs habitants grâce à un relatif confort, aujourd'hui, l'attente est autre et
doit être prise en compte.
Ces restructurations doivent donc être relancées sur un mode beaucoup plus
dynamique. En effet, on se contente de détruire un ou deux immeubles ici ou là,
mais on garde l'ensemble. Il faut avoir le courage d'aller beaucoup plus loin,
dépasser les hésitations que l'on constate encore trop souvent.
Ensuite, il faut établir une bonne complémentarité, en matière d'aménagement
du territoire, entre les grandes villes, les villes moyennes, les bourgs et les
communes rurales. Le postulat maintes fois répété selon lequel, aujourd'hui, 80
% de la population vivent sur 20 % du territoire ne saurait nous satisfaire.
Aménager le territoire, c'est faire en sorte que la population se répartisse
d'une manière beaucoup plus équilibrée entre ses différents ensembles !
Une autre complémentarité à réaliser, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est la
mise en oeuvre de la mixité. Il existe un réel besoin de logements locatifs,
que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, et l'attente des jeunes est
forte en la matière ; mais il faut aussi développer d'autres types d'habitat,
comme la location-accession - à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
avons fait preuve d'esprit d'innovation en Seine-Maritime -, ou l'accession à
la propriété classique. En effet, on l'a rappelé ce matin, beaucoup de nos
concitoyens souhaitent devenir propriétaires de leur logement, et cela me
paraît être un souhait légitime auquel nous devons répondre.
Mon sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que cette dernière
aspiration est très insuffisamment prise en compte aujourd'hui. Je ne dis pas
que ce n'est pas votre souhait - nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter -,
mais je ne suis pas sûr que tout le monde, au sein de votre administration,
soit dans le même état d'esprit.
Pour diversifier la construction, il va falloir faciliter l'urbanisation, et
donc l'attribution de permis de construire. Or, avec plusieurs de nos
collègues, qui sont présents dans cet hémicycle cet après-midi, nous sommes
allés, dans le cadre d'une mission spéciale, nous rendre compte sur place. Nous
avons alors pu constater que partout les maires des communes rurales, saisis de
trois ou quatre demandes de logement par an, refusaient presque
systématiquement d'accorder les permis de construire nécessaires au prétexte
que ce serait du mitage.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le logement est un élément essentiel de la vie
de nos concitoyens et il nous faut aujourd'hui comprendre qu'il nous appartient
de répondre, et de répondre rapidement, à cette aspiration profonde. Or le
projet de budget que vous nous proposez ne permet pas, nous semble-t-il, de
prendre en compte tous ces éléments, même si la volonté d'agir existe.
Je souhaite donc que vous agissiez fortement auprès des services de l'Etat
pour qu'ils apportent la réponse - elle est attendue par nos maires, par
l'ensemble des élus de la nation - qui nous permettra d'atteindre cet
objectif.
Me permettrez-vous enfin de rappeler que, ce matin, vous avez demandé aux
présidents d'office public d'aménagement et de construction qui siègent parmi
nous de bloquer les loyers ? Pourquoi pas ? Mais cela est soumis à une
condition qui aujourd'hui n'est pas remplie : le président de l'Union nationale
des fédérations d'organismes HLM vous a écrit récemment, monsieur le secrétaire
d'Etat, pour attirer votre attention sur le fait que si le Gouvernement ne
respectait pas ses engagements, il n'aurait pas le droit de demander aux
organismes d'HLM, qui ont un devoir de gestion, d'appliquer le taux zéro, parce
qu'ils seraient dans l'incapacité de le faire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai donc formulé tout à la fois des
affirmations et des questions. Nous attendons vos réponses, mais vous
comprendrez qu'en l'état actuel des choses il n'est pas possible que nous
approuvions la politique que vous nous proposez. C'est pourquoi le groupe des
Républicains et Indépendants émettra un vote défavorable sur votre projet de
budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
consacrerai mon temps de parole aux crédits du logement, tandis que mon
collègue Gérard Le Cam interviendra sur ceux de l'urbanisme.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort de l'Etat pour le
logement intéresse nos concitoyens, tant la situation qu'ils vivent est parfois
semée d'embûches, voire empreinte d'une grande détresse.
J'ai déjà eu l'occasion de saluer votre action à propos de la mise en place de
divers dispositifs liés à la politique du logement, qu'il s'agisse des efforts
consentis pour les aides à la pierre en 1998 et en 1999, de la philosophie
générale du volet consacré au logement dans la loi d'orientation relative à la
lutte contre les exclusions, de l'application du taux réduit de TVA aux travaux
effectués dans les logements, de la nouvelle réduction des droits de mutation
ou de la suppression du droit de bail.
Enfin, les débats sur le projet de loi relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains ont été l'occasion, pour mon groupe, de s'associer à
votre volonté de revaloriser l'image du logement social. En effet, faut-il le
rappeler, trois Français sur quatre remplissent les conditions d'accès au parc
social.
Nous avons donc soutenu sans réserve l'économie de l'article 25 de ce projet
de loi, et, convaincus du bien-fondé de cette mesure, nous serons
particulièrement attentifs à la réalisation annuelle de 20 000 logements
sociaux dans les communes en comptant moins de 20 %.
Les crédits inscrits au projet de budget pour 2001 au titre du logement
augmentent de 1,6 %, ce qui, compte tenu d'un taux d'inflation de 1,2 %,
représente plutôt une reconduction des moyens prévus pour l'année 2000 qu'une
réelle progression.
Les objectifs en termes de construction et de rénovation restent inchangés
pour 2001. Malgré les efforts réalisés en 1998 et en 1999, le déficit de
logements reste le problème majeur. En effet, depuis plusieurs années, nous
assistons à une sous-consommation des crédits destinés à la construction. Cette
situation est très préoccupante ; elle découle principalement de difficultés
croissantes à procéder à des montages financiers équilibrés, de la hausse
importante des coûts de la construction et du foncier, mais aussi,
certainement, de la réticence de certains élus vis-à-vis du logement social et
de ses habitants, qu'ils n'hésitent pas à stigmatiser.
Pour 2000, alors que l'objectif était déjà de construire 70 000 logements
neufs, le nombre de réalisations ne devrait pas dépasser 40 000 ! C'est bien
trop peu au regard des besoins qui s'expriment. Si, de plus, on considère que
10 000 logements du parc social ont été détruits et que 10 000 autres ont été
vendus, on aboutit finalement à une extension du parc social qui n'est que de
20 000 logements par an !
M. Charles Revet.
Cela ne fait pas beaucoup !
Mme Odette Terrade.
M. Plancade fait état, dans son rapport, du souhait de l'Union nationale des
fédérations d'organismes HLM, l'UNFOHLM, de conserver le même niveau d'aide
pour réaliser moins de logements ! En résumé, l'UNFOHLM proposerait de placer
moins haut la barre du nombre des constructions et de financer moins de
programmes ! Nous ne partageons pas ce point de vue !
Je pense, au contraire, que nous devons tendre vers un nombre de constructions
bien plus élevé, tant les listes d'attente de demandeurs de logement sont
longues dans de nombreuses communes.
M. André Vezinhet.
Très juste !
Mme Odette Terrade.
Il est urgent d'améliorer significativement l'efficacité économique et sociale
de l'aide à la pierre. Dans cet esprit, une autre politique de financement du
logement est à privilégier, incluant une révision du rôle et des missions du
secteur bancaire, en particulier de la Caisse des dépôts et consignations. Les
taux des prêts à la construction et à la réhabilitation du logement social
doivent baisser, et les durées de remboursement s'allonger. Il faut également
réfléchir au rôle du « 1 % » dans ce domaine de la construction et de la
réhabilitation. Cette réforme est nécessaire non seulement pour permettre une
augmentation significative du nombre de logements construits, mais également
pour obtenir une baisse des loyers de sortie. Ces derniers restent, pour de
nombreuses familles, une charge importante, d'autant que la hausse des prix de
l'eau, du fioul et du gaz pèse sur leurs budgets.
Dans cette optique de limitation du montant des loyers, mais également dans le
souci de promouvoir la mixité sociale, nous demandons à nouveau l'abrogation du
surloyer. Nous avons salué la suppression de la part acquittée par les
organismes d'HLM, mais il nous faut maintenant aller plus loin, d'autant que
certains bailleurs nous signalent que le recouvrement du surloyer coûte plus
cher qu'il ne rapporte.
M. Charles Revet.
C'est vrai !
Mme Odette Terrade.
S'agissant des réhabilitations, 120 000 PALULOS sont inscrites au projet de
budget. De nombreux maires nous indiquent que, là encore, les sommes destinées
au remboursement des emprunts pèsent lourdement dans le financement de ces
opérations, ce qui entraîne une augmentation des loyers ou contraint à se
contenter d'une qualité moindre.
En tout état de cause, nous pensons que le nombre de PALULOS prévu pour 2001
reste inférieur aux besoins en matière de requalification des quartiers et de
revalorisation de l'habitat social.
Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement du
groupe communiste prévoyant un allégement de 30 % de la taxe foncière sur les
propriétés bâties, la TFPB, pour les organismes comptant des logements situés
en zones urbaines sensibles, les ZUS. Nous regrettons toutefois que cette
mesure ne trouve sa pleine application qu'en 2002, le Gouvernement ayant choisi
d'en faire une contrepartie au gel des loyers pour 2001. Nous aurions, pour
notre part, préféré que le gel des loyers, légitimement attendu par les
locataires et leurs associations, soit financé par affectation de moyens
supplémentaires.
C'est également, je crois, ce qu'auraient préféré les offices d'HLM, qui
attendent par ailleurs toujours la compensation de l'augmentation du taux de
rémunération du livret A. Pouvez-vous nous indiquer les intentions du
Gouvernement à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat ?
L'un des axes majeurs du projet de budget pour 2001 est la réforme des aides à
la personne. La dotation budgétaire prévue pour le financement des aides
personnelles au logement s'élève à 35 milliards de francs, soit une hausse de
1,74 % par rapport à 2000. Elle se décompose en une subvention au logement
social, sous la forme de l'APL, l'aide personnalisée au logement, d'un montant
de 15 milliards de francs, et d'une contribution de 20 milliards de francs au
financement de l'allocation logement pour le secteur privé.
Respectueux de l'annonce qu'il avait faite lors de la conférence de la famille
du 7 juillet 1999, le Gouvernement procède à la réforme des aides au logement.
Il souhaite ainsi, et c'est une bonne chose, rendre plus cohérente la prise en
compte des ressources pour le calcul des aides et tendre vers un barème mieux
harmonisé des différentes aides. Nous apprécions que tous les revenus soient
pris en considération de la même manière, qu'il s'agisse des revenus du
travail, du RMI ou des minima sociaux. Cela nous semble plus juste.
Comme je l'avais fait l'année dernière, j'attire une nouvelle fois votre
attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les APL d'un montant inférieur à
cent francs mensuels qui ne sont pas versées et qui représentent souvent un
manque à gagner substantiel pour les familles concernées.
Ce chapitre des aides à la personne représente 70 % des crédits du logement.
En effet, faute de privilégier l'aide à la pierre, seul dispositif permettant
de garantir des loyers de sortie bas et donc de peu solliciter les aides
publiques, l'Etat doit dégager dans ce domaine des moyens qui soient à la
hauteur des difficultés que connaissent nos concitoyens.
J'ai pris bonne note de la revalorisation de l'APL, intervenue le 1er juillet
dernier. Celle-ci comprenait notamment une majoration de 1 % des forfaits de
charges, ce qui est dérisoire lorsque l'on observe la part des charges dans les
loyers facturés aux locataires. Par conséquent, la revalorisation du forfait de
charges doit être beaucoup plus significative.
Si, comme je vous l'ai déjà dit, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ignore
pas que vous avez pris des dispositions afin d'atténuer le déséquilibre qui
prévalait, avant votre arrivée, au profit du logement privé, je regrette
toutefois que l'action publique en faveur du logement social ne soit pas plus
clairement affirmée.
Sans entrer dans le détail des contreparties qui s'imposent au logement social
et non au logement privé, bien que celui-ci bénéficie des aides publiques de
l'Etat, je prendrai un exemple, celui de l'amélioration de l'habitat : le
montant moyen de la PALULOS par logement est estimé à environ 8 000 francs,
cette subvention étant doublée lorsque c'est l'ANAH qui intervient.
Enfin, je ne peux parler du logement sans noter avec satisfaction la récente
décision du tribunal de Paris, qui invoque l'« état de nécessité » pour motiver
sa décision de relaxer un père de famillle contraint de forcer la porte d'un
logement vacant afin de ne pas soumettre son nouveau-né à l'insalubrité d'un
studio de huit mètres carrés qu'il occupait avec son épouse.
Malheureusement, ces conditions de logement indignes de notre époque
subsistent encore, en dépit de la loi d'orientation de lutte contre les
exclusions. De nombreuses associations nous alertent sur les difficultés de la
mise en oeuvre de celle-ci. Elles attirent également notre attention sur les
expulsions auxquelles il est procédé, bien que la preuve de la bonne foi des
locataires soit apportée. Ne conviendrait-il pas, monsieur le secrétaire
d'Etat, de mettre en place une nouvelle communication en direction des
bailleurs sociaux, afin de les sensibiliser aux nouveautés introduites par la
loi et de ne plus donner aux locataires aux prises avec de grosses difficultés
financières l'impression qu'ils mènent le combat du pot de terre contre le pot
de fer ?
Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenté de procéder à
un examen objectif du projet de budget que vous nous présentez, à la lumière
des exigences du groupe communiste républicain et citoyen. Cette analyse
aboutit parfois à des différences d'appréciation. Toutefois, considérant votre
volonté d'apporter des solutions durables aux problèmes du logement, nous
voterons vos crédits pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
vous me pardonnerez, je l'espère, de reprendre certains propos qui ont déjà été
tenus ce matin. Cela étant, vous n'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat,
que vous avez affaire à des sénateurs souvent spécialistes, souvent présidents
d'OPAC ou d'office d'HLM, et il n'est donc pas anormal que nous vous livrions
des réflexions voisines ou identiques.
L'année 1999 a été une année exceptionnelle, sans précédent, pour l'ensemble
des marchés immobiliers, tous les secteurs d'activité ayant profité de la
croissance, qu'il s'agisse de l'accession à la propriété et de l'investissement
locatif privé, des travaux d'amélioration ou des crédits immobiliers à
l'habitat.
Pour l'année 2000, la conjoncture devrait, pour les mêmes branches, être
quasiment aussi bonne, sauf, peut-être, pour l'investissement locatif privé,
qui supporte une charge fiscale significative et les risques inhérents à la
location, que les derniers textes et une jurisprudence constante ont encore
aggravés.
Il s'agit donc d'années exceptionnelles, monsieur le secrétaire d'Etat, pour
le secteur économique dont vous avez la responsabilité, exception faite, mais
dans des proportions alarmantes, du logement social.
En effet, la construction locative sociale est en panne : 78 000 logements
neufs ont été construits à ce titre en 1994, 39 000 l'ont été en 1999, 36 000,
37 000 voire 40 000, selon vos dires, seront sortis de terre en l'an 2000,
alors que votre programmation en prévoyait 70 000.
A la lumière des besoins identifiés, on peut mesurer l'étendue de l'échec.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement ne peut
supporter une telle situation, et vous avez laissé percer votre déception à
l'égard des constructeurs sociaux.
Nous savons également que vous comptez sur les effets de l'entrée en vigueur
de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains pour développer
la construction de logements aidés.
Plutôt que de compter sur les effets d'une contrainte, mal ressentie tant par
le mouvement HLM que par de très nombreux élus, ne devriez-vous pas vous
interroger sur l'échec persistant, car il s'agit, hélas ! d'un échec, d'une
politique qui se traduit par une non-consommation des crédits affectés à la
construction sociale, et rechercher, en toute bonne foi et avec nous, les
causes objectives de cette situation ?
Ces causes ne me semblent pas devoir être restreintes à une quelconque
incapacité ou mauvaise volonté des acteurs principaux et essentiels de la
construction sociale, même s'il est vrai que le mouvement HLM n'a pas toujours
consenti les efforts de productivité et de créativité nécessaires.
En effet, ces causes sont multiples : en ville, nombre d'intervenants l'ont
souligné ce matin, le coût du foncier constitue le premier obstacle à la
recherche de l'équilibre d'une opération ; en zone rurale, où des progrès
considérables ont été enregistrés, les petites communes ne veulent plus ou ne
peuvent plus supporter la charge de la participation que représente l'apport au
constructeur du terrain viabilisé, en raison du coût non pas du foncier, mais
de la réalisation des voies et réseaux divers.
J'ajouterai à cette énumération une sorte de réserve psychologique des élus
locaux, notamment dans les petites communes, devant la longueur et la
complexité du processus réglementaire de production, une incompréhension face
aux modifications souvent annuelles de la législation financière, qu'il
s'agisse des PLA, des PLAI, des PLA-LM ou des PLUS, et une frilosité accrue à
l'égard des procédures d'évaluation et d'attribution, qu'ils qualifient de plus
en plus d'« usines à gaz ».
S'ajoutent à ces réactions des prescripteurs les difficultés objectives
rencontrées par les constructeurs, telles que le niveau atteint par les prix de
la construction, qui rendent les appels d'offres très souvent infructueux, et
la position rigide des préfectures, qui recommandent et tentent d'imposer une
ou plusieurs procédures successives d'appels d'offres, tout aussi infructueuses
d'ailleurs, à la suite de l'échec de la première procédure, plutôt que d'aider
à la recherche de l'efficacité par le biais de marchés négociés, dès lors que
le premier appel d'offres aura été négatif.
Dans le même ordre d'idées, il est clair que le plan de charge des entreprises
du bâtiment les autorise aujourd'hui à être plus sélectives dans le choix de
leurs clients et que les prix au mètre carré auxquels sont tenus les
constructeurs sociaux ne leur permettent pas d'espérer dégager les marges
confortables qu'ils peuvent négocier dans d'autres secteurs.
Toutes ces contraintes s'additionnent et constituent autant de raisons, me
semble-t-il, de l'échec persistant de la construction sociale.
Hormis les causes tenant à la lourdeur du processus administratif, qu'il soit
d'origine gouvernementale, législative ou réglementaire, nous voyons bien,
monsieur le secrétaire d'Etat, que nous sommes surtout confrontés à un problème
de coût : pour équilibrer les opérations, les constructeurs sont obligés de
solliciter les communes, les départements et, maintenant, les régions.
C'est dire que le financement d'Etat est insuffisant : tous les opérateurs ont
rapidement souligné l'inadaptation du PLUS et l'insuffisance de la subvention
d'accompagnement. La situation financière des organismes d'HLM étant ce qu'elle
est, ils ne peuvent - mais le devraient-ils ? - suppléer par fonds propres
l'insuffisance des produits de financement de l'Etat.
Il en est de même en matière de réhabilitation : croyez-vous raisonnable,
monsieur le secrétaire d'Etat, de maintenir le plafond des travaux
subventionnables en PALULOS à son niveau actuel ? Croyez-vous que ce plafond
corresponde encore à une quelconque réalité économique quant il s'agit de
rénover un logement de vingt ans d'âge ? Qu'en est-il si le logement a
trente-cinq ans ?
Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que le moment est venu de
s'interroger, de vous interroger sur la pertinence d'un système mis en place
voilà plus de vingt ans, et sur son adéquation à la situation actuelle.
A quoi sert, en effet, d'annoncer une programmation de 70 000 logements quand
tous les professionnels savent, au moment même où elle est annoncée, qu'elle
est gravement surestimée ?
Acceptez, s'il le faut, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient construits
moins de logements aidés pendant quelques années, mais au moins qu'ils soient
construits et bien construits, et que chaque opération trouve, dans le quantum
de l'intervention de l'Etat, dont c'est la compétence et la responsabilité, son
équilibre.
Vous nous avez indiqué y réfléchir, et je sais votre compétence et votre bonne
foi. Je crains seulement que la revalorisation de l'aide de l'Etat, si elle se
limite à un réajustement qui serait fonction de la seule augmentation du coût
de la construction, ne soit totalement insuffisante pour assurer l'équilibre de
chaque opération et que la situation actuelle ne perdure.
Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que la construction sociale est
purement et simplement confrontée à un problème d'argent. C'est cela qu'il vous
faut résoudre pour éviter la persistance de l'échec - immérité - de votre
politique.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma
collègue Odette Terrade a abordé, tout à l'heure, la question cruciale du
logement. Je voudrais, pour ma part, m'arrêter brièvement sur deux points
particuliers.
Il y a deux ans, nous nous étions félicités du judicieux regroupement des
crédits de l'urbanisme au sein de ceux du logement. Cela a aidé en lisibilité
et permis d'apprécier plus facilement les moyens du budget de l'Etat consacrés
à l'urbanisme et à l'aménagement du foncier.
Ces crédits s'élèvent à 500 millions de francs alors qu'ils étaient de 370
millions de francs l'an dernier. Cette petite enveloppe s'explique uniquement
parce que la compétence de l'Etat en matière d'urbanisme est très limitée.
L'augmentation des crédits est, quant à elle, due, en partie, à l'adoption de
la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains.
Elle consacre une simplification et une mise en cohérence des documents
d'urbanisme. La démarche d'approche globale de la réalité urbaine est
profondément innovante. C'est la clé de voûte d'un développement et d'un
aménagement du territoire équilibrés et harmonieux. La réforme des documents
d'urbanisme lie la cohérence à la lisibilité et à la démocratie. Nous nous en
félicitons.
Les crédits de l'urbanisme sont essentiellement consacrés à l'information,
l'animation, la formalisation, la réflexion, la recherche, la concertation et
les subventions aux agences d'urbanisme.
L'autre part est attribuée à l'aménagement foncier. Cette mission s'exerce
dans le cadre de la politique foncière de l'Etat, au titre des politiques
d'aménagement de sites stratégiques d'intervention prioritaire.
A ce titre, nous souhaitons attirer votre attention, monsieur le secrétaire
d'Etat, sur le devenir des terrains de l'Assistance publique - hôpitaux de
Paris, ancien hôpital Laennec et de leur probable vente à un promoteur
immobilier, la COGEDIM.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, interrogé par ma
collègue Nicole Borvo, a déclaré : « Sans remettre en cause la démarche de
l'établissement, les autorités de tutelle souhaitent que l'on se donne le temps
nécessaire à une décision réfléchie... permettant la réalisation d'un programme
équilibré qui réponde aux besoins des Parisiens », ce qui n'est pas du tout le
cas.
Pour le moment, sont prévus 100 logements pour étudiants et 30 logements pour
les familles modestes, alors que le VIIe arrondissement ne compte que 0,28 % de
logements sociaux.
Quelles démarches sont engagées, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que ces
terrains ne soient pas objet de spéculation, mais outil de mixité sociale ?
Je souhaitais également aborder, pour ne pas dire survoler, les crédits
consacrés aux personnels des services d'administrations centrales et des
services déconcentrés.
Depuis de nombreuses années, nous n'avons de cesse de dénoncer l'évolution des
effectifs, en constante régression.
Depuis 1983, ce sont près de 1 000 postes par an qui ont été supprimés. Nous
avons noté, ces deux dernières années, un ralentissement des suppressions de
postes et nous ne doutons pas qu'il est essentiellement dû à votre volonté
politique, monsieur le secrétaire d'Etat, d'inverser la vapeur.
C'est chose faite cette année. Même si ce n'est que faiblement, le solde est
positif et nous nous en félicitons.
En effet, les directions de l'équipement, qu'elles soient régionales ou
départementales, assurent un service public fondamental, qu'il s'agisse
d'assurer la sécurité des routes et des voies navigables ou d'améliorer la
fluidité du trafic, notamment pour atteindre les objectifs gouvernementaux en
matière de sécurité routière.
Lors de la tempête du 26 décembre dernier, les DDE ont, à nouveau, démontré
leur compétence technique, leur connaissance du territoire et leur
disponibilité.
Cependant, cette catastrophe a mis en lumière un allongement des délais
d'intervention qui n'est pas imputable uniquement à l'accroissement soudain des
demandes, mais également, pour une grosse part, aux réductions successives de
personnels enregistrées depuis quelques années.
La multiplication à prévoir de ce genre de catastrophe naturelle, sans être
alarmiste, n'est-elle pas d'ailleurs à prendre en compte pour les futures
évolutions des effectifs des DDE ?
Pour l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe communiste républicain
et citoyen soutient votre budget.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de
remercier chaleureusement vos rapporteurs, notamment votre rapporteur spécial,
M. Jacques Pelletier, mais aussi MM. Bellanger, Plancade et Bimbenet, qui vous
ont présenté les principales données du projet de budget du logement et de
l'urbanisme pour 2001. Comme chaque année, la qualité de leurs rapports et de
leurs exposés me facilite la tâche et me permettra de limiter mon propos, en
m'efforçant d'apporter des réponses aux principales questions qui m'ont été
posées par les intervenants.
Pour la deuxième année consécutive, nous devrions, d'après les derniers
chiffres en notre possession, dépasser les 300 000 logements commencés et
atteindre, je l'indique à M. le rapporteur spécial, les 301 000 logements en
2001. Nous franchirons donc le cap des 300 000 ! Avec 600 000 logements
réhabilités grâce aux aides publiques, avec également 600 000 transactions dans
l'ancien, le secteur de l'immobilier et, donc, le bâtiment, sont redevenus des
moteurs de croissance.
Avec 60 000 emplois directs créés, 120 000 si l'on y ajoute les 60 000 emplois
des industries se situant en amont du bâtiment, il m'a semblé que les lunettes
de M. Lassourd devaient être vraiment très noires pour qu'il qualifie de «
virtuel » le budget qui soutient ce succès.
Vous avez été plusieurs à nous rappeler l'inévitable décalage entre les
décisions et leurs effets en raison des délais de construction et de travaux.
Nous devons, bien sûr, tous rester vigilants, monsieur le rapporteur spécial,
et faire en sorte que cette reprise soit durable. Soyez assuré que les pouvoirs
publics s'y emploient.
Pour l'instant, la conjoncture nous paraît rester favorable à l'investissement
des ménages. Les taux d'intérêt sont stabilisés depuis le printemps 2000 et,
dans sa dernière publication, l'ANIL observe même un retour à la baisse des
taux des prêts immobiliers de certains établissements de crédit.
J'ai noté l'accueil très favorable réservé sur toutes les travées de cet
hémicycle à la grande réforme des aides personnelles au logement, qui
représente 6,5 milliards de francs de prestations supplémentaires. Cette
réforme, vous le savez, est mise en oeuvre en deux étapes, 1er janvier 2001 et
1er janvier 2002. Elle bénéficie du contexte économique général favorable, avec
la baisse du chômage et la hausse de la masse des salaires - je n'ai pas parlé
de la hausse des salaires, je parle bien de la hausse de la masse des salaires
distribués - qui allègent l'évolution naturelle des dépenses avant réforme, ce
qui contribue au financement de celle-ci. C'est aussi une réponse aux
préoccupations de maîtrise de la dépense publique évoquées sur telle ou telle
travée. Nous en attendons bien sûr une réelle amélioration de la solvabilité
des ménages modestes.
Si cette réforme concerne, pour 2001 et 2002, le secteur locatif hors foyers,
cela ne signifie pas que les logements foyers et les accédants à la propriété
soient exclus de nos travaux.
Je veux rassurer vos rapporteurs, MM. Pelletier, Plancade et Bimbenet : il n'y
a pas de volonté, de la part du Gouvernement, de privilégier le locatif. Il
s'agit simplement, compte tenu de l'ampleur de la réforme, de procéder en
plusieurs étapes. Le secteur locatif hors foyers, auquel nous nous sommes
attachés, était le secteur le plus lourd en termes de financement et le plus
délicat puisque, à lui seul, vous le savez, il représente les deux tiers des
bénéficiaires : nous avons donc commencé non pas par la catégorie qui aurait
coûté le moins cher mais, au contraire, par celle qui était la plus lourde pour
les finances publiques. Pour les aides personnelles à l'accession à la
propriété, le Conseil national de l'habitat, le CNH, a engagé des travaux
techniques sur l'application des mêmes principes de réforme à ce secteur. Bien
sûr, nous suivons ces travaux.
S'agissant des sources d'économie évoquées par M. Jacques Pelletier, le
ministère du logement est ouvert à une révision des mécanismes de
l'épargne-logement qui permettrait de mieux lier la prime d'épargne à la
réalisation effective d'un projet immobilier.
Par ailleurs, nous avons introduit depuis deux ans - M. Bimbenet l'a noté dans
son rapport - une distinction, dans les aides personnelles versées aux
étudiants, entre boursiers et non-boursiers. D'une certaine façon, c'est une
prise en considération des revenus familiaux de l'étudiant, et j'insiste sur le
fait que c'est la première tentative en ce sens depuis de longues années qui
ait, apparemment, réussi, alors que nombre d'autres, vous le savez, avaient été
mises en échec par tel ou tel refus vivement exprimé.
Enfin, la mise en oeuvre de la réforme ne conduira pas à faire l'économie de
la révision annuelle du barème des aides, à laquelle, madame Terrade, vous êtes
très attachée : l'actualisation annuelle que nous avons reprise depuis le 1er
juillet 1997 a été constamment respectée et elle le sera encore en 2001.
Nous avons entendu vos préoccupations sur ce point, préoccupations qui ont
également été exprimées par MM. les rapporteurs, notamment à travers la
question de l'évolution récente des charges, en particulier des charges de
chauffage.
Nous ne pouvons cependant pas rejoindre M. le rapporteur spécial quand il
estime que la réforme des aides à la personne risque de se faire au détriment
des aides à la pierre.
Le parallèle qu'il établit dans son rapport, en ce qui concerne l'évolution
des crédits pour 2001, entre plus 2 % d'un côté et moins 1 % de l'autre ne nous
paraît pas juste car, d'une part, les crédits qui augmentent représentent plus
de 70 % du total et ceux qui diminuent représentant donc moins de 30 % ; de
plus, l'évolution concernant les aides à la pierre est, certes, de moins 1,3 %
en crédits de paiement mais de plus 0,5 % en autorisation de programme, ce qui
paraît plus porteur d'avenir pour des aides à l'investissement. J'y reviendrai
sur plusieurs points particuliers.
Concernant le secteur locatif social, nous avons bien entendu l'impatience
légitime de vos rapporteurs, relayés par MM. Cléach et Lassourd, pour parvenir
à se doter des moyens d'une relance de la production dans le logement social,
que ce soit en construction neuve ou en acquisition dans l'ancien.
M. Revet a parlé sur ce point d'un paradoxe, je souscris à ce propos. Mais
j'en vois un autre dans le fait que nous avons atteint l'objectif global, «
mythique », de la barre des 300 000 logements mis en chantier dans l'année
alors que la production de logement locatif social est si faible. La plupart du
temps, lorsqu'on atteignait les 300 000 logements - et il faut remonter assez
loin dans le temps -, c'était en raison d'une contribution beaucoup plus
importante du logement locatif social.
Nous sommes donc en présence d'un paradoxe : globalement, on n'a jamais autant
construit, mais jamais aussi peu construit dans le secteur locatif social où
une baisse s'est amorcée en 1995 pour, hélas ! se poursuivre, année après
année.
Ma rencontre avec quelques préfets au cours des derniers jours m'a permis
d'apprendre que dans deux départements de la région d'Ile-de-France, les
résultats seraient meilleurs que les années précédentes. Avant-hier, le préfet
du Pas-de-Calais m'a dit la même chose pour ce département. Qui plus est, nous
savons que, dans la région PACA, qui avait connu une vraie dépression, là
aussi, deux départements feraient mieux que les années précédentes.
Je reste très prudent en disant cela : ce sont quelques signaux. Mais je veux
surtout vous assurer, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les
sénateurs, que le Gouvernement partage la préoccupation que vous avez
exprimée.
Je peux vous indiquer les pistes sur lesquelles nous travaillons. Elles
concernent tant les crédits budgétaires de l'Etat que les financements
complémentaires du 1 % logement, dont les capacités financières ont été
reconstituées et doivent être mieux mobilisées.
Je tiens à le réaffirmer du haut de cette tribune, les témoignages de Mme
Terrade et de M. Revet nous confirment la réalité des besoins.
Nous sommes bien conscients que le niveau relativement élevé des prix de la
construction n'a pas favorisé, au cours des derniers mois, la production d'un
plus grand nombre de logements, et il y a des appels d'offres infructueux pour
les organismes d'HLM.
C'est pourquoi nous avons engagé la réflexion sur ces problèmes.
Il importe, tout d'abord, de mobiliser effectivement l'ensemble des moyens
financiers disponibles.
Cela vaut pour l'apport du 1 % logement, dont l'implication dans les
opérations, encore sans doute trop attachée à la pratique ancienne des
réservations, est insuffisante.
Alors que la convention que nous avons signée le 3 août 1998 prévoyait un
investissement annuel pour le 1 % logement d'au moins 4,5 milliards de francs,
la réalité, en 1998 et en 1999, a été inférieure de plus d'un milliard de
francs. Cette insuffisance n'est pas uniquement due à la faible consommation
des PLA ou des PLUS.
Comme l'a souhaité M. Plancade, ce milliard de francs, qui est un minimum,
doit être réinjecté, à des conditions financières améliorées, dans la
production de logement social. Les discussions sont en cours avec l'Union
d'économie sociale du logement à ce sujet. Nous espérons aboutir d'ici à la fin
de l'année.
La nécessité de mobiliser les crédits disponibles vaut aussi, bien sûr, pour
les crédits budgétaires de l'Etat. Une des pistes sur lesquelles nous
travaillons consiste à adapter les paramètres de calcul des aides à la pierre à
l'évolution des coûts de construction réellement constatée.
Car il y a un décalage qui se crée...
M. Charles Revet.
C'est vrai !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... et nous souhaitons le corriger.
Vous voyez donc que l'Etat ne se contente pas d'interpeller les autres
intervenants, mais qu'il entend bien améliorer l'efficacité de ses propres
financements.
Enfin, nous souhaitons assouplir la condition de travaux après acquisition
dans l'ancien, afin de permettre la réalisation d'opérations plus nombreuses,
pour lesquelles il n'est pas indispensable de faire toujours au moins 20 % de
travaux.
S'agissant de la production de logements et la restructuration des banlieues,
monsieur Revet, vous savez que c'est ce gouvernement qui a créé ce qu'on a
appelé le PLA construction-démolition au 1er janvier 1998. Le démarrage est
trop lent à nos yeux. Il est néanmoins réel et, si le rythme moyen des
démolitions, voilà trois ans, était d'environ 2 500 logements, nous avons passé
le cap des 6 500 et, dans le projet de budget que nous vous proposons, nous
pourrons en financer 20 % de plus en 2001, si bien que nous devrions atteindre
la barre des 10 000, en 2002 au plus tard.
MM. Jean-Pierre Plancade,
rapporteur pour avis,
et André Vezinhet.
Oui !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Il y a donc là un vrai mouvement de renouvellement de
l'offre d'HLM. Indépendamment de l'amélioration de la qualité de vie qui en
résultera pour les habitants qui profiteront de ces logements, c'est l'image
même du patrimoine des HLM qui s'en trouvera revalorisée.
Je sais que vous, mesdames, messieurs les sénateurs qui détenez des
responsabilités dans des organismes d'HLM, et qui les assumez avec conviction
et avec détermination, vous y trouverez des satisfactions.
Je rappelle que la hausse du taux du livret A de juillet dernier n'a en rien
dégradé l'équilibre des opérations PLUS et PLAI nouvelles. En effet,
l'allongement immédiat de trois ans de la durée de remboursement du prêt de la
Caisse des dépôts et consignations, consenti depuis la hausse du taux du livret
A, compense entièrement la hausse du taux de 0,75 % pour le PLUS et de 0,65 %
pour le PLAI.
Concernant la compensation de l'augmentation du taux du livret A sur les
charges des organismes, sur le stock de l'endettement, c'est-à-dire sur le
remboursement des prêts anciens, madame Terrade, je vous confirme l'engagement
pris par MM. Jean-Claude Gayssot, Laurent Fabius et moi-même d'en neutraliser
l'effet en 2001.
Cette décision a été annoncée par M. Jean-Claude Gayssot lors du congrès de
l'Union des fédérations d'organismes HLM à Bordeaux, et les modalités
d'application de cette neutralisation ont été récemment précisées à l'Union des
fédérations des organismes HLM et à la Caisse des dépôts et consignations de
manière que celles-ci puissent, sur 2001, procéder à des remises qui, tous
logements et financements HLM additionnés, OPAC, offices, SA ou SEM,
représenteront bien des allégements d'un montant de 870 millions en 2001.
Le Gouvernement a également, je le rappelle, ouvert la possibilité d'allonger
de trois ans le remboursement des prêts accordés depuis juillet 1997, ainsi
qu'il a accepté la mesure d'allégement de la taxe foncière sur les propriétés
bâties proposée par le groupe communiste de l'Assemblée nationale. Ces mesures
ne sont que les plus récentes d'un grand nombre de décisions d'allégement des
charges des organismes d'HLM prises depuis 1997.
Je ne les rappellerai pas, car M. Vezinhet s'y est employé avec autant
d'enthousiasme que d'exactitude. Je reprends donc à mon compte son propos sur
ce point.
Si l'on ajoute cet allégement de la taxe foncière sur les propriétés bâties
aux remises que consentira la Caisse des dépôts et consignations, nous
arriverons à la somme de 1 670 millions de francs pour 2001.
L'Union des fédérations d'organismes d'HLM nous avait indiqué que, pour
confirmer le gel des loyers en 2001, il en coûterait à l'ensemble des
organismes qu'elle représente entre 1,2 et 1,3 milliard de francs. Avec la
mesure annoncée par M. Jean-Claude Gayssot et celle que je viens de confirmer,
c'est 1,670 milliard de francs, qui sera dégagé.
Mais, il y a eu le communiqué du comité exécutif de l'Union des fédérations
d'organismes HLM...
M. Charles Revet.
Ces jours derniers, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... très récemment, en effet.
L'allégement de la taxe foncière sur les propriétés bâties est prévu pour le
patrimoine situé en zones urbaines sensibles. Cela signifie que certains
organismes seraient plus avantagés que d'autres. Mais les organismes qui ont de
gros patrimoines dans les zones sensibles supportent plus de charges que les
autres. Cette distinction est conforme à l'équité.
L'Union des fédérations d'organismes d'HLM, du fait de l'incertitude résultant
d'une modulation, a estimé que les situations seraient étudiées par chaque
organisme, à moins que le Gouvernement ne trouve une autre mine à explorer.
Mais je suis aujourd'hui au regret de vous dire que le Gouvernement a bien
entendu ce que lui rappelle l'opposition, qu'il convient de limiter la dépense
publique.
En tout état de cause, les mesures dont je viens de vous parler ne seront
appliquées qu'aux organismes qui auront bien confirmé ce gel, de manière que,
comme l'an dernier, quelques organismes ne s'affranchissent pas de la règle du
gel des loyers. Il furent un peu trop nombreux quand même à y déroger, puisque,
si 90 % des offices ont respecté la consigne de l'Union, 10 % ne l'ont pas
fait, les sociétés anonymes étant les plus disciplinées, puisque moins de 5 %
d'entre elles n'ont pas respecté la règle du gel.
Cependant, au-delà des considérations financières, et comme nous avons eu
l'occasion de le dire souvent, par exemple lors de l'examen, par le Parlement,
du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, c'est
par une mobilisation de l'ensemble des acteurs, les organismes d'HLM, les élus,
les pouvoirs publics, que nous parviendrons à répondre aux besoins dans ce
secteur et à relancer la production de logement social.
S'agissant des réhabilitations, monsieur Cléach, le plafond de la PALULOS est,
dans les faits, rarement contraignant car, le plus souvent, le coût des travaux
reste inférieur à ce plafond. C'est encore plus vrai depuis que ces travaux
bénéficient de la TVA au taux réduit de 5,5 %, le montant du plafond TTC
n'ayant pas été ajusté à la baisse, cela correspond à une hausse de fait du
plafond.
Dans le cadre d'une fongibilité des crédits, la PALULOS, madame Terrade, a
bénéficié de la sous-consommation du PLA puis du PLUS, même si ce n'était pas
forcément, je vous le concède, l'objectif visé. Mais, depuis trois ans, le
nombre de logements sociaux réhabilités chaque année dépasse en réalité les 130
000 alors qu'il en est toujours annoncé moins au moment du budget. Il y a donc
moins de constructions et plus de logements réhabilités.
S'agissant du prêt à taux zéro, je veux, si c'est possible, rassurer M.
Lassourd. Nous nous attachons, contrairement à ce qu'il a cru percevoir et
comme l'a rappelé M. Vézinhet, à conduire une politique équilibrée visant à
reprendre de manière pérenne les outils des politiques de l'habitat dans tous
les maillons qui en constituent la chaîne, qu'il s'agisse du parc privé ou du
parc locatif social, de construction neuve ou du parc ancien, du secteur
locatif ou de l'accession à la propriété et de l'investissement locatif.
C'est pourquoi nous nous sommes attachés, en 1998, à sauver le prêt à taux
zéro. Nous aurions pu nous dire qu'il s'agissait d'un héritage, que le 1 % le
finançait et que l'engagement avait été pris que tel ne serait pas toujours le
cas.
Nous avons donc trouvé un prêt à taux zéro très fragilisé. Dans la loi de
finances de l'année visée, nous avons rebudgétisé ce prêt, en application des
dispositions de la convention du 3 août 1998.
M. Revet a rappelé tout à l'heure le coût de cette convention. Il est vrai que
prendre le relais du 1 % sur la durée de la convention revient à mettre à
contribution le budget de l'Etat à hauteur de 15 milliards de francs. Nous
sommes effectivement aujourd'hui confrontés à cette épure. Pour 2001, en tout
cas, comme pour 2000 et 1999, nous maintenons le prêt à taux zéro.
Après les 117 000 prêts de 1999, année qui a bénéficié du plus bas niveau des
taux d'intérêt depuis plusieurs décennies, nous atteindrons, en 2000, les 112
000 à 115 000 prêts. Pour 2001, l'hypothèse retenue dans le projet de budget
est de 112 000, dont le coût budgétaire s'établirait pour l'Etat, en légère
hausse, à 5,9 milliards de francs.
