Séance du 28 juin 2000







M. le président. « Art. 1er. - Le troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute, d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
« Toutefois, dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé la situation qui en est à l'origine ou n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger qu'elles ne pouvaient ignorer. »
Par amendement n° 1, le Gouvernement propose, au début du second alinéa du texte présenté par cet article pour remplacer par deux alinéas le troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, de remplacer les mots : "Toutefois, dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé la situation qui en est à l'origine ou n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi" par les mots : "Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déposé deux amendements qui modifient la rédaction des nouvelles dispositions de l'article 121-3 du code pénal, en ce qui concerne la définition tant du lien de causalité que de la faute qualifiée, et qui prennent en compte les légitimes interrogations exprimées par certaines associations de victimes.
Le premier amendement, qui porte sur l'article 1er de la proposition de loi, a deux objets.
Il tend, tout d'abord, à mieux rédiger le début du nouveau quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal afin de montrer clairement que la responsabilité pénale des auteurs indirects des dommages n'est pas « subsidiaire », qu'elle n'est en aucun cas une « responsabilité par défaut ».
Comme je l'ai déjà indiqué, il n'existe pas une hiérarchie des causes, la cause déterminante d'un dommage pouvant, dans certain cas, être la cause indirecte et non la cause directe de celui-ci.
Je vous propose donc de supprimer l'adverbe « toutefois » et de rédiger la phrase sous une forme affirmative, comme l'alinéa précédent, et non sous une forme négative.
Cet amendement lève ensuite toute ambiguïté quant à l'hypothèse de l'auteur indirect qui a créé la situation à l'origine du dommage.
La lecture du texte actuel risque en effet de donner l'impression qu'il exige une faute unique et qu'il empêche de retenir plusieurs auteurs indirects ayant chacun contribué à créer cette situation ou qu'il se limite aux seules personnes qui ont créé la situation originelle d'où est ensuite résulté le dommage, mais qu'il interdit de sanctionner ceux qui ont permis le maintien, voire l'amplification de cette situation à risque.
Il paraît dès lors préférable de faire référence aux personnes qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et non aux personnes qui ont créé la situation à l'origine du dommage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens tout d'abord à remercier le Gouvernement d'avoir bien voulu adopter la position nécessaire pour que nous puissions reprendre le débat avec sérénité, sérénité que nous n'avions peut-être pas jeudi soir, mais que nous avons très rapidement retrouvée.
Sur le fond, les préoccupations du Gouvernement et celles de la commission sont les mêmes. Il n'a jamais été dans notre intention de faire un texte spécialement protecteur pour les élus. Cette étape est dépassée depuis longtemps ; elle l'était déjà lorsque j'ai présenté cette proposition de loi. Nous légiférons pour toutes les personnes pouvant se trouver menacées d'être condamnées pour un délit d'imprudence ou de négligence ayant causé des blessures ou des homicides, le plus souvent, mais cela peut être tout autre dommage.
C'est un texte de portée absolument générale. On peut lire de temps à autre dans la presse, et je le regrette, qu'il s'agirait d'un « texte pour les élus ». C'est tout à fait faux. Je signale à cet égard que les interventions dont nous avons été saisis au cours des dernières semaines émanaient pour la plupart d'autres catégories de la population. Je citerai entre autres les directeurs d'hôpitaux, les membres du corps électoral - autant que je sache, les préfets ne sont pas élus, en tout cas pas encore ! - les organisateurs d'activités sportives, qui sont extrêmement attentifs aux risques que font courir les activités sportives, et même les simples particuliers qui ont chez eux des installations sportives, je pense aux piscines notamment.
Il est par ailleurs tout à fait inexact également de laisser entendre que l'adoption de ce texte pourrait entraver les investigations judiciaires qui auraient pour origine tel ou tel sinistre. Les investigations, qui ne préjugent pas les résultats, continueront d'avoir lieu. Bien entendu, les juridictions pénales seront saisies et les juges d'instruction, éventuellement, ordonneront des expertises. Ce n'est qu'à l'issue de ces investigations que se posera la question de savoir si telle ou telle personne entre dans la catégorie que nous avons visée.
Toute l'investigation pourra se développer comme elle se développe actuellement. Il n'y a donc pas lieu de mettre en avant le passage à des procédures civiles qui risquerait de priver les victimes des facilités de la procédure pénale, notamment des facilités financières qu'elle présente.
