SEANCE DU 25 OCTOBRE 2000
TRANSPOSITION PAR ORDONNANCE
DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet
de loi (n° 473, 1999-2000) portant habilitation du Gouvernement à transposer,
par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire. [Rapport n° 30 (2000-2001) et avis n°s 32,
31, 35 et 36 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, le projet de
loi qui vous est soumis vise à autoriser le Gouvernement à transposer par
ordonnances des directives européennes et à mettre en oeuvre certaines
dispositions du droit communautaire.
Il a notamment pour objet de tirer les conséquences pour notre législation de
stipulations des traités européens, de plusieurs décisions et règlements
communautaires ainsi que d'arrêts de la Cour de justice des Communautés
européennes.
A ce titre, l'habilitation concernera principalement les secteurs de la santé,
de la sécurité sociale, des assurances, de l'environnement, de la consommation,
des contributions indirectes ainsi que des postes et télécommunications.
La très grande majorité de ces directives a déjà fait l'objet de transposition
dans le cadre de projets de loi ordinaires. Il ne s'agit, dès lors, que de
compléter, souvent de façon très minime, la transposition déjà engagée.
A titre d'exemple, les directives relatives aux télécommunications ont
pratiquement toutes été transposées par anticipation dans la loi de
réglementation des télécommunications de juillet 1996, mais quelques
dispositions, notamment la mise en oeuvre d'un annuaire universel, ne l'ont pas
encore été.
Le projet de loi autorise également le Gouvernement à procéder par ordonnance
à la refonte du code de la mutualité, rendue nécessaire par la transposition de
deux directives communautaires de 1992 relatives aux assurances.
Il rend enfin possible, selon la même méthode, la réforme du code de la voirie
routière, afin de moderniser le régime d'exploitation des autoroutes et des
ouvrages d'art à péage.
Le recours à la procédure des ordonnances, prévu par l'article 38 de la
Constitution, permettra donc d'accélérer la mise en conformité du droit
français avec le droit communautaire et d'éviter que davantage de contentieux
ne soient portés devant la Cour de justice des Communautés européennes. La
situation de la France au regard de ses obligations européennes s'en trouvera
ainsi améliorée.
Bien sûr, nous respectons déjà
de facto
les obligations communautaires,
mais les instances européennes souhaitent que ces obligations soient
formellement inscrites dans notre droit. Je pense notamment à la directive
99/64, qui impose aux opérateurs historiques de télécommunications qui
possèdent également des réseaux câblés de séparer, dans des structures
juridiques distinctes, l'exploitation de leurs réseaux de télécommunications et
de leurs réseaux câblés.
Au 30 septembre 2000, notre pays comptait « un stock » de 176 directives à
transposer, dont 136 étaient, à cette date, à proprement parler « en retard »
de transposition. Parmi celles-ci, reconnaissons-le, plusieurs ont un caractère
réglementaire et imposent donc au Gouvernement une vigilance renouvelée, mais
un bon tiers de ces textes présentent un caractère principalement législatif,
selon nos règles constitutionnelles.
Parmi ces directives, certaines remontent au début des années quatre-vingt.
C'est dire si la responsabilité, au cours de ces vingt années, est partagée
entre les gouvernements qui se sont succédé. Il ne s'agit d'ailleurs pas,
aujourd'hui, de chercher des responsables ; il s'agit de trouver les moyens
d'apporter les réponses rapides à une telle situation, qui nous handicape, à
plusieurs points de vue.
Tout d'abord, cette situation crée une forte insécurité juridique. En effet,
la jurisprudence développée par la Cour, relative à l'effet direct de ces
directives, permet l'application de certaines dispositions - par les
juridictions nationales, comme par la Cour de Luxembourg - dès la fin du délai
de transposition, même si la transposition n'a pas été faite.
Ensuite, notre retard en matière de transposition de directives nous place au
premier rang des Etats membres contre lesquels sont engagées des procédures
précontentieuses ou contentieuses.
Enfin, il est certain que notre situation est toujours fragilisée vis-à-vis de
la Commission et de nos partenaires lorsqu'une nouvelle directive est en cours
de négociation alors même que nous n'avons encore pas achevé la transposition
de la directive précédente sur le même sujet.
S'agissant des aspects contentieux, je veux simplement rappeler quelques
chiffres : près de soixante-deux procédures d'infraction pour défaut de
transposition, soit près de la moitié du nombre des directives qui auraient dû
être transposées par la France au 30 septembre dernier, sont actuellement
engagées contre notre pays par la Commission ou devant la Cour ; douze recours
en manquement sont actuellement devant la Cour et sept condamnations relatives
à des directives inscrites dans le projet de loi ont déjà été prononcées ; plus
grave, à la suite de six de ces condamnations, une procédure sur le fondement
de l'article 228 du traité a été engagée.
Je rappelle que cet article, introduit par le traité de Maastricht, permet à
la Cour de condamner tout Etat n'ayant pas donné suite à l'un de ses arrêts au
versement d'amendes ou d'astreintes d'un montant qui peut s'élever à plusieurs
centaines de milliers de francs par jour. Même exprimées en euros, ces sommes
sont considérables. Si la Cour n'avait pas recouru à ce procédé jusqu'à une
période récente, elle l'a fait le 4 juillet dernier à l'encontre de la Grèce,
et notre mauvaise position, du point de vue tant des transpositions que du
contentieux, nous fait penser que cette condamnation constitue un
avertissement.
Face à cette situation, et alors que notre pays exerce la présidence de
l'Union, ce qui doit, vous en conviendrez, nous inciter à une certaine
exemplarité, le Gouvernement, en plein accord avec le Président de la
République, a fait le choix de recourir à l'ensemble des solutions possibles
sur le plan législatif.
La voie des ordonnances n'est que l'un des instruments utilisés par le
Gouvernement pour satisfaire, depuis 1997, à ses obligations communautaires. Il
s'agit même d'un usage exceptionnel. En effet, la voie de droit commun est
restée, et restera, la discussion d'un projet de loi.
Ainsi, depuis 1997, le Gouvernement a fait adopter plusieurs projets de loi
spécifiques en vue d'assurer la transposition de directives importantes. Je
pense à la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, à la loi du 10 février
2000 sur la modernisation et le développement du service public de
l'électricité, ou encore à la loi du 1er août 2000 relative à la réforme de
l'audiovisuel public, qui transpose la directive de juin 1997, qui elle-même
modifie la directive « Télévision sans frontières » d'octobre 1989.
Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place et développé un nouvel
instrument, le « projet de loi portant diverses transpositions d'adaptation
communautaire », ou DDAC, selon le langage parlementaire, dont la vocation est
de permettre la discussion de plusieurs directives, le plus souvent à caractère
technique, relevant d'un même secteur.
Deux de ces DDAC font actuellement l'objet d'un examen par le Parlement : l'un
est relatif aux transports, l'autre à l'agriculture, et plus précisément à la
sécurité sanitaire. Leur examen sera poursuivi et la discussion parlementaire
sera menée à son terme.
Force est toutefois de constater que, malgré toutes ces initiatives, nous ne
pouvons faire face à la situation d'urgence dans laquelle nous nous trouvons,
compte tenu de la surcharge chronique de l'ordre du jour parlementaire.
Dès lors, et en plein accord - je tiens à le répéter - avec le Président de la
République, le recours à l'article 38, qui n'est pas un moyen ordinaire pour
transposer les directives, est apparu comme une solution nécessaire.
Je connais les réticences des parlementaires à l'égard de cette forme de
délégation du pouvoir législatif.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
Mme Hélène Luc.
En effet !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cependant, le recours aux
ordonnances est solidement encadré et le Parlement, à chaque étape de la
procédure, conserve ses droits.
Sur la forme - ma présence comme celle de MM. Guy Hascoët et Jean-Claude
Gayssot, lors de la discussion des articles concernant leurs domaines
d'intervention, en témoigneront - le Gouvernement est disponible pour exposer
dans le détail le contenu de son projet de loi d'habilitation et il est prêt à
apporter toutes les précisions que souhaiteront les assemblées. Le rapporteur
de la commission des lois du Sénat a d'ailleurs pris l'heureuse initiative de
publier la liste des directives qui devront être transposées, et certains
projets de loi de transposition vous ont été transmis pour information.
Naturellement, au terme de la procédure, le Parlement sera amené à se
prononcer sur les projets de loi de ratification que le Gouvernement déposera.
Ces projets regrouperont les ordonnances par matière, ce qui permettra, lors de
leur discussion, d'aborder les questions de façon plus précise encore. A cette
occasion, chaque parlementaire pourra, bien sûr, exercer son droit
d'amendement.
Sur le fond, le Gouvernement a veillé à ce que le projet qui vous est soumis
ne porte pas sur des questions fondamentales qui n'auraient pas fait l'objet de
débats préalables devant les assemblées. Par exemple, il n'a pas intégré dans
son projet la directive 95/46 sur la protection des données personnelles ou la
directive 98/44 sur la protection des interventions dans le domaine de la
biotechnologie, directives qui feront l'objet de projets de loi spécifiques.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où,
cinquante ans après l'établissement des premières fondations, la France préside
l'Union européenne et où d'importantes réflexions sont lancées sur le devenir
de l'Union, notre pays ne peut continuer d'apparaître comme l'un des plus
mauvais élèves dans la mise en oeuvre du droit communautaire.
Les transpositions des directives et, plus largement, la conformité de la
législation aux normes européennes, constituent, vous en conviendrez, le socle
de crédibilité indispensable à la bonne participation des Etats membres, en
particulier des plus grands d'entre eux, à l'entreprise européenne.
C'est ce que nous attendons de nos partenaires - où nos entreprises
rencontrent parfois des difficultés, en raison des transpositions défectueuses
- mais c'est aussi la première des exigences que nous devons avoir vis-à-vis de
nous-mêmes et de nos concitoyens.
Je tiens à le rappeler : le recours aux ordonnances est exceptionnel. Qu'il
nous offre aussi la possibilité - pourquoi pas ? - d'ouvrir le débat sur la
meilleure façon de répondre aux exigences de la construction juridique
communautaire ! Cette dernière comporte des contraintes mais elle vise aussi à
permettre à notre pays de continuer dans la voie qu'il s'est tracée en Europe
depuis le traité de Rome et la construction des Communautés européennes, dans
les années cinquante.
Telles sont les conditions dans lesquelles le Gouvernement vous présente ce
projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par
ordonnances, des directives communautaires.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous allons
avoir aujourd'hui est incontestablement important. Le projet de loi que nous
examinons peut, au premier abord, donner l'impression de n'être qu'une
énumération fastidieuse de directives, et pourtant, ce qui est en cause
aujourd'hui, c'est la conception que nous avons de la construction européenne.
Ce qui est en cause, c'est l'idée que nous nous faisons du rôle du Parlement,
de notre rôle, dans cette construction.
M. Alain Lambert.
Exactement !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Au fond, c'est un peu la démocratie qui est en cause.