Ce dernier chiffre tient compte de la hausse des taux. Il tient compte
également d'une mesure destinée à favoriser l'accession à la propriété dans les
quartiers sensibles des villes, où la quotité du PTZ sera portée de 20 % à 30
%. Il tient compte enfin des légères réductions des durées de différé ou de
remboursement annoncées au début du mois d'octobre.
Ces dernières mesures ne concernent quasiment pas les trois tranches de
revenus les plus bas du barème, qui bénéficient d'un différé total ou partiel
et qui constituent environ 80 % des prêts.
Elles sont un peu plus sensibles pour les quatre tranches supérieures, mais
même pour celles-là, leur incidence représente de l'ordre de 100 francs à 200
francs au maximum de hausse des mensualités, ce qui paraît acceptable pour des
revenus moyens.
Enfin, je rappelle que le prêt à taux zéro reste, bien sûr, non contingenté,
c'est-à-dire que toutes les demandes seront honorées et que la menace de «
papisation » évoquée dans la discussion générale ne me paraît pas réelle, du
moins dans le budget pour 2001 puisque nous ne parlons que de lui.
Je voudrais dire à M. Lassourd que je revendique le fait d'avoir stoppé la «
papisation » en 1989. Les plafonds de ressources pour accéder au PAP avaient
été augmentés en 1985, mais ils n'avaient pas été augmentés en 1986, 1987,
1988. En 1989, il fallait les réévaluer. Cela a été fait. Le procès n'est donc
pas très juste.
Je vous confirme, monsieur Vézinhet, que les textes permettant la
modernisation du prêt d'accession sociale, le PAS, souvent associé au PTZ dans
le financement des mêmes opérations, devraient paraître dans les prochaines
semaines.
M. Vezinhet a posé le problème de la consommation des crédits consacrés à
l'aide à la médiation locative. Nous avons connu, il est vrai, des difficultés
d'ordre comptable pour engager tous les crédits disponibles. Un décret sera
prochainement publié, qui permettra de remédier aux difficultés constatées à ce
sujet. Soyez donc rassuré, monsieur le sénateur, l'ensemble des crédits prévus
au projet de loi de finances et les reports de l'exercice 2000 pourront être
mis en oeuvre en 2001.
Notre attachement à des outils efficaces sur tous les segments de la politique
du logement nous conduit à partager l'avis de votre rapporteur spécial, Jacques
Pelletier, concernant les instruments de réhabilitation du parc privé ancien
que sont les aides de l'ANAH et la prime à l'amélioration de l'habitat.
Désormais, ces deux aides seront, vous l'avez rappelé, distribuées par l'ANAH,
dont la loi SRU a élargi la mission et renforcé l'assise.
Le projet de budget pour 2001 reconduit les crédits pour cette « grande ANAH
», avec 3 milliards de francs en autorisations de programme - il est à noter
que, malgré la baisse de la TVA, elles ne diminuent pas, ce qui n'a pas
toujours été le cas ! - et 2,7 milliards de francs de crédits de paiement.
Mais, comme vous l'avez dit vous-même, la trésorerie de l'ANAH étant de 700
millions de francs, les moyens d'action de cette agence en 2001 ne sont donc
pas susceptibles d'être affaiblis. C'est d'autant plus vrai depuis que le taux
réduit de TVA à 5,5 % s'applique aux travaux effectués dans les logements.
Plusieurs de vos rapporteurs ainsi que M. Maman ont noté une réduction des
crédits de certaines lignes concernant les actions en faveur des plus démunis,
telles que la lutte contre le saturnisme ou l'aide à la médiation locative
créée par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Je
leur répondrai - je le dis également à M. Vezinhet - que c'est tout simplement
en raison de l'existence de reports, mais que l'effort réel est bien continu,
je peux vous l'assurer.
A votre rapporteur spécial, qui s'est préoccupé du logement intermédiaire,
j'indique que nous allons, dans les prochaines semaines, mettre en place un
système rénové pour le prêt locatif social - anciennement le prêt locatif aidé
du Crédit foncier de France - et le prêt locatif intermédiaire, en l'adaptant
aux zones où le marché immobilier est le plus tendu. On aura ainsi un produit
attractif, cela d'autant plus que sa ressource sera, pour une part, prélevée
sur les disponibilités des fonds d'épargne, c'est-à-dire de la collecte
centralisée par la Caisse des dépôts et consignations, dont le taux passera de
quelque 6,5 % aujourd'hui à 5 %. Le privé et le secteur locatif social pourront
refaire du logement intermédiaire.
Toujours pour le logement intermédiaire, et pour favoriser le développement de
l'investissement dans la pierre, nous avons mis en place le statut du bailleur
privé, avec des aides fiscales incitatives pour ces investisseurs.
Vous avez débattu, en première partie de la loi de finances, de plusieurs
amendements permettant de lever l'incompatibilité actuelle entre l'option pour
ce régime fiscal et la location à un ascendant ou à un descendant, notamment
l'amendement déposé par M. Plancade, qui l'a rappelé tout à l'heure à cette
tribune.
Ma collègue secrétaire d'Etat au budget s'y est opposée, la complexité de la
gestion par les services fiscaux pouvant être source de contentieux. Mais elle
s'est engagée à présenter une proposition affinée allant dans le même sens.
Dans quelques jours, j'ose espérer que vos points de vue parviendront à
converger. Soyez assurés que j'y serai attentif et que nous sommes très proches
de nos homologues de Bercy pour travailler à une solution satisfaisante sur ce
point.
Concernant l'urbanisme, monsieur Bellanger, en tant que rapporteur pour avis,
vous avez rappelé les outils mis en place par la loi SRU pour rénover le droit
de l'urbanisme, qui vivait encore largement sur les fondements de la loi
d'orientation foncière de 1967, bâtis dans un contexte qui a radicalement
changé. Votre rapporteur a souhaité savoir quand nous pourrions effectivement
mettre en oeuvre la loi nouvelle. Les décrets d'application concernant le volet
Urbanisme de cette nouvelle loi sont en chantier dans nos services et notre
ambition est de les publier à la fin du premier trimestre 2001 - le délai est
court, car il y a l'étape du Conseil d'Etat - car nous voulons qu'ils soient
disponibles pour les équipes municipales qui seront nouvellement élues en mars
prochain.
S'agissant des prescriptions de massifs, la balle est dans le camp des comités
de massif. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que le travail est bien engagé
pour le Massif central. Ce cas fera peut-être école et d'autres massifs
opteront pour cet outil technique, qui est beaucoup moins lourd que la
directive territoriale d'aménagement.
Toujours concernant la loi SRU, la compensation pour les collectivités locales
des charges résultant de l'élaboration des documents d'urbanisme se fera, comme
c'est actuellement le cas pour les POS et les schémas directeurs, dans le cadre
de la dotation générale de décentralisation. Le décret sera modifié pour y
inclure un financement au titre des cartes communales.
Je peux enfin rassurer M. Bellanger sur le sort des produits de cession des
terrains anciennement acquis avec les fonds du FARIF, compte d'affectation
spéciale aujourd'hui supprimé. Conformément à l'engagement qui a été pris l'an
dernier et qui figure à l'article 44 du projet de loi de finances pour 2000,
ces produits de cession sont affectés aux chapitres budgétaires qui ont
remplacé les anciens chapitres du FARIF.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2000, dont l'examen débute la
semaine prochaine à l'Assemblée nationale, comporte les ouvertures de crédit
correspondantes.
Monsieur Bellanger, les CAUE relèvent du ministère de la culture. Toutefois,
la loi SRU a réaffirmé leur rôle au service des communes pour aider celles-ci,
si elles le souhaitent, à élaborer leurs documents d'urbanisme.
Quant aux cinquante pas géométriques, ils sont de la compétence de mon
collègue chargé de l'outre-mer. Permettez-moi de rappeler qu'il existe un
partage de compétences en matière de responsabilités gouvernementales !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous êtes
solidaires !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Assurément !
La nomination des directeurs des agences chargées de la gestion de ces zones
est en cours.
M. Bellanger a aussi posé le problème des agneaux de pré-salé.
(Rires.)
M. Charles Revet.
Mais c'est très important !
M. Jean-François Le Grand.
Merci, monsieur Bellanger, pour le Mont-Saint-Michel !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Nous y avons travaillé très attentivement, vous le
savez, Jean-Claude Gayssot et moi-même. C'est une question qui méritait d'être
posée.
La réglementation européenne impose que les bergeries soient à proximité des
lieux de pacage.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Et voilà !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Cela peut poser un problème de compatibilité avec la
loi « littoral », qui, en principe, interdit les constructions sur les sites
sensibles.
M. Charles Revet.
Si c'était en Corse, ce serait possible !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Cependant, dès lors que l'activité d'élevage des
agneaux de pré-salé nécessite l'installation d'une bergerie, la loi permet une
dérogation, sauf sur les sites classés comme remarquables.
Mais je ne vois pas comment il pourrait en être autrement pour la baie du
Mont-Saint-Michel !
M. Jean-François Le Grand.
Voilà une compétence affirmée !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
C'est une façon de promouvoir sur ces sites non pas
les bergeries, mais les atouts touristiques du Mont-Saint-Michel !
M. Jean-François Le Grand.
Et ses atouts gastronomiques !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je vous confirme en outre que, sauf s'il s'agit d'une
construction dont le volume est important - ce qui ne devrait pas être le cas
pour des bergeries - le passage en commission des sites n'est pas requis.
Ces éléments devraient, par conséquent, être de nature à vous rassurer quant à
l'esprit dans lequel nous concevons l'application de la loi « littoral » et la
prise en compte des exigences du développement économique, et nous réglons les
problèmes de délai dont vous avez parlé.
Monsieur Le Cam, vous avez évoqué, parmi tous les thèmes que vous avez
abordés, un problème d'actualité, celui des terrains de l'hôpital Laennec. M.
Gayssot aurait pu comme moi le dire, le Gouvernement tout entier souhaite que
les décisions qui seront prises par le conseil d'administration de l'Assistance
publique pour la réalisation de cette opération concilient deux préoccupations
essentielles.
La libération de ces terrains appartenant à un opérateur public doit être
l'occasion non seulement de réaliser un programme équilibré qui réponde aux
besoins des Parisiens, en particulier en termes d'accueil, grâce à une
proportion significative de logements sociaux et d'équipements publics, mais
aussi de valoriser au mieux la cession des actifs désaffectés.
Compte tenu des informations disponibles sur l'opération, ces préoccupations
paraissent conciliables. C'est pourquoi les ministères de tutelle ont demandé à
l'AP-HP de veiller à la prise en compte de ces différents aspects et d'apporter
tous les éléments d'analyse complémentaires. Le conseil d'administration a
décidé, le 21 novembre dernier, de surseoir à la désignation de l'acquéreur,
justement pour approfondir ces questions.
Pour ce qui est des logements sociaux, il me semble qu'à partir des
préconisations de la loi SRU, la présence de 20 % de logements sociaux sur
l'ensemble des logements prévus sur le site de l'hôpital Laennec constitue, à
mon sens, un objectif minimal.
Voilà ce que je suis en mesure de vous indiquer en l'état actuel du dossier en
réponse à vos très légitimes interrogations.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous avons, je crois, beaucoup travaillé ensemble et M. Gayssot a
entendu vos témoignages sur ce point dans plusieurs de vos interventions depuis
1997.
Ce budget 2001 n'est pas un exercice d'affichage, comme l'a dit M. Lassourd.
Il permet une consolidation des acquis et assure de nouvelles avancées,
notamment par cette réforme des aides personnelles qui permettra une hausse
moyenne de 1 300 francs par an des prestations versées à de nombreux ménages
aux ressources modestes.
Les ménages les plus modestes qui étaient locataires du privé pourront, dans
un certain nombre de cas, compter sur une amélioration mensuelle de 400 francs,
soit l'équivalent bien souvent d'un mois supplémentaire de ressources, ce qui,
bien évidemment, ne sera pas négligeable sur une année.
Ces acquis et ces avancées, nous les assurons au service du droit au logement
mais, à l'occasion de la loi SRU, le Gouvernement a souhaité que l'on entende
aussi par là : droit à un logement décent et choisi, que nous nous attachons à
assurer pour tous. C'est pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs, de bien vouloir approuver ce budget.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je
veux à mon tour, tout d'abord, remercier M. Pelletier, votre rapporteur de la
qualité de son rapport spécial et de son intervention, même si je ne partage
pas, vous le comprenez, toutes ses options.
Je remercie également MM. Bellanger, Plancade et Bimbenet pour leurs rapports
pour avis qui concernent plus particulièrement le logement et l'urbanisme.
M. Louis Besson ayant répondu de manière pertinente, intelligente et précise à
chacune de vos interrogations, je serai bref sur la question des services
communs.
Je veux toutefois dire à M. Pelletier, qui a rappelé qu'un certain nombre de
vos collègues se sont émus des dispositions de la loi SRU, que nous sommes
déterminés à tout faire pour que le droit au logement soit respecté partout et
que le logement social ne soit exclu nulle part. Les crédits que nous voulons
affecter au logement en 2001 constituent un premier levier décisif.
Selon M. le rapporteur spécial, le projet de budget de l'équipement est
compliqué, difficile à lire et comporte des transferts en cours d'année. C'est
vrai, mais n'est-il pas normal que la modernisation de l'Etat - qui doit se
traduire par plus de responsabilisation de l'administration et de ses
gestionnaires - s'accompagne de plus de souplesse ? La proposition de réforme
de l'ordonnance de 1959 par M. Didier Migaud devrait vous apporter des réponses
puisqu'il y est prévu des programmes globaux auxquels correspondraient des
crédits globalisés, plus souples d'utilisation. En même temps, le Parlement
pourrait être mieux informé des transferts en cours d'année.
J'en viens aux services communs.
L'enjeu, vous le connaissez, c'est le contenu même des missions de service
public. Ce sont les agents de l'équipement qui assurent l'entretien du réseau
routier national et départemental, qui assurent notamment pendant l'hiver les
travaux de salage et de déneigement des routes. Ce sont eux qui interviennent
en cas d'accidents de la route ou de catastrophes naturelles. M. Le Cam en a
parlé dans son intervention. J'y reviendrai tout à l'heure à propos des
effectifs. Je tiens à saluer leur disponibilité, qui a été reconnue par tous
localement, par élus, les responsables et les populations, lors des tempêtes
survenues à la fin de l'année 1999.
Les agents de l'équipement assurent également l'exploitation des voies
navigables, prenant en charge les manoeuvres et l'entretien de certaines
écluses et barrages. Ils sont présents sur le littoral maritime, notamment pour
l'entretien des infrastructures portuaires et la signalisation maritime.
Parmi les missions relevant du ministère de l'équipement figurent aussi la
planification, l'amélioration de notre environnement quotidien avec les plans
d'exposition aux risques, les documents d'urbanisme ou les plans de
déplacements urbains.
Les services de l'équipement sont aussi en charge d'autres grands domaines,
tels que la politique du logement, l'inspection du travail dans les entreprises
de transport, l'examen du permis de conduire automobile, etc.
Enfin, vous connaissez l'appui que ces services apportent au quotidien aux
collectivités locales, particulièrement aux petites et moyennes communes, qui,
même si elles sont regroupées, ne peuvent pas toujours assumer de manière
satisfaisante le traitement de ces dossiers techniques.
Ils jouent ainsi un rôle important dans la correction des inégalités
territoriales.
Nous avons reçu hier, avec Louis Besson, les responsables de l'ensemble des
directions départementales de l'équipement, DDE, et nous leur avons rappelé
leurs responsabilités dans tous ces domaines.
Comme l'a souligné M. Le Cam, durant dix-huit ans, les emplois consacrés à
toutes ces politiques ont été régulièrement « rognés » de mille postes environ
chaque année. Bien sûr, pendant le même temps, le ministère a réalisé des gains
de performance importants, mais il s'agissait bien d'une véritable
hémorragie.
Or, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la première fois depuis longtemps,
en 2001, les effectifs ne baisseront pas. Il y aura même quelques créations
d'emplois. Ainsi, monsieur le rapporteur, pour la première fois depuis dix-huit
ans, nous allons créer 75 postes. Ce n'est pas assez, me direz-vous ; d'autres
le diront également et je le pense aussi. Mais c'est un début et c'est même un
grand pas parce que nous avons complètement inversé la tendance qui a prévalu
ces dix-huit dernières années.
Monsieur Pelletier, 75 emplois et non pas 11 sont effectivement inscrits sur
le budget des services communs et 66 le sont sur le budget des affaires
maritimes. Ces 75 emplois nouveaux iront à la sécurité maritime dans les CROSS,
les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les
centres de sécurité des navires, les ports maritimes, l'inspection du travail
maritime, les centres de formation et les unités de contrôle et de
surveillance.
Je n'ai pas besoin de rappeler combien la question de la sécurité maritime est
essentielle et ce qu'il en coûte, bien au-delà du coût des emplois publics,
mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas la respecter.
La sécurité maritime mise à part, les effectifs des services de l'équipement
restent en 2001 globalement stables. Mais, pour faire face aux nouvelles
missions avec les compétences nécessaires, il est prévu différentes créations
d'emplois par transformations.
Ainsi, 77 emplois sont créés dans le domaine de la sécurité routière et du
permis de conduire ; 30 emplois sont créés pour le contrôle et l'inspection du
travail des transports, toujours pour améliorer la sécurité dans les transports
routiers ; 30 emplois supplémentaires d'agents d'exploitation viendront
renforcer les équipes chargées de l'exploitation des infrastructures, notamment
dans les départements les plus sensibles confrontés au problème de viabilité
hivernale du réseau routier ; 418 emplois, dont 153 en catégorie A et 265 en
catégorie B, sont créés par redéploiement pour renforcer les compétences des
services de l'équipement dans les domaines à très forts enjeux, comme la
politique urbaine, celle du logement, de l'aménagement et des transports.
Cette adaptation de la structure des emplois aux nouveaux emplois participe de
la modernisation du service public. Il faudra sûrement poursuivre dans les
années à venir.
J'ai demandé à mes services de conduire des réflexions approfondies sur
l'évolution permanente des compétences en tenant compte de l'augmentation
prochaine et inéluctable des départs à la retraite.
Les métiers de l'équipement évoluent avec une politique des transports plus
intermodale, plus soucieuse de l'environnement, avec une meilleure prise en
compte de la sécurité des infrastructures de transport et une plus grande
compréhension des phénomènes sociaux et économiques dans les milieux urbains,
la redécouverte de la santé publique à travers la lutte contre l'amiante, le
radon, le saturnisme et même les termites.
L'exploitation des voies rapides urbaines et des autoroutes non concédées
suscite également des exigences croissantes pour la sécurité et l'information
de l'usager. Ces enjeux forts pour le service public de l'équipement impliquent
un renforcement des équipes et des compétences.
Je sais bien que, dans cet hémicycle, plusieurs sénateurs - M. le rapporteur
l'a laissé entendre - regrettent l'absence de réduction d'effectifs. Je ne peux
pas partager cet
a priori,
selon lequel les effectifs de la fonction
publique devraient être toujours réduits quelles que soient les exigences du
service public et les attentes des usagers, notamment, comme vous semblez le
dire, en contrepartie d'augmentations salariales.
Pour ne prendre que l'exemple du maintien de la viabilité du réseau routier en
hiver, les conseils généraux savent ce que représente le respect des durées
maximales du travail pour les personnels.
Là aussi, des emplois supplémentaires doivent être créés dans un certain
nombre de départements.
Ayant rappelé les grandes lignes du budget, je répondrai plus précisément à
quelques questions que m'a posées M. le rapporteur spécial.
Je ne comprends pas - ou peut-être les ai-je trop bien compris - les
observations concernant les différences entre emplois budgétaires et effectifs
réels selon le rapport du contrôleur financier.
Ce rapport pour 1999 conclut que le ministère de l'équipement respecte les
emplois autorisés, les effectifs réels se situant en permanence à 98 % de
l'effectif autorisé par la loi de finances.
Je ne peux être d'accord, en revanche, avec M. Pelletier quand il souhaite
plus de clarté dans l'utilisation des moyens ; il me semble qu'il n'apprécie
pas à leur juste valeur les progrès réalisés cette année dans l'information du
Parlement.
Certains regrettent, M. le rapporteur spécial notamment, que le ministère ne
dispose pas d'une comptabilité analytique pour son budget du personnel. Je ne
vois pas comment ce ministère pourrait être le seul à disposer d'un tel outil
de gestion, encore que nous pourrions donner l'exemple : peut-être, d'ailleurs,
avons-nous développé des outils qui s'en rapprochent et qui permettent,
notamment, de répartir les effectifs entre les différents domaines d'activité
du ministère, qui sont effectivement nombreux ?
Je vous invite à vous reporter au tableau figurant à la page 63 du fascicule
bleu de la section « services communs » : vous y verrez que 41 866 agents ont
été mobilisés en 1999 pour l'entretien et l'exploitation du réseau routier.
En ce qui concerne l'IGN, M. Lengagne m'a effectivement remis, voilà un an, un
rapport qui éclaire les enjeux concernant l'établissement et prévoit des
évolutions importantes. Quatre groupes de travail ont été mis en place afin de
préciser les suites à donner. A ces groupes s'est ajouté un groupe transversal
assurant la concertation avec les représentants du personnel. Les conclusions
d'ensemble figurent dans un document de synthèse qui vient d'être approuvé en
comité interministériel et qui doit servir de base au prochain contrat
pluriannuel d'objectifs. Il doit être immédiatement suivi par une convention
qui fait l'objet d'une mise au point et qui doit être signée entre l'IGN et le
cadastre, ce qui permettra d'expérimenter une nouvelle collaboration entre les
deux établissements.
M. le rapporteur spécial et M. Bellanger ont évoqué les équipements
immobiliers.
Certes, nos locaux sont souvent dans un état qui nécessite un effort important
en matière d'investissements.
J'ai obtenu cette année une première augmentation significative des crédits
d'investissements immobiliers. Les autorisations de programme passent en effet
de 60 millions de francs à 80 millions de francs en 2001. Les crédits de
maintenance lourde sont portés à 50 millions de francs en 2001 contre 37
millions de francs cette année. Cet effort devra toutefois être prolongé, j'en
suis convaincu. Parallèlement, nous poursuivons la gestion dynamique du parc
immobilier afin que les produits dégagés par les cessions de locaux devenus
inutiles permettent d'augmenter les moyens disponibles pour les opérations
nouvelles.
Messieurs les rapporteurs, j'ai esquissé un certain nombre de pistes de
modernisation et souligné la nouvelle croissance des effectifs. Loin d'être
contradictoire, tout cela participe de la bonne gestion du service public et va
dans le sens souhaité par tous, à savoir la modernisation de l'Etat.
Certains, dans cette enceinte, regrettent que les effectifs soient trop
importants alors que d'autres, dans les départements, m'écrivent des lettres
pour me demander des augmentations d'effectifs ! Cela fait partie des
contradictions de la vie. Je les relève au passage.
Ce projet de budget reflète notre politique pour le développement du service
public et la modernisation des transports. C'est la raison pour laquelle je
comprends mal que la commission des finances en propose le rejet. Pour ma part,
je ne peux que vous inviter, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'approuver.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs,
l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports et
logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des
crédits affectés à la mer.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs ;
« Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.
III. - TRANSPORTS
1.
Transports terrestres
2.
Sécurité routière
3.
Routes
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les
transports, la sécurité routière et les routes.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
décidé l'expérimentation d'une nouvelle procédure destinée, pour reprendre les
termes mêmes du président de la commission des finances, à rendre notre débat
plus interactif, plus vivant et plus animé.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement, d'abord, aux
deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour avis, enfin à chaque
orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
De même, lorsque les orateurs des groupes seront appelés à intervenir, pour
cinq minutes maximum, et j'y veillerai, le ministre répondra immédiatement à
chacun d'entre eux dans la limite de trois minutes avec la possibilité d'une
brève répartie de deux minutes pour chaque auteur de question.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le ministre est
désavantagé !
M. le président.
Vous y gagnerez puisque vous répondrez à chaque groupe.
Cette règle étant rappelée, je souhaite, monsieur le ministre, que nous
essayons de tenir les débats dans des limites raisonnables.
Je me permets en effet de rappeler que, demain matin, le Sénat doit examiner
les crédits du ministère de la jeunesse et des sports, ce qui exigera deux
heures et demie de débat. La séance de demain matin doit donc commencer à dix
heures au plus tard, ce qui implique que nous en terminions cette nuit à une
heure.
L'exercice que nous allons inaugurer aujourd'hui est particulièrement
difficile. Je le répète, c'est une démarche expérimentale que nous devons à
l'initiative de la commission des finances, de son président et de son
rapporteur général.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, si j'ai
souhaité prendre la parole, c'est pour apporter mon soutien à la présidence
dans l'application de la règle à laquelle nous avons, monsieur le ministre,
vous et nous, souscrite.
L'accord du Gouvernement sur ces modalités modernisées de discussion
budgétaire a, en effet, été solennellement donné par le ministre chargé des
relations avec le Parlement lors de la conférence des présidents, et votre
cabinet a été informé de ces modalités. Chaque groupe, mes chers collègues, a
été également informé, et les rapporteurs spéciaux l'ont été par mes soins.
Il s'agit d'une démarche expérimentale, qui va montrer combien le Sénat est à
la pointe de la modernisation de la discussion budgétaire.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
A vous, mes chers collègues,
d'apporter la preuve qu'une telle modernisation est tout à fait possible, qu'un
budget débattu sous cette forme devient beaucoup plus intéressant à la fois
pour les parlementaires et pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous préciser que, non seulement, vous
n'y perdez pas une once de temps de parole, mais vous en gagnez puisque vous
pourrez répondre à tous les orateurs.
M. Jean-François Le Grand.
C'est ça qui le gêne !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous attendons de vous beaucoup
de concision. Nous sommes confiants mais, je vous en supplie, monsieur le
ministre, mes chers collègues, faisons en sorte que cette modernisation soit
une réussite.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Les règles étant rappelées, je vais m'efforcer de les faire respecter !
Je donne donc d'abord la parole à M. Cazalet, rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial de la commission des finances du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation, pour les transports.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction de cette
présentation, je souhaite vous préciser que l'analyse du budget des transports
terrestres est rendue cette année délicate en raison de trois éléments.
Tout d'abord, les crédits du fonds pour l'investissement des transports
terrestres et des voies navigables, le FITTVN, sont réintégrés dans le
budget.
Ensuite, les crédits destinés aux routes, aux transports terrestres, aux voies
navigables et au transport aérien sont fusionnés au sein d'un même fascicule «
transports ».
Enfin, les agrégats sont définis non plus en fonction du mode de transport,
mais du « service rendu », dans l'esprit des schémas de service.
Globalement, les moyens de paiement demandés pour les transports terrestres en
2001 atteignent 48,4 milliards de francs. Ce budget diminue donc de 4,6 % par
rapport aux crédits votés en 2000. En revanche, les autorisations de programme
progressent de 25 %.
Ces montants n'ont qu'une signification limitée, car il faudra tenir compte
des modalités de clôture du FITTVN.
En effet, ce fonds sera supprimé en 2001. Créé, sur l'initiative du Sénat, par
la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de
1995, il devait assurer le développement de nouvelles infrastructures dans
notre pays.
L'an dernier, je regrettais qu'il ait été détourné de son objet pour compenser
les défaillances du budget des transports terrestres et je souhaitais que son
fonctionnement soit amélioré. Le choix a été fait de le supprimer, ce qui
permet d'affecter au budget général des taxes dynamiques, particulièrement la
taxe d'aménagement du territoire.
A l'Assemblée nationale, malgré les vives inquiétudes des députés,
particulièrement dans la majorité, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie, n'a pas donné de garanties quant à un report intégral des crédits
de paiements.
Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que vous aviez
l'assurance que les crédits de paiement du FITTVN seraient reportés sur le
budget en 2001. Pourriez-vous nous le confirmer aujourd'hui et préciser si la
répartition de ces crédits, entre les transports terrestres et les routes,
correspondra à ce qu'elle était précédemment ?
Quoi qu'il en soit, je tiens à exprimer de vifs regrets sur deux points.
Tout d'abord, je déplore l'opacité des conditions de suppression du fonds : le
Parlement est invité à adopter une loi de finances dont on lui dit qu'elle ne
correspondra pas à la réalité.
Ensuite, force m'est de dénoncer une perte de ressources définitive pour les
investissements en matière de transport. Chaque année, le FITTVN enregistrait
des recettes et des reports de crédits. L'an prochain, les transports
bénéficieront des crédits du budget général et, si vous nous le confirmez, des
reports de crédits, mais ils ne bénéficieront plus de recettes affectées.
Par ailleurs, je note que, cette année, les anciens agrégats sectoriels sont
remplacés par des agrégats transversaux dont la signification est limitée.
Par exemple, l'agrégat « modernisation et développement des réseaux
d'infrastructures » est presque exclusivement constitué de la contribution aux
charges d'infrastructures ferroviaires et au désendettement de la SNCF : il
s'agit donc, en fait, d'un agrégat ferroviaire.
L'intermodalité est plus qu'une question de présentation. Au-delà de cet effet
d'affichage, pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le montant des
investissements que vous comptez réaliser en 2001 en faveur de l'intermodalité
et nous indiquer leur part dans l'ensemble des investissements ferroviaires
?
M. Jean-François Le Grand.
C'est une bonne question !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Les autres aussi !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
En outre, les contrats de plan signés entre l'Etat et
les régions pour la période 2000-2006 prévoient la mise en oeuvre d'un
important programme de modernisation du réseau ferroviaire. Au total, les
projets ferroviaires représentent un programme d'investissements de près de 25
milliards de francs, avec une participation de l'Etat de 7,6 milliards de
francs.
Pourriez-vous nous donner des précisions sur les investissements en cause et
nous dire quel sera le taux d'exécution des contrats de plan en matière
ferroviaire et fluviale à la fin de 2001 ?
J'en viens à la situation du secteur ferroviaire.
Les résultats du groupe SNCF ont progressé en 1999, ce dont je me réjouis.
Cependant, la contribution de la SNCF au résultat d'exploitation se dégrade, en
raison de l'augmentation des redevances d'infrastructures et de celle des
charges de personnel. J'avais déjà regretté l'an dernier cet accroissement des
dépenses de fonctionnement.
Concernant les redevances, la SNCF estime qu'elles sont trop élevées, et RFF,
Réseau ferré de France, en a besoin pour assurer son financement. Je souhaite,
monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément comment vous
envisagez l'évolution des redevances d'infrastructures à moyen terme.
S'agissant du fret, le transport ferroviaire continue de stagner en tonnage
transporté, et le chiffre d'affaires du fret a diminué de 2,3 % en 1999. La
part relative du fret ferroviaire continue donc de baisser au profit de la
route.
En commission, je vous ai déjà posé une question sur le fret. Vous avez alors
fait part de votre optimisme, notamment en raison de l'équipement de la SNCF en
locomotives. Toutefois, seule la réalisation d'infrastructures importantes,
comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat, permettrait de répondre à
cet objectif ambitieux de doublement du fret ferroviaire.
Pouvez-vous nous indiquer le montant des crédits qui seront affectés en 2001
aux investissements de désaturation des noeuds ferroviaires ?
Par ailleurs, je remarque que, selon le programme prévisionnel
d'investissements de RFF, les investissements en infrastructures ferroviaires
diminueront, passant de 11,2 à 10,3 milliards de francs en 2001. Pourriez-vous
nous expliquer pourquoi ?
A titre personnel, je pense que la réduction des investissements ferroviaires
trouve son origine dans le poids de l'endettement du secteur ferroviaire.
Au 31 décembre 1999, l'endettement à long terme de la SNCF s'élevait à 44
milliards de francs, la dette du service annexe d'amortissement de la dette à
59 milliards de francs et la dette de RFF à 150 milliards de francs, soit au
total 253 milliards de francs.
Pour le moment, l'Etat se contente de « stabiliser » la dette. Toutefois, à
l'Assemblée nationale, vous avez parlé de l'affectation d'une partie du produit
des licences UMTS. Devant notre commission, vous avez indiqué qu'un groupe de
travail avait été mis en place au sein du comité des investissements
économiques et sociaux. Pourriez-vous nous préciser vos intentions en ce
domaine ? Quand le groupe de travail doit-il remettre ses conclusions ?
Je souhaite aborder maintenant la régionalisation des services de transports
de voyageurs.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit la
généralisation de la régionalisation au 1er janvier 2002, toutes les régions
devenant des autorités organisatrices pour les transports ferroviaires
régionaux. Cependant, cette réforme présente deux insuffisances majeures : le
peu de fiabilité des comptes de la SNCF, malgré les efforts qu'elle fournit, et
votre choix de limiter la compensation aux régions, en refusant de nombreux
amendements de nos collègues sur le fondement de leur irrecevabilité
financière.
Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser vos
intentions concernant la négociation de cette compensation ?
J'évoquerai, pour finir, la réforme du financement des transports en
Ile-de-France et les voies navigables.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit l'entrée
de la région d'Ile-de-France au conseil d'administration du syndicat des
transports parisiens ; cela a été confirmé hier soir.
Par ailleurs, la région contribuera au financement de l'exploitation, pour
environ 1,5 milliard de francs en 2000. En contrepartie, la contribution de
l'Etat est diminuée du même montant.
Le décret du 6 juillet 2000 prévoit des conventions pluriannuelles entre la
RATP, la SNCF et le syndicat des transports parisiens. Il s'agit de
responsabiliser les deux entreprises publiques sur des objectifs de service, de
trafic et de maîtrise des charges.
Je pense que cette réforme va dans le bon sens. Nous en attendons toutefois,
monsieur le ministre, des résultats concrets, notamment en termes de qualité de
service.
Concernant les voies navigables, je ne vous poserai qu'une question :
avez-vous l'intention, notamment dans le cadre des schémas de service, de
donner à ce mode de transport les moyens de son développement ?
M. Jean-François Le Grand.
Bonne question !
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
En conclusion, j'indique que la commission des
finances a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de
l'équipement, des transports et du logement pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.
- M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité
routière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cette année, l'analyse du budget des routes est rendue très délicate
en raison de deux éléments : tout d'abord, le budget des routes n'existe plus
formellement en raison de la fusion des crédits destinés aux routes, aux
transports terrestres, aux voies navigables et au transport aérien au sein d'un
même fascicule intitulé « transports » ; ensuite, la réintégration partielle
des crédits du Fonds pour l'investissement des transports terrestres et des
voies navigables, le FITTVN, brouille la lisibilité du budget.
Hors prise en compte des reports de crédits qui devraient intervenir en fin
d'année, les moyens de paiement demandés pour les routes en 2001 atteignent 6,5
milliards de francs, soit une baisse par rapport aux crédits votés en 2000 de
17,7 %. Le mouvement est contrasté entre les crédits à l'entretien du réseau
qui sont en progression pour 2001 et la diminution des moyens destinés au
développement du réseau routier. En revanche, les autorisations de programme
sont en progrès par rapport à 2000.
Je sais, monsieur le ministre, puisque vous l'avez dit devant la commission,
que l'intégralité des crédits de paiement en compte au FITTVN devrait être
reportée, dont 2,5 milliards de francs pour les routes, ce qui remettra à
niveau les dotations. Mais la présentation d'un projet de budget en baisse,
même en tenant compte des reports de crédits sur chacun des chapitres
budgétaires, a pu créer une certaine inquiétude.
La raison de cette inquiétude est née de la suppression du FITTVN, après la
suppression, l'an dernier, du Fonds pour l'aménagement de la région
d'Ile-de-France, le FARIF.
Cette rebudgétisation fait notamment suite aux critiques de la Cour des
comptes et de la mission d'évaluation et de contrôle menée par l'Assemblée
nationale.
Le FITTVN jouait un rôle non négligeable dans le financement routier et
autoroutier. Les programmes spécifiques d'aménagement du Massif central et la
mise aux normes autoroutières de la route nationale 10 dans les Landes ont, par
exemple, été financés sur le FITTVN depuis 1996.
La suppression du FITTVN permettra d'affecter au budget général des taxes
dynamiques, particulièrement la taxe d'aménagement du territoire, qui
alimentaient jusqu'à présent les investissements de transports.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, avoir obtenu que les dotations aux
investissements de votre budget progressent comme la taxe anciennement affectée
au FITTVN. Il sera nécessaire de contrôler le respect de cet engagement sur la
durée.
Mais revenons-en aux grands sujets de cette année, qui connaît la première
mise en oeuvre des nouveaux contrats de plan Etat-régions 2000-2006.
Les engagements du volet routier des contrats de plan Etat-régions du XIe Plan
représentaient, en part Etat, un montant de 27,5 milliards de francs. Ces
engagements ont été exécutés à 81,5 %. Le Gouvernement a décidé d'affecter 33,5
milliards de francs aux volets routiers contractualisés sur la période du XIIe
Plan. Vous nous dites qu'une enveloppe de 4,43 milliards de francs financera la
part de l'Etat dans le budget pour 2001.
Pourriez-vous nous préciser exactement, monsieur le ministre, les priorités de
ces nouveux contrats de Plan ?
Pouvez-vous également nous préciser la coordination entre ces investissements
sur la période 2000-2006 et les projets de schémas de services qui commencent à
être publiés ?
S'agissant du programme routier et autoroutier, les mises en service
progresseront en 2001 du fait de l'achèvement d'opérations en cours. Toutefois,
les mises en chantier sont extrêmement faibles depuis deux ans en raison d'une
sorte d'attente d'un nouveau modèle autoroutier.
L'an dernier, je soulignais combien l'année 2000 était une période de
transition, avec la préparation des nouveaux contrats de plan et l'attente des
résultats de la négociation menée par le gouvernement français avec la
Commission européenne pour obtenir un allongement de la durée des concessions.
Les résultats sont désormais connus, mais ils laissent beaucoup de questions en
suspens pour l'avenir du financement autoroutier.
Pour 2001, une nouvelle ligne est apparue dans le budget des transports
intitulée « Subvention pour la construction d'autoroutes concédées ». Elle
n'est pas dotée, mais devrait être abondée en cours d'année. Elle est, en
quelque sorte, le symbole de la réforme du financement autoroutier. Vous vous
êtes, en effet, engagé dans la voie d'une modification profonde du financement
de notre système autoroutier, en mettant un terme à la procédure de
l'adossement. Votre décision a été confortée par un avis du Conseil d'Etat le
16 septembre 1999.
Par ailleurs, le Gouvernement a déposé un projet de loi qui vise, dans son
article 4, à l'habiliter à prendre des ordonnances pour réformer notre système
autoroutier sur les points suivants : suppression de la garantie de reprise de
passif accordée par l'Etat aux sociétés concessionnaires, réforme des comptes
des sociétés et prorogation des durées des conventions de concessions.
Votre objectif est de prendre appui sur la réforme des sociétés d'autoroutes
pour obtenir de ces sociétés des résultats d'exploitation bénéficiaires
constituant de nouvelles ressources pour l'Etat et permettre, notamment, mais
pas essentiellement, de financer le développement du réseau autoroutier.
Pourtant, les contours de cette réforme sont encore flous.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur les
conséquences de la réforme en cours ? Nous souhaiterions notamment connaître,
d'une part, le montant approximatif des dividendes attendus des sociétés
d'autoroutes pour 2001 et 2002 et, d'autre part, le montant prévisible des
subventions à verser pour les nouvelles concessions, c'est-à-dire la dotation
de la ligne budgétaire laissée en blanc.
Je remarque, monsieur le ministre, que les sociétés d'autoroutes se portent de
mieux en mieux. L'an dernier, votre ministère indiquait que l'endettement
progresserait jusqu'en 2004. Désormais, l'endettement des six principales
sociétés devrait atteindre 143 milliards de francs en 2002, pour diminuer
ensuite régulièrement.
De surcroît, la Commission européenne a fait savoir, par un communiqué de
presse le 4 octobre dernier, qu'elle avait décidé d'autoriser l'allongement de
douze à quinze ans des durées de six concessions. Pourriez-vous, à ce sujet,
nous indiquer les conséquences précises de la prolongation de la durée des
concessions autoroutières sur leur redressement ?
J'en viens maintenant aux dotations à l'entretien du réseau routier national,
qui sont revalorisées pour 2001. Je m'en réjouis, mais, globalement, l'effort
reste faible. La revalorisation porte essentiellement sur les tunnels routiers
alors que de nombreux ouvrages d'art nécessitent des interventions
d'urgence.
Je sais, monsieur le ministre, que vous envisagez un programme pluriannuel
d'entretien, doté des moyens nécessaires à la préservation de notre patrimoine.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point ?
J'en viens maintenant à mes observations sur la sécurité routière. Les crédits
consacrés à la sécurité routière progresseront de 10,3 % en 2001, pour
s'établir à près de 600 millions de francs.
Les moyens affectés à la communication nationale - presse, relations
publiques, campagnes publicitaires - sont une nouvelle fois renforcés afin de
pouvoir lancer des campagnes nationales importantes.
Comme l'an dernier, je me félicite de l'accent mis, en 2001, sur la sécurité
routière. Je l'estime d'autant plus nécessaire que le retard pris par la France
en la matière est important.
Toutefois, toute politique doit être évaluée. C'est pourquoi je me suis rendu
à la Direction de la sécurité et de la circulation routières afin de me rendre
compte de la politique menée en ce domaine. Les informations obtenues m'amènent
à faire les remarques suivantes.
Tout d'abord, il est indéniable, monsieur le ministre, que vous avez réalisé
d'importants efforts budgétaires en matière de sécurité routière. Ce budget est
devenu prioritaire. Les dotations n'atteignent pas encore les points hauts de
1991-1993, mais elles s'en rapprochent et témoignent donc d'une véritable
priorité gouvernementale.
Votre mobilisation s'explique par le fait que les résultats de la France en
matière de sécurité routière ont été catastrophiques en 1998 : c'est le pays
qui a connu la plus forte hausse du nombre de tués - 6 % - alors même que la
plupart des autres pays européens enregistraient des diminutions.
L'année 1999 a donc été l'occasion d'une prise de conscience des efforts a
accomplir. Le bilan de 1999 est un peu meilleur que celui de 1998, mais il
s'établit tout de même à plus de huit mille tués, trente mille blessés graves
et cent trente-cinq mille blessés légers.
Il m'apparaît donc urgent de procéder à une évaluation de notre politique de
sécurité routière. Or je note que le budget de la sécurité routière souffre de
dysfonctionnements dans l'utilisation de ses crédits.