En outre, dans la mesure où, lors de la discussion d'un autre texte, nous avons adopté une amélioration du statut des personnes poursuivies par la définition du statut de témoin assisté, qui s'applique tout à fait à la situation considérée dans le présent texte, à propos de telle ou telle catastrophe s'engageront des instructions normales avec, je l'espère, des témoins assistés.
Nous aurons donc, de ce fait, amélioré la situation des personnes menacées de poursuites sans diminuer en rien les capacités d'information des victimes d'accidents.
Il m'a paru important d'apporter cette précision en réponse à certaines rumeurs qui ne correspondent pas du tout à la réalité.
J'en viens maintenant aux amendements sur lesquels nous avons achoppé jeudi dernier, avec une petite pointe de regret dans la mesure où nous aurions peut-être trouvé une solution alors, si nous avions engagé un peu plus le débat. En effet, le premier de ces amendements - je réserve pour l'instant mon avis sur le deuxième, qui est plus délicat - ne présente pas d'inconvénient.
J'ai bien entendu vos explications, madame le garde des sceaux. Vous ajoutez l'idée qu'il peut s'agir de personnes qui ont contribué à créer la situation. C'est une précision tout à fait éclairante, dont j'admets l'intérêt.
Sur le fond du droit, cela ne modifie pas la situation puisque, dans tous les cas de figure, il faut tout de même - et vous y avez fait allusion - qu'il y ait un lien de causalité entre les faits reprochés à telle ou telle personne et les dommages qui ont été causés.
Que l'on ait réalisé le dommage ou que l'on ait contribué à le créer, le véritable problème est qu'existe bien ce lien de causalité. Il n'y a pas d'équivoque entre nous. La commission des lois émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 1 en espérant avec vous, madame le garde des sceaux, qu'il apportera un éclairage plus complet sur cet aspect du problème.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Madame le garde des sceaux, je veux simplement comprendre quelle est la portée exacte des textes qu'on nous demande de voter. Car, une fois que c'est voté, c'est trop tard ! D'autant qu'il s'agit d'un domaine qui « tangente » la justice mais qui « tangente » plus souvent la vengeance, et la vengeance par la prétendue vox populi... Je sais de quoi je parle !
Par l'amendement n° 1, vous proposez donc notamment d'ajouter les mots : « ou contribué à créer ».
Prenons l'exemple d'un maire qui décide, avec son conseil municipal, de construire un pont, lequel, comme n'importe quel pont, est un défi à la règle naturelle qui veut que tout ce qui est en l'air s'effondre, en vertu de ce qu'on appelle l'attraction terrestre, et que contestent seuls les ivrognes qui ne comprennent pas pourquoi les mouches marchent au plafond... (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, le conseil municipal change avant que ce pont soit construit, et c'est donc le nouveau conseil municipal qui le construit. Et puis le pont s'effondre !
L'ancien maire et son conseil municipal, ceux qui ont décidé la construction du pont, font-ils partie des gens qui ont « contribué » ? Est-ce que la secrétaire qui a tapé la décision a « contribué » ? Est-ce que le secrétaire général de mairie ou le directeur de ministère qui l'a exécutée a « contribué » ? Est-ce que le porteur du pli fatal a « contribué » ?
A cette formule : « contribué à créer », on peut donner une portée illimitée, qui irait bien au-delà de ce que, les uns et les autres, nous voulons viser.
Je ne suis pas défavorable par principe aux amendements du Gouvernement, mais je tiens à formuler cette demande d'explication, pour qu'au moins les débats parlementaires soient éclairés sur ce point.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je fais miennes les remarques tout à fait pertinentes qui vienent d'être développées par notre collègue Michel Charasse.
J'ajouterai une observation qui, me semble-t-il, mérite de figurer au compte rendu de nos débats et qui concerne une des modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale.
ll s'agit du membre de phrase : « ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter », qui m'apparaît de nature à réduire très sensiblement la portée du texte initial, tel qu'il avait été adopté par le Sénat. Je crains en fait que la présence de ce membre de phrase ne nous conduise à nous retrouver avec la même jurisprudence qu'aujourd'hui.
La rédaction proposée initialement par M. Fauchon était beaucoup plus nette et permettait de lever toute ambiguïté sur la gravité de la faute.
J'ai bien peur que les magistrats qui auront à appliquer ces dispositions,...
