SEANCE DU 12 OCTOBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 236, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 55
bis,
un article additionnel ainsi
rédigé :
« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 227-1 du code du
commerce, après les mots : "L. 225-17 à L. 225-126", sont insérés les mots :
"et L. 225-243". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Le nouvel article L. 225-243 du code de commerce précise
qu'une société anonyme peut se transformer en société d'une autre forme si, au
moment de cette transformation, elle a au moins deux ans d'existence.
Le deuxième alinéa de l'article L. 227-1 du même code de commerce dispose que,
dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières
prévues par la présente section, les règles régissant les sociétés anonymes
sont applicables à la société par actions simplifiée.
En conséquence, la transformation d'une SAS en une société d'une autre forme
est soumise au délai de deux ans prévu à l'article 236.
Or, tant la doctrine que la jurisprudence, me semble-t-il, considèrent que ce
délai est trop long et qu'il n'est pas conforme à l'état d'esprit qui a présidé
à la création de la SAS et à l'élargissement très sensible de sa vocation par
une loi de 1999.
Je voudrais rappeler à ce sujet, madame le secrétaire d'Etat, que l'extension
de la SAS, mesure à mon avis très opportune sur le fond, est intervenue de
manière latérale et subreptice dans des conditions qui ne sont pas celles d'un
modèle de procédure législative : cette disposition, incluse dans le projet de
loi sur l'innovation et la recherche, présenté par votre ancien collègue Claude
Allègre, nous avait été présentée à l'extrême fin de la session de 1998-1999
comme une carte forcée - une carte intelligente, certes, mais forcée - dans des
conditions qui, à l'évidence, n'avaient pas permis à nos commissions, et au
premier chef à la commission des lois, d'approfondir le sujet comme il l'aurait
fallu.
Il n'est donc pas étonnant qu'il y ait des manques dans cette législation.
Il n'est pas logique d'exiger d'une SAS, mode extrêmement contractuel et
souple d'organisation de la société, deux ans d'existence pour pouvoir se
transformer en une structure plus formalisée et plus contraignante pour les
associés. La transformation d'une SAS en société anonyme, voire en SARL,
correspond en effet au choix d'un mode d'organisation plus formalisé, plus
contraignant. Dès lors, contraindre une SAS à exister depuis deux ans et à
avoir fait approuver par les actionnaires le bilan des deux premiers exercices
pour être transformée en société anonyme - nous ne visons ici que la
transformation en société anonyme - ne nous paraît pas très raisonnable. C'est
pourquoi la commission des finances estime que ce délai de deux ans doit être
supprimé, ce qui est l'objet du présent amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 236,
qui vise à introduire une certaine souplesse dans l'utilisation de la SAS en
autorisant celle-ci à se transformer pour pouvoir faire appel public à
l'épargne sans attendre un délai de deux ans.
Quant à l'ouverture à tous de la SAS, les utilisateurs, qui ont fait un réel
succès à cette formule, sont à mon avis très heureux qu'elle ait pu intervenir
rapidement. Je ne vois pas ce qui permet de contester l'opportunité de
rattacher le développement de cette forme juridique à une loi sur la recherche
puisque, précisément, cette dernière est destinée aux créations d'entreprises
innovantes.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour avis.
Pas seulement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pas seulement, mais aussi ! Cette formule, je le
répète, a fait l'objet d'un très grand succès. Toutes celles et tous ceux qui
ont créé des SAS sont très heureux que cette forme juridique ait pu être
développée voilà maintenant près de deux ans.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 236, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 55
bis.
Par amendement n° 237, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 55
bis
, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Les deux premiers alinéas de l'article L. 228-39 du code de commerce sont
supprimés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Cet amendement, de même esprit que le précédent, vise non
plus les seules SAS mais, d'une manière générale, l'ensemble des entreprises
susceptibles d'émettre des obligations.
Aux termes de la loi, une entreprise doit actuellement attendre deux ans pour
émettre des obligations. Cet amendement, afin d'inciter au développement des
entreprises, notamment des entreprises émergentes - par exemple, dans les
secteurs dits nouveaux de l'économie - vise à supprimer le délai de deux ans
afin d'assouplir les conditions d'émission des obligations et donc de permettre
d'accéder plus facilement à des sources de financement extérieur, à la
condition que l'émission de ces obligations se fasse sous forme d'opérations de
placement privé. Il ne peut donc s'agir d'appel public à l'épargne dans la
mesure où ce dernier, supposant une information suffisamment large, sincère et
vérifiable pour que le marché ne soit pas trompé, nécessite une certaine
antériorité de la société, avec l'adoption de comptes pendant au moins deux
ans. Mais ici, nous sommes dans un cas de figure différent : celui du placement
privé auprès d'investisseurs, professionnels pour la plupart, qui sont donc en
mesure d'analyser de manière précise le risque qu'ils prennent à partir des
informations dont ils peuvent directement disposer.
