SEANCE DU 18 OCTOBRE 2000
SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
456, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
[Rapport n° 17 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, si j'ai
toujours plaisir à vous retrouver, ce plaisir est encore plus grand aujourd'hui
compte tenu de l'importance du texte dont nous allons discuter.
MM. Louis Besson, Claude Bartolone et moi-même revenons en effet aujourd'hui
devant vous pour poursuivre l'examen du projet de loi relatif à la solidarité
et au renouvellement urbains.
Le débat sur ce texte a déjà été dense. Les échanges ont été souvent
passionnés, le plus souvent constructifs, même s'ils furent parfois
polémiques.
Comme vous le savez, la commission mixte paritaire, réunie au printemps, n'est
pas parvenue à trouver un terrain d'entente.
Ce fut non pas à cause d'un désaccord global sur l'ensemble des dispositions
de ce texte, dont une partie a d'ailleurs été adoptée avec de très larges
majorités, mais du fait d'oppositions profondes sur certaines dispositions. Je
citerai en particulier celles qui touchent à la mixité sociale dans
l'habitat.
La représentation nationale a examiné au total plus de 3 400 amendements avant
la nouvelle lecture que nous entamons aujourd'hui au Sénat. Le Parlement s'est
donc, je crois, pleinement saisi de ce texte. Il convient de s'en féliciter.
Tant sur le volet concernant l'urbanisme que sur les questions d'habitat ou de
déplacements, les contributions ont été nombreuses, riches de vos expériences
et de vos réflexions, et le Gouvernement a été, je le crois, à l'écoute des
parlementaires.
L'accroissement, tout au long des débats, du nombre des articles de ce texte,
qui est passé de 87 à environ 170, montre tout l'intérêt que vous avez porté à
l'ensemble des questions urbaines.
Je ne vais pas procéder, mesdames, messieurs les sénateurs, à une présentation
détaillée des mesures contenues dans ce projet de loi, car vous les
connaissez.
Permettez-moi simplement de revenir en quelques mots sur les principaux points
qui restent aujourd'hui en discussion, puisque le Sénat et l'Assemblée
nationale ont adopté en termes identiques de très nombreuses dispositions.
La navette a permis de confirmer sur bien des points une large convergence sur
le premier volet de ce texte, qui vise, au travers de la réforme des documents
d'urbanisme, à renforcer la cohérence des politiques urbaines à l'échelle de
l'agglomération. C'est, en particulier, le cas avec les schémas de cohérence
territoriale. S'agissant des plans locaux d'urbanisme, un point de désaccord
subsiste avec la Haute Assemblée.
Vous vous souvenez que, sur la plupart des rédactions proposées par le Sénat
sur ce volet, le Gouvernement avait, dès la première lecture, considéré qu'une
synthèse serait possible. Il a eu raison de faire confiance à la sagesse du
Parlement, puisque c'est aujourd'hui très largement le cas.
Je veux saluer le travail des rapporteurs des deux assemblées, en particulier
celui de M. Althapé pour la commission des affaires économiques, et de M.
Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois, en première
lecture.
Ils ont consacré beaucoup de temps et d'énergie sur ces dispositions, dans un
état d'esprit constructif que je me plais à souligner.
En définitive, sur les objectifs et les règles d'élaboration de ces documents
d'urbanisme, mais aussi sur les politiques d'aménagement ou la fiscalité de
l'urbanisme, les positions sont, à mon sens, maintenant relativement
convergentes, sous réserve de précisions ou d'améliorations rédactionnelles.
Sur un certain nombre de points malgré tout, essentiellement d'ailleurs sur
des dispositions issues d'amendements déposés en première lecture, il faut bien
faire le constat d'un désaccord entre les deux assemblées. Je pense d'abord aux
nombreux amendements touchant aux lois « montagne » et « littoral », grandes
lois de protection auxquelles le Gouvernement entend garantir ce caractère.
L'Assemblée nationale, suivant en cela l'avis du Gouvernement, est revenue sur
la plupart des modifications qui avaient été introduites ici même, en première
lecture.
Le Gouvernement a eu l'occasion de dire à différentes reprises qu'il ne
souhaitait pas que ce texte serve de support à une modification de l'équilibre
de ces deux lois, sauf pour apporter des éléments de souplesse parfois
utiles.
Il s'en tiendra donc à cette position d'ici à la fin du débat. Il a été amené
à adopter la même position sur l'ensemble des amendements qui pouvaient porter
atteinte au droit constitutionnel de chaque citoyen à contester devant le juge
des décisions qui lui apparaîtraient injustifiées, car, même si des excès sont
parfois à déplorer, ce droit constitue un élément essentiel de notre
démocratie. Je ne doute pas de la capacité du Sénat à comprendre la sagesse de
cette position et, peut-être, à s'y rallier.
Le deuxième volet est celui de l'habitat. Le débat parlementaire a permis de
confirmer les convergences qui étaient d'ores et déjà perceptibles lors de la
première lecture devant la Haute Assemblée.
Tout d'abord, le Gouvernement souhaitait, en commençant ce débat, que le
présent texte permette de conforter et d'adapter les compétences des organismes
d'HLM aux missions qui sont les leurs et aux enjeux auxquels ils auront à faire
face à l'avenir.
Tel est le sens des dispositions des articles 62 et 63 qui consolident les
compétences des organismes d'HLM à intervenir, en complément de leur mission
fondamentale de production de logement locatif social, dans le champ de
l'accession à la propriété et de l'aménagement urbain, dans l'objectif de
contribuer ainsi à la fois au renouvellement urbain et à une vraie politique de
mixité sociale dans les quartiers, les villes et les agglomérations.
Au-delà de quelques divergences limitées, notamment sur le rôle exact de la
caisse de garantie du logement locatif social, le débat a permis, je crois, de
faire progresser notre réflexion et d'aboutir à des solutions raisonnables. Ces
dernières recueillent l'accord du Mouvement HLM. Il me semblerait important que
la Haute Assemblée manifeste également son accord en les adoptant à son
tour.
Au cours de la navette, d'importants pas ont pu être franchis sur la réforme
du régime de la copropriété, pour préciser son organisation et les règles
permettant d'assurer plus de transparence envers chaque copropriétaire.
Vous connaissez la sensibilité de ces questions, et je crois pouvoir dire que
les améliorations qui vous sont aujourd'hui soumises respectent les grands
principes et l'équilibre de la loi de 1965.
Ensuite - et il s'agit là d'une avancée majeure pour le droit au logement - le
texte qui vous est soumis aujourd'hui permettra d'inscrire dans la loi la
notion de logement décent. Il ouvrira ainsi à chaque locataire la possibilité
de saisir le juge pour que les travaux nécessaires puissent être entrepris, si
tel n'était pas le cas. Le Gouvernement souhaite que, sur ce point, un vote
unanime des deux assemblées démontre à quel point cette avancée dépasse les
clivages politiques.
Enfin, je voudrais souligner l'accord qui s'est réalisé, sur toutes les
travées, sur la modernisation des procédures permettant d'intervenir plus
efficacement pour lutter contre l'insalubrité dans le logement, en particulier
par la suppression du paiement du loyer dans l'attente de la réalisation par le
propriétaire des travaux prescrits. Il y a là les moyens de répondre
concrètement aux plus démunis, qui vivent souvent dans ce parc de logements
insalubres, et aux associations qui les soutiennent.
Je souhaiterais remercier de leur travail, important et réalisé dans un esprit
d'ouverture et de coopération, MM. Althapé et Bimbenet, respectivement
rapporteur de la commission des affaires économiques et rapporteur pour avis de
la commission des affaires sociales en première lecture.
En revanche, le Gouvernement a dû constater que des désaccords de nature
politique subsistent en ce qui concerne les dispositions relatives à la mixité
sociale dans l'habitat, c'est-à-dire à l'article 25 du projet de loi.
En effet, et par-delà les déclarations d'intention, émanant de tous les
groupes, en faveur de la mixité sociale dans l'habitat, le texte adopté par la
Haute Assemblée en première lecture n'aurait pas permis d'atteindre les
objectifs que le Gouvernement s'est fixés.
Tout d'abord, il faut rappeler que l'objectif premier du texte qui vous est
proposé est de mieux répartir l'offre de logement locatif social à l'intérieur
de chaque agglomération.
La proposition adoptée par la Haute Assemblée, qui visait à exclure toute
mesure incitative dès lors que le seuil de 20 % serait atteint globalement à
l'échelle de l'agglomération, aurait conduit, en pratique, à nier les objectifs
de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités inacceptables qui
peuvent exister entre communes d'une même agglomération.
De plus, l'extension considérable des logements pris en compte dans l'objectif
des 20 % manifestait, nous semble-t-il, le refus de conférer réellement au
logement locatif social sa juste place dans chaque commune urbaine et dans
chaque agglomération.
Il faut le dire et le redire, aujourd'hui, deux Français sur trois, et même
trois sur quatre avec le « PLUS », peuvent accéder au logement locatif
social.
M. Patrick Lassourd.
Et avec le prêt à taux zéro !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Est-ce trop
demander...
M. Patrick Lassourd.
Oui !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ecoutez-moi bien
! Est-ce trop demander que de faire en sorte que, dans chaque commune, un
logement sur cinq permette de répondre à leur demande ?
M. Patrick Lassourd.
Ce n'est pas ce qui est proposé !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ecoutez-moi ! Ne
réagissez pas comme cela, vous aurez le temps ensuite de réagir !
A contrario,
cela signifie, naturellement, que l'accession sociale à la
propriété et l'investissement locatif privé, qui sont tous deux aidés par
l'Etat,...
M. Dominique Braye.
C'est faux ! Ils ne sont pas pris en compte !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... ont toute
leur place dans l'offre de logement, et en particulier dans les quatre
logements sur cinq restants.
M. Dominique Braye.
C'est faux !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Telle est la
démarche du Gouvernement : elle est à la fois volontaire, raisonnable et
mesurée.
Enfin, la majorité sénatoriale avait également ôté toute substance au
dispositif proposé dans le projet de loi en refusant de donner au représentant
de l'Etat les moyens de faire appliquer la loi...
M. Dominique Braye.
Il ne le pourra pas !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... lorsque les
communes refusent de la respecter...
M. Patrick Lassourd.
Ce sera inapplicable !
M. Dominique Braye.
Demandez aux élus locaux !
M. Philippe Labeyrie.
Laissez parler M. Gayssot !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... et de mettre
en oeuvre les objectifs de mixité sociale.
(MM. Braye et Lassourd
protestent.)
Je vois que les vacances n'ont pas réduit votre velléité !
M. Dominique Braye.
Pas plus que la vôtre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ni la mienne,
vous avez raison de le dire !
L'Assemblée nationale a donc naturellement souhaité rétablir la logique
politique du dispositif qu'elle avait adopté en première lecture. C'est un
impératif de solidarité, auquel le Gouvernement est très prodondément
attaché.
Je souhaite que les séances qui viennent permettent de faire progresser, sur
ce point, nos analyses et nos propositions.
J'aborderai maintenant le volet relatif aux déplacements.
Le Gouvernement a souhaité que les différentes politiques de déplacements,
d'habitat, d'urbanisme soient mises en cohérence dans une seule et même
démarche, prenant en compte l'agglomération.
L'Assemblée nationale a - vous le savez - apporté un certain nombre de
modifications au titre III du texte issu des travaux du Sénat. Elle a ainsi
souhaité rétablir certaines des dispositions des articles 36 et 37 relatifs aux
plans de déplacements urbains, afin de conforter leur caractère prescriptif.
Concernant la coopération entre les autorités organisatrices de transport et
la création de « syndicats mixtes de transport », le texte initial du
Gouvernement a été notablement amélioré par les travaux de Sénat et de
l'Assemblée nationale. Les députés ont ainsi repris la proposition du Sénat
d'élargir par la voie conventionnelle les possibilités de coopération entre les
autorités organisatrices de transport.
S'agissant de la création d'autorités organisatrices de second rang, cette
possibilité a été prévue pour la région d'Ile-de-France, mais supprimée pour la
province.
En cohérence avec la position que j'avais exprimée ici même en première
lecture, il ne m'est pas apparu souhaitable de bouleverser, à ce stade,
l'équilibre de cet article, ce qui m'a conduit à soutenir la proposition des
députés.
Concernant l'article 42, relatif aux ressources financières des syndicats
mixtes de transport, l'Assemblée nationale a rétabli, avec l'accord du
Gouvernement, la version qu'elle avait adoptée en première lecture, n'ayant pas
été convaincue par votre proposition de création d'une taxe additionnelle sur
le produit des amendes.
A l'article 42, un débat a eu lieu sur le seuil de population à partir duquel
un versement de transport pouvait être institué par une autorité organisatrice
de transports urbains.
M. Dominique Braye.
Encore un impôt !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous vouliez
créer un nouveau prélèvement !
Après discussion, ce seuil a été fixé à 10 000 habitants, contre 20 000
aujourd'hui, ce qui permettra d'apporter une réponse aux besoins exprimés par
les petites villes.
L'Assemblée nationale a conservé, sans les modifier, les dispositions que vous
aviez acceptées concernant ce qu'il est convenu d'appeler la « déspécialisation
géographique » de la RATP. Je parle sous le contrôle de M. Fourcarde, qui s'est
particulièrement mobilisé sur cette question.
(M. Fourcade opine.)
Un paragraphe a été ajouté pour préciser les différentes ressources de la
RATP, aujourd'hui mentionnées dans un décret. L'introduction de ce paragraphe à
l'article 45 de la loi est rendue nécessaire par la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, qui considère que l'énumération des ressources d'une catégorie
particulière d'établissement public, telle la RATP, figure au rang de ses
règles constitutives et doit être introduite dans la loi dès lors qu'une
intervention législative s'y prête.
Enfin, l'Assemblée nationale est revenue sur l'article 50
bis
, relatif
à la mise en oeuvre du droit au transport.
Cet article trouve son origine dans un amendement parlementaire, voté par
l'Assemblée nationale en première lecture puis supprimé par le Sénat.
La nouvelle rédaction de l'Assemblée nationale, plus équilibrée que la
précédente, permet, en particulier, une plus grande souplesse dans les
modalités de mise en oeuvre de cette disposition par les autorités de transport
urbain. Le Gouvernement l'a donc soutenue.
Avant de passer au transport ferroviaire régional, je tiens à vous informer
des suites des engagements que j'avais pris devant le Parlement.
Tout d'abord, je m'étais engagé auprès du sénateur M. Michel Mercier, après le
retrait de son amendement, à associer l'Etat à l'expérimentation de nouveaux
modes de tarification des déplacements individuels en voiture, pour en préciser
la faisabilité juridique et politique.
Une étude importante avait été lancée sous l'égide de la communauté urbaine de
Lyon, en association avec les villes de Grenoble et de Saint-Etienne, sur ces
questions. Je tiens à vous annoncer que j'ai demandé au CERTU, le centre
d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions
publiques, de procéder à cette étude, en coordination avec les agglomérations
intéressées. J'ai souhaité que ces travaux puissent déboucher avant l'été
prochain sur des propositions constructives et socialement acceptables.
Sur un second point, votre collègue Jean-Pierre Fourcade avait proposé
d'instituer une possibilité de « post-paiement majoré » des droits de
stationnement sur voirie, permettant d'éviter, dans ce cas, l'amende pénale.