M. Michel Charasse. Ils ne les appliqueront pas !
M. Alain Vasselle. ... du fait de l'inclusion de ces quelques mots, n'annulent l'avancée que nous voulions réaliser et que les élus ne se retrouvent dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Puisque M. Charasse insiste...
M. Michel Charasse. Amicalement !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Certes !
... et puisque j'ai déjà expliqué pourquoi il me semblait indispensable d'introduire les mots : « contribué à créer », j'ajouterai simplement que je ne peux pas laisser dire qu'il y aurait, de la part d'associations de victimes ou de syndicats, une soif de vengeance.
J'ai mené des concertations approfondies avec les parlementaires, les magistrats, les universitaires, les associations de victimes, les confédérations syndicales. Chez tous, j'ai trouvé la volonté - même si la rédaction a donné lieu à des discussions - de parvenir à un texte équilibré, permettant de corriger la loi actuelle - qui aboutit quelquefois, en effet, à des situations injustes - mais ne dépénalisant pas, dans toute une série de domaines où peuvent surgir des risques graves, des conduites inconsidérées susceptibles d'avoir des conséquences très dommageables.
Ce qui est recherché, ce n'est rien d'autre que cela. C'est évidemment un équilibre délicat, difficile à atteindre. En tout cas, c'est dans cet esprit-là que tous ceux avec qui j'ai été en contact ont travaillé. (Très bien ! et applaudissements sur de nombreuses travées socialistes.)
M. Michel Charasse. Ce n'est pas mon avis !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je voudrais apporter une précision technique à M. Charasse.
Avoir « créé » ou avoir « contribué à créer », c'est ce que l'on appelle la pluralité des causes, notion bien connue dans notre droit, où elle est présente depuis longtemps. Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait une cause. La dactylographe qui tape la délibération n'est pas une cause : il n'y a pas de lien de causalité entre l'acte qu'elle a accompli et l'événement qui s'est produit. Voilà la réponse à la question de M. Charasse.
Par ailleurs, ce qui est essentiel, c'est ce qui suit : il ne suffit pas d'avoir « créé » ou « contribué à créer » ; encore faut-il que la personne en question ait, soit violé d'une manière manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par le règlement, soit commis une faute d'une exceptionnelle gravité ou une faute caractérisée - nous allons y venir dans un instant. En tout cas, il faut que l'une de ces conditions soit remplie.
L'existence nécessaire de ces conditions et celle du lien de causalité doivent vous éclairer, monsieur Charasse, sur la portée des mots : « ou contribué à créer », précision que nous n'avions pas cru nécessaire mais que Mme le garde des sceaux estime utile, et nous nous inclinons devant ses raisons.
M. Michel Charasse. Les deux éléments sont liés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 2, le Gouvernement propose, à la fin du second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour remplacer par deux alinéas le troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, de remplacer les mots : « soit commis une faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger qu'elles ne pouvaient ignorer. », par les mots : « soit commis une faute caractérisée en ce qu'elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que ces personnes ne pouvaient ignorer. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 5, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 2, à remplacer les mots : « en ce qu'elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que ces personnes », par les mots : "et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ».
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 2.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'amendement n° 2 améliore la définition de la faute exigée en cas de causalité indirecte, hors le cas où il s'agit d'une violation manifestement délibérée d'une règle de prudence.
Il tend à lever toute ambiguïté susceptible de laisser penser que la responsabilité pénale en cas de causalité indirecte ne pourra être engagée que dans des hypothèses tellement exceptionnelles qu'il en résulterait, dans de nombreux cas, des impunités choquantes.
Il est ainsi proposé de définir le contenu de cette faute comme « une faute caractérisée en ce qu'elle exposait autrui à un risque d'une particulière gravité et que l'on ne pouvait ignorer ».
Cette définition ne modifie pas l'un des éléments essentiels du texte adopté par l'Assemblée en première lecture qui veut que la responsabilité pénale de l'auteur de la faute suppose nécessairement qu'il ne pouvait ignorer l'existence du danger.
En revanche, cette définition présente, en premier lieu, l'avantage de ne plus retenir l'expression : « faute d'une exceptionnelle gravité », qui, bien qu'utilisée par la jurisprudence pour définir le concept de faute inexcusable, donne à tort l'impression que cette faute caractérisée ne pourra en pratique être retenue que de façon exceptionnelle et que, par principe, les auteurs indirects d'un dommage seraient pénalement irresponsables.