M. Hubert Haenel.
Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Effectivement !
Mme Hélène Luc.
Lorsque vos amis ou vous-même étiez au Gouvernement, vous avez agi de cette
manière à plusieurs reprises !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le projet de loi soumis au Sénat tend à habiliter le
Gouvernement à prendre par ordonnances de nombreuses mesures destinées à
permettre à la France de combler son retard dans l'application du droit
communautaire.
De fait, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la situation actuelle est
réellement inacceptable. En effet, 176 directives communautaires sont
actuellement en attente de transposition dans notre pays. Non seulement la
France figure parmi les Etats les moins performants en matière de transposition
de directives, mais elle est même le pays qui fait l'objet du plus grand nombre
de procédures précontentieuses et contentieuses.
Si j'étais un peu provocateur,...
M. Hubert Haenel.
Soyez-le !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... j'en viendrais presque à me demander qui, du Danemark et
de la France, est plus européen. Notre pays prend de multiples initiatives en
matière européenne, prétend être un moteur dans cette construction - et il
l'est ! - mais il ne respecte pas ses obligations ; le Danemark, lui, dit
souvent non à l'Europe, semble la regarder avec la plus grande prudence, mais
il est l'Etat qui applique le plus scrupuleusement le droit communautaire.
Peut-être avons-nous à apprendre à certains égards du Danemark, qui associe
plus que la France le Parlement à l'élaboration des décisions
communautaires.
Quoi qu'il en soit, le retard actuel a des conséquences fâcheuses. En premier
lieu, il crée une forte insécurité juridique, puisque, sous certaines
conditions, les directives communautaires peuvent être directement invoquées,
même si elles ne sont pas encore transposées. En deuxième lieu, la France
pourrait être condamnée au paiement de lourdes astreintes par la Cour de
justice des Communautés européennes si elle ne prenait pas des mesures
radicales pour résorber ce retard : depuis la signature du traité de
Maastricht, la Cour de justice peut, en effet, condamner au paiement
d'astreintes un Etat qui ne se soumet pas à ses arrêts. Enfin, en troisième
lieu, la situation actuelle est totalement incompatible, nous l'avons déjà dit,
avec le rôle moteur que nous entendons jouer dans la construction
européenne.
Quelles sont les causes de ce retard ?
Le retard de la France dans l'application du droit communautaire est
entièrement imputable aux gouvernements successifs.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Exactement !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Soyons clairs : c'est un fait !
Ce retard s'est encore aggravé au cours des dernières années. Il est tout à
fait singulier que le Gouvernement évoque l'encombrement de l'ordre du jour des
assemblées pour justifier le recours à la procédure des ordonnances.
Je rappelle que l'ordre du jour prioritaire du Parlement est déterminé par le
Gouvernement, aux termes de l'article 48 de la Constitution.
Il conviendrait que les gouvernements se demandent si tous les textes qu'ils
inscrivent à l'ordre du jour des assemblées sont absolument indispensables à
notre pays.
M. Alain Lambert.
C'est une bonne question !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est un vaste débat !
(Murmures d'approbation.)
Lorsqu'on suit le déroulement de nos travaux, on peut parfois se demander
si l'inscription d'une multitude de textes à l'ordre du jour des assemblées
parlementaires n'est pas, à la limite, le meilleur instrument inventé par les
pouvoirs exécutifs pour pouvoir gouverner en toute tranquillité.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Très
juste ! Observation pertinente !
M. Alain Lambert.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, le Parlement est prêt à débattre de la
transposition des directives. A titre d'exemple, rappelons que le Sénat a
adopté, en 1998, au cours d'une journée d'initiative parlementaire, une
proposition de loi de notre collègue Jean-François Le Grand tendant à
transposer la directive « Natura 2000 ». Mme la ministre de l'environnement
avait qualifié alors cette initiative de « prématurée ».
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Or, deux ans plus tard, le Gouvernement nous demande de
l'autoriser à transposer ce texte par voie d'ordonnance.
M. Alain Lambert.
Il y a urgence !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je crois que le dispositif mis en oeuvre pour assurer le
respect par la France de ses obligations communautaires n'est pas pleinement
efficace et que des dysfonctionnements administratifs, dont les origines
remontent loin, peuvent expliquer largement la situation actuelle.
Nous constatons en tout cas que, le plus souvent, les gouvernements attendent
que les délais de transposition soient dépassés pour soumettre au Parlement,
dans la plus grande précipitation, des projets de loi.
Quelles que soient les responsabilités qui, je le répète, se situent au-delà
des différentes alternances, le Gouvernement nous propose aujourd'hui de
résorber une partie du retard en l'autorisant à prendre par ordonnances les
mesures nécessaires pour la bonne application par la France d'une soixantaine
de textes communautaires qui concernent, comme vous l'avez constaté, les
domaines les plus variés : télécommunications, environnement, protection des
consommateurs, transports et propriété intellectuelle.
La commission des lois, saisie au fond du projet de loi, a souhaité formuler
des remarques de principe concernant le recours aux ordonnances et le rôle du
Parlement, laissant aux quatre commissions saisies pour avis le soin d'analyser
les dispositions relevant de leurs compétences et, le cas échéant, de proposer
la réduction du champ de l'habilitation donnée au Gouvernement.
Il convient de rappeler que le Gouvernement recourt pour la cinquième fois à
la procédure des ordonnances prévue par l'article 38 de la Constitution. Cette
procédure a été utilisée, s'agissant du droit applicable à l'outre-mer - vous
connaissez bien les textes en question, monsieur le ministre -, de
l'élaboration de divers codes, et, enfin, pour adapter la valeur en euros de
certains montants exprimés en francs. Dans ces différents cas, le recours aux
ordonnances ne posait pas nécessairement, à mon sens, de problème de
principe.
Il n'empêche que la multiplication des habilitations est périlleuse, car il
existe un risque que les ordonnances ne soient jamais ratifiées par le
Parlement. Or, le dépôt d'un projet de loi de ratification ne vaut pas
ratification implicite. Une telle ratification implicite ne peut résulter que
d'une modification ultérieure, par une loi, du contenu de l'ordonnance. La
ratification implicite peut n'être que partielle et peut donc susciter des
difficultés d'interprétation. Enfin, l'absence de ratification expresse des
ordonnances prive le Parlement de tout droit de regard sur les textes
concernés. Une ratification explicite des ordonnances par le Parlement est donc
hautement souhaitable.
Or, monsieur le ministre, huit projets de loi de ratification sont
actuellement déposés sur le bureau du Sénat au titre des précédentes lois
d'habilitation sans que leur inscription à l'ordre du jour soit encore
programmée.
M. Jean-Guy Branger.
Inacceptable !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le présent projet de loi, s'il est adopté, conduira lui aussi
au dépôt de plusieurs projets de loi de ratification, et le risque est grand
que ces projets ne soient jamais inscrits à l'ordre du jour des assemblées.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Bien sûr !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le recours aux ordonnances présente donc toujours des
risques.
Mais le présent projet de loi d'habilitation est d'une nature toute
particulière et dessaisit le Parlement beaucoup plus que les autres
habilitations. En effet, le processus communautaire de décision est ainsi fait
que les directives sont négociées par le Gouvernement au sein du Conseil de
l'Union européenne et que notre parlement n'intervient qu'au stade de la
transposition. Si une directive est négociée par le Gouvernement et transposée
par le Gouvernement, que reste-t-il au Parlement ?
Bien sûr, depuis 1992, nous pouvons voter des résolutions sur des textes
communautaires en cours de discussion. Ce progrès incontestable - et le Sénat
joue son rôle à cet égard - ne justifie pas pour autant que le Parlement soit
privé de son droit de regard au moment de la transposition des directives.
Le projet de loi porte fortement atteinte aux droits du Parlement, quoi que
puisse prétendre le Gouvernement dans l'exposé des motifs, texte sur lequel je
souhaite m'arrêter un instant.
Le Gouvernement précise, dans cet exposé des motifs, que l'habilitation
demandée porte « principalement sur les directives de nature essentiellement
technique ». Ainsi, le bouleversement du système de financement des autoroutes,
la refonte du code de la mutualité, la mise en oeuvre de la directive « Natura
2000 » ne seraient que des mesures techniques !
Fort heureusement, le Gouvernement nous indique dans ce même exposé des motifs
qu'il n'envisage pas de prendre par ordonnances « des mesures de grande ampleur
dépourvues de tout lien avec les dispositions transposées et de pure
opportunité politique » !
Signalons également que ce projet de loi est signé par le ministre des
affaires étrangères. Le Gouvernement considère-t-il que les transports, les
droits des travailleurs, les assurances sont des affaires étrangères ?
Ces remarques étant faites, la commission des lois a dû arrêter une position.
Nous avons estimé que le retard actuel de la France dans la transposition des
directives n'était plus acceptable, et nous vous proposons donc d'accepter,
malgré les réserves que nous inspire le procédé, le recours aux ordonnances.
Cette acceptation est cependant assortie - vous l'avez sans doute deviné - de
plusieurs réserves.
Tout d'abord, les commissions saisies pour avis formuleront des propositions
destinées à retirer du champ d'habilitation des textes qui nécessitent à
l'évidence un débat parlementaire et dont l'adoption par ordonnances serait
inacceptable. Je ne doute pas que le Gouvernement aura à coeur de faire en
sorte que le Parlement ne soit pas la victime des erreurs des gouvernements qui
se sont succédé depuis vingt ans et qu'il acceptera les propositions des
commissions.
Par ailleurs, il est indispensable que la situation actuelle ne se reproduise
plus. M. le ministre délégué chargé des affaires européennes a bien voulu nous
dire qu'il était prêt à réfléchir, en liaison avec le Parlement, aux moyens
d'améliorer les dispositifs permettant à la France de mieux respecter ses
engagements européens. C'est une bonne initiative.
Monsieur le ministre, nous sommes à votre disposition pour entamer très vite
cette réflexion. D'ores et déjà, il serait utile que nous disposions d'un «
tableau de bord » des textes que nous allons devoir transposer. De telles
informations ne devraient pas être uniquement détenues par les
administrations.
Par ailleurs, il est nécessaire que le Gouvernement prépare dès à présent un
calendrier de transposition des directives qui ne figurent pas dans le projet
de loi d'habilitation. Sinon, le retard s'accumulera à nouveau. Ainsi, nous
aimerions savoir, par exemple, quand seront transposées les directives sur la
protection des données personnelles ou sur le marché intérieur du gaz.
Enfin, la transposition des directives serait peut-être facilitée si nous
avions le sentiment que les résolutions que nous adoptons dans le cadre de
l'article 88-4 de la Constitution - et la délégation du Sénat pour l'Union
européenne est au coeur de ce dispositif - sont prises en compte par le
Gouvernement. M. le ministre nous a rappelé que ces résolutions n'étaient pas
nombreuses. Il doit donc être d'autant plus facile de les satisfaire.