Je viens de confier au CERTU la mission de réunir un groupe de travail,
associant notamment des représentants des communes, pour « mettre à plat » tant
les questions juridiques que celles qui concernent les conditions à réunir pour
assurer l'efficacité d'un tel système de post-paiement. Là encore, j'ai demandé
la conclusion de cette étude pour la fin du premier semestre 2001.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Merci !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Enfin, je
terminerai par la régionalisation des services ferroviaires régionaux de
voyageurs. Il s'agit, en fait, de généraliser l'expérience lancée en 1997 dans
six, puis sept régions.
Nous en avons fréquemment parlé, et je suis convaincu, au vu des résultats de
l'expérimentation, que transférer l'organisation et le financement des services
régionaux de voyageurs aux régions est l'occasion de développer une offre
ferroviaire plus pertinente. Les régions sont maintenant, elles aussi,
convaincues de l'enjeu que représente pour elles la décentralisation de
l'organisation de ces services.
Après l'important travail du Sénat en première lecture, le texte adopté fin
juin par l'Assemblée nationale l'a été à une large majorité, voire, pour
certains points, à l'unanimité.
Ce n'est pas le fruit d'un hasard, mais d'un long et fructueux travail de
concertation avec les régions et l'association des régions de France, mais
aussi avec la SNCF et toutes les parties prenantes.
Je voudrais revenir ici, mesdames, messieurs les sénateurs, sur deux
inquiétudes qui se sont exprimées à ce sujet. Je me rendrai ensuite - et je
vous prie de m'en excuser - à l'Assemblée nationale, où je dois intervenir à
l'occasion d'un débat sur l'Europe.
Il s'agissait, tout d'abord, de la crainte que cette généralisation n'entraîne
une certaine dégradation de l'unicité du système ferroviaire national,
susceptible de créer une certaine rupture d'égalité entre les usagers.
Pour répondre à cette inquiétude, un nouvel article 52
bis
a été
introduit par l'Assemblée nationale. Il confirme le rôle de la SNCF en tant que
garant de la cohérence des services ferroviaires intérieurs - et donc de
l'égalité d'accès à ces services - et du développement équilibré des transports
ferroviaires. Est également réaffirmée la responsabilité de l'Etat en matière
de sécurité.
Cette amélioration devrait, en particulier, tenir compte de la perspective,
sur le plan communautaire, d'un projet de règlement sur les obligations de
service public dans les transports terrestres.
Vous redoutiez également - et je me tourne vers M. Raffarin, mais il n'était
pas le seul à évoquer ce problème - un risque de transfert de charge important,
à l'occasion du transfert de compétences.
Cette question a fait l'objet de nombreux et fructueux débats, puisque des
modifications importantes ont permis de compléter le mécanisme de la dotation
globale de décentralisation.
Il s'agit, je vous le rappelle, de la prise en compte des conséquences de la
mise en service d'une ligne nouvelle à grande vitesse sur les services
d'intérêt régional et de l'intégration de la compensation des pertes tarifaires
liées à la mise en oeuvre des tarifs sociaux appliqués à la demande de l'Etat
dans la dotation versée à la région au titre du transfert de compétences.
Il s'agit aussi d'un programme de modernisation des gares d'intérêt régional
sur une durée de cinq ans, permettant ainsi de rattraper les retards constatés
localement.
Enfin, je sais que les modalités de calcul de la dotation de l'Etat à verser
aux régions sur la base des comptes attestés pour 2000 de la SNCF vous posent
encore problème.
Je ne doute pas que le Sénat y revienne en cours de débat. Il convient d'avoir
pleinement conscience que l'effort demandé à la SNCF pour réformer sa
comptabilité et sa gestion est considérable. Le délai pour y parvenir sera
peut-être plus long que prévu, mais nous devrions, je pense, trouver une
solution.
Pour conclure, nous avons conscience que cette loi ne suffira pas à elle
seule, et en dépit des ambitions qu'elle porte, à tout régler. J'ai néanmoins
la conviction qu'elle constitue une étape importante dans la préparation de
l'avenir.
Claude Bartolone, Louis Besson et moi-même entamons cette nouvelle lecture
devant votre Haute Assemblée dans un esprit d'ouverture et de dialogue. Je suis
persuadé que ce débat permettra d'améliorer ce texte.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, vous vous en souvenez sans doute, la discussion du projet de loi
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains a nécessité pas moins de
soixante-cinq heures de débat, soit près de trois jours « non stop ». Plusieurs
d'entre nous en gardent, sinon des stigmates, du moins des souvenirs, et je me
tourne ici vers vous, mes chers collègues. Je pense que vous ne me démentirez
pas !
M. Dominique Braye.
Tout à fait !
M. Louis Althapé,
rapporteur.
C'est pourquoi, afin d'éviter de prolonger inutilement nos
débats, je présenterai de façon synthétique le texte de l'Assemblée nationale,
en suivant l'ordre des trois parties du texte qui concernent respectivement
l'urbanisme, le logement et les transports.
En matière d'urbanisme, l'Assemblée nationale n'a retenu que quelques-unes des
modifications de fond adoptées par le Sénat. Il en est ainsi de l'organisation
d'une enquête publique sur les projets de directives territoriales
d'aménagement, à l'article 1er, avec le texte proposé pour l'article L. 122-1
du code de l'urbanisme ; il en est ainsi également de la faculté de réhabiliter
plus aisément les constructions appartenant au patrimoine montagnard, en en
permettant le changement d'affectation, à l'article 19
ter
; il en est
ainsi encore de l'obligation pour l'Etat de fournir aux communes les études
techniques dont il dispose en matière de prévention des risques et de
protection de l'environnement, à l'article 1er, avec le texte proposé pour
l'article L. 121-6 du code de l'urbanisme.
L'Assemblée nationale s'est inspirée du texte du Sénat pour plusieurs
dispositions, telles que celles qui prévoient la réalisation d'un diagnostic
territorial et d'un projet communal ou intercommunal lors de l'élaboration des
schémas de cohérence territoriale, les SCT, et des plans d'occupation des sols,
les POS ; c'est aussi le cas pour la prise en compte de la dimension
transfrontalière des documents d'urbanisme, à l'article 1er, ou pour le
développement de la mixité sociale dans l'habitat rural aussi bien que dans
l'habitat urbain, à l'article 1er, avec le texte proposé pour l'article L.
121-1 du code de l'urbanisme, ou encore pour l'assouplissement de certaines
dispositions de la loi « littoral », à l'article 20
septies
A.
Ainsi, hormis de nombreuses améliorations techniques que nous avions
apportées, l'Assemblée nationale n'a retenu que peu de chose des travaux du
Sénat.
M. Patrick Lassourd.
Quasiment rien !
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il est révélateur qu'elle ait rétabli son texte initial sur
divers sujets que nous jugions spécialement importants. Je n'en citerai que
quatre : l'élaboration des cartes communales par les seules communes ;
l'extension des compétences de la commission de conciliation au permis de
construire délivré par l'Etat ; la participation du président du conseil
général ou de son représentant à la commission départementale de conciliation ;
enfin, l'institution de mécanismes protégeant les communes d'une intégration
forcée dans un SCT.
Il en va de même des avancées que nous avions réalisées en instituant un droit
à une constructibilité minimale dans les communes où s'appliquent la loi «
littoral » et la loi « montagne », cette dernière étant d'ailleurs une loi non
pas seulement de protection mais aussi de développement.
Nous sommes également parvenus à des avancées en autorisant des constructions
nouvelles dans les zones rurales caractérisées par l'absence de toute pression
foncière, selon les termes de l'article 19
septies.
Il est d'ailleurs révélateur que l'Assemblée nationale ait, malgré les
réticences manifestées par de nombreux députés, rétabli l'appellation de « plan
local d'urbanisme », au lieu de celle de « plan d'occupation des sols » que
nous avions souhaité rétablir.
Au sujet de la politique de la ville et de la mixité sociale, s'agissant des
articles 25 à 27 du projet de loi, qui modifient en profondeur la loi du 13
juillet 1991 d'orientation pour la ville en élargissant le champ d'application
du dispositif imposant la construction de logements sociaux, l'Assemblée
nationale a rétabli son texte initial, récusant ainsi l'essentiel de nos
propositions.
Celles-ci portaient sur la prise en compte, autant que faire se peut, des
périmètres des établissements publics de coopération intercommunale, compétents
en matière de logement.
Elles concernaient également la définition des logements à vocation sociale
pris en compte pour l'appréciation du seuil de 20 %, qui devait intégrer, selon
nous, le logement social de fait du parc privé, les logements locatifs
intermédiaires dans certaines conditions, et, surtout, l'accession sociale à la
propriété.
Elles prenaient en compte l'objectif de réalisation de logements sociaux à
travers un contrat d'objectifs signé entre l'Etat et l'EPCI compétent en
matière de logement ou, à défaut, la commune.
Enfin, elles étaient fondées sur le principe d'une contribution versée par la
commune à l'EPCI compétent ou au fonds d'aménagement urbain, assorti d'un
mécanisme de pénalités conventionnelles défini dans le contrat d'objectifs.
Sur cette partie du projet de loi, la commission des affaires économiques vous
suggère donc, mes chers collègues, de rétablir le texte du Sénat, hormis
quelques modifications rédactionnelles.
J'en arrive aux mesures concernant la politique du logement.
S'agissant des dispositions du projet de loi relatives à la protection de
l'acquéreur et au régime de la copropriété, sur lesquelles la commission des
lois avait présenté un avis, l'Assemblée nationale - il faut tout de même le
noter - a retenu nombre de propositions adoptées par le Sénat.
Sur certains points, le dialogue s'est poursuivi avec la nouvelle lecture,
notamment à l'article 28, où l'Assemblée nationale a instauré un délai de
réflexion pour l'acquéreur d'un bien immobilier lorsque l'avant-contrat est
conclu par l'intermédiaire d'un notaire.
En ce qui concerne les articles 30 à 31, modifiant en profondeur la loi du 10
juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis,
l'Assemblée nationale a également pris en compte des modifications proposées
par le Sénat.
Néanmoins, sur certains points, il convient de préciser les rédactions
retenues. Il en est ainsi des obligations comptables que devront respecter les
comptes du syndicat, de la consultation du carnet d'entretien de l'immeuble par
un acquéreur éventuel ou encore de l'information du syndic en cas de mutation à
titre onéreux d'un lot.
Enfin, en ce qui concerne la définition du « logement décent », les
propositions de l'Assemblée nationale tiennent compte des modifications
adoptées par le Sénat. Mais les dispositions relatives à l'action en réduction
de loyer sont trop largement rétroactives pour ne pas mettre gravement en cause
la stabilité des contrats en cours. Il vous sera proposé d'y remédier.
Sur les dispositions relatives à la procédure d'insalubrité et de péril,
l'Assemblée nationale a également entériné les propositions adoptées par le
Sénat, sauf en ce qui concerne le régime des sanctions, qu'elle a rétabli, les
modalités de calcul de l'indemnité de relogement et l'interdiction
d'indemnisation en cas de suppression d'un commerce.
Sur ces différents points, il vous est donc proposé, mes chers collègues, de
rétablir notre texte de première lecture.
Sur les objectifs et les moyens de la politique du logement, l'Assemblée
nationale a fait, sur certains points, des avancées certaines.
Je citerai la définition des moyens de la politique du logement, à l'article
60, la pérennité du logement social et le statut du logement social.
L'Assemblée nationale, à propos de ce dernier, a abandonné la notion de «
mission de service public », pour adopter, d'une part, celle de service
d'intérêt général pour la production de logements locatifs et, d'autre part,
celle de mission d'intérêt général englobant les opérations d'aménagement et
l'accession sociale à la propriété.
Sur d'autres points, enfin, comme en matière de garantie des opérations de
promotion immobilière, l'Assemblée nationale est revenue à son texte de
première lecture instituant une caisse séparée, mais en le complétant de telle
manière qu'il répond à la plupart des interrogations soulevées par le Sénat.
Il conviendra néanmoins de rétablir le texte adopté en première lecture au
Sénat, s'agissant du statut de la caisse et des actions qu'elle peut
financer.
L'Assemblée nationale a parfois adopté des dispositions nouvelles
inacceptables, notamment celle qui est introduite à l'article 61 du projet de
loi pérennisant le patrimoine des filiales de la Caisse des dépôts et
consignations, et que je vous proposerai de supprimer.
J'en viens au volet des transports.
J'aborderai, enfin, le titre III du projet de loi intitulé : « Mettre en
oeuvre une politique de déplacements au service du développement durable ».
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a fait, de manière générale, peu de
cas des nombreux enrichissements apportés par le Sénat, en première lecture,
sur les différentes dispositions de ce titre.
S'agissant de la section I, relative aux plans de déplacements urbains, les
PDU, le Sénat avait souhaité tempérer leur caractère normatif et contraignant
pour les collectivités locales. Nous avions notamment insisté sur la nécessaire
compatibilité entre les PDU et les nouveaux schémas de cohérence
territoriale.
L'Assemblée nationale étant le plus souvent revenue à ses rédactions
initiales, il vous sera proposé de confirmer les votes de la Haute
Assemblée.
S'agissant de la section II, relative à la coopération entre autorités
organisatrices de transports, le Sénat a souhaité qu'un comité des partenaires
du transport public puisse être créé auprès de chaque syndicat mixte de
transport. Sur ce point, l'Assemblée nationale a retenu la proposition du
Sénat. En revanche, la Haute Assemblée n'a pas souhaité qu'un versement
transport additionnel soit imposé aux entreprises pour financer le syndicat
mixte de transport en zone périurbaine. Elle a préféré que le financement soit
assuré par une taxe additionnelle assise sur le produit des amendes perçues au
titre des contraventions de stationnement. En nouvelle lecture, les députés ont
rétabli leur dispositif initial et aggravé, en passant, la charge imposée aux
entreprises, en énonçant que le versement transport sera désormais possible
dans les communes urbaines de plus de 10 000 habitants, contre 20 000
actuellement. Là encore, il vous sera demandé, mes chers collègues, d'en
revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
En ce qui concerne la section III, relative au syndicat des transports
d'Ile-de-France, l'Assemblée nationale a retenu plusieurs dispositions
souhaitées par le Sénat, notamment celles qui concernent la despécialisation de
la RATP et l'extension des compétences du comité des partenaires du transport
public en Ile-de-France.
Sur ces articles, il vous sera notamment proposé de rétablir un amendement
adopté par le Sénat en première lecture et supprimé par l'Assemblée nationale
en nouvelle lecture tendant à permettre aux syndicats des transports
d'Ile-de-France d'exercer un contrôle de la maîtrise d'ouvrage des projets
d'investissement réalisés par les entreprises.
Par ailleurs, la commission vous proposera d'adopter par amendement un
dispositif nouveau, très attendu par l'assemblée des départements de France,
tendant à permettre aux départements de l'Ile-de-France de se voir déléguer
certaines missions pour les services routiers réguliers - de pôle à pôle ou de
bassin à bassin - par le syndicat des transports d'Ile-de-France.
Enfin, s'agissant de la section IV, relative à la régionalisation des services
ferroviaires régionaux, l'Assemblée nationale a rejeté, en nouvelle lecture, la
plupart des améliorations qui avaient été apportées par le Sénat en première
lecture afin, notamment, de permettre aux régions de connaître avec clarté
l'état des comptes de la SNCF et d'assurer une compensation financière
suffisante des nouvelles charges incombant aux régions.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est très décevant !
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il vous est proposé de rétablir l'article 51
bis,
qui
oblige la SNCF à présenter à chaque région un rapport retraçant l'état de ses
comptes, état sur la base duquel devrait être calculée la compensation par
l'Etat du transfert de compétences aux régions.