En second lieu, cette définition met en évidence, ce que ne faisait pas le texte de l'Assemblée nationale, que la particulière gravité de la faute d'imprudence ou de négligence - et donc son caractère pénalement répréhensible - résultera, en principe, de la particulière gravité du risque dont l'existence était connue de la personne.
L'analyse de la jurisprudence semble en effet montrer que ce qui caractérise souvent la gravité de la faute, c'est la gravité du risque auquel cette faute exposait un tiers.
Cependant, il est aussi possible que le caractère évident et grossier d'une faute apparaisse et contribue à « caractériser » la faute, sans pour autant que le risque auquel elle exposait un tiers puisse être perçu comme grave, cette gravité pouvant notamment résulter de la « multiplicité des petits risques encourus ».
Telle est la raison pour laquelle, je tiens à le dire dès à présent, je ne serai pas opposée au sous-amendement de la commission, qui prévoit de supprimer la conjonction « en ce que », cette suppression ne dénaturant pas le texte de l'amendement du Gouvernement quant à sa portée. Ce sous-amendement permet de préciser que la caractérisation de la gravité de la faute ne dépend plus exclusivement de la gravité du risque.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 5 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 2.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il convient de distinguer deux points.
En premier lieu, là où le texte de l'Assemblée nationale, que nous avions souhaité adopter, fait mention d'une faute d'une exceptionnelle gravité, le Gouvernement, pour les raisons qui viennent d'être exposées, propose de parler d'une « faute caractérisée ».
En second lieu, l'Assemblée nationale estime qu'il faut en outre que cette faute expose autrui à un danger que ne pouvaient ignorer ceux qui l'ont commise.
Dans l'amendement du Gouvernement, les deux conditions ainsi posées par l'Assemblée nationale sont en quelque sorte « compactées ».
Il y a, en tout cas, une certaine équivoque puisque le texte du Gouvernement évoque une « faute caractérisée en ce qu'elle exposait autrui... ». Cest donc, selon cette rédaction, le fait d'exposer autrui à un danger qui fait de la faute une faute caractérisée.
Ainsi, au lieu d'avoir deux conditions - d'une part, une faute d'un certain type et, d'autre part, une faute qui expose autrui à un certain type de danger - on n'en a plus qu'une seule.
En faisant tourner la sauce sur le coin du feu, on finit par aboutir à un texte beaucoup plus simple, consistant à dire que le seul fait d'exposer quelqu'un à un danger qu'on ne pouvait ignorer constitue le délit d'imprudence et de négligence, ce qui revient à définir de façon peut-être encore plus large qu'aujourd'hui la faute d'imprudence et de négligence : en tout cas, il n'y a pas de progrès.
Il nous a donc semblé qu'il était tout à fait nécessaire de préciser - et les contacts que nous avons eus avec le Gouvernement nous ont donné à penser qu'il n'y avait pas, sur le fond, de divergences entre nous - que deux conditions devaient être remplies pour que le délit soit constitué : d'une part, l'existence d'une faute, à qualifier d'une certaine façon, d'autre part, le fait que cette faute expose autrui à un risque d'une particulière gravité.
J'attire l'attention sur le membre de phrase : « d'une particulière gravité que ces personnes ne pouvaient ignorer ». Cela signifie, soyons clairs, que, si l'on expose quelqu'un à un risque d'une particulière gravité sans avoir commis de faute ou en ayant commis n'importe quelle faute, le délit n'est pas constitué.
On peut aussi avoir commis une faute assez grave mais qui n'expose pas quelqu'un à un risque qu'on ne pouvait ignorer. On peut exposer quelqu'un à un risque qu'on pouvait parfaitement ignorer, bien que la faute soit grave. Du fait qu'on pouvait parfaitement ignorer le risque qu'elle faisait courir, il résulte que le délit, là non plus, n'est pas constitué.
Pour qu'il soit constitué, il faut que les deux éléments soient réunis.
Il nous a semblé, et je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu me confirmer son accord il y a un instant, qu'il était plus clair de dire « une faute » - nous la définirons plus tard - « et qui exposait... ». La conjonction de coordination « et » montre bien qu'il faut remplir les deux conditions.
Telle est la raison d'être de notre sous-amendement n° 5.
En ce qui concerne l'amendement n° 2 lui-même, il est certain que nous avons, disons-le en toute sérénité - j'ai employé le mot tout à l'heure intentionnellement -, une divergence.