Je souhaite enfin insister sur l'importance d'une ratification expresse des
ordonnances. Nous attendons un engagement clair du Gouvernement de faire
ratifier, avant la fin de la présente législature, l'ensemble des ordonnances
qu'il prendra.
Pour lui faciliter la tâche - car nous sommes associés dans cette mission
difficile - nous proposons de réduire les délais prévus pour prendre les
ordonnances, afin d'éviter que le dépôt des projets de loi de ratification
n'intervienne trop peu de temps avant la fin de la législature.
Nous nous résignons donc au recours, à titre exceptionnel, aux ordonnances
pour résorber notre retard dans l'application du droit communautaire. Je ne
suis pas sûr, cependant, monsieur le ministre, que la mise à l'écart du
Parlement en matière de droit communautaire soit le meilleur moyen de faire
progresser l'adhésion des citoyens à la construction européenne.
Or il n'y a d'Europe stable, d'Europe solide, d'Europe dotée d'une âme que si
c'est une Europe des citoyens. Et qui mieux que le Parlement peut y contribuer
?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des
affaires culturelles est sans doute moins concernée que d'autres commissions
par le contenu du projet de loi d'habilitation dont nous abordons la
discussion. C'est l'une des raisons qui expliquent que son rapport soit plus
condensé et traite moins dans le détail l'ensemble du présent projet de loi.
Nous sommes cependant spécifiquement intéressés par trois points relatifs à
l'éducation, avec la reconnaissance mutuelle des diplômes, à la communication,
avec certains aspects du statut des réseaux câblés, et à la culture, avec la
profession d'agent artistique.
Ces dispositions ont toutefois leur importance, qui justifiait la saisine pour
avis de notre commission, et posent des problèmes que je vais évoquer.
Je voudrais auparavant faire quelques remarques de principe sur le recours à
la législation par voie d'ordonnance, à l'égard duquel notre commission a
exprimé des réserves dont il m'appartient de rendre compte, même si tout a déjà
été excellemment exprimé par le rapporteur de la commission des lois, notre ami
et collègue Daniel Hoeffel.
Le Gouvernement met en avant la nécessité de rattraper l'important retard que
nous savons et l'encombrement du calendrier législatif.
Je crois indispensable de rappeler à mon tour qu'il appartenait au
Gouvernement de tenir compte des impératifs, parfaitement prévisibles au
demeurant, de la présidence française de l'Union européenne lorsqu'il a élaboré
l'ordre du jour des assemblées, dont il est maître.
Je voudrais d'ailleurs ajouter, au-delà de la question de la présidence
française de l'Union européenne, que, lorsqu'on est le vice-champion d'Europe
de la non-transcription des directives et le champion toutes catégories des
mises en demeure par Bruxelles, il me semble qu'on a le devoir de s'atteler à
ce qui est une obligation, à savoir la transcription des directives. Or toutes
les justifications que l'on nous oppose laissent à penser que, si la France
n'avait pas hérité de la présidence de l'Union, on aurait continué à ignorer
ces directives. C'est tout de même un comportement surprenant !
M. Gérard Larcher.
C'est vrai !
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Le Gouvernement souligne, par ailleurs, le
caractère technique des mesures à transposer et estime que leur portée ne
justifierait pas un véritable débat parlementaire. Je crois que nous devons
tous nous élever fermement contre cette interprétation inédite et pour le moins
surprenante de la compétence législative ! A ma connaissance, le technique
n'évacue pas le politique !
J'imagine, par exemple, que le code de la mutualité, « Natura 2000 » ou la
taxation des poids lourds sur les autoroutes méritent un débat autre que
technique, et je suppose que nous aurons ce débat.
J'en arrive aux trois points qui entrent dans le champ de compétence de la
communission des affaires culturelles.
En premier lieu, j'évoquerai l'étendue de l'habilitation demandée pour la
transposition des directives 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et 92/51/CEE du 18
juin 1992, instituant un système général de reconnaissance des diplômes et des
formations professionnelles.
Ce système général se fonde sur le principe selon lequel toute personne
qualifiée pour exercer une activité professionnelle dans un Etat membre doit
pouvoir exercer la même activité dans un autre Etat membre, sauf à se voir
imposer, en cas de différence substantielle de contenu et de durée entre la
formation qu'elle a acquise et celle qui est requise par l'Etat membre
d'accueil, des mesures compensatoires sous forme, selon les cas, de stage
d'adaptation, d'épreuve d'aptitude ou d'exigence d'une expérience
professionnelle : la directive 89/48 prévoit, selon ces principes, les
modalités de reconnaissance des diplômes sanctionnant des formations
professionnelles supérieures d'une durée minimale de trois ans ; la directive
92/51, qui la complète, s'applique aux formations professionnelles courtes et
prévoit la mise en place de passerelles entre les différents niveaux de
formation.
Comme vous le savez sans doute, la quasi-totalité des professions réglementées
entrant dans le champ d'application de ces directives a d'ores et déjà fait
l'objet de mesures de transposition et d'adaptation dans notre législation : le
projet d'habilitation n'a vocation à transposer ces deux directives qu'à
certaines professions paramédicales, en mettant en place les passerelles
prévues et en prévoyant des mesures compensatoires permettant l'usage des
titres de diététicien et de psychologue.
J'indique que ces aménagements purement techniques, qui avaient été prévus
dans le projet de loi n° 2386 portant diverses dispositions d'adaptation au
droit communautaire, déposé à l'Assemblée nationale le 10 mai dernier mais non
encore inscrit à l'ordre du jour, seront repris sans modification, selon les
informations qui m'ont été communiquées, dans le texte de l'ordonnance.
Je dois, par ailleurs, rappeler que la Commission européenne a introduit, à
bon droit, un recours en manquement contre la France pour défaut de
transposition de la directive 89/48 à la profession de psychologue.
Pour sa part, la commission des affaires culturelles a estimé que ces
aménagements limités auraient pu être soumis au Parlement depuis longtemps -
par exemple dans un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social
- et m'a chargé de vous demander des explications, monsieur le ministre, sur
les raisons d'un tel retard, s'agissant notamment de la transposition de la
directive 89/48 à la profession de psychologue, plus de dix ans après son
adoption.
Le projet de loi prévoit, ensuite, la transposition par voie d'ordonnance de
la directive 1999/64/CE de la Commission.
L'objectif est de conduire les opérateurs historiques de télécommunications,
en l'occurrence France Télécom, a filialiser leurs activités dans le secteur du
câble. Il s'agit de favoriser la concurrence entre les opérateurs et le
développement de réseaux multimédias à haut débit.
La directive précise que l'exigence de séparation juridique est remplie quand
les activités de télévision par câble d'un organisme de télécommunications sont
cédées à une filiale à 100 % de cet organisme. Qu'en est-il en pratique ?
France Télécom, qui fut la cheville ouvrière du plan câble, opère sur ce
marché en tant qu'exploitant technique et commercial de réseaux par
l'intermédiaire de France Télécom Câble, sa filiale à 100 %. France Télécom
exerçait par ailleurs récemment une activité d'exploitant technique de réseaux,
dont elle avait la propriété et dont l'exploitation commerciale était concédée
à des câblo-opérateurs. Or cette activité a été transférée à deux sociétés :
d'une part, Noos, dont France Télécom a, dans un premier temps, partagé le
capital avec la Lyonnaise des Eaux avant de se dégager en août dernier, et,
d'autre part, NC Numéricâble, dont le capital est partagé avec Canal Plus,
France Télécom se préparant à céder sa participation.
France Télécom satisfait donc aux exigences de la directive.
Mais satisfaire n'est pas transposer, contrairement à ce que le Gouvernement
semble avoir supposé dans un premier temps.
La Commission européenne tient à une transposition en bonne et due forme :
elle a donc transmis une mise en demeure en août dernier. Cette mise en demeure
semble à l'origine de l'insertion, tardive, de la directive 1999/64 dans le
projet de loi d'habilitation.
Conséquence vraisemblable de ce processus un peu hésitant : le texte
législatif dans lequel sera insérée la disposition transposée et la rédaction
de cette disposition ne sont pas encore connus.
La commission des affaires culturelles n'a cependant pas estimé que cet
arrière-plan peu dynamique justifiait d'écarter l'insertion dans le projet de
loi d'habilitation d'une disposition qui ne pose aucun problème de fond.
Nous nous contenterons de regretter la légèreté que cet épisode révèle dans la
gestion de nos obligations européennes et de nous interroger sur les
insuffisances et les carences organisationnelles caractérisées qui ont ainsi
été mises en lumière.
Nous regretterons, en particulier, que le Gouvernement ait laissé passer
l'occasion que la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre
1986 sur la liberté de communication lui a offerte au printemps dernier pour
s'acquitter formellement de nos engagements européens.
Ne nous dites pas, monsieur le ministre, que vous n'étiez pas au courant de
cette possibilité ! La discussion de ce projet de loi a fait une large part aux
nécessités du bon déroulement de la présidence française, puisque non seulement
nous avons transposé les dernières dispositions en attente de la directive «
Télévision sans frontières », mais encore nous avons adopté un amendement en
provenance du ministère des affaires étrangères qui permettait de créer, en vue
de notre présidence, une structure d'accueil et d'orientation des journalistes
accrédités à Paris.
Que l'on ne nous oppose pas la cohérence globale du projet de loi sur
l'audiovisuel, qui aurait été mise à mal par cet ajout ! Nous avons été
suffisamment nombreux à nous élever contre le manque d'ambition du texte sur
l'audiovisuel et contre son aspect de conglomérat de mesures disparates pour
accepter ce type d'argument... Et le rapport entre la disposition relative à la
création d'une structure d'accueil et d'accréditation des journalistes à Paris
et la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication est, vous
l'admettrez, plus ténu que ce que vous nous proposez aujourd'hui, avec
l'adoption des mesures dont la transposition par voie d'ordonnance est
demandée.
J'en arrive, enfin, au troisième point du projet de loi d'habilitation dont
nous nous sommes saisis, à savoir l'habilitation donnée au Gouvernement pour
mettre en conformité les textes du code du travail régissant la profession
d'agent artistique avec le traité instituant la Communauté européenne.
La situation d'incompatibilité entre le droit national et les règles
communautaires est incontestable : l'article L. 762-9 du code du travail impose
aux agents artistiques ressortissant d'un pays européen pour exercer en France
de passer par l'intermédiaire d'un agent artistique français, ce qui est
manifestement contraire aux articles 43 et 49 du traité, qui interdisent
respectivement les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre
prestation de services.
La commission des affaires culturelles n'a pu que s'étonner des délais
nécessaires pour mettre fin à cette situation d'incompatibilité, pourtant
évidente au regard d'une jurisprudence de la Cour de justice des communautés
européennes en date de... 1979 !
Ce n'est que deux ans après la mise en demeure du Gouvernement français par la
Commission européenne qu'a été déposé le projet de loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, dont
l'article 10 visait à mettre en conformité le code du travail avec les
dispositions du traité.