Ainsi, en 1999, les crédits du chapitre affecté aux dépenses du délégué
interministériel à la sécurité routière n'ont été consommés qu'à hauteur de 60
%. De même, 56 % seulement des dotations du chapitre consacré aux actions
d'incitation ont été consommés. Enfin, 63 % des crédits de paiement des
chapitres de dépenses en capital ont été consommés. Ces difficultés sont dues à
la complexité des actions engagées et aux contraintes administratives qui en
résultent.
Il conviendrait donc que les contraintes administratives soient allégées et
que l'exécution des projets de la sécurité routière fasse l'objet d'un suivi
attentif tout au long de l'année, afin d'éviter des retards très regrettables
dans la mise en oeuvre des campagnes de prévention routière.
Par ailleurs, il est surprenant que votre ministère ne soit pas en mesure de
donner des précisions sur les moyens en personnel et en fonctionnement du
service de la sécurité routière. Celui-ci ne dispose pas de moyens propres et
il n'existe aucun document de synthèse sur ce sujet. En coordination avec les
propositions du dernier comité interministériel de la sécurité routière, je
proposerai donc, en deuxième partie de la loi de finances, qu'un « jaune »
budgétaire retrace l'effort de la nation en faveur de la sécurité routière.
Enfin, je regrette qu'aucune étude d'impact ne soit réalisée sur les actions
menées par la Direction de la sécurité et de la circulation routières. Une
évaluation des campagnes de communication serait pourtant très profitable.
D'une manière générale, le suivi dans le temps de la politique de sécurité
routière semble faible, celle-ci ayant davantage le souci de réagir à
l'actualité.
La politique de sécurité routière ne doit pas être une politique
expérimentale. Elle doit faire l'objet d'un suivi plus attentif, d'une
évaluation de son action et, sans doute, d'une meilleure organisation, tant sur
le plan interne au ministère de l'équipement, des transports et du logement que
sur le plan interministériel.
Le dernier comité interministériel de la sécurité routière du 25 octobre 2000
a proposé une série de dispositions, qui semblent toutefois, pour l'essentiel,
reprendre des dispositifs existants. Par ailleurs, on observe que certains de
nos voisins européens - je pense à la Grande-Bretagne - connaissent de très
bons résultats.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il existe une coopération
avec nos voisins européens pour la politique de sécurité routière et ce qu'il a
pu être retiré des exemples de réussite en matière de prévention routière comme
en Grande-Bretagne.
En conclusion, j'aurais souhaité, à titre personnel, l'adoption du budget des
routes et de la sécurité routière, mais je précise que la commission des
finances a demandé au Sénat de rejeter les crédits du budget de l'équipement,
des transports et du logement.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le
budget des transports atteindra, l'an prochain, 51,9 milliards de francs en
moyens d'engagement, contre 50,7 milliards de francs l'an dernier. Les 48,4
milliards de francs que citait M. Cazalet ne concernent que les moyens de
paiement. A cela, il convient d'ajouter les dotations de 12 milliards de francs
à Réseau ferré de France.
Ce budget répond bien aux priorités que s'est données le Gouvernement. Pour
2001, il s'agit précisément de mettre en oeuvre les engagements de l'Etat dans
le cadre des contrats de plan, notamment. A cet égard, monsieur Cazalet, je
vous précise que, compte tenu de la forte relance de l'investissement
ferroviaire, les crédits pour 2001 préparent la montée en puissance des
opérations.
Ce budget tout entier, vous l'avez senti, est tourné vers le rééquilibrage
modal.
A la politique du « tout routier » d'hier, nous opposons un développement
durable, raisonné et complémentaire des différents modes de transport, donc de
l'intermodalité.
Concernant le FITTVN, créé ici même, au Sénat, au cours de la discussion de la
loi d'orientation de 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire,
son objectif était, en fait, de protéger une ressource qui avait tendance, il
est vrai, à se raréfier. Ce dispositif présentait certains avantages, je ne les
ai jamais niés. Il avait cependant aussi ses limites et peut-être même certains
défauts sur lesquels je ne reviendrai pas ; ils ont été notamment soulignés par
la Cour des comptes et par la mission d'évaluation et de contrôle de
l'Assemblée nationale, qui regroupait d'ailleurs des députés de tous les
groupes politiques.
Chacun peut, bien entendu, avoir sa propre opinion sur les avantages et les
inconvénients de ce genre de fonds ou sur ceux de la budgétisation. Nous avons
eu un vrai débat, nourri d'échanges, en commission des finances comme en
commission des affaires économiques. Je pense qu'il convient de regarder vers
l'avenir et de bien intégrer la réelle volonté de l'Etat de tenir les
engagements contractualisés avec les régions.
J'ai obtenu pour cela des engagements interministériels qui, je crois, doivent
être soulignés, ce qui devrait rassurer M. Miquel.
Les dotations pour les investissements dans les transports terrestres
augmenteront au même rythme que tous les produits des taxes autoroutières,
jusqu'à présent affectés au FITTVN. Il s'agit bien d'un engagement et d'un
engagement de progression, sauf à considérer que, demain, il y aura de moins en
moins de monde à circuler sur les autoroutes de France.
Tel est l'engagement pris. Il ne s'agit pas de réduire les moyens qui,
évidemment, vont augmenter, et ce au même rythme que les produits des taxes
autoroutières.
Vous évoquez, monsieur Cazalet, l'opacité des conditions de suppression de ce
fonds. Non ! Ce terme est excessif ; je n'ai pas le sentiment que ce soit le
cas, mais il est vrai que c'est toujours un peu déroutant de changer des
habitudes, d'autant plus que la budgétisation du fonds s'accompagne, cette
année, du remplacement des agrégats sectoriels par des agrégats transversaux,
correspondant d'ailleurs mieux à l'esprit des schémas de services qui ont été
proposés récemment.
Cette présentation devrait permettre de mieux appréhender la priorité donnée à
l'intermodalité dans la politique des transports. J'ai d'ailleurs demandé qu'un
bilan de l'intermodalité et de son financement soit présenté au Parlement à la
mi-2002.
Le projet de budget pour 2001 traduit une augmentation de 10 % des crédits
d'investissement pour les transports ferroviaires et les voies navigables ;
4,482 milliards de francs sont également prévus au titre du désendettement de
la SNCF.
On assiste aujourd'hui à un véritable renouveau du transport ferroviaire. Il
faut le consolider et le renforcer par un programme d'investissements ambitieux
et équilibré. Je pourrais citer des exemples mais, pour respecter les consignes
de M. le président, je me dois de raccourcir mon propos.
(Sourires.)
Concernant la circulation du fret, le Gouvernement a fixé l'objectif d'un
doublement en dix ans. Je peux vous confier que, si son développement se
poursuit au rythme qui est le sien depuis le début de l'année, ce n'est pas en
dix ans qu'il doublera, ce sera en six ans ! Mais il faut lever les obstacles,
notamment faire disparaître les goulets d'étranglement.
(M. Gérard Larcher sourit.)
Je ne développe pas, vous voyez ce que je
veux dire !
L'Etat apportera une contribution de 1,7 milliard de francs d'autorisations de
programme aux investissements ferroviaires en 2001, ce qui représente un
doublement de l'enveloppe par rapport à 1997. Cette dotation sera répartie de
manière équilibrée entre les dépenses pour la grande vitesse et les dépenses
pour la modernisation du réseau classique, dont l'essentiel est désormais prévu
et financé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.
En ce qui concerne le pourcentage d'exécution des contrats de plan
ferroviaires, les études nécessaires aux opérations contractualisées seront
réalisées pour près de 60 % à la fin 2001.
La baisse des investissements de RFF que vous avez observée est due, monsieur
le rapporteur spécial, à un « creux » entre l'achèvement du TGV Méditerranée et
la montée en puissance du TGV Est-européen. Cette baisse est donc normale et
passagère : les investissements augmenteront au fur et à mesure pour réaliser
le TGV Est, et les autres ! La fixation du niveau des redevances d'usage des
infrastructures ferroviaires est un sujet très complexe, comme vous le relevez,
monsieur Cazalet. Certes, elles constituent simultanément une charge pour la
SNCF et une recette pour RFF. Il convient de se fonder sur un juste
équilibre.
Monsieur Cazalet, lors de la conciliation sur le « paquet ferroviaire », la
semaine dernière, à Bruxelles, nous avons réussi à faire admettre le principe
d'une tarification au coût marginal.
Mais il faut éviter que la question des redevances ne masque le vrai problème
que constitue l'endettement du système ferroviaire. Cette question reste à
régler et nous devons la résoudre le plus vite possible.
J'ai effectivement parlé d'UMTS, monsieur Cazalet. Pourquoi pas ? Mais,
franchement, je prendrai toute solution pourvu qu'elle soit bonne. J'espère que
le groupe de travail constitué au sein du comité d'investissement à caractère
économique et social, le CIES, pourra nous faire des propositions le plus tôt
possible, c'est-à-dire avant la fin de l'année.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Cazalet, la loi SRU prévoit le transfert,
à compter du 1er janvier 2002, de l'organisation et du financement des services
régionaux de voyageurs aux régions.
La contribution aux services régionaux de voyageurs prévue dans le projet de
budget pour 2001 s'élève à 6,341 milliards de francs et augmente de 300
millions de francs. Cette progression a pour objet de préparer le transfert en
2002 dans des conditions de neutralité financière pour les régions. En effet,
au titre de ce transfert de compétences, la compensation tiendra compte de
l'exploitation des services ferrés, d'un renouvellement plus rapide du matériel
roulant ainsi que d'une compensation pour l'application des tarifs sociaux. La
négociation sur son montant interviendra à l'occasion du projet de loi de
finances pour 2002, sur la base des comptes 2000 qui seront produits par la
SNCF. Si nécessaire - je m'y suis engagé - la loi SRU a prévu de réviser cette
référence. Une participation de l'Etat à un programme d'investissement est
également prévue pour aider les régions à moderniser les gares à vocation
régionale.
A l'instar de la priorité donnée à la modernisation du réseau ferroviaire, la
réhabilitation de la voie d'eau constitue, monsieur Cazalet, un des leviers de
la politique intermodale du transport. Les crédits consacrés à la remise à
niveau et à l'amélioration du réseau des voies navigables, soit 548 millions de
francs, progresseront de 10 % en 2001, soit 60 % de plus par rapport à 1997.
Monsieur Miquel, vous avez insisté sur la route et la sécurité routière. Les
engagements contractualisés et la sécurité des usagers constituent les deux
priorités du budget dans le domaine routier. Ainsi, les programmes
contractualisés, qui portent sur une enveloppe de 87 milliards de francs, dont
33,4 milliards de francs de part de l'Etat, bénéficieront d'une enveloppe de
4,43 milliards de francs, en augmentation de 11,9 % sur celle du budget 2000.
Le taux d'avancement de ces contrats atteindra ainsi 25,1 % fin 2001, ce qui
montre que on est bien dans la phase de réalisation.
Ces crédits permettront de poursuivre l'adaptation du réseau aux besoins de la
politique d'aménagement du territoire.
En réponse à votre question, monsieur Miquel, les volets routiers des nouveaux
contrats de plan comportent trois priorités. Il s'agit, tout d'abord, de la
sécurité routière, dont l'enveloppe passera de 1 milliard de francs à 2
milliards de francs. La sécurité a été l'un des critères de choix des projets
neufs.
Ensuite, des efforts seront faits pour investir dans les agglomérations. Il
m'est apparu nécessaire de réduire les inégalités entre les régions en termes
de service : la répartition adoptée pour le XIIe plan va dans ce sens. La mise
à jour des contrats de plan prévue en 2003, ce qu'on appelle la « clause de
revoyure », sera l'occasion d'apporter les ajustements nécessaires.
Concernant le secteur autoroutier, la réforme du financement des autoroutes
concédées conduit à externaliser les subventions généralement nécessaires pour
assurer la viabilité des nouvelles concesions d'autoroutes. A cet effet, la
nomenclature budgétaire 2001, prévoit, au chapitre 64-44, un nouvel article 90
intitulé : « Subventions pour la construction d'autoroutes concédées ». Cet
article n'est pas doté dans le projet de loi de finances, parce qu'aucune
concession de ce nouveau type n'est encore prête à être financée.
La réforme du secteur autoroutier a été accueillie favorablement à Bruxelles,
après deux ans de négociations. La durée des concessions sera allongée de douze
à quinze ans.
Par ailleurs, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, les
SEMCA, seront désormais dotées d'un régime comptable et fiscal de droit commun
qui leur permettra de répondre aux appels d'offres. Le montant des subventions
à verser dans les sept prochaines années pour les projets autoroutiers concédés
devrait être, en moyenne, de 1,9 milliard de francs par an, valeur 1999. Sur la
période 2001-2006, le résultat avant impôt de ces sociétés devrait représenter
2,4 milliards de francs par an.
J'en viens à la sécurité routière. Aujourd'hui, à l'inverse de ce qui
prévalait en 1997 et en 1998, on constate une réduction du nombre des tués sur
la route. A ceux qui me disaient qu'on ne pouvait pas réduire le nombre des
tués, que c'était une fatalité, nous sommes en train d'apporter la
démonstration du contraire.
Les baisses observées en 1999 et en 2000, certes insuffisantes, je suis le
premier à l'admettre, sont toutefois parmi les plus importantes enregistrées
dans tous les pays d'Europe. C'est un élément important à relever.
Les crédits pour la sécurité routière augmentent de 10,3 %. Qu'il faille faire
plus et mieux, j'en suis d'accord avec vous. Il faut prendre toutes les mesures
utiles pour améliorer la sécurité routière.
Enfin, monsieur Miquel, concernant l'Europe, nous sommes intervenus et nous
continuons dans ce sens auprès des instances européennes, afin que nous
parvenions à une meilleure coopération en faveur de la sécurité routière,
notamment en proposant un limiteur de vitesse modulable et en demandant le
lancement d'une campagne contre la conduite en état alcoolique à l'échelle
européenne.
(M. le président de la commission des finances et MM. les rapporteurs spéciaux
applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Berchet, rapporteur pour avis.
M. Georges Berchet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les transports terrestres.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, en qualité de rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques, j'aborderai, ici, uniquement les problèmes
d'actualité et les points significatifs, vous renvoyant, pour les données
chiffrées, au rapport écrit.
Le budget des transports terrestres pour 2001 s'inscrit dans une perspective
de rééquilibrage des modes de transport et de développement de l'acheminement
du fret par rail, avec priorité donnée à la sécurité, objectifs dont on ne peut
que se féliciter.
Cependant, ce budget est également caractérisé par la disparition du fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN,
beaucoup plus préoccupante.
La budgétisation de ce compte d'affectation spéciale laisse planer des
incertitudes sur la pérennité de l'effort public en faveur des grandes
infrastructures. Pouvez-vous nous assurer encore, monsieur le ministre, que le
crédits affectés auparavant à ce fonds seront intégralement transférés dans le
budget avec des destinations analogues et que l'aménagement du territoire ne
s'en trouvera pas pénalisé ?
Le FITTVN, créé en 1995, avait déjà été considérablement détourné de ses
objectifs initiaux, mais sa suppression impose une extrême vigilance quant à
l'effort consenti par l'Etat pour la réalisation et l'amélioration des grandes
infrastructures.
Vous avez fixé comme objectif le doublement du fret d'ici à 2010 et l'on ne
peut que vous féliciter d'une telle orientation, monsieur le ministre. Mais
quels moyens concrets mettrez-vous en oeuvre ?
Actuellement, le rail achemine seulement 20 % du fret, et des investissements
très importants s'imposent pour aller au-delà.
Il convient de noter que, paradoxalement, GEODIS, filiale de la SNCF, est l'un
des plus gros transporteurs routiers d'Europe.
La question du fret amène tout naturellement à évoquer l'existence des
corridors de fret européens, dont deux passent par la France. Leur
développement s'inscrit dans le cadre du futur réseau transeuropéen, qui
nécessite effectivement, monsieur le ministre, une amélioration de
l'interopérabilité.
En ce qui concerne la libéralisation du rail, des exemples étrangers ont mis
en évidence les graves conséquences d'une privatisation trop rapide et mal
contrôlée. D'ailleurs, selon un sondage récent, une majorité de Britanniques -
56 % - sont favorables à une renationalisation de leurs chemins de fer.
Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, afin que des
accidents semblables à ceux qui viennent de se produire en Grande-Bretagne ne
surviennent pas en France ?
Durant l'année 2000, le réseau à grande vitesse a vu la poursuite des
programmes d'études et de réalisation des différents TGV, le TGV Méditerranée,
la branche sud du TGV Rhin-Rhône, le projet franco-espagnol Perpignan-Figueras,
la section internationale du projet Lyon-Turin, le TGV Aquitaine et le TGV
Bretagne - Pays de la Loire.
En ce qui concerne le TGV-Est européen, sa première phase vient d'être
engagée. Sa réalisation procurera une nette amélioration de la desserte de
l'est de la France avec des gains de temps importants entre Paris et Reims,
Strasbourg, Metz, Nancy, et par la desserte de Saint-Dizier par rames TGV.
Le conseil régional de Champagne-Ardenne a subordonné sa contribution
financière pour la réalisation du TGV-Est à l'électrification de la ligne
Paris-Bâle, et l'Etat s'est engagé à participer à hauteur de 25 % du coût d'une
électrification phasée.
Le contrat de plan 2000-2006, qui vient d'être signé, consacre une première
tranche de financement de 300 millions de francs à l'électrification de la
section Paris-Troyes. La poursuite de l'électrification jusqu'à Chalindrey et
Vesoul s'impose pour éviter des ruptures de charges et la consommation de fuel
sous ligne électrifiée.
Il convient d'ailleurs d'électrifier la totalité du réseau SNCF. Actuellement,
la moitié du réseau ne l'est toujours pas, ce qui nécessite l'utilisation de
motrices diesel entraînant des nuisances en matière tant de bruit que de
pollution, comme l'illustre le dépôt de la Villette.
De surcroît, la France dispose d'un excédent d'énergie électrique d'origine
nucléaire, actuellement vendue à l'étranger.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il vaudrait mieux, dans l'intérêt
des générations futures, préserver le pétrole, carburant fossile non
renouvelable, pour les recherches et l'exploitation de la pétrochimie ? Nous
lutterions ainsi contre l'effet de serre, auquel la conférence de La Haye a
consacré ses travaux, sans obtenir l'unanimité des participants.
Pour en terminer avec l'électrification, j'évoquerai l'itinéraire
Dijon-Calais, qui permet le transit du fret Transmanche-Méditerranée et
traverse le département de la Haute-Marne. Il s'agit d'un vecteur économique
essentiel irriguant les sites industriels de la vallée de la Marne et la
plate-forme multimodale de Chalindrey.
Cette liaison figure parmi les lignes retenues, monsieur le ministre, dans
votre projet d'amélioration des axes ferroviaires. Toutefois, ne pensez-vous
pas que seule l'électrification de cette liaison apporterait une véritable
modernisation ?
Cela concourrait efficacement au développement du transport de fret par rail,
en parfaite complémentarité, d'ailleurs, avec l'électrification de la ligne
Paris-Bâle, et dans l'esprit même des orientations ministérielles, car diminuer
le volume de fret acheminé par la route, c'est réduire le risque
d'accidents.
J'aborderai en quelques mots le problème préoccupant de l'endettement de la
SNCF et de RFF.
Au 31 décembre 1999, l'endettement de RFF s'élevait à 170 milliards de francs.
Actuellement, l'endettement global du secteur ferroviaire avoisine donc 253
milliards de francs.
La vente des actifs immobiliers transférés en 1997 à RFF était censée
compenser la dette héritée de la SNCF - chacun le sait - mais le rythme annuel
des ventes est lent - on se demande d'ailleurs pourquoi - et les ressources
dégagées ne sont donc pas de nature à réduire de façon substantielle
l'endettement de RFF.
Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger, comme le fait d'ailleurs le
Conseil supérieur du service public ferroviaire, sur sa capacité
d'investissement, qui a d'ailleurs nettement baissé en cinq ans.
Le Conseil supérieur du service public ferroviaire recommande la résorption de
la dette de la SNCF et de RFF afin qu'ils disposent d'une capacité
d'autofinancement suffisante. Il préconise la mise en place, par l'Etat, d'un
programme d'aide exceptionnel et pluriannuel.
Monsieur le ministre, quelle suite entendez-vous donner à cette recommandation
et à cette suggestion ?
J'en viens à la RATP.
L'évolution du trafic est globalement positive. Il convient de préciser que
l'exercice 1999 présente un solde positif de 26,6 millions de francs et que les
charges ont baissé de 64,9 millions de francs du fait d'une diminution des
dépenses de fonctionnement.
Le métro, avec ses cent ans, se porte bien. Sans doute mérite-t-il encore
quelques améliorations. Le programme d'investissement prévoit essentiellement
la poursuite ou l'achèvement d'opérations entamées, notamment Météor.
En ce qui concerne les conflits collectifs, la procédure d'alarme sociale qui
anticipe l'événement est désormais bien inscrite dans la politique de dialogue
de l'entreprise avec les syndicats et paraît donner de bons résultats.
Le rapport précise l'évolution, hélas ! positive, du vandalisme et de la
fraude. Les transports collectifs en province sont également traités dans le
rapport.
La commission des affaires économiques et du Plan, dans sa réunion du 15
novembre dernier, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour
l'adoption des crédits des transports terrestres dans le projet de loi de
finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les routes et les voies navigables.
Monsieur le président, monsieur
le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques
s'intéresse de très près à toutes les politiques de transport car elles
conditionnent très largement les performances économiques de notre pays, donc
l'emploi et le niveau de vie de nos concitoyens. Elles sont également le moyen
privilégié pour orienter l'organisation de notre territoire national.
Selon les choix opérés dans le domaine des transports, il est possible, sans
beaucoup de risques d'erreur, de connaître par avance le devenir de telle ou
telle partie de notre pays et le devenir du pays tout entier. Monsieur le
ministre, la commission des affaires économiques du Sénat sait que vous
partagez cette analyse et reconnaît toute votre bonne volonté dans ce
domaine.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous le voyez, monsieur le
ministre, c'est pas mal !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
C'est particulièrement vrai, parmi les avis que
j'ai à rapporter ici, pour la sécurité routière.
Dès votre arrivée à la tête de ce grand ministère, constatant que la France
était, en ce domaine, pratiquement la plus mauvaise élève de la classe
européenne, vous avez voulu vous attaquer à ce fléau, et je crois que vous vous
en êtes fait donner les moyens.
Vos budgets ont progressé d'année en année et vous ont permis de mettre en
place une politique qui commence à donner des résultats. Certes, le cheminement
reste difficile et il vous faudra, à ce rythme, un certain nombre d'années pour
rejoindre, en matière de sécurité routière, les meilleurs pays européens.
Pour 2001, les crédits progressent de 10,2 % en moyens de paiement ; on l'a
déjà indiqué.
L'insécurité routière, dans la grande majorité des cas, est due aux mauvais
comportements des conducteurs et à leur incivisme ; c'est ainsi que, dans les
causes reconnues des accidents de la route, viennent en tête la conduite en
état d'ébriété et les excès de vitesse. Mais, monsieur le ministre, la qualité
des infrastructures routières est également pointée parmi les causes d'accident
pour 34 % des cas en ce qui concerne leur conception et pour 24 % des cas
s'agissant de leur entretien. Et là, en matière de routes, votre bonne volonté
et votre bonne humeur ne suffisent plus. Il faut également des crédits,
beaucoup de crédits.
M. Jean-François Le Grand.
C'est vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est moins bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Paradoxalement d'ailleurs, plus la situation
économique de la France s'améliore et donc plus les rentrées fiscales
s'amplifient, plus les crédits d'équipements routiers diminuent.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout passe en fonctionnement
!
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Bercy est tout-puissant contre le bon sens et la
bonne volonté.
En 1998, on assistait à une stabilisation des dotations en dépenses et en
crédits de paiement - 0,4 % - mais les crédits inscrits au chapitre routier du
FITTVN progressaient, eux, de 14,1 %.
En 1999, les crédits des routes étaient apparus comme « sacrifiés ». Les
investissements sur la voirie nationale étaient réduits de 13 % alors que les
crédits dévolus aux routes dans le FITTVN subissaient une baisse de 13,3 %.
En 2000, la dotation globale aux routes - dépenses ordinaires et crédits de
paiement - diminue de 9,65 %, les dépenses en capital de 13 % et les crédits en
provenance du FITTVN de 4 %.
Pour 2001, dans le projet de budget qui nous intéresse aujourd'hui, les moyens
de paiement que le Gouvernement se propose de consacrer aux routes atteignent
6,5 milliards de francs, soit une réduction de 17 % par rapport aux crédits
pour 200.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce n'est pas bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
La part des routes dans l'ensemble des crédits
affectés aux transports passera de 13 % en 2000 à 11,4 % en 2001.
M. Jean-François Le Grand.
Eh oui !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement pourra, bien sûr, faire valoir que
les autorisations de programme s'élèvent à 7,9 milliards de francs, en
progression de 6,8 %. Cependant, elles représentent, en tout état de cause, une
part décroissante du budget des transports : 56,4 % en 2000 contre 53,8 % en
2001.
Plus grave, sur un montant de crédits de paiement de 6,5 milliards de francs,
seulement 2,8 milliards iront au développement du réseau routier, somme en
diminution de 38,1 % par rapport à 2000.
Rappelons que le développement du réseau autoroutier est financé sur des
ressources extrabudgétaires : financement privé pour les autoroutes concédées
et FITTVN, jusqu'à présent, pour les autoroutes publiques.
Les chiffres que je viens d'évoquer devant vous, monsieur le ministre, mes
chers collègues, concrétisent le bien-fondé des inquiétudes si souvent
exprimées par notre commission des affaires économiques. Ils résument, d'une
certaine manière, la philosophie du Gouvernement sur le sujet.
Je dirai quelques mots sur les crédits affectés aux voies navigables. Ainsi
qu'on le sait et comme d'habitude, ils sont extrêmement modestes.
Jusqu'à présent, les dotations budgétaires étaient anecdotiques et figuraient
au chapitre 35-41, relatif à l'entretien des voies navigables non confiées à
Voies navigables de France, et au chapitre 44-20, relatif aux interventions
sociales en faveur de la batellerie. Pour 2001, ces chapitres seront dotés
respectivement de 1 million et de 7 millions de francs.
L'essentiel de l'effort en faveur du transport fluvial relevait du FITTVN qui
avait inscrit, par exemple, pour 2000 une dotation de 500 millions de
francs.
En 2001, les crédits du FITTVN seront vraisemblablement réintégrés au budget
général. Ainsi, seront inscrits 550 millions de francs en autorisations de
programme et 165 millions de francs en crédits de paiement.
Je rappellerai, pour mémoire et afin de fixer un peu les idées, que
l'établissement public Voies navigables de France estime le coût annuel de
maintenance du réseau à environ 500 millions de francs et le coût d'une
véritable remise en état de l'existant qui lui est confié, soit quelque 7 000
kilomètres de voies, à une somme comprise entre 7 milliards et 17 milliards de
francs.
Avec si peu de possibilités financières et compte tenu de ce qui apparaît
comme un manque de volonté du Gouvernement de s'intéresser à la voie d'eau,
alors que les besoins augmentent, comment peut-on encore valablement parler
d'une mise en place d'un réseau fluvial à grand gabarit ? Après la disparition
politique de la liaison Rhin-Rhône, au moins pouvait-on espérer voir se
réaliser l'indispensable liaison Seine-Nord, dans un délai correct, et la
liaison Seine-Est. Par défaut, dans ce domaine capital pour l'avenir économique
du pays et son intégration dans l'Europe, nous accumulons des retards
dramatiques.
Monsieur le ministre, s'agissant de la SNCF, vous avez, nous semble-t-il, les
yeux de Rodrigue pour Chimène
(Sourires),
vous mettez en place, à ce
titre, ce qui pourrait s'appeler une politique du chemin de fer. Nous
l'approuvons et nous la soutenons. Cependant, le Gouvernement n'a plus, me
semble-t-il, de politique de la route,...
M. Jean-François Le Grand.
Eh oui !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
... et n'a pas de politique de la voie d'eau.
M. Jean-François Le Grand.
Hélas !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Comment pouvez-vous alors parler de multimodalité ?
La multimodalité, c'est l'utilisation la meilleure possible de tous les moyens
de transports pour servir au mieux les usagers dans le souci permanent des
délais, des coûts, des consommations énergétiques, de notre environnement bien
sûr - et sur ce point, arrêtons d'opposer bêtement développement et respect de
notre environnement - de la sécurité des personnes et des biens, etc.
Il faut non pas jouer un moyen contre l'autre ou inversement, mais conjuguer
intelligemment l'ensemble des moyens de transport.
M. Jean Puech.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
A ce stade de mon exposé, monsieur le ministre, je
voudrais vous dire que vous ne pourrez longtemps encore - et la commission des
affaires économiques partage cette analyse - éviter de conduire un vaste débat
national sur les transports et sur les moyens à mettre en oeuvre.
M. Jean Puech.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Dans ce domaine, nous travaillons pour le siècle
qui s'ouvre devant nous. Arrêtons de raisonner au jour le jour pour faire face
aux urgences. Préparons l'avenir à vingt ans, à trente ans ou à cinquante
ans.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Prenons réellement en compte la « donne »
européenne. Par exemple, nos grands ports de la façade atlantique et de la
Manche ont absolument besoin du grand gabarit de Seine-Nord pour être
correctement reliés au reste de l'Europe. Marseille, dont on veut faire, à
juste titre, l'ouverture de l'Europe occidentale sur les pays méditerranéens
doit être irrigué et l'axe Rhin-Rhône est là tout à fait essentiel.
La France a besoin de ce grand débat prospectif, en dehors des clans et des
chapelles. Le Sénat, quant à lui, est prêt à y prendre toute sa place.
Encore faudra-t-il, après la réflexion, conduire l'action et mettre en place
des politiques adaptées et les crédits nécessaires.
Les politiques, nous en avons déjà une expérience, et je veux parler là du
schéma directeur routier national de 1992 : il était très ambitieux et il
prévoyait la mise en place de quelque 3 500 kilomètres d'autoroutes concédées
et de 2 500 kilomètres d'autoroutes hors péage. A ce jour, il est réalisé à
plus de 80 %, et nous portons à votre crédit la volonté de le terminer.
Mais alors, monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous aujourd'hui de mettre
en chantier un nouveau schéma directeur qui pourrait prendre le relais de celui
de 1992 ?
Pour les finances, c'est encore plus difficile - vous le savez mieux que
quiconque -, mais des solutions sont possibles. C'est bien pour faire face à ce
type de difficulté et par souci d'efficacité que, après une longue réflexion,
la commission des affaires économiques, à la demande de son président, M. Jean
François-Poncet, et le Sénat tout entier ont créé par voie législative, en
1995, le FITTVN.
Aujourd'hui, le Gouvernement supprime ce fonds - nous venons d'en parler, mais
il faut y insister - pour le noyer dans le budget général. Nous savons que
c'est contre votre volonté puisque, l'année dernière encore - et vous l'avez
réaffirmé tout à l'heure - vous nous disiez tout le bien que vous en pensiez.
C'est donc un changement récent.
La commission des affaires économiques déplore très fortement la disparition
du FITTVN, pour une raison de fond - l'argent va vraisemblablement manquer -
mais aussi pour une raison de forme : quel affront, monsieur le ministre, est
fait là au Sénat et à l'ensemble de la représentation parlementaire avec la
suppression, par une manoeuvre purement technique, de ce qu'une législation
d'origine parlementaire avait créé !
(M. Le Grand applaudit.)
M. le président.
Il vous faut conclure, mon cher collègue.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis.
Je termine, monsieur le président !
Enfin, je voudrais que vous nous indiquiez ce que deviendront les quatre
milliards de francs qui resteront en solde positif dans le FITTVN à la fin de
cette année, quand ce fonds sera définitivement mort. Que va-t-on en faire ? Et
pourquoi sont-ils encore là, alors qu'ils ont déjà été programmés en dépenses
?
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez répondre clairement à
toutes nos interrogations et lever les incertitudes qui demeurent. Vous
pourriez ainsi calmer certaines de nos appréhensions et, peut-être, laisser
entrevoir cette mise en place d'une grande politique dont la France a besoin et
que nous appelons de tous nos voeux. Nous sommes prêts à y travailler avec
vous.
Mais, aujourd'hui, la commission des affaires économiques ne peut qu'émettre
un avis défavorable à l'adoption des crédits des routes et voies navigables que
vous nous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre pour répondre
à MM. les rapporteurs pour avis, permettez-moi de faire une observation : il
est évident que si les rapporteurs pour avis posent beaucoup de questions - je
serais tenté de dire « trop de questions » -,...
Mme Hélène Luc.
Il faudra donner le temps au ministre de répondre !
M. le président.
... M. le ministre se trouve alors, compte tenu du fait que son temps de
réponse est limité, dans une position délicate.
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. le président.
Mais je suis sûr que M. le ministre va s'efforcer de rester dans les limites
raisonnables de son temps de réponse !
Mme Hélène Luc.
Il faut quand même lui donner le temps de répondre !
M. le président.
C'est ce que je fais, madame la présidente !
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
MM. les
rapporteurs pour avis ont évoqué à leur tour les conséquences de la
budgétisation du FITTVN. Ayant déjà répondu sur ce point, je me contenterai de
rappeler les assurances que j'ai reçues de Bercy quant à l'intégralité des
reports sur le budget général, et ce dès 2001.
Vous avez raison, monsieur Berchet, de dire que l'objectif de doublement du
fret ferroviaire ne pourra être atteint à moyens constants. Il y aurait, sinon,
une dégradation du service et des tensions sur l'appareil de production,
situation dont se plaignent d'ailleurs déjà les cheminots et les chargeurs. Il
faut donc augmenter ces moyens, ce dont je suis parfaitement conscient.
Les moyens ne se limitent bien sûr pas aux effectifs. Le manque ou
l'obsolescence du matériel roulant constituent un obstacle au développement.
C'est pourquoi, dans le cadre du CIES, dont j'ai parlé tout à l'heure, nous
avons autorisé, avec M. Laurent Fabius, la SNCF a programmer l'acquisition de
620 locomotives, ce qui est énorme.
M. Jean-François Le Grand.
Il faut aussi des rails !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Une première
tranche de ce programme a été lancée à hauteur de 120 locomotives, qui seront
livrées à partir de l'an prochain.
Le développement du fret, comme des autres trafics ferroviaires, nécessite
l'amélioration des infrastructures pour accroître leur capacité, notamment dans
les goulets d'étranglement.
Il est probable qu'un premier service de route roulante - dite « autoroute
ferroviaire » - pourra être expérimenté de manière progressive dès 2002 sur la
ligne existante passant à Modane. Limité tout d'abord à la Maurienne, ce
service pourra être étendu ensuite à l'ouest du massif de la Chartreuse grâce à
la réalisation d'un nouveau franchissement en tunnel de ce massif. Cet ouvrage,
qui constituera une amorce d'un nouvel accès au futur tunnel transalpin,
permettra en outre à moyen terme de délester Chambéry d'une partie du trafic de
fret.
Je pense qu'il faut rappeler que nous avons obtenu tout à fait récemment de
l'Europe qu'elle contribue au financement de ces opérations de désaturation du
réseau. J'en profite pour dire qu'il faut se féliciter de l'accord intervenu
sur la réforme des trois directives communautaires du « paquet ferroviaire »
qui constituent, à mon avis, une avancée. Le droit d'accès sera garanti pour
les entreprises ferroviaires titulaires d'une licence et accessible dans les
conditions d'harmonisation tarifaire et de sécurité pour le trafic de fret
international. Je partage la préoccupation exprimée de ne pas voir le
libéralisme devenir la réalité du secteur ferroviaire dans notre pays. Ce qui
se passe en Grande-Bretagne suscite beaucoup d'inquiétudes de ce point de
vue.
« Comment la France entend-elle maintenir le niveau de sécurité ferroviaire ?
», a demandé M. Berchet.
Je répondrai aussi à M. Gruillot, qui m'a interrogé sur la sécurité des
tunnels. A la suite de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, un diagnostic a
été effectué pour trente-neuf tunnels de plus d'un kilomètre de longueur du
réseau routier français, ainsi que pour des tunnels ferroviaires. Un programme
d'actions, qui peut être chiffré à 2 milliards de francs sur le réseau de
l'Etat, concédé et non concédé, a été décidé. Il devrait s'étaler sur une
période de cinq ans. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit ainsi 175
millions de francs pour les tunnels non concédés.
Enfin, une instruction technique détaillée définissant les dispositions de
sécurité auxquelles les nouveaux tunnels devront répondre a été diffusée le 25
août dernier. Elle tient compte des recommandations du rapport de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les
moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour améliorer la sécurité des tunnels
routiers et ferroviaires.
En ce qui concerne l'électrification de la ligne Paris-Bâle, monsieur Berchet,
j'ai soutenu la réalisation de cette opération dès 1999, avec un engagement sur
une participation financière de l'Etat à hauteur de 25 %. L'importance de
l'investissement conduit toutefois à prévoir une réalisation par étapes de
cette électrification, avec une première phase, entre Gretz et Troyes, qui
représente un coût d'environ 1,2 milliard de francs. Les études d'avant-projet
de cette opération sont sur le point d'être lancées.
La maîtrise de l'endettement du système ferroviaire est une question
essentielle pour l'avenir du secteur dans son ensemble. C'est pourquoi le
Gouvernement s'est attaqué, dès 1997, à cette question. S'agissant de RFF, le
Gouvernement a décidé, je le rappelle, un apport de 37 milliards de francs de
dotations sur la période 1999-2001, afin de consolider la situation financière
de l'établissement.
Bien entendu, il s'agit d'une première étape, et il faut maintenant penser à
l'avenir. Afin de préparer les décisions à prendre, le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie et moi-même avons demandé à un groupe de travail
d'examiner les perspectives financières de RFF et de faire des propositions
pour la pérennité financière de la réforme ferroviaire. Ces travaux sont en
cours. Le Conseil supérieur de service public ferroviaire, qui est chargé par
décret d'établir l'an prochain un bilan de la réforme, aura également
l'occasion de s'exprimer sur la question.
M. Gruillot m'a interrogé sur les ouvertures d'autoroutes concédées au-delà de
2001 : 563 kilomètres d'autoroutes étaient en chantier au 30 juin 2000, 305
kilomètres seront ouverts en 2001 et 148 kilomètres devraient être ouverts en
2002 : ce sont les liaisons Toulouse-Pamiers, Angers-Mortagne et Tulle-Ussel.
Les prévisions pour 2003 sont aujourd'hui de 172 kilomètres.
Je souhaite apporter maintenant une réponse concernant les routes : j'ai
entendu M. Gruillot parler de la baisse de 17 % des investissements routiers.
Lorsque vous citez ce chiffre - j'y insiste - vous ne vous référez qu'aux seuls
moyens de paiement, c'est-à-dire aux crédits de paiement.
Pourtant, les moyens d'engagement - autorisations de programme et dépenses
ordinaires - c'est-à-dire les travaux qui seront réalisés ou lancés, affichent
une augmentation de 6 % en 2001, soit plus que la moyenne de l'ensemble du
budget.
Quant aux moyens de paiement - je l'ai déjà dit et je le redis devant vous
pour que vous en teniez compte - ils seront abondés par le report des crédits
du FITTVN et progresseront de 2,6 %. Par conséquent, ne répétez plus qu'il y a
une baisse sur ce secteur !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais les gens ne roulent pas sur
les autorisations de programme ! Ils roulent sur des routes ! En tout cas,
c'est ainsi que cela se passe dans mon département !
(Sourires.)
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Bien entendu !
C'est pour cela qu'il importe de les réaliser ! Ce sont les autorisations de
programme et les dépenses ordinaires qui permettent de réaliser les travaux,
pour que les usagers roulent sur des routes, monsieur le président de la
commission des finances !
S'agissant du programme pour les voies navigables, les 500 millions de francs
du FITTVN inscrits dans le projet de loi de finances en 2000 passeront à 550
millions de francs en 2001, soit une augmentation de 10 %. On ne peut pas dire,
là non plus, qu'il y a régression ou abandon, bien au contraire ! Cela permet
de mettre en oeuvre les engagements du contrat de plan.
Quant au projet Seine-Nord, il est retenu dans la perspective des schémas de
service. Il s'agit non pas d'abandonner les choses, mais de les réaliser dans
de bonnes conditions. Je précise que nous disposons sur ce projet des études
nécessaires qui ont permis au Gouvernement d'inscrire l'objectif d'un
aménagement progressif de la liaison Seine-Nord à grand gabarit dans le projet
de schéma de services de transport de marchandises, qui va être soumis à
consultation régionale.
Mais sans attendre - et c'est ainsi que l'on a réussi à concrétiser notamment
cet objectif -, l'aménagement des extrémités Nord et Sud de la liaison -
Dunkerque Escault et Oise aval - a été programmé de façon à développer le
transport fluvial dans les bassins concernés et à améliorer la desserte
fluviale des ports de Dunkerque, Paris, Rouen et Le Havre. Le projet concerne
donc non pas simplement la liaisonSeine-Nord.
Le choix du fuseau de tracé de la partie centrale sera précisé après la
consultation des régions sur le projet de schéma de services de transport de
marchandises.
A ce propos, monsieur Gruillot, vous dites qu'il faudrait un débat. Mais des
débats, il y en a ! On nous reproche même parfois d'en faire trop dans certains
domaines et de ne pas prendre de décisions assez rapidement. Vous avez
cependant raison : il faut un débat.
Justement, les schémas de services vont être soumis à la Commission nationale
du débat public, et les régions sont d'ores et déjà saisies pour donner leur
avis sur les schémas de services qui traitent des problèmes de tous les
transports, de l'intermodalité, du transport des voyageurs, du transport des
marchandises, d'ici au mois d'avril.
Je crois donc avoir levé tous les problèmes, ce qui devrait vous permettre,
sur toutes les travées de cet hémicycle, de voter tranquillement ce projet de
budget.
M. le président.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos
travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept
heures cinquante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq
minutes.
La réponse de M. le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
Mes chers collègues, afin de respecter cette règle du jeu dans sa lettre, mais
aussi dans son esprit, je vous demande de ne pas poser pendant cinq minutes une
batterie de questions à M. le ministre, alors qu'il ne dispose lui-même que de
trois minutes pour y répondre ! Adaptez vos interventions à sa capacité de
réponse, non pas en termes qualitatifs - elle est entière ! - mais en termes
quantitatifs !