Nous avions souhaité que l'on parle d'une faute d'une exceptionnelle gravité, ce qui était la formule de l'Assemblé nationale. Je reconnais volontiers que cette expression avait une résonance particulièrement fâcheuse pour les victimes qui pouvaient effectivement se dire qu'il n'y aurait presque jamais de condamnations si l'on exigeait la faute d'une exceptionnelle gravité.
Vous avez bien voulu rappeler qu'en réalité la jurisprudence n'entend pas les termes « exceptionnelle gravité » d'une manière aussi restrictive. Il n'en demeure pas moins que, contenus dans une loi qui intéresse évidemment tous nos concitoyens, ils risqueraient d'avoir un effet qui pourrait être considéré comme regrettable. Nous avions en tout cas souhaité - et nous continuons de souhaiter - que l'on supprime « exceptionnelle » tout en conservant la notion de « gravité », pour parler de « faute grave ».
Cela étant, il faut être réaliste ! Nous sommes trois à faire la loi : l'Assemblée nationale, le Gouvernement et nous.
M. Michel Charasse. Quatre, avec les associations !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Ce qui s'est passé jeudi dernier nous l'a rappelé d'une manière qui n'a pas été agréable, mais, enfin, c'est ainsi... Nous devons être réalistes si nous voulons avancer.
La question est donc de savoir si nous avançons suffisamment en adoptant la rédaction du Gouvernement qui consiste à éliminer les termes « exceptionnelle gravité», pour ne plus parler que de « faute caractérisée ». Nous croyons, et la commission des lois vient de le voter tout à l'heure, qu'il faut accepter ce résultat, certes partiel, mais qui est tout de même très positif.
Pour apprécier le caractère positif de ce résultat, je vous invite à nous resituer au point de départ. Il faut oublier les étapes successives, car lorsqu'on a connu des formulations plus favorables, on a tendance à prendre comme repère la formulation la plus favorable et à dire qu'on s'en est éloigné.
Il faut donc se rappeler que le point de départ de notre démarche est la situation dans laquelle la faute civile et la faute pénale sont assimilées en vertu d'une jurisprudence de 1912. Autrement dit, nous sommes partis d'une situation dans laquelle n'importe quelle faute, n'importe quelle imprudence, n'importe quelle néglicence constituent le délit.
Le premier problème, c'est de sortir de cette assimilation. On y parvient plus ou moins, mais il est essentiel d'en sortir afin de libérer en quelque sorte la jurisprudence. Or, je signale que si ce texe n'était pas voté, on en déduirait que nous avons voulu confirmer la jurisprudence actuelle. En ce sens, l'effet serait forcément négatif, voire, de ce point de vue, très négatif.
Reportons-nous donc au dictionnaire. J'ai consulté le Robert et le Littré : une faute caractérisée, ce n'est pas n'importe quelle faute. On ne sait pas très bien ce que c'est, je le reconnais. Je pense qu'il s'agit d'une faute qui a un certain degré de gravité ; il n'y a pas de doute, sinon elle ne serait pas caractérisée.
D'ailleurs, le langage commun nous l'enseigne. En parlant de quelqu'un qui vient de faire une bêtise caractérisée, on veut bien dire que ce n'est pas n'importe quelle bêtise.
Donc, en sortant de n'importe quelle faute, en nous dégageant de la notion de la moindre faute, nous mettons un terme à cette espèce d'assimilation, à cette espèce de blocage juridisprudentiel que nous subissons depuis près d'un siècle.
Parce que nous considérons qu'il est essentiel d'en sortir, même si, le faisant, nous n'avons pas le sentiment d'être pleinement satisfaits, votre commission des lois vous propose d'accepter cette rédaction de faute caractérisée et, donc, d'adopter notre sous-amendement n° 5, puis l'amendement n° 2 du Gouvernement, ainsi modifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 5 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dans son sous-amendement n° 5, M. Fauchon propose que l'amendement n° 2 du Gouvernement fasse simplement référence - c'est ma position depuis le début - à une faute caractérisée...
M. Michel Charasse. On ne sait pas ce que c'est !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... mais en ajoutant « et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité » que ces personnes ne pouvaient ignorer alors que la rédaction antérieure envisageait « une faute caractérisée en ce qu'elle exposait autrui à un risque ».
A la réflexion, je ne suis pas opposée à ce sous-amendement, car le principe selon lequel la gravité de la faute résultera de la gravité du risque peut effectivement connaître des exceptions. Le juge devra donc se poser deux questions distinctes : d'une part, sur la nature de la faute et sur sa caractérisation éventuelle, d'autre part, sur la nature et la connaissance du risque, même si, dans la plupart des cas - mais pas dans tous, compte tenu de l'imminence et de la gravité du risque - le juge ne pourra évidemment que considérer que la faute est caractérisée.