C'est ce dispositif qui, faute d'inscription de ce projet de loi à l'ordre du
jour des assemblées, doit désormais être repris par ordonnance.
Si elle n'a pas contesté l'opportunité de la mise en conformité du droit
français avec les règles européennes, la commission des affaires culturelles a
formulé une observation sur ses modalités.
Le texte qui devrait figurer dans l'ordonnance prévoit que les agents
artistiques communautaires pourront exercer leur activité en France dès lors
qu'ils obtiennent une licence dans les mêmes conditions que les nationaux ou
qu'ils produisent une licence délivrée dans l'un des Etats membres dans des
conditions comparables.
Cette rédaction procède d'une confusion entre le régime susceptible d'être
appliqué à la liberté d'établissement et celui qui est applicable à la libre
prestation de services. Or, selon la jurisprudence de la Cour de justice, ces
régimes ne peuvent être soumis aux mêmes exigences.
Il serait, à l'évidence, plus conforme aux dispositions du traité de prévoir
un dispositif applicable indistinctement aux nationaux et aux ressortissants
communautaires pour l'établissement, en réservant le cas de l'exercice à titre
occasionnel, à l'image de ce qui a été prévu par la loi pour les agents
sportifs ou l'activité de vente volontaire de meubles aux enchères
publiques.
Au terme de ces explications, force est bien de constater que, dans ces trois
domaines, la procédure des ordonnances ne se justifie que pour remédier aux
négligences du Gouvernement - des gouvernements successifs - dans la gestion de
ses obligations européennes. Or ces négligences sont difficilement
explicables.
La commission des affaires culturelles attend des garanties du Gouvernement
pour que nous évitions de retomber à l'avenir dans ces mêmes travers
qu'aujourd'hui nous dénonçons. Nous serons très attentifs aux assurances qui
pourront nous être données aujourd'hui, et nous sommes prêts à participer
pleinement à la mise en oeuvre d'une réflexion commune à cet égard.
C'est donc, vous l'aurez compris, avec plus de résignation que d'enthousiasme
que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à
l'adoption des mesures qui, dans ce projet de loi, relèvent de sa compétence.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, rapporteur pour avis.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui est exceptionnel à plus d'un titre.
Il l'est, d'abord, par l'ampleur de l'habilitation qui nous est demandée
puisque, au total, une soixantaine de directives, règlements, décisions ou
autres mesures communautaires sont concernés.
Les trois précédents des années soixante sont sans commune mesure avec le
texte actuel. A elles trois, les lois de décembre 1964, juillet 1966 et
décembre 1969, permettant la transposition par ordonnances de directives du
Marché commun, n'ont débouché que sur sept ordonnances, de portée limitée.
Deuxième singularité : le cumul de deux procédures d'exception.
Pour justifier sa demande de recours à des ordonnances, le Gouvernement
invoque notamment la charge de travail pesant sur le Parlement, qui rendrait
difficile, voire impossible, l'adoption des mesures législatives
nécessaires.
Monsieur le ministre, le Parlement n'est pour rien dans les retards en cause !
Le Sénat a même, pour la directive « Natura 2000 », devancé les choses en
adoptant, en juin 1998 - les deux orateurs précédents l'ont rappelé - une
proposition de loi de transposition.
Comme l'a fort bien dit par ailleurs le rapporteur saisi au fond, voilà
quelques instants, nous avons, à plusieurs reprises, mis en garde les
gouvernements successifs contre la lenteur avec laquelle ils transposaient des
directives importantes. Il en va ainsi du projet de loi « gaz », pour lequel
aucune date de discussion n'est arrêtée, alors que la France est déjà mise en
demeure pour avoir laissé passer la date limite du 10 août 2000.
Dans ces conditions, mes chers collègues, l'utilisation de la procédure de
l'urgence est particulièrement choquante. Cette méthode, de plus en plus
fréquente, a été qualifiée par nos collègues Henri Revol, pour l'électricité,
et Gérard Larcher, pour les nouvelles régulations économiques, d'« urgence
lente ».
Après le « soleil noir » de Gérard de Nerval et les « affreuses douceurs » de
Charles Baudelaire, voici un nouvel oxymore : l'« urgence lente » du
Gouvernement Jospin :...
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Quelle obscure clarté !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
... sur les sujets qui fâchent, on laisse les
retards s'accumuler pour pouvoir, ensuite, précipiter la discussion
législative.
Troisième singularité : l'étendue de l'autorisation qui nous est demandée.
Ce projet de loi aux contours ambigus mêle transpositions pures et simples, ce
qui est normal vu son objet, « adaptations » liées aux transpositions, ce qui
est à la limite acceptable, et réformes du droit interne non requises par les
textes communautaires, ce qui est une dérive abusive.
L'insistance avec laquelle l'exposé des motifs du projet de loi affirme le
caractère « technique » ou « essentiellement technique » des mesures envisagées
ne doit pas faire illusion. L'article 4 en est un bon exemple ; j'y
reviendrai.
Je ne m'étends pas davantage sur le procédé, car notre rapporteur au fond a
très bien dit ce qu'il fallait en penser.
Venons-en maintenant au contenu du texte.
Une trentaine de textes communautaires sont de la compétence de la commission
des affaires économiques.
En résumé, dans le secteur des télécommunications, neuf directives sont en
cause : le coût du service universel des télécommunications va être modifié ;
l'annuaire universel va enfin voir le jour ; le régime d'agrément des
équipements terminaux va être entièrement revu.
Dans le domaine industriel, la marque communautaire va être introduite dans
notre droit, ainsi qu'un nouveau régime de protection des dessins et
modèles.
En matière environnementale, hormis « Natura 2000 », sont concernés : le
contrôle des produits chimiques et dangereux ; l'autorisation de mise sur le
marché des produits biocides, mesure qui va très certainement entraîner, je
tiens à le rappeler, une restructuration importante du secteur ; le contrôle
des substances appauvrissant la couche d'ozone ; l'accès à l'information en
matière environnementale et, dans le secteur inustriel, le régime des plans
particuliers d'intervention dans les fameuses zones à risques.
Pour l'agriculture et l'alimentation, les règlements et directives touchent au
secteur vitivinicole, à l'ionisation, au contrôle des denrées alimentaires,
mais aussi à l'alimentation animale. Je tiens à dire en passant que les farines
animales ne sont pas concernées. Nous nous en sommes assurés avant que ce texte
arrive ici en discussion.
Pour ce qui est du droit de la consommation, quatre directives concernent la
protection des consommateurs. Elles sont relatives aux clauses abusives, aux
contrats à distance, aux actions en cessation, mais aussi à la publicité
comparative.
Ce simple rappel montre l'importance qu'a ce texte pour notre commission.
Il est très regrettable que le Parlement ne discute pas de ces modifications.
La transposition du droit communautaire sur la publicité comparative ou sur les
produits biocides, notamment, aura en effet des conséquences économiques
importantes pour les secteurs concernés.
Qui mieux que le Parlement peut assurer le travail d'explication publique
nécessaire dans des domaines qui touchent aux intérêts économiques de nombreux
professionnels ou à la vie quotidienne des Français ?
Le Gouvernement préfère la rapidité au débat. C'est dommage. Malgré cela, pour
la grande majorité des textes concernés, la commission des affaires économiques
accepte cette procédure, non sans regrets !
Mais, sur trois sujets, le recours aux ordonnances ne lui a pas paru
envisageable. Il s'agit de La Poste, de « Natura 2000 » et du volet
autoroutier.
La directive postale du 15 décembre 1997, tout d'abord, figure dans la liste
des textes pour lesquels est demandée l'habilitation.
Nous considérons que les services publics ne sont pas seulement la réponse
française à la satisfaction des besoins de nos concitoyens ; ils sont aussi un
des piliers du contrat républicain, monsieur le ministre.
Face à des mutations économiques et technologiques, mais aussi aux changements
programmés par le droit européen, les voies de leur avenir doivent être tracées
par la collectivité.
C'est ainsi, je vous le rappelle, que Paul Quilès a fait franchir, par la
réforme qui porte son nom, un premier pas à ce qui était encore
l'administration des P et T, par la loi du 2 juillet 1990.
De la même manière, nous avons débattu, en 1996, des télécommunications, puis,
au début de cette année, de l'électricité, et bientôt, je l'espère,
débattrons-nous du gaz.
Et La Poste, dans tout cela, me direz-vous ? Eh bien, le Gouvernement est en
train d'en faire le parent pauvre du service public, en refusant d'en débattre
sur le plan législatif !
M. Gérard Larcher.
Exact !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Depuis 1997, la commission des affaires
économiques, par la voix de notre éminent collègue Gérard Larcher, demande
qu'une loi d'orientation postale soit discutée non seulement pour transposer la
directive, mais aussi pour aborder les questions de fond qui conditionnent
l'avenir de ce secteur.
M. Gérard Larcher.
Et on est les couillons !
(Rires.)
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
La directive postale est déjà en cours de révision.
Quant à la poste allemande, je le signale, elle entre en bourse dans quelques
semaines. La France doit, elle aussi, faire les grands choix politiques
nécessaires en matière postale.
En mars 1999, le Sénat avait, pour ce motif, refusé la transposition par
amendement de la directive, préférant faire figurer dans la loi d'aménagement
du territoire qu'une loi postale interviendrait dans les six mois à compter de
sa promulgation.
Le Gouvernement nous a d'ailleurs, un temps, annoncé la discussion du projet
législatif d'ensemble que lui demandent les parlementaires de toutes
sensibilités, par la voix de Christian Pierret, à l'Assemblée nationale, le 2
février 1999, et de Dominique Voynet, au Sénat, le 25 mars 1999. Je cite M.
Pierret : « J'ai proposé au Premier ministre que le Gouvernement dépose un
projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet. Il
permettra de débattre largement du service public. »
Monsieur le ministre, ce projet de loi d'ensemble, nous l'attendons toujours
!
La Poste est un service public cher au coeur des Français. Il ne peut être
indéfiniment traité par expédients, un amendement par-ci, une ordonnance par-là
!
A cet égard, comment interpréter l'affirmation de l'exposé des motifs du
projet de loi, selon laquelle « l'habilitation n'est pas demandée pour les
directives dont l'objet et la portée politiques justifient un débat par la
représentation nationale ? »
Fallait-il lire, monsieur le ministre, que le service public postal n'a ni
objet ni portée politiques tels qu'un débat par la représentation nationale se
justifie ? Ce n'est pas notre avis !
Je vous proposerai donc, mes chers collègues, de supprimer la directive
postale de la liste des directives à transposer par ordonnances, afin d'obtenir
sur ce sujet la discussion d'une loi postale.
J'ajoute que cette suppression ne posera pas de problème juridique majeur,
l'essentiel de la directive de 1997 ayant déjà été transposé. Ce que nous
voulons aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est...
M. Gérard Larcher.
... en parler !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
... en quelque sorte la deuxième étape de la
réforme Quilès !
