Séance du 15 juin 2000
ALLOCATION DE SOLIDARITÉ FAMILIALE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 404,
1999-2000) de M. Lucien Neuwirth, fait au nom de la commission des affaires
sociales sur la proposition de loi (n° 348, 1999-2000) de MM. Lucien Neuwirth,
Jean Delaneau, Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis
Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian
Demuynck, Charles Descours, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge
Franchis, Francis Giraud, Alain Gournac, Claude Huriet, André Jourdain, Henri
Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Jacques
Machet, Max Marest, Georges Mouly, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian
Payet, André Pourny, Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Louis Souvet,
Martial Taugourdeau, Alain Vasselle et Guy Vissac instituant un congé et une
allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie
d'un enfant ou de fin de vie d'un proche.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur de la commission des affaire sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au début de mon propos, je
voudrais indiquer, notamment à l'attention du Gouvernement, que la coïncidence
de l'examen de notre proposition de loi avec la tenue de la conférence de la
famille est purement fortuite : le 15 juin correspondait à l'espace concédé aux
initiatives parlementaires. Nous avons retenu cette date depuis longtemps, car
l'adoption de cette proposition de loi apparaît en effet urgente à la
commission des affaires sociales. Certes, on peut toujours attendre
l'élaboration, puis l'adoption, d'un texte plus global mais, dans l'intervalle
les problèmes demeurent et des familles souffrent.
En écoutant ce matin les informations à la radio, et en prenant connaissance
de la dépêche de l'AFP, j'ai ainsi appris que le Gouvernement, fort
opportunément, reprenait à son compte les conclusions des travaux de la
commission des affaires sociales.
Aussi, nous ne voulons pas croire que le Gouvernement oppose à notre
initiative sa volonté de parvenir prochainement à la rédaction d'un projet de
loi aux ambitions plus vastes, plus généreuses peut-être, concernant l'ensemble
de la politique familiale.
En effet, le calendrier parlementaire, en matière sociale, apparaît très
chargé pour l'automne prochain, et l'on voit mal comment le congé pour enfants
malades et l'allocation de solidarité familiale pourraient être institués
rapidement compte tenu du nombre de textes « sanitaires et sociaux » annoncés
par le Gouvernement, dont aucun ne sera adopté au cours de la présente session
et qui tous, à l'évidence, ne pourront être examinés à l'automne prochain.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis la ferme intention
d'être très attentive à toutes les propositions gouvernementales d'amélioration
de ses conlusions, et elle accepte par avance qu'un texte plus ambitieux
vienne, plus tard, améliorer, si nécessaire, notre loi.
Nous souhaitons ainsi que le consensus évident en faveur de l'aide aux
familles d'enfants malades puisse s'exprimer rapidement, tant au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale. Dans cette affaire, je voudrais dire que personne n'a le
privilège de la générosité du coeur.
La proposition de loi soumise à votre examen vise à instituer, mes chers
collègues, une aide significative et concrète aux parents qui sont contraints
de suspendre ou de réduire leur activité professionnelle pour soigner leur
enfant malade ou accidenté, ainsi qu'à ceux qui veulent accompagner un proche
en fin de vie.
Dans la situation actuelle, en effet, les familles sont contraintes de
solliciter l'aide facultative des caisses d'assurance maladie ou des
collectivités locales : elles n'ont aucun droit en la matière, n'ont personne
vers qui se tourner. On constate des arrêts maladie, disons-le, de
complaisance, ou des licenciements à l'amiable demandés par les familles
elles-mêmes, ce qui n'est pas digne de notre système social.
Le texte que nous examinons aujourd'hui institue d'abord un droit à congé au
profit des parents salariés ou fonctionnaires lorsque l'état de santé de leur
enfant justifie des soins d'une durée d'au moins trois mois. Les parents auront
donc le choix entre la réduction d'activité à temps partiel prévue par le droit
en vigueur et un congé d'une durée maximale de six mois renouvelable.
La proposition de loi institue une allocation de présence familiale, qui
pourra être servie à taux plein ou partiel pendant la période d'interruption ou
de réduction d'activité. Cette allocation profitera à tous les parents, qu'ils
soient salariés, fonctionnaires ou indépendants. Elle pourra également être
servie aux personnes qui bénéficient du congé d'accompagnement d'une personne
en fin de vie institué par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à
l'accès aux soins palliatifs.
Le titre premier de la proposition de loi institue, dans ses articles 1er et
2, un congé pour enfant malade au profit des salariés et des fonctionnaires.