La parole est à M. Bernard, au nom du groupe du RPR.
M. Jean Bernard.
Conformément à votre souhait, monsieur le président, je résumerai les
questions que je souhaitais poser, d'autant que certaines réponses y ont déjà
été apportées. Cela étant, dire qu'elles me satisfont serait sans doute un bien
grand mot...
Les Français connaissent leur géographie. Ils savent que la France est au
carrefour de l'Europe et qu'elle comporte une façade maritime. Notre politique,
en matière de transports, devrait donc être visionnaire, audacieuse et
coordonnée, notamment au regard de l'accélération de la mobilité des hommes et
des marchandises. Or, monsieur le ministre, au vu des chiffres qui ont été
cités par les différents rapporteurs pour avis, la politique des routes menée
en France ne s'inscrit pas dans la démarche prospective que nous souhaiterions,
et nous ne pouvons que le déplorer.
Nous allons cependant essayer, au travers de ces quelques questions, de vous
aider, pour que vous obteniez de la part de Bercy les aides que nous
souhaitons.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres qu'a cités mon collègue et confrère M.
Gruillot, sinon pour constater que les crédits de paiement affectés aux routes
nationales ne sont pas en progression, bien au contraire, alors que, au cours
des cinq dernières années, la circulation routière a augmenté d'environ 15 % et
que, si l'on projette cette courbe dans le futur, on prévoit que les débits
moyens sur les routes et les autoroutes devraient encore augmenter, d'ici une
vingtaine d'années, de 40 % environ. C'est dire l'effort que nous devrions
réaliser ! Le réseau routier et autoroutier est-il adapté à ces nouvelles
données ? On peut se poser la question !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le physiologiste que je suis sait
que, pour qu'un organe fonctionne normalement, il doit être irrigué
convenablement, et dans les deux sens. Or nous allons vers l'infarctus et vers
l'embolie ! Autour des villes, notamment à certaines heures, la circulation
devient ainsi un véritable problème, au point qu'il faut alors plutôt parler de
non-circulation.
Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si le Gouvernement a pris la
mesure des moyens à mettre en oeuvre - en collaboration avec les collectivités
locales, qui sont ses partenaires en la matière - pour adapter ce réseau
routier et autoroutier. Il ne faut pas oublier, en effet, la participation des
départements et des régions au développement des routes nationales, notamment,
qui restent les itinéraires structurants par excellence !
Depuis 1995, les départements ont consacré chaque année à la route un montant
de 21 milliards de francs. Ces dépenses ont représenté, en 1999, dans les
budgets départementaux, environ 12 % des dépenses totales. C'est dire si les
collectivités locales ont pris en compte l'importance des infrastructures
routières dans leur économie et leur développement ! Pour autant, l'Etat
adapte-t-il son effort à celui des collectivités locales ?
Permettez-moi, à ce sujet, d'aborder un problème ancien que nous avons déjà
évoqué ensemble, monsieur le ministre : le financement des routes nationales
est assuré à 50 % par les collectivités locales et à 50 % par l'Etat, mais ce
dernier, en contrepartie, récupère l'ensemble de la TVA. Dans ces conditions,
peut-être conviendrait-il de ne plus appeler ces routes « nationales » !
Ne serait-il pas opportun d'en confier la maîtrise d'oeuvre aux départements
et aux régions, qui aménageraient au mieux le réseau des routes nationales en
tenant compte du contexte local et régional ?
Ne m'en veuillez pas, monsieur le ministre, de faire mienne la formule de
Churchill selon laquelle « quand tu ne réussis pas une première fois, essaie
une deuxième, une troisième peut s'avérer nécessaire, une quatrième non
superflue », et de revenir sur le problème de la route nationale 4
Paris-Strasbourg, déjà maintes fois évoqué.
Sur cet axe, on enregistre un trafic international et national de plus en plus
dense, s'agissant notamment des poids lourds, et de nombreux accidents. Mais,
dans le département de la Marne, monsieur le ministre, il reste
quatre-vingt-dix kilomètres à aménager sur cette route saturée. En 2001, seuls
trois kilomètres aménagés seront mis en service, et je ne vous infligerai pas
le calcul du délai de réalisation de l'ensemble des quatre-vingt-dix kilomètres
! A cet égard, le prochain contrat de plan nous laisse peu d'espoir de voir les
choses s'améliorer notablement. J'ajoute, et ce n'est pas pour l'anecdote, que
pour aménager trois kilomètres il a fallu plus de deux ans. Tout à l'heure, M.
le président de la commission des finances disait qu'on ne roule pas sur des
autorisations de programme ou sur des ouvertures de crédits...
Que penser enfin de l'allongement supplémentaire de ces délais lorsque le
hasard ou la nature placent sur l'itinéraire projeté des espèces rares,
animales ou végétales, qu'il convient certes de protéger, mais dont la
sauvegarde entraîne, comme cela a été le cas pour l'autoroute A 28
Alençon-Tours, l'arrêt d'un chantier pour de long mois ? Ne pensez-vous pas,
monsieur le ministre, qu'il conviendrait de dresser un inventaire aussi
exhaustif que possible de ces espèces protégées et de leurs sites
d'implantation, et, si elles prospèrent et vivent en d'autres lieux, de
continuer les travaux dont le caractère urgent est incontestable ?
M. le président.
Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Jean Bernard.
Je termine, monsieur le président.
Adopter cette façon de faire serait, à mon avis, un excellent moyen de
mobiliser utilement les associations de protection de la nature et le ministère
de l'environnement et contribuerait à donner à une image positive de leur
action, trop souvent perçue comme négative à l'heure actuelle.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, j'ai déjà répondu tout à l'heure sur les crédits, et je n'y
reviendrai donc pas, sauf pour souligner une fois encore qu'ils sont en
progression, de plus de 6 % s'agissant des autorisations de programme et des
dépenses ordinaires, mais aussi de 2,6 % s'agissant des crédits de paiement,
après intégration du FITTVN. Je vous demande donc instamment de partir de cette
réalité avant de la commenter si vous jugez que cela n'est pas suffisant, mais,
de grâce, n'affirmez pas que les crédits sont en baisse, car cela n'est pas
juste !
Par ailleurs, la réalisation du TGV Est permettra de libérer des « sillons »,
si je puis dire, pour le trafic des marchandises. La démarche multimodale
associant le rail et la route devra donc être prise en compte dans notre
réflexion d'ensemble sur les déplacements.
Pour répondre plus précisément à l'une de vos questions, monsieur le sénateur,
j'indique que certaines routes sont qualifiées de « nationales » parce qu'elles
permettent d'assurer la continuité territoriale, à la différence des routes
départementales. Les ressources consacrées au réseau routier national sont de
beaucoup supérieures, c'est vrai, grâce notamment aux concessions
autoroutières, à celles qui sont allouées aux réseaux départementaux, pourtant
dix fois plus étendus. Cela est particulièrement vrai en matière
d'investissement et tient à la croissance des trafics, plus importante sur les
grands axes nationaux.
S'agissant de la coordination des investissements, elle est facilitée par
l'annonce des intentions de l'Etat par le biais des schémas de service.
Conformément à la nouvelle règle, les collectivités territoriales, ainsi
d'ailleurs que les entreprises, peuvent alors prendre leurs propres décisions
d'aménagement complémentaire ou de localisation de nouvelles activités.
Entre Paris et Phalsbourg, la RN 4 - puisque vous avez évoqué cet axe, et je
connais votre ténacité et votre détermination - joue un rôle important pour la
desserte de trois régions de l'Est : la Champagne-Ardenne, la Lorraine et
l'Alsace. Le projet de schémas de services collectifs de transport confirme le
caractère prioritaire de l'aménagement de cet axe structurant en route express
à deux fois deux voies. Dans le département de la Marne, la route nationale 4
s'étend sur cent quatre kilomètres, dont trente-deux kilomètres déjà aménagés à
deux fois deux voies.
Dans l'optique du nouveau contrat de plan Etat-région, 340 millions de francs
- c'est ce chiffre qu'il faut retenir - ont été inscrits au titre de
l'aménagement de la RN 4 dans le département de la Marne. Cela permettra de
réaliser le doublement à deux fois deux voies de la déviation de
Fère-Champenoise et celui de la déviation de Sommesous, ainsi que l'aménagement
d'un créneau à deux fois deux voies à Haussimont. Cela permettra aussi de
poursuivre les études et de procéder aux acquisitions foncières liées aux
différentes opérations déclarées d'utilité publique, notamment la déviation
ouest de Vitry-le-François et la section Sézanne-Fère-Champenoise. Vous voyez
que nous ne nous en tenons pas à l'aménagement de trois kilomètres !
La RN 4 sera équipée progressivement d'aires de services et de repos au fur et
à mesure de sa transformation en route express à deux fois deux voies. Ainsi,
des aires de repos seront créées tous les vingt kilomètres, et des aires de
services tous les cinquante kilomètres, comme sur le réseau autoroutier.
M. le président.
La parole est à M. Maman, au nom du groupe de l'Union centriste.
M. André Maman.
A franchement parler, je suis un peu gêné par ce nouveau processus. En effet,
nous avons entendu quatre rapporteurs très consciencieux, très minutieux, qui
ont analysé les dossiers dans le plus grand détail, et il ne nous reste que
très peu de questions originales à poser !
En revanche, cela aidera peut-être M. le ministre, qui disposera de davantage
de temps pour répondre à ces questions ! Tout à l'heure, il s'est en effet
exprimé à la vitesse de certains de nos automobilistes sur les routes
nationales ; peut-être pourra-t-il être un peu plus calme !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'était à la
vitesse des TGV !
(Sourires.)
M. André Maman.
Oui, mais il s'agit ici des routes !
(Nouveaux sourires.)
La France se classe parmi les mauvais élèves de l'Union européenne en matière
de sécurité routière, même si l'on nous a déjà dit que cela ne serait pas tout
à fait exact. Les résultats sont catastrophiques : nous sommes le pays qui
connaît la plus forte hausse du nombre de tués sur les routes, alors même que
la plupart des autres pays européens enregistrent un recul des statistiques
dans ce domaine. C'est pourquoi vous avez fait de la sécurité routière l'une de
vos priorités, comme l'indique l'évolution des dotations budgétaires depuis
1997.
Toutefois, le budget de la sécurité routière souffre toujours de graves
dysfonctionnements dans l'utilisation de ses crédits, puisque certains d'entre
eux ne sont pas totalement consommés. Il en est ainsi des crédits alloués au
délégué interministériel à la sécurité routière, des dotations consacrées aux
actions d'incitation et des crédits de paiement des chapitres de dépenses en
capital. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des explications sur
ces points ?
Par ailleurs, pouvez-vous également nous donner des précisions sur les moyens
en personnels et en crédits de fonctionnement des services de la sécurité
routière ? Cela permettrait au Parlement de retracer concrètement l'effort de
la nation dans ce domaine.
En outre, n'y a-t-il pas urgence à mettre en place une politique d'évaluation
de la sécurité routière, une sorte d'audit exhaustif de celle-ci ? Ne
faudrait-il pas également mener une large réflexion visant à une meilleure
organisation au sein du ministère de l'équipement, des transports et du
logement, mais également sur le plan interministériel ?
Enfin, nos mauvais résultats en matière de sécurité routière s'expliquent par
la structure du réseau routier français. En effet, la proportion d'accidents
mortels est bien plus importante, d'après les statistiques, sur le réseau
routier secondaire que sur le réseau principal, surtout autoroutier. L'Etat ne
peut-il envisager de lancer un vrai programme de rénovation de la voirie
routière, en relation avec les collectivités locales ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien nous donner sur ces divers
points, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, à l'instar de M. Miquel, rapporteur spécial, vous vous inquiétez de
la consommation des crédits de la sécurité routière. Le taux moyen d'exécution
s'élevait, à la fin de l'exercice 1999, à 73 %. La priorité donnée aux
opérations menées localement avec les collectivités territoriales et les
associations explique parfois la longueur de certaines procédures. Une action
systématique a été entreprise pour réduire ces délais.
Par ailleurs, les comités interministériels de sécurité routière déterminent
les grandes orientations de la politique menée dans ce domaine. Il s'en est
tenu trois depuis novembre 1997, alors qu'aucun n'avait été organisé,
permettez-moi de le rappeler au passage, entre 1994 et 1997. Le dernier de ces
comités s'est réuni le 25 octobre 2000. Il a conforté les grandes orientations
qui ont permis une baisse du nombre de décès sur la route en 1999 et en
2000.
Je reste prudent, car ce résultat demeure fragile, mais on peut penser que
plusieurs centaines de vies, environ sept cents peut-être, auront été épargnées
cette année du fait d'un engagement et d'une mobilisation générale qui ont
concerné tant l'Etat que les collectivités locales, les élus et les
associations. Ce n'est pas rien, vous en conviendrez !
En outre, la décision a été prise cette année de créer un conseil national de
la sécurité routière, qui disposera de la marge d'indépendance nécessaire pour
accomplir ses missions, parmi lesquelles figurent la réalisation d'un audit,
pour reprendre l'expression que vous avez employée, monsieur le sénateur, et la
formulation de propositions au Gouvernement.
Un jaune budgétaire permettra par ailleurs de répertorier l'ensemble des
actions des différents ministères sur ce point. En effet, quand le ministère de
l'intérieur et le ministère de la défense renforcent les effectifs qu'ils
consacrent à la surveillance du trafic routier, cet effort ne figure pas dans
mon budget, mais il concerne bien la sécurité routière.
S'agissant de l'amélioration de la formation routière, nous avons décidé la
création d'une attestation de première éducation à la route. A ce propos, nous
travaillons en liaison étroite avec le ministre de l'éducation nationale, M.
Jack Lang, car une volonté commune nous anime de faire évoluer les
comportements dès l'école maternelle et primaire. Toujours dans le domaine de
la sécurité routière, deux cent trente postes d'inspecteur du permis de
conduire seront créés en trois ans, dont soixante dix-sept le seront dès
l'année prochaine.
S'ajoute à ces mesures un renforcement des contrôles et des sanctions, avec
notamment le pouvoir de rétention du permis de conduire accordé aux forces de
l'ordre en cas d'excès de vitesse de plus de quarante kilomètres à l'heure.
En ce qui concerne enfin les infrastructures, les rapporteurs ont insisté très
justement tout à l'heure sur leur amélioration, ainsi que celle des véhicules.
Nous avons ainsi engagé, au titre du présent contrat de plan, un programme de
traitement des obstacles latéraux pour un montant de 400 millions de francs,
150 millions de francs étant alloués à la suppression des glissières présentant
un danger pour les motards, lesquelles ont provoqué, l'an dernier, soixante et
onze décès. J'évoquerai brièvement, en outre, mon engagement en faveur du
limiteur de vitesse modulable par le conducteur.
En conclusion, je souligne que nous avons la volonté de faire partager cet
effort en faveur de la sécurité routière par nos voisins européens.
M. André Maman.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre, qui prouvent que mes
questions étaient importantes et méritaient d'être posées, bien que MM. les
rapporteurs les aient largement évoquées.
Cela étant, monsieur le ministre, ne serait-il pas possible de centraliser
tous les renseignements que vous nous avez donnés ? En effet, lors de nos
discussions sur ce thème, on nous objecte régulièrement que tel ou tel aspect
relève d'un autre ministère que le vôtre, de sorte que l'on ne parvient pas à
acquérir une vue d'ensemble des problèmes. Le regroupement des informations me
paraît donc capital.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je vous adresserai prochainement un document regroupant l'ensemble de
ces renseignements, y compris ceux qui émanent d'autres ministères.
M. André Maman.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Puech, au nom du groupe des Républicains et
Indépendants.
M. Jean Puech.
Monsieur le ministre, parmi les grands projets autoroutiers en cours de
réalisation figure l'autoroute A 75 reliant Clermont-Ferrand à Béziers par le
Massif central.
La création de cette infrastructure a été décidée en 1987, et les
gouvernements qui se sont succédé jusqu'à votre prise de fonctions ont tenu
leurs engagements. Cette décision fut confirmée en juillet 1996, à l'issue du
choix de la construction d'un viaduc à haubans enjambant le Tarn et conçu par
l'architecte Norman Foster. Cet ouvrage, long de deux kilomètres et demi,
comporte notamment deux piles de plus de 300 mètres de hauteur et devrait,
selon le ministère de l'équipement, des transports et du logement, être livré
en 2001.
Imaginez ces piles, plus hautes que la tour Eiffel, avec une autoroute passant
à leur sommet !
Le 20 mai 1998, un an après votre arrivée au Gouvernement, vous décidez de
mettre en concession la réalisation du viaduc. Je vous cite : « Avec cette
décision, la totalité de l'itinéraire pourra être mise en service en 2003. Une
enquête d'utilité publique sera ouverte avant la fin de l'été 1998.
Conformément aux dispositions européennes, un appel d'offres aux niveaux
communautaire et national sera lancé dans les prochaines semaines afin de
pouvoir désigner le futur concessionnaire. Cette procédure se réalisera en
parallèle et n'introduira donc pas de délais supplémentaires. « Le décret
modificatif de la déclaration d'utilité publique et la désignation du
concessionnaire pourront être concomitants. »
La déclaration d'utilité publique a été prise depuis déjà plus d'un an et nous
attendons toujours la désignation du concessionnaire !
Vous avez ajouté que vous aviez pris cette décision parce que vous ne
disposiez pas des crédits nécessaires.
Concernant les crédits, lorsque vous avez rendu visite à votre ami politique,
le maire de Tarbes, vous aviez déclaré dans le journal
La Nouvelle
République
que la liaison Tarbes-Lourdes serait une route à deux fois deux
voies, gratuite plutôt que concédée, non seulement parce que c'était la
solution la moins chère mais aussi parce qu'elle permettait de mieux irriguer
le tissu local.
Quelques semaines plus tard, vous vous êtes rendu dans le département des
Landes et vous avez décidé et annoncé que l'ex-RN 10, passée au réseau
autoroutier déjà concédé, se voyait retirer la concession pour en faire une
voie rapide sans péage, financée par l'Etat.
Le coût de ces deux opérations est au moins égal, voire supérieur à celui de
la réalisation du viaduc.
Aujourd'hui, l'affaire est réglée, la réalisation du viaduc sera concédée.
Depuis que vous avez pris ce dossier en mains, nous avons enregistré toute une
série de fausses informations. Cela prêterait à sourire si elles ne venaient
d'un représentant du Gouvernement et si elles n'avaient pas les incidences
économiques que l'on peut aujourd'hui mieux mesurer. A chaque grande migration,
départ ou retour, Millau devient la capitale des bouchons, triste réputation
pour un département qui commençait à réussir son ouverture.
Face à cette situation, je vous demande depuis plusieurs mois, par questions
écrites, auxquelles vous ne daignez pas répondre, de nous donner le calendrier
qui reste à courir concernant l'examen par la commission consultative des
offres des trois groupements d'entreprises qui viennent de remettre leurs
propositions, la prise de décision du ministre, la mise au point des documents
de concession, la consultation et l'avis du Conseil d'Etat, l'étude d'exécution
de l'ouvrage, le démarrage des travaux et, enfin, la durée de ceux-ci.
Je souhaite connaître les informations que vous pouvez nous livrer concernant
les tarifs de péage proposés par le cahier des charges de la concession et
savoir si ce dernier laisse la possibilité aux candidats à la concession de
faire une offre de projet touristique pour laquelle celui-ci serait maître
d'ouvrage et gestionnaire de l'équipement.
Je souhaite également connaître les mesures que vous comptez prendre pour ne
pas isoler la région de Millau du flux migratoire, en l'évitant comme le
préconise l'initéraire conseillé par Bison futé mais, au contraire, pour
rechercher un tracé empruntant les routes départementales puisqu'il ne reste
plus qu'elles en dehors de l'autoroute permettant de passer à proximité de la
ville de Millau.
A mon humble avis, il apparaît qu'aujourd'hui la date d'ouverture probable du
viaduc de Millau, annoncée en 2001, puis en 2003, sera difficilement respectée.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de m'indiquer les mesures que
vous comptez prendre pour assurer, dans des conditions de sécurité optimale, la
traversée de Millau par les véhicules légers et les poids lourds.
En 2002, l'autoroute arrivera au Nord à Saint-Germain, et au Sud, à La
Cavalerie sur les bords des falaises. Je vous laisse imaginer le spectacle à
Millau !
Par ailleurs, aujourd'hui, les candidats à la concession sont connus.
Pouvez-vous nous dire quelle est la durée des travaux qu'ils prévoient et s'ils
sollicitent une subvention d'équilibre de l'Etat ? Si tel était le cas, en
effet, tout porterait à croire que l'Etat dans cette affaire ferait une fausse
économie.
Voilà beaucoup de questions, mais autour d'un seul sujet. Tout cela, monsieur
le ministre, nécessite un dialogue ouvert, un partenariat, et c'est cette
démarche à laquelle nous vous invitons. Je vous ai envoyé des questions
écrites, des lettres, nous souhaitons travailler ensemble parce que vous ne
pouvez pas ignorer les collectivités locales.
J'en profite pour remercier la commission des finances et son président
d'avoir proposé cette procédure. Je la trouve intéressante ; elle le sera
encore plus si les réponses de M. le ministre à mes questions sont positives
pour le département que je représente.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je précise d'abord que je n'ignore pas les collectivités
territoriales.
A l'Assemblée nationale, comme au Sénat, lors des questions d'actualité, les
députés ou les sénateurs de l'opposition précisent de plus en plus souvent
qu'ils s'expriment au nom de tous les groupes de l'opposition. Pour votre part,
vous ne pourriez le faire sur ce sujet tant ma décision prise au nom du
Gouvernement s'agissant de la réalisation du viaduc de Millau est soutenuede
toutes parts.
Tout à l'heure, je parlais de ténacité à propos de M. Bernard ; vous, vous
faites preuve non pas de ténacité mais d'entêtement. Je vous répète que si je
n'avais pas pris cette décision-là, comme aucun financement, aucun moyen n'a
été prévu, le viaduc de Millau n'aurait pu être réalisé. J'ai voulu faire
avancer les choses. Toutes les conditions posées seront respectées. Ainsi, les
habitants de Millau, eux, ne paieront pas quand ils emprunteront le viaduc pour
rejoindre au nord ou au sud l'autoroute !
Vous faites des comparaisons en évoquant la route de Tarbes à Lourdes.
Pourquoi cette solution a-t-elle été retenue ?
Nous avons comparé le coût de la mise à deux fois deux voies de la nationale à
celui de la construction d'une autoroute concédée, et nous nous sommes aperçus
qu'il fallait plus de subventions publiques pour réaliser l'autoroute mise en
concession que pour mettre à deux fois deux voies la route nationale. C'est
tout simplement de la bonne gestion de l'argent public.
D'abord, permettez-moi de vous dire que je reçois 20 000 courriers d'élus ou
questions écrites parlementaires par an je réponds et je répondrai au vôtre.
S'agissant de la RN 10, vous avez fait le tour de France de mes propos. Or,
aujourd'hui, la presse fait état de mes réponses aux questions que vous posez.
J'espère que vous les avez lues, tout au moins celles qui concernent votre
région !
Je pense que c'est peut-être à cause d'un certain entêtement, qui a conduit à
refuser pendant très longtemps la mise en concession du viaduc, que des retards
ont été pris dans la réalisation de ce programme.
Le recours à la procédure de l'adossement est maintenant clairement et
légalement exclu.
Le 20 mai 1998, le Gouvernement a décidé la mise en concession du viaduc de
Millau, avec un tarif de péage qui pourrait avoisiner 40 francs, et le
lancement de la nouvelle procédure d'enquête publique qui s'avérait nécessaire.
La mise en concession du viaduc de Millau a été déclarée d'utilité publique, le
23 novembre 1999. La procédure de désignation du concessionnaire a été
immédiatement lancée, en décembre 1999.
Le 24 janvier 2000, date limite de remise des offres, quatre groupements se
sont déclarés candidats. Ils ont été admis à présenter une offre en juin, après
une période d'analyse indispensable. La date limite de remise des offres a été
fixée au 22 novembre 2000 et trois candidats ont remis une offre : le
groupement Société du viaduc de Millau, la société EIFFAGE, le groupement des
entreprises Générale routière et Ferrovial Agroman. L'analyse des offres a
immédiatement débuté et l'audition des candidats se déroulera au cours de
l'hiver 2000-2001.
Au vu du rapport de la commission d'analyses des offres, je retiendrai le
concessionnaire à la fin du mois de février 2001. J'ai donné publiquement ces
informations mais je reconnais ne vous les avoir jamais communiquées dans cet
hémicycle puisque vous ne m'avez jamais posé la question ici.
Le décret d'approbation du contrat de concession sera soumis au Conseil d'Etat
au début de l'été 2001, après mise au point, et les études d'exécution seront
immédiatement engagées.
Je suis conscient que le fait de respecter les textes en vigueur pour assurer
aux Aveyronnais et à l'ensemble du pays la mise en service rapide, avec
l'objectif que je maintiens de fin 2003, d'une infrastructure indispensable, et
de les tenir régulièrement informés est tout à fait nécessaire, mais je m'y
tiendrai, au bénéfice de ce fantastique projet, qui illustre d'ailleurs le
changement de millénaire.
Vous avez soulevé le problème plus général du développement touristique et de
l'aménagement local de cette région. Je suis favorable à la constitution d'un
groupe de travail animé par Mme le préfet. Mon objectif est que Millau et sa
région profitent au maximum du chantier, dans un premier temps, et du viaduc,
dansun second temps.
Soyez assuré de la détermination du Gouvernement pour faire en sorte que ce
projet soit réalisé dans les délais et qu'il soit un plus pour l'axe tout
entier. Il faut procéder au raccordement jusqu'à l'autoroute A 9 et il faut
construire ce viaduc de Millau.
Je sais de quoi je parle car je passe souvent à Millau et connais bien les
trente kilomètres de bouchon qui se forment l'été. L'autoroute qui est coupée
l'aurait été encore pendant sept ans ou huit ans si l'on s'en était tenu à
votre position initiale, à savoir le refus de la mise en concession de ce
projet.
M. Jean Puech.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech.
Monsieur le ministre, le sujet est trop important pour ouvrir une polémique,
et je ne reviendrai donc pas sur l'entêtement que vous me prêtez. Je représente
les Aveyronnais dans cet hémicycle et je tiens à m'exprimer en leur nom.
Ce que vous ne savez peut-être pas, même si vous lisez les revues de presse,
c'est qu'aujourd'hui la presse locale titre, et ce sont les élus de Millau qui
s'expriment : « Grand pont autoroutier : nous allons être les cocus du péage. »
Ce n'est pas moi qui le dis ; je n'ai d'ailleurs pas assisté à cette réunion.
Ne laissez donc pas entendre que, dans l'Aveyron, il y aurait un entêté qui
refuserait vos propositions !
Je souhaite que nous tenions une réunion de travail. Vous avez proposé des
dates, vous les affirmez, vous les confirmez. Le décret sera publié au cours du
second semestre de 2001, si j'ai bien compris, et vous dites qu'on pourra
rouler sur le viaduc le plus haut du monde en 2003, qu'il va être construit sur
deux kilomètres et demi avec des dizaines de piles dont deux supérieures à 300
mètres de haut. Les élus aveyronnais ont besoin d'informations pour gérer cette
période-là. Mais tout le monde sait très bien que ce ne sera pas possible. Vous
avez prévu vous-même, dans le cahier des charges que vous avez transmis aux
groupements soumissionnaires, dont nous n'avons pas pu avoir communication,nous
élus,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On n'a pas le
droit !
M. Jean Puech.
... quatre ans pour la réalisation de l'ouvrage. Cela signifie que le viaduc
sera achevé en 2005-2006 seulement ; c'est un problème d'une autre
dimension.
Monsieur le ministre, je vous le répète sans entêtement, je souhaite qu'ait
lieu une réunion de travail, que vous nous receviez, que vous répondiez aux
questions écrites, qui paraissent au
Journal officiel !
Quel dédain pour
la représentation nationale ! J'ai réitéré mes questions, sans obtenir de
réponse. J'ai écris au Premier ministre, sans obtenir non plus de réponse. On
n'a jamais vu cela !
Monsieur le ministre, je suis ouvert à la discussion avec un représentant du
Gouvernement sur ce sujet, essentiel pour le département que je représente.
M. le président.
La parole est à M. Collin, au nom du groupe du Rassemblement démocratique et
social européen.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
m'associe, bien entendu, à l'hommage qui a été rendu à M. Lambert, président de
la commission des finances, d'avoir proposé ce débat interactif, sans doute
plus vif, plus intéressant que le débat traditionnel.
Monsieur le ministre, parmi les fascicules budgétaires que nous examinons
aujourd'hui, je souhaiterais concentrer mon propos sur le problème de la
sécurité routière, car c'est un sujet qui préoccupe les pouvoirs publics et
l'ensemble de nos concitoyens en raison, bien sûr, des drames, hélas ! de la
circulation.
En effet, tout le monde connaît ce chiffre terrible de 8 000 morts par an sur
les routes françaises, dont un quart sont âgées de dix-huit à vingt-quatre ans.
Ce bilan très lourd est difficile à supporter et nous sommes tous conscients
qu'il ne s'agit pas là d'une fatalité.
Dans les années soixante-dix, il faut le rappeler, car on l'a un peu oublié,
la route tuait près de 14 000 personnes. Aujourd'hui, alors que le parc
automobile et la circulation se sont considérablement accrus, le nombre
d'accidents a diminué. Les politiques publiques en la matière ne sont donc pas
vaines. On peut s'en réjouir, mais il faut aller plus loin.
L'idéal du zéro victime est malheureusement inconcevable. Mais le Gouvernement
doit inlassablement chercher à atteindre l'objectif fixé en 1997 et qui
consiste à réduire le nombre de victimes par deux. C'est pourquoi la politique
de sécurité routière mérite un effort budgétaire important.
En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2001, on peut se réjouir
de l'augmentation des crédits qui y sont consacrés, puisque, par rapport à
l'année 2000, ils progressent de 12,4 % en crédits de paiement et de 11,55 % en
autorisations de programme. Depuis quatre ans, le sécurité routière est
redevenue une priorité nationale, on peut s'en féliciter.
On peut également se féliciter des moyens croissants accordés à l'entretien
des routes et à l'amélioration des conditions de sécurité des tunnels alpins.
Si la sécurité routière est une affaire de comportement, la qualité des
infrastructures est tout aussi essentielle.
S'agissant du volet répressif, bien qu'il ne concerne pas directement le
budget des transports, mais plutôt les budgets des ministères de l'intérieur et
de la défense, je signale que l'augmentation des unités de gendarmerie
affectées à la sécurité routière s'inscrit dans la ligne d'une détermination
forte en faveur de la lutte contre les accidents de la route.
Les moyens affectés à la communication et à la formation doivent eux aussi
continuer à jouer leur rôle en faveur de la présention et de l'infléchissement
des comportements. Les accidents relèvent essentiellement de la responsabilité
individuelle ; la pédagogie est, par conséquent, un outil important de la
sécurité routière.
En tant qu'élu local, je me réjouis également des crédits accordés aux
collectivités territoriales. Les accidents de la route représentent, en effet,
pour les maires de petites communes, des drames de proximité auxquels ils
doivent faire face ; ils doivent surtout anticiper, avec des moyens adaptés aux
problématiques locales.
Conformément à la nouvelle procédure budgétaire, je souhaiterais connaître
votre avis, monsieur le ministre, sur deux axes, dont l'un est envisagé dans le
cadre de la grande cause nationale que je viens d'évoquer, l'autre est déjà
engagé au niveau européen.
Le premier risque de susciter des grincements de dents bien qu'il s'agisse
d'une pratique qui a cours chez certains de nos voisins européens et qu'il soit
donc normal d'en parler. Au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Italie
et aux Pays-Bas, la durée du permis de conduite est limitée et, selon
différents dispositifs, le renouvellement est soumis à un contrôle de
l'aptitude physique et intellectuelle des conducteurs.
Dans notre pays, ce procédé peut sembler attentatoire aux libertés : le permis
est devenu un droit banal, puisque 77 % de la population en âge de conduire l'a
obtenu.
Toutefois, parce que ce permis implique des obligations aussi fondamentales
que le respect de la sécurité d'autrui, il est opportun d'imaginer, dans le
prolongement du permis à point, un système prévoyant des contrôles tout au long
de la vie.
Le second axe, vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, à l'occasion de la
présentation des priorités de la présidence française de l'Union européenne
dans le domaine des transports : il s'agit de la prévention des accidents de la
route.
En Europe, les accidents de la route, c'est 100 000 morts par an. Le sujet est
donc également crucial pour l'ensemble de la Communauté européenne.
Vous avez à ce titre parlé d'un texte législatif pour adapter des limiteurs de
vitesse pour les véhicules de 3,5 tonnes et d'études préalables pour
l'installation prochaine de limiteurs-avertisseurs de vitesse sur lesvéhicules
légers.
Nous avons adopté, l'année dernière, une loi sur la sécurité routière. L'une
de ses principales mesures a consisté à créer un délit en cas de récidive de
dépassement de grande vitesse. Et lorsque l'on sait que la vitesse est en cause
dans 48 % des accidents mortels, il est naturel de songer à une solution
technique dans le cadre d'une politique de sécurité routière.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je partage tout à fait votre analyse quant à la nécessité de
poursuivre la lutte contre l'insécurité routière.
S'agissant de votre première suggestion, j'attire votre attention sur
l'expérience personnelle de chacun d'entre nous : si des altérations physiques
peuvent parfois intervenir avec l'âge - la baisse de la vue, par exemple -
elles sont souvent compensées par l'adaptation des comportements des
conducteurs.
Je relève d'ailleurs que les assureurs appliquent les surprimes en fonction du
nombre d'accidents et de l'inexpérience des conducteurs novices, et non de
l'âge. Il faut bien étudier les faits. Ce sont le plus souvent les jeunes qui
sont impliqués dans les accidents de la circulation.
Sachez cependant que je ne nie pas le problème que vous avez évoqué.
Dans plusieurs pays de l'Union européenne, la réglementation des permis de
conduire de la catégorie B prévoit un contrôle médical pouvant déboucher sur
des restrictions sur les trajets autorisés ou la conduite de nuit.
En France, lorsque le préfet a connaissance d'une incompatibilité possible
entre l'état physique d'un conducteur et le maintien du permis de conduire, il
peut prescrire un examen médical dont il tirera les conséquences.
La France participe d'ailleurs aux réflexions communautaires sur ce sujet, qui
doivent s'appuyer, vous en conviendrez, sur des études approfondies.
Je confirme que la France a obtenu, lors du Conseil des ministres des
transports de l'Union européenne le 26 juin 2000, que sa demande relative aux
limiteurs de vitesse modulables par le conducteur soit prise en compte. Une
étude sera réalisée sur les effets et les moyens de rendre obligatoire
l'installation de ces limiteurs de vitesse sur tous les véhicules, en plus de
l'obligation d'un limiteur de vitesse pour tous les véhicules de plus de 3,5
tonnes. Je souhaite que le Parlement européen, qui se prononcera prochainement,
retienneces deux mesures.
Le comité interministériel du 25 octobre dernier a par ailleurs décidé qu'à
partir de 2002 l'administration achètera des véhicules équipés de ce
dispositif. Il sera procédé à une évaluation de l'usage qu'en font les
conducteurs et des répercussions sur leur comportement.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, au nom du groupe communiste républicain et
citoyen.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le ministre, intermodalité, développement durable du territoire,
paquet ferroviaire européen, extension des garanties sociales des travailleurs
des transports, engagements de l'Etat font partie des questions que l'on peut
naturellement poser à l'occasion de ce débat budgétaire.
Par ailleurs, l'année 2000 est marquée par les conflits des transporteurs
routiers dénonçant leurs conditions de travail et l'action des cheminots, qui
manifestent leur inquiétude face à la négociation européenne.
Monsieur le ministre, je vous sais attentif aux craintes en même temps qu'aux
aspirations portées par ces mouvements, qui expriment, à n'en pas douter, un
certain malaise et mettent en évidence les énormes besoins sociaux de ce
secteur.
Pour cette raison, on ne peut que regretter que le Gouvernement ait programmé
une réduction du budget des transports terrestres de 1,4 %, même si ce budget
demeure important avec 48,4 milliards de francs.
A contrario
, on ne peut que se féliciter de l'ordre des priorités :
développement des transports collectifs, ferroviaires et urbains.
L'augmentation non négligeable des autorisations de programme, qui atteignent
4,4 milliards de francs, rend compte de cette préoccupation. Cela favorisera la
décongestion des villes et de certains axes routiers aujourd'hui saturés.
Ainsi, en Ile-de-France, le trafic de la SNCF et de la RATP, avec la démarche
qualité et le tramway, est en nette progression.
En province, l'effort en matière de nouvelles infrastructures n'est pas
négligeable. Les nouvelles autorisations de programme confirment la poursuite
du plan de modernisation des équipements et de développement de
l'intermodalité, par l'extension heureuse du versement transport.
A fortiori,
comment ne pas se féliciter du développement du fret
ferroviaire ? On ne peut que souhaiter qu'il se développe encore davantage, car
chacun est conscient qu'il contribue à la protection de l'environnement et au
renforcement de la sécurité routière, en particulier lorsqu'il s'appuie sur
l'intermodalité.
Sans nier l'importance du transport routier pour le développement économique,
le transport ferroviaire de marchandises constitue une solution pour réduire la
pollution atmosphérique et le bruit et économiser sur le coût des
infrastructures et de l'énergie.
Au-delà de la qualité de nos réseaux autoroutiers, il devenait urgent de
redoubler d'effort en matière de fret ferroviaire.
C'est la tâche que vous vous êtes assignée, monsieur le ministre. Nous vous
soutenons pleinement.
Le rail a regagné des parts de marché par rapport à la route : le trafic
ferroviaire a augmenté de 9 % en un an.
Cette amélioration n'en demeure pas moins fragile, car l'avantage
concurrentiel du transport routier réside dans la faiblesse des coûts supportée
en dernière instance par la collectivité quant à la pollution, aux
infrastructrures et à l'insécurité routière.
Elle s'explique aussi par l'accroissement de l'intensité du travail, par des
salaires trop bas, autrement dit par une détérioration des conditions de
travail dans le transport routier que des conflits répétés mettent en
évidence.
La négociation européenne menée ces derniers temps sous la présidence
française du Conseil des ministres et l'adoption ces jours derniers d'un très
important « paquet » social suffiront-elles à modifier les mauvaises habitudes
prises dans ce secteur, qui sont dans le droit-fil des directives européennes
et de la déréglementation ?
Ces questions essentielles appellent débat et réponse de votre part, monsieur
le ministre.
J'ajoute que, selon nous, la programmation d'investissements lourds pour
développer les infrastructures trans-européennes et l'intermodalité s'impose.
Dans un contexte d'orthodoxie budgétaire où l'essentiel de l'accroissement des
recettes est consacré à la réduction du déficit budgétaire et à la baisse des
impôts, le financement de tels travaux relève de la quadrature du cercle.
Devons-nous y consacrer une part des excédents du budget de l'Union européenne
?
Pour en revenir à la France, alors que, pendant vingt ans, 1 000 milliards de
francs ont été investis dans le développement des infrastructures routières, ce
ne sont que 300 milliards de francs qui ont été consacrés aux infrastructures
ferroviaires. Autant dire que le retard accumulé est énorme, le vieillissement
du parc des locomotives en témoigne.
Nous approuvons le plan de modernisation du matériel de la SNCF, qui va se
traduire par la commande de 300 nouvelles locomotives électriques et de 120
locomotives Diesel.
Nous pensons qu'il faut aussi, parallèlement, investir dans les hommes et dans
leur formation.
Ce plan de modernisation est la condition
sine qua non
du maintien des
parts de marché au niveau actuel pour le fret ferroviaire. Il est aussi porteur
de développement et d'emplois pour toute la filière, ce qui ne peut que
consolider et conforter la croissance.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger également sur les
conditions de financement de ce plan, qui, à la lecture du projet de budget,
n'apparaissent pas clairement.
Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les moyens financiers prévus
à cet effet pour cette année et tracer quelques perspectives pour les années
qui viennent ?
Ajoutons encore que, pour indispensables qu'elles soient, ces ambitions ne
suffiront pas à elles seules à assurer le rétablissement d'un équilibre entre
le fer et la route, s'il n'est pas relayé par un plan d'envergure à l'échelon
européen.
La France a fait preuve de nombreuses et originales initiatives dans ce
domaine.
Des accords de coopération entre plusieurs compagnies européennes de chemins
de fer ont pu être conclus.
La mise en place des « corridors de fret européen » comme le corridor
BELIFRET, résultat d'un premier accord, en novembre 1997, entre les chemins de
fer belges, luxembourgeois et italiens, a été étendu en vertu d'un second
accord, en février 1998, concernant, au sud-ouest, l'axe Marseille, Barcelone
et Valence, et, au sud-est, Milan.
Au vu du développement du trafic, qui est estimé à plus de un million de
tonnes en 2000, soit plus de 40 % en un an, les accords de coopération de ce
type méritent d'être développés.
On ne peut que se féliciter de ces initiatives françaises, qui préservent et
dynamisent les chemins de fer français. D'autres projets sont-ils à l'ordre du
jour, monsieur le ministre ?
Je ne saurais finir mon intervention sans parler des transports fluviaux.
De par leurs coûts, les transports fluviaux participent à la régulation
intermodale des réseaux de communication. Des efforts importants méritent d'y
être consacrés.
Quelles sont les perspectives de développement de ce mode de transport ? Où en
est-on, par exemple, en ce qui concerne le tracé et la réalisation de la
liaison Seine-Nord, à laquelle les responsables de la région Nord -
Pas-de-Calais sont tellement attachés ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir répondre aux
interrogations dont je viens de vous faire part.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicains et
citoyen.)
M. le président.
Mon cher collègue, il y avait beaucoup de questions dans votre intervention !
(Sourires.)
J'ai cru entendre tout à l'heure qu'il fallait laisser au ministre le plus de
temps possible pour répondre.
(Nouveaux sourires.)
M. Pierre Lefebvre.
C'est peut-être le système qui n'est pas bon !
M. le président.
Je ne le crois pas !