M. Alain Lambert.
Nous voulons faire notre travail !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Pour « Natura 2000 », les conditions de mise en
oeuvre de cette directive expliquent son rejet unanime par les acteurs du monde
rural. Ce texte mal connu, mal interprété, mis en oeuvre sans règle du jeu
claire, a suscité de vives réactions de défense contre ce que j'appellerai
l'absolutisme écologique prôné par certains.
M. Jean-Claude Carle.
Les ayatollahs !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Si vous voulez, mon cher collègue.
Il faut se féliciter de la reprise du dialogue et de la concertation constatée
depuis 1997 dans laquelle les élus locaux, au rang desquels nombre de
sénateurs, se sont fortement impliqués.
Les parlementaires ont été, bien souvent, la cheville ouvrière d'un processus
de concertation, amenant ainsi à faire se rencontrer les intérêts parfois
divergents des propriétaires fonciers ou forestiers, des chasseurs et des
défenseurs de la nature.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que ces parlementaires, totalement
impliqués sur le plan local, n'acceptent pas, aujourd'hui, d'être privés d'un
débat approfondi à l'échelon national.
S'agissant des 1 029 sites ayant déjà fait l'objet d'une désignation à
l'échelon européen, et représentant 4,9 % de la superficie de notre territoire,
je reviendrai, lors de la discussion de l'amendement n° 11 de la commission,
sur le procédé de validation des zones de protection spéciale.
A propos du contentieux européen sur les insuffisances françaises en ce qui
concerne les désignations, a été évoquée une liste de 350 autres sites réclamés
par la Commission européenne. Quels sont ces sites, monsieur le ministre ?
Quelle superficie supplémentaire représentent-il ? Autant de questions
auxquelles nous aurions toutes les réponses dans un débat législatif.
Le Gouvernement s'est engagé à transmettre des propositions complémentaires le
31 mai 2001, en ce qui concerne les régions alpine, atlantique et
méditerranéenne, et le 31 juillet 2001 pour la région continentale. Monsieur le
ministre, sur quelles bases de propositions vont se faire ces transmissions ?
Les procédures de concertation pourront-elles être respectées, compte tenu des
délais ?
Je rappelle, de plus, que, sur l'initiative de la commission des affaires
économiques, une proposition de loi de transposition avait été présentée par
notre collègue Jean-François Le Grand et adoptée par le Sénat en juin 1998,
contre l'avis du Gouvernement, qui prétextait, pour s'y opposer, de l'imminence
d'un projet de loi sur cette question. Le Sénat, dans sa majorité, était prêt à
aborder le sujet de façon constructive et à examiner des amendements venant
modifier son texte ou le compléter. Le Gouvernement n'a rien voulu savoir, et,
deux ans après, c'est l'expédient des ordonnances qui nous est proposé
aujourd'hui. La méthode de transposition proposée heurte d'ailleurs nombre
d'acteurs locaux.
J'ajoute, enfin, que le contenu des mesures envisagées touche de très près à
l'exercice du droit de propriété et doit, à l'évidence, faire l'objet d'un
débat devant le Parlement.
Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission des affaires
économiques a estimé qu'il ne saurait être question de renoncer à un débat
démocratique indispensable sur la mise en oeuvre de ce réseau écologique
européen. Je vous proposerai donc, tout à l'heure, un amendement de suppression
de la directive « Habitats naturels » de la liste du projet de loi.
MM. Guy Vissac et Jacques Oudin.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
S'agissant des dispositions relatives au secteur
autoroutier, le projet de loi va bien au-delà d'une simple transposition de
directives, qu'il s'agisse de la directive « Poids lourds » du 17 juin 1999 ou
même de la directive « Travaux » du 14 juin 1993.
En effet, en voulant prolonger, tout d'abord, la durée des concessions des six
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, les SEMCA, comme le
recommandait d'ailleurs le Sénat dans ses travaux antérieurs, le Gouvernement
entend améliorer la situation financière des sociétés d'économie mixte
existantes. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'adaptation de notre
droit interne aux exigences communautaires ! Il en va de même de la suppression
des règles garantissant aux sociétés d'économie mixte la reprise de leur
passif.
Par ailleurs, en voulant insérer dans notre code de la voirie routière les
principes de non-discrimination et de modulation des péages, le Gouvernement
s'apprête à étendre à l'ensemble des usagers des règles que la directive
communautaire « Poids lourds » n'entendait appliquer, pour le moment, qu'aux
véhicules lourds de transport de marchandises.
La suppression envisagée du principe de gratuité, présentée comme l'adaptation
de notre droit interne aux « caractéristiques actuelles du secteur autoroutier
», n'est pas non plus la simple transposition de règles communautaires.
Enfin, aucune contrainte communautaire n'impose la mise à péage des ouvrages
d'art nationaux, départementaux et communaux, novation qui entraînera des
conséquences très importantes. Pour autant, je tiens à préciser que je n'y suis
pas opposé...
Ces mesures, parfois pertinentes sur le fond, traduisent des choix politiques
précis, qui méritent à l'évidence d'être soumis au débat parlementaire. Qu'on
ne nous dise pas qu'il est impossible de trouver un créneau dans l'ordre du
jour prioritaire pour discuter de ces questions !
Au mois de novembre 1999, le ministre de l'équipement, des transports et du
logement s'était d'ailleurs engagé devant deux commissions du Sénat, la
commission des affaires économiques et du Plan et la commission des finances,
du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, à déposer un
projet de loi sur ces sujets, et ce après le dépôt des conclusions des travaux
de la commission d'enquête constituée par le Sénat, présidée par M. Jean
François-Poncet, et à la suite des propositions qui avaient été faites par M.
Gérard Larcher, son rapporteur, et M. Jacques Oudin, qui avait été un membre
actif de cette commission.
La commission des affaires économiques juge impensable d'escamoter une
discussion dans laquelle d'autres questions fondamentales pourraient d'ailleurs
être soumises au Parlement, s'agissant en particulier de la concurrence et de
la complémentarité entre tous les modes de transport.
M. Gérard Larcher.
Il n'y a pas que les routes !
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Je soumettrai donc au vote du Sénat un amendement
de suppression de l'article 4 du projet de loi.
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
Je voudrais rassurer maintenant un certain nombre de nos collègues.
Le risque que la Commission européenne mette en cause certains projets - je
pense au projet de l'A 19 d'Arthenay à Courtenay ou au tronçon qui devrait
raccorder l'A 40 au Nord d'Annecy à l'A 41 - sous le prétexte que nos SEMCA ne
pourront pas participer, avec leur statut actuel, aux appels d'offres,
m'apparaît quasiment nul.
M. Alain Lambert.
C'est du mauvais chantage !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
N'oublions pas que les nouvelles règles statutaires
de ces sociétés d'autoroute ont été « autorisées » - après négociation - mais
en aucun cas « imposées » par les autorités communautaires.
En un mot, monsieur le ministre - et je tiens à le dire devant tous mes
collègues - s'il y a du retard dans ces projets, ou dans d'autres,...
M. Henri de Raincourt.
C'est la faute à Mme Voynet !
M. Ladislas Poniatowski.
... ce sera de la responsabilité du Gouvernement. Et que l'on ne nous dise pas
que c'est parce que l'article 4 aura été retiré de ce texte. C'est faux !
M. Jacques Oudin.
On nous le dira quand même !
(Rires.)
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
La démarche que vous propose la commission des
affaires économiques, mes chers collègues, se veut raisonnée et équilibrée.
Elle est raisonnée en ce sens qu'elle vise à retirer du champ de l'habilitation
trois sujets essentiels pour la nation, qui ne peuvent faire l'objet d'un
traitement d'urgence, mais qui doivent au contraire être examinés dans le cadre
d'une réflexion sereine et approfondie.
Elle est équilibrée, car, loin de récuser
a priori
son principe, elle
consent à l'habilitation pour un très grand nombre de textes, au nom de
l'engagement européen de la France auquel beaucoup d'entre nous, dont je suis,
sont profondément attachés.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain, rapporteur pour avis.
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des
affaires sociales a demandé à être saisie pour avis du projet de loi portant
habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives
communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit
communautaire. En effet, vingt et un des soixante et un textes ou décisions
communautaires concernés touchent de près ou de loin aux compétences de notre
commission. Ces directives traitent de sujets aussi variés que le médicament
vétérinaire, les rayonnements ionisants ou encore la santé des travailleuses
enceintes ou allaitantes.
L'article 3 revêt pour nous une importance particulière : il propose
d'habiliter le Gouvernement, au-delà de la transposition des deux directives «
Assurances » de 1992, à procéder par ordonnances à la « refonte du code de la
mutualité ».
Je présenterai deux observations liminaires, avant de détailler cette refonte
du code de la mutualité et d'expliquer la position de la commission des
affaires sociales.
Ce projet de loi présente deux particularités.
La première est qu'il n'y a pas un projet de loi d'habilitation, mais deux
projets de loi d'habilitation : le premier vise à transposer des directives
communautaires ; le second va bien au-delà : il tend à refondre le code de la
mutualité. Le titre du projet de loi est, ainsi, incomplet.
Dans les deux cas, il s'agit de répondre à une défaillance et à une
négligence.
La défaillance est celle des administrations, qui restent très en retard dans
le domaine de l'adaptation du droit national au droit communautaire. La
transposition des directives communautaires peut aussi faire les frais de
conflits entre les administrations : le cas des directives sur le médicament
vétérinaire, par exemple, montre des dissensions entre l'administration de la
santé et l'administration de l'agriculture.
La négligence relève du Gouvernement, maître de l'ordre du jour du Parlement.
Dans le domaine social, la dernière loi portant diverses mesures d'ordre social
date d'avril 1996. L'inscription à l'ordre du jour d'un tel projet de loi,
transformé en « projet de loi de modernisation sociale », est repoussée
constamment depuis deux ans. Or, les DMOS sont des supports utiles pour
transposer des directives communautaires.
Par ailleurs, tout récemment, le Gouvernement n'a pas jugé bon d'inscrire à
l'ordre du jour des travaux du Parlement le projet de loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social,
pourtant adopté en conseil des ministres le 10 mai 2000.
Le seconde particularité réside dans le fait qu'un grand nombre de
dispositions « sociales » qui vont être prises par ordonnances semblent déjà
connues.
Tel est le cas des dix-huit dispositions communautaires dont l'adaptation
était prévue par le projet de loi du 10 mai 2000 portant diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social et d'une disposition
présente dans le projet de loi de modernisation sociale, qui devrait être
examiné par l'Assemblée nationale en janvier prochain.
Tel est également le cas du projet de loi relatif au code de la mutualité et
portant modification du code de la sécurité sociale et du code des assurances,
texte soumis au Conseil d'Etat, en instance d'adoption en conseil des ministres
le 1er août 2000 et auquel fut substituée
in extremis
une «
communication » de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Alain Lambert.
On se demande pourquoi !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
J'en viens à la refonte du code de la mutualité.
