SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° II-13, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 53, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - La valeur du point d'indice cristallisé applicable à la pension
d'invalidité et à la retraite du combattant est réévaluée de 20 % en Algérie,
en Tunisie, au Maroc, au Cambodge, au Laos et au Vietnam.
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application
du paragraphe I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Notre amendement porte sur le douloureux et récurrent problème de la
cristallisation des pensions des anciens combattants venus défendre notre pays
au cours des deux dernières guerres mondiales.
Ces soldats, issus d'Afrique noire, du Maghreb, d'Indochine ou d'autres
colonies, ont particitpé courageusement à la défense et à la libération de la
France.
Or, la loi de finances pour 1960, du 26 décembre 1959, qui a institué la
cristallisation des pensions, dispose qu'à compter du 1er avril 1961 les
pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou
d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou
territoires ayant appartenus à l'Union française ou à la Communauté, ou encore
ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, seront
remplacées par des indemnités calculées sur la base des tarifs en vigueur à la
date de leur transformation.
Concrètement, dès 1962, la cristallisation s'appliquait à la quasi-totalité
des Etats d'Afrique noire et aux trois Etats du Maghreb.
En 1979, ces dispositions sont devenues applicables au Sénégal, au Gabon, au
Tchad et à la République centrafricaine.
En ce qui concerne les Etats d'Indochine, devenus indépendants - je pense au
Vietnam, au Cambodge et au Laos -, les pensions ont été cristallisées dès
1959.
Aujourd'hui, la cristallisation des pensions se traduit par une très grande
disparité de la valeur du point de pension. Par exemple, elle est de 45,05
francs à Djibouti contre 7,77 francs au Maroc et en Tunisie et 3,14 francs au
Vietnam. En métropole, elle s'élève à 81,46 francs.
Cette disparité selon les pays s'explique par les différentes dates d'accès à
l'indépendance de nos anciennes colonies et par les revalorisations ponctuelles
intervenues de façon distincte selon les pays.
De plus, une forclusion pèse sur les demandes nouvelles portant sur
l'attribution de la retraite du combattant, sur la réversion de la pension
d'invalidité ou sur la reconnaissance de l'aggravation d'une invalidité. Un pas
vient d'être fait.
Cette situation est intolérable pour ces anciens combattants venus de leur
pays d'origine pour défendre le nôtre lors des deux dernières guerres
mondiales.
Vous le savez, mes chers collègues, ces bataillons venus des anciennes
colonies françaises étaient bien souvent en première ligne lors des combats et
ont payé un très lourd tribut au cours de ces conflits.
Nous souhaitons vivement que la reconnaissance de la nation à leur égard
puisse aussi s'exprimer par une revalorisation substantielle de la valeur du
point d'indice cristallisé applicable à la pension d'invalidité et à la
retraite du combattant.
Nous proposons donc que cette valeur soit augmentée de 20 % pour les anciens
combattants venus d'Algérie, de Tunisie, du Maroc, du Cambodge, du Laos et du
Vietnam.
Cette mesure est, selon nous, l'effort minimum que nous devons faire pour eux.
Aussi, avant de discuter de l'institution d'une commission chargée de réfléchir
sur la décristallisation, prévue par l'article 53
quater
, commission que
nous appelons de nos voeux, je vous invite, mes chers collègues, à adopter
notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Défavorable, pour les raisons que j'ai indiquées tout
à l'heure.
Le Gouvernement est conscient de la réalité des situations évoquées par Guy
Fischer. Je vais reprendre le travail que j'avais abordé sous l'angle des SMIC
locaux en retenant peut-être un indice plus judicieux défini par l'organisation
des Nations unies pour identifier les décrochages et qui permettra à la
commission qui va être créée de présenter ses propositions.
En attendant, je souhaite le maintien du
statu quo
, seulement modifié
par l'amendement levant la forclusion pour la retraite du combattant.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, j'invoque également,
l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-13 n'est pas recevable.