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, il faut reconnaître que vous avez à la fois posé de nombreuses
questions sur le budget des transports terrestres et exprimé votre sentiment
sur les perspectives.
Je comprends d'autant mieux votre démarche que la politique du Gouvernement en
faveur des transports terrestres s'inscrit non seulement dans le présent, mais
aussi dans le court, le moyen et le long terme.
Il faut changer la donne en ce qui concerne les différents modes de
transports, sinon nous allons à l'asphyxie. C'est pourquoi le développement du
réseau et du trafic ferroviaires est une nécessité.
Lorsque j'ai proposé de doubler le trafic ferroviaire en dix ans, cela en a
fait sourire quelques-uns. Pourtant, depuis le début de l'année, le trafic a
augmenté de 8 % dans notre pays.
On voit bien que le besoin est en train de croître ; il faut maintenant que
les conditions matérielles et personnelles correspondent, et que les
investissements nécessaires soient réalisés pour supprimer les goulets
d'étranglement. S'agissant de la création d'un réseau ferré de fret européen,
la décision, qui est maintenant pratiquement actée, notamment grâce à des
financements européens, permettra de réduire les goulets d'étrangement. On sait
qu'il y en a plusieurs. Je pourrais vous parler de Lyon, de Nîmes, de
Montpellier, de Bordeaux, etc. On trouve des exemples dans chaque région !
Telle est notre démarche. Il nous faut maintenant améliorer la qualité du
service, notamment pour le transport de marchandises.
L'achat de 420 locomotives est en deçà de l'objectif visé de 600, et je
rappelle qu'il s'agit de locomotives pour le transport de marchandises.
Aujourd'hui, on ne les a pas. Il faut donc en commander tout de suite 120 pour
aller vers cet objectif de 420 locomotives.
Vous avez évidemment repris les propos de MM. les rapporteurs en ce qui
concerne le budget. Je vous répète, monsieur le sénateur, que le budget des
transports terrestres s'élèvera à 51,9 milliards de francs au lieu de 50,7
milliards de francs en 2000.
En ce qui concerne les crédits consacrés au fluvial, que vous avez évoqués -
je crois aussi au fluvial - ils auront augmenté depuis 1997 de près de 60 %.
J'ai répondu tout à l'heure sur la nécessité de réaliser cette liaison
Seine-Nord, qui va de Dunkerque-Escaut à Paris en passant par l'Oise-aval,
Rouen et Le Havre. Il faut que tout le territoire profite des crédits. Des
investissements sont déjà prévus et même engagés dans le cadre des contrats de
plan pour l'Oise-aval et pour Dunkerque-Escaut. Dans les prochains mois, à
l'occasion des discussions relatives aux schémas de services collectifs - les
préfets, qui organisent la concertation, donneront leur avis d'ici au mois
d'avril 2001 - la question du tracé sera bien entendu évoquée pour la partie
centrale.
Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions, mais voilà l'état
d'esprit dans lequel nous travaillons.
Alors que j'étais député depuis déjà une quinzaine d'années, j'ai assisté
comme vous au déclin du service ferroviaire, qu'il s'agisse du transport
marchandises ou du transport voyageurs hors TGV - car le TGV se développait et
c'était une bonne chose - au profit de la route ! Si le développement du trafic
routier continuait au même rythme qu'alors, ce serait aujourd'hui l'asphyxie
!
Vous avez dit qu'il existait des projets importants prouvant qu'il était
possible de trouver des solutions, et vous avez cité des exemples. Il y a bien
sûr l'Eurostar, le Thalys, mais il y en aura d'autres. Sur toute la côte
méditerranéenne, par exemple, nous allons faire en sorte que l'écartement des
voies soit le même, que ce soit en Italie, en France, en Espagne, ce qui sera
très intéressant tant pour les déplacements des voyageurs que pour
l'acheminement des marchandises.
Il faut également absolument faire le Lyon-Turin. Tout cela représente des
investissements considérables, mais il faut les réaliser car, comme je l'ai dit
tout à l'heure, chaque fois que ce sera possible, mieux vaut mettre les camions
sur des trains que les laisser circuler sur la route, surtout quand cette
dernière est déjà trop engorgée !
M. le président.
La parole est à M. Bellanger, au nom du groupe socialiste.
M. Jacques Bellanger.
Nous nous félicitons de la volonté du Gouvernement de promouvoir le service du
transport ferré de marchandises. Monsieur le ministre, vous venez encore de le
réaffirmer.
La création de corridors européens devra s'inscrire dans cette perspective.
Les principaux flux d'échanges s'organisent aujourd'hui bien au-delà des
différents territoires nationaux. A des trafics nouveaux dans une économie
moderne doivent correspondre des normes nouvelles communes à toute l'Europe,
dans le domaine tant du matériel que de la sécurité, ainsi que de nouvelles
infrastructures adaptées à ces règles, à ces nouveaux corridors, à ces besoins
nouveaux de tous ordres : flux tendus, ferroutage, et j'en oublie. L'Europe, la
France notamment, ont, de surcroît, choisi le développement durable, impliquant
des contraintes supplémentaires. Ces nouvelles obligations, ces nouveaux choix,
monsieur le ministre, nous imposeront des investissements lourds, rapides et
importants. Vous venez de le rappeler, ilsseront considérables.
L'histoire des chemins de fer nous démontre déjà que les amortissements de ces
investissements sont à très longs termes et aléatoires pour des capitaux
purement privés. En ce domaine, le libéralisme est donc une voiesans issue.
Le développement durable accentue cette caractéristique. L'expérience récente
du tunnel sous la Manche est un exemple concret de cette réalité. Dans ces
conditions, il nous faut trouver un compromis entre l'investissement privé,
l'investissement public à très long terme, les subventions d'Etat et/ou
européennes et les interventions économiques des collectivités locales, parmi
lesquelles seules, sans doute, les régions auront la taille suffisante.
Quels sont, monsieur le ministre, les outils appropriés dont dispose le
Gouvernement ou qu'il envisage de créer pour ce type d'investissement, dont le
meilleur exemple me semble sans doute aujourd'hui la liaison Lyon-Turin et
quelles en sont les traductions budgétaires ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Votre question,
monsieur le sénateur, participe de l'idée qu'il faut changer la donne dans le
domaine des transports en général, des transports terrestre et ferroviaire en
particulier, ainsi que du transport combiné. Ce dernier ne recouvre pas
simplement les transports ferroviaire et routier. Il regroupe tous les
modes.
Ce problème du transport combiné est particulièrement important en termes de
compétitivité dans l'hinterland de nos ports. Certains d'entre vous le savent
très bien, le Gouvernement s'efforce de trouver un équilibre entre les
exigences économiques, sociales et environnementales.
S'agissant du transport de marchandises - j'en ai parlé longuement en
répondant tout à l'heure aux rapporteurs - nos concitoyens veulent une
répartition nouvelle en faveur de modes plus respectueux de l'environnement et
de la sécurité, y compris plus économes du point de vue de la consommation
d'énergie, car cette dimension doit également être prise en compte. C'est bien
dans cette direction que s'inscrit la politique que, depuis 1997, je m'efforce
de mener au sein du gouvernement de Lionel Jospin. Elle exige d'importants
efforts financiers non seulement pour le ferroviaire, mais aussi pour les voies
navigables, si l'on veut qu'elles soient compétitives par rapport au transport
routier.
Le transport combiné rail-route a connu des difficultés l'an dernier dues au
fait que nos voisins allemands avaient augmenté leurs tarifs. Or le transport
de marchandises est, par essence, si j'ose dire, international. Mais, depuis
les dix premiers mois de l'année, il a augmenté de 5 %. Ce sont 14 milliards de
tonnes par kilomètres qui ont été transportées, soit pratiquement le quart du
transport ferroviaire de fret, proportion qui est très importante..
Il faut l'accroître encore et améliorer la qualité des services offerts aux
chargeurs, je pense par exemple à la vitesse moyenne du transport de
marchandises.
Il est bien évident qu'il faut gagner du temps, en supprimant, j'en parlais,
les goulets d'étranglement et, surtout, en favorisant l'interopérabilité à
l'échelle européenne. Car vouloir faire un réseau européen, c'est bien, à
condition de ne pas avoir six courants électriques différents ou différents
écartements de rails !
On a réalisé un tunnel sous la Manche. Les camions, qui sont placés sur le
train avant l'entrée du tunnel, reprennent la route à sa sortie. Mais, beaucoup
d'entre eux allant au même endroit - je pense à la région parisienne - pourquoi
ne pas les laisser sur le train ? La réflexion que nous devons avoir sur la «
route roulante » est intelligente et particulièrement intéressante pour les
endroits sensibles. C'est évident pour les traversées pyrénéennes ou alpines,
mais ce système peut être développé sur d'autres. Certes, cela nécessite des
efforts.
Des engagements sont proposés pour le transport combiné rail-route : 620
millions de francs pour compenser le différentiel de coûts externes entre le
rail et la route et 120 millions de francs pour financer des
infrastructures.
Monsieur le sénateur, je crois comme vous qu'il faut trouver des moyens et
s'engager dans des projets si nous voulons éviter les difficultés que nous
connaissons aujourd'hui en matière de circulation. Le temps presse !
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, au nom du groupe du RPR.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, je veux vous poser trois questions.
La première concerne un problème qui a déjà été évoqué cet après-midi. Depuis
les conclusions que nous avons rendues sur le fret ferroviaire avec le
président François-Poncet voilà maintenant près de trois ans, où en sommes-nous
?
Pour 1999, le fret, quoi qu'on en dise ici, a continué à stagner à 134
millions de tonnes exactement. En nombre de tonne-kilomètre, nous avons
régressé. Alors que vous nous aviez annoncé un doublement en dix ans, voilà
déjà deux ans de perdu ! Vous nous annoncez maintenant un doublement en six
ans. Très concrètement, où en sommes-nous s'agissant des 620 locomotives ?
Quelles sont, pour le fret, les perspectives en tonnes pour 2001 et 2002 ? Nous
voulons le savoir pour que vos paroles ne s'envolent pas avant que vous
n'arriviez à Béziers !
Ma deuxième question porte sur les transports en Ile-de-France, où des
centaines de milliers de voyageurs galèrent au quotidien !
Hier soir, vous avez pu mesurer, en visitant la gare de la Bibliothèque
nationale de France avec M. Huchon, que la situation ne cesse de se dégrader
depuis deux mois. Je prendrai l'exemple des transports ferrés dans mon
département, les Yvelines.
Depuis la rentrée, la situation est la plus mauvaise connue depuis des années
: chute de caténaires, patinage de trains sur les feuilles, pannes de systèmes
de communication et de motrices, et je ne parle pas des rames sans chauffage,
des jours de grève, des drames personnels sur la voie et de l'insécurité !
La semaine passée - la SNCF vient d'ailleurs de présenter ses excuses - sur la
ligne Paris-Montparnasse - Rambouillet, 40 % des voyageurs ne savaient pas
quand ils partiraient ni quand ils arriveraient ! Une même journée, sur la même
ligne et pour trois trains, les voyageurs ont changé quatre fois de train pour
faire 51 kilomètres !
Alors le doute s'empare de tous. Les questions pleuvent sur la sécurité des
infrastructures et des matériels. Ce n'est plus supportable. La SNCF parle de «
transilien » mais elle met quatre mois pour faire réparer des trous et des
fissures dans le quai principal d'une gare comme la mienne, malgré deux rappels
!
Voilà des questions concrètes, monsieur le ministre !
Le milliard de francs supplémentaire annoncé pour les transports publics en
Ile-de-France, c'est en fait une dotation de l'Etat qui baisse de 3,7 %.
Comment, dans ces conditions, crédibiliser le plan de déplacement urbain si
cher à Mme Voynet et à vous-même, plan qui prévoit que 2 % des conducteurs
d'automobile abandonnent leur auto pour les transports collectifs ? C'est
pourtant bien l'objectif que vous vous êtes fixé.
On chuchote d'ailleurs de source interne à la SNCF qu'une partie des motrices
manquantes sont parties au fret.
A quand, concrètement, la solution pour lever les étranglements de Versailles
Chantiers-Viroflay entre Mantes-la-Jolie et Paris ?
A quand les investissements en matériel et la fameuse liaison d'information
train-bus qui n'en est qu'au stade expérimental à Saint-Quentin-en-Yvelines
?
Ma troisième question quittera l'Ile-de-France pour aller dans la banlieue de
Londres. Qu'en est-il de la prise de risques financière que la SNCF a souscrite
avec votre autorisation pour 10 milliards de francs d'investissement en réponse
à l'offre Go Ahead en Grande-Bretagne ?
Alors que vous prônez le monopole en France, nous voici libéraux chez nos
voisins ! Ne vont-ils pas demander le légitime principe de réciprocité ? Est-ce
que nous pouvons subventionner, nous, des dizaines de milliards pour la SNCF et
RFF et nous en aller risquer ainsi de l'argent à l'étranger,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela, ce sont
les Anglais qui le demandent !
M. Gérard Larcher.
... alors qu'il nous faut améliorer notre réseau en Ile-de-France, adapter nos
tunnels au fret, engager les fameuses voies dédiées au fret que nous
proposions, avec M. François-Poncet ?
Voilà, monsieur le ministre, des questions concrètes car telle est la vie
quotidienne de ceux que nous représentons. Ce sont des réponses à ces questions
que nous attendons et non le rappel des grands principes.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, il était assez plaisant d'entendre votre dernière suggestion car je
croyais entendre certains de mes collègues qui, en Angleterre ou ailleurs,
tiennent le même raisonnement. Ils me demandent comment j'accepte qu'une
entreprise comme la SNCF puisse répondre à leur appel d'offres et venir chez
eux alors qu'ils ne peuvent venir en France.
Mais pourquoi voulez-vous que nous refusions à une entreprise publique de se
rendre dans des pays qui prônent le libéralisme, notamment pour le secteur
ferroviaire, si elle est retenue après avoir répondu à un appel d'offres ? Au
nom de quoi le lui refuserions-nous ?
Ne pensez-vous pas que, moi aussi, j'ai peut-être intérêt à ce que les choses
se passent bien pour les voyageurs qui partent de Paris et passent sous la
Manche ? Ne croyez-vous pas qu'il est aussi de mon intérêt que tout se passe
bien pour eux, ensuite, jusqu'à Londres ? Pourquoi voulez-vous refuser cela à
la SNCF ? Il est certain qu'il faut mettre chaque fois en balance les risques
et les intérêts. Mais ne restez pas recroquevillé ! L'entreprise doit avoir
aussi une dynamique ! Je suis pour l'autonomie de gestion.
Au demeurant, il s'agit d'une prise de risques non pas par la SNCF, mais par
sa filiale Go Ahead, dont l'essentiel de l'apport est en compétences et non en
capital.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais vous avez
raison de vouloir vous faire préciser le caractère de cette filiale !
En ce qui concerne la région parisienne, le problème des irrégularités est un
problème réel. Si vous aviez été présent, hier soir, à l'inauguration à
laquelle j'ai fait allusion, vous auriez entendu le président Gallois lui-même
tenir les mêmes propos que vous, rappeler toutes les mesures que l'on est en
train de mettre en oeuvre pour essayer de rétablir la situation. Sur la
question de la sécurité, il a fallu réhumaniser les gares. Je rappelle qu'en
région parisienne les politiques précédentes consistaient plutôt à tailler dans
le vif, à supprimer des emplois, à laisser les gares ouvertes certes, mais sans
personnel ! Je rappelle qu'il y a eu 87 000 cheminots en moins de 1984 à 1997.
C'était cela les politiques précédentes, et c'est ce que nous sommes en train
de corriger.
Vous ne pouvez pas faire porter à ce gouvernement-ci la responsabilité des
situations qui ont été créées avant et qui se sont traduites par un
affaiblissement à la fois humain, en matériels et en qualité, faute
d'investissements suffisants.
Ces deux dernières décennies, on peut le dire, le réseau voyageurs, notamment,
mais aussi le réseau marchandises ont connu un sous-investissement.
Or, dans le XIIe plan sont inscrits 6,47 milliards de francs. C'est environ 50
% de plus que dans le plan précédent. Je vous le dis parce que je ne voudrais
pas que vous restiez avec des idées fausses. Certes, vous pouvez considérer
qu'une augmentation de 50 % est insuffisante et qu'il faudrait 500 % de plus !
Mais moi, je vous dis que 50 % de plus, c'est une rupture, c'est une inversion
de tendance ! Au travers de cette augmentation, c'est notre détermination que
nous exprimons !
Qu'il soit prévu, dans les contrats de plan Etat-région actuels, de dépenser
dix fois plus en faveur du réseau ferroviaire que dans les précédents contrats,
c'est, je vous le dis, une rupture, et cette rupture correspond à un besoin de
la société et des élus.
Je vous assure, monsieur le sénateur, que chaque fois que vous contribuerez,
en tant que représentant de la nation, à la promotion de cette politique en
faveur du développement du transport collectif, en particulier du transport
ferroviaire, vous me trouverez à vos côtés !
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse extrêmement générale.
Les usagers quotidiens des lignes qui relient Mantes et Rambouillet à Paris
n'ont donc qu'à attendre le XIIe plan !
(Sourires.)
Je dois vous dire, pour prendre un exemple dans ce budget en très forte
croissance, que, lorsqu'il manque 100 000 francs pour boucher des trous sur le
quai principal d'une gare qui accueille 6 000 voyageurs, on n'a pas le
sentiment qu'il y a véritablement eu une rupture, si ce n'est une rupture
d'essieu ou une rupture des voies !
Ce que nous voulons, nous, c'est du concret : du concret sur le terrain, du
concret dans la réalité du transport des Franciliens. Tout le reste n'est que
paroles !
Pour avoir dialogué avec les consommateurs au sein d'un comité d'usagers qui
existe depuis cinq ans, je peux vous assurer qu'ils ne ressentent absolument
pas les effets bénéfiques de votre politique dans leur vie quotidienne !
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, je dirai que, sans être contre les
engagements à l'étranger - j'ai pu les trouver bons en d'autres secteurs
d'activité - je pense qu'il y a d'autres priorités aujourd'hui face à l'urgence
de la situation.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle, au nom du groupe socialiste.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
opérations les plus urgentes du XIIe plan ont fait l'objet, en Gironde, de
conventions de financement particulières pour assurer, sans aucune
interruption, la continuité des travaux engagés au plan précédent. Au premier
rang de ces opérations figure la RN 10 au nord du département de la Gironde.
Les médias se font désormais quotidiennement l'écho de l'insécurité effrayante
régnant sur cet « itinéraire européen » qui voit défiler des murs de camions
internationaux énormes alors que ses caractéristiques sont celles d'une route
paisible de l'entre-deux guerres. Les chaînes de télévision nationales se sont
elles-mêmes récemment emparées de ce sujet, dont le caractère dramatiquement
mortel occulte le côté ridicule que toute la France connaît désormais.
Ainsi, voilà quinze jours, sur TF 1, dans l'émission
7 à 8
du dimanche,
à l'heure de la plus grande écoute, a été diffusé un reportage fort bien fait
sur cette situation dramatique.
Mises en place par les services de l'Etat dans le cadre d'une opération de
sensibilisation que je soutiens, les silhouettes noires, figurant sur les
bas-côtés les victimes de l'insécurité de cette route, nous renvoient en pleine
figure la cruauté d'une situation insensée dont, visiblement, vos services
n'ont pas pris la pleine mesure.
A la fin du XIe Plan, nous avons été abasourdis d'apprendre que les
acquisitions foncières nécessaires à la réalisation d'un projet qui était censé
être établi depuis plus de six ans n'étaient pas encore réalisées.
Malgré les dispositions dont j'avais obtenues la mise en oeuvre, grâce à
l'action conjuguée de M. le préfet de la Gironde et de M. le président du
conseil régional d'Aquitaine, visant à garantir à la direction départementale
de l'équipement la disponibilité des crédits nécessaires à l'achèvement des
acquisitions foncières pour permettre enfin, selon les termes mêmes de vos
services locaux, « le traitement simultané des deux déviations de Marsas et de
Cavignac », malgré la volonté politique la plus déterminée de tous les acteurs
locaux, malgré la révolte chaque jour croissante des populations riveraines,
qui se demandent quel voisin, quel enfant, quel parent va mourir demain sur
cette route, malgré la volonté apparente du préfet, malgré cette mobilisation
générale, rien n'avance !
Ces carences désespérantes ne sont pas tolérables. J'avais déjà appelé votre
attention sur cet état de fait en juin dernier. Je constate que la situation
reste bloquée.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de prendre sans délai
les mesures qui s'imposent, désormais, avec la plus grande urgence.
Parmi celles-ci, je demande à nouveau l'interdiction totale de cet axe aux
poids lourds en transit, auxquels il faut imposer l'usage de l'autoroute A
10.
Les populations n'admettent pas - et elles ont raison - que ne soient pas
réglées les modalités d'application d'une telle disposition dont la prétendue
difficulté, souvent mise en avant, révèle avant tout le défaut de coordination
nécessaire à l'action cohérente des deux préfets de région concernés.
Il apparaît en effet désormais clairement que l'aménagement d'ensemble à deux
fois deux voies de cet itinéraire ne sera pas achevé avant de longues années.
Nous n'endurerons pas un tel calvaire ! Sitôt cet axe débarrassé des trafics de
fret au long cours, qui n'ont rien à y faire, une deuxième mesure immédiate
doit être mise en oeuvre : la mise en sécurité de la route actuelle aux points
les plus dangereux.
Vous avez, monsieur le ministre, maintes fois affirmé votre volonté de lutter
contre l'insécurité routière, et je sais que vous vous y employez. Vous en avez
ici une représentation dramatiquement caricaturale et je vous invite à
rétablir, auprès de nos populations nord-girondines la confiance qu'elles ont
perdue à l'égard des services de l'Etat, qui écrivent froidement que « l'appel
d'offres - fructueux - a été une première fois déclaré sans suite en avril 1998
en raison des acquisitions foncières inachevées et de la découverte d'un site
paléolithique, puis deux fois infructueux en 1999 ».
Il vous revient de nous en donner les garanties en prenant les mesures
d'urgence qui s'imposent aux yeux de tous et en ordonnant à vos services
locaux, toutes administrations confondues, une évaluation humaine de la
situation : comment faire comprendre aux riverains qui tremblent jour et nuit,
aux parents qui pleurent, aux voisins qui se révoltent, aux chauffeurs des bus
scolaires qui, en traversant la RN 10 au niveau de Laruscade, jouent leur vie
et celle des enfants à la roulette russe, tous les jours, comment leur faire
comprendre que les travaux n'avancent pas parce qu'il faut procéder à de
longues fouilles archéologiques, parce que les services chargés de l'adaptation
du droit des sols sont surchargés, parce que les bureaux d'études sont
encombrés, que sais-je encore ?
Je vous demande, monsieur le ministre, de nous faire connaître les
dispositions concrètes que vous allez prendre. Nous attendons un calendrier de
réalisation, un échéancier précis de mise en service de la voie nouvelle et la
description des aménagements d'urgence que vous allez prescrire sur la route
existante, ainsi que les mesures de police que vous déciderez pour rétablir la
sécurité. Il s'agit vraiment d'une question de vie ou de mort !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, vous avez raison de mettre en avant toute ma détermination, qui ne
s'exerce pas seulement par des mots, en ce qui concerne l'insécurité
routière.
J'ai eu l'occasion de la manifester assez fortement sur cette RN 10 quelques
semaines après mon arrivée au Gouvernement, mais aussi par les choix qui ont
été opérés dans la partie située dans les Landes, vous le savez d'ailleurs,
monsieur le sénateur.
Je suis conscient comme vous, même si mon propos reste responsable, sur ce
qu'on peut faire et sur ce qu'on doit faire. Je suis conscient de l'insécurité
qui règne sur cette RN 10, surtout au nord de la Gironde, même si tout n'est
pas imputable à l'infrastructure.
Parfois, et j'attire votre attention sur ce point, à vouloir tout imputer à
l'infrastructure, on n'arrive plus à expliquer que l'essentiel des accidents
mortels se passent à quinze ou vingt kilomètres du domicile, que l'essentiel
des accidents mortels, notamment en ce qui concerne les jeunes, se passent
souvent dans la nuit du vendredi, du samedi ou du dimanche.
Parler de l'insécurité routière comme vous le faites, notamment à propos des
infrastructures, même si vous avez raison, ne doit pas nous faire oublier notre
responsabilité, à quelque niveau que nous soyons, sur la mobilisation de tous
les autres éléments pour faire reculer l'insécurité routière.
Par ailleurs, l'existence d'une route nationale gratuite mise progressivement
à deux fois deux voies parallèlement à une autoroute payante plus longue est
sûrement à l'origine des difficultés que nous connaissons. Bien des camions
préfèrent emprunter la route à deux fois deux voies gratuite plutôt que
l'autoroute payante, qui leur fait faire un détour.
Une question se pose alors : peut-on ou non instituer une obligation ?
Des mesures ont été prises au niveau de la région Poitou-Charentes. Pour ma
part, j'ai pris un certain nombre de décisions, que je me permets de vous
rappeler puisque vous avez dit que, à l'échelon des services de l'Etat, il ne
se passait rien.
En plus de la mise en sécurité de la RN 10 dans les Landes, financée à 100 %
par l'Etat, pour un montant de 1 320 millions de francs, les aménagements de la
RN 10 sont prévus dans les contrats de plan Etat-régions : 2,6 milliards de
francs ont ainsi été inscrits pour la sécurisation de cet axe avec, en
particulier, 1,3 milliard de francs pour la poursuite de la mise à deux fois
deux voies dénivelée dans la région Poitou-Charentes et 191 millions de francs
pour son achèvement dans la Gironde, au nord de Marsas.
Sur cette dernière section, concernant la déviation de Cavignac, la décision a
été prise de faire en même temps la déviation de Laruscade, les déblais de
l'une servant aux remblais de l'autre, ce qui réduit le coût des deux
opérations. Des acquisitions foncières étant encore nécessaires sur la
déviation de Laruscade, la déclaration d'utilité publique de l'opération sera
prorogée en début d'année pour permettre l'acquisition de l'ensemble des
terrains d'ici à la fin de l'été 2001. Les remembrements sont en cours ; le
nouvel appel d'offres sera lancé dans le courant du printemps 2001 et les
travaux pourront démarrer dès l'automne 2001, en vue d'un achèvement total en
2004. Les 190 millions de francs nécessaires à l'achèvement de l'opération
seront mis en place en complément des 122 millions de francs déjà mobilisés
pour achever cette opération dans les meilleurs délais.
Concernant l'interdiction de circulation des poids lourds de plus de 7,5
tonnes, il convient de souligner que la liberté de circuler sur les routes
nationales est un principe fondamental et que sa restriction ne peut être
envisagée que pour des motifs majeurs, au premier rang desquels figure la
sécurité, mais sur des sections réduites. Le préfet d'Aquitaine a limité les
conditions de circulation des poids lourds dans une section reconnue comme «
accidentogène », ce qui était moins le cas en Poitou-Charentes, comme je l'ai
dit tout à l'heure.
Soyez assuré que, conjointement avec les ministres de l'intérieur et de la
défense, je demanderai aux préfets une présence accrue des forces de l'ordre
sur cet axe dans le cadre des plans de contrôles routiers de 2001.
M. Philippe Madrelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Madrelle.
M. Philippe Madrelle.
Monsieur le ministre, je vous demande de mettre vraiment la « pression » sur
vos services, parce que c'est une course de lenteur.
J'aurais pu vous parler également de la situation des aménagements de la RN
137, qui figuraient aussi au contrat de plan précédent et qui se trouvent
aujourd'hui dans une situation d'enlisement identique à celle que j'ai
stigmatisée à propos de la RN 10.
Cette route nationale, d'une dangerosité quasi égale, n'a reçu pour tout
traitement que la réfection de la couche de chaussée sur une courte section,
réfection qui a évidemment pour premier effet d'inciter les usagers à accroître
leur vitesse !
Comme pour la RN 10, je vous demande, monsieur le ministre, de donner à vos
services instruction de privilégier l'efficacité et la mise en oeuvre rapide
des aménagements indispensables au rétablissement de la sécurité sur cette
route nationale.
Sans négliger les nécessaires précautions à prendre à l'égard de
l'environnement, je souhaite vous sensibiliser au fait que, pour des travaux
d'aménagement de routes existantes comme la RN 137, dont personne ne comprend
qu'ils puissent être à l'origine de bouleversements écologiques, d'autant que
l'emprise reste la même, on devrait pouvoir faire l'économie de procédures
interminables pour privilégier ce qui nous paraît fondamental : la protection
des vies humaines. Le retard pris est tel que l'incompréhension de la
population est totale.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand, au nom du groupe du RPR.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, j'aborderai trois problèmes.
Premièrement, le b.a.-ba de la sécurité routière, c'est l'apprentissage de la
conduite et la connaissance du code de la route. Or vous n'êtes pas sans savoir
que, dans toute la France, les exploitants d'auto-école et les inspecteurs
manifestent ou sont en grève. Les premiers demandent plus d'inspecteurs et,
tout comme les candidats, une amélioration des conditions d'accueil sur les
lieux de déroulement des épreuves du permis de conduire. De leur côté, les
inspecteurs souhaitent pouvoir bénéficier soit d'une voiture de service, soit
d'indemnités leur permettant de se rendre sur les lieux d'examen. Que
comptez-vous leur répondre ?
Deuxièmement, il faut, à l'évidence, permettre au transport routier de mieux
répercuter ses coûts sur ses tarifs et lui assurer un meilleur équilibre dans
les relations contractuelles. C'est à ce prix qu'il assainira les conditions
économiques de son activité, qu'il sera respectueux de la sécurité et de
l'environnement et que les chauffeurs jouiront de conditions de travail moins
pénibles. C'est aussi à ce prix qu'on fera cesser le dépavillonnement des
transporteurs.
Il s'agit d'une profession très éprouvée : quatre conflits en trois ans et
demi. Le dernier en date a permis d'apporter quelques solutions : ainsi, la
TIPP sera récupérée à raison de 35 centimes par litres en 2000 et de 25
centimes en 2001.
Or la Commission européenne vient de sonner le glas du carburant
professionnel.
Cette profession, déjà touchée par un dumping social et économique, va se voir
de plus ébranlée par un différentiel de fiscalité. Que pouvez-vous répondre,
monsieur le ministre, aux transporteurs routiers ?
S'agissant, troisièmement, du ferroutage et du transport ferroviaire des
marchandises, on peut faire les plus beaux discours, les plus enflammés, les
mieux documentés. Vous avez parlé tout à l'heure de six cent cinquante
locomotives. Dont acte ! Mais les rails continuent de faire défaut ! Vous nous
affirmez que vous allez les doubler en dix ans, voire en six ans. De toute
façon, ce sera encore insuffisant pour « définistériser » la France par rapport
à l'Europe en matière de fret.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu, répondant à mon collègue M. Puech,
vanter les mérites de la concession du viaduc de Millau. Vous avez aussi vanté
les avantages des concessions autoroutières, qui nous ont permis, voilà une
trentaine d'années, de construire un réseau autoroutier tout à fait convenable.
Ne pourriez-vous, suivant la même logique, aller jusqu'à la concession de
corridors ferroviaires de fret, ce qui nous permettrait de relier au moins les
ports entre eux, tout particulièrement ceux qui me sont le plus chers,
Cherbourg et Le Havre, en développant un hinterland et en permettant à ces deux
ports, situés plus à l'ouest que d'autres sur la Manche, qui voient passer 20 %
du trafic mondial, de tirer leur épingle du jeu parce qu'ils seraient ainsi
parfaitement reliés au reste de l'Europe ?
Monsieur le ministre, le bon geste que vous faites pour les autoroutes et que
vous allez faire pour Millau, faites-le aussi pour le rail !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, même si je brûle de vous répondre tout de suite sur votre troisième
point
(Sourires)
, je reprendrai chacun des thèmes de votre intervention
dans l'ordre que vous avez suivi.
Après l'augmentation du nombre des inspecteurs du permis de conduire dans le
budget de 2000 - trente postes supplémentaires -, le Gouvernement a retenu,
lors du comité interministériel de sécurité routière, la création de 230 postes
entre 2001 et 2003. Au budget de 2001, ce sont soixante-dix-sept nouveaux
postes qui sont inscrits. Cette augmentation de 30 % de leur nombre permet
d'améliorer les conditions de passage du permis de conduire et de renforcer le
contrôle des auto-écoles, avec l'accord de la profession.
Enfin, des mesures ont été prises pour favoriser l'amélioration des conditions
d'accès au permis de conduire des jeunes en difficulté, mesures qui revêtent
pour moi une importance particulière.
Quant aux auto-écoles, elles bénéficient du plan fiscal présenté par le
Gouvernement, en ce qui concerne tant les mesures spécifiques aux PME que
l'ajustement de la fiscalité pétrolière, qui profite à tout le monde.
J'ajoute que le décret sur la moralisation de la profession, qui a fait
l'objet d'un accord avec ses représentants, sera promulgué avant la fin de
l'année ; il était attendu depuis plus de quinze ans ! Les contrôles vont donc
s'intensifier.
S'agissant du transport routier de marchandises, la loi de février 1998 -
certains l'appellent la « loi Gayssot », mais c'est à tort puisque c'est une
loi de l'Assemblée nationale et du Sénat - révèle son efficacité en matière
d'assainissement des conditions d'exercice. Le « paquet social routier », qui
fait actuellement l'objet de discussions devant les instances communautaires,
viendra, je l'espère, ajouter d'autres effets positifs. J'espère, par exemple,
pouvoir obtenir l'interdiction de l'utilisation, par des entreprises
européennes et sur les routes européennes, d'une main-d'oeuvre venue de pays
tiers, et payée aux tarifs qui ont cours dans ces pays tiers. En ce qui
concerne la TIPP, qui est, vous le savez, déductible en 2000 et 2001, la
Commission a effectivement évoqué son intention de la supprimer. Mais nous
allons discuter. Il ne faut pas partir battu
a priori
! Je ne prétends
pas que je n'ai pas, moi-même, été un peu alerté, mais nous allons faire en
sorte que les conditions économiques et sociales de la profession soient
défendues.
Pour ce qui est des infrastructures ferroviaires, il appartient à Réseau ferré
de France de mettre en oeuvre les projets de modernisation et de
développement.
Plus fondamentalement, s'il peut être tentant de déroger aux attributions
fixées par la loi à RFF, dans l'objectif louable d'accélérer la réalisation de
nouvelles infrastructures qui mobilisent de lourds investissements, je crois
utile de vous apporter un certain nombre de précisions qui illustrent les
difficultés de la démarche.
Compte tenu des conditions de concurrence intermodale, le fret ferroviaire
n'est pas en mesure de rémunérer, il s'en faut, le coût des infrastructures.
Cela est vrai partout en Europe.
En Grande-Bretagne, on a privatisé, mais les travaux d'infrastructures sont
financièrement si lourds qu'il est impossible d'obtenir un retour sur
investissements ! L'ordre de grandeur de la capacité contributive du fret
ferroviaire est, en moyenne, de 10 %. C'est là une des explications majeures de
la mixité des lignes ferroviaires, situation très répandue. Dès lors, que le
mode de réalisation de lignes nouvelles pour le fret soit public ou privé,
l'essentiel du financement devra, à l'évidence, être public.
Pourquoi introduire un autre gestionnaire que RFF si 90 % des financements
doivent être publics ? D'autant que, comme l'ont montré, il y a quelques jours,
les débats de la première conférence européenne sur les infrastructures
ferroviaires, organisée par RFF, une partie des difficultés rencontrées en
Europe pour l'écoulement du trafic ferroviaire de fret réside justement dans
l'existence d'une multitude de gestionnaires d'infrastructures, qui ont du mal
à se coordonner, chacun ayant sa stratégie propre en matière de redevance
d'infrastructures.
Est-il souhaitable, dans ce contexte, d'ajouter encore d'autres gestionnaires
d'infrastructures, au risque de balkaniser le réseau ? Nous ne le pensons pas.
Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas dédier des lignes ferroviaires au
fret, qu'il ne faut pas faire des corridors. Le corridor BELIFRET, qui réunit
la Belgique, le Luxembourg, la France et l'Italie, bientôt rejoints par
l'Espagne, est quelque chose qui marche ! Or il s'agit d'entreprises publiques
faisant rouler des trains sur des infrastructures également publiques. En tout
cas, ce sont autant de tonnes de marchandises en moins sur la route !
Bien entendu, certains projets particuliers peuvent faire l'objet de montages
spécifiques. Je pense notamment aux projets internationaux comme la liaison
Perpignan-Figueras, entre la France et l'Espagne, ou le futur tunnel
ferroviaire transalpin Lyon-Turin, entre la France et l'Italie. Pour ces
projets transfrontaliers, les modalités de réalisation doivent être examinées
au cas par cas, dans le cadre d'accords internationaux entre la France etles
pays voisins.
M. Jean-François Le Grand.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le ministre, je ne pars jamais battu mais permettez-moi d'arriver un
peu déçu !
(Sourires.)
En ce qui concerne les inspecteurs, sachez que, dans le département de la
Manche, le délai atteint près de quatre mois entre deux examens, faute
d'inspecteurs. Alors, 77 de plus, c'est bien, mais c'est insuffisant pour
permettre le délai normal entre deux examens, soit quinze jours.
Sur le fret, monsieur le ministre, je suis un peu inquiet pour vous, car j'ai
l'impression que vous ne croyez plus en votre propre discours.
(M. le
ministre fait un signe de dénégation.)
Si vraiment le ferroutage est rentable, alors il y aura un retour sur
investissements, notamment sur les axes les plus importants.
Vous parliez tout à l'heure de BELIFRET. C'est l'un de ces axes que l'on
pourrait qualifier de milliardaire, comme on le disait des lignes aériennes
transportant des milliards de passagers. Cela prouve que des actions peuvent
être menées sous des formes diverses et variées grâce à l'investissement
privé.
Cela ferait autant d'investissements publics disponibles pour d'autres
secteurs et d'autres lignes qui, eux, ne sont pas
a priori
bénéficiaires. Vous auriez là l'occasion d'une péréquation intelligente qui
vous permettrait de doter l'ensemble de la France d'un réseau tout à fait
performant !
Mais, un jour, vous verrez, vous croirez à votre propre discours !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je suis d'accord avec vous : 77 inspecteurs, ce n'est pas suffisant.
C'est pour cela que nous avons prévu la création de 210 postes en trois ans,
chiffre que je rapproche du zéro enregistré, en termes de création de postes
d'inspecteur, de 1993 à 1997 !
M. le président.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de vous être prêté à ce
nouveau mode de discussion d'un budget. Naturellement, nous aurons, avec M. le
président de la commission des finances, à affiner le dispositif, mais je crois
que notre débat budgétaire a gagné en échanges ; il est plus interactif, comme
on dit aujourd'hui.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les
routes et la sécurité routière inscrits à la ligne « Equipement, transports et
logement » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des
crédits affectés à la mer.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs ;
« Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 60
bis,
qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés aux transports et à la sécurité routière, ainsi
que, en accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-16 tendant à
insérer un article additionnel après l'article 60
bis.
Equipement, transports et logement
Article 60 bis
M. le président.
« Art. 60
bis.
- L'avant-dernier alinéa de l'article L. 2531-6 du code
général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Ce remboursement est maintenu aux employeurs concernés, pour la période
restant à courir après abrogation du périmètre d'urbanisation dans les
conditions de l'article L. 5341-2. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 60
bis.
(L'article 60
bis
est adopté.)
Article additionnel après l'article 60 bis
M. le président.
Par amendement n° II-16 rectifié, MM. Plancade et Picheral proposent
d'insérer, après l'article 60
bis,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article 74 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art... -
La communauté d'agglomération est substituée dans les
délibérations des communes membres, établissements publics de coopération
intercommunale et/ou syndicats mixtes comprenant des communes membres,
instituant un versement destiné aux transports en commun en application des
dispositions de l'article L. 2333-66 du code général des collectivités
territoriales.
« Jusqu'à la date à laquelle le conseil de la communauté d'agglomération aura
délibéré sur l'institution d'un versement destiné aux transports en commun et
dans un délai ne pouvant excéder six mois à compter de l'arrêté de création ou
de transformation, la communauté d'agglomération perçoit le produit du
versement sur le territoire des communes où un tel versement avait été
antérieurement institué. Le taux applicable sur le territoire de chacune des
communes est celui qui avait été adopté par le conseil municipal ou l'organe
délibérant de l'établissement public compétent. »
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Cet amendement purement technique a pour objet de permettre la continuité dans
la perception du versement destiné aux transports en commun dans les
communautés d'agglomération jusqu'à la date à laquelle le conseil de la
communauté aura institué un tel versement applicable sur l'ensemble de son
territoire, c'est-à-dire sur ce qui s'appellera le périmètre de transports
urbains.
L'article 74 de la loi du 12 juillet 1999 prévoit que l'arrêté de création ou
de transformation vaut établissement d'un tel périmètre. Il en résulte que les
communes, établissements publics de coopération intercommunale et syndicats
mixtes comprenant des communes membres ne peuvent plus percevoir le « versement
transports ».
Il appartient dès lors au conseil de la communauté d'agglomération de se
prononcer sur l'institution et le taux du « versement transports »
communautaire. Son taux sera donc fixé en fonction des services de transports
urbains que la communauté envisage de mettre en oeuvre. Il est difficilement
concevable que le conseil de la communauté se prononce sur un taux de versement
avant d'avoir procédé aux études nécessaires en vue de déterminer la nature du
service qui sera offert à la population.
Enfin, il est prévu que la période transitoire ne pourra excéder dix mois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
La commission souhaiterait, avant de se prononcer,
entendre d'abord l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est une très
bonne idée et le Gouvernement y est très favorable.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet,
rapporteur spécial.
Favorable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-16 rectifié, accepté par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopé.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 60
bis.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les transports terrestres, la sécurité et les routes.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier minsitre, la lettre suivante :
Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire et à
la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de
travail dans la fonction publique territoriale.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse, ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
4
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté
par l'Assemblée nationale.
Equipement, transport et logement
(suite)
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
4. Transport aérien et météorologie
Budget annexe de l'aviation civile
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports et sécurité
routière : 4. Transport aérien et météorologie, et budget annexe de l'aviation
civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis, sans doute pour l'une des
dernières fois, pour examiner le projet de budget annexe de l'aviation civile
et les crédits concernant le transport aérien et la météorologie.