Je rappellerai tout d'abord qu'il existe trois acteurs de la protection santé
en France : les mutuelles du code de la mutualité, les compagnies d'assurance
soumises au code des assurances et les institutions de prévoyance régies par le
code de la sécurité sociale. La France a décidé, à la demande même du mouvement
mutualiste, que les directives de 1992, dites « directives "Assurance" »,
s'appliquaient aux mutuelles.
Ces directives posent essentiellement « le principe de spécialité », qui
impose aux « entreprises d'assurance communautaires » de gérer dans une
personne morale distincte les activités qui ne découlent pas de leurs
opérations d'assurances et qui exige, pour des raisons prudentielles, de
séparer strictement les activités d'assurance des autres activités. Or, bon
nombre de mutuelles ne se limitent pas au seul remboursement des dépenses non
prises en charge par la sécurité sociale ; elles disposent, par exemple, de
centres d'optique, de centres dentaires ; elles gèrent des établissements de
soins ; elles peuvent proposer des services variés à leurs adhérents, tels que
centres de vacances et de loisirs, cautionnement de prêts, tarifs réduits sur
des produits culturels, etc. Enfin, dans le cas des fonctionnaires, des
étudiants et des travailleurs non salariés non agricoles, elles gèrent par
délégation le régime obligatoire de sécurité sociale.
Les directives harmonisent les règles prudentielles applicables à l'ensemble
des entreprises d'assurance en les obligeant principalement à disposer d'une
marge de solvabilité et de fonds propres.
Enfin, elles prévoient une procédure d'agrément unique, tenant compte de «
l'honorabilité » et de « la qualification professionnelle » des dirigeants.
La France devait transposer ces directives dans le droit national avant le 31
décembre 1993.
M. Alain Lambert.
Voilà !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Elles ont été transposées par la loi aux sociétés
d'assurance, en janvier 1994, et aux institutions de prévoyance en août 1994.
En revanche, le mouvement mutualiste, se rendant peut-être compte trop tard des
contraintes induites par les directives, a fait « marche arrière » pendant un
certain nombre d'années.
Le gouvernement de M. Edouard Balladur a demandé, dès la fin de 1993, à M.
Alain Bacquet, un rapport sur l'application des directives aux mutuelles,
rapport rendu en mai 1994. Après avoir préparé un avant-projet de loi ne
satisfaisant pas aux obligations des directives, le gouvernement de M. Lionel
Jospin a demandé, en septembre 1998, un nouveau rapport à M. Michel Rocard,
rapport rendu public en mai 1999.
La Commission européenne a introduit un recours en manquement pour
non-transposition.
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
C'est donc qu'il y a un vrai problème !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La Cour de justice des Communautés européennes a
logiquement condamné la France en décembre 1999. Nous en sommes au stade d'un
nouveau recours de la commission devant la Cour afin d'obtenir de la France le
versement d'astreintes.
Le projet de code de la mutualité est directement issu des orientations du
rapport Rocard. Deux atténuations sont apportées au principe de spécialité.
Tout d'abord, les mutuelles assurance pourront créer des « mutuelles soeurs » ;
l'assemblée générale sera identique, même si les conseils d'administration
seront différents. Les transferts financiers entre la mutuelle «santé » et la
mutuelle « oeuvres sociales » devront respecter les règles prudentielles.
Ensuite, les mutuelles santé pourront conserver leurs opérations si, et
seulement si, elles présentent un « caractère accessoire » et si elles sont
réservées aux membres de la mutuelle. Le tout est de déterminer, comme l'ont
mentionné en audition les représentants de la Fédération française des sociétés
d'assurance, la notion d'opérations accessoires : un décret en Conseil d'Etat y
pourvoira.
Ces deux « atténuations » ont été - semble-t-il - négociées avec la Commission
européenne.
Les pouvoirs de contrôle de la commission de contrôle des mutuelles et des
institutions de prévoyance seront renforcés et analogues à ceux de la
commission de contrôle des assurances.
Par ailleurs, la transposition des directives s'accompagne d'une refonte
complète du code de la mutualité, permettant de le « moderniser ». Comme l'ont
indiqué les représentants des fédérations de mutuelles, que nous avons entendus
en commission le jeudi 12 octobre, cette « modernisation » était attendue
depuis de longues années.
Dans le projet de code de la mutualité, les principes mutualistes sont tout
d'abord réaffirmés et explicités : absence de sélection des risques, de
sélection à l'entrée, de questionnaire médical et de modulation en fonction du
risque, ainsi que caractère viager de la garantie.
Le rôle de l'assemblée générale, élément démocratique essentiel d'une
mutuelle, est mis davantage en valeur. Le statut de l'élu est revu, pour le
rapprocher de celui du militant syndical.
Des règles de cumul, des limites d'âge des administrateurs sont posées. Par
ailleurs, le texte prévoit de contrôler la qualification professionnelle et
l'honorabilité des dirigeants de la mutuelle.
La notion tout à fait nouvelle de « contrat mutualiste » est introduite dans
le code. Elle est formalisée par la signature du contrat d'adhésion et
constituée des droits et obligations figurant dans les statuts et les
règlements.
Les fédérations de mutuelles voient leur rôle renforcé. Elles pourront créer «
un système fédéral de garanties », auquel se substituera, de manière
complémentaire, un « fonds de garantie » spécifique aux mutuelles.
Le Conseil supérieur de la mutualité voit son rôle rénové par la tenue d'un
registre des mutuelles.
J'arrête là, tant il est évident, monsieur le ministre, que le contenu du
texte va au-delà d'un caractère « essentiellement technique ».
La procédure du recours aux ordonnances constitue un choix risqué. La
commission des affaires sociales s'est demandée si elle était justifiée.
Certes, cette procédure relève d'un souci qui ne saurait laisser indifférent :
alléger la tâche du Parlement pour des textes « essentiellement techniques ».
M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois, a déjà eu l'occasion
de citer l'exposé des motifs du projet de loi.
Je pense l'avoir montré, cette justification ne vaut probablement que pour
partie des directives relevant de l'article 1er, en dehors, naturellement, des
directives « Assurance ».
En revanche, la procédure des ordonnances présente un certain nombre de
risques.
Elle présente, tout d'abord, le risque de demander au Parlement d'entériner,
en quelque sorte selon la formule du vote bloqué, le texte du code de la
mutualité, déjà d'ailleurs largement diffusé jusque sur les sites Internet de
la Fédération nationale de la mutualité française et de la Fédération des
mutuelles de France.
Je voudrais rappeler que nous ne devons pas confondre habilitation,
approbation et ratification.
D'une part, rien n'oblige le Gouvernement à prendre une ordonnance identique
au projet de loi qui était en instance de dépôt : il a toute latitude, sous
réserve du respect de l'habilitation, pour le modifier.
D'autre part, qui dit habilitation dit ratification. On sait que, parfois, le
dépôt d'un projet de loi suffit. La commission des affaires sociales a pris
bonne note des « engagements » de M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire, à procéder à un véritable débat parlementaire lors de la
ratification.
M. Alain Lambert.
Après !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Trop tard !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
Vous venez de les rappeler, monsieur le
ministre.
C'est pourquoi la Haute Assemblée n'a pas, selon la commission des affaires
sociales, à approuver ou à désapprouver le contenu de la refonte du code de la
mutualité ; nous ferons part de nos observations, de nos critiques et de nos
propositions à l'occasion du débat sur la ratification de l'ordonnance, que
j'espère le plus rapide possible.
M. Alain Lambert.
Ce sera trop tard !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La procédure présente d'autres risques.
Il n'est pas certain que la transposition de directives par voie d'ordonnances
soit le meilleur moyen de faire reculer l'euroscepticisme. Cela a déjà été
souligné. A l'évidence, c'est « tout un débat de société », selon la formule du
rapporteur de la commission des lois, dont sera exclu le Parlement et, par là
même, les citoyens.
De plus, le projet de loi est certainement perfectible, même s'il a été
négocié en amont avec les deux principales fédérations de mutuelles. L'objet
même de la discussion législative est d'enrichir un projet de loi. Par
définition, le recours aux ordonnances empêche un tel enrichissement.
Le projet est en effet imparfait par ses ambiguïtés, comme le montrent par
exemple les « opérations accessoires ».
Il est imparfait, également, par ses absences. Tout d'abord, la question du
statut fiscal des mutuelles n'étant toujours pas réglée, malgré des
négociations avec le ministère de l'économie et des finances datant de plus
d'un an. Un risque sérieux pèse également sur les « petites » mutuelles. Par
ailleurs, les directives de 1992 elles-mêmes prévoient que l'on peut les
exclure de leur champ d'application : le projet de code n'utilise pas cette
possibilité.
Des acteurs du marché de la protection complémentaire santé ont des doutes
sérieux sur « l'eurocompatibilité » de certaines dispositions. Je crois que
cette « eurocompatibilité » pourra être vérifiée à l'occasion de la rédaction
des textes réglementaires.
En conclusion, je rappellerai que la commission des affaires sociales a voulu
privilégier l'impératif de rapidité.
Tout ce que je viens d'énoncer pourrait nous conduire à proposer au Sénat de
refuser l'habilitation demandée par le Gouvernement à l'article 3 : c'est le
raisonnement, bien évidemment respectable, qu'a suivi la commission des
finances.
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Merci !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires sociales a priviligié
l'impératif de rapidité, je le répète. La question de la transposition des
directives « Assurance » aux mutuelles n'a que trop duré. La non-transposition
fait peser sur le mouvement mutualiste une « incertitude » et une « insécurité
juridique ».
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Nous en demandons la transposition !
M. André Jourdain,
rapporteur pour avis.
La commission a tenu compte de l'urgence qui
s'attache à la transposition des directives communautaires : six des sept
condamnations faisant suite à un recours en manquement concernent des
directives « sociales ». Le versement d'astreintes n'est désormais plus très
éloigné.
La commission a tenu également compte de la position particulière de la
France, qui préside l'Union européenne au cours de ce second semestre 2000.
En ce qui concerne l'article 1er, la commission des affaires sociales vous
propose d'écarter deux directives du champ de l'habilitation.
La première est celle du 19 octobre 1992 concernant la mise en oeuvre de
dispositions relatives à « la sécurité et à la santé des travailleuses
enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ». Le Gouvernement semble avoir
oublié, dans son projet d'ordonnances, un certain nombre de points
importants.
La seconde est celle du 29 juin 1998 relative à la sauvegarde des droits à
pension complémentaire. Elle doit être transposée avant le 1er juillet 2001.
J'estime que le Parlement a le temps de discuter de sa transposition avant
toute condamnation par les autorités bruxelloises. Il dispose à cet effet d'un
support législatif : le projet de loi de modernisation sociale, dont la
discussion est prévue à l'Asemblée nationale en janvier 2001.
Naturellement, j'aurai l'occasion d'expliciter la position de la commission
des affaires sociales lors de l'examen de ces articles.
En ce qui concerne l'article 3 et la refonte du code de la mutualité, la
commission a considéré que la transposition « simple » des directives
apparaissait difficilement dissociable de la refonte du code de la mutualité.