Par amendement n° II-14, M. Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 53, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le quatrième et dans le dernier alinéa de l'article L. 256 du code
des pensions militaires d'invalidité, la mention "65 ans" est remplacée par la
mention "62 ans". »
« II. - L'augmentation du prélèvement sur recettes résultant de l'application
du paragraphe I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement a pour objet d'abaisser à soixante-deux ans la condition d'âge
requise pour bénéficier de la retraite du combattant.
Vous le savez, mes chers collègues, les associations d'anciens combattants
réclament depuis longtemps l'abaissement à soixante ans de l'âge requis pour
prétendre à la retraite du combattant, en conformité avec la retraite du régime
général.
Cette retraite a été instituée en 1932 au profit des anciens combattants
titulaires de la carte du combattant en témoignage de la reconnaissance
nationale.
Il s'agit non pas d'une retraite professionnelle, mais de la traduction
pécuniaire d'une récompense versée à titre personnel et, par conséquent, non
reversible en cas de décès.
Une évaluation du surcoût de cette mesure a été réalisée par les services du
SEDAC à partir des effectifs des contingents ayant servi en Afrique du Nord,
c'est-à-dire des appelés nés entre 1937 et 1941 inclus. Le résultat de cette
évaluation fait apparaître un surcoût de 4,3 milliards de francs répartis sur
six exercices budgétaires.
Il n'est bien sûr pas dans notre intention de nier l'importance des sommes en
jeu. Cependant, ces sommes doivent être rapprochées du chiffrage établi par la
commission tripartite chargée d'évaluer le coût de la retraite anticipée pour
les anciens combattants d'Afrique du Nord, instituée par le décret n° 95-906 du
9 août 1995 : estimé à 151 milliards de francs sur huit ans et demi, celui-ci
avait conduit le Premier ministre de l'époque à ne pas mettre en oeuvre la
mesure. J'avais d'ailleurs déposé une proposition de loi, qui est venue en
discussion devant notre assemblée, sur ce sujet.
Ce rappel permet de relativiser la revendication du monde combattant portant
sur l'abaissement de l'âge nécessaire pour percevoir la retraite du combattant,
revendication qui ne nous semble en aucun cas irréaliste. J'ajoute que
plusieurs associations d'anciens combattants, réunies dans le Front uni, ont
exprimé le souhait de voir l'âge requis pour percevoir la retraite du
combattant abaissé à soixante-deux ans.
La disposition que nous vous proposons d'adopter serait un premier pas en ce
sens et donc un signe fort envoyé au monde combattant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
La commission des finances est favorable à cet
amendement.
Je demande cependant à M. le secrétaire d'Etat de ne pas ouvrir, en avril ou
mars prochain, « loyalement », selon ses propres termes, un dossier sur ce
sujet comme il en avait l'intention, en particulier en mettant en balance le
social et le droit à réparation.
Nous, ce qui nous intéresse, c'est la réparation et non le social !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je respecte la revendication exprimée au travers de
cet amendement. Mais je dirai à la fois à Guy Fischer et à Jacques Baudot que
cet amendement induirait une dépense de 2 milliards de francs. Une telle somme
ne peut être négligée, même si l'argument financier n'est pas décisif.
A propos du débat sur la différence entre droit à réparation et solidarité, je
demande que chacun réfléchisse. Selon moi, le droit à réparation ne sera pas
élargi dans les années à venir et, si l'on veut réellement apporter des
réponses concrètes, ayant un réel impact financier, à celles et à ceux qui,
dans le monde combattant, sont en difficulté - je pense aux anciens combattants
qui vivent difficilement chaque fin de mois, ainsi qu'aux veuves - ne serait-il
pas plus judicieux de s'interroger sur la manière dont on peut « recycler » au
mieux et au maximum des sommes libérées par la disparition progressive des
ayants droit ?
Le droit à réparation, le Gouvernement ne le conteste pas. La meilleure preuve
que je puisse en donner, ce sont les réponses que j'ai apportées aux
prétentions de la Cour des comptes.
Cela dit, j'invoque l'article 40.
M. le président.
L'article 40 est-il applicable ?
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Il est applicable, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-14 n'est pas recevable.
Article 53 bis