Séance du 27 juin 2000







M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par M. Pelchat.
L'amendement n° 138 est déposé par M. Hérisson.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 27 bis E, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, lorsqu'une personne a placé sous son contrôle, au sens de l'article 41-3, 2°, plusieurs services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, cette disposition ne s'applique pas à l'un d'entre eux". »
La parole est à M. Pelchat, pour défendre l'amendement n° 136.
M. Michel Pelchat. Cet amendement dispose simplement que, quand une personne a placé sous son contrôle, au sens de l'article 41-3, plusieurs services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, la disposition du 49 % du premier alinéa 1° de l'article 39 de la loi du 30 septembre 1986 ne s'applique pas.
La restriction figurant au 1° de l'article 39 de cette loi interdit, je le rappelle, à une même personne de détenir plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre.
Le présent amendement vise à lever cette restriction, et ce, chacun le comprendra, pour les services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, car, pour le coup, elle serait extrêmement préjudiciable pour l'attribution de fréquences en mode numérique et empêcherait de trouver des partenaires qui pourraient opérer dans les nouvelles fréquences qui leur seraient attribuées.
C'est pourquoi cet amendement est bienvenu dans le texte qui nous est présenté aujourd'hui.
M. le président. L'amendement n° 138 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 136 ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. C'est un avis circonstancié, monsieur le président. (Sourires.)
Cet amendement tente de répondre à la critique, d'ailleurs fondée, qu'adressent les opérateurs, notamment Canal Plus, au dispositif anticoncentration prévu par le Gouvernement. En conséquence du choix malheureux qui a été fait d'un système d'autorisation service par service, les opérateurs pourraient contrôler un certain nombre de services, mais devraient les filialiser. Mes chers collègues, nous convenons que cette rigidité, au sein d'un régime dont nous avons expliqué qu'il était par ailleurs dangereux pour le pluralisme, est absurde. Mais pouvons-nous lui apporter la solution que l'on nous propose ? Je ne le crois pas, pour plusieurs raisons.
En premier lieu, parce qu'elle n'est ni logique ni équitable. En clair, on permettrait à une personne qui contrôlerait plusieurs chaînes numériques terrestres de dépasser, pour l'une d'elles, le seuil de 49 % du capital. En revanche, si elle n'en contrôle qu'une, elle ne pourra dépasser ce seuil.
Je ne pense pas qu'une telle disposition serait admise par le Conseil constitutionnel si, comme il est probable, ce texte lui est soumis. Et je regretterais, je le dis clairement, que le Conseil soit amené à censurer une disposition proposée par le Sénat, alors que nous nous sommes efforcés, quant à nous, de proposer un dispositif favorisant le pluralisme.
En deuxième lieu, la solution proposée est inefficace. En effet, si un opérateur contrôle, comme le texte du Gouvernement lui en donne le droit, quatre ou cinq services nationaux en numérique terrestre, il faudra toujours qu'il en filialise trois ou quatre.
En troisième lieu, cette solution s'inscrit, je le rappelle, dans le dispositif du Gouvernement qui, du reste, en cette affaire, nous charge, mes chers collègues, de réparer ses bévues, et ce dispositif ne limite pas, comme le nôtre, le nombre de services diffusant des programmes d'informations politiques et générales qui peuvent être contrôlés par une seule personne.
En outre, l'article 27 bis E restreint aux services nationaux terrestres en analogique l'application des dispositions de la loi limitant les participations au capital de services de télévision nationaux mais, à moyen terme, tous les services nationaux terrestres seront en mode numérique.
Nous risquerions donc de laisser se créer des situations acquises sur lesquelles nous ne pourrions ensuite revenir. Qu'est-ce qui empêcherait une société, qu'elle soit par ailleurs française, européenne ou considérée comme européenne, de contrôler plusieurs chaînes généralistes nationales devenues numériques ?
Mes chers collègues, je crois donc que nous devons éviter de donner une solution improvisée au problème dont traite cet amendement.