La commission des affaires économiques souhaite encore que la commpensation
soit constituée : d'une contribution pour l'exploitation des services
transférés ; du montant de la dotation annuelle nécessaire au renouvellement du
parc de matériel roulant transféré ; d'un montant correspondant à la
modification des tarifs sociaux décidés par l'Etat, point sur lequel, je le
signale, l'Assemblée nationale a suivi le Sénat ; d'un montant correspondant
aux conséquences d'une modification législative aggravant la charge imposée aux
régions, point sur lequel l'Assemblée nationale a encore suivi le Sénat ;
enfin, d'un montant correspondant à la nécessaire modernisation des gares.
Il vous sera aussi proposé de rétablir le régime d'indexation souhaité par le
Sénat en première lecture, ainsi que la disposition exonérant de taxe
professionnelle les véhicules ferroviaires destinés au transport régional de
voyageurs.
Ces deux innovations majeures ont été rejetées par l'Assemblée nationale en
nouvelle lecture.
Il est à noter que deux dispositions importantes concernant la compensation
des tarifs sociaux et la compensation des dispositions législatives ou
réglementaires aggravant la charge des régions ont été conservées par
l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, il convient de souligner que la commission de la production et
des échanges de l'Assemblée nationale avait adopté conforme l'article
additionnel, introduit par le Sénat en première lecture, et créant un fonds de
développement des transports collectifs régionaux financé par un prélèvement
sur le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
La conclusion à tirer est que, si le Gouvernement avait laissé s'instaurer un
véritable dialogue entre les deux assemblées, le texte sur lequel nous
débattons en nouvelle lecture aurait pu être sensiblement amélioré.
La commission des affaires économiques vous propose, en conséquence, mes chers
collègues, de rétablir, pour l'essentiel, le texte du Sénat, hormis sur
quelques articles, pour lesquels elle présentera une solution de transaction
susceptible d'être retenue par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes saisis aujourd'hui en nouvelle lecture, et donc pour la dernière
fois, du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Je ne reviendrai pas en détail sur les analyses et les critiques que j'ai
développées lors de ma précédente intervention, en avril dernier.
Je crois que le Sénat a fait du bon travail malgré les conditions difficiles
d'organisation du débat. Nous discutions selon la procédure de l'urgence,
c'est-à-dire par une seule lecture dans chaque assemblée, d'un texte
particulièrement lourd, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, puisqu'il
comportait 180 articles et qu'il concernait des domaines aussi variés que
l'urbanisme, la politique de la ville, le logement et les transports.
Je regrette que M. Gayssot soit parti, car j'aurais aimé lui demander s'il
n'aurait pas été plus sage de scinder ce texte en plusieurs, au lieu de
chercher à légiférer dans la précipitation.
J'ose à peine espérer que cette leçon sera retenue pour une prochaine fois.
Nous vivons dans l'urgence permanente, et je ne me fais donc pas beaucoup
d'illusions.
Notre rapporteur, M. Althapé, a précisément fait le point sur les positions de
chaque assemblée. Il propose de modifier le texte que l'Assemblée nationale a
adopté le 29 juin pour revenir à une rédaction plus proche du texte que nous
avions adopté en avril dernier.
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative puisque, avec les
sénateurs de mon groupe, nous avions largement contribué à l'élaboration du
texte voté par le Sénat.
En toute logique, nous apporterons, bien sûr, notre soutien entier aux
amendements que M. Althapé défendra tout à l'heure.
En effet, si l'Assemblée nationale a retenu plusieurs de nos suggestions, elle
n'en a pas moins rejeté certaines qui nous semblent particulièrement
pertinentes et importantes.
Ainsi, elle a rejeté la création d'une agence de valorisation du sous-sol.
Le président du conseil général n'est plus membre de droit de la commission
départementale de conciliation, comme vous venez de le préciser, monsieur le
rapporteur.
Le rôle particulier de la commission en zone de montagne n'a pas été adopté
par l'Assemblée.
Toujours selon le vote des députés, les dépenses d'élaboration des documents
locaux d'urbanisme ne sont plus inscrites en section « investissement », ce
qui, à mon sens, est une erreur.
Les députés n'ont pas non plus accepté le dispositif de l'article 25 en
matière de logement social, avec - je suis tenté de le dire sans provocation -
la souplesse que nous lui avions donnée.
Les conditions de la régionalisation ferroviaire des transports de voyageurs,
telles que votées par l'Assemblée nationale, ne se font pas dans la
transparence parce que, comme vous venez de très bien le dire, monsieur le
rapporteur, l'état financier de la SNCF n'est pas clairement connu et que la
compensation financière risque de se faire au détriment des collectivités
locales. Notre collègue Jean-Pierre Raffarin n'a cessé de le répéter, voire de
le crier avec passion, à cette tribune.
De ces quelques remarques, je tirerai une conclusion plus large, qui met en
lumière la méthode du Gouvernement à l'égard des collectivités territoriales.
Trois exemples illustrent parfaitement cette méthode.
Premièrement, la régionalisation ferroviaire est finalement imposée par la
loi, alors même que des négociations étaient en cours entre les régions et
l'Etat. Pourquoi ne pas avoir privilégié la concertation et l'échange avec les
principaux intéressés, à savoir les régions, bien sûr ?
Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 25, et vous avez été très nombreux
à le dire en première lecture, la méthode est tout aussi calamiteuse, car elle
repose sur la contrainte des collectivités locales. Si le logement social
correspond à une nécessité, il est également important de préserver le choix
des maires...
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Ladislas Poniatowski.
... car ce sont eux qui connaissent les réalités locales et qui peuvent
apprécier quels types de logement correspondent le mieux aux besoins de leurs
concitoyens.
M. Patrick Lassourd.
C'est le bon sens !
M. Ladislas Poniatowski.
Merci, mon cher collègue !
Enfin, en troisième lieu, nous constatons que le Gouvernement inscrit son
action dans une logique territoriale nouvelle qui tend à nier à la réalité
départementale.
M. Patrick Lassourd.
C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski.
Je regarde un « départementaliste », monsieur le secrétaire d'Etat, en
prononçant ces mots.
M. Philippe Nogrix.
A titre syndical !
M. Ladislas Poniatowski.
Dans le texte que nous examinons aujourd'hui, il me semble que c'est une
erreur de ne pas faire figurer le président du conseil général parmi les
membres de la commission de conciliation compétente en matière d'élaboration
des documents d'urbanisme. De même, il est indispensable de permettre
l'association des services du département au projet de schéma de cohérence
territoriale.
Nous ne serions pas si inquiets, monsieur le secrétaire d'Etat, si ces mesures
ne s'inscrivaient pas dans une démarche plus globale, plus pernicieuse aussi,
comme l'attestent les récentes propositions de la commission Mauroy
(Approbation sur plusieurs travées du RPR),
propositions qui auront pour
conséquence, je le crains sincèrement, de bouleverser les conseils généraux. En
effet, le renouvellement en une fois tel qu'il est envisagé rendra le
département plus perméable aux fluctuations de la politique nationale : c'est,
en somme, nier sa stabilité. En outre, la réforme du scrutin cantonal rompra le
lien entre l'élu et son territoire. Ce projet, c'est donc faire du département
un énième représentant de la population alors qu'il doit demeurer un
représentant des territoires, garant de l'harmonie entre le monde rural et le
monde urbain.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le
groupe des Républicains et Indépendants ne votera ce projet de loi que si les
amendements de notre collègue Louis Althapé sont adoptés. Ces amendements, eux,
répondent, en effet, entièrement à nos souhaits dans la mesure où ils
réintroduisent des dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, mais
supprimées par l'Assemblée nationale.
Ainsi, le texte qui nous est aujourd'hui proposé par notre rapporteur tient
compte de nos suggestions et permet d'intégrer dans la loi plusieurs éléments
auxquels nous sommes très attachés.
Nous en avons largement débattu lors de nos précédents travaux, mais,
permettez-moi, ici, en guise de conclusion, d'en rappeler les principaux, car
ils garantissent une politique du logement, des transports et de l'urbanisme
équilibrée et équitable, que nous considérons comme prioritaire pour notre
pays.
Je veux rappeler ces principes et ces éléments qui nous tiennent à coeur et,
tout d'abord, une juste considération de l'évolution de notre paysage urbain,
dans le respect d'une complémentarité entre la France urbaine et la France
rurale, complémentarité que je vois de moins en moins.
Cela implique ensuite de mieux prendre en compte les spécificités des
territoires autres qu'urbains, les espaces ruraux bien sûr, mais également les
territoires périurbains, les territoires de montagne, qui tiennent à coeur à
notre rapporteur, et les territoires du littoral.
Il s'agit également, c'est le troisième élément qui nous tient à coeur, de la
mise en place d'un « parcours résidentiel » complet pour nos concitoyens, qui
panache de manière équilibrée la location et l'acquisition.
Il s'agit en outre d'une mixité sociale, M. Gayssot le rappelait tout à
l'heure, mais il y a une sacrée différence entre les paroles et les
actes,...
MM. Dominique Braye et Patrick Lassourd.
Absolument, bravo !
M. Ladislas Poniatowski.
... modulée en fonction des réalités du terrain et non imposée de façon
uniforme.
Il s'agit aussi du soutien aux organismes d'HLM pour des actions renouvelées,
de taille humaine, dans le logement social. Je ne vais pas insister, puisque
vous m'avez entendu plusieurs fois en première lecture, monsieur le secrétaire
d'Etat, et que c'est un secteur qui vous tient à coeur. C'est très bien
d'imposer des chiffres, mais si vous ne donnez pas aux responsables
d'organismes de logements sociaux les moyens de construire les logements
correspondants, ils n'y arriveront pas.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Patrick Lassourd.
Tout le problème est là !
M. Ladislas Poniatowski.
Cela implique également des documents d'urbanisme lisibles, élaborés dans la
concertation et la transparence, seules garantes de leur pérennité.
Enfin - nous ne le répéterons jamais assez - il nous faut être vigilants pour
préserver l'autonomie et la libre administration de nos collectivités locales.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Tout a été dit !
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous voici donc à nouveau réunis, après l'échec de la commission mixte
paritaire, afin de réexaminer le projet de loi relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains.
Bien entendu, nous ne pouvons que regretter que les deux chambres
parlementaires ne soient pas parvenues à un accord. Toutefois, les différends
entre nos deux assemblées étaient majeurs, d'ordre politique, et ne laissaient
supposer, d'emblée, que peu de possibilités de rapprochement.
Il convient, toutefois, de noter positivement quelques convergences. Il en est
ainsi - je ne citerai que cet exemple - des questions touchant à l'urbanisme,
même si, sur les modalités ou la rédaction, des divergences subsistent
encore.
Lors de la première lecture, j'avais dit combien mon groupe se sentait plus
proche de la version du texte tel qu'il était issu de l'Assemblée nationale.
Nous avions également salué la cohérence des thèmes contenus dans ce projet de
loi. Ces remarques restent valables.
Sans revenir dans le détail sur le fond de l'argumentation que nous avions
développée lors de la précédente lecture, je souhaite réaffirmer notre
attachement aux ambitions affirmées dans ce projet de loi et qui sont résumées
dans son titre.
Cet attachement découle, certes, du choix de société que les sénateurs de mon
groupe défendent, mais il est tout autant étroitement lié aux besoins qui
s'expriment dans notre pays et que nous avons le devoir d'entendre et de
satisfaire.
Bien entendu, nous continuons d'approuver la logique de l'article 25, qui
traite de la mixité sociale et que nos collègues de la majorité sénatoriale
veulent à nouveau vider de son sens. J'avais eu l'occasion de le regretter en
première lecture : mes chers collègues de la majorité, par-delà vos
déclarations d'intention - nous venons d'en avoir une nouvelle preuve - en
faveur de la mixité sociale dans l'habitat, vous refusez d'adopter un
dispositif permettant effectivement d'avancer dans cette direction.
L'objectif du Gouvernement que nous soutenons est de mieux répartir l'offre de
logement, locatif, social. La proposition émanant de la droite de cet
hémicycle, visant à exclure toute mesure incitative, dès lors que le seuil de
20 % est atteint globalement à l'échelle de l'agglomération, revient, de fait,
à nier cet objectif de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités
entre les communes.
Par ailleurs, l'extension considérable des logements éligibles à l'objectif
des 20 % est significatif de votre absence de volonté de conférer au logement
locatif social sa juste place dans chaque commune et chaque agglomération.
Pourtant, trois familles sur quatre sont aujourd'hui éligibles au logement
locatif social. Comme l'a rappelé tout à l'heure M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement, est-ce trop demander que, dans
chaque commune, un logement sur cinq réponde à leur demande ?
M. Patrick Lassourd.
Ce n'est pas le projet de loi !
Mme Odette Terrade.
Cela signifie aussi que l'accession sociale à la propriété et l'investissement
locatif privé, tous deux aidés par l'Etat, ont toute leur place dans l'offre
globale de logement.
Je rappelle en toute amitié à mes collègues que, pour avoir défendu ce
dispositif lors de la première lecture, M. Braye et ses amis m'ont taxée
d'archaïque.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je laisse nos
concitoyens juger quelle est la position la plus rétrograde, ...
M. Dominique Braye.
Ils le font à chaque élection !
Mme Odette Terrade.
... celle qui vise à faire partager le devoir de solidarité entre toutes les
communes et ainsi permettre à tous de se loger dans la commune de son choix ou
bien la vôtre, mes chers collègues, qui veut, en fait, préserver les ghettos de
riches en accentuant la « mal vie » dans ceux des pauvres et ainsi aggraver les
ségrégations !
M. Patrick Lassourd.
Caricature !
Mme Odette Terrade.
Vos positions ne sont pas caricaturales ?
M. Patrick Lassourd.
Réalistes !
Mme Odette Terrade.
Venez dans nos communes : vous verrez !
M. Dominique Braye.
Demandez aux élus locaux, même de votre côté !
Mme Odette Terrade.
Mais nous habitons aussi des communes dans lesquelles existe un fort taux de
logement social.
M. le président.
Madame Terrade, poursuivez votre exposé sans interpeller vos collègues, faute
de quoi ils vous répondront.
Mme Odette Terrade.
Le Sénat a définitivement ôté toute substance au dispositif proposé par le
projet de loi en refusant de donner aux préfets les moyens de faire appliquer
la loi lorsque les communes refusent de mettre en oeuvre les objectifs de
mixité sociale.
Le groupe communiste républicain et citoyen a la volonté, comme en première
lecture, de réaffirmer sa conception de la solidarité et du renouvellement
urbains, qui doit s'appuyer avant tout sur la négociation, la concertation et
la transparence.
S'agissant du titre Ier, consacré au renforcement de la cohérence des
politiques urbaines, nous l'avons déjà dit, nous partageons la volonté du
Gouvernement de faire du droit de l'urbanisme un droit moins attaché à la forme
et plus riche au fond. Nous présenterons un amendement qui vise à renforcer les
modalités de consultation des communes.
Le titre II traite non seulement des dispositions relatives à la mixité
sociale, dont j'ai déjà parlé, mais également des propriétés dégradées. Je
déplore que la commission des affaires économiques n'ait pas évolué dans son
appréciation du premier chapitre de ce titre. En effet, les mesures imposant
une répartition équilibrée sur l'ensemble du territoire ne sont pas une
nouveauté. Ce qui est nouveau, c'est de chercher à les rendre plus efficaces.
Qui pourrait blâmer le Gouvernement de rendre plus effective une mesure déjà en
oeuvre ?
Après ce texte, une commune ne pourra plus s'exonérer de son obligation en
payant. C'est une très bonne chose. Il lui faudra désormais satisfaire à
l'obligation de réalisation effective de logements sociaux, à un rythme
programmé.