Ce congé, d'une durée maximale de six mois et renouvelable une fois,
bénéficiera aux salariés et aux fonctionnaires qui assument la charge d'un
enfant de moins de seize ans dont l'état nécessite, en raison d'une maladie ou
d'un accident graves, des soins d'une durée au moins égale à trois mois en
établissement ou en ville.
L'obtention du congé est rapide : le salarié doit simplement en informer
l'employeur par lettre recommandée.
Pendant le congé, le contrat de travail est simplement suspendu, le salarié
retrouvant son emploi précédent ou un emploi similaire assorti d'une
rémunération au moins équivalente à l'issue du congé.
L'article 3 de la proposition de loi vise, quant à lui, à supprimer le dernier
alinéa de l'article L. 225-15, institué par la loi visant à garantir le droit à
l'accès aux soins palliatifs, qui définit le congé d'accompagnement des
personnes en fin de vie.
Cet alinéa prévoyait qu'« un décret en Conseil d'Etat détermine en tant que de
besoin les modalités d'application de cet article ». Ce décret n'ayant pas été
publié, et bien que le texte législatif soit souple - « en tant que de besoin »
- de nombreuses personnes m'ont écrit pour savoir si elles pouvaient demander
quand même le bénéfice d'un congé d'accompagnement.
Le 9 mai dernier, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux
handicapés, a indiqué à notre collègue Claude Huriet, qui avait été mandaté par
la commission des affaires sociales du Sénat pour s'entretenir avec elle de
l'état d'application des lois dans le domaine sanitaire, qu'un décret n'était
pas nécessaire pour préciser l'article L. 225-15 du code du travail, qui était
clair. La suppression proposée par le présent article apparaît donc tout à fait
dans la ligne et donc justifiée.
Le titre II de la proposition de loi institue une nouvelle prestation
familiale destinée à encourager l'exercice de la solidarité familiale lorsque,
dans une famille, un enfant est malade ou un proche est en fin de vie.
Les articles 4 à 8 fixent le régime de cette allocation.
Les articles 4 et 5 instituent l'allocation de présence familiale et précisent
les conditions, liées à l'état de l'enfant, pour en bénéficier.
Ces conditions sont strictement alignées sur les conditions à remplir pour
bénéficier du congé pour enfant malade prévu par les articles 1er et 2 de la
présente proposition de loi : l'enfant doit être à charge, au sens du droit des
prestations familiales, être âgé de moins de seize ans et souffrir d'une
maladie ou avoir été victime d'un accident qui occasionne des soins d'une durée
supérieure ou égale à trois mois.
La prestation profitera non seulement aux salariés et aux fonctionnaires, mais
aussi aux indépendants et, plus généralement, à toute personne qui « cesse,
réduit ou suspend son activité professionnelle ». Elle sera donc accordée en
cas de démission, de congé pour enfant malade ou de réduction de l'activité à
temps partiel.
Afin de ne pas favoriser une inutile complexité du droit des prestations
familiales, la proposition de loi prévoit tout simplement que le montant de
l'allocation de présence familiale sera aligné sur celui de l'allocation
parentale d'éducation, soit un peu plus de 3 000 francs par mois à taux
plein.
L'article 6 de la proposition de loi détermine le régime de l'allocation de
présence familiale à taux partiel.
Cette allocation sera attribuée aux personnes, salariées, fonctionnaires,
indépendantes ou exerçant, plus généralement, une activité professionnelle qui
auront réduit leur activité en raison de la maladie de leur enfant.
L'article 7 prévoit, quant à lui, que la durée de service de l'allocation
correspond à celle de la période de suspension ou de réduction de l'activité,
sans que celle-ci puisse excéder ni la durée des soins, ni une année. Les
conditions de cumul de l'allocation avec d'autres prestations sont tout
simplement alignées sur celles de l'allocation parentale d'éducation.
L'article 8 étend le bénéfice de l'allocation de présence familiale, d'une
part, aux personnes bénéficiaires du congé d'accompagnement d'une personne en
fin de vie, institué par la loi n° 99-477 précitée au profit des proches d'une
personne recevant des soins palliatifs et, d'autre part, aux personnes qui,
sans être bénéficiaires du congé, par exemple parce qu'elles appartiennent aux
professions indépendantes, cessent, suspendent ou réduisent leur activité
professionnelle pour accompagner un proche en fin de vie.