Cela ne sera toutefois pas systématique. C'est ainsi qu'il peut arriver qu'une faute très fugace ou de caractère très fugitif expose autrui à un risque important sans que les tribunaux estiment pour autant qu'il s'agit là d'une faute caractérisée.
Ainsi, la suppression de l'expression « en ce que », que je comprends dans le sens que je viens d'indiquer, ne soulève pas, à mes yeux, de difficulté.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Là aussi, je suis toujours bien disposé, mais je voudrais comprendre ce qu'on fait exactement.
Le rapporteur nous dit que le sous-amendement aboutit à un résultat partiel. Il faudra le cumul des deux conditions, c'est-à-dire qu'il y ait faute et qu'elle expose autrui, ce que nous venons de voter voilà un instant.
Mais le rapporteur nous propose de remplacer l'expression « une faute d'une exceptionnelle gravité » par les mots « une faute caractérisée », ce qu'il assortit de commentaires.
Je comprends bien le point de vue de Mme le garde des sceaux qui ne souhaite pas que l'expression « une faute d'une exceptionnelle gravité » entraîne l'exonération de toute responsabilité d'un certain nombre de personnes parce qu'on ne rechercherait dans le lot des fautes que la faute la plus grave.
Le rapporteur nous propose donc de remplacer cette expression par celle de « faute caractérisée », tout en convenant qu'on ne sait pas au juste ce que c'est. On remplace donc quelque chose dont on sait ce que c'est - et dont on ne veut pas - par quelque chose dont on ne sait pas ce que c'est !
Une faute caractérisée me paraît être un acte qui présente tous les caractères de la faute. Je ne vois pas d'autre définition possible en bonne logique cartésienne.
Mais, monsieur le rapporteur, madame le garde des sceaux, ne pensez-vous pas qu'il aurait été utile, si on doit remplacer « exceptionnelle gravité » par « caractérisée » de faire précéder la mention de l'expression « soit commis sciemment une faute caractérisée ».
Cela me paraîtrait atténuer quelque peu le caractère vague du mot « caractérisée ». Il y a quand même une différence entre les deux expressions ! Dans le premier cas, on n'en « attrape » pas assez, dans le second cas, est-ce qu'on n'en « attrape » pas trop ?
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'observation que j'ai faite sur l'amendement précédent n'avait, bien entendu, de sens que dans la mesure où elle portait à la fois sur la première partie de l'amendement et sur celle-ci.
Cela m'amène à craindre, pour l'ensemble des élus locaux, que la jurisprudence ne soit malheureusement constante, compte tenu des modifications que nous devons apporter. Certes, je comprends tout à fait les préoccupations du Gouvernement que M. le rapporteur a su rappeler avec de justes mots. Mais les inquiétudes exprimées à l'instant par notre collègue M. Charasse devraient être de nature à nous faire réfléchir sur la sémantique de nos textes.
Je renverrai simplement nos collègues à un mot que nous avons introduit dans le cadre d'une modification constitutionnelle concernant la parité. Lorsque nous avions introduit le terme « favorise », j'ai entendu d'éminents spécialistes dire que ce terme n'avait aucune valeur juridique et qu'il permettait toutes les interprétations possibles.
Je crains fort, aujourd'hui, que le terme « caractérisée », qui a pour vous un sens juridique, ne soit interprété par certains magistrats dans un sens restrictif. Nous nous trouverions alors dans une situation analogue à celle que nous connaissons aujourd'hui et nous n'aurions guère avancé.
M. Michel Charasse. Si c'est comme la loi Delevoye, on est tranquille !
M. Alain Vasselle. Nous serions donc contraints, un peu plus tard, à nous poser la question d'une avancée législative supplémentaire sur ce texte.
M. Rimbert, rapporteur, a présenté un amendement, n° 210, ainsi rédigé :
« Supprimer l'article 20 quater B. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Rimbert, rapporteur. Toujours dans le souci de sécuriser les documents d'urbanisme, le Sénat a adopté un amendement qui les rend inattaquables à l'expiration d'un délai de six mois. Je partage tout à fait cette préoccupation, mais il y a un équilibre à trouver entre la sécurisation de ces documents et les droits des personnes, notamment le droit au libre accès à la justice.