M. Patrick Lassourd.
A condition qu'on lui en donne les moyens !
Mme Odette Terrade.
Mon groupe aura l'occasion de s'exprimer sur ce thème lors de l'examen de
l'article 25.
Le titre III porte, lui, sur les déplacements. Nous restons convaincus qu'un
développement des transports collectifs urbains et régionaux, adaptés aux
besoins actuels de déplacement des Françaises et Français, impose que soient
dégagées des ressources nouvelles au bénéfice des autorités organisatrices de
transport.
Enfin, le titre IV constitue, à bien des égards, une partie fondamentale de ce
projet de loi. C'est en effet là que sont définies la politique du logement,
les missions des organismes, leurs prérogatives et leurs statuts, mais aussi
les modalités de la lutte contre l'insalubrité !
A l'Assemblée nationale, lors des deux lectures, un amendement du groupe
communiste visant à rehausser le seuil de déclenchement du surloyer de
solidarité avait été adopté. Cette disposition nous semble aller dans le bon
sens. En effet, comme nos collègues députés, nous sommes attachés à
l'abrogation du supplément de loyer de solidarité. Ce surloyer nous paraît
aller à l'encontre de l'objectif de mixité sociale. Je développerai notre
position lors de la défense de notre amendement. En tout état de cause, nous
regrettons votre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, qui supprime le I
bis
de l'article 71 qui nous semble le minimum que nous devions
faire.
S'agissant de la pérennisation du logement social abordé à l'article 61, nous
sommes très soucieux de voir la commission des affaires économiques supprimer
l'article L. 411-3-2 relatif au patrimoine de la SCIC - société centrale
immobilière de la Caisse des dépôts et consignations.
En effet, la situation devient très préoccupante pour les populations
concernées. C'est le cas dans de nombreuses communes de la région parisienne,
dans le Val-de-Marne, dans les Hauts-de-Seine, notamment dans la commune de mon
amie députée Janine Jambu et aussi dans le Val-d'Oise, notamment à Sarcelles,
commune chère à notre collègue Marie-Claude Beaudeau.
M. Dominique Braye.
Et à DSK !
Mme Odette Terrade.
Ce bailleur, répondant pourtant aux mêmes caractéristiques sociales de
peuplement que les HLM, entend faire glisser, au terme des conventions qu'il a
passées avec l'Etat, son parc vers le marché libre, avec les conséquences
sociales que cela entraîne !
L'introduction de cet article répondait à la demande de nombreux maires de
gauche d'Ile-de-France. J'ai noté les risques d'inconstitutionnalité de
l'amendement tel qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale. Toutefois, il me
semble que l'importance du sujet mérite qu'une solution soit trouvée
rapidement.
Toujours dans le titre IV, nous souhaitons réaffirmer le rôle primordial des
associations de locataires. C'est pourquoi nous proposerons deux amendements
qui visent à consolider leur financement.
En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen est attaché à un
développement social, économique et territorial équilibré et harmonieux. Nous
voulons contribuer efficacement au débat éminemment politique qu'ouvre ce
texte. C'est le sens de nos amendements.
Ce projet de loi est attendu de nos concitoyens. Nous souhaitons donc son
adoption rapide afin de rendre effectivement la ville à tous ses habitants.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M.
le ministre de l'équipement, des transports et du logement a rappelé, à juste
titre, l'importance de ce projet de loi dans le grand chantier ouvert par le
gouvernement de la gauche pour adapter notre urbanisme aux nouvelles réalités
de l'occupation spatiale de notre territoire, pour assurer la solidarité entre
nos territoires et renouveler la ville, pour rapprocher les décisions des
citoyens et, donc, pour approfondir la décentralisation et la déconcentration
mises en oeuvre par Gaston Defferre sous le gouvernement de Pierre Mauroy.
M. Dominique Braye.
Il ose parler de déconcentration alors qu'on recentralise tout !
M. Jacques Bellanger.
Autre pôle de ce projet de loi : adapter notre urbanisme aux nouvelles
réalités, confirmées par le dernier recensement, de l'occupation spatiale de
notre territoire.
Les Français se rassemblent de plus en plus autour de grands pôles de
développement en de grandes zones urbaines diversifiées, tandis que des régions
moins favorisées par le climat, plus à l'écart des grands axes de communication
et d'échanges, plus centrées sur des activités économiques anciennes ou à
moindre valeur ajoutée s'organisent dans l'intercommunalité autour d'un projet.
Ce clivage est source de débats qui soulignent nos divisions, mes chers
collègues.
(M. Braye s'exclame.)
Notre propos, notre projet n'est pas de dresser le monde urbain contre le
monde rural, ou l'inverse, il est d'assurer le développement harmonieux de l'un
et de l'autre dans leurs complémentarités. Il n'est plus possible aujourd'hui
d'opposer ces deux mondes, tant ils ont, l'un comme l'autre, considérablement
évolué.
Assurer la solidarité entre nos territoires et renouveler la ville est encore
un axe de ce projet de loi.
Qui voudrait aujourd'hui construire à nouveau ces énormes barres qui
défigurent les pourtours de nos grandes agglomérations et y concentrent la
misère et la pauvreté ?
M. Patrick Lassourd.
Vous !
M. Jacques Legendre.
La gauche avec sa politique de l'immigration !
M. Jacques Bellanger.
Elles ont cependant joué leur rôle hier en assurant à tous un logement
décent.
Nous savons aujourd'hui qu'il faut aller plus loin et, souvent, autrement.
Nous voulons assurer à tous les Français, y compris aux plus modestes, un égal
accès à l'ensemble du territoire. Il faut cesser de concentrer les populations
en difficulté dans des « poches » à pauvreté et assurer une présence
harmonieuse des Français sur l'ensemble du territoire : tel est l'objet de
l'article 25 de ce projet de loi.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Jacques Bellanger.
Qui voudrait perpétuer les inégalités de ressources dans nos agglomérations,
dont le centre est déserté par les activités économiques, qui se concentrent là
où les investissements collectifs se développent sans que les ressources en
découlant soient également réparties ?
Dès lors, si l'on peut parler de la libre administration des collectivités
locales et y rattacher le droit de lever librement l'impôt, à quoi sert le
droit de lever l'impôt sur des populations qui ne peuvent le payer ?
On peut en revanche parler de péréquation, le meilleur moyen de l'assurer en
revanche étant l'impôt commun à l'agglomération et sans doute fondé, au moins
en partie, sur le revenu des personnes physiques.
Nous favorisons donc la coopération intercommunale sous toutes ses formes,
avec une priorité pour celles qui se construisent autour d'un projet et mettent
en place une intégration des ressources fiscales.
Afin de rapprocher les décisions des citoyens
(Ah ! sur les travées du RPR),
nous approfondirons la décentralisation et
la déconcentration.
M. Dominique Braye.
Ayez la décence de ne pas en parler !
M. Jacques Bellanger.
Nous donnons donc aux élus locaux de nouvelles possibilités d'action, par
exemple en matière d'urbanisme, avec une simplification des plans d'occupation
des sols devenus des plans locaux d'urbanisme ou le droit de délivrer le permis
de construire avec la carte communale.
M. Dominique Braye.
Soyez décent !
M. Jacques Bellanger.
Nous déléguons aux échelons compétents de nouveaux pouvoirs, par exemple à la
région en matière de transport ferroviaire de voyageurs.
M. Patrick Lassourd.
Sans les crédits associés !
M. Dominique Braye.
Avec l'argent des communes !
M. Jacques Bellanger.
Nous renforçons la concertation entre les différentes collectivités locales et
les citoyens et leurs associations.
M. Dominique Braye.
Avec l'argent des contribuables !
M. Jacques Bellanger.
Nous confortons le droit des locataires à l'égard des bailleurs tant sociaux
que privés.
Nous trouvons l'application de ces volontés dans le projet de loi du
Gouvernement.
La majorité sénatoriale a marqué son opposition à une grande majorité des
mesures proposées...
M. Dominique Braye.
Cela, c'est vrai !
M. Jacques Bellanger
... et vous venez, monsieur le rapporteur, de nous le confirmer.
Il est vrai que vous avez parfois apporté des novations intéressantes. Citons
par exemple les modalités de coopération entre autorités organisatrices des
transports et l'affirmation du principe de promotion de la mixité sociale dans
le logement, aussi bien en zone rurale qu'en ville. Malheureusement, de votre
part, les mesures concrètes ne suivent pas !
Citons encore une plus juste compensation financière au bénéfice des régions
dans le cadre de la régionalisation ferroviaire du trafic de voyageurs.
Monsieur le rapporteur, vous avez poursuivi le débat sur des sujets abordés en
première lecture par les députés. Je pense en particulier à la problématique du
développement des zones de montagne et du littoral. Malheureusement, les
solutions sont non pas toujours, mais souvent excessives, source d'insécurité
juridique pour les maires et peu soucieuses de développement durable.
La majorité sénatoriale a aussi volontairement caricaturé le dispositif prévu
à l'article 25...
M. Dominique Braye.
Pas du tout !
M. Jacques Bellanger
... en omettant systématiquement de préciser qu'il s'agissait d'une mesure
étalée sur vingt ans ou que la rénovation de l'habitat ancien était une
alternative, particulièrement intéressante en zones rurales, à de nouvelles
constructions.
M. Dominique Braye.
C'est cela, oui !
M. Jacques Bellanger.
La majorité sénatoriale a également encadré les conditions de recours en
matière d'urbanisme de conditions financières excessives qui nous renvoyaient à
la démocratie censitaire.
Enfin, vous avez refusé la mise en oeuvre effective du droit au transport pour
tous.
Malgré des modifications aussi importantes de son texte, l'Assemblée
nationale, dans sa majorité, a pris en compte de nombreuses propositions
sénatoriales, M. le rapporteur l'a rappelé et je lui en donne acte.
Il n'y a eu aucun blocage lorsque les principes fondamentaux du texte
n'étaient pas remis en cause. En reprenant pratiquement l'intégralité de ses
propositions, la majorité sénatoriale manifeste sans doute sa cohérence
idéologique, mais elle ne fait guère preuve d'ouverture. Bref, nous constatons
l'impasse.
M. Patrick Lassourd.
On n'a pas fait les mêmes choix !
M. Jacques Bellanger.
Nous maintenons donc les positions que nous avons affirmées en première
lecture...
M. Dominique Braye.
Cela nous étonne !
M. Jacques Bellanger
... et nous les expliciterons une fois pour toutes dès la discussion des
premiers articles. Nous sommes en effet attachés à l'application rapide de ce
texte et soucieux de ne pas surchager encore l'ordre du jour de notre
assemblée.
Le Gouvernement est donc assuré du soutien du groupe socialiste dans la
discussion de ce projet de loi.
M. Dominique Braye.
C'est une bonne nouvelle !
M. Jacques Bellanger.
Nous devons faire part de notre satisfaction quant au sort réservé à nos
amendements en première lecture, soit qu'ils aient été adoptés par le Sénat
puis par l'Assemblée nationale, soit qu'ils aient été repris par l'Assemblée
nationale lorsque le Sénat les avait rejetés. Nous en remercions le rapporteur
de la commission de la production et des échanges.
Nous présenterons donc très peu de nouvelles propositions, mais nous
insisterons particulièrement sur celle qui concerne la conception des cartes
communales, car il nous paraît nécessaire de faire avancer le débat sur ce
point important.
Ce projet de loi est un élément, une étape de l'approfondissement de la
décentralisation que nous avons engagée depuis plus de vingt ans. La parité
hommes-femmes, la réduction du cumul des mandats sont déjà acquis.
La réorganisation des territoires au profit des citoyens, la clarification des
compétences et leur extension dans une intercommunalité simplifiée, la
déconcentration des services de l'Etat pour les adapter à la nouvelle
organisation territoriale, des services publics renouvelés et pris ou repris en
compte à chaque niveau de l'intercommunalité, une participation accrue du
citoyen à la vie publique et des moyens dégagés pour y arriver, et, enfin,
l'adaptation de la fiscalité locale à la décentralisation, tels sont les grands
objectifs que nous nous fixons pour demain.
M. Patrick Lassourd.
C'est du racket !
M. Jacques Bellanger.
Nous sommes condamnés à la réussite...
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes condamnés, tout court !
M. Jacques Bellanger.
... si nous voulons reconquérir la confiance des Français dans la
politique.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien ! La République avance !
M. Jacques Bellanger
La majorité sénatoriale est libre de rester sur le quai et de regarder passer
le train
(Protestations sur les travées du RPR),
comme en 1982.
Mais, sur ces mesures, vous nous rejoindrez bientôt, comme après 1982.
(Exclamations et rires sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'échec de la commission mixte paritaire sur le présent projet de loi, le
mépris à l'égard des enrichissements apportés par le Sénat au texte, le retour
à la rédaction initiale de l'Assemblée nationale, le refus du dialogue
témoignent d'une volonté politique : celle d'ignorer la voix des collectivités
locales.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrick Lassourd.
Cette volonté se révèle particulièrement affirmée dans le volet « logement »
du texte, sur lequel je me suis battu lors des débats au Sénat.
C'est clair, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale
souhaitent avant tout recentraliser les pouvoirs de l'Etat en multipliant les
interventions du préfet,...
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrick Lassourd.
... notamment dans les procédures d'urbanisme et d'habitat, ce qui ampute
d'autant l'autonomie des collectivités locales.
Le débat est donc avant tout idéologique,...
M. Christian de La Malène.
Très bien !
M. Patrick Lassourd.
... comme le confirment les récentes mesures fiscales dépossédant les
collectivités locales de la maîtrise de leurs impôts.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Patrick Lassourd.
En effet, tout au long de ce texte, on retrouve l'idéologie socialiste, qui
prône la contrainte et la sanction, la densification autoritaire, le « tout
locatif ».
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Patrick Lassourd.
Tout cela va non seulement à l'encontre de la nécessaire décentralisation,
mais aussi, ce qui est plus grave, à l'encontre des attentes des Français.
M. Dominique Braye.
Absolument.
M. Patrick Lassourd.
Qu'il s'agisse des élus ou des citoyens, le Sénat s'est en effet attaché à
relayer leurs souhaits, introduisant des mesures de bon sens et de justice dans
un texte dogmatique et uniforme.
Il a plaidé tout particulièrement pour le respect des lois de décentralisation
et des pouvoirs du maire, et pour une prise en compte de l'accession sociale à
la propriété... sans être entendu, semble-t-il, eu égard à l'épilogue d'une CMP
qu'on nous avait pourtant annoncée fructueuse !...
En tant que membre de cette CMP, je peux dire à quel point j'ai été surpris de
ses conclusions, si décevantes pour le Sénat, alors même que l'on nous
promettait de retenir nombre de nos propositions. Tout s'est joué comme un jeu
de dupes... à l'image de la procédure d'urgence qui court-circuite, en
l'altérant, le dialogue et le débat, le fonctionnement normal de la
démocratie.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Patrick Lassourd.
Ces méthodes inacceptables sont le signe qu'il y a plus qu'une différence de
points de vue. Il y a véritablement une fracture entre deux visions de la
société :...
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrick Lassourd.
... d'un côté, le dispositif normatif, quantitatif, contraignant, proposé par
le Gouvernement, et, de l'autre, une approche contractuelle, dans l'esprit de
la LOV, privilégiant le pragmatisme, les réalités du terrain, l'initiative et
la responsabilité des élus, en clair, les attentes des citoyens.