Mais l'habilitation donnée, au nom de l'urgence, a une contrepartie : la
commission propose, par la voie d'un amendement à l'article 5, de laisser au
Gouvernement un délai beaucoup plus court pour prendre l'ordonnance : trois
mois au lieu de six mois. Le projet de loi de ratification pourra ainsi faire
l'objet d'un débat approfondi avant la fin de la session parlementaire.
Il faut espérer que cette formule singulière de transposition de directives
par ordonnances, inédite depuis les années soixante, restera sans lendemain et
que les leçons des « ratés » de la transposition des textes communautaires
seront enfin tirées.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Badré, rapporteur pour avis.
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, la commission des finances a désigné son
rapporteur spécial européen pour présenter l'avis qu'elle a exprimé sur le
projet de loi habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnances dans
notre loi nationale des directives européennes.
C'est donc tout naturellement d'abord du point de vue européen que j'aborde
notre débat, comme vous le faisiez d'ailleurs vous-même tout à l'heure,
monsieur le ministre, même si nos arguments n'iront pas forcément toujours dans
le même sens.
Les directives sont les lois de l'Union européenne, des lois à la préparation
et à l'approbation desquelles nous devons apporter tous nos soins, puisqu'elles
intéressent déjà plus de 350 millions de personnes dans quinze Etats. Il est
donc clair qu'aucune institution bruxelloise ne peut légiférer pour nous, ni
a fortiori
contre nous.
Il appartient aux Européens de se donner leurs lois, et la loi de l'Europe ne
peut être une loi au rabais.
Or, que se passe-t-il ? Des directives, adoptées à Bruxelles par le conseil
des ministres, donc par les gouvernements, seraient transcrites à Paris dans la
législation française par ordonnances, donc à nouveau par le Gouvernement,
seul.
Soyons bien conscients qu'en procédant de la sorte nous ne rapprochons pas les
Européens d'une Europe qui leur semble désespérément lointaine, nous ne mettons
pas les Français en situation de s'approprier la loi européenne, nous ne
construisons pas l'Europe des citoyens que, pourtant, dans nos discours au
moins, nous appelons régulièrement tous de nos voeux. Nous rendons donc un bien
mauvais service à l'Europe.
Et ne venez pas nous dire que c'est la faute de l'Europe. Elle ne nous a pas
obligés à nous mettre dans la situation de retard de transcription que nous
connaissons. Si, dans ce domaine, la France est lanterne rouge du peloton
européen, c'est bien que les autres Etats ont su et ont pu être plus diligents.
Pourquoi d'autres y parviendraient et pas nous ?
Lorsqu'il faut légiférer en urgence, le Gouvernement sait parfaitement
bousculer le calendrier des travaux du Parlement pour mettre en oeuvre ses
priorités. Aujourd'hui, la construction européenne est présentée comme une
priorité, et je m'en réjouis. Encore faudrait-il que l'expression de cette
priorité ne se limite pas au discours !
Monsieur le ministre, rassurez-nous, confirmez-nous qu'à l'avenir votre
motivation européenne se traduira par une volonté de proposer en priorité dans
notre ordre du jour la transcription des directives européennes. Il serait
désastreux que les Français s'habituent à voir dans l'Union une sorte de
monstre qui nous condamnerait à mal légiférer à Paris... pour éviter d'être
punis à Bruxelles ! Sortons de cette impasse.
Certains se sont émus de voir les Danois refuser de rejoindre l'Union
monétaire - je n'ai pas consulté M. Hoeffel pour choisir cet exemple. Bien sûr,
c'est regrettable pour l'Europe et, je le crois, pour le Danemark.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois.
Surtout pour le Danemark !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Mais, même si, à titre personnel, je préfère voir
les Européens dire toujours « oui » à l'Europe, il est bon qu'il leur soit de
temps en temps rappelé qu'ils peuvent dire « non ». C'est précisément cette
liberté de dire « non » qui donne toute sa force à leur « oui » ; c'est cette
liberté qui construit l'Europe des peuples.
Encore faut-il que les peuples aient la parole, que leurs parlements puissent
jouer leur rôle. Choisissons cette Europe du « oui » libre et assumée, comme
nous avons choisi l'Europe qui, à Maastricht, nous a engagés sur la voie de la
sagesse budgétaire et du combat contre les déficits, comme nous avons choisi
l'Europe qui nous pousse aujourd'hui à une sagesse fiscale que nous avons
encore un peu de difficulté à accepter spontanément.
Monsieur le ministre, la construction européenne est un grand dessein
politique. Nous lui portons un mauvais coup chaque fois que nous escamotons un
vrai débat européen.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Au moins autant que la loi des Etats, la loi de
l'Europe doit être adoptée par les parlements nationaux.
M. Alain Lambert,
président de la commmission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Exactement.
M. Denis Badré
rapporteur pour avis.
Les réserves que nous exprimons par rapport à la
procédure proposée ne sont bien entendu pas uniquement provoquées par notre
approche de la construction européenne. Plus généralement, le dessaisissement
du Parlement représentera toujours un constat d'échec - je n'y reviens pas, le
rapporteur de la commission des lois, notre collègue Daniel Hoeffel ayant
développé ce point avec la force de conviction et l'inimitable clarté que nous
lui connaissons.
J'insisterai plutôt sur le fait que l'argument général de l'urgence avancé par
le Gouvernement pour faire accepter l'ensemble de ce projet de loi au Parlement
ne me paraît pas acceptable.
Le choix de légiférer par ordonnances serait imposé par la surcharge du
calendrier parlementaire et la nécessité de légiférer rapidement. Mais le
Gouvernement est maître de l'ordre du jour du Parlement et il lui appartient
entièrement de définir ses priorités et, par conséquent, d'inscrire en urgence
les textes législatifs dont l'adoption lui paraît indispensable ! Au demeurant,
la procédure proposée ne semble pas devoir être spécialement rapide puisque le
Gouvernement disposerait d'un délai de six mois pour prendre ces ordonnances -
notre collègue M. Jourdain insistait sur ce point à l'instant. On doit même
pouvoir faire mieux par la voie parlementaire ordinaire.
Alors, dans ces conditions, pourquoi procéder par ordonnances ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Voilà !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
Plus grave, monsieur le ministre, vous avez dit non
seulement « urgent », mais aussi « purement technique ».
Il est vrai que certaines directives devraient et pourraient être transposées
dans notre domaine réglementaire sans que cela nous pose problème. Mais pas
toutes ! Des mesures d'accompagnement peuvent être de nature technique. Mais
pas toutes !
L'exposé des motifs affirme bien : « En l'espèce, l'habilitation demandée au
Parlement est définie de manière précise, limitée dans le temps, et porte
principalement sur des directives de nature essentiellement techique. » Le
terme « principalement » m'inquiète.
Il est même ajouté, assez mal à propos : « On note enfin que l'habilitation
n'est pas demandée pour des directives dont l'objet et la portée politiques
justifient un débat par la représentation nationale. »
Votre commission des finances pense précisément que la refonte du code de la
mutualité et la réforme du financement autoroutier sont des sujets non
techniques qui méritent vraiment un débat au Parlement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Absolument !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
L'ensemble de ces observations conduit la
commission des finances vers un jugement globalement négatif sur le projet de
loi.
Toutefois, dans un souci de pragmatisme,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et de bienveillance !
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis.
... elle a choisi de faire la distinction entre ce
qui relève de la pure transposition de directives pour lesquelles nous sommes
gravement en retard et ce qui procède plutôt de facilités que le Gouvernement
aurait choisies.
Ainsi, elle donne un avis favorable à l'habilitation demandée par le
Gouvernement à l'article 1er pour ce qui concerne la transposition de sept
directives techniques. En ce semestre de présidence française, nous pensons
qu'il faut veiller au moins à respecter au plus vite nos engagements européens,
sinon à donner l'exemple. Nous en sommes loin !
Mais la commission des finances refuse que l'obligation de transposition soit
utilisée comme prétexte pour introduire dans notre droit interne des
dispositions qui n'auraient qu'un rapport plus lointain avec la transposition
de directives qui n'auraient pas de caractère d'urgence ou qui mériteraient un
débat public.
Nous sommes, pour notre part, en accord avec le texte de l'exposé des motifs
de votre projet de loi. Il est simplement fâcheux qu'il y ait une discordance
flagrante entre votre exposé des motifs et le contenu de votre texte.
Ainsi, s'agissant de la réforme du code de la mutualité ou des dispositions
relatives au financement routier et autoroutier, nous ne souhaitons pas voir le
Sénat dessaisi de ses pouvoirs alors qu'il réclame depuis plusieurs années une
réforme des secteurs considérés, alors qu'il a beaucoup contribué à approfondir
la réflexion sur ces questions, alors - cela a été rappelé - que le
Gouvernement s'est engagé, parfois assez nettement, à soumettre au Parlement
des projets de loi sur ces sujets et alors que, nous le savons, le Gouvernement
dispose de projets de loi tout prêts. Après tout, nous pouvons aussi avoir nos
petites coquetteries ! Est-ce une faiblesse de considérer que l'apport du Sénat
peut enrichir vos projets de loi, monsieur le ministre ?
Voilà deux ans, votre commission des finances s'était intéressée à la
transposition des troisièmes directives aux mutuelles régies par le code de la
mutualité. A cette occasion, elle avait fait des propositions concrètes à
travers le rapport remis par un groupe de travail présidé par M. Alain Lambert.
Elle souhaitait, à l'époque, le dépôt rapide d'un projet de loi, et il nous
semblait que vous nous aviez entendus...
En constituant par ailleurs une commission d'enquête sur les transports en
1998, le Sénat a préparé le nécessaire débat sur la réforme du système
autoroutier, M. Ladislas Poniatowski le rappelait à l'instant. Cette commission
d'enquête avait, elle aussi, fait des propositions concrètes en matière de
financement routier. Depuis, le Sénat a poursuivi ses investigations par
l'intermédiaire d'un groupe de travail de notre commission des finances, groupe
présidé par notre collègue Jacques Oudin, sur le financement des
infrastructures de transport. Coïncidence : Jacques Oudin soumettait ses
conclusions, très affirmées, à la commission des finances la semaine dernière,
le jour même où je présentais moi-même mon rapport sur votre projet de loi
d'habilitation !
Vous le voyez, monsieur le ministre, sur ces deux sujets, mutualité et
autoroutes, nous sommes prêts.
Vous aussi, je crois.
En effet, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour
2000, le ministre de l'équipement, des transports et du logement avait annoncé
devant la commission des finances un projet de loi sur la réforme des sociétés
concessionnaires d'autoroutes. Un projet de loi sur la refonte du code de la
mutualité a été présenté au Conseil d'Etat en juillet dernier.
Le choix de dessaisir le Parlement paraît donc totalement inexplicable. Il
semble simplement que le Gouvernement a d'autres priorités.