Permettez-moi, madame le ministre, de revenir d'un mot sur notre échange
concernant la SAS. Comme je l'indiquais voilà un instant, nos commissions
considèrent cette innovation comme opportune. Nos critiques portent simplement
sur la procédure, c'est-à-dire sur les conditions dans lesquelles sont
respectés les droits du Parlement à discuter des textes législatifs. Nous ne
contestons pas du tout le fait qu'une telle disposition figure dans un projet
de loi relatif à l'innovation et à la recherche. Cela, c'est l'affaire du
Gouvernement ! Au demeurant, on pouvait rattacher la disposition relative à la
SAS à un projet de loi relatif à l'innovation et à la recherche comme on aurait
pu la rattacher à à peu près n'importe quelle autre catégorie de projet de loi
permettant de toucher la matière du droit des sociétés.
Mais le fait qu'une série d'amendements surgisse en fin de session, telle une
carte forcée, à un moment où l'on ne peut plus que dire oui ou non, pose
véritablement des problème de droit au regard d'une démarche qui, pourtant,
allait assurément dans le bon sens.
C'est vrai que faire vite, c'est bien ; mais si faire vite conduit à
considérer que la discussion parlementaire est complètement inutile, nous
changeons alors, à mon avis, de régime.
Or, dans l'affaire de la SAS, le texte était présenté au Sénat en fin de
session, alors même que l'Assemblée nationale ne l'avait pas encore examiné, et
dans des conditions telles que la Haute Assemblée ne pouvait que répondre par
oui ou par non.
Je ne vais pas revenir sur des critiques, qui ne s'adressent d'ailleurs non
pas à vous, madame le ministre, mais plutôt au ministre qui défendait ce texte
à l'époque et qui n'est plus membre du Gouvernement. Mais je tenais à en faire
état parce que forcément, dans cette maison, nous sommes très vigilants quant
au respect du peu de droits que l'on veut bien nous reconnaître encore.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement, considérant qu'il convient de
conserver les règles actuelles sur l'émission d'obligations par les sociétés,
émet un avis défavorable sur l'amendement n° 237.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 237, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 55
bis
.
Par amendement n° 616, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 55
bis
, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 1844-5 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du troisième alinéa de cet article ne sont pas applicables
aux sociétés d'une seule personne instituées conformément à l'alinéa 2 de
l'article 1832. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 640, présenté par le
Gouvernement, et tendant, après les mots : "aux sociétés", à rédiger comme suit
la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 616 : "dont l'associé unique est
une personne physique".
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 616.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
L'amendement n° 616 vise à bien protéger l'entrepreneur
physique individuel. Il tend à préciser un aspect qui n'a pas pu être traité
par la loi du 12 juillet 1999 : le cas de dissolution d'une société.
La loi de 1999, qui a permis la constitution de la SAS unipersonnelle, a
précisé que celui qui constitue une SAS ne supporte les pertes qu'à concurrence
de son apport. Dans le cas d'une dissolution, la combinaison de ces
dispositions avec celles de l'article 1844-5 du code civil ne permet pas
d'atteindre cet objectif, puisqu'il est précisé, dans le troisième alinéa dudit
article, que, en cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission
universelle du patrimoine de la société à l'associé unique sans qu'il y ait
lieu à liquidation. Concrètement, il y a transmission de tous les droits et
actifs de la société, mais aussi de toutes les dettes, et l'ancien associé
unique est donc personnellement tenu, de manière illimitée, de payer toutes les
dettes de la société. Il n'y a donc pas de limitation de responsabilité.
L'objet du présent amendement est de ne pas faire supporter à l'associé unique
le passif de la société.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n°
640 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 616.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement n° 616 permet de résoudre une difficulté
liée à la transmission universelle du patrimoine d'une société à son associé
unique.
Toutefois, cette transmission universelle ne pose de problèmes que lorsque
l'associé unique est une personne physique, car elle perd à ce moment-là le
bénéfice de l'écran de la personne morale qu'elle avait créée.
L'objet du sous-amendement n° 640 est en conséquence de limiter cette
disposition aux cas nécessaires, tout en reprenant l'objectif poursuivi par
l'amendement de M. Marini.
Par conséquent, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le
Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 616.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 640 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Le sous-amendement n° 640 du Gouvernement vise à préciser
utilement que l'on évoque bien les cas de figure de la SAS dont l'associé
unique est une personne physique. Par conséquent, la commission des finances y
est favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 640, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 616, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 55
bis
.
Chapitre Ier
Equilibre des pouvoirs
et fonctionnement des organes dirigeants
Article 56 A (priorité)