Face à ce blocage délibéré, dont l'article 25 est l'illustration emblématique,
je souhaiterais dénoncer le paradoxe d'une loi qui affiche des objectifs sans
offrir les moyens de les atteindre ! La loi vise en effet à sanctionner les
communes qui n'ont pas assez de logements sociaux.
(M. Braye
s'exclame.)
Or, depuis près de vingt ans, les communes qui souhaitaient développer sur
leur territoire des logements sociaux voyaient leurs demandes insuffisamment
satisfaites, faute de crédits d'Etat.
M. Paul Blanc.
Tout à fait !
M. Patrick Lassourd.
Ce n'était pas un problème de volonté, c'était un problème de possibilité :
ces communes n'ont tout simplement pas pu construire, car il n'y avait pas
assez de dotations !
Aujourd'hui, le système est inversé, mais le blocage reste le même. En effet,
le dispositif de financement du logement social s'avère très inadapté puisque
les dotations importantes ne sont pas consommées : environ 80 000 logements
sociaux ont été budgétés en 2000, et à peine 40 000 seront sans doute
construits !
Les conditions de financement de la construction du logement social ne
répondent pas aux réalités économiques et financières actuelles ; elles
impliquent une contribution excessive et dissuasive des communes.
Le coût de la construction augmente, les taux de PLA ont crû de 15 %, l'aide à
la pierre est insuffisante, les communes sont donc confrontées à des charges de
construction ou à des contributions trop importantes pour leur budget.
Je tiens à dénoncer cette « fausse décentralisation », cette véritable «
défausse », où l'Etat, pour exercer sa compétence, impose très fortement les
finances communales.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Patrick Lassourd.
Il est un autre point de blocage révélateur : le véritable rejet, de la part
du Gouvernement, de l'accession sociale à la propriété. C'est pourtant une
attente forte de la grande majorité de nos concitoyens.
Les statistiques sont unanimes sur ce point : on observe cette année, comme
l'an passé, une hausse importante de l'accession, avec le dispositif Périssol
qui est adapté au revenu des ménages. On observe aussi une anticipation
dynamique des promoteurs et des indicateurs de solvabilité encourageants. Or,
l'Assemblée nationale a précisément exclu de la définition des logements à
vocation sociale, retenus pour l'appréciation du seuil de 20 %, l'accession
sociale à la propriété ! Le dogmatisme l'emporte largement sur le réalisme au
profit d'une vision très réductrice, voire « hémiplégique », du logement social
! Je tiens à rappeler combien l'accession est un outil de mixité, de cohésion
sociale, de stabilité, de diversité et d'équilibre de l'habitat. Vous ignorez,
semble-t-il, la petite accession sociale, fruit du travail et de l'épargne dont
rêvent bien des ménages modestes. Votre approche risque d'accentuer la
ségrégation en condamnant ce rêve légitime des plus modestes.
En matière d'urbanisme, nous nous heurtons à la même approche rigide avec la
suppression de l'appellation « POS » et le rétablissement de la terminologie «
PLU », récusée par la Haute Assemblée. Simple arbitraire sémantique, me
direz-vous, mais qui révèle, en définitive, et mon collègue M. Louis Althapé
l'a très justement souligné dans son rapport, un « état d'esprit »
particulièrement hostile aux suggestions du Sénat et une volonté sans
concession de refuser concertation et coopération. De surcroît, la perte du
caractère normatif en ce qui concerne la destination des sols et les règles de
constructibilité ne manquera pas de déstabiliser les maires dans cette
compétence difficile à assumer qu'est l'urbanisme communal.
Autre mesure, dont le rétablissement suscite inquiétude et réserve :
l'interdiction de toute urbanisation nouvelle dès lors qu'il n'y a pas de
schéma de cohérence territoriale qui couvre le territoire de la commune. Cette
interdiction de toute construction nouvelle, sauf accord du préfet, dans une
bande de quinze kilomètres autour d'un schéma de cohérence territoriale, ou en
bordure de mer, affiche une volonté politique de réduire le pouvoir des
maires.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrick Lassourd.
Au-delà des quinze kilomètres, une telle mesure interdit toute implantation
d'entreprise sur ce territoire, ce qui porte une véritable atteinte au
développement des communes et à la liberté de décision des élus.
J'insiste sur la signification de ces mesures, car elles ne sont pas anodines.
Elles sont graves et dangereuses dès lors qu'elles mettent en péril la
démocratie locale, à laquelle le Sénat est si attaché !
J'ajoute un autre grief qui, à mon sens, va très largement invalider le texte
présenté par le Gouvernement : la complexité. A l'heure où il faudrait
précisément s'efforcer de simplifier le système administratif, on impose la
constitution d'un EPCI dans les limites du schéma de cohérence territoriale,
ajoutant ainsi un échelon administratif supplémentaire à un dispositif qui est
déjà d'une complexité extrême !
En conclusion, je voudrais féliciter notre rapporteur Louis Althapé pour le
travail qu'il a accompli. Il a été contraint d'« éplucher » en détail un projet
de loi touffu et complexe, afin d'y débusquer toutes les mesures à caractère
idéologique,...
M. Dominique Braye.
Il n'a pas eu de peine ! Il n'y a que cela !
M. Patrick Lassourd.
... et contraint de réécrire ce texte dans l'esprit de notre philosophie, de
notre vision de la société française et de l'organisation des collectivités.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
cours d'un véritable marathon et à l'appui de quelques mille cent cinquante
amendements qui ont suscité plus de soixante heures de débats, le Sénat a
apporté une contribution positive au projet de loi relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Des discussions souvent vives, mais toujours constructives, ont permis
d'enrichir considérablement ce texte en privilégiant la simplification sur la
complexité, la responsabilité et la flexibilité sur la contrainte et, enfin,
l'approche territoriale, les initiatives de terrain, donc la décentralisation,
sur une recentralisation insidieuse, que nous vivons tous aujourd'hui au
quotidien.
Autrement dit, comme cela a déjà été évoqué plusieurs fois ici à cette
tribune, le Sénat a enrichi le texte en faisant confiance aux acteurs locaux
que sont les maires et les élus des structures intercommunales, pour réussir le
pari d'un véritable renouvellement urbain.
Il s'agit d'un renouvellement urbain fondé, comme nous l'avons affirmé ici, au
Sénat, non seulement sur une mixité sociale, mais aussi sur la diversité des
fonctions urbaines, toutes deux indissociables, pour être garantes d'un
meilleur cadre de vie pour chacun.
Concernant le volet urbanisme, personne ici n'a contesté l'opportunité d'une
réforme du droit de l'urbanisme, bien au contraire, car, il faut le rappeler,
l'urbanisme réglementaire fondé sur la logique du foncier et du zonage n'est
plus adapté au respect des grands équilibres dont il a la charge.
C'est donc une logique territoriale de projet initiée par les acteurs locaux
que nous souhaitons privilégier ici, une logique de projet qu'il faut veiller à
mettre en cohérence avec les nouveaux outils institutionnels issus de la loi du
12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale.
Pour traduire ces orientations, le Sénat a d'ailleurs proposé en première
lecture une réécriture globale de la définition des schémas de cohérence
territoriaux en affichant très clairement l'élaboration du projet d'aménagement
et de développement durable au vu d'un diagnostic préalable des besoins.
Le Sénat a aussi souhaité favoriser la mobilisation de tous les élus,
l'information et la concertation préalable en instaurant dans la loi un débat
d'orientation au sein de l'assemblée compétente.
Le projet territorial a également été renforcé - dans un cadre intercommunal -
notamment par la prise en compte de l'indispensable requalification de nos
entrées de ville et la prévention des risques naturels.
La même démarche a été retenue en ce qui concerne les plans locaux d'urbanisme
dans lesquels a été intégrée la prise en compte de la qualité architecturale et
paysagère.
Mais une dynamique territoriale doit aussi être en cohérence avec le nouveau
régime de la coopération intercommunale, et ne pas être une voie détournée pour
remettre en cause les périmètres de l'intercommunalité qui se mettent en place
aujourd'hui, chaque jour un peu plus.
C'est pourquoi, considérant que l'interdiction d'ouvrir des zones à
l'urbanisation pour les communes situées à plus de quinze kilomètres de la
périphérie d'une agglomération était trop arbitraire, le Sénat avait adopté
deux dispositions alternatives qui prévoyaient la consultation, à leur demande,
des communes et des établissements publics de coopération intercommunale
voisins, préalablement à l'élaboration d'un SCT, et l'avis de la commission de
coopération intercommunale sur le périmètre de ces schémas.
Enfin, le Sénat, soucieux de l'équilibre de l'aménagement de notre territoire,
avait proposé plusieurs adaptations de la réforme du droit de l'urbanisme pour
que soit encouragé, au même titre que les espaces urbains, le développement
raisonné et durable des espaces périurbains et ruraux.
C'est dans ce sens que plusieurs amendements relatifs à la définition des
hameaux ou à l'adaptation des constructions en zone de montagne ont été adoptés
et intégrés aux différents documents d'urbanisme.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a admis et pris en compte une
partie de nos réflexions, notamment en reconnaissant la distinction des
différents espaces naturels, périurbains et ruraux, et en retenant la notion
fondamentale de la diversité urbaine ainsi que l'adaptation des
constructions.
S'agissant des schémas de cohérence territoriaux et des plans locaux
d'urbanisme, l'Assemblée nationale s'est ralliée aux notions de projet et de
diagnostic territorial, mais en considérant que ces documents peuvent être
établis simultanément. Elle a alors considérablement réduit l'intérêt d'une
telle démarche.
S'agissant de la coordination du dispositif avec le régime de
l'intercommunalité, l'Assemblée nationale a supprimé les ajouts du Sénat et
réintégré, notamment, l'interdiction d'ouvrir des zones à l'urbanisation dans
les communes dépourvues de SCT à partir de 2002 - sauf dérogation par arrêté
préfectoral, certes -, la consultation de la commission départementale de la
coopération intercommunale étant également supprimée, ce qui est dommage.
S'agissant des cartes communales, l'Assemblée nationale a souhaité «
recentraliser le dispositif » - je cite là le rapporteur de l'Assemblée
nationale - en proposant que les cartes soient approuvées conjointement par la
commune et le préfet.
Elle a, en outre, supprimé la possibilité de délimiter les hameaux dans les
documents d'urbanisme, ce qui réduit considérablement le potentiel de
construction en zone rurale, qui, s'il doit être parfaitement maîtrisé,
localisé et qualifié, doit pour autant être possible, notamment pour lutter
contre la désertification de nos communes rurales.
J'en viens maintenant à la politique de la ville. S'agissant de l'implantation
des logements sociaux au sein des communes, le Sénat avait priviligié une
démarche volontaire incitant à la diversité sociale au sein des communautés de
vie que sont les établissements publics de coopération intercommunale, démarche
qui se substituait au caractère coercitif du projet de loi.
Là encore, nous avons souhaité une approche territoriale en cohérence avec les
compétences nouvelles en matière d'habitat social de ces établissements au sens
de la loi Chevènement de juillet 1999. En effet, comment exiger d'une commune
qu'elle respecte des quotas de logement social alors qu'elle n'a plus la
compétence de les construire ?
Face à ce paradoxe, le Sénat a proposé une alternative territoriale et
contractuelle : un territoire de référence au sens de la loi Chevènement, un
diagnostic de la situation sur ce même territoire dans le cadre de
l'élaboration du schéma de cohérence territoriale, et, enfin, une politique
contractuelle avec un contrat d'objectif passé entre la collectivité et
l'Etat.
Par ailleurs, dans ce cadre, la définition trop restrictive du logement social
a été étendue notamment au logement social en accession à la propriété, qui
n'est pas dissociable, précisément pour assurer une meilleure mixité sociale
dans la politique du logement social. Pourquoi ne pas envisager, dans ce cas,
la hausse de ce fameux taux de 20% dont on parle tant ?
L'Assemblée nationale, en suivant une autre logique - et c'est sans doute
l'un des points de désaccord majeur entre nos deux assemblées sur ce texte -,
n'a pas retenu cette solution contractuelle et territoriale, qui prenait en
compte la diversité des situations locales. Elle a préféré en effet revenir au
dispositif coercitif initial appliqué à la commune.
Concernant le logement privé et la copropriété, en nouvelle lecture,
l'Assemblée nationale a repris très largement à son compte les modifications
introduites par le Sénat sur la section traitant des dispositions relatives à
la protection de l'acquéreur d'immeuble et au régime de la copropriété.
Pour ce qui est de la protection de l'acquéreur d'immeuble, le texte de
l'Assemblée nationale reprend le dispositif adopté par le Sénat relatif au
délai de rétractation de sept jours, avec cependant une modification qui
concerne la référence à un « projet d'acte » lorsque l'avant-contrat est conclu
en la forme authentique.
Cette formule est un compromis acceptable avec les observations du notariat ;
néanmoins, il faut souligner que la notion de « projet d'acte » ne correspond à
aucune réalité juridique.
Quant aux modalités d'interdiction d'un dépôt d'argent avant l'expiration du
délai de réflexion ou de rétraction, l'Assemblée nationale a, là aussi, suivi
très largement les propositions du Sénat.
Il faut noter cependant que la date d'entrée en vigueur de ces dispositions
doit être à nouveau fixée pour prévoir un délai suffisant et lisible pour
tous.
Pour ce qui concerne la précommercialisation des lots dans les lotissements,
le Sénat, considérant que toutes les garanties nécessaires à l'acquéreur
n'étaient pas acquises, avait supprimé l'article 28
bis.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction qui
autorise une promesse de vente à compter de la délivrance de l'autorisation de
lotir, tout en reconnaissant à l'acquéreur un délai de rétraction de sept jours
et des conditions précises de restitution des fonds versés.
Néanmoins, ce point mériterait d'être étudié de façon plus approfondie, car se
pose aussi la question de la vente de lots en état futur d'achèvement au moment
de l'acte, même si toutes les autorisations administratives sont obtenues.
Pour ce qui est des régimes applicables à la copropriété des immeubles bâtis,
l'Assemblée nationale a repris très largement les propositions du Sénat,
notamment en ce qui concerne la mise en place du budget prévisionnel dans les
copropriétés, l'obligation d'ouvrir un compte bancaire séparé au nom du
syndicat ou la tenue à jour d'un carnet d'entretien.
La consultation de ce carnet d'entretien prévue par le Sénat pour tout
bénéficiaire d'une promesse a été étendue par l'Assemblée nationale à tout
candidat à l'acquisition, ce qui risque de provoquer des contraintes de gestion
excessives pour des cabinets de syndic.
Par ailleurs, dans un souci de faciliter la lecture des comptes de la
copropriété, le Sénat avait proposé l'élaboration d'un plan comptable simplifié
; l'Assemblée nationale a préféré la référence à un « plan comptable applicable
au syndicat des copropriétaires », ce qui ne garantit pas une nomenclature
simplifiée facilitant la transparence et la lisibilité des comptes pour
tous.
J'aborderai rapidement les dispositions relatives aux édifices menaçant
ruine.
Le Sénat avait adopté plusieurs modifications - la plupart avec l'avis
favorable du Gouvernement - destinées à mieux préciser le rôle du maire dans
les procédures de constatation, de réalisation et d'achèvement des travaux en
cas de péril.
Le Sénat avait par ailleurs supprimé le renvoi à un viager ou à un bail
emphytéotique, ces dispositifs ne donnant pas de garanties suffisantes sur la
réalisation des travaux.
L'Assemblée nationale a souhaité rétablir la faculté d'un viager ou d'un bail
emphytéotique en précisant toutefois l'obligation pour le preneur d'exécuter
les travaux prescrits, ce qui nous semble satisfaisant.