Pour l'une des dernières fois, puisque la proposition de loi organique
réformant l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux
lois de finances qui a été adoptée par la commission des finances de
l'Assemblée nationale entend supprimer la catégorie des budgets annexes.
Monsieur le ministre, cela m'amène à vous poser ma première question.
Approuvez-vous la suppression du budget annexe de l'aviation civile ?
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la suppression des budgets annexes.
Ils me paraissent être une formule utile, sous réserve de respecter certains
principes. Vous connaissez - nous nous connaissons bien maintenant - mes
exigences de ce point de vue, et j'en rappellerai quelques-unes ce soir.
Monsieur le ministre, ne vous méprenez pas. Mon désaccord avec la suppression
des budgets annexes ne vient pas du fait que le budget annexe de l'aviation
civile que vous nous présentez ce soir est un parangon de vertus. Je devine que
je vous déçois, monsieur le ministre. Vous vous attendiez sans doute à ce que
je me félicite d'une progression des crédits de 2,8 %,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Eh oui !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
... que vous jugez modérée. Vous deviez aussi espérer
que je saluerai la baisse du taux unitaire des redevances de navigation
aérienne
(M. le ministre opine)
que vous avez annoncée.
Hélas, trois fois hélas ! je ne le peux pas. Je n'ai pas pour rôle d'ouvrir le
bleu budgétaire et de tenir pour argent comptant ce qu'il contient. Je le
regrette, car cela serait plus simple et traduirait une révolution : la
capacité du Gouvernement à nous présenter des données budgétaires claires et
sincères. Nous en sommes loin !
D'abord, si les crédits augmentent de 2,8 %, les prélèvements obligatoires
spécifiques du transport aérien croissent, eux, à structure constante, de 7,5
%, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas tout à fait la même chose.
S'il faut, pour en apprécier la variation, tenir compte des recettes du budget
annexe de l'aviation civile, il faut aussi tenir compte d'autres recettes :
celles qui résultent du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien, le FIATA, et celles qui proviennent de la funeste taxe d'aéroport,
directement affectée aux aéroports.
Je souligne ensuite, monsieur le ministre, que vous faites l'impasse sur un
certain nombre de dépenses inéluctables. Les crédits d'exploitation du budget
annexe augmentent déjà très vivement. Avec un accroissement de 3,8 %, on est
assez loin de mettre en évidence les gains de productivité du secteur, auxquels
vous aimez vous référer. Mais votre goût pour le productivisme, monsieur le
ministre, ne doit pas vous pousser à user d'artifices pour le satisfaire.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'était à une
certaine époque !
(Sourires.)
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je vous pose ainsi, avec humour, ma deuxième
question, monsieur le ministre : où sont les crédits nécessaires au financement
des mesures générales de la fonction publique ? Où sont les provisions
budgétaires nécessaires au financement du nouveau protocole triennal 2001-2003
? Je n'en trouve pas trace dans votre projet de budget.
Et pourtant ! Je vous ai interrogé sur les perspectives de la négociation du
nouveau protocole. « Trop tôt », m'avez-vous répondu. J'avais demandé la
transmission des procès-verbaux de négociation. Aucune suite n'a été donnée à
cette demande. Très heureusement, les organisations syndicales sont plus
claires. Elles demandent, pêle-mêle, plus de personnels, plus de rémunérations,
plus de 35 heures, plus de pensions, etc. Cela doit avoir un coût, ou alors,
monsieur le ministre, vous êtes non seulement le meilleur élève du
Gouvernement, comme certains le prétendent à juste titre, je partage cet avis,
mais aussi un vrai magicien. Moi, j'aime la magie,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Moi aussi !
M. Yvon Collin
rapporteur spécial.
... mais je m'applique à découvrir les trucages
budgétaires. Je m'avoue vaincu et je vous demande quel est votre « truc »,
monsieur le ministre, pour que ces coûts disparaissent devotre budget.
Troisième question : comment allez-vous faire pour baisser dans les
proportions que vous avez indiquées les taux unitaires des redevances de
navigation aérienne alors que les perspectives de trafic, qui restent bonnes,
j'en conviens, ne sont plus suffisantes pour vous le permettre ? Allez-vous
constater des reprises de provision au-delà de ce que vous prévoyez et qui est
déjà très élevé ? Allez-vous recourir plus que prévu à l'emprunt ? Ou alors
allez-vous arrêter des taux supérieurs à ceux que vousaviez annoncés ?
J'en arrive à ma quatrième question, monsieur le ministre. Ne vous paraît-il
pas quelque peu anormal que ceux qui financent le budget annexe et qui sont
aussi ses usagers soient totalement écartés des négociations sociales qui se
déroulent au sein de la direction générale de l'aviation civile, la DGAC ? Vous
me répondrez sans doute qu'ils ne sont juridiquement pas l'employeur des
personnels. Mais admettez qu'ils financent leurs recrutements, leurs
rémunérations et leurs pensions.
Je pense qu'il s'agit d'une question qui fait partie d'un problème plus vaste
: la représentation des usagers du transport aérien dans notre pays. Je suis
sûr que, de ce point de vue, vous êtes d'accord avec moi. Je voudrais en dire
deux mots puisque le transport aérien est le seul mode de transport entièrement
financé par les usagers et par les collectivités territoriales, le budget
général de l'Etat s'étant totalement désengagé de ce secteur.
Ce problème est d'abord celui de la surveillance des coûts des infrastructures
du transport aérien. Ces coûts sont
in fine
supportés par les clients
des compagnies, une faible partie d'entre eux étant absorbés par elles. L'on
pourrait s'attendre, dans ces conditions, à ce que les compagnies soient
particulièrement vigilantes dans ce domaine, soit pour faire des économies,
soit pour défendre les intérêts commerciaux de leur clientèle. Certaines le
font, mais notre excellente compagnie Air France est bien inerte sur ce sujet.
On l'entend rarement contester les augmentations de redevances ou de taxes et
sa position sur les charges du budget annexe est des plus discrètes. Je
m'interroge sur la concomitance de cette situation avec l'appartenance de la
compagnie au secteur public. Elle me met mal à l'aise puisque j'ai le sentiment
d'être un peu isolé en défendant des intérêts consuméristes sur lesquels cette
grande entreprise devrait particulièrement veiller.
Il est vrai qu'une grève des contrôleurs aériens coûterait 200 millions de
francs par jour à la compagnie et que la progression continue des charges
salariales du budget annexe de l'aviation civile est répercutée sur ses clients
ou absorbée par des économies que favorisent d'importants gisements. Mais Air
France n'est pas seule ! Il y a les autres compagnies et il y a aussi les
clients ! Je m'en ferai, monsieur le ministre, l'inlassable défenseur !
A ce propos, permettez-moi d'insister sur un problème que j'avais exposé au
Premier ministre dès le 22 juin 1997, le problème des surréservations. Comment
comptez-vous mettre à profit - c'est une autre question, monsieur le ministre -
la présidence par la France de l'Union européenne pour que le Conseil «
transport » prohibe une fois pour toutes une pratique commerciale aussi abusive
qu'insupportable ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Eh oui !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je terminerai mon propos sur le budget annexe de
l'aviation civile en recommandant que la France n'écarte pas toute proposition
d'intégration du ciel unique européen.
Je partage votre sentiment : ce sujet est plus complexe que ce qui semble
transparaître des réflexions de la Commission. Nous devons aussi défendre les
intérêts français. Mais nous ne pourrons les défendre si nous ne jouons pas le
jeu de la transparence sur nos coûts, sur notre efficience et sur nos
performances.
A ce sujet, monsieur le ministre, la France a raison lorsqu'elle fait valoir
que les retards sont parfois le prix de la sécurité du transport aérien. Nous
devons, en cette année de deuil, et j'ai une pensée émue pour les victimes du
transport aérien, affirmer notre attachement à la sécurité du transport aérien
à laquelle les contrôleurs sont très sensibilisés, j'en témoigne.
Mais nous ne devons pas opposer ponctualité et sécurité. Les deux vont de
pair. C'est bien notre faculté à répondre aux problèmes de capacité des
infrastructures de transport aérien qui permettra de satisfaire ces deux
exigences.
C'est le point central de la mission de contrôle de la navigation aérienne que
je mène actuellement. Je n'en dévoilerai pas, ce soir, les conclusions. Ce
serait prématuré. Mais je crois qu'il existe, dans ce domaine, un réel problème
de gestion des personnels. Pouvez-vous à ce propos, monsieur le ministre, nous
indiquer quels sont les temps moyens d'ancienneté dans chacun des cinq centres
de contrôle aérien et quelle est la durée moyenne de formation d'un contrôleur
comparée à la durée pendant laquelle, au cours de sa carrière, il est
opérationnel.
Avant d'en venir aux crédits du transport aérien, je souhaiterais évoquer d'un
mot la question du troisième aéroport. Elle est évidemment liée à celle de
Roissy-Charles-de-Gaulle.
A ce propos, vous avez décidé de plafonner les capacités de Charles-de-Gaulle
à 55 millions de passagers. Je saisis vos motivations, mais je ne comprends pas
comment cette décision peut suivre celle qui concerne la construction des deux
nouvelles pistes à Roissy, laquelle, semble-t-il, a été prise sur la base d'une
prévision de 70 millions de passagers. Merci, monsieur le ministre, de nous
expliquer la cohérence de ces deux décisions.
Du coup, vous annoncez un troisième aéroport dans le Bassin parisien. Des
appétits s'aiguisent, des réticences se font jour. Parmi celles-ci, il en est
une qui a un certain poids, je veux parler de la réticence d'Air France. La
compagnie ne paraît pas enthousiasmée par la perspective d'ouvrir une seconde
plate-forme de correspondance.
Convenez que c'est un léger problème et que la question se pose de savoir quel
type de trafic accueillera ce nouvel aéroport ! Merci, là aussi, monsieur le
ministre, d'apporter une réponse précise car elle concerne l'utilisation d'un
investissement de plusieurs dizaines de milliards de francs.
Plusieurs dizaines de milliards de francs, c'est aussi le coût du
développement de l'A3XX. Je me félicite du lancement de cet appareil annoncé
par EADS. Je l'ai depuis longtemps appelé de mes voeux...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Moi aussi !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je vous en donne acte !
J'avais souhaité également une meilleure intégration de l'industrie
aéronautique européenne. C'est fait, ou presque, et je vous félicite, monsieur
le ministre, d'avoir contribué à la privatisation d'Aérospatiale, sans laquelle
cette intégration n'aurait pas été possible.
(M. le ministre sourit. - M. le
rapporteur pour avis applaudit.)
Il est toutefois dommage que le siège de la holding EADS soit localisé aux
Pays-Bas. On en devine tous les avantages fiscaux, mais, monsieur le ministre,
il serait utile que vous nous indiquiez précisément leur montant par rapport à
des localisations alternatives, en France ou en Allemagne.
Je suis certain que des simulations ont été faites sur ce sujet. Je me
félicite aussi que vous inscriviez dans les crédits de transport aérien une
avance remboursable qui marque l'intérêt du Gouvernement et de son Premier
ministre à ce projet d'A3XX.
Je vous poserai trois questions précises à ce propos. Que font, de leur côté,
le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Allemagne ? Où en est le projet, que vous aviez
évoqué, tendant à rééquilibrer notre système de soutien public de sorte qu'il
soit aussi favorable que celui qui est en vigueur aux Etats-unis ? Quel est le
taux de consommation de l'avance remboursable ouverte dans le budget de 2000
pour l'A3XX ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en aurai
fini lorsque je vous aurai indiqué que la commission des finances, à la sagesse
de laquelle je m'en étais remis, a décidé de rejeter les crédits du budget
annexe de l'aviation civile pour 2001.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oh !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Le vote des crédits du transport aérien aurait sans
doute connu un meilleur sort, mais il n'est pas individualisé et interviendra
après l'examen des crédits de la mer.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'aviation civile et le transport aérien.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire
combien la commission des affaires économiques partage l'analyse excellement
exposée par notre collègue Yvon Collin sur le devenir des budgets annexes d'une
manière générale, et sur celui de l'aviation civile en particulier.
Permettez-moi également de vous livrer en préambule un sentiment et deux
réflexions que m'inspire la catastrophe du Concorde survenue le 25 juillet
dernier.
Le sentiment, tout d'abord, c'est que nous ne pouvons pas, ce soir, nous
dispenser d'avoir une pensée pour les victimes et leurs familles, après cet
accident terrible qui a coûté la vie à 113 personnes. Ce dramatique accident a
cloué au sol un des plus beaux fleurons de notre technologie : cet avion volant
deux fois plus vite que le son, capable de survoler l'océan Atlantique en moins
de quatre heures. Je forme des voeux pour que les causes de cette catastrophe
soient le plus rapidement possible élucidées.
Ma première réflexion, après ce sentiment qui sera, j'en suis sûr, partagé par
tous, consiste à donner un « coup de chapeau » au bureau enquêtes accidents,
qui effectue un travail difficile, avec sérieux et compétence. Le système que
nous avons institué en votant la loi du 29 mars 1999 sur les incidents et
accidents aériens semble avoir, dans ces circonstances dramatiques, bien
fonctionné, et nous ne pouvons que nous réjouir des amendements qui avaient
alors été retenus par le Sénat.
Ma deuxième réflexion vise à souligner la pertinence d'une recommandation
constante que nous faisons, en matière de politique aéroportuaire, depuis de
longues années : celle, monsieur le ministre, de la maîtrise de l'urbanisation
au voisinage des aéroports.
Je rappelle que, en 1999, nous avions introduit dans le texte portant création
de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires des dispositions
issues d'une proposition de loi que j'avais déposée, tendant à l'information
préalable des riverains des aéroports.
Le Sénat avait aussi modéré les tentations de certains députés d'adoucir les
dispositifs de contrôle de l'urbanisation au voisinage des aéroports, au nom de
la revitalisation des vieux bourgs riverains.
La solution que nous avions proposée, et qui avait été retenue ici comme à
l'Assemblée nationale, conditionnait toute opération de restructuration urbaine
au respect d'une enveloppe constante de capacité d'accueil d'habitants. Or,
lors de la discussion du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement
urbains, nos collègues députés sont revenus, moins d'un an après sa conclusion,
sur ce sage compromis.
Pis encore, le rapporteur du texte de 1999, qui avait adopté en nouvelle
lecture, sans les modifier, nos propositions, a lui-même déposé l'amendement
qui a levé les garde-fous du code de l'urbanisme. Bien sûr, nous nous y sommes
opposés au Sénat. Mais, ironie du sort, c'est dans la ville dont il est le
premier magistrat que le Concorde s'est écrasé, vingt-sept jours seulement
après la discussion en nouvelle lecture de son amendement, ce qui a conduit -
je le dis avec beaucoup de gravité - ce député à s'exprimer sur toutes les
ondes et à déclarer au journal
Le Monde
du 27 juillet que « la loi sur
l'urbanisation est trop laxiste ». Je le dis avec beaucoup de solennité, mais
avec beaucoup de tristesse en même temps.
Je considère, quant à moi, qu'être élu c'est être responsable. Je continue
donc de m'opposer aux dispositions adoptées à l'article 36 du projet de loi sur
la solidarité et le renouvellement urbains, que nous avons d'ailleurs déférée
au Conseil constitutionnel.
Je déplore que le Gouvernement et l'Assemblée nationale aient si brutalement
changé d'avis, entre 1999 et 2000. La catastrophe du Concorde a malheureusement
montré toute la pertinence de notre position !
En ce qui concerne les crédits du transport aérien et de l'aviation civile, je
ne reviendrai pas sur l'analyse du budget annexe, que vient de développer de
façon très argumentée notre collègue Yvon Collin. Comme lui, je regretterai
simplement que la subvention de l'Etat baisse de 43 %, puisqu'elle passe de 210
millions de francs à 120 millions de francs, et que les taxes et redevances
payées par les compagnies assurent, symétriquement, une proportion croissante
du financement. Je partage totalement, sur ce point, l'analyse de M. Collin.
Qu'il soit remercié de son excellent rapport !
C'est surtout le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien, le FIATA, qui préoccupe la commission des affaires économiques : aucun
crédit supplémentaire n'est prévu cette année pour le soutien des dessertes
aériennes d'aménagement du territoire, qui devrait être financé, à hauteur
d'environ 94 millions de francs, par des reports d'excédents des années
passées.
J'aimerais réaffirmer ici l'attachement de la commission à ce système mis en
place par la loi Pasqua du 4 février 1995, qui permet de subventionner vingt et
une liaisons d'aménagement du territoire.
Progressivement, le FIATA se déforme : d'un outil d'aménagement du territoire,
il ne faudrait pas qu'il devienne pour l'Etat un simple prétexte à la
perception d'une taxe !
En même temps, la restructuration du pôle régional d'Air France entraîne des
supressions de lignes parfois préjudiciables à l'équilibre du territoire.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi conserver la majorité du
capital de cette compagnie si l'Etat ne s'en sert pas pour assurer
l'aménagement aérien du territoire ?
Sur l'initiative de son président, Jean François-Poncet, la commission des
affaires économiques a mis en place un groupe de travail pour contrôler
l'action du Gouvernement en la matière.
S'agissant du troisième aéroport dans le Bassin parisien, permettez-moi de
rappeler les conclusions de la mission conduite en 1996 sur ce sujet par
Jacques Douffiagues, à laquelle j'ai eu l'honneur d'appartenir.
L'optimatisation des plates-formes existantes, à Roissy et en province, était
considérée comme un préalable à toute construction de nouvelle structure. Je
considère, quant à moi, que la limite des 55 millions de passagers à Roissy est
artificielle : c'est le niveau global de bruit qui est le critère pertinent,
c'est lui qui est le facteur générateur des difficultés. En outre, que
fera-t-on quand Roissy aura atteint le plafond et que le nouvel aéroport ne
sera pas encore construit ?
Je regrette que les considérations économiques, environnementales et
d'aménagement du territoire qui nous avaient conduits à préconiser, en 1996, le
site de Beauvilliers, en Eure-et-Loire, ne semblent plus être les déterminants
actuels du Gouvernement pour le choix de l'implantation d'un troisième
aéroport. Rassurez-nous, monsieur le ministre ! Dites-nous que le choix final
ne sera pas déterminé par des guérillas de majorité plurielle, même si une
députée verte a été élue en Eure-et-Loire contre le projet d'aéroport !
Vous le voyez, nos interrogations sont à la fois multiples et simples.
Toutefois, nous prenons acte du soutien, à la section « équipement et
transports » du budget général, du projet d'A3XX. La décision, annoncée voilà
deux jours, de la compagnie Qantas d'acheter Airbus ouvre les portes de l'Asie
à cet appareil. Nous nous en réjouissons tous !
M. Jean-Pierre Plancade.
Bien sûr !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Compte tenu de ce dernier aspect plutôt positif, la
commission des affaires économiques s'en est remise à la sagesse du Sénat pour
l'adoption des crédits, alors que, sur les autres points, elle aurait plutôt eu
tendance à en proposer le rejet.
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur
le projet de budget que nous allons avoir ce soir est un exercice relativement
virtuel, le Sénat ayant rejeté l'article 19 de la première partie du projet de
loi de finances qui modifiait, au profit du budget annexe de l'aviation civile,
la répartition du produit de la taxe d'aviation civile.
On rappellera, à ce propos, que, depuis la création du Fonds d'investissement
des transports aériens, se pose le problème de son alimentation et de la
validité de son intervention.
Notre position de principe est connue : nous ne sommes pas partisans de la
multiplication des comptes d'affectation spéciale, qui, le plus souvent, ne
font que masquer l'absence d'une véritable volonté politique en matière
d'investissement public.
Nous sommes opposés à la position prise par la commission des finances, que
rien ne vient réellement justifier, notamment la réalité des engagements
finalement supportés par le FIATA.
Cette remarque initiale formulée, le budget annexe de l'aviation civile
connaîtra cependant en 2001, selon toute vraisemblance, une progression
résultant directement de la poursuite de la progression du trafic aérien.
On ne peut évidemment manquer de parler ici de la tragique catastrophe qu'a
connue notre pays au mois de juillet et qui a affecté le fleuron de la
compagnie nationale, le Concorde.
D'une certaine manière, cette catastrophe témoigne d'une part des enjeux du
débat sur le transport aérien dans notre pays : sécurité aérienne, occupation
des couloirs, développement de la capacité d'accueil des plates-formes
existantes ou à venir.
Ce sont là les points sur lesquels je veux insister dans le cadre de cette
intervention.
S'agissant de la sécurité aérienne, on notera qu'en cette matière, comme nous
aurons encore l'occasion d'en faire état lors de la discussion des crédits de
la mer, notre pays dispose d'un ensemble de procédures, de moyens humains et
matériels susceptibles de faire face de la manière la plus satisfaisante
possible aux enjeux du développement du trafic.
Cela n'empêche cependant pas que se pose, en ce domaine comme en bien
d'autres, la question de l'harmonisation des législations européennes, certains
de nos partenaires étant largement partisans d'une libéralisation et d'une
privatisation du contrôle aérien.
Nous vous saurions gré, monsieur le ministre, de bien vouloir nous informer de
l'action menée sur ce point et des résultats qui ont été enregistrés à ce
jour.
Le développement du trafic aérien est une réalité, notamment à l'examen de
l'évolution du nombre de mouvements et, dans une moindre mesure, du nombre de
voyageurs transportés.
La position centrale de la France au coeur de l'Europe en fait naturellement
un point de passage obligé que le renforcement des moyens d'accueil à
Roissy-Charles-de-Gaulle est encore susceptible de favoriser, notamment par le
biais de l'intermodalité des moyens de transport.
Pour autant, les stratégies commerciales des compagnies, en matière de
surréservation en particulier, ont comme conséquence tangible une tension
supplémentaire sur l'environnement immédiat des plates-formes et continuent
d'alimenter le débat sur la desserte de nuit.
Sur ce point, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les
orientations que vous avez définies, dans l'optique de la négociation
internationale, au regard de ces contraintes environnementales et de
développement du transport aérien ?
Une plus large ouverture au transport civil des couloirs réservés jusqu'alors
aux avions militaires fait sans doute partie des solutions que nous devons
mettre en oeuvre, ne serait-ce que pour pallier le risque de l'allongement des
délais d'attente des avions avant atterrissage. Monsieur le ministre, nous vous
saurions gré de bien vouloir nous indiquer les résultats des négociations que
vous avez menées avec votre collègue ministre de la défense.
Dans le même contexte, se pose évidemment la question de la réalisation du
troisième aéroport parisien, rendue nécessaire par le risque d'engorgement des
plates-formes internationales d'Orly et de Roissy. Toutefois, la localisation
précise de cet équipement fortement structurant n'a pas encore été définie.
Sans doute convient-il de relever que les avantages et les inconvénients des
sites proposés doivent être soigneusement mesurés avant toute décision. Pour
autant, se pose également la question de savoir qui assurera la gestion de la
plate-forme une fois qu'elle aura été ouverte. Il nous semble, à ce sujet, que
le rôle d'Aéroports de Paris doit être validé et étendu à la gestion du nouveau
site.
Enfin, le devenir de la compagnie nationale Air France soulève de nouveau
quelques interrogations.
Certes, la situation financière de la compagnie nationale s'est nettement
améliorée, même s'il convient de ne pas oublier les efforts qui ont été
demandés aux salariés et de vérifier plus précisément, dans les comptes de
l'entreprise publique, si le redressement financier ne s'opère pas, parfois, au
détriment de la qualité du service rendu. Le dialogue social doit se poursuivre
au sein de l'entreprise, et conduire notamment à inverser clairement la
tendance à la baisse des effectifs, à renforcer la capacité d'intervention des
salariés et à définir un projet industriel et social permettant notamment de
donner corps à la notion de service public du transport aérien. Sur ce sujet,
monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de la qualité de la démarche
suivie par le conseil d'administration d'Air France ?
Telles sont les quelques observations que, au nom de mon groupe, je comptais
produire à la suite de l'examen des crédits du transport aérien et du bubget
annexe de l'aviation civile, crédits que, contrairement aux recommandations de
la commission des finances et de la commission des affaires économiques, nous
approuverons.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
croissance du trafic aérien, au plan tant mondial qu'européen, se poursuit de
façon régulière. L'Organisation de l'aviation civile internationale prévoit
ainsi que cette croissance va perdurer dans les années à venir, annonçant
qu'elle sera en 2002 de 7 % pour la région Asie-Pacifique, de 5,4 % pour
l'Europe et de 5,2 % pour l'Amérique.
Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2001 alloue au budget
annexe de l'aviation civile des crédits qui s'élèvent à 8,95 milliards de
francs, soit une hausse de 2,8 %. Ces dotations devraient donc permettre
d'accompagner la croissance du trafic, de répondre aux impératifs de sécurité
et d'assurer une meilleure fluidité des mouvements, sans pour autant peser sur
les compagnies aériennes et les passagers.
Je note en effet avec satisfaction que, pour la seconde année consécutive, le
Gouvernement a fait le choix de la modération fiscale, même s'il est vrai que
l'augmentation des recettes engendrée par la croissance du trafic permet cette
modération.
Ces crédits permettront la création de 419 emplois dans le secteur de la
navigation aérienne, qui seront tout à fait utiles pour faire face à
l'augmentation du trafic. J'espère que cela contribuera aussi à limiter les
retards. Sur ce point, il apparaît que nous sommes sur la bonne voie, mais la
grogne, monsieur le ministre, est encore forte chez les usagers, bien souvent à
juste titre.
A ce propos, je ne crois pas que les propositions de la Commission européenne,
qui visent à séparer les fonctions de régulateur et d'opérateur dans le domaine
du contrôle aérien et à ouvrir celui-ci à la concurrence, soient de nature à
régler les problèmes de retard. Il nous semble d'ailleurs que la libéralisation
des services de navigation aérienne, outre les questions sociales qu'elle peut
poser, est difficilement compatible avec l'objectif de sécurité. Pouvez-vous,
monsieur le ministre, nous indiquer où en sont actuellement les discussions à
l'échelon communautaire et quelle sera votre position lors du Conseil «
transports » du 21 décembre prochain, et nous préciser quelles nouvelles
mesures peuvent être envisagées, à l'échelon tant européen que national, pour
assurer la ponctualité du transport aérien, sans bien entendu remettre en cause
l'impératif de sécurité ?
Il existe un autre revers à la bonne santé du secteur aérien qui suscite lui
aussi le mécontentement des usagers, à savoir le recours systématique, par les
compagnies aériennes, au système de la surréservation. A cet égard, le
Gouvernement, au cours de la présidence française de l'Union européenne, a fait
du renforcement des droits des passagers une priorité. Cela nous semble être
une très bonne chose. Le Conseil « transports » d'octobre dernier a d'ailleurs
adopté une résolution visant à accorder de nouveaux droits aux passagers : un
droit de recours en cas de litige, une meilleure information, une meilleure
prise en compte des passagers handicapés. Ces questions devraient donc être
inscrites à l'ordre du jour du Conseil « transports » de décembre, et nous nous
en réjouissons. Nous aimerions cependant savoir quelles mesures concrètes sont
envisagées, s'agissant du problème de la surréservation.
Je souhaiterais maintenant, d'une part, étudier le secteur du transport aérien
sous l'angle de l'aménagement durable du territoire, et, d'autre part, évoquer
la question des nuisances environnementales.
Je voudrais tout d'abord attirer votre attention, monsieur le ministre, sur
les stratégies d'alliances et de fusions-acquisitions qui se sont développées
ces dernières années dans le domaine du transport aérien, et sur leurs
conséquences pour le développement des aéroports de province.
Je prendrai notamment l'exemple de l'aéroport de Clermont-Ferrand, qui m'a été
signalé par notre collègue Serge Godard. Plus de 200 millions de francs de
fonds publics ont été investis en dix ans pour cette plate-forme. Or la crainte
exprimée par M. Godard et les responsables économiques de la région Auvergne
est que ces 200 millions de francs aient été dépensés en pure perte.
En effet, ils viennent d'apprendre que la compagnie régionale Airlines,
filiale du groupe Air France, a, depuis la fin du mois d'octobre dernier,
procédé à la suppression de six liaisons directes quotidiennes. Toutes ces
liaisons connaissaient pourtant une croissance très forte de leur
fréquentation. Une très vive inquiétude est apparue à la suite de cette
décision, qui paraît en effet incompréhensible au regard du succès rencontré.
Nos craintes portent notamment sur la stratégie du groupe Air France quant aux
dessertes régionales, et nous savons par ailleurs que les responsables
politiques et économiques des aéroports de province - je pense en particulier à
ceux de Pau et de Caen - les partagent.
Je demande donc à l'Etat d'intervenir auprès du groupe Air France, dont il est
encore l'actionnaire majoritaire, pour que la compagnie nationale prenne en
compte, dans sa stratégie commerciale, la performance et la réussite d'un
«
hub »
comme celui de Clermont-Ferrand. Je voudrais également savoir,
monsieur le ministre, quelles actions l'Etat compte engager pour garantir une
politique d'aménagement du territoire cohérente dans le domaine aéroportuaire.
M. Godard m'a d'ailleurs indiqué qu'il vous transmettrait une note sur ce
problème particulier à la fin de cette séance.
L'activité de l'ensemble des grandes plates-formes aéroportuaires est donc en
augmentation. Si l'on s'intéresse aux aéroports parisiens, on constate que
cette plate-forme a connu, en 1999, une hausse d'activité du trafic passagers
de 8,4 %. S'agissant des six principaux aéroports de province, cette
augmentation est de 7 %, ce chiffre restant valide pour la seule plate-forme
aéroportuaire de Toulouse, où le trafic a crû de 10 % pour le fret.
Cependant, l'accroissement du nombre de mouvements est à l'origine de
nouvelles nuisances sonores et environnementales : c'est un peu l'effet pervers
du succès. L'an dernier, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores
aéroportuaires a été créée par la loi du 12 juillet 1999, sur votre initiative,
monsieur le ministre. La mise en place de cette autorité constitue une avancée
essentielle dans la lutte contre le bruit aux abords des aéroports. Elle
dispose de réels pouvoirs de contrôle, de recommandation, d'information et de
prescription, mais aussi et surtout de sanction. Le projet de loi de finances
pour 2001 permet de doter cette autorité de quatre agents supplémentaires, ce
qui est une bonne chose.
S'agissant maintenant des nuisances environnementales, j'étais intervenu, lors
de l'examen du projet de loi de ratification du protocole de Kyoto visant à
lutter contre l'effet de serre, pour regretter que ce protocole ne prenne pas
en compte l'ensemble des sources d'émission de gaz à effet de serre, notamment
le transport aérien, qui représente à lui seul 12 % des émissions de gaz
carbonique du secteur des transports. C'est là, je crois, une question dont il
faut se préoccuper, d'autant que le trafic aérien est en pleine croissance. On
ne peut donc que déplorer l'échec de la conférence de La Haye, en espérant
qu'il ne s'agit que d'un retard qui devrait permettre de déboucher sur un bon
accord.
En effet, nous avons su apporter des réponses au problème des nuisances
sonores aux abords des aéroports, et je crois que nous pouvons aussi trouver
des solutions pour lutter contre la pollution atmosphérique provoquée par les
avions. C'est un chantier auquel l'Union européenne doit s'attaquer et la
réponse, bien évidemment, ne pourra qu'être internationale, et sera sans doute
élaborée au sein de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile
internationale.
Pour revenir au projet de budget, monsieur le ministre, je note que les
dotations en faveur du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport
aérien diminuent. Aucun crédit n'est notamment prévu pour financer les lignes
d'aménagement du territoire, cela a été dit excellemment par M. Jean-François
Le Grand,...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Merci !
M. Jean-Pierre Plancade.
... en raison des reports de crédits de l'exercice 2000. Cette
sous-consommation des crédits doit nous amener à nous interroger sur la
pertinence des critères retenus. Ne faudrait-il pas les revoir ?
Enfin, avant de conclure, je souhaiterais dire un mot sur la construction
aéronautique. C'est, là encore, un sujet qui me tient à coeur, tant il est lui
aussi important en termes d'aménagement du territoire, ainsi que l'a très bien
rappelé M. Yvon Collin.
Je souhaiterais d'abord que vous fassiez le point, monsieur le ministre, sur
le projet de création d'une autorité européenne de plein exercice chargée de la
certification des aéronefs. Où en est ce projet ? Quel sera le statut de cette
autorité ?
Ensuite, je rappellerai que 1999 a été une année phare pour la construction
aéronautique européenne. Cette année a vu, en effet, la création d'un grand
pôle européen de l'aéronautique, la société EADS, capable de rivaliser et de
faire jeu égal avec les grands groupes américains.
L'année 2000 l'est tout autant : le 10 juillet a eu lieu la première cotation
en bourse des actions d'EADS sur les marchés de Paris, de Francfort et de
Madrid, et, le 23 juin, les membres du GIE Airbus, EADS et BAE Systems ont
annoncé leur accord de principe pour la transformation du GIE en une société
anonyme par actions simplifiée dénommée AIC, qui devrait voir le jour le 1er
janvier 2001.
Ces évolutions donnent désormais à l'industrie aéronautique européenne les
moyens humains, financiers et techniques pour lancer de grands projets
industriels. Elles donnent aussi à Airbus tous les moyens de son
développement.
Pour ma part, en ma qualité de sénateur de la Haute-Garonne, je ne peux que me
féliciter de ces évolutions positives en termes d'emploi, de développement de
richesse et d'aménagement du territoire. En accueillant le siège opérationnel
d'Airbus, Toulouse et son agglomération confirment leur place de capitale de
l'aéronautique européenne.
Cependant, monsieur le ministre, je ne peux pas ne pas évoquer le sort de
l'ATR. Nous savons que cette réalisation franco-italienne est très largement
concurrencée par les produits d'entreprises américaines, canadiennes ou
brésiliennes qui construisent des avions à réaction recueillant la préférence
des compagnies aériennes, au détriment, peut-être, de l'avion à hélice que nous
continuons à produire. Ne serait-il pas temps de montrer la voie pour lancer un
programme de modernisation de l'ATR, afin de ne pas abandonner le créneau de la
construction des avions de transport régional à l'Amérique ? Il s'agit de
défendre quelques milliers d'emplois. Nous serons très attentifs à votre
réponse, monsieur le ministre.
Au total, le projet de loi de finances témoigne de la volonté du Gouvernement
de soutenir la construction aéronautique ; ainsi, les crédits de paiement
finançant les avances remboursables augmentent de plus de 34 %, pour atteindre
1,2 milliard de francs. Ces dotations sont notamment destinées au lancement de
l'A3XX et au développement de nouveaux moteurs par la SNECMA.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Par Dassault
aussi !
M. Jean-Pierre Plancade.
En effet !
Monsieur le ministre, sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens,
le Gouvernement a su faire prévaloir l'intérêt général, ainsi que définir et
mettre en oeuvre une stratégie industrielle et une politique des transports
aériens qui soit au service de l'emploi et du développement durable. Les moyens
mobilisés par ce projet de loi de finances permettent de soutenir cette
politique, et le groupe socialiste votera donc les crédits des transports
aériens et du budget annexe de l'aviation civile.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sera relativement bref, et portera sur trois points.
Premier point, nous constatons un développement important du trafic aérien,
s'agissant aussi bien du fret que des passagers. En ce qui concerne le fret, un
certain nombre de nouveautés sont d'ailleurs apparues, notamment la montée en
puissance très nette dans notre pays, et observée depuis longtemps aux
Etats-Unis, des grands routeurs, à l'instar de DHL, de Federal Express ou même
d'Air France-Cargo, qui, de plus en plus, envahissent le marché du transport
tout court et concurrencent même le transport maritime, dès lors qu'il s'agit
de marchandises ayant une certaine valeur au kilogramme, et surtout pour
lesquelles la livraison doit être rapide et régulière.
A cet égard, monsieur le ministre, les perspectives sont floues, c'est le
moins que l'on puisse dire. Quelle est la part de ce fret dont le transport
sera assuré, dans l'avenir, par les avions spécialisés, dits avions cargo ?
Quelle part de ce fret continuera, comme aujourd'hui, à emprunter les soutes
des avions de ligne ?
De la réponse à cette question découle bien entendu toute une série de
déclinaisons. Notre collègue Albert Vecten, promoteur de l'aéroport de Vatry,
a-t-il eu raison trop tôt, a-t-il eu raison à temps ou s'est-il trompé ? Nous
n'en savons rien pour l'instant, mais le moins que l'on puisse dire, c'est que
l'évolution des choses, telles qu'elles se dessinent, va plutôt, me
semble-t-il, dans le sens de l'augmentation du fret dans les grandes
plates-formes aéroportuaires classiques. D'ailleurs, si j'étais un routeur,
ayant à envoyer des colis du continent nord-américain en Europe, j'utiliserais
plutôt des avions de ligne qui décolent toutes les dix minutes, tous les quarts
d'heure ou toutes les demi-heures que des avions-cargos dont la fréquence est
forcément moins régulière.
C'est un premier point sur lequel je n'ai pas le sentiment que les doctrines
de votre ministère soient parfaitement arrêtées.
Deuxième point que je voudrais évoquer, le mécontentement qui monte chez les
passagers, spécialement en France. Les excellents rapports préparés au bénéfice
du Sénat font en effet apparaître, en France plus que dans d'autres pays
européens, des retards permanents, des vols annulés, et autres difficultés.
Certains y voient les conséquences d'un système européen insuffisamment
intégré. C'est probablement l'une des explications.
D'autres ont tendance à penser que le rythme de travail, les contraintes
statutaires et autres spécificités inhérentes au corps des contrôleurs aériens
français ne font qu'aggraver la situation. Là encore, j'aimerais savoir si
votre ministère a quelques idées, doctrines et perspectives en la matière pour
faire en sorte que les chirurgiens soient à l'heure dans leurs hôpitaux, que
les hommes d'affaires soient à l'heure à leurs rendez-vous, que les vacanciers
ne tournent plus comme des bêtes en cage dans les aéroports en attendant un
hypothétique avion, ce qui gâche plus ou moins le début de leurs vacances !
Nous savons tous que ces retards ne sont pas tous imputables aux compagnies
aériennes et qu'il y a des responsabilités à chercher ailleurs. Nous aimerions
savoir, monsieur le ministre, quelles sont vos perspectives en ce domaine.
Je vous ai déjà interrogé voilà quelques jours, par le biais d'une question
orale, sur le troisième point qui me préoccupe. Il s'agissait du fameux
troisième aéroport de la région parisienne. J'avais déposé ma question orale
avant que vous n'en annonciez la création, mais elle n'est venue en séance
publique qu'après. Vous me l'aviez fait remarquer, et je l'avais admis.
Vous m'aviez répondu alors que l'on y verrait plus clair au mois d'avril
prochain, et vous aviez accepté de discuter du problème que je soulevais, à
savoir la limitation de l'aéroport de Roissy à 55 millions de passagers. Au
demeurant, c'est là une notion sans valeur en soi, parce que tout dépend de la
capacité des avions et que, en réalité, les nuisances d'un aéroport se mesurent
plutôt aux quantités de bruit émises. Or, que je sache, sur l'aéroport de
Roissy, actuellement, plus de 60 % des nuisances sonores sont émises par moins
de 5 % des vols. On sait aussi les compagnies qui sont en cause, mais une
pudeur antiraciste interdit de les rappeler à l'ordre.
Mais je crains que cette décision unilatérale n'aboutisse, d'une part, à ce
que l'on rende moins performant qu'il ne pourrait l'être dans l'avenir un outil
qui s'est avéré au fil des ans avoir été un trait de génie anticipateur des
gouvernements et même des présidents de la République d'il y a déjà une
trentaine d'années, et, d'autre part, que l'on ne crée un désordre inextricable
dans tout l'est du Bassin parisien. Je m'explique.
Actuellement, autant que je sache, l'aéroport d'Atlanta, qui est le frère
jumeau de l'aéroport de Roissy, tourne sur une base de 85 à 90 millions de
passagers par an, avec des perspectives à 110 ou 115 millions, sans que cela
gêne en quoi que ce soit l'exploitation de la plate-forme.
En revanche, il est vrai que chez nous, nous éprouvons un certain nombre de
difficultés qui, à ma connaissance, résultent de deux faits.
Premièrement, on s'est fort peu soucié - pour ne pas dire qu'on s'est assis
dessus - de l'ancien SDAURIF, le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme
de la région Ile-de-France, en laissant se développer, et ce à coup de
dérogations, des constructions au voisinage, voire dans l'antériorité d'un
certain nombre de cônes de bruit.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Mais non !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ce n'est pas moi
!
M. Paul Girod.
Monsieur le ministre, je n'accuse personne, je constate.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Venez habiter dans le Val-d'Oise !
M. Paul Girod.
Par ailleurs, si j'analyse bien les cônes de bruit, tels qu'ils ont été
définis voilà quelques années, ceux des pistes nord sont infiniment plus longs
que ceux de la piste sud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Venez dans le Val-d'Oise et vous verrez ! Vous pourrez alors parler en
connaissance de cause !
M. Paul Girod.
Mon cher ami, puis-je me permettre de vous répondre que 60 % des gens qui se
plaignent aujourd'hui de ces nuisances se sont installés après la construction
de l'aéroport !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ce n'est pas vrai !
M. Paul Girod.
Ceux qui se plaignent sont à l'image de ceux qui achètent une résidence
secondaire dans ma région et qui, le dimanche, protestent parce que, au petit
matin, un coq chante dans la cour de la ferme d'à côté !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
C'est ridicule, on ne peut pas comparer le bruit d'un avion au chant d'un coq
!
M. Paul Girod.
Devant de tels excès, nous avons tous des examens de conscience à faire, mais
ce n'est pas en s'affrontant que l'on résoudra le problème.
Deuxièmement, monsieur le ministre, le fameux cône de bruit des pistes sud a
été calculé très court vers l'ouest pour des raisons qui restent mystérieuses
pour tous ceux qui sont aujourd'hui confrontés à l'affolement généralisé des
populations. Je ne parle même pas de l'action d'un certain nombre de pêcheurs
en eaux troubles dont je commence à me demander, dans le sud de l'Aisne en
particulier, s'ils ne sont pas en train d'essayer d'affoler l'ensemble des
propriétaires locaux de maisons ou de terrains pour obtenir des baisses
immédiates, susceptibles de procurer à des intervenants bien avisés quelques
plus-values futures sur lesquelles il faudra un jour s'interroger.