En conclusion, je voudrais rappeler l'important travail accompli, à
l'unanimité, par la commission des affaires sociales afin d'améliorer la
situation de ceux qui souffrent. Je citerai notamment la législation sur la
prise en charge de la douleur, adoptée en 1995, et celle sur les soins
palliatifs, votée l'an dernier.
A chaque fois - je dis bien, à chaque fois - on nous avait mis en garde contre
l'adoption de tels textes. Pour la douleur, on nous avait dit qu'il fallait
faire très attention à ce sujet sensible, les thérapeutiques de lutte contre la
douleur pouvant être utilisées par des toxicomanes. Pour les soins palliatifs,
on nous avait dit, aussi, qu'il fallait faire très attention, que le sujet ne
pouvait être abordé clairement en raison de la prégnance du débat sur
l'euthanasie. Bref, chaque gouvernement avait ses prétextes.
Aujourd'hui, bien entendu, tout le monde se félicite de l'adoption de ces deux
lois, et je remercie une fois encore le Sénat de s'être, à l'unanimité, associé
à cette démarche.
J'espère qu'aucune mauvaise raison ne sera opposée à l'adoption de ce
troisième volet et à l'expression, une nouvelle fois, d'un consensus au sein
de la Haute Assemblée. Ce consensus ne peut que rassurer ceux qui souffrent et,
surtout, favoriser l'édiction rapide de mesures en leur faveur.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je
vous prie de bien vouloir excuser Mme Royal, ministre délégué à la famille et à
l'enfance. Elle aurait beaucoup souhaité participer à ce débat, mais il
coïncide malheureusement avec la conférence de la famille. Elle est retenue,
avec de nombreux autres membres du Gouvernement, auprès du Premier ministre,
qui préside cette conférence ce matin même.
Connaissant mon intérêt de longue date pour toutes les questions qui touchent
à la vie des familles, elle m'a demandé de la suppléer dans cet hémicycle, ce
que je fais avec plaisir et intérêt.
Nous sommes réunis ce matin pour débattre d'une proposition de loi instituant
un congé et une allocation permettant l'exercice de la solidarité familiale en
cas de maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche. Ce texte aurait pour
objet de compenser la perte de revenu de celui des parents qui interromprait
tout ou partie de son activité professionnelle afin de s'occuper à plein temps
ou à temps partiel de son enfant gravement malade ou d'un proche en fin de
vie.
Il est évident que ce sujet transcende les clivages partisans. Comme vous
l'avez souligné avec beaucoup de sensibilité, monsieur le rapporteur, chacun
ici partage le souci exprimé par vous-même, qui êtes l'auteur de la proposition
de loi : permettre le plein exercice de la solidarité et de l'affection
familiales dans les situations les plus dramatiques.
Distinguons, si vous le voulez bien, le dispositif d'accompagnement et d'aide
aux familles pour les soins à un enfant malade du dispositif d'accompagnement
et d'aide pour les soins à un proche en fin de vie.
En ce qui concerne les enfants, personne, en effet, ne peut demeurer
insensible au désarroi et à la douleur d'une mère ou d'un père confronté à la
souffrance de son enfant, à la nécessité de l'accompagner lors d'une thérapie
lourde, voire douloureuse. Pour ces parents, à l'inquiétude s'ajoutent parfois
la détresse de l'éloignement et les affres d'une réorganisation difficile de la
vie familiale, personnelle et professionnelle pour faire face aux conséquences
du diagnostic.
Ce sont ces situations que voudrait corriger la proposition de loi de M.
Neuwirth dans une première partie. En cela, elle rejoint les préoccupations
exprimées par d'autres. Je pense notamment à la proposition de M. Renaud
Muselier et au travail mené par M. Christian Paul et Mme Marie-Françoise
Clergeau, avec lesquels Martine Aubry et moi-même, déjà lorsque j'étais
parlementaire, avons eu de nombreuses discussions.
Bien entendu, le Gouvernement n'est ni étranger ni insensible aux sujets
évoqués. La réflexion d'ampleur et d'ensemble menée sur la politique familiale
depuis trois ans pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens l'entraîne
naturellement à se saisir des questions que nous évoquons, avec une
simultanéité frappante dans le calendrier. En effet, au moment même où nous
discutons ce texte, le Gouvernement s'apprête à annoncer des orientations très
proches dans le cadre de la conférence de la famille.