Par ailleurs, l'indemnisation d'une collectivité pour le relogement des
locataires d'un logement déclaré insalubre avait été fixée par le Sénat à douze
mois de loyer ; ce dispositif est nettement préférable à celui qu'a retenu
l'Assemblée nationale, dans lequel l'indemnité est calculée en fonction du
nombre de personnes relogées, ce qui est indéniablement plus difficile à
vérifier.
Enfin, concernant les transports, plus particulièrement la régionalisation des
transports ferroviaires de voyageurs, le Sénat avait, en première lecture,
cherché à compenser équitablement les charges supportées par les régions.
Une compensation financière avait été instituée au profit des régions ayant
subi une perte de recettes du fait de réductions tarifaires décidées par
l'Etat. Dans le même sens, une exonération de taxe professionnelle des
véhicules ferroviaires acquis par une région était mise en place. Il a
également été prévu que toute charge nouvelle liée à une disposition
législative ou réglementaire donnerait lieu à une révision de la
compensation.
Les députés, en nouvelle lecture, n'ont malheureusement retenu que cette
dernière disposition.
Par ailleurs, concernant la coopération entre autorités organisatrices de
transports, l'Assemblée nationale a rétabli et même élargi le champ
d'application de la charge imposée aux entreprises pour financer le syndicat
mixte de transport en zone périurbaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, dans les débats
qui vont suivre, le groupe de l'Union centriste, comme en première lecture,
soutiendra une approche pragmatique, réaliste et territoriale, en cohérence
avec les situations que les élus rencontrent sur le terrain.
Malgré l'urgence regrettable, le Parlement a déjà pu fournir un travail
important sur un texte qui a pour vocation légitime de moderniser la gestion de
nos territoires urbains, périurbains et ruraux.
Nous regrettons néanmoins que, malgré de nombreux points de rapprochements sur
une grande partie de ce texte, aucun accord global n'ait pu être trouvé en
raison d'une approche plus politique que technique, sur l'article 25
notamment.
Sur ce point, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités
territoriales, ne peut, à notre sens, souscrire à un dispositif coercitif,
remettant en cause les principes de la décentralisation et la libre
administration des collectivités locales.
Notre vision respective de ce texte nous conduit à retenir des moyens
différents pour parvenir à des objectifs souvent convergents.
Pour sa part, le groupe de l'Union centriste soutiendra une approche
territoriale, privilégiant l'initiative locale, conforme à ce que proposera,
bien entendu, la commission. En effet, nous voulons avant tout faire confiance
aux élus et à la décentralisation - qui mérite d'être renforcée - pour
encourager la mixité sociale et la diversité urbaine auxquelles nous sommes
tous attachés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chères et chers collègues, mon
intervention portera sur le volet « urbanisme » du projet de loi et, plus
précisément, sur la question de la constructibilité en zone de montagne.
La loi du 10 janvier 1985, dite « loi montagne », a été adoptée avec
l'objectif d'aménager et de protéger l'espace montagnard. En termes
d'urbanisme, elle s'est traduite, en zone de montagne, par l'obligation de
construire en continuité avec les bourgs et les villages existants.
Plus tard, la loi du 4 février 1995, dans son article 5, a introduit la
possibilité de construire en continuité des hameaux existants. Néanmoins, cette
disposition est difficilement applicable, car les notions de continuité et de
distance ne sont pas suffisamment définies.
Force est donc de constater aujourd'hui que l'application rigoureuse de ces
lois sur des territoires d'habitat dispersé a accentué le processus de
désertification en limitant les nouvelles constructions. Les communes de
montagne se trouvent donc souvent dans l'impossibilité d'accueillir de nouveaux
habitants ou de nouvelles activités économiques, ce qui fragilise les commerces
et les services publics de proximité.
Si la modernisation des outils de l'urbanisme prévue par ce projet de loi
s'adresse d'abord aux secteurs urbanisés, les territoires de montagne ne sont
pas oubliés. Il convient d'en remercier le Gouvernement, tout particulièrement
M. Louis Besson, qui a été très attentif aux remarques des élus des territoires
ruraux pendant toute la phase de préparation du projet de loi.
Comment se présente le texte aujourd'hui, dans le domaine sur lequel
j'interviens ?
La rédaction actuelle me semble constituer un bon compromis puisqu'elle
apporte des réponses à l'ensemble des questions qui ont été posées lors des
débats en première lecture. Un certain nombre d'avancées peuvent être
notées.
Première avancée : les députés ont supprimé à l'article 3 la disposition
qu'ils avaient introduite en première lecture et qui ouvrait au PLU la
possibilité d'identifier en zone de montagne les hameaux à partir desquels
l'urbanisation peut se réaliser en continuité.
Je rappelle que notre groupe avait proposé cette suppression lors de la
première lecture au Sénat, mais il n'avait pas été suivi. En effet, nous avions
souligné les risques de contentieux qu'une telle disposition pouvait entraîner
puisque la liste des hameaux est toujours susceptible de contestation devant le
tribunal administratif.
Deuxième avancée : le Sénat a voté tel quel en première lecture l'article 10
bis
. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la rédaction
qu'elle avait adoptée en première lecture pour l'article 10
ter
.
Ainsi, sont autorisées, à titre exceptionnel et après accord de la chambre
d'agriculture et de la commission des sites, les nouvelles constructions de
zones d'urbanisation future de taille et de capacité d'accueil limitées.
Sont également autorisées de nouvelles constructions dans les zones de massif,
assorties de prescriptions particulières pour tout ou partie d'un massif,
prescriptions qui avaient été supprimées par la loi Pasqua du 4 février 1995.
Sur ce dernier point, il me paraît essentiel que le Gouvernement définisse et
mette en oeuvre rapidement les documents d'application concernant lesdites
prescriptions.
Troisième avancée : les députés ont proposé une nouvelle rédaction de
l'article 19
octies
introduit par le Sénat en vue d'étendre les
possibilités de dérogation au principe de constructibilité limitée et ainsi
d'élargir les facultés de construction offertes aux communes rurales dépourvues
de document d'urbanisme. Les conseils municipaux pourront en décider ainsi pour
éviter une diminution de la population communale.
Cette rédaction a été préférée à celle du Sénat, qui est apparue difficile à
mettre en oeuvre pour les raisons suivantes : comment en effet définir la
notion d'habitat traditionnel dispersé ? Quant au dispositif limitant les
autorisations à deux par an, il est apparu pour le moins injuste.
Après la nouvelle lecture effectuée à l'Assemblée nationale, la règle
d'urbanisation en continuité a donc été assouplie, sans remise en cause de
l'esprit de la « loi montagne ». Désormais, il convient que le Sénat ne
bouleverse pas cet équilibre. En aura-t-il la sagesse, chères et chers
collègues ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat mes chers collègues,
comme cela était prévisible, la commission mixte paritaire du 6 juin 2000 sur
le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains s'est
soldée par un échec, en raison du constat de divergences fondamentales et
irréductibles entre l'Assemblée nationale et notre Haute Assemblée.
Ces divergences étaient d'ailleurs tellement profondes et flagrantes lors de
la première lecture, ce qu'avait parfaitement mis en exergue nos excellents
rapporteurs, MM. Louis Althapé et Pierre Jarlier, qu'il semblait alors déjà
évident que les points de vue de nos deux assemblées resteraient
inconciliables.
Ce différend repose en effet sur deux visions antagonistes des rôles
respectifs de l'Etat et des collectivités locales en général, en matière de
politique urbaine notamment.
A la lecture du texte qui nous est à nouveau soumis, on se rend compte que,
pour le Gouvernement et les députés, le fil conducteur de cette politique se
résume à une volonté de recentralisation en termes d'objectif et à l'usage de
la coercition en termes de méthode.
Dans votre vision, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Etat planifie sans nuance,
décide sans concertation, impose sans écoute...
M. Patrick Lassourd.
A la hussarde !
M. Dominique Braye.
... et sanctionne sans distinction. Cette fâcheuse tendance apparaît
clairement dans l'article 25, qui crée, pour de nombreuses communes faisant
partie d'agglomérations, une obligation de construction de logements locatifs
sociaux assortie d'une pénalité financière.
Autrement dit, l'avis et la spécificité des collectivités locales ne sont
nullement pris en compte, leur autonomie de décision et de gestion est foulée
aux pieds, et on décide contre leur gré de ce que doit être leur politique
d'aménagement et du logement.
Nous pensions et, avec nous, tous les Français sans exception, que ces
méthodes qui caractérisaient hier les modes d'administration des pays de l'Est
étaient définitivement révolues !
(Murmures sur les travées
socialistes.)
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Voilà pourtant qu'elles resurgissent chez nous ! Certains vieux démons,
monsieur le secrétaire d'Etat, ont décidément la vie bien dure !
En outre, non content de mépriser la liberté des communes, de court-circuiter
leurs élus démocratiquement élus et de leur imposer des décisions dont elles ne
veulent pas, le Gouvernement décide - cerise sur le gâteau ! - de les
sanctionner financièrement, s'érigeant ainsi non seulement en planificateur
dirigiste et en juge partial de leur gestion, mais aussi en racketteur de leurs
finances !
Voilà donc la vision de la politique de la ville et du logement que prône le
Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat ! C'est la
vision d'un dirigisme d'Etat qui décrète quels logements devront être
construits, pour qui, combien, où et comment, et ce d'autant plus facilement
que cela se fera aux frais des collectivités locales, qui subiront ces oukases.
(M. Lassourd applaudit.)
M. Jean-Pierre Plancade.
Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Patrick Lassourd.
Ce n'est pas excessif !
M. Dominique Braye.
Bref, tant qu'à décider contre le gré des communes, autant imposer sa vision
par la force... Et par « imposer » j'entends aussi bien l'idée de contrainte
que celle de levée d'un nouvel impôt. Il est vrai qu'il est facile de prendre
les collectivités locales pour des pompes à finances de l'Etat, en feignant
d'oublier que c'est toujours le contribuable,
in fine
, qui met la main
au porte-monnaie.
Mais de cela, naturellement, le Gouvernement se défend - nos collègues
présents sur les travées situées à gauche de l'hémicycle aussi. Dans toutes ses
déclarations et dans tous les documents officiels - je vous invite, mes chers
collègues, à consulter les documents de la politique de la ville -, il fait
partout et toujours grand cas de son prétendu profond respect de l'avis du
citoyen, à défaut de celui du contribuable. Dialogue et concertation par-ci,
consultation et information par-là, jamais, apparemment, la pratique
démocratique n'aurait été si parfaite.
Mme Odette Terrade.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Merci de le reconnaître !
M. Dominique Braye.
Mais, avec ce projet de loi, entre autres, nous voyons ce qu'il en est
réellement : tous ces discours ne sont qu'un rideau de fumée destiné à tromper
nos concitoyens. Ceux-ci en effet ne sont pas plus consultés que leurs élus
locaux sur la question de savoir ce qu'ils veulent dans leur commune en matière
de logement. Leur avis n'est pris en compte et jugé pertinent que lorsqu'il
rejoint celui du Gouvernement.
A cette vision centralisatrice, autoritaire et coercitive, qu'on eût voulu
croire d'une autre époque, s'oppose une vision de liberté
(Rires et
exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen)
, une vision de choix démocratiquement
consentis par les citoyens et leurs élus les plus proches, c'est-à-dire les
élus municipaux, et ce quelle que soit leur tendance politique.
En élus locaux responsables devant nos concitoyens et en notre qualité de
représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous, sénateurs
- du moins ceux de la majorité sénatoriale - avons légitimement et
démocratiquement privilégié cette vision de la liberté par rapport à la vision
gouvernementale de la contrainte.
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade.
Il faut libérer M. Braye !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Il nous avait semblé, à une époque qui n'est pas si lointaine, qu'un certain
consensus s'était fait autour de la nécessité inéluctable de décentraliser et
de gérer les affaires au plus près des préoccupations quotidiennes de nos
concitoyens.
Eh bien, il faut croire que ce consensus était un leurre et que certains vieux
réflexes jacobins ont la vie dure !
De même, persiste cette approche idéologique manichéenne selon laquelle
l'égalité est non pas l'équité mais l'uniformisation : au lieu de proposer, on
impose, au lieu d'inciter, on contraint, au lieu de promouvoir, on rabaisse. Il
ne faut surtout pas qu'une tête dépasse ! Ainsi, dans toutes les
agglomérations, les communes auront leurs 20 % de logements locatifs sociaux.
Et le logement sera si joliment nivelé, et le même partout, que c'en sera un
vrai plaisir égalitariste !
Mme Odette Terrade.
C'est une caricature, et vous le savez parfaitement !
M. Dominique Braye.
Comment, en l'an 2000, peut-on encore croire à ces vieilles lunes, à ces
solutions simplistes, à ce centralisme brutal et sans nuance ? Quand on ne
cesse de ramer contre les courants combinés du bon sens et de l'histoire, il ne
faut pas s'étonner que certaines « exceptions » françaises s'apparentent plus à
des handicaps qu'à des atouts !
M. Jean-Pierre Plancade.
A chacun ses arguments !
M. Dominique Braye.
Chers collègues de la minorité sénatoriale, regardez autour de vous en Europe
et prenez exemple auprès de vos amis socialistes qui ont tous abandonné ces
vieux démons depuis longtemps ! De grâce, allez faire des stages dans les pays
socialistes européens !
(Rires sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Entre nos deux visions divergentes, je tiens à rappeler que celle de notre
Haute Assemblée peut se prévaloir d'être en parfait accord avec le texte
fondateur de nos institutions, la Constitution de la Ve République.
En effet, son article 72 dispose, à propos des collectivités territoriales de
la République, notamment des communes : « Ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. »
Mais si la loi prévoit de plus en plus souvent, comme c'est le cas avec le
présent texte, que ces collectivités locales ne peuvent s'administrer librement
dans les faits, alors la loi ne devient-elle pas inconstitutionnelle, ou du
moins ne détourne-t-elle pas l'esprit de la Constitution ?
Je laisserai aux éminents constitutionnalistes qui siègent sur les travées de
la majorité sénatoriale le soin d'en débattre éventuellement, mais ce qui me
semble évident, c'est que l'immense majorité des élus locaux et de nos
concitoyens voient dans l'article 25 de ce projet de loi un recul réel et
incontestable de leur liberté d'administration, sans parler du déficit total de
concertation à leur endroit dont a fait preuve le Gouvernement.
Voilà pour la divergence majeure qui subsiste sur cet article entre notre
Haute Assemblée et les communes, d'une part, le Gouvernement et la majorité de
l'Assemblée nationale, d'autre part.
Mais ce mépris de la liberté, cet affront fait au principe de la libre
administration des communes, même s'il constitue le problème majeur, n'est,
hélas ! pas le seul défaut du dispositif de l'article 25. Sans prétendre à
l'exhaustivité, j'en rappellerai seulement trois autres, qui sont des erreurs
au mieux regrettables, au pis lourdes de conséquences.
Il s'agit tout d'abord de l'exclusion des logements financés par des prêts
locatifs intermédiaires et, plus grave encore, de l'exclusion de l'accession
sociale à la propriété de la définition du logement social. Mon collègue Alain
Lassourd en a, avant moi, excellemment parlé.
Cela est incompréhensible, sauf si l'on se place dans une vision idéologique
passéiste, selon laquelle les gens modestes ne peuvent devenir propriétaires
sans devenir des « bourgeois ».
Mme Odette Terrade.
Ça, c'est le bouquet !
M. Jean-Pierre Plancade.
Le plus passéiste n'est peut-être pas celui que vous pensez, monsieur Braye
!