Alors, monsieur le ministre, il faut sortir de l'ambiguïté ! Il faut
maintenant que l'on sache très vite quels sont les sites retenus.
Vous avez dit qu'on y verrait plus clair au mois d'avril. Pour être franc, on
ne peut plus attendre jusqu'au printemps. Nous devons savoir très vite au moins
quelle est la liste des sites à l'étude. Je ne peux pas continuer à voir dans
mon propre département circuler des documents dont on me dit qu'ils sortent de
Matignon - je suis persuadé que c'est faux - dans lesquels on voit des
périmètres d'aéroport qui ne sont même pas est-ouest, mais sud-ouest -
nord-est, dans lesquels on nous explique que tout est déjà pratiquement
arrêté.
Il faut, monsieur le ministre, que votre ministère mette de l'ordre dans les
informations qui circulent et qu'un certain nombre de démentis ou tout au moins
de mises au point soient faites le plus vite possible. Nous sommes actuellement
en face d'une dégradation de la situation psychologique sur au moins deux
arrondissements du département de l'Aisne dans lesquels on ne peut pas
continuer à vivre dans ce climat encore quelques mois, je vous le dis comme je
le pense. C'est une des raisons pour lesquelles, en dehors des deux autres, je
tenais à intervenir dans ce débat car, honnêtement, je suis très préoccupé de
la dégradation de la situation dans ce secteur.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Quel mépris du voisin !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je
veux tout d'abord remercier les deux rapporteurs, MM. Le Grand et Collin, et
louer la qualité de leurs rapports, qui témoigne de leur bonne connaissance du
transport aérien de leur fidélité au transport aérien.
Je ne peux qu'adhérer au tableau qu'a brossé M. Le Grand de la croissance du
transport aérien - vous avez été plusieurs à le dire - et du redressement des
entreprises. Ce point n'est pas négligeable pour moi parce qu'on peut ainsi
mesurer l'évolution qui s'est produite depuis trois ans notamment. C'est mon
quatrième budget en qualité de ministre. Cette évolution est réelle. Vous avez
bien fait de le souligner. Elle ne correspond pas aux prévisions qui
prévalaient à l'automne 1997, lorsque je présentais mon premier budget.
Comme l'ont rappelé vos rapporteurs et M. Plancade, le transport aérien se
développe fortement, de l'ordre de 5 % à 6 % par an. Les résultats d'Air France
sont bons. Ils viennent d'être publiés et ils sont très positifs. Personne ne
pensait que cette entreprise, en déclin voilà quelques années, qui supprimait
des emplois, qui était menacée de liquidation, pourrait passer des alliances.
Tout cela est aujourd'hui démenti. Cette entreprise publique, certes ouverte et
modernisée, confirme qu'elle est capable de se développer.
Les résultats de l'industrie aéronautique sont bons, vous l'avez souligné, et
les perspectives aussi.
Le seul point faible porte sur les petites compagnies de transport aérien dont
certaines, en métropole et outre-mer, se trouvent dans des situations
financières délicates. M. Le Grand y a fait allusion, et je partage cette
préoccupation.
La situation du transport aérien français évolue vers des regroupements autour
d'Air France d'une part, ou autour d'AOM et Air Liberté d'autre part, qui
dépendent aujourd'hui de Swissair.
MM. Le Grand et Plancade craignent que ces regroupements ne conduisent à la
suppression de lignes régionales. C'est une question, même si aucun phénomène
d'ampleur généralisée n'a jusqu'à présent été constaté. Des suppressions de
ligne peuvent affecter certaines liaisons. C'est le cas en Normandie mais aussi
à Clermont-Ferrand, comme cela a été dit. Une concertation est en cours à ce
sujet entre la compagnie et les élus. Sachez que j'observe attentivement ces
évolutions.
Pour autant, ne me demandez pas - ou alors dites-le franchement -
d'administrer les entreprises, y compris quand elles sont publiques. Ce n'est
pas l'intention du Gouvernement.
Il faut savoir ce qu'on veut. Ce sont des entreprises publiques. Au conseil
d'administration d'Air France siègent six représentants administrateurs de
l'Etat et six représentants du personnel. C'est un événement, qui a d'ailleurs
été quelque peu retardé, notamment en raison de la position du Sénat.
La compagnie Air France s'administre pour se développer, se défendre sur la
base de divers critères. C'est là que peut intervenir l'actionnaire public
qu'est l'Etat.
La croissance du trafic aérien se traduit nécessairement par des créations
d'emplois. En 2001, le budget annexe de l'aviation civile verra la création de
429 emplois, dont 216 seront d'ailleurs consacrés à la résorption de
surnombres, c'est-à-dire des postes existants mais qui n'étaient pas affectés.
Il permet également de pallier les départs en retraite, de prendre en compte
l'évolution des qualifications, et de lutter contre les problèmes de retard
dont vous avez parlé. J'y reviendrai, M. Plancade a d'ailleurs insisté sur ce
point à juste raison.
Monsieur Collin, vous avez évoqué le surbooking, la surréservation en
français. Pour moi, c'est une pratique absolument insupportable, mais c'est à
l'échelle de l'Europe au moins et sûrement à l'échelle du monde qu'il faut
faire évoluer les choses.
J'ai également le sentiment qu'il faut à la fois développer et défendre les
droits des passagers, y compris, monsieur Paul Girod, lorsqu'il s'agit d'une
personne qui s'apprête à partir en vacances et qui se retrouve dans cette
situation. Cela peut être vrai pour les sénateurs qui veulent arriver à
l'heure, surtout compte tenu des horaires très précis auxquels vous êtes
maintenant astreints, mesdames, messieurs.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Même à un train de sénateur !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela peut avoir
de très graves conséquences. C'est une pratique inadmissible et, à la limite,
une pratique qui méprise l'usager. C'est ainsi que j'ai porté l'affaire à
l'échelle européenne en tant que président en exercice du conseil des ministres
des transports européens. Mais je pense que si les usagers ont des droits, ils
ont aussi des devoirs qu'ils doivent accepter.
Les compagnies ne pratiqueraient pas la surréservation si certains passagers
ne prenaient pas, pour de simples convenances d'horaire, des réservations sur
cinq, six, voire sept vols.
La bonne situation du transport aérien ne pourra se maintenir que par une
politique volontariste des pouvoirs publics dans plusieurs domaines.
En ce qui concerne la politique industrielle, monsieur Collin, vous m'avez
félicité, avec l'humour qui vous caractérise, des évolutions du statut de
l'industrie aéronautique.
J'étais au Gouvernement lorsque s'est constituée la compagnie EADS, qui
résulte de la fusion de deux compagnies privées allemande et espagnole avec une
compagnie française, qui était elle-même le résultat d'une fusion entre une
compagnie publique, Aérospatiale, et une compagnie privée, Matra. Comment
voulez-vous qu'au bout du compte une telle fusion se traduise par une
entreprise ayant un capital public majoritaire ? Si c'est ce que vous me
reprochez...
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je ne vous reproche rien, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Permettez-moi de
vous faire remarquer que votre humour était assez perfide.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Pas du tout !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je retire le mot
« perfide ».
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Je vous ai même félicité et j'étais sincère !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je me suis
battu, y compris au sein du Gouvernement. Lorsque le Premier ministre, le
ministre de l'économie et des finances, le ministre de la défense et moi-même
avons débattu de ces questions, nous avons veillé à ce que la France ait toute
sa place dans ce dispositif.
Ce qui se passe avec l'A3XX, le développement des capacités d'Airbus, y
compris la perspective d'implantation de son siège social à Toulouse n'est pas
sans liaison avec cette action et mon intervention dans ce domaine.
La création de la société EADS associant le Français Aerospatiale-Matra,
l'Allemand DASA et l'Espagnol CASA, confortée par l'accord conclu par la suite
entre EADS et l'Italien Finmeccanica, et la transformation du statut de GIE
d'Airbus Industrie en société de plein exercice, associant notamment EADS et
British Aerospace, sont des facteurs décisifs de cette transformation.
Le développement de l'industrie aéronautique bénéficie de soutiens importants,
tant en ce qui concerne la recherche qu'en matière de nouveaux produits.
Je ne reviens pas sur le montant des avances remboursables qui, vous le savez,
seront pour une large part destinées au nouvel avion très gros porteur A3XX,
ainsi qu'au moteur de la SNECMA et au nouveau Falcon de chez Dassault. Parfois,
on néglige ces affectations. C'est d'ailleurs le cas dans vos interventions, me
semble-t-il. Par ailleurs, la décision de lancement par Airbus de l'A3XX est,
je crois, tout à fait imminente.
Je puis vous dire, monsieur Collin, que le Royaume-Uni et l'Espagne ont déjà
décidé de verser des avances remboursables. Quant à l'Allemagne, à la suite de
la rencontre franco-allemande de Vittel, celle-ci a annoncé qu'elle se ralliait
à la position commune en faveur des avances remboursables. Nous sommes dans le
cadre de l'accord de 1992 conclu entre l'Europe et les Etats-Unis sur le
financement de ce genre de situations.
Vous me demandez, monsieur Collin, quel est le taux de consommation des
avances remboursables pour l'A3XX : je vous réponds franchement, et je vais
vous étonner : zéro !
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Ah bon !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En effet, l'A3XX
n'est pas encore lancé !
Pourquoi avons-nous inscrit des crédits dans le budget au titre des avances
remboursables ?
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
C'est la question !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En agissant
ainsi, nous avons voulu montrer l'engagement de la France. En choisissant cette
démarche, nous vous avons permis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme
l'ensemble des parlementaires, de contribuer à lever toutes les hésitations qui
pouvaient planer sur le rôle de la France dans le lancement de l'A3XX.
Les crédits prévus en 2000 à cet effet - 240 millions de francs en
autorisations de programme - seront reportés sur 2001.
En matière aéroportuaire, la politique préconisée dans les propositions de
schémas de services collectifs « transport », consiste à rechercher une
meilleure utilisation des aéroports existants et à envisager la construction de
nouvelles infrastructures.
Toutes les études convergent sur le fait que la limite de trafic qu'il est
raisonnable de prévoir, notamment pour des raisons d'environnement, pour les
aéroports existant en région parisienne sera atteinte avant dix ans, à une
échéance plus rapprochée, disent certains, que l'échéance prévue lorsque la
décision avait été prise de construire deux doublets de pistes sur l'aéroport
de Paris-Charles-de-Gaulle.
Le Gouvernement a donc adopté une politique aéroportuaire globale, fondée sur
le développement d'un réseau de plates-formes complémentaires à l'échelle
nationale.
Dans ce cadre, grâce aux plates-formes de Notre-Dame-des-Landes entre Nantes
et Rennes ou de Lyon-Saint-Exupéry, par exemple, les relations aériennes des
grandes aires métropolitaines seront facilitées avec les principaux pôles
européens ou mondiaux.
En complément de ces mesures, une plate-forme à vocation internationale est
nécessaire pour le Bassin parisien.
Des études sont engagées sur la configuration du projet et sur les sites. Si
vous me demandez, monsieur Paul Girod, de vous dire tout de suite quel site
sera choisi, je ne pourrai pas le faire, puisque, justement, l'implantation de
ce nouvel aéroport est à l'étude.
Nous avons dit que trois régions étaient susceptibles d'accueillir ce nouvel
aéroport du grand Bassin parisien : les régions Picardie, Centre et
Champagne-Ardenne.
Il faut choisir le site le plus favorable, celui qui présente le moins de
risques, du point de vue de l'environnement urbain notamment, et il ne faut pas
faire les erreurs qui ont pu être faites auparavant.
Il faut aussi penser aux liaisons entre les trois aéroports, entre Orly,
Roissy et ce troisième aéroport dont on parle.
Il faut tenir compte également de ce qui se passe dans le ciel, car il ne faut
pas croire qu'on peut tout faire passer n'importe où, n'importe comment.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Mais le travail avait été fait par la mission
Douffiagues !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous savez bien
comment cela marche ! Chaque avion est dans une « boîte à chaussures virtuelle
» et il est impératif qu'aucune ne touche l'autre.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
La comparaison est audacieuse !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai utilisé
cette comparaison en conseil des ministres, et elle a été très appréciée !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade.
Nous avons un ministre pédagogue !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur Le
Grand, vous avez évoqué la question de l'urbanisation aux abords des aéroports.
Ce sujet est difficile.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Oui.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous aviez déjà
évoqué cette question lors d'un précédent débat au sujet des vieux bourgs
situés à proximité des aéroports. Nous devons apporter - en tout cas pour le
nouvel aéroport - des solutions ambitieuses et protectrices pour les
populations.
En matière d'environnement, le Gouvernement souhaite, avec les riverains et
les élus, un contrôle démocratique des engagements - et j'en ai pris - et une
garantie de l'indépendance du contrôle des nuisances.
C'est dans cet objectif que vous avez voté la loi qui a conféré à l'autorité
de contrôle des nuisances aéroportuaires un pouvoir de recommandation et de
contrôle, y compris de sanction, sur toute question relative à la maîtrise des
nuisances sonores autour des aéroports.
Cette autorité est en place et commence à travailler. Un de ses premiers
dossiers sera celui de la réorganisation de la circulation aérienne en région
parisienne. Cette question est extrêmement sensible parmi les populations et
les élus.
Je puis vous dire qu'une information précise, détaillée, sera très
prochainement diffusée. En effet, il faut éviter qu'il ne se dise tout et
n'importe quoi et que certains profitent des fantasmes qui peuvent se créer.
Mais il existe aussi de vrais problèmes. Je vais donc veiller à ce qu'il y ait
une information rapide et précise.
Il est bien évident que les pistes ne seront pas orientées Nord-Sud. M. Pierre
Graff, directeur général de l'aviation civile, ne pourrait que me confirmer que
même les changements climatiques ne laissent pas prévoir que cela soit possible
à l'avenir.
Venons-en au projet de budget. Je souhaite tout d'abord faire justice d'une
affirmation de M. Collin selon laquelle ce budget ne serait pas sincère :
certaines charges, tel le financement du futur protocole avec les contrôleurs
aériens, ne seraient pas inscrites au budget. Il est sincère comme je le suis
!
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
C'est ce qui nous inquiète.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous l'êtes assurément plus que
le budget !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Si cela ne
dépendait que de moi, vous seriez totalement rassurés.
Comme vous le savez, les modifications indemnitaires et statutaires,
l'évolution des emplois, l'adaptation de l'organisation du travail figurent,
pour l'aviation civile, dans des protocoles conclus pour une durée de trois ans
et non pour un budget. Le protocole de 1997 est arrivé à expiration ; des
discussions se déroulent sur l'élaboration de celui qui couvrira la période
2001-2003.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial.
Il risque d'y avoir des blocages en 2001 !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
A la date
d'élaboration du budget, on ne pouvait prévoir les dépenses correspondantes.
A cet égard, je vais peut-être vous faire une révélation : les discussions se
sont terminées ce matin à huit heures, avec l'adoption d'un nouveau protocole
qui a reçu l'accord d'un grand nombre de syndicats.
Les arbitrages nécessaires auront lieu pour que les engagements soient
financés en 2001 sans affecter les grandes masses qui conditionnent le budget
annexe.
J'ai été interrogé sur les contrôleurs : temps de formation initiale, quatre à
cinq ans ; formation après mutation, quinze à vingt ans ; demandes de mutation
acceptées au bout de trois ans de service ; durée moyenne d'affectation dans un
poste, huit à onze ans, mais il faut dire que de fortes variations
interviennent entre le Nord et du Sud, région très recherché.
M. le rapporteur spécial s'étonne que les compagnies aériennes ne soient pas
associées aux négociations sociales. Il en a toujours été ainsi pour mes
prédécesseurs, de droite comme de gauche, et pour cause.
L'existence d'un budget annexe permet d'associer les compagnies aériennes aux
choix budgétaires. Au niveau d'Eurocontrol, les compagnies peuvent s'exprimer
au sein de la commission, du conseil provisoire et au comité élargi des
redevances de routes.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur Collin, la proposition de loi de M. le
député Migaud concernant la réforme des lois de finances. Bien sûr, dans cette
proposition est évoquée la suppression des budgets annexes. La réforme des
procédures budgétaires, tout à fait nécessaire, ne doit pas servir de prétexte
ou de paravent à des évolutions dictées par des présupposés idéologiques. Le
budget annexe, outil de gestion plus efficace et plus transparent que le budget
général, est en lui-même un des « programmes » que vise à mettre en place la
proposition Migaud.
M. Le Grand et M. Lefevre ont évoqué la terrible catastrophe du Concorde. Je
voudrais réaffirmer ici mon attachement à la reprise des vols du Concorde dès
qu'il sera confirmé que l'enchaînement ayant conduit à une telle catastrophe ne
peut se reproduire.
Le travail que mènent actuellement les administrations et les industriels
donne à espérer que des mesures permettant d'assurer la sécurité dans des
conditions satisfaisantes pourront être prochainement arrêtées et mises en
oeuvre dans un délai raisonnable. Nous y travaillons avec nos homologues
britanniques et, comme M. le rapporteur, je suis prêt à saluer ici le travail
du bureau enquêtes accidents.
La sécurité et la régularité des vols sont deux objectifs principaux.
Monsieur le rapporteur, vous soulignez l'augmentation de 35 % des crédits de
fonctionnement de la navigation aérienne entre 1994 et 2001. Mais, dans le même
temps, le trafic traité s'est accru de 54 %. Les gains de productivité ont
permis de réduire de près de 19 % en francs courants le taux unitaire national.
De plus, c'est entre 1997 et 2001 que l'essentiel de ces gains de productivité
a été réalisé.
Les transporteurs aériens souhaitent que la croissance des crédits
d'investissement soit encore plus rapide.
L'année 2000 est marquée par une réduction sensible des retards, quoique je
pense, comme vous, qu'il faut continuer à mener cette bataille pour les réduire
encore.
L'analyse des retards dits « en chaîne » sur certaines liaisons intérieures
importantes montre que les problèmes de congestion de l'espace aérien
représentent entre 30 % et 50 % de toutes les causes de retard. Mais il n'y a
pas seulement la navigation qui est en cause, il y a aussi les compagnies, les
aéroports et la coordination à l'échelle européenne ; c'est sur tous ces
éléments qu'il faut agir.
Il faut aussi reconsidérer les rapports entre civils et militaires de façon
que tout soit fait pour que l'aviation civile, qui se développe, dispose de
l'espace nécessaire pour faire circuler ses avions. C'est une question
difficile à régler, mais nous y travaillons, dans de très bonnes conditions,
avec M. Alain Richard, mon collègue de la défense.
M. Paul Girod a abordé ces sujets, il a eu tout à fait raison de le faire. J'y
suis, moi aussi, très attentif, y compris à l'échelle européenne. Toutefois, je
ne crois pas, comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, que c'est par la
séparation de l'opérateur et du régulateur dans la navigation aérienne que nous
résoudrons les problèmes. Au contraire, il s'agit de mieux coordonner, de
régler des problèmes techniques majeurs. C'est pourquoi nous créons plus de
postes de contrôleurs du ciel. En tout cas, je ne pense pas qu'il suffise de
libéraliser ou de privatiser pour que les choses marchent mieux. La vie a
montré que ce n'était pas toujours évident.
La situation de la France s'est améliorée en matière de retard. En effet, la
part de la France dans le volume européen des retards liés à la circulation
aérienne a diminué ces deux derniers mois, tombant à environ 15 % du total
seulement, ce qui est une très bonne performance. Les projets de la Commission
européenne doivent être examinés avec attention.
En réaction à l'accroissement des retards des vols constaté en 1999, la
Commission européenne a présenté au conseil des ministres une communication sur
le contrôle aérien en Europe, relative à la création du « ciel unique européen
». Sur ce thème, la Commission a constitué un groupe de réflexion à haut
niveau.
Le Conseil européen va devoir prendre position au premier semestre 2001 sur
ces propositions. J'ai demandé que la présidence française évoque ce sujet dans
trois semaines au conseil des ministres des transports européens.
Au demeurant, comme je l'ai toujours dit et comme le montrent les résultats de
l'année 2000, les solutions pour faire face à l'accroissement du trafic sont
essentiellement de nature technique. Ces actions ne nécessitent pas une
augmentation de la pression fiscale, monsieur le rapporteur.
L'augmentation du trafic permet en effet d'accroître les recettes sans
affecter les grands équilibres du budget annexe. A cet égard, j'entends
consolider la baisse des tarifs des redevances qui a été réalisée ces dernières
années.
Par ailleurs, les taux de la taxe de l'aviation civile seront maintenus au
même niveau que ceux qui ont été votés l'année dernière et l'année précédente.
Les fourchettes de la taxe d'aéroport perçue au profit des gestionnaires
d'aéroport ne sont pas modifiées.
M. Collin s'est inquiété de l'endettement du budget annexe. Je peux le
rassurer : d'ores et déjà, l'endettement net de 4,5 milliards de francs en 1998
est stabilisé et il sera un peu réduit en 2000, ce qui va donc dans le bon
sens.
Je voudrais enfin indiquer que le fonds d'intervention pour les aéroports et
le transport aérien - le FIATA - reste toujours un outil d'aménagement du
territoire. En effet, aux vingt-et-une liaisons exploitées à ce jour
s'ajouteront d'autres lignes pour lesquelles des dossiers ont été présentés ou
sont en voie de l'être.
Les dépenses du FIATA, monsieur Lefebvre, augmenteront de 50 % par rapport à
2000 alors que l'on doit constater une baisse des crédits de ladite ligne
budgétaire. Cette augmentation est essentiellement due à des reports de crédits
d'un total de 170 millions de francs.
Cette situation résulte des premières décisions prises lors de la création du
fonds de péréquation du transport aérien, le FPTA : le montant de la taxe avait
été fixé à un niveau supérieur aux besoins. Il en ira de même avec la prise en
charge en 1999 des dépenses de sécurité incendie et de sûreté par le FTPA. Les
crédits votés se sont révélés excédentaires.
En fin de compte mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que vous devriez
tous pouvoir voter ce budget, qui est un bon budget en progrès.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le transport aérien et la
météorologie, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront
mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la
mer.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs ;
« Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs ;
« Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 35 et 36.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 7 725 779 993 francs.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 35 au titre des services
votés.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme : 1 401 500 000 francs ;
« II. - Crédits : 1 233 279 504 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits ouverts à
l'article 36, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le transport aérien, la météorologie et le budget annexe de
l'aviation civile.
IV. - MER
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole est à M. Lise, rapporteur spécial.
M. Claude Lise,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits
au budget de la marine marchande pour 2001 s'élèvent à 6 041 millions de
francs, en augmentation de près de 7 % par rapport à la loi de finances
initiale pour 2000. Cette augmentation fait suite à une légère diminution - de
0,41 % - du budget de la marine marchande l'année passée.
Il s'agit donc d'une progression très supérieure à celle du budget de l'Etat
et même à celle du budget de l'équipement, des transports et du logement.
Cette croissance est certainement la conséquence d'une meilleure prise de
conscience des enjeux liés à la sécurité maritime depuis le naufrage de
l'
Erika.
La marée noire provoquée par ce naufrage et les rapports parlementaires qui
l'ont suivi, en particulier celui du Sénat intitulé :
Erika : indemniser et
prévenir
ont montré avec force qu'il fallait renforcer les contrôles des
navires qui viennent dans nos ports, l'action de prévention assurée par les
unités littorales des affaires maritimes, ainsi que la signalisation
maritime.
Cette triple nécessité s'est trouvée malheureusement confirmée par le naufrage
du navire chimiquier italien
Ievoli Sun,
moins d'un an après celui de
l'
Erika.
Le montant des crédits affectés à la sécurité dans le projet de loi de
finances pour 2001 traduit le caractère prioritaire de cet aspect.
Ainsi, la dotation consacrée à la signalisation maritime progresse
significativement.
Le comité interministériel de la mer du 28 février 2000 a, en effet, pris la
décision d'accélérer le programme de remise en état des phares et balises et de
modernisation de la flotte de balisage, pour une réalisation sur trois ans au
lieu des cinq prévus initialement.
Il a décidé de lui consacrer 300 millions et de débloquer, immédiatement, 17,6
millions de francs pour réparer les matériels de balisage endommagés par la
tempête.
Après les crédits obtenus en collectif budgétaire, les crédits
d'investissement augmentent de 40 % en autorisations de programme, même s'il
faut signaler une diminution des crédits de paiement.
Les centres de sécurité des navires - CSN - chargés de contrôler les navires
français de commerce, de pêche et de plaisance, ainsi que les navires étrangers
en escale dans les ports ont fait l'objet d'une attention particulière.
Leurs moyens humains sont manifestement insuffisants : les inspecteurs et
contrôleurs des CSN sont actuellement au nombre de 54, alors que chez nos
voisins anglais ou espagnols, ils sont plus de 200 à effectuer les mêmes
missions.
Cette situation de sous-effectif, on s'en est aperçu, a des conséquences
directes sur le contrôle des navires étrangers.
Les Etats parties au Mémorandum de Paris s'engagent, en effet, à effectuer un
nombre total d'inspections par an correspondant à 25 % du « nombre estimé de
navires de commerce entrés dans leurs ports ». Or, depuis 1997, ce taux s'est
effondré, atteignant à peine 14 % aujourd'hui.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement a établi pour objectif le
doublement des effectifs d'inspecteurs affectés aux missions de sécurité d'ici
à 2003. Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit donc la création de 16
emplois d'inspecteur de la sécurité des navires.
Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer,
les CROSS, au nombre de cinq en métropole, voient également leurs moyens
augmenter.
Ils sont aujourd'hui confrontés à deux contraintes : la réforme du service
national, l'extension de leurs missions, en métropole et outre-mer.
Ils doivent faire face également au caractère obsolète de leus moyens
techniques, surtout en ce qui concerne les radars et les moyens de
communication.
Lors du dernier comité interministériel de la mer, le 27 juin 2000, il a donc
été décidé de renouveler l'ensemble des radars de la Manche et de moderniser
les équipements des CROSS.
Le projet de loi de finances pour 2001 traduit ces priorités en augmentant
sensiblement les autorisations de programme dévolues aux CROSS.
Rappelons que les cinq CROSS métropolitains sont complétés par deux centres
opérationnels de sauvetage outre-mer, dont votre rapporteur tient à souligner
la rapide expansion, en particulier en ce qui concerne le COSMA, le centre
opérationnel de sauvetage maritime aux Antilles, créé en 1992, aujourd'hui
amené à couvrir une zone de 3 millions de kilomètres carrés autour des Antilles
et de la Guyane.
Par ailleurs, les moyens nautiques d'assistance et de surveillance dévolus aux
unités littorales des affaires maritimes, actuellement au nombre de quinze,
sont revus à la hausse.
Les moyens hauturiers comprennent sept vedettes et un patrouilleur.
En 2001, il sera passé commande d'un deuxième patrouilleur de haute mer
destiné à la surveillance des pêches. Cette mesure répond à un besoin réel, né
de l'accroissement important de la demande de contrôle et de surveillance
maritime en haute mer.
La volonté politique de renforcer la sécurité maritime est donc au rendez-vous
- je crois qu'il est possible de l'affirmer - et sa traduction en objectifs
pluriannuels doit être considéré comme la marque d'une approche réaliste, même
si elle peut sembler timide au regard de l'ampleur des dégâts causés par la
catastrophe de l'
Erika.
Cependant, les questions de réglementation sont traditionnellement régies par
des conventions internationales.
C'est pourquoi la France doit aussi agir aux niveaux européen et international
pour améliorer la sécurité maritime.
Je souhaiterais d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur
les délais de mise en oeuvre des mesures qu'à votées hier le Parlement européen
et qui visent à la réforme de trois directives concernant respectivement : le
contrôle par l'Etat du port, les sociétés de classification, l'élimination
progressive des bateaux à simple coque.
J'en viens à l'important problème du soutien à la flotte de commerce
française.
Celle-ci n'a cessé de décliner depuis le début des années soixante-dix. Au 1er
janvier 2000, on ne comptait plus que 209 navires de commerce français. La
nécessité de maintenir un régime de soutien important s'impose donc.
En 1997, les nouvelles orientations définies par la Commission européenne en
matière d'aides d'Etat ont induit de profonds changements dans le système de
soutien mis en place depuis 1990.
Il a pris, à partir de 1999, exclusivement la forme de réductions ou
d'annulations de charges fiscales et sociales applicables aux marins des
compagnies maritimes. Le projet de loi de finances pour 2001 reconduit ce
dispositif.
En outre, le soutien de l'Etat aux investissements navals fait l'objet, depuis
le second semestre de 1998, d'une mesure d'allégement fiscal pour les
groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire.
Au 1er septembre 2000, dix-neuf dossiers ont été acceptés, représentant
vingt-cinq navires pour un montant total d'investissements de 6 797 millions de
francs.
Je formulerai ici deux remarques.
Tout d'abord, je tiens à saluer la décision prise par le comité
interministériel de la mer du 27 juin dernier d'intensifier le soutien à la
flotte de commerce française.
Il a en effet prévu, sous réserve de l'accord de la Commission européenne,
d'étendre aux allocations familiales et aux cotisations ASSEDIC le
remboursement des charges sociales pour les entreprises dont les navires sont
confrontés à la concurrence internationale. Cette décision n'aura cependant de
répercussions que dans la prochaine loi de finances.
En revanche, je regrette, comme je l'avais fait l'année dernière, qu'en
matière d'allégements des charges soit maintenu un système de remboursement qui
ne manque pas de pénaliser la trésorerie de nombreuses entreprises. N'est-il
pas possible, monsieur le ministre, d'envisager de le remplacer pas un système
d'exonération, plus simple, plus lisible et, j'en suis convaincu, plus efficace
?
En conclusion, je dirai que, à titre personnel, je suis favorable aux
orientations que traduit le projet de budget de la marine marchande pour 2001 ;
mon vote vous est donc acquis. Cependant, je dois vous confirmer que la
commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet de l'ensemble du
budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour
2001.
M. le président.
La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'activité des ports
maritimes a connu un léger ralentissement en 1999, principalement dû à la
baisse, à partir de la fin de 1998, du trafic de produits pétroliers. La
diminution a été de 1,1 % par rapport à 1998 ; le trafic des ports autonomes a
diminué de 2,4 %, celui des ports d'intérêt national augmentant toutefois de
3,5 %.
La concurrence est, évidemment, venue des autres ports européens, et c'est sur
la façade nord que les ports français se sont mieux comportés que leurs
concurrents européens, à l'inverse des autres façades, où l'évolution des ports
européens a été plus favorable.
Cependant, toutes marchandises confondues, les tonnages cumulés des grands
ports européens, ports français inclus, sont restés stables en 1999. Dans
l'ensemble, la progression des ports européens a donc été faible ou négative.
Les ports de Marseille et du Havre ont ainsi affiché des baisses de trafic du
même ordre de grandeur que les ports de Rotterdam ou d'Anvers.
En revanche, ces évolutions devraient s'inverser en l'an 2000, la tendance
étant à une hausse du trafic à la fin du premier semestre 2000 pour les ports
français, avec une augmentation de 4,3 %. Cela est dû en grande partie à la
progression soutenue du trafic des produits pétroliers au cours du premier
semestre.
Au total, l'activité des ports français connaît donc à court terme des
évolutions heurtées, largement commandées par les fluctuations des échanges
mondiaux de produits pondéreux.
Pour porter une appréciation sur le budget qui nous est proposé, il convient
donc de le replacer dans un contexte plus large.
Au cours de ces vingt dernières années, l'économie portuaire française s'est
trouvée confrontée à un marché international de plus en plus concurrentiel,
largement conditionné par des centres de décision mondialisés.
Or la filière portuaire n'est elle-même qu'un élément d'une chaîne logistique
de plus en plus complexe. Elle doit y trouver sa place et se mettre en position
de s'adapter aux évolutions de la chaîne elle-même.
Aujourd'hui, les facteurs décisifs d'attraction du trafic sont, outre la
nécessaire qualité des infrastructures, la compétitivité des services offerts,
leur fiabilité et la qualité des dessertes terrestres.
C'est dire si le défi à relever pour les ports français est encore de taille,
et cela même si certains d'entre eux affichent des perspectives de croissance
prometteuses sur certains trafics, comme c'est le cas du trafic de conteneurs
au port du Havre, qui s'est accru de plus de 7 % au cours des premiers mois de
l'année 2000 par rapport à la même période en 1999. Mais l'écart par rapport à
nos concurrents européens demeure important.
Or il est nécessaire que les ports français puissent durablement développer
leur activité en captant de nouvelles parts de marché et en saisissant les
opportunités offertes par les perspectives européennes de croissance de
certains trafics, tel celui des conteneurs, dont la croissance annuelle, à
l'échelon européen, devrait se poursuivre à un rythme de 8 à 10 %.
Le fort développement des zones logistiques portuaires dans nos ports
maritimes, notamment avec l'opération Port 2000 au Havre, doit donc être
encouragé. Le comité interministériel de la mer du 27 juin dernier a d'ailleurs
confirmé le rôle des ports dans les choix stratégiques prévus par les schémas
de service collectif de transport de marchandises et de voyageurs.
Enfin, la croissance du trafic maritime doit intégrer de manière croissante
l'enjeu que constitue la sécurité maritime.
Ces grandes orientations - amélioration de la sécurité maritime, développement
des zones logistiques, renforcement des dessertes terrestres - se retrouvent
largement dans le projet de budget des ports maritimes pour 2001.
Comme le budget de la marine marchande, celui des ports maritimes affiche une
priorité forte en faveur de la sécurité maritime, laquelle consiste, en matière
portuaire, à assurer le bon accès des navires. Il s'agit là, à l'évidence,
d'une condition préalable au développement des activités portuaires.
A cet égard, je tiens à souligner l'effort significatif réalisé en direction
de l'entretien de infrastructures portuaires et, tout particulièrement, des
moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes. En effet, alors
que la loi de finances initiale pour 2000 consacrait 437 millions de francs à
ces dépenses, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit d'y affecter 466
millions de francs, soit une augmentation de 6,5 %.
Précisons que ces crédits d'entretien et d'exploitation permettent d'assurer,
d'une part, dans les ports d'intérêt national, les dépenses - hors personnel -
relatives aux opérations de maintien des profondeurs et d'entretien des
ouvrages d'infrastructure et, d'autre part, dans les ports autonomes, les
dépenses d'entretien des chenaux d'accès et avant-ports, des ouvrages de
défense contre la mer, ainsi que les dépenses de fonctionnement des écluses
d'accès. Ces dépenses comprennent pour plus de 60 % les charges de personnel
nécessaires à la réalisation des travaux correspondants.
Le projet de budget pour les ports maritimes prévoit en outre le renforcement
des effectifs des officiers de port et officiers de port adjoints, chargés de
la police et de la sécurité au sein du port, puisqu'il crée seize postes
supplémentaires. Afin de se conformer complètement aux décisions du comité
interministériel de la mer de février, le Gouvernement a d'ailleurs annoncé la
création de quatorze postes supplémentaires dans la loi de finances pour 2002.
On aura alors atteint une augmentation des effectifs de 10 % pour l'ensemble
des ports.
La sécurité maritime constitue donc bien la première priorité de ce budget.
Le développement des zones logistiques est la seconde priorité.
A ce titre, comme l'année dernière, qui fut celle de son lancement,
l'opération Port 2000 au Havre constitue l'opération majeure du budget des
ports maritimes ainsi que la plus importante des extensions portuaires
programmées dans le cadre de la politique portuaire.
En effet, réalisant près d'un cinquième du trafic total des ports
métropolitains français, le port du Havre n'est plus à même, dans sa
configuration actuelle, de répondre à la croissance du trafic, en particulier
celle du trafic de conteneurs, passé de 6 millions de tonnes en 1992 à 12
millions de tonnes en 1999.
C'est la décision ministérielle du 5 décembre 1998 qui a autorisé la mise au
point d'un important programme d'extension du port, le projet Port 2000. Il
s'agit d'étendre le port, en prévoyant de nouveaux quais dédiés au trafic de
conteneurs, de grands linéaires et d'importantes surfaces de terre-pleins pour
le stockage. Cela devrait permettre les économies d'échelle nécessaires pour
accroître la compétitivité du port du Havre face à ses concurrents
nord-européens et améliorer la productivité des terminaux ainsi que,
globalement, la qualité de service.
Pour la première phase, le projet a été évalué à 2 585 millions de francs,
dont 300 millions de francs destinés à des mesures de protection de
l'environnement. La loi de finances pour 2000 avait mis en place une
autorisation de programme de 220 millions de francs. Le projet de loi de
finances pour 2001 prévoit, quant à lui, une nouvelle autorisation de programme
d'un montant de 200 millions de francs et des crédits de paiement pour un total
de 80 millions de francs. La réalisation du projet a, comme prévu, démarré il y
a peu.
Pour ma part, je me réjouis de voir s'engager cet investissement ambitieux,
qui confortera les atouts de la place portuaire havraise que sont notamment sa
position géographique et sa proximité avec les grandes lignes maritimes
océaniques, qui permettra la création de 3 500 emplois directs et indirects et
qui induira des aménagements de la desserte du port du Havre.
La desserte ferroviaire, vous le savez, monsieur le ministre, ne sera
satisfaisante que lorsque aura été réalisé le contournement de la région
parisienne vers l'est. Mais j'ai cru comprendre que vous exploriez des pistes à
ce sujet.
Par ailleurs, l'article 48 du projet de loi de finances pour 2001 prévoit de
permettre aux collectivités territoriales et aux établissements publics de
coopération intercommunale d'exonérer temporairement, à compter de 2001 et
jusqu'en 2006, les équipements et outillages spécifiques des entreprises de
manutention portuaire.
C'est le comité interministériel de la mer du 1er avril 1998 qui avait proposé
cette mesure. Cette proposition a fait l'objet d'une notification auprès de la
Commission européenne le 20 mai 1998, et celle-ci a rendu sa décision le 22
décembre 1999. Elle autorise la France à mettre en place un régime d'aide en
faveur du secteur portuaire français, en la forme d'une exonération de taxe
professionnelle des équipements de manutention portuaire détenus par les
entreprises de manutention portuaire.
Cette proposition va dans le même sens que la suppression de la taxe perçue
sur les passagers : il s'agit de développer la compétitivité des ports
maritimes dans un contexte de concurrence européenne et internationale accrue
qui impose la réduction des coûts de passage portuaire. La décision des
collectivités locales devant intervenir avant le 31 janvier prochain, cette
mesure pourra être mise en oeuvre dès 2001.
Enfin, l'amélioration des dessertes terrestres constitue le troisième volet de
la politique de soutien de nos ports.
En effet, la qualité des dessertes terrestres des ports maritimes représente
une condition
sine qua non
de leur développement et de leur
compétitivité.
Par ailleurs, les contrats Etat-région prévoient des améliorations de la
desserte de nos ports : l'aménagement de la RN 154 permet au port de Rouen,
premier exportateur français de céréales, d'être relié correctement aux plaines
céréalières du centre ; l'aménagement des deux points noirs ferroviaires que
sont la traversée de Hazebrouck et le tronçon entre Douai et Ostricourt
permettra d'atténuer la saturation de l'artère
Dunkerque-Bétune-Lens-Ostricourt.
Le Sénat se prononce par un seul vote sur le budget de l'équipement, des
transports et du logement, et la commission des finances en propose le rejet.
Cependant, à titre personnel, je souscris aux orientations que traduit ce
budget des ports maritimes pour 2001.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Anne Heinis,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la mer pour 2001 m'amène, une fois encore, à faire le constat
préoccupant de l'incapacité des pouvoirs publics à comprendre que notre pays
dispose dans le domaine maritime d'atouts majeurs dans le contexte actuel de
mondialisation et de développement continu des échanges et que, parallèlement,
il est de la responsabilité de l'Etat de mettre en oeuvre une politique de la
mer cohérente et dynamique. Hélas ! cette volonté politique n'existe pas.
Sont concernés aussi bien le développement de notre marine marchande que
l'aménagement et la sauvegarde du littoral ou la prévention des risques et la
sécurité maritime, sans oublier nos ports et leur desserte routière et
ferroviaire. En effet, sans hinterland, il n'y a pas de fret ; et c'est un vrai
problème d'aménagement du territoire, mais dont on ne s'occupe guère.
Pour résumer, le budget global de la mer pour 2001 s'élève, en chiffres
arrondis, à 6,59 milliards de francs, soit une augmentation de 0,45 % seulement
par rapport à l'année dernière.
Si l'on soustrait les crédits de l'Etablissement national des invalides de la
marine, l'ENIM, c'est-à-dire la sécurité sociale des marins - soit 4,8
milliards de francs -, il reste environ 1,8 milliard de francs, dont à peine
1,25 milliard de francs pour les services actifs, répartis comme suit : pour
les ports maritimes, 666 millions de francs ; pour le soutien à la flotte de
commerce, 410 millions de francs ; pour le littoral, 24 millions de francs ;
pour la sécurité maritime, 132 millions de francs. Autant dire une goutte d'eau
dans la mer ! Ou le prix de vingt-cinq kilomètres d'autoroutes... Tel est le
budget « actif » de la France pour la mer !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On est parti de
très loin !
Mme Anne Heinis,
rapporteur pour avis.
Je ne citerai pas d'autres chiffres, monsieur le
ministre, mes collègues de la commission des finances l'ayant fait en
détail.
Cependant, j'ai plaisir à rendre hommage - je pense que cela vous fera
plaisir, ainsi qu'à ceux auxquels je m'adresse - à l'ingéniosité dont font
preuve certains des services du ministère pour utiliser les moyens extrêmement
modestes dont ils disposent.
Faute de temps, je n'évoquerai que le problème de la prévention et de la
sécurité maritime, qui préoccupe particulièrement nos concitoyens, les autres
points étant développés dans mon rapport.
Pour s'en tenir, donc, à la sécurité maritime, les avancées se font
malheureusement au rythme des catastrophes. Mais à en juger au projet de budget
pour 2001, les deux dernières n'ont pratiquement pas eu d'impact.
Ainsi, pour mémoire, la mise en service de nos trois remorqueurs de veille,
d'intervention et de sauvetage date du naufrage de l'
Amoco Cadiz
, il y a
plus de vingt ans, de même que la mise en place du rail d'Ouessant.
Depuis, les risques majeurs se sont considérablement accrus et diversifiés,
notamment dans leurs effets sur les populations et sur l'environnement
terrestre et maritime.
