SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre II
Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour les mêmes raisons que précédemment, à propos de
l'amendement n° 1, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen
de l'amendement n° 13.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La réserve est de droit.
Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa (4°) de l'article 45 de l'ordonnance du 22
décembre 1958 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«
4° bis. -
L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum
d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous en parvenons aux questions d'ordre disciplinaire.
Je rappelle, car c'est important, que si nous abordons le domaine
disciplinaire, ce n'est pas du tout pour toucher au fond des obligations
disciplinaires des magistrats. En aucune façon ! Nous ne traitons que des
questions de procédure, et ce dans les seuls domaines visés dans le rapport du
Conseil supérieur de la magistrature.
Lors de la préparation de mon rapport, j'ai, comme à l'habitude, entendu les
représentants des différentes catégories de magistrats, des syndicats, etc.,
ainsi que les chefs de cour et les hauts responsables des plus hautes
juridictions : tous m'ont dit qu'il s'agissait de dispositions très
raisonnables, qui ne faisaient pas du tout de difficulté dans leurs rangs. Je
crois donc qu'il n'existe aucun contentieux sur ce point.
Nous avons puisé trois dispositions dans une liste plus longue établie par le
CSM. Celui-ci fait observer, dans son rapport, que la gamme des sanctions est
trop sommaire et qu'il manque une sanction intermédiaire,...
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... à savoir l'exclusion temporaire de fonctions, pour une
durée maximale d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement.
Le CSM dit qu'une telle sanction permettrait de tirer les conséquences
disciplinaires de comportements qui, sans justifier l'éviction définitive du
corps, mériteraient d'être sanctionnés par une mesure plus sévère que celles
qui sont prévues par l'actuel article 45 du statut.
Il s'agit donc d'instaurer un peu plus de souplesse dans le système de
sanctions. Cela est souhaité par le CSM, approuvé par toutes les personnes
concernées et, répondant par avance à votre objection, j'ajouterai que, puisque
c'est une bonne chose, plus vite on la fera et mieux cela vaudra !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Tout le monde a entendu ce que j'ai dit tout à l'heure,
y compris M. le rapporteur. Je reste sur ma position défavorable parce que
c'est là un autre débat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
«
Art. 50-2
. - Le conseil supérieur de la magistrature est également
saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que
lui adressent le premier président de la Cour de cassation, les premiers
présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice,
qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit de la saisine du CSM, qui statue en matière
disciplinaire concernant les magistrats du siège.
Nous ne touchons pas aux magistrats du parquet, qui sont encore, sous réserve
de l'adoption des réformes en cours, dans l'ancien système. A leur égard, le
pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre et le CSM ne donne qu'un
avis.
Actuellement, en ce qui concerne donc les magistrats du siège, la saisine du
CSM pour des faits disciplinaires appartient à la chancellerie.
Mme Guigou, alors garde des sceaux, nous a souvent déclaré qu'elle ne voulait
pas prendre d'initiatives qui pouvait laisser penser que le ministre pouvait
avoir des raisons plus ou moins opaques de saisir ou de ne pas saisir.
Cette saisine par la chancellerie, à tort ou à raison - je suis convaincu que
c'est à tort -, donne en effet lieu à des interprétations dans la mesure où
elle présente un côté un peu mystérieux. D'où l'idée que la saisine du CSM
devrait appartenir aussi - il ne s'agit pas de déposséder la Chancellerie - aux
premiers présidents de cour d'appel.
C'est une idée qui vient de loin. Elle avait été présentée par M. Truche dès
1997, alors qu'il était premier président de la Cour de cassation. Elle figure
dans le rapport du CSM. Le Conseil estime ainsi qu'il conviendrait d'attribuer
un tel pouvoir aux chefs de cour. Cette proposition figure également dans le
troisième rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature. Elle est
enfin incluse dans l'avant-projet de loi organique relatif au statut des
magistrats, communiqué au CSM.
Je crois qu'il est tout à fait intéressant de donner cette responsabilité aux
premiers présidents de cours d'appel. J'en ai reçu plusieurs ; ils m'ont dit
qu'il l'acceptaient volontiers, que même ils la souhaitaient. Il est, en effet,
souhaitable, de donner aux chefs de ce corps, surtout au niveau régional, des
responsabilités accrues ; cette idée était également sous-jacente aux
intentions de la chancellerie.
Il est évident qu'un premier président sera plus près de la réalité, aura plus
conscience de ce qui a pu se passer, de ce qui justifie une poursuite
disciplinaire. Il pourra éventuellement entendre un plaignant.
Il n'est pas question, dans notre esprit, de permettre la saisine directe du
CSM par quelqu'un qui aurait à se plaindre d'une faute disciplinaire d'un
magistrat ; on ouvrirait ainsi, probablement la porte à bien des abus. Mais les
premiers présidents de cours d'appel, disséminés à travers tout le territoire,
peuvent avoir une vue concrète des choses, et leur approche des problèmes sera
beaucoup plus technique, moins suspecte d'interprétation politique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers
collègues, de voter cet amendement, qui correspond à un voeu du CSM et qui n'a
soulevé aucun problème au cours des auditions auxquelles j'ai procédé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Dans la même logique que précédemment, je suis
défavorable à cet amendement.
A cet argument de fond, j'ajouterai un argument rédactionnel.
En effet, en l'absence du mécanisme de suppléance du premier président de la
Cour de cassation comme président du conseil de discipline, le cumul de cette
qualité avec celle d'autorité de saisine poserait difficulté au regard de
l'exigence d'impartialité de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention
européenne des droits de l'homme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
L'amendement de notre collègue M. Fauchon me semble particulièrement bienvenu.
Il est souvent arrivé, dans le passé, que des premiers présidents de cour
d'appel aient demandé à la chancellerie de saisir le Conseil supérieur de la
magistrature sur le plan disciplinaire et que leur demande n'ait pas été suivie
d'effet pour des raisons diverses et variées. Je dis bien « dans le passé »
car, depuis trente ans que je suis les problèmes de justice, j'ai vu bien des
choses et sous tous les régimes !
Par ailleurs, cet amendement vise à donner plus de responsabilités, mais aussi
plus d'autorité aux premiers présidents de cours d'appel, ce qui est une bonne
chose également.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour tenir compte de l'observation effectivement pertinente
de Mme la ministre, je souhaite rectifier cet amendement n° 11 en supprimant,
dans le deuxième alinéa, les mots : « le premier président de la Cour de
cassation ».
Cet alinéa se lirait donc ainsi : « Le Conseil supérieur de la magistrature
est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites
disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les
présidents de tribunal supérieur d'appel. »
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous évitons ainsi la difficulté soulevée par Mme la ministre
sans rien changer à l'essentiel.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Fauchon, au
nom de la commission, et tendant, après l'article 6, à ajouter un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
«
Art. 50-2
. - Le Conseil supérieur de la magistrature est également
saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que
lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de
tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice,
qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires.
»
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Toujours défavorable !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les
reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.