M. Dominique Braye.
Pour le Gouvernement, hors du logement locatif à vie, il ne saurait donc
exister de logement à caractère social.
Cette approche est pourtant complètement démentie par l'évolution de notre
société, par la réalité des faits et par l'aspiration profonde à l'accession à
la propriété de l'immense majorité de nos concitoyens, si modestes
soient-ils.
M. Pierre Lefebvre.
Ceux qui touchent le RMI y aspirent aussi !
M. Dominique Braye.
Et puis, comment accepter que l'objectif de la France au XXIe siècle, en
matière de logement, soit de cantonner un cinquième de nos concitoyens dans du
logement locatif social, de surcroît majoritairement vertical et dans des
quartiers à l'urbanisme toujours plus dense ? Est-ce vraiment là une ambition
digne de notre pays ?
Mme Odette Terrade.
Nous n'avons jamais dit cela !
M. Dominique Braye.
Malgré vos dénégations, madame, et celles de M. le ministre de l'équipement,
ce sera le cas dans nombre de communes qui ne possèdent plus de réserves
foncières suffisantes ou qui sont soumises à d'autres contraintes que vous
n'avez pas voulu, les uns et les autres, prendre en compte. Allons-nous encore
longtemps répéter ces erreurs urbanistiques, ô combien coûteuses en termes de
problèmes sociaux ?
Deuxième autre défaut majeur du dispositif de l'article 25 : l'absence étrange
de prise en compte de la dimension intercommunale dans son champ d'application.
Je ne m'étendrai pas outre mesure sur ce point, l'ayant déjà amplement abordé
lors de la première lecture.
Mais mon étonnement reste entier devant cette incohérence énorme : à quoi bon,
monsieur le secrétaire d'Etat, faire adopter une loi renforçant la solidarité
intercommunale pour ne pas en tenir compte aussitôt après ?
La pertinence de l'échelon intercommunal en matière de politique du logement
n'est pourtant plus à démontrer.
M. Gérard César.
Absolument !
M. Dominique Braye.
Elle a été réaffirmée avec force et sans ambiguïté, à de multiples reprises
dans cette assemblée, lors du débat qui a précédé le vote de la loi du 12
juillet 1999. Tout cela pour la nier aujourd'hui !
En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, vous mettez en avant de grands et
beaux principes quand cela vous arrange, pour mieux les jeter aux oubliettes
quand ils vous dérangent. Mais comme ces deux textes ont été discutés presque
concomitamment, cette duplicité du Gouvernement est apparue au grand jour et le
manque de mémoire de nos concitoyens n'a pas eu le temps de se manifester !
Troisième autre défaut majeur : l'absence de toute approche nuancée quant à la
diversité des situations locales et aux spécificités de chaque commune.
A cet égard, je soulignerai simplement l'autoritarisme et la partialité d'une
méthode qui consiste à décider que les communes qui s'étaient mises en
conformité avec les objectifs de la loi d'orientation pour la ville de 1991
doivent être maintenant sanctionnées et clouées au pilori, alors qu'elles
étaient, seulement la veille, citées en exemple.
Si l'on voulait décourager les bonnes volontés, on ne s'y prendrait pas
autrement ! C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que
votre loi aura l'effet inverse de celui que nous souhaitons tous : offrir à
l'ensemble de nos concitoyens une possibilité de se loger décemment.
Nous ne pouvons cautionner ce changement unilatéral, et sans concertation
préalable, des règles d'un jeu en cours de partie. Et il est encore moins
acceptable de sanctionner des communes qui ont fait de réels et sincères
efforts en faveur d'une meilleure mixité sociale afin de se mettre en
conformité avec la loi. Selon notre conception, monsieur le secrétaire d'Etat,
mesdames, messieurs de la gauche, il paraît plus normal et plus moral de
récompenser ceux qui font des efforts pour aller dans le sens que préconise la
loi plutôt que de les sanctionner.
Voilà donc, selon moi, les principaux - et énormes - défauts de ce funeste
dispositif de l'article 25 : une recentralisation brutale de la politique du
logement, une profonde atteinte à la liberté d'administration des communes, un
mépris idéologique passéiste de l'accession sociale à la propriété, une
incohérence totale vis-à-vis de la dimension intercommunale et une approche
sans nuance de la diversité de nos communes.
Et tout cela au nom de la mixité sociale, qui a décidément bon dos !
Personne, sur les travées de notre Haute Assemblée, n'est contre la mixité
sociale, et nous sommes nombreux à la mettre en oeuvre depuis fort longtemps
dans nos agglomérations, sans qu'on vienne nous l'imposer.
C'est la méthode aveugle et coercitive utilisée dans ce projet de loi que nous
récusons.
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Dominique Braye.
L'objectif d'une meilleure mixité sociale dans le logement devrait d'ailleurs
passer par la promotion sociale plutôt que par le nivellement par le bas ; sa
réalisation devrait reposer sur l'incitation plutôt que sur la contrainte.
C'est pourquoi, avec mes collègues du groupe du RPR et de la majorité
sénatoriale, je soutiendrai le rétablissement du texte que nous avions adopté
en première lecture, parfaitement cohérent avec l'objectif d'une mixité sociale
respectueuse des attentes des communes et des aspirations profondes de nos
concitoyens.
En agissant de la sorte, nous ne nous faisons aucune illusion, monsieur le
secrétaire d'Etat, quant à l'aboutissement de notre démarche, mais nous savons
que nous rendons service à la démocratie en étant les relais de l'immense
majorité des élus locaux, toutes tendances politiques confondues.
M. Pierre Lefebvre.
Parlez pour vous !
M. Dominique Braye.
Figurez-vous qu'une députée socialiste m'a téléphoné avant-hier pour me
demander d'empêcher la construction de logements sociaux dans sa commune ! Je
parle donc bien pour tous les élus que je connais, toutes sensibilités
politiques confondues.
Enfin, nous souhaitons que nos concitoyens prennent acte de nos propositions
de bon sens en matière de logement social afin qu'elles puissent être, très
prochainement, je l'espère, mises en oeuvre sur le terrain.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
nous sommes nombreux ici à regretter l'échec de la commission mixte paritaire,
tant il était souhaitable que, sur un sujet aussi fondamental pour la vie
quotidienne de nos administrés, la représentation nationale apparaisse comme
responsable devant l'opinion. Hélas ! malgré les efforts du Sénat pour amender
le projet de loi dans un sens réaliste et efficace, la majorité des députés a
préféré s'engager dans une entreprise où le dogme fait office de réflexion et
le calcul politicien d'objectif.
Les exemples sont nombreux de l'inadéquation de ce projet de loi aux réalités
de nos communes. Au fil des mois, depuis que le débat s'est instauré - et cela
tardivement, par la faute du Gouvernement -, force est de le constater, les
élus de toutes opinions, les spécialistes de l'urbanisme et les juristes
s'interrogent sur les conséquences néfastes que ne manquera pas d'avoir cette
loi.
Conçue davantage par vindicte partisane que par bon sens, elle bouleverse sans
rien régler.
S'il est un point sur lequel chacun pouvait être d'accord, c'est le principe
de mixité sociale. Mes amis et moi-même avions assez critiqué l'univers bétonné
où les communes de gauche de la Seine-Saint-Denis entassaient les populations
ouvrières sans se soucier de leur cadre de vie pour voir d'un bon oeil se
rompre ce cycle infernal de la marginalisation.
Il est vrai que, pendant des décennies, cette formule a assuré des réélections
faciles à certains élus communistes ou socialistes de la région parisienne qui
ont exploité le « mal-vivre » et canalisé à leur profit le mécontentement
légitime des habitants.
M. Dominique Braye.
Il faut le dire !
M. Robert Calmejane.
Maintenant, c'est différent : souvent, ces familles ouvrières ont déménagé
vers des villes plus agréables ; les tours et les barres de nos cités sont
devenues le réceptacle de populations immigrées souvent en grande difficulté
sociale, peu ou pas intégrées. Les quartiers s'en sont allés à la dérive
jusqu'à l'explosion de la violence. Et les esprits généreux d'antan ne sont
plus aussi favorables à la concentration de logements sociaux ; ils en
appellent, avec des cris de tragédie, à la mixité sociale.
Cette perfidie doit être stigmatisée : ce sont les mêmes qui ont favorisé,
entretenu la concentration, qui, aujourd'hui, la dénoncent.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Robert Calmejane.
Figure aussi dans le dispositif ubuesque qui nous est proposé une autre
hypocrisie. Pourquoi occulter la réalité, pourtant éclatante ? La majorité des
populations habitant par nécessité des HLM désire en sortir et, pour peu
qu'elle y soit aidée, aspire à acquérir son logement, si possible dans un
environnement préservé.
L'habitat locatif social est, certes, un point de passage obligé, dont la
capacité doit augmenter dès lors que de trop nombreux jeunes sont encore privés
d'emploi, et donc de revenus suffisants. Mais l'objectif principal d'une
véritable politique de mixité sociale n'est-il pas de permettre à ceux qui en
ont le désir et la volonté d'accéder à la propriété, dans la diversité des
constructions de nos quartiers pavillonnaires, mêlant cadres, ouvriers et
employés ? De cela, le présent projet de loi ne traite point, marquant le
déphasage entre le dogme et la réalité.
Au moment où la prise de conscience de l'opinion sur le cadre de vie devient
essentielle, a-t-on idée de vouloir densifier l'urbanisme en agglomération ?
Doit-on y sacrifier les zones pavillonnaires, les espaces verts publics ? Au
demeurant, y aurait-il des terrains libres, quel en serait le coût
d'acquisition en centre ville, dans des zones dites résidentielles ? Le
financement de la construction sociale est le vrai problème, curieusement
absent de ce projet de loi.
Que dire de la complexité juridique qu'instaure le texte ? Les élus, dans leur
diversité politique, l'ont déjà souligné au sein de l'Association des maires de
France : la suppression de toute référence normative dans les PLU, ex-POS, va
conduire à une augmentation des contentieux, à des décisions judiciaires
aléatoires, faute de références précises, et à un engorgement des cours
administratives. Cette situation provoquera le retard de maints chantiers
publics ou privés, et je ne parle même pas du coût des procédures et des
risques de lourdes pénalités financières qu'elle engendrera pour les
collectivités.
La déréglementation contenue dans le projet de loi aura une autre conséquence
sur l'urbanisme de nos villes : l'abandon de toute obligation, notamment au
regard du coefficient d'occupation des sols, ouvrira la voie aux promoteurs
soucieux de profits maximum. Ils n'hésiteront pas à engager des contentieux à
l'encontre des maires ayant à coeur de préserver l'équilibre urbain de leur
commune. Voilà l'une des singulières conséquences de ce projet de loi !
Parmi tous les défauts de ce texte, qui sont nombreux malgré les bonnes
intentions qui le sous-tendent, il en est un qui ne peut laisser aucun élu
indifférent. C'est la recentralisation qui apparaît dans les conditions
technocratiques de définition des SCT, dans les pouvoirs donnés aux préfets
d'imposer la construction des logements sociaux aux communes n'atteignant pas
le seuil des 20 % ou de prélever sur les recettes fiscales de celles-ci la
contribution compensatoire. Dans le chapitre concernant les transports urbains,
le préfet se voit également accorder un moyen de contraindre les élus par des
dispositions touchant à la vie quotidienne des habitants.
En retrait évident par rapport aux lois de décentralisation de 1983-1984, ces
dispositions procèdent de la « reprise en main » entamée par l'Etat et son
administration depuis quelques années, de manière rampante et insidieuse. On ne
peut impunément prôner l'autonomie des collectivités locales et bafouer
celle-ci en toutes circonstances. Il faut espérer qu'un coup d'arrêt sera donné
à cette reprise en main par le Conseil constitutionnel eu égard à la
non-conformité du texte à l'article 72 de notre Constitution.
Le présent projet de loi apparaît dès lors comme très critiquable, d'autant
qu'en filigrane figure la volonté du Gouvernement, et de la majorité plurielle,
d'exploiter une fois de plus l'argumentation éculée selon laquelle les villes
généreuses sont dirigées par des élus de gauche et les villes bourgeoises, et
donc égoïstes, sont dirigées par des élus de droite sans coeur. Tout cela, bien
sûr, relève exclusivement de la duplicité politique et pas du tout du souci de
développer la mixité sociale ! S'il y avait au sein du Gouvernement une réelle
volonté de dialoguer pour améliorer la législation, il eût été facile
d'accorder un peu plus d'intérêt aux propositions justes, mesurées et
pragmatiques faites en première lecture par la Haute Assemblée. Sans doute
aurait-on pu alors, au nom de l'intérêt général, parvenir à un aboutissement
constructif. Fidèle à sa manière d'être, le Gouvernement ne l'a pas voulu.
Pour conclure, je précise que mon intervention est désintéressée puisque la
commune aux destinées de laquelle j'ai eu l'honneur de présider pendant trente
ans possède 32 % de logements sociaux. Je n'ai donc pas de leçon à recevoir de
quiconque.
M. Gayssot a évoqué des interventions polémiques de notre part ; son propos
est celui d'un spécialiste en la matière !
(Sourires et applaudissements sur
les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je veux d'abord réitérer les remerciements adressés tout à l'heure
par M. Gayssot à M. le rapporteur : il a accompli un travail remarquable sur ce
texte qui traite de sujets, par nature et par essence, indéniablement
complexes.
Cependant, si la commission mixte paritaire a échoué, c'est parce qu'il y
avait des points de blocage et je regrette d'avoir à dire que certains d'entre
vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ont souligné avec tant de vigueur
qu'ils ne peuvent feindre l'étonnement quant à l'impossibilité de trouver des
points de convergence. Le ton de leurs propos montrait bien qu'à défaut d'avoir
vraiment souhaité l'échec de la commission mixte paritaire ils y ont pour le
moins contribué !
Comment une assemblée peut-elle en effet faire blocage sur des points
essentiels d'un texte et regretter ensuite que l'autre assemblée ne fasse pas
toutes les concessions qu'elle lui demande ?
Je veux toutefois souligner - et j'appelle sur ce point votre attention - que,
en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a pris bien plus largement en compte
les apports du Sénat quant au fond que ne le laisse apparaître le texte sur le
strict plan rédactionnel. Il demeure, c'est vrai, des points de divergence - je
pense à l'article 25, à certaines dispositions relatives à l'urbanisme ou à la
caisse de garantie du logement social - mais n'y a-t-il pas eu convergence sur
la copropriété, sur l'insalubrité, sur l'adaptation du statut des organismes
d'HLM, ou encore sur nombre de dispositions en matière d'urbanisme ?
Le travail des deux assemblées a réellement enrichi le texte, et j'ai été
quelque peu étonné d'entendre M. Poniatowski parler de lecture unique : pour ma
part, je participe à la discussion de ce projet de loi pour la quatrième fois
puisqu'il y a eu deux lectures à l'Assemblée nationale et que nous l'examinons
aujourd'hui en nouvelle lecture au Sénat. Un cinquième et dernier examen
interviendra en novembre, la différence entre l'urgence et la non-urgence étant
qu'il y a cinq délibérations au lieu de sept.
L'état d'esprit qui préside aux travaux est évidemment - mais je tenais à le
rappeler - plus essentiel que le nombre des discussions.
Je veux remercier aussi Mme Terrade et M. Bellanger de leur soutien et des
contributions complémentaires qu'ils s'apprêtent à apporter à ce texte qu'ils
ont déjà marqué de leur empreinte puisque certaines de leurs propositions ont
cheminé et abouti.