Nous examinerons bientôt, nous dit-on, le projet de loi sur la société de l'information. Le Gouvernement pourra très bien, madame la ministre, nous proposer une solution dans ce cadre, et nous serons tout disposés à l'y aider. Il sera encore temps, car l'application du dispositif numérique terrestre du Gouvernement ne se fera sûrement pas dans les six mois...
Je ne serais d'ailleurs pas étonné que nous ayons d'ici là d'autres dispositions du présent projet de loi à revoir.
Mais la commission ne peut, pour l'instant, qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement qui ne résout rien et qui pourrait poser de graves problèmes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Il s'agit non pas de faire réparer par d'autres des bévues du Gouvernement, mais d'essayer de trouver des réponses concrètes à une interrogation qui, d'ailleurs, avait déjà été présente dans notre débat, ici même, en deuxième lecture, sur l'initiative de Mme Pourtaud. Cette dernière, en effet, avait souligné que le seuil des 49 % pouvait être dissuasif pour l'engagement des opérateurs.
J'avais indiqué au Sénat, lors de cette deuxième lecture, qu'un tel assouplissement était peut-être souhaitable, mais qu'il était exclu pour le Gouvernement de remettre en question de façon globale le seuil des 49 %.
L'amendement n° 136 offre une solution raisonnable parce que circonscrite. Il ne s'agit pas de faire « sauter » globalement le seuil des 49 %, comme d'aucuns l'auraient souhaité. Je considère donc que c'est une proposition intéressante qui, de manière pragmatique, permettrait de régler des questions pratiques. Je pense, par exemple, aux chaînes dites de « multiplexage » qui consistent, pour l'essentiel, en la reprise des programmes de la chaîne mère et que l'on imagine, en effet, difficilement partagées entre la société mère et d'autres partenaires.
En conséquence, je considère que cette approche pragmatique, très concrète, est une ouverture intéressante, qui ne menace en rien notre règle générale des 49 %. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 136.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 136.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je suis heureuse de voir que le débat sur le dispositif anticoncentration applicable au numérique de terre s'ébauche enfin au Sénat en nouvelle lecture. Mais je suis en même temps désolée d'entendre les propos inutilement désagréables de M. le rapporteur - je me permets de le lui dire - ainsi que les leçons qu'il entend nous donner depuis tout à l'heure.
Lors de la seconde lecture, le groupe socialiste avait tenté de lancer ce débat en montrant que l'application stricto sensu du dispositif actuel conçu pour l'analogique, qui limite la détention pour une personne morale à 49 % des parts de capital d'une société autorisée à émettre, n'était pas raisonnablement applicable tel quel au numérique de terre.
Notre amendement n'avait malheureusement suscité aucun écho sur ces travées. Il n'était certes pas parfait, et nous nous étions rendus à l'argument présenté par le Gouvernement, que Mme le ministre rappelait à l'instant, argument qui nous alertait sur les dangers de fragiliser la règle des 49 % en analogique.
L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a proposé un dispositif diamétralement opposé à celui que nous avions essayé d'élaborer.
Je suis donc heureuse de voir que, à travers les amendements de notre collègue Michel Pelchat, une solution commune peut être proposée par les deux assemblées, solution qui permettrait à un opérateur de contrôler à 100 % l'une de ses filiales éditrice de programmes en numérique hertzien terrestre. Les opérateurs historiques, qui constitueront, nous le savons bien, le fer de lance du numérique de terre au départ, devront pouvoir s'appuyer sur leurs chaînes thématiques à faible audience qui ont été créées pour être distribuées sur le satellite ou le câble et qui ne sont donc pas pour l'instant soumises à la règle des 49 %. Il ne serait pas raisonnable, nous semble-t-il, que leur diffusion en numérique les conduise à une réorganisation de leur capital dès le départ.
Je pense donc que cet amendement constitue une solution adaptée au numérique de terre qui ménage à la fois les intérêts des opérateurs historiques et la place faite aux nouveaux entrants qui apporteront - chacun en convient - une bouffée d'oxygène dans notre paysage audiovisuel français et, en particulier, à la production française.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes). M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 84
Contre 235

Article 27 bis F