Séance du 22 juin 2000
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre de l'intérieur, ma question s'inscrit dans le prolongement de celle qu'a posée mon collègue M. Dulait et de la réponse que vous y avez apportée.
Dans votre réponse, vous avez fait référence à une loi, la loi « Chevènement ». Si, aujourd'hui, nous connaissons un « désordre territorial », c'est parce qu'il y a deux lois qui sont contradictoires,...
M. Adrien Gouteyron. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Raffarin. ... divergentes, avec des calendriers distincts : la loi « Voynet » et la loi « Chevènement ». Nous sommes confrontés à deux logiques territoriales différentes.
Prenons l'exemple du Marais poitevin - mais on pourrait en prendre beaucoup d'autres.
Dans cette région, des communes rurales veulent être le premier pays interrégional, avec une charte pour pouvoir défendre cette cathédrale de verdure, avec une logique de pays. Elles ont obtenu des crédits dans le contrat de plan, et elles veulent aller vite. A côté de cela, la ville de Niort, qui est naturellement intéressée par les fonds européens prévus pour ce territoire, dit : « Non ! ce sera la logique de l'agglomération. »
Logique de pays contre logique d'agglomération ! Il y a une course de vitesse à un an des élections municipales !
Qu'on laisse jouer la démocratie ! Pourquoi bousculer le calendrier ? Pourquoi brutaliser ainsi des conseils municipaux en fin de mandat ? Prenons le temps, donnons le temps au temps, laissons la démocratie s'exercer et demandons aux préfets de lever un peu le pied, autorisons-les à ne pas respecter la cadence qu'on semble leur imposer.
Si les choses devaient continuer ainsi, nous serions obligés d'organiser nous-mêmes des référendums régionaux. Je connais d'ailleurs plusieurs conseils régionaux qui seraient prêts à participer au financement de ces consultations... afin de décharger l'Etat des frais d'organisation ! (Rires sur plusieurs travées du RPR.) Il serait inconcevable qu'à un an des élections municipales on bouscule l'organisation territoriale. Les nouvelles équipes décideront ensuite, en leur âme et conscience.
Nous avons apprécié la prudence et la modération de votre propos, monsieur le ministre, quand vous avez dit que vous faisiez confiance aux élus. C'est l'objet de ma question. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, il n'y a pas de concurrence, ou de contradiction, entre la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dite « loi Voynet » - à tort d'ailleurs - et la loi du 12 juillet 1999, qui ne mérite d'ailleurs pas non plus d'être appelée « loi Chevènement », car les lois votées par le Parlement de la République sont des lois de la République ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Donc il n'y a pas de contradiction, d'une part, entre les pays, qui ont été créés par la LOADT, et, d'autre part, les communautés d'agglomération. La raison en est très simple : les pays n'ont pas de personnalité juridique ; ils doivent s'appuyer sur des communautés de communes, et sur des syndicats mixtes si ces communautés de communes veulent se mettre d'accord ; ce sont des espaces de projets, ce ne sont pas des espaces institutionnels. Il en va tout à fait différemment pour les communautés d'agglomération, ou les communautés de communes, notamment à dotation bonifiée, quand elles choisissent la taxe professionnelle unique et un niveau relativement élevé d'intégration de compétences.
Je constate que, jusqu'à présent, cette loi a été bien appliquée. Je pense que cela tient à l'esprit très consensuel dans lequel elle a été adoptée.
On constate en effet que cinquante et une communautés d'agglomération avaient été créées au 1er janvier 2000, avec des villes importantes telles que Rennes, Grenoble, Amiens et Dijon, que deux cent quatre-vingt-dix-huit établissements publics de coopération intercommunale ont adopté la taxe professionnelle unique, dont cent trente communautés de communes, et que l'intercommunalité se développe donc à une vitesse accélérée. Dans notre pays, trente-sept millions d'habitants sont concernés par des groupements intercommunaux à fiscalité propre.
J'indique pour vous répondre précisément, monsieur le sénateur, que ce mouvement ne s'interrompt pas, à ma grande surprise, car j'étais, comme vous, convaincu qu'à proximité des échéances électorales un certain nombre d'élus allaient lever le pied. Je constate qu'il n'en est rien, puisque, actuellement, entre vingt et trente communautés d'agglomération continuent à « cheminer ». Des délibérations sont adoptées par les élus. Ce n'est pas à l'Etat de dicter aux élus ce qu'ils doivent décider !
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien ! C'est ce que nous demandons.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Des lois s'appliquent, et elles doivent s'appliquer.
C'est donc avec émerveillement que je regarde la manière dont le mouvement continue, se riant, en quelque sorte, des échéances électorales,...
M. le président. Terminez, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. ... ce qui nous donnera un maillage complet. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
PRIX DU CARBURANT POUR LES PÊCHEURS