Je remercie aussi M. Teston de sa plaidoirie en faveur d'une évolution à la
fois positive et raisonnable du secteur rural, tout spécialement en montagne,
mais je le savais déjà fin connaisseur et je n'ai pas été pas étonné par son
propos.
M. Poniatowski a critiqué l'ampleur d'un projet de loi qu'il aurait préféré
voir scindé en plusieurs textes. Mais ce que les élus des collectivités
territoriales - qualité que je pense pouvoir revendiquer puisque ma première
élection en tant que maire remonte à plus de trente-cinq ans et que je n'ai
jamais cessé depuis d'exercer des fonctions locales - critiquaient, c'est
précisément l'opacité qui règne en matière de développement urbain, et,
notamment, l'accumulation de documents n'ayant jamais été mis en cohérence, ce
qui met d'ailleurs en cause leur utilité effective. Rappelons-nous par exemple
les anciens SDAU, ces schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme, dont
beaucoup, trop vite archivés, n'ont pas été pris en compte. Je ne parle même
pas ici de la région parisienne, où des dispositions spécifiques s'appliquent
toujours, mais je connais bien des exemples qui confirment mon propos.
Les insuffisances étaient patentes puisqu'au fil des législatures les
gouvernements successifs ont pris l'initiative de développer les programmes
locaux de l'habitat, puis les plans de déplacements urbains, puis les schémas
d'équipement commercial...
Une pluralité de démarches urbaines des plus diverses ont donc été initiées.
L'ambition du présent texte est de permettre une approche globale en assurant
leur mise en cohérence, laquelle aurait été compromise si les textes qui
composent le projet de loi avaient de nouveau été séparés.
Tous les élus locaux considèrent que cette mise en cohérence s'impose et je
sais qu'ils l'appellent de leur voeu. Ils savent, bien sûr, que si les thèmes
abordés sont distincts, ils n'en sont pas moins liés. La politique en matière
de déplacements urbains dépend ainsi forcément des choix en matière d'urbanisme
et le renouvellement urbain mêle obligatoirement la question des logements
privés insalubres, celle de l'adaptation et du renouvellement de l'offre
d'habitat social ou encore celle du choix d'une démarche, effective ou non, en
faveur de la mixité sociale.
Les principaux choix d'aménagement ne peuvent plus prendre tout leur sens au
seul échelon communal ; c'est bien à une échelle plus vaste qu'il faut en
débattre pour les définir.
Cette argumentation de fond plaide en faveur de la démarche choisie. et je
crois que, dans l'histoire de l'urbanisme et du développemnet urbain, ce texte,
enrichi par vos contributions, fera date : il sera considéré comme un tournant
positif. Il fallait, en effet, répondre aux critiques que nous entendions. En
tout cas, c'est cette volonté qui a présidé à l'élaboration du présent projet
de loi.
D'ailleurs, derrière nombre des amendements que vous avez présentés - je
pense, notamment, à ceux qui ont été déposés par la commission - je décèle
votre adhésion à cette démarche. En effet, pour beaucoup d'entre eux, il s'agit
non pas de suppressions mais d'ajouts.
S'agissant de la commission de conciliation, il a été regretté que le
président du conseil général n'en soit pas membre. Je rappelle qu'il s'agit de
régler des conflits entre documents d'urbanisme communaux ou intercommunaux et
je sais que nombre d'élus départementaux préfèrent que les choses se passent à
l'amiable. Les présidents de conseils généraux ne se sentent donc pas forcément
vocation à siéger dans cette commission.
Je précise d'ailleurs que l'association du conseil général à l'élaboration du
schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme est prévue
puisque, à sa demande, il est automatiquement consulté et entendu.
Le parti général du texte est de simplifier les procédures. Or les procédures
d'association étaient souvent formelles et sources de lourdeur et de
contientieux. Elles ont donc été supprimées. Le texte proposé permet même, me
semble-t-il, au département de faire valoir ses intérêts de manière plus
efficace et mieux ciblée que dans le système actuel.
Sur le logement social, j'ai peine à croire que certaines critiques aient pu
être proférées de bonne foi et je m'étonne de ne pas avoir trouvé plus de
nuances dans des interventions dont certaines avaient pourtant dû être
préparées pas écrit. Bref, il me semble qu'il y a une volonté de caricature !
Pour quelles raisons ?
Chacun de vous, y compris parmi ceux qui ont été les plus virulents, sait que,
aujourd'hui, dans les agglomérations françaises, on trouve plus de 20 % de
logements locatifs sociaux, et qu'à ce pourcentage correspondent des personnes,
des familles, des ménages n'ayant pas la capacité financière d'accéder à la
propriété ou qui ne souhaitent pas y accéder.
Tous les élus savent bien aussi que, dans la chaîne du logement, qui est
composée des segments du logement locatif social, du logement locatif privé et
de l'accession à la propriété, seul le logement locatif social se heurte à des
réticences, à des oppositions. D'ailleurs, des élus courageux les surmontent
quelquefois,...
M. Dominique Braye.
C'est pour ça que vous ne les écoutez pas !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... parce qu'elles peuvent venir non pas d'eux, mais
de la population, qui est très prompte à se dire humaniste et à prétendre
vouloir du bien à son semblable... mais à condition que ce dernier lui
ressemble. Si ce n'est pas le cas, on n'en veut pas près de chez soi !
Je crois que vous connaissez tous ces données, ces réalités. Il me semble que
c'est l'honneur des élus locaux, des élus de la nation, d'aider à ce que notre
société ne s'enferme pas dans ces démarches de discrimination, et par
conséquent d'aider à ce que la diversité sociale puisse être partout une
réalité. Ce que nous définissons donc dans la loi, c'est ce segment qui fait
l'objet de rejets, à savoir le logement locatif social.
Mais, bien évidemment, vous n'ignorez pas que ce gouvernement, s'agissant de
l'accession à la propriété - je le dis tout particulièrement à M. Braye, et
peut-être à M. Lassourd - a budgétisé, pour en assurer la pérennité, le prêt
aidé pour l'accession à la propriété, le prêt à taux zéro, qu'il a négocié,
avec le 1 %, un dispositif de sécurisation et que nous sommes à des niveaux
d'accession à la propriété qui n'avaient jamais été atteints auparavant. Je
pense que vous pouvez voir là que, d'une certaine manière, la critique que vous
faites d'une « aversion » pour l'accession à la propriété ne peut pas être
adressée à ce gouvernement.
(M. Dominique Braye proteste.)
Monsieur
Braye, les chiffres sont clairs : plus de cent vingt mille prêts l'an dernier,
alors que, vous l'avez dit vous-même, il ne s'est construit qu'un peu plus de
40 000 logements locatifs sociaux !
M. Dominique Braye.
Ce système est mauvais !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes donc en présence d'une accession aidée qui
engage les finances publiques, qui engage la volonté politique du Gouvernement
et qui représente chaque année quantitativement trois fois plus de logements
que le locatif social. Vos critiques d'une vision quasi archéologique que vous
croyez déceler chez vos adversaires n'ont donc aucun fondement.
(M.
Dominique Braye s'exclame.)
Vous avez dit également que les communes demandaient surtout à avoir les
moyens de construire des logements sociaux. Puis-je me permettre de vous
rappeler que ce n'est pas nous qui, en passant le taux de TVA à 5,5 %, avons
supprimé l'aide à la pierre ; c'est même nous, permettez-moi de vous le
rappeler encore, qui l'avons rétablie, même si, nous en sommes conscients, il
faudrait aller encore plus loin, mais à la condition, bien sûr, que vous ne
veniez pas toujours nous dire qu'il ne faut pas développer ce type de dépenses
publiques, comme je l'entends parfois.
Vous savez que nous avons redonné au 1 % les moyens d'accompagner les
programmes locatifs.
La semaine dernière encore, j'ai demandé au nouveau président de l'Union
d'économie sociale du logement, M. Peloux, d'aller plus loin sur ce point
aussi.
Vous savez également que de nombreux organismes d'HLM étaient inquiets du
développement des impayés de loyer. Alors que le barème des aides au logement
n'avait pas été actualisé pendant des années, il l'a été régulièrement depuis
quatre ans. S'y ajoute une réforme des aides au logement avec l'unification des
barèmes et une meilleure prise en compte des revenus modestes de l'activité.
Cette réforme, dont le coût s'élève à 6,5 milliards de francs, sera appliquée
sur deux exercices à partir du 1er janvier 2001. Voilà qui peut aussi rassurer
les organismes quant à leur équilibre.
Vous connaissez également le développement des fonds de solidarité pour le
logement, qui a permis d'aider jusqu'à présent 1 500 000 personnes. Cela a
incontestablement évité bien des expulsions et nombre de difficultés
d'encaissement des loyers.
Madame Terrade, vous avez soulevé la question des surloyers. Nous y
reviendrons lors de l'examen de l'amendement qui vous pose problème. Nous
sommes dans un monde qui s'ouvre de plus en plus. Je crois qu'il faut veiller à
bien garder notre définition du logement social, à savoir, loyer plafonné et
modéré, d'une part, et ressources plafonnées pour y avoir droit, d'autre part.
Si un des deux termes de la définition saute, on s'expose à un certain nombre
de mesures qui seraient globalement défavorables au logement social. Il faut
placer le curseur au bon endroit.
Dois-je vous rappeler, mesdames, messieurs les membres de la majorité
sénatoriale, que la généralisation des surloyers, auxquels était ajoutée une
taxe sur les surloyers qui disparaît dans ce texte, était présentée comme une
incitation à quitter le patrimoine HLM dès que l'on peut accéder à la propriété
? Le résultat est clair : on développe forcément une démarche de ségrégation,
de concentration, avec des problèmes sociaux trop localisés dans les mêmes
sites, ce qui rend impossible l'efficacité du travail des acteurs sociaux,
notamment des personnels de tous les services compétents en ce domaine.
(M.
Dominique Braye s'exclame.)
Vous avez aussi soulevé la question du foncier. L'obligation créée, je le
rappelle une fois encore, c'est une obligation sur vingt ans : 20 % sur vingt
ans. Pour la commune qui part de zéro, c'est donc une obligation de 1 % par
an.
Vous le savez, il existe maintenant des financements non seulement pour la
construction mais également pour l'acquisition dans l'existant. Dans notre
pays, il se construit 300 000 logements par an et il s'en vend 600 000 dans
l'ancien. Compte tenu du droit de préemption urbain qui existe depuis une loi
que vos prédécesseurs ont votée en 1967, il est tout à fait possible
d'acquérir. Le Gouvernement, soucieux d'avoir une réponse pour ces communes qui
n'ont pas de foncier disponible, a prévu un amortissement des prêts consacrés à
ces acquisitions sur cinquante ans...
M. Dominique Braye.
Ils vont payer autant !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... et une exonération de quinze ans de la taxe sur le
foncier bâti. Donc, les communes qui se trouvent sans logements sociaux, qui
n'ont pas fait d'efforts sociaux suffisants depuis très longtemps, se voient
octroyés des moyens pour rattraper le retard et un temps largement suffisant
pour que l'objectif soit réaliste et atteint.
(M. Dominique Braye
s'exclame.)
Il n'y a pas d'incohérence entre obligations communales et développement de
l'intercommunalité. Les problèmes de concentration d'habitat locatif social se
retrouvent dans certains quartiers. Aussi, porter le problème à un niveau
supracommunal ne permettra pas de démanteler les ghettos naissants et de
recomposer la ville. C'est plutôt à un niveau infracommunal qu'il faut agir.
M. Dominique Braye.
Dans chaque quartier de banlieue !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Bien évidemment, tous les moyens qui peuvent être
donnés aux agglomérations pour mener une politique positive dans ce domaine
sont les bienvenus, et le Gouvernement y veille.
Quant à la décentralisation - c'est le dernier point essentiel que j'aborderai
- je ne crois pas qu'elle soit en cause. En effet, la jurisprudence du Conseil
constitutionnel sur ce point est extrêmement claire : les libertés locales
s'exercent dans le respect de la loi. Il revient donc au législateur de définir
le cadre dans lequel elles s'exercent.
M. Dominique Braye.
La loi supprime une liberté !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Aucun problème constitutionnel ne se pose donc à cet
égard.
M. Dominique Braye.
On verra !
M. Louis Besson.
secrétaire d'Etat.
Bien évidemment, aucune sanction ne sera prononcée à
l'encontre des communes et des élus qui travaillent dans le sens de la loi.
Cela devrait apaiser la crainte que vous avez émise. Ils ne pourront, au
contraire, qu'être félicités.
M. Dominique Braye.
La loi supprime une liberté !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat...
Je peux vous assurer que, sur ce point, MM. Claude
Bartolone et Jean-Claude Gayssot ainsi que moi-même serons beaucoup plus
heureux de souligner les cas de bonne application de la loi, et de féliciter
ceux qui y auront contribué, que de dénoncer ceux qui y feraient obstacle et
qui, je le souhaite, seront le moins nombreux possible.
Je signale à M. Braye que l'agglomération peut effectivement répartir
l'objectif de 20 %, mais en tenant compte du souci de diversité sociale qui est
la finalité de la mesure prise.
J'en viens aux exemples que vous nous proposez d'aller voir dans d'autres pays
de l'Union européenne. Comme j'ai encore pu le constater voilà quelques
semaines en réunissant les quatorze autres ministres du logement de l'Europe
des Quinze, tous ces pays ont un secteur locatif soit social, soit
conventionné, et les pays où ce secteur est trop faible s'efforcent de le
développer.
M. Dominique Braye.
Pas de la manière dont vous le faites !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
En effet, ils se rendent bien compte que c'est ce
déficit qui crée les difficultés en matière de droit au logement.
M. Dominique Braye.
Ne changez pas de sujet ! C'est la manière qui est en cause !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, et ce
sera ma conclusion, que vous nous avez prêté une démarche centralisatrice,
dogmatique, dirigiste, autoritaire.
M. Dominique Braye.
C'est la réalité !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le problème n'est pas là. Il s'agit de savoir si l'on
se sent comptable des besoins de toute la population que l'on représente. Si on
est conscient qu'il existe dans cette population trop de familles, trop de
personnes qui n'ont pas un logement correspondant à leurs besoins, on est bien
obligé de se sentir redevable à leur égard.
M. Dominique Braye.
La loi n'est pas applicable telle que vous la prévoyez !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, on se doit de ne pas proférer des
thèses égoïstes, qui ne peuvent que différer la satisfaction d'un besoin
élémentaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Dominique Braye.
C'est de l'angélisme !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Hier - mais c'est une coïncidence - c'était la journée
mondiale du refus de la misère. A l'invitation d'ATD Quart monde, j'ai passé
deux heures au Trocadéro. J'y ai rencontré des personnes, des groupes criant
avec violence leur colère de se sentir interdits dans certaines communes, de se
voir éventuellement concentrés dans tel ou tel site, et refusés dans
d'autres.
M. Dominique Braye.
Ils sont chez nous !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Il faut donc saisir ce problème à bras-le-corps. La
conclusion de leur forum et l'intervention du président Bouchet, en clôture de
cette journée, ont été les suivantes : à quand le projet de loi sur la
solidarité et le renouvellement urbains, à quand le vote de l'article 25 et son
entrée en application ?
M. Dominique Braye.
Vous leur donnez de faux espoirs !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Soyez-en certains, mesdames, messieurs les sénateurs,
ils attendent que vous le décidiez, et le plus vite possible.
M. Dominique Braye.
L'enfer est pavé de bonnes intentions ! Vous donnez de faux espoirs à ces
pauvres gens !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
En effet, ils n'en peuvent plus de constater des
insuffisances et d'endurer les souffrances qui en résultent.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore pas adopté un texte identique.
Article 1er A