Je comprends bien qu'un certain lobby se manifeste par la voix d'associations qui disent défendre les victimes. Toutefois, notre assemblée a une réputation de sagesse et je crois que nous devrions la défendre en oubliant les quelques pressions extérieures qui voudraient nous faire légiférer dans un sens différent de celui que nous souhaitions initialement.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, si nous en étions restés à l'amendement n° 2 déposé par la Chancellerie, nous ne l'aurions pas voté parce que tel qu'il était présenté initialement, il ne changeait rien en réalité au dispositif actuel.
En revanche, le texte maintenant sous-amendé par la commission nous permet une certaine ouverture, un certain changement, une certaine amélioration.
Bien entendu, je partage aussi les inquiétudes à terme de nos collègues MM. Vasselle et Charasse en ce sens que nous laissons au juge une très grande capacité d'interprétation.
M. Michel Charasse. A la tête du client !
M. Patrice Gélard. Il est vrai que nous pourrons à nouveau nous retrouver dans deux ans pour un débat similaire parce que la jurisprudence n'aura pas changé. Mais nous devons faire le pari que ce texte nouveau que nous adoptons permettra de faire évoluer les choses dans le bon sens.
Aussi, bien que la formulation adoptée ne soit pas d'une clarté évidente, nous nous rallierons au texte déposé par le Gouvernement et sous-amendé par la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes tous conscients de ce que nous sommes en train de faire et il est évident que ce que nous faisons n'est pas absolument satisfaisant.
Si nous ne sommes pas parvenus à une solution satisfaisante, c'est parce que nous nous sommes heurtés - certains l'ont rappelé - à des réactions et, dans la ligne de ces réactions, à la prise de position de la chancellerie. C'est un fait.
Toutefois, je souhaiterais attirer également votre attention sur un autre aspect des choses.
Si nous n'avions pas pris les initiatives que nous avons prises, c'est-à-dire si, de notre propre mouvement, nous n'avions pas inscrit ce texte à la « niche » parlementaire, il ne serait jamais venu en discussion d'ici à la fin de la session.
Je vous rappelle qu'il avait été purement et simplement, sans explication particulièrement déterminante, retiré de l'ordre du jour par le Gouvernement. On nous avait annoncé de nouvelles concertations, de nouveaux groupes de travail, une réflexion approfondie. Or, nous en savons l'aune : compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour en fin de session, on ne voyait pas très bien à quel moment ce texte allait pouvoir venir en discussion.
Nous avons obtenu ce qui, pour nous, est essentiel, à savoir - si toutefois Mme le garde des sceaux veut bien le confirmer, car nous nous méfions un peu des engagements verbaux - nous avons obtenu, disais-je, du ministre chargé des relations avec le Parlement - je le lui avais demandé expressément en conférence des présidents - un engagement écrit.
Cet engagement écrit portait sur le fait que, non seulement le texte viendrait aujourd'hui, 28 juin, en discussion mais encore qu'il serait soumis à l'Assemblée nationale le 30 juin.
Je pense, madame le garde des sceaux, qu'il est bien dans votre intention que ce texte, une fois que nous l'aurons voté, après avoir formulé les considérations auxquelles nous nous livrons à l'heure actuelle, soit présenté à l'Assemblée nationale dont je ne veux pas préjuger le vote.
Nous avons, je crois, progressé sur ce texte essentiel grâce à l'action du Sénat. Cette proposition de loi qui est attendue, nous le savons, est loin d'être parfaite : on n'a pas réussi à me démontrer ce qu'était une faute caractérisée.
M. Michel Charasse. Eh voilà !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. D'éminents juristes qui siègent à la commission des lois ont fait la même remarque que moi.
Toutefois, nous sommes placés devant un dilemme que notre rapporteur, avec son talent habituel, vous a parfaitement exposé : ou bien nous acceptons ce texte et nous avons des chances très sérieuses de le voir voté d'ici à la fin de la session, ou bien nous ne l'acceptons pas et nous nous retrouvons face à une incertitude, j'allais dire certaine (Sourires), quant à son adoption.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je vous dirai d'abord comment, moi, je comprends les termes « faute caractérisée » (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles de l'Union centriste) : c'est une faute qui présente tous les éléments de la faute et dont les caractéristiques et la consistance - comportement de négligence ou d'imprudence, par exemple - sont bien établies.