Les navires marchands sont de plus en plus nombreux, puissants et rapides,
sans compter les « navires-poubelles ». On voit également se multiplier les
ferries, navires à passagers chargés parfois de plus de 2 000 personnes coupant
à grande vitesse, dans la Manche, le flux est-ouest de navires atteints de
gigantisme et transportant souvent des matières dangereuses.
Que se passerait-il en cas de collision grave, de nuit, par très mauvais
temps, dans la Manche ? C'est la grande crainte de ceux qui sont chargés de
porter secours. Mais on ne les écoute pas.
Nous savons bien que le risque zéro n'existe pas, mais il nous appartient de
tout mettre en oeuvre pour prévenir les accidents possibles et de réfléchir sur
l'évaluation des risques, avec les gens de mer. Or l'évaluation des risques est
totalement occultée : on pare au plus pressé !
Une véritable prévention s'appuie sur un contrôle efficace des navires et du
trafic.
Cela suppose du matériel et des moyens techniques - c'est une question de
financement - et des moyens humains, ce qui est le point le plus difficile. La
situation est alarmante, essentiellement pour deux raisons : le manque de
vivier et la faiblesse de notre flotte qui, au vingt-huitième rang mondial, ne
représente que 1 % du total. Or il n'y a pas de sécurité maritime sans un
pavillon fort, qui nous donne, d'une part, l'indispensable vivier d'hommes
compétents et expérimentés dont nous avons besoin et, d'autre part, le poids
nécessaire auprès des instances internationales, notamment l'OMI,
l'Organisation maritime internationale.
Vous avez décidé, à juste titre, monsieur le ministre, de doubler le nombre
des inspecteurs des affaires maritimes. Mais, au dernier concours, pour huit
postes ouverts il y a eu trois candidats et un seul admis.
En conséquence, vous allez ouvrir des postes, mais il va falloir assurer une
formation. Or l'enseignement maritime lui-même « patine » par manque de postes.
J'en ai eu l'exemple concret toute l'année passée à Cherbourg.
Au total, il nous manque cent postes d'enseignant ; nous en avons obtenu
quatre ; M. Jack Lang, cinq mille. Quel mépris pour l'enseignement maritime,
même s'il faut garder les proportions à l'esprit !
Par ailleurs, on me dit que, pour à peine 1 milliard de francs de plus en
2001, nous aurions pu achever les programmes en cours sur les phares et
balises, la construction et la rénovation des vedettes, l'équipement des CROSS
-, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, et des
radars, avec les deux cents emplois globalement nécessaires pour l'ensemble des
services.
Monsieur le ministre, quel aveuglement de la part du Gouvernement, qui veut
développer la sécurité maritime et ne trouve même pas le milliard de francs
nécessaire pour faire les réparations, les rénovations et les constructions
d'urgence !
Il s'agit non pas de dépenser plus, mais de dépenser « plus dynamique et plus
productif ». La mer, chez nos voisins, est source de richesses et d'emplois,
pas chez nous. Ils ont une politique maritime souvent audacieuse et des
investissements parfois considérables dans leurs provisions. En dépit de nos 5
500 kilomètres de côtes, la mer est inexistante dans la réflexion politique.
Pourquoi ?
Un progrès pourrait déjà être fait en donnant au comité interministériel à la
mer le rôle de proposition et de coordination qu'il n'a pas à l'heure
actuelle.
Reste le volet européen, incontestablement accéléré par les deux derniers
naufrages, volet qui est indispensable pour l'efficacité et la coordination des
dispositifs. Les gens de mer, d'instinct, y sont acquis et ils coopèrent
déjà.
Mais ils doivent pouvoir s'appuyer sur une politique et une réglementation
européennes, ce qui suppose la définition d'objectifs communs, en particulier
pour la responsabilisation des différents acteurs de la filière, armateurs,
affréteurs et chargeurs, notamment. Je vous invite à consulter, sur ce sujet,
le rapport du Sénat sur l'
Erika.
Cela suppose aussi des échanges de personnels et d'expériences, une meilleure
coordination des surveillances avec transparence des résultats sous peine
d'évasion de trafic.
A ce titre, il est indispensable d'instituer une agence européenne de sécurité
maritime que mes collègues de la Manche et moi-même demandons pour Cherbourg,
monsieur le ministre, de donner un réel contenu à la banque de données EQUASIS,
et de ne pas oublier le poids de l'Organisation maritime internationale.
Au vu de l'ensemble de ces considérations, la commission des affaires
économiques a jugé que le projet de budget de la mer ne répondait pas aux
besoins et l'a rejeté.
J'ajoute, à titre personnel, qu'à mes yeux ce projet de budget représente «
encore une occasion manquée entre la France et la mer ».
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, à la demande de M. le ministre, nous allons interrompre
nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à
vingt-trois heures quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe de l'Union centriste, cinq minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, cinq minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum
pour vingt-cinq minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget de la mer, qui s'élève à 6 708 millions de francs, est en augmentation
de 2,36 %. Si l'on tient compte de l'ensemble des contributions des autres
ministères, le montant des crédits affectés représente aujourd'hui près de 10,5
milliards de francs.
Ces chiffres sont encourageants et rompent avec les années de basses eaux
auxquelles les gouvernements précédents nous avaient habitués.
Mais comment ne pas s'interroger sur la faiblesse en valeur absolue du budget
d'un secteur au coeur des préoccupations écologiques actuelles en matière de
préservation de l'environnement, de transport et de développement durable ?
Ce budget, monsieur le ministre, ne nous semble pas correspondre exactement
aux exigences auxquelles nous aurons à faire face en ce nouveau millénaire.
L'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, consomme 72 % de
ce budget ; aussi, nous devons viser à augmenter en valeur les 26 % restant,
sans bien sûr porter atteinte au budget de l'ENIM et à ses évolutions
nécessaires.
Soulignons au passage que, même si un certain nombre de mesures ont été prises
pour garantir le pouvoir d'achat des retraités, elles ne reposent encore que
sur la compensation entre les régimes sociaux de base et consacrent de surcroît
l'affaiblissement des recettes du régime par la réduction du nombre des emplois
du secteur.
La question de l'emploi et de l'investissement dans le domaine maritime est,
de ce point de vue, particulièrement essentielle.
Les solutions antérieurement définies dans ce cadre - système des quirats,
défiscalisation des investissements - ont démontré leurs insuffisances et la
nécessité d'un engagement public plus important, que la douloureuse affaire des
Ateliers et Chantiers du Havre permet de souligner encore un peu plus. En ce
sens, nous approuvons le plan « port 2000 » mais des besoins nouveaux
apparaissent, en particulier ceux qui ont trait au renouvellement indispensable
du parc mondial des navires ; ceux-ci, qui sont souvent obsolètes, qui, la
plupart du temps, ont amorti leur investissement, continuent d'être affrétés
par les compagnies.
Car un savoir-faire français existe, dont nul n'oserait douter qu'il puisse
rivaliser, à qualité comparable, avec la concurrence asiatique, pour autant que
cesse la pression internationale en faveur de la baisse des coûts salariaux.
Alors, pourquoi pas Le Havre en complément de Saint-Nazaire ?
S'agissant de l'emploi, deux choses essentielles doivent, de notre point de
vue, être retenues.
La première est l'effort accompli par le ministère en matière d'enseignement,
et donc de renouvellement des cadres.
Les efforts doivent être poursuivis, notamment en direction de la formation
secondaire et de son intégration dans l'enseignement public. Les 315 postes
budgétaires créés l'an dernier relèvent de ce souci. Mais les moyens
budgétaires engagés par le projet de loi de finances pour 2001 sont-ils
réellement à la hauteur de l'ambition de créer un grand service public de
l'enseignement public maritime et, plus globalement, d'inscrire au coeur des
priorités la formation, indispensable pour attirer les jeunes et redynamiser
l'emploi et l'activité ?
Certes, il est aussi d'autres urgences, notamment celle qui concerne la
sécurité maritime. En ce domaine, nous nous félicitons que le Gouvernement ait,
dès son arrivée, inversé la tendance, en augmentant les emplois d'inspecteurs
de sécurité et se préoccupe aujourd'hui du renforcement des CROSS - centres
régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage - des ULAM - unités
littorales des affaires maritimes - des remorqueurs et de toute la logistique
nécessaire face aux catastrophes.
La seconde, précisément, élargit la problématique à la réglementation
internationale de l'espace maritime.
Après la catastrophe écologique qui a touché les côtes du littoral atlantique
à la suite du naufrage du pétrolier
Erika
affrété par TotalFina Elf, le
naufrage du chimiquier
Ievoli Sun
fait peser la menace de lourds
préjudices écologiques sur le littoral du Cotentin.
Apparemment, les
Torrey Canyon, Olympic Bravery, Boehlen, Amoco Cadiz
et autres
Tanio
n'ont pas encore suffi à modifier durablement la
donne et à éviter la persistance du risque écologique. Chaque jour, chaque
semaine apporte son lot de dangers. A titre d'exemple, cette semaine, 2 000
tonnes d'ammonitrates prennent l'eau dans le petit port de Plévin en
Côtes-d'Armor. A quand la catastrophe qui anéantira le bassin de coquilles
saint-jacques auquel nous tenons tous tant ?
Nous constatons avec satisfaction que la France se place à la pointe du combat
pour la sécurité maritime et l'évolution des normes environnementales en
matière de navigation au long cours.
Mais nous avons l'impression que cette volonté française se heurte de manière
frontale aux très mauvaises habitudes qui ont été prises, au seul motif de
favoriser l'abaissement des coûts du transport maritime par une fuite en avant
effrénée sur les coûts salariaux et les garanties en matière de sécurité.
Les armateurs, les affréteurs, autrement dit les donneurs d'ordre, exercent
une telle pression sur les prix du transport que celui-ci n'est plus en mesure
d'intégrer le coût des risques écologiques. On a malheureusement de bonnes
raisons de croire que la sanction appliquée suivant le principe du
pollueur-payeur est
de facto
inopérante.
Par ailleurs, des réglementations existent à l'échelon tant européen
qu'international. Mais, soit parce qu'elles sont peu contraignantes, soit
lorsqu'elles le sont, parce qu'un laxisme existe quant à leur application,
elles sont trop souvent contournées, plus fondamentalement encore, parce que
l'organisation du transport maritime est fondée sur un marché où les grandes
compagnies imposent leur loi aux Etats.
Si les Etats sont défaillants, il n'y a aucune raison pour que, dans un
environnement d'accroissement de la concurrence, les normes de sécurité soient
respectées car - qui le nierait ? - elles sont incompatibles avec une
régulation laissée aux seules forces du marché.
La situation fiscale de TotalFina a fait l'objet de toutes les attentions de
notre commission des finances. Une part des extraordinaires bénéfices réalisés
par le groupe pétrolier devrait, de notre point de vue, être mobilisée sur la
sécurité maritime.
Le renforcement des moyens, des effectifs et des investissements inscrits dans
ce projet de budget est tout à fait positif, mais il n'est qu'un élément de
l'action que notre pays doit mener, et il doit être poursuivi sans relâche.
C'est avec un ton solennel, monsieur le ministre, que je veux vous dire mes
craintes justifiées de voir se reproduire près des côtes bretonnes, normandes
ou picardes, de nouvelles catastrophes dans la mesure où de nombreux
navires-poubelles continuent de circuler et de transporter des produits
dangereux pour l'environnement. Je crains qu'en pareil cas nos populations ne
cherchent pas d'autres coupables que ceux qu'ils ont près d'eux, à savoir tout
d'abord le Gouvernement et l'Etat français. C'est pourquoi il convient de
frapper fort auprès des instances européennes et de l'OMI, l'Organisation
maritime internationale, pour harmoniser les normes de sécurité sur le plan
tant européen que mondial. Je connais votre détermination, monsieur le
ministre, et vous aurez compris que cette sollicitation et avant tout un
encouragement.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai compris
!
M. Gérard Le Cam.
Je vous saurais gré, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer, au
terme de cette période de présidence française de l'Union européenne, quelles
démarches ont été mises en oeuvre sur cette question de l'harmonisation.
Ce sont là les interrogations et observations que nous comptions produire lors
de l'examen des crédits de ce projet de budget, dont nous approuvons les
orientations.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
sera bref et portera essentiellement sur la sécurité maritime.
Les crédits consacrés à la mer progressent de près de 7 % dans le budget pour
2001. Ils s'élèvent à plus de 6 milliards de francs. Cela peut être
vraisemblablement imputé à une douloureuse prise de conscience des enjeux liés
à la sécurité maritime. Je rappelle, à cet égard, que ce budget avait connu,
l'an passé, une régression surprenante.
Le montant des crédits affectés à la sécurité maritime, dans le projet de
budget pour 2001, traduit-il le caractère prioritaire de celle-ci ? La réponse
est négative. Il ne s'agit, malheureusement, que d'une remise à niveau, rendue
obligatoire, et nécessaire, par des années de négligence vis-à-vis du budget de
la marine marchande. En outre, même méritoire, cette remise à niveau est
partielle et insuffisante, tant les besoins sont importants. Pour avoir une
idée de l'ampleur de ces derniers, il suffit de consulter le rapport de la
mission commune d'information du Sénat sur le naufrage de l'
Erika
,
rédigé par nos deux excellents collègues, que je voudrais saluer ici, Mme Anne
Heinis et M. Henri de Richemont. Il décrit parfaitement ce qu'ils nomment « la
grande misère de la sécurité maritime », en donnant les caractères de cette
scandaleuse situation, qui résulte de crédits budgétaires très insuffisants, de
moyens humains déficients, du manque cruel d'inspecteurs de la sécurité des
navires, du manque de moyens des centres régionaux opérationnels de
surveillance et de sauvetage, de la faiblesse des moyens de prévention de la
pollution et, enfin, de l'inacceptable obsolescence de la signalisation
maritime.
Cette mission indiquait, avec force, que la sécurité ne devait pas être
victime des contraintes budgétaires. Elle préconisait également l'amélioration
des contrôles, la sécurisation de la structure des navires et le renforcement
de la transparence et de la prévention. D'autres propositions portaient sur le
renforcement des moyens de lutte contre la pollution.
Trouve-t-on dans le projet de budget qui nous est présenté ce soir les
éléments nous permettant de répondre, ou de commencer à répondre, aux carences
et aux lacunes que je viens d'indiquer ?
Le constat, s'il n'est pas entièrement négatif, ne peut malgré tout emporter
l'adhésion. Ainsi, je regrette profondément que les crédits consacrés à la
protection et à l'aménagement du littoral soient, cette année, en nette
régression. Ils ne représentent plus que 0,3 % du budget de la marine
marchande. Quant aux moyens consacrés à la police maritime, au contrôle de la
sécurité des navires, à la surveillance maritime, à la sécurité des personnes
et des biens dans l'espace maritime et à la protection des ressources
halieutiques, il est surprenant de constater que les crédits qui y sont alloués
atteignent, cette année, 132 millions de francs, soit une baisse de 2,4 % par
rapport à l'an dernier. Malgré l'importance des missions qu'ils recouvrent, ils
ne représentent que 2,1 % des crédits du budget de la marine marchande. Il est
inutile d'ajouter quoi que ce soit, car ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
Les moyens dégagés sont donc malheureusement insuffisants, voire dérisoires,
au regard de l'ampleur des besoins. Manifestement, il est très clair que la
volonté politique de renforcer la sécurité maritime n'est pas au rendez-vous.
Votre budget, monsieur le ministre, n'est même pas un budget de rattrapage. Ce
n'est certes pas un budget sur lequel on puisse construire une véritable
sécurité maritime.
Il aura malheureusement fallu les naufrages de l'
Erika
et de
l'
Ievoli Sun
pour que la France se rappelle qu'elle est une grande
nation maritime et que cette qualité exige des moyens financiers très
importants. Elle exige également une forte volonté politique de se donner ces
moyens. Que devra-t-il nous arriver pour que le Gouvernement prenne enfin
conscience qu'une grande nation maritime qui n'a pas de véritable sécurité
maritime n'est rien ? Dois-je vous rappeler, enfin, que notre pays compte plus
de 5 000 kilomètres de côtes ? Comment pouvez-vous parler d'une priorité
accordée à la sécurité maritime par ce budget, alors que le Gouvernement auquel
vous appartenez ne compte même pas un ministère de la mer ?
Je terminerai par une remarque de bon sens : oui, l'Europe est
vraisemblablement le cadre naturel d'une future réglementation, relative à la
sécurité maritime de notre continent. Non, elle ne peut pas être un alibi
invoqué pour échapper à nos propres responsabilités et pour excuser nos propres
fautes.
Pour toutes les raisons que j'ai invoquées, monsieur le ministre, le groupe de
l'Union centriste ne votera pas ce budget.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'actualité récente nous rappelle
avec force que, dans le domaine maritime, sans contrôle strict de l'état des
bateaux, sans responsabilisation financière et pénale des armateurs, des
affréteurs et des sociétés de classification, sans un système plus transparent
qui doit faire payer le juste coût de notre sécurité, nous ne parviendrons pas
à enrayer le risque de catastrophes qui menacent nos côtes dès que la tempête
se lève.
La sécurité en mer, c'est l'affaire des marins, bien sûr, mais c'est aussi
l'affaire de l'Europe, des Etats et de l'Organisation maritime internationale,
c'est donc aussi notre affaire.
Vous connaissez, monsieur Le Cam, l'engagement de la présidence française de
l'Union européenne en ce sens, vous l'avez dit. Dès le début de l'année, nous
avons envoyé trois mémorandum : un à l'Europe, à l'OMI et un au FIPOL. C'était
en février.
Les discussions à l'OMI sont ainsi largement engagées pour obtenir le
doublement des contrôles en cale sèche à partir de quinze ans d'âge - et,
doublement, cela signifie non pas tous les cinq ans, mais tous les deux ans et
demi - et l'élimination d'un tiers des navires à simple coque à l'échelle
mondiale d'ici à 2005 et des deux tiers d'ici à 2010, ce qui nous mettra,
monsieur Maman, au niveau des Etats-Unis.
S'agissant des discussions communautaires, nous avons obtenu un accord à
l'unanimité des Etats membres en faveur d'un renforcement du contrôle de l'Etat
du port, d'un agrément et d'une responsabilisation financière des sociétés de
classification, ainsi que l'élimination progressive des navires à simple
coque.
J'étais il y a deux jours au Parlement européen, et j'ai constaté la volonté
des trois institutions européennes - le Parlement, la Commission et le Conseil
- d'aller rapidement de l'avant.
Mais nous devons aller encore au-delà, et envisager la création d'une agence
européenne de la sécurité maritime pour renforcer - sur ce point, je vous
rejoins, madame Heinis - la surveillance et la transparence du secteur du
transport maritime et responsabiliser les opérateurs.
A cet égard, je souhaiterais que tous les parlementaires se sentent concernés
par un sujet que M. Le Cam a évoqué, à savoir les conditions de vie et de
travail des marins. On ne parle pas assez souvent de la surexploitation de ces
hommes ! Pourtant, vous savez toutes et tous qu'ils subissent des conditions
indignes de notre époque. Et, même s'il faut remplacer les navires-poubelles,
les causes de beaucoup d'accidents ne sont pas seulement liées à la structure
des navires et aux problèmes de la navigation : les facteurs humains dovient
être pris en compte.
Si notre volonté est forte au niveau communautaire et international, elle
l'est tout autant au niveau budgétaire, et vous ne serez donc pas surpris si,
cette année encore, la sécurité est une des priorités de mon budget.
Mais je n'ai pas attendu cette année pour renforcer le budget de la mer,
notamment sur les aspects de sécurité, monsieur Lise ! J'ai pris conscience,
dès mon arrivée en 1997, des besoins en ce domaine. Et, si vous considérez que
ce budget est encore faible, si vous trouvez qu'il ne s'agit que d'une remise à
niveau, monsieur Maman, c'est qu'il a été vraiment abandonné jusqu'en 1997.
Je vais même avouer à Mme Heinis qu'en l'écoutant je me demandais si elle
s'adressait bien à moi. Je pensais : « Ce n'est pas possible ! Pour dire autant
de mal de la situation des ports et de la politique maritime dans ce pays, elle
doit viser les deux gouvernements qui m'ont précédé ! Elle ne peut pas me viser
moi, puisque depuis que je suis arrivé j'ai commencé à inverser les choses ! »
Je ne comprenais pas votre agressivité, madame Heinis, mais, en réfléchissant,
j'ai compris : vous visiez certainement les deux gouvernements qui m'ont
précédé, et vous aviez finalement raison !
Quand on part de si bas pour redresser une telle situation, ce n'est pas
toujours aussi simple. Pourtant, il faut le faire !
Ainsi, en ce qui concerne les effectifs, nous revenons de loin. Jusqu'en 1997,
le nombre d'agents figurant au budget de la mer n'a cessé de décroître
régulièrement. Depuis, j'ai inversé la tendance : 75 postes budgétaires seront
créés pour la sécurité maritime en 2001, dont 66 sur le budget de la mer.
Force a été de constater que le contrôle des navires étrangers est une arme de
dissuasion décisive, dont l'efficacité est proportionnelle à la pression
exercée. La concrétisation de la volonté politique affichée - car il faut une
volonté politique ! - en faveur du renforcement de cette pression passe par le
doublement de la capacité de contrôle dans les ports, et nous nous y engageons,
mais pas dans deux ou trois ans : dès 2001 !
Monsieur Lise, vous considérez que le taux de contrôle dans les ports a
diminué, et vous avez bien fait d'évoquer ce point, car vous me donnez
l'occasion de préciser que ce n'est pas parce que le nombre d'inspecteurs a
diminué - au contraire : il a augmenté depuis 1997 - mais parce que nous avons
donné des consignes, depuis trois ans, pour mieux cibler les navires, pour les
inspecter plus longtemps. Certes, nous pourrions, comme cela se fait parfois
ailleurs, faire du chiffre pour du chiffre et dire ensuite que nos inspecteurs
ont contrôlé beaucoup de navires, mais s'ils ne font que passer, s'ils ne
restent qu'une demi-heure sur le bateau, le bilan chiffré sera peut-être bon,
mais la qualité du contrôle sera médiocre. Moi, je ne travaille pas comme cela
: avec les inspecteurs que j'ai, j'essaie de faire réaliser des contrôles
sérieux, et de les cibler au maximum. Cela étant, il faut davantage
d'inspecteurs, j'en conviens.
C'est pourquoi nous avons décidé de doubler le nombre d'inspecteurs dans ce
budget. En outre, pour pouvoir engager suffisamment d'inspecteurs rapidement,
mesdames, messieurs les sénateurs, nous prévoyons une augmentation sensible des
primes - de l'ordre de 4 000 francs - pour rendre cette profession plus
attractive.
Par ailleurs, un centre de formation sera créé à Nantes et fonctionnera dès la
rentrée prochaine. Comme vous pouvez le constater, nous ne nous contentons pas
de reprendre les mesures qui étaient prévues dans le projet de budget précédent
: nous agissons.
En ce qui concerne les crédits affectés à la sécurité maritime, les dotations
en moyens de fonctionnement sont en hausse de plus de 5 %, mais, surtout, les
moyens d'engagement en autorisations de programme s'élèvent à 148 millions de
francs, contre 92,25 millions de francs dans la loi de finances pour 2000. Il
s'agit donc non pas d'une stagnation, mais d'une progression de plus de 60 %
!
Ces crédits permettront de financer notamment l'acquisition d'un second
patrouilleur de haute mer dès 2001 et de baliseurs neufs pour les ports du
Havre, de Dunkerque et de Brest au titre de la signalisation maritime.
Cette augmentation des crédits profitera également aux CROSS, vous l'avez dit,
monsieur Lise. Ces derniers assureront en 2001 l'extension des missions qui
leur sont confiées en matière de sécurité maritime, de protection de
l'environnement marin et de gestion de l'effort de la pêche, et en particulier
la surveillance et le suivi plus systématique des navires.
Le comité interministériel du 27 juin dernier a proposé un certain nombre de
mesures en faveur de la sécurité maritime. Pour renforcer l'attractivité de nos
ports et le pavillon français, les équipements des CROSS seront modernisés et
l'ensemble des radars de la Manche seront renouvelés.
Parallèlement, les crédits affectés à la signalisation maritime augmentent
aussi bien en fonctionnement qu'en investissement, permettant la réparation des
phares, balises et bouées qui ont été endommagés par la tempête, mais aussi la
modernisation de la flotte de balisage sur trois ans au lieu des cinq ans
initialement prévus.
Enfin, connaissant l'importance de la Société nationale de sauvetage en mer,
la SNSM - je crois qu'il faut en parler un peu plus ! - j'ai souhaité, dans le
dispositif de sécurité en mer, que la subvention d'équipement pour 2001 intègre
la réserve parlementaire de 0,5 million de francs accordée l'année dernière par
votre assemblée.
Mais renforcer la sécurité maritime, cela passe aussi par le renforcement du
pavillon français, Mme Heinis l'a souligné, et je suis de cet avis.
Ainsi, le projet de budget pour 2001 traduit la préoccupation de l'Etat
d'accroître son soutien à la flotte de commerce battant pavillon français au
bénéfice de l'emploi maritime. Les crédits de ce secteur connaîtront ainsi un
accroissement de 21,4 %.
Cette augmentation prend en compte la remise à niveau des crédits permettant
le remboursement aux armements maritimes de la taxe professionnelle et
l'extension aux armements maritimes assurant la desserte de la Corse du
dispositif de remboursement des contributions sociales patronales
obligatoires.
Un nouveau pas devra être franchi à la suite des décisions du comité
interministériel de la mer du 27 juin dernier, qui doit permettre d'étendre aux
allocations familiales et aux cotisations ASSEDIC le remboursement des charges
sociales pour les entreprises dont les navires, immatriculés aux registres
métropolitain ou des TAAF, les terres Australes et Antarctiques françaises,
sont confrontés à la concurrence internationale. Cela se fera sous réserve d'un
accord d'entreprise pour les armements ayant des navires sous ce registre,
accord qui portera notamment aussi sur les effectifs et sur la formation.
Pour répondre à votre préoccupation, monsieur Lise, ces remboursements seront
accélérés, pour éviter les problèmes de trésorerie que vous soulignez.
Par ailleurs, pour répondre à votre préoccupation légitime, monsieur Le Cam,
un véritable régime social sera créé pour tous les marins sur le registre des
TAAF, en pleine concertation avec les représentants des marins. Et, pour
contrôler les conditions de travail, notamment sur ces navires, un nouveau
dispositif d'inspection du travail maritime au sein des services déconcentrés
des affaires maritimes, avec de nouvelles missions, sera mis en place.
Il est ainsi créé dix emplois à cet effet en 2001.
En complément de ces interventions budgétaires de l'Etat, le dispositif de GIE
fiscal, mis en place en 1998, a permis de stimuler les investissements navals.
Depuis sa création, ce régime fiscal a, en effet, permis de financer
trente-deux navires, pour un montant de 8,3 milliards de francs.
Grâce à toutes ces mesures, nous avons stoppé la tendance à la baisse observée
jusqu'en 1997 et que Mme Heinis a, à juste titre, dénoncée avec force.
Il faut également renforcer la sécurité dans les ports et accélérer leur
modernisation.
Les moyens d'engagement consacrés aux ports maritimes s'accroissent, monsieur
Massion, de 5,3 %, vous l'avez dit. Cette progression répond à la volonté
d'accompagner la croissance, aujourd'hui effective et confirmée, des trafics
portuaires, dans le contexte de développement des échanges maritimes
mondiaux.
Cette évolution positive est confirmée par les résultats des neuf premiers
mois de l'année 2000, qui montrent une croissance globale des trafics des ports
autonomes maritimes : en dépit des inégalités constatées entre les ports, elle
s'élève, en moyenne, à 6 %. Les ports autonomes traitent 80 % du trafic total
et ils enregistent une croissance moyenne de 8,5 % de leurs trafics de
marchandises diverses, notamment conteneurisées.
Sur ce dernier créneau, le port du Havre présente des perspectives de
développement prometteuses et le projet de budget pour 2001 intègre les crédits
nécessaires - 200 millions de francs en autorisations de programmes - à la
poursuite de l'extension de ses infrastructures, avec le projet « Port 2000 »
qui a pour ambition de faire de ce port une grande plate-forme à l'échelle
européenne des échanges de marchandises conteneurisées.
Pour vous répondre plus précisément, monsieur Massion, les travaux
commenceront, comme prévu, au tout début de l'année 2001, pour une mise en
service des premiers quais en 2004.
D'autres investissements d'extension de capacité ou de modernisation - de
dimension plus modeste, certes - seront aussi nécessaires dans d'autres ports
pour soutenir le développement de leurs trafics de marchandises diverses. C'est
le cas, en particulier, à Dunkerque, où le trafic de marchandises
conteneurisées s'accroît de plus de 20 % en 2000 par rapport à 1999, mais aussi
à Rouen, à Saint-Nazaire et à Marseille, ports qui devraient connaître en 2000
une croissance proche de 10 % de leur trafic de conteneurs.
A la suite du comité interministériel de la mer, actuellement, des
rapprochements sont en cours entre différents ports dans une zone géographique
donnée, notamment dans le nord de la France. Des évolutions très positives sont
actuellement constatées à cet égard : j'étais récemment à Nantes et à
Saint-Nazaire, où une réelle volonté existe pour faire en sorte qu'une synergie
- et non pas une concurrence - s'établisse entre des ports qui sont voisins, de
manière à répondre avec plus d'efficacité aux ports de l'Europe du Nord.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Massion, la sécurité des ports maritimes
sera aussi renforcée, s'agissant tant de leur exploitation, avec la création de
seize postes supplémentaires d'officier de port ou d'officier de port adjoint,
que de leurs équipements, avec un programme de rénovation d'infrastructures
inclus dans les nouveaux contrats de plan Etat-région, par lesquels l'Etat
s'est engagé à quadrupler ses concours aux investissements portuaires. Je dis
bien que le montant de ces concours est multiplié par quatre par rapport à ce
qui avait été fait par les deux gouvernements précédents, que vous avez
sûrement voulu viser tout à l'heure, madame Heinis !
(Sourires.)
Cela
n'est pas rien !
En outre, notre littoral, dont l'actualité vient encore de démontrer à quel
point il peut être soumis à de grands risques, doit être mieux protégé.
Contrairement à ce que vous avez annoncé, monsieur Maman, l'Etat entend
consacrer à cette fin des moyens importants, ce qu'il a déjà commencé à faire,
en 2000, avec une ouverture spécifique de crédits pour un montant substantiel,
après le naufrage de l'
Erika
et les tempêtes de l'hiver dernier : 7,5
millions de francs ont ainsi été mobilisés pour des opérations exceptionnelles
de remise en état du domaine public maritime, 10 millions de francs ont été
dégagés pour faire face aux abandons de navire dans les ports, 40 millions de
francs ont été consacrés à la reconstitution complète des équipements du
dispositif « Polmar-Terre » et 100 millions de francs ont été alloués, dont 70
millions de francs au titre du budget de la mer, à la restauration de digues de
protection contre l'érosion marine.
Regardez bien les chiffres ! Le projet de budget pour 2001 prévoit une
augmentation de 16 % du montant des moyens d'engagement alloués à la protection
de notre littoral et s'inscrit ainsi dans la continuité des efforts déjà
réalisés l'an dernier. Les exercices de préparation à la mise en oeuvre des
plans de lutte coordonnés contre la pollution accidentelle seront renforcés et
des avenants aux contrats de plan accroîtront les concours de l'Etat en matière
de défense des côtes littorales contre les effets de la mer.
Par ailleurs, la sécurité des marins passe également par un système de
formation performant et une protection sociale renforcée.
Sur ce plan, l'année 2001 verra la poursuite de la réforme du système de
formation maritime, avec notamment la continuation de la rénovation des cursus
afin de mettre ceux-ci en conformité avec les nouvelles normes internationales
définies par l'OMI, et le développement du Centre national de formation des
formateurs maritimes de Nantes.
Cet accroissement des effectifs scolarisés s'accompagne de la création de
quatre emplois d'enseignant dans le projet de loi de finances pour 2001. A cet
effet, les moyens affectés à la formation connaissent une progression à
périmètre constant. La dotation de l'Association pour la gérance des écoles
maritimes et aquacoles, l'AGEMA, ne subit qu'une diminution apparente, car un
transfert de 16,45 millions de francs est opéré sur les chapitres de personnel
au titre du passage sous statut public des personnels de l'enseignement
maritime secondaire. Trente-quatre postes ont été créés cette année pour
répondre aux besoins. Nous n'oublions donc pas la formation.
Enfin, en matière sociale, la subvention de l'Etat à l'Etablissement national
des invalides de la marine, l'ENIM, atteint un montant de 4,8 milliards de
francs, soit une hausse de 1,9 % par rapport à cette année. Ce montant, qui
représente une part significative des crédits consacrés au secteur maritime,
témoigne de la solidarité que la communauté nationale se doit de manifester aux
gens de mer. Il permettra notamment d'étendre la protection sociale dont
bénéficient les ressortissants du régime spécial, par le biais de deux mesures
inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale.
La première permet, dans certaines limites, de valider pour la retraite les
périodes passées par les marins en invalidité maladie. Une telle réforme était
réclamée par les organisations de marins et d'anciens marins. Elle comble, en
effet, une sérieuse lacune du régime spécial, puisque les pensions de retraite,
et donc de réversion, ne prenaient en compte que les années d'activité du
marin. Si celui-ci, de son vivant, bénéficiait de la pension d'invalidité, sa
veuve ne percevait parfois qu'une pension de réversion prenant en compte peu
d'annuités, et donc d'un montant très faible. Cette situation sera désormais
corrigée.
La seconde mesure a été introduite ici même sur l'initiative de vos collègues,
Mmes Dieulangard et Boyer, qui ont présenté, avec l'accord du Gouvernement, un
amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Sénat
a adopté. Cet amendement permet d'augmenter sensiblement le montant des
indemnités versées aux marins se trouvant en arrêt maladie, puisque désormais
la cotisation vieillesse à la charge des marins concernés sera calculée non
plus sur la base de la totalité du salaire forfaitaire de référence, mais selon
une assiette correspondant au montant brut de cette indemnité.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget de la mer est
ambitieux, tourné vers le développement économique durable et caractérisé par
un souci marqué de donner une priorité absolue à la sécurité, à
l'environnement, aux marins et à la population de nos côtes.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je voudrais simplement remercier
M. le ministre d'avoir bien voulu répondre à l'invitation du Sénat
d'expérimenter une nouvelle forme de débat budgétaire.
Monsieur le président, je voudrais également vous adresser mes remerciements
pour avoir, avec la délicatesse qui vous caractérise, permis que les échanges
s'effectuent selon des modalités nouvelles, qui, après quelques petites
adaptations, devraient donner satisfaction.
Cette partie expérimentale de la discussion a permis à nombre de nos collègues
de poser des questions et d'obtenir des réponses précises. Elle contraste avec
la partie plus traditionnelle du débat budgétaire, qui est constituée d'une
succession de propos très intéressants mais souvent généraux.
Enfin, je voudrais rappeler que la nomenclature budgétaire, qui est décidée
par le Gouvernement et non pas par le Sénat, amène la commission des finances à
se prononcer par un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère de
l'équipement, des transports et du logement. M. le ministre a un empire sous sa
responsabilité.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je n'ai pas
tout, il me manque les finances !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il vous est arrivé, monsieur le
ministre, de regretter que le Sénat ne puisse pas se prononcer sur tel ou tel
de vos budgets, mais ce fait résulte d'une décision du Gouvernement ! Nous
sommes donc prêts, l'an prochain, à adopter une autre démarche.
S'agissant, plus globalement, de la position que la commission des finances
recommande ce soir au Sénat d'adopter, nous vous plaignons, au fond, vous qui
présidez le conseil des ministres des transports européens, d'être sans doute
le moins heureux pour l'investissement civil, qui est devenu très faible en
France. J'ai déjà rappelé en effet que son montant est devenu inférieur au coût
du passage aux 35 heures pour notre pays. Cela montre que vous êtes, à
l'évidence, une victime, et, pour vous donner de la force en vue des
négociations que vous devrez mener avec le Premier ministre pour le prochain
budget, la commission des finances du Sénat préconisera le rejet de l'ensemble
de vos crédits, à l'exception de l'article 60
ter
, que, pour saluer
l'effort que vous avez bien voulu consentir, nous voterons.
M. le président.
Monsieur le président de la commission des finances, je voudrais ajouter que
c'est une initiative de votre part qui nous a permis de vivre cette démarche
expérimentale. Le Sénat peut vous en être reconnaissant, car il s'agit là d'une
modernisation souhaitable. Il reste sans doute à affiner cette procédure et
peut-être, dans la partie conventionnelle du débat budgétaire, conviendrait-il
d'alléger quelque peu la présentation des rapports. Il ne faudrait pas non plus
mettre le ministre face à une difficulté insurmontable compte tenu du délai
très réduit dont il dispose, mais M. Gayssot a parfaitement joué le jeu et il
faut l'en remercier.
Nous allons maintenant procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux
états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés
au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres et au
transport aérien et à la météorologie.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 1 213 286 420 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
« Titre IV : 214 404 732 francs. »
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 11 119 112 000 francs ;
Crédits de paiement : 5 346 588 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 18 352 298 000 francs ;
Crédits de paiement : 7 243 682 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
J'appelle en discussion l'article 60
ter,
qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés à la mer.
Article 60 ter
M. le président.
« Art. 60
ter
. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées,
avant le 15 avril 2001, un rapport sur l'évolution des moyens humains et
matériels consacrés à l'enseignement maritime et aquacole secondaire et sur
l'application de l'article 133 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du
30 décembre 1999). »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 60
ter
.
(L'article 60
ter
est adopté.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la mer et, par là même, l'examen des dispositions concernant le
ministère de l'équipement, des transports et du logement.
5
RETRAIT DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 19 décembre 2000, l'informant du retrait, le 8 juin 2000, des neuf
textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 034. - Proposition de règlement du Conseil établissant un système de
licences pour les activités de pêche des navires battant pavillon d'un Etat
membre ou enregistrés dans un port de la Communauté, exercées dans la zone de
réglementation définie par la convention NAFO.
N° E 114. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un
accord entre la CEE et la Fédération de Russie concernant les services des
lancements spatiaux.
N° E 185. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
certains accords entre la CEE et certains pays tiers sur le commerce de
produits textiles - Lettonie, Lituanie.
Cette proposition de décision concernait des accords textiles avec huit pays.
Six d'entre eux ont été adoptés au Conseil ECOFIN du 13 octobre 1997 : Albanie,
Arménie, Fédération de Russie, Slovénie, Tadjikistan, Ouzbékistan (lettre n°
521/97 FM/NA du 16 octobre 1997).
La Commission procède aujourd'hui au retrait de la proposition s'agissant des
accords avec la Lettonie et la Lituanie.
La procédure de l'article 88-4 est donc achevée pour l'ensemble du
document.
N° E 209. - Proposition de décision du Conseil relative à l'exercice de la
compétence externe de la Communauté aux conférences internationales du travail
en cas de compétence appartenant ensemble à la Communauté et à ses Etats
membres.
N° E 402. - Proposition de décision du Conseil relative à un soutien
communautaire à des actions en faveur des personnes âgées.
N° E 463. - Proposition de décision du Conseil portant adoption d'un programme
de mesures non législatives pour améliorer la sécurité et la santé sur le lieu
de travail : communication de la Commission sur un programme communautaire dans
le domaine de la sécurité, de l'hygiène et de la santé sur le lieu de travail
(1996-2000).
N° E 494. - Proposition de règlement du Conseil relatif à la suspension de
taux appliqués à l'intérieur de contingents tarifaires pour certains produits
agricoles.
N° E 987. - Proposition de décision du Conseil instituant un fonds européen de
garantie pour encourager la production cinématographique et télévisuelle.
N° E 1430. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant suspension de
certaines concessions prévues par l'accord européen établissant une association
entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la
République de Lettonie, d'autre part (beurre).
6
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la résorption de
l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction
publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique
territoriale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 117, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Joseph Ostermann, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion sur le projet de loi sur l'épargne
salariale.
Le rapport sera imprimé sous le n° 116 et distribué.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, samedi 2 décembre 2000, à neuf heures trente, à quinze
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Jeunesse et sports :
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 31) ;
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 93, tome IX).
Emploi et solidarité :
III. - Ville :
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 19) ;
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et du Plan (avis n° 94, tome XXIII) ;
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
(avis n° 96, tome III).
Communication :
(Crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à
l'audiovisuel inscrits au budget des services généraux du Premier ministre ;
article 46 et lignes 40 et 41 de l'état E annexé à l'article 42) ;
M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexes n°s 9 et 10) ;
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (communication audiovisuelle, avis n° 93, tome X) ;
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (presse écrite, avis n° 93, tome XI).
Culture :
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 8) ;
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 93, tome I) ;
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (cinéma, théâtre dramatique, avis n° 93, tome II).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux crédits budgétaires
pour le projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
aux articles de la deuxième partie,
non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 2 décembre 2000, à zéro heure
vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation financière des conseils d'architecture,
d'urbanisme et de l'environnement
958.
- 1er décembre 2000. -
M. Jean-Pierre Demerliat
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur la situation financière délicate dans laquelle se trouvent un certain
nombre de conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).
Ces organismes ont, aux termes de l'article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier
1977 sur l'architecture, « pour mission de développer l'information, la
sensibilité et l'esprit de participation du public dans le domaine de
l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement ». Ils sont « à la
disposition des collectivités qui peuvent les consulter sur tout projet
d'urbanisme, d'architecture ou d'environnement ». Ces prestations, gratuites,
sont particulièrement appréciées des maires des petites communes, qui trouvent
là une aide précieuse pour leurs choix d'urbanisme, d'aménagement et de
développement. Pour leur financement, les CAUE bénéficient de la taxe
départementale pour les CAUE, qui est instituée par délibération du conseil
général. Cette taxe est calculée sur la même base que la taxe locale
d'équipement. L'assiette de cette taxe n'est donc pas stable, du fait notamment
de l'irrégularité du rythme des constructions. Cette évolution pourrait ouvrir
la voie à des difficultés budgétaires pour les CAUE. Il souhaite donc savoir
quelles solutions le Gouvernement compte proposer pour garantir des ressources
stables aux CAUE, afin de les rassurer sur leur avenir et leur pérennité.