Alors, pourquoi traiter des sujets aussi importants et aussi sensibles par
voie d'ordonnances ? Serait-ce précisément parce qu'ils sont sensibles ? C'est
pourtant bien lorsque les sujets sont sensibles que le débat parlementaire ne
peut ou ne doit pas être éludé si l'on veut que les Français comprennent et
acceptent leurs lois !
Pour toutes les raisons qui viennent de vous être exposées, et que je
détaillerai lors de l'examen des articles, la commission des finances vous
proposera de rejeter les articles 3 et 4 du présent projet de loi.
En revanche, elle vous proposera de donner un avis favorable - là aussi, avec
grand regret - aux dispositions de l'article 1er, pragmatisme oblige ou
nécessité fait loi, comme vous voudrez - je préfère que ce soit la nécessité
plutôt que les ordonnances qui fasse loi, d'ailleurs - cela, bien sûr, sous
réserve de l'avis des autres commissions. Ainsi, l'urgence communautaire
tombera et, s'il reste une urgence, elle sera franco-française ; il
appartiendra au Gouvernement de l'assumer.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes
prêts, comme nous l'avons toujours été, à participer très vite à un vrai débat
parlementaire sur les sujets importants et sensibles que sont la refonte du
code de la mutualité ou le financement des autoroutes.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant au nom de la
délgation pour l'Union européenne, je n'aborderai pas le fond du projet de loi,
qui est de la compétence des commissions permanentes, dont mes collègues
rapporteur et rapporteurs pour avis viennent de nous faire connaître les
différents points de vue.
Toutefois, la délégation pour l'Union européenne ayant une responsabilité
d'ordre général lorsqu'il est question du contrôle du Sénat sur la politique
européenne, je crois devoir, à ce titre, faire part de quelques remarques à
propos de ce texte.
Tout d'abord, même si le recours aux ordonnances est une procédure
constitutionnelle, nous ne devons pas sous-estimer l'ampleur de l'atteinte qui
est portée, en l'occurrence, aux droits du Parlement, atteinte que notre
éminent collègue M. Hoeffel vient de stigmatiser.
L'exposé des motifs du projet de loi souligne que, « dans la plupart des cas,
les dispositions en cause présentent un caractère technique dont la teneur est
fortement contrainte par les dispositions communautaires » et qu' « elles
n'appellent qu'une intervention limitée du législateur ». Mais les rapporteurs
que nous venons d'entendre ont clairement montré que ce n'est pas exact.
Ce n'est pas exact, d'une part, parce que les textes concernés sont des textes
politiquement importants et, d'autre part, parce que, dans certains cas, ils
laissent une réelle marge de manoeuvre au législateur dans la mesure où ils
résultent de compromis non dépourvus d'ambiguïté entre le Conseil et le
Parlement européen.
Le Parlement va donc se trouver dessaisi de certains textes importants entrant
dans le domaine de la loi et à l'égard desquels il avait une responsabilité à
exercer.
Or, dans la plupart des cas, il n'y aura pas eu non plus d'intervention
parlementaire avant l'adoption à l'échelon européen des textes en cause. En
effet, sur les quelque cinquante directives mentionnées, seules treize ont
donné lieu à une intervention de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne, car les autres ont été adoptées, rappelons-le, avant la mise en
oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution.
Dans la très grande majorité des cas, le dessaisissement du Parlement sera
donc complet.
Lors de la révision constitutionnelle de janvier 1999, liée à la ratification
du traité d'Amsterdam, le Gouvernement avait un leitmotiv : ne pas porter
atteinte à l'équilibre des pouvoirs. Il a été suivi par les deux assemblées.
Mais l'effort a été à sens unique. En effet, si l'on veut un bon exemple
d'atteinte à l'équilibre des pouvoirs, le projet de loi qui nous est présenté
n'en est-il pas un ?
Bien sûr, le Gouvernement fait valoir qu'au point où nous en sommes il n'a pas
d'autre solution que de procéder ainsi. Certes. Mais pourquoi en sommes-nous
arrivés là ?
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois.
Eh oui !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Etant retenu
à Versailles par la COSAC, je n'ai pu assister à la réunion du 17 octobre
dernier, au cours de laquelle le projet de loi a été présenté aux commissions
par plusieurs ministres. Mais, en lisant le compte rendu, j'ai été quelque peu
étonné par les justifications avancées par le Gouvernement, qui attribuait le
retard dans les transpositions à « des comportements internes à
l'administration » - française - et à « la lenteur de la procédure
parlementaire ». C'est tout de même un aveu d'impuissance !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est la démocratie !
M. Hubert Haenel,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Mais, enfin,
qui dispose de l'administration, sinon le Gouvernement ? Et qui est maître de
l'ordre du jour prioritaire, sinon le Gouvernement ?
J'ajouterai que, si tous les gouvernements ont leur part de responsabilité
dans le retard que nous avons pris - cela a déjà été dit - celle du
Gouvernement actuel est particulièrement lourde.
La Commission européenne publie régulièrement un « tableau de bord du marché
intérieur » dans lequel est examiné l'état de la transposition des directives
par les pays membres.
Le dernier tableau de bord, publié en mai dernier, ne fait pas honneur à notre
pays. En deux ans, nous sommes passés de la onzième à la treizième place pour
le taux de transposition des directives ; nous faisons donc partie, avec le
Luxembourg et la Grèce, des quatre pays qui, à eux seuls, sont responsables de
plus de 40 % des retards de transposition pour toute l'Union. A cela s'ajoute
que nous sommes le pays contre lequel les procédures engagées pour infraction
sont les plus nombreuses. La France, à elle seule, fait l'objet de plus du
quart des saisines de la Cour de justice pour non-respect du droit
communautaire.
Plutôt que d'essayer de se défausser sur l'administration, en général, ou sur
le Parlement, le Gouvernement ferait mieux de reconnaître sa pleine
responsabilité dans cette dégradation, pas seulement parce que la repentance
est à la mode, mais surtout parce que cela l'obligerait à chercher des remèdes
à cet état de fait. Nous avons cherché en vain dans vos propos, monsieur le
ministre, une esquisse de volonté de faire mieux la prochaine fois et
d'expliciter la manière d'y parvenir.
La plus grande carence de ce projet de loi est qu'il ne s'accompagne d'aucune
mesure pour que la situation qu'il veut assainir ne se reproduise pas. Le
Parlement était en droit d'attendre de votre part, monsieur le ministre,
l'engagement que cela ne se renouvellera pas et la façon de procéder.
Les mêmes causes ayant les mêmes effets, si rien n'est fait, les directives
non transposées vont recommencer à s'amonceler, jusqu'à une prochaine loi
d'habilitation. Or les causes de ces retards dans la transposition ne sont pas
si mystérieuses. Le travail de la délégation dans le cadre de l'article 88-4 de
la Constitution nous met assez souvent en situation de les constater.
Il y a d'abord le défaut d'arbitrage. Je n'entrerai pas dans le détail, faute
de temps, mais il ne serait pas difficile de retrouver, derrière beaucoup des
cas de non-transposition qui nous sont soumis, des conflits de compétence ou
des divergences d'appréciation entre administrations françaises. Or le rôle du
Gouvernement est non pas de subir ou de refléter les conflits entre
administrations, mais de les résoudre.
Ce manque d'arbitrage ou de coordination se retrouve aussi, dans certains cas,
dans la conduite des négociations européennes. Personne ne reprochera à nos
diplomates de rechercher des compromis : cela fait partie de leur tâche. Mais
lorsqu'ils n'ont pas été suffisamment informés que, sur tel ou tel point, une
transposition peut poser problème, ils risquent d'accepter des compromis qui,
par la suite, se révéleront impraticables à l'échelon national.
Enfin, les initiatives de nos administrations en direction de Bruxelles ne
sont pas suffisamment contrôlées et maîtrisées. Je suis persuadé qu'à l'origine
de beaucoup des textes que nous n'avons pas réussi à transposer, on trouverait,
en cherchant un peu, l'action d'une administration française auprès de la
Commission européenne.
Je voudrais rappeler à ce sujet une anecdote : il y a quelques années, le
gouvernement de l'époque - je ne le citerai pas -, qui agissait de concert avec
le gouvernement britannique, avait présenté à la Commission européenne une
liste de directives dont il proposait le retrait ou l'abrogation. Le but de
cette démarche était de montrer que le principe de subsidiarité allait être
désormais mieux pris en compte. Or, la Commission européenne a fait remarquer
que pratiquement toutes les directives contestées avaient été préparées pour
répondre à des demandes françaises.
Le projet de loi que nous allons examiner est l'ultime conséquence des
dysfonctionnements de ce type. On a peine à comprendre que le Gouvernement
présente ce projet sans annoncer, simultanément, la moindre mesure pour y
remédier. On nous a rappelé tout à l'heure l'engagement qu'a pris M. Moscovici
d'y réfléchir ; mais cet engagement est, de loin, insuffisant. Les
administrations auront tôt fait, comme on dit à la campagne, de faire en sorte
que cet engagement ne soit qu'une de ces bonnes intentions dont on dit que
l'enfer est largement pavé.
Nous disposons - et c'est une chance - d'un organisme interministériel pour la
politique européenne : le fameux secrétariat général du comité interministériel
pour l'information, le SGCII. Ne serait-ce pas le moment de renforcer son rôle
et ses moyens pour faire en sorte que toute action de la France à Bruxelles
fasse l'objet d'une concertation interministérielle précoce et, chaque fois que
nécessaire, d'un arbitrage politique ? Ne faudrait-il pas faire enfin appliquer
la circulaire, vieille maintenant de deux ans, qui prévoyait une étude d'impact
juridique pour tout projet européen ? J'aimerais, monsieur le ministre, que
vous nous disiez combien d'études d'impact juridique ont été préparées au cours
des douze derniers mois. Sur les quelque 200 textes dont nous avons été saisis
durant cette période, combien ont fait l'objet d'une telle étude ?
J'arrête mes suggestions, car on m'accuserait d'empiéter sur le domaine du
Gouvernement. Mais, précisément, ce qui me paraîtrait souhaitable, c'est que le
Gouvernement veuille bien se décider à gouverner, c'est-à-dire à arbitrer ;
car, après, il n'aurait plus à demander au Parlement l'autorisation de
légiférer à sa place.
Je formulerai une dernière remarque pour conclure.
Monsieur le ministre, vous vous êtes étonné des remous qui ont entouré le
dépôt du projet de loi en faisant observer que 10 % seulement des textes
européens soumis aux deux assemblées faisaient l'objet d'une proposition de
résolution. C'est tout à fait exact, car nous nous efforçons de n'intervenir
que sur des textes d'une certaine importance et qui soulèvent à nos yeux des
difficultés. Mais, combien de textes sont contestés dans la cinquantaine de
directives que vise le projet de loi d'habilitation ? On vient de le dire :
cinq ou six, pas plus. Vous voyez que, du moins, nous sommes logiques avec
nous-mêmes !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
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