Je souhaite aussi demander à l'ensemble des intervenants de ne pas oublier les avancées que permet ce texte par rapport à la situation actuelle. En effet, nous introduisons la distinction entre la causalité directe et la causalité indirecte et nous établissons clairement la différence entre la faute pénale et la faute civile. Il s'agit là de progrès non négligeables.
Enfin, je voudrais dire que, pour ma part, ce que je recherche depuis le début dans cette affaire, c'est le texte le plus équilibré possible qui permette, en effet, d'apporter une amélioration nécessaire à la situation actuelle pour remédier à ce que l'on peut considérer comme des injustices, mais sans tomber dans d'autres injustices.
Bien évidemment, nous sommes à la recherche d'un texte qui se situe au point d'équilibre entre les soucis des victimes, dont je trouve tout à fait légitime qu'elles puissent s'exprimer - je récuse le terme de « lobby », car on pourrait l'appliquer à beaucoup de monde...
M. Michel Charasse. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Tout un chacun peut se constituer en lobby !
M. Michel Charasse. La presse, par exemple !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. ... je récuse donc ce terme, parce que ce n'est pas ma façon de travailler - nous sommes à la recherche, dis-je, d'un texte qui se situe au point d'équilibre que j'ai évoqué - ce texte n'est pas facile à élaborer - et qui évite les deux écueils que je viens de signaler.
Je rappellerai à M. Jacques Larché que, si le Gouvernement a demandé le retrait de l'ordre du jour du Sénat de la présente proposition de loi, c'est parce qu'à l'Assemblée nationale, à la surprise générale, sur le coup minuit, le président du groupe du RPR est arrivé pour dire que, finalement, il n'était pas d'accord avec le texte !
Nous avons alors jugé qu'il était d'abord opportun que l'opposition accorde ses violons.
Ensuite, j'ai été sensible aux remarques qui avaient été formulées dans le débat par des représentants, de la majorité comme de l'opposition, d'ailleurs, je dois le dire, en particulier du groupe UDF, sur les questions sur lesquelles nous avons ensuite travaillé : un progrès a été accompli par rapport à la première lecture et à la première proposition de loi, mais sommes-nous véritablement certains d'être parvenus à la rédaction adéquate ?
Telles sont les raisons pour lesquelles il m'a paru nécessaire de poursuivre la concertation. Je ne voulais pas, en effet, s'agissant d'un domaine extrêmement délicat, que, pour éviter certaines injustices, finalement, on n'en crée d'autres.
Si le Sénat vote la proposition de loi, modifiée par les amendements que je présente et par le sous-amendement que je viens d'accepter, et qui ne me paraît pas, encore une fois, remettre en cause la portée de mon amendement n° 2, alors, nous aurons effectivement le texte le plus équilibré possible et, à ce moment-là, rien ne s'opposera à ce qu'il soit présenté à l'Assemblée nationale avant la fin de la session.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Sans vouloir allonger le débat, je souhaite dire un mot sur le terme « caractérisée », parce qu'il est vrai qu'on ne sait pas très bien ce que cela signifie - tout à l'heure, j'ai dit que je partageais à cet égard l'insatisfaction de M. le président de la commission et de M. Vasselle - mais on sait tout de même ce que ce n'est pas, et c'est déjà important.
Référons-nous tout simplement, quand on discute d'un mot, au dictionnaire de base : Le Petit Robert. Depuis 1653, la définition du terme « caractérisé » est la suivante : « dont le caractère est bien marqué ». Il ne suffit donc pas de retenir les éléments composant la faute, madame le garde des sceaux ! Il faut que ceux-ci soient « marqués ». Le Petit Robert cite deux exemples : « Le délit est parfaitement caractérisé. Injures caractérisées. »
Et puis, au xviiie siècle - je me permets cette référence pour donner une note de charme à cette réunion un peu austère - la définition du mot « caractérisé » est celle-ci : « Qui a un caractère affirmé, qui se distingue avec netteté ». Suit une citation de Diderot que je vous livre : « Ce sont deux physionomies d'amants forts tendres, mais qui n'ont rien de caractérisé ni d'original. » Il ne s'agit donc pas de physionomies banales ; ce n'est pas n'importe quelle physionomie.
Dans le cas qui nous préoccupe, il s'agit non pas de n'importe quelle faute, mais d'une faute « caractérisée ».
Il nous faut sortir de la situation actuelle dans laquelle n'importe quelle faute suffit à créer le délit ! Nous aurons ainsi fait un grand pas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er bis