Je rappelle que, dès 1999, M. le Premier ministre et Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité avaient engagé une démarche résolue en faveur des
familles dans le triple objectif de conforter les parents dans leur fonction
éducative, de faciliter la vie quotidienne des familles et de faire évoluer
notre système de prestations sociales dans le sens non seulement d'une plus
grande justice sociale, mais aussi d'une meilleure adaptation aux besoins
exprimés aujourd'hui très clairement et très concrètement par ces familles.
Un des objectifs majeurs est la conciliation entre vie familiale et vie
professionnelle. Il faudra du temps, de la pugnacité et de la permanence dans
la volonté politique pour non seulement prendre les dispositions permettant de
concilier ces deux activités, mais aussi en garantir les dispositifs et faire
évoluer les esprits et les mentalités. C'est un enjeu majeur de notre société,
un enjeu qui nous rassemble.
En ce qui concerne, plus précisément, les congés pour assurer la garde d'un
enfant malade, le législateur a, jusqu'à présent, procédé par touches
successives, répondant chaque fois à des situations singulières observées dans
son entourage ou rapportées avec beaucoup de sensibilité, sans veiller
forcément - c'est la règle du jeu - à articuler les nouveaux dispositifs à ceux
qui préexistaient dans le domaine de la solidarité familiale ou des acquis
professionnels.
Ainsi, plusieurs congés et des aménagements du temps de travail ont déjà été
institués. Je les rappelle rapidement : le congé d'accompagnement créé par la
loi du 9 juin 1999, visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs
sur votre initiative, monsieur le sénateur - je reviendrai sur ce sujet - le
congé parental d'éducation et sa prolongation possible en cas de maladie,
d'accident ou de handicap grave de l'enfant ; enfin, le droit de travailler à
temps partiel en cas de maladie, d'accident ou de handicap grave d'un enfant à
charge.
Au-delà de ces congés spécifiques, la majorité et le Gouvernement ont cherché,
à travers la loi sur la réduction du temps de travail, à favoriser
l'aménagement choisi du temps de travail par le salarié et ont insisté sur
l'intérêt de toujours rechercher la compatibilité entre la réduction du temps
de travail et les choix familiaux.
Pour des raisons liées à leur vie familiale, les personnes qui en ont fait la
demande peuvent désormais bénéficier d'une réduction de leur durée de travail
sous forme d'une ou plusieurs périodes d'au moins une semaine. Cette mesure
permet à des parents d'assurer, par exemple, conjointement ou à tour de rôle,
la charge d'un enfant handicapé pendant les vacances scolaires ou
l'hospitalisation d'un enfant pour un séjour de longue durée.
Les conditions de mise en place d'horaires à temps partiel à la demande des
salariés ont également été précisées lors des discussions sur la seconde loi
relative à la réduction du temps de travail. Sont ainsi fixées les modalités
selon lesquelles un salarié peut présenter sa demande pour passer à temps
partiel ou revenir à temps plein, les conditions dans lesquelles l'employeur
fait connaître sa décision ainsi que les possibilités pour ce dernier de
s'opposer à la demande d'un salarié. Ces modalités sont désormais mieux
encadrées.
Par ailleurs, la seconde loi sur la réduction du temps de travail a posé le
principe suivant lequel le salarié à temps partiel pouvait s'opposer à une
modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la
semaine ou les semaines du mois ou à des changements de ses horaires de travail
lorsque ces modifications ou ces changements sont incompatibles avec des «
obligations familiales impérieuses ». Tel est le cas lorsqu'un salarié veut
s'organiser pour assurer pendant certaines périodes la garde d'un enfant
handicapé, malade ou d'un adolescent qui a besoin de la présence de ses parents
à ses côtés pour traverser une période difficile.
Cependant, ni la réduction d'activité professionnelle ni sa suspension ne sont
aujourd'hui compensées financièrement. C'est la raison de votre proposition de
loi, monsieur le sénateur. C'est la décision désormais arrêtée par le
Gouvernement. En effet, nous nous proposons de créer un congé enfant malade,
assorti d'une allocation de présence parentale calée sur l'allocation parentale
d'éducation à temps plein ou partiel, à savoir 3 000 francs par mois environ en
cas de suspension totale d'activité, et dégressive en fonction du taux
d'activité.
Le Premier ministre préside actuellement la conférence de la famille et va
proposer des mesures effectives pour venir en aide aux familles confrontées à
la maladie grave d'un enfant.
Ce dispositif viserait les cas où des soins et une présence aux côtés de
l'enfant sont nécessaires. Le dispositif concernerait les hospitalisations
périnatales, les maladies génétiques de type myopathie ou mucoviscidose, les
cancers, les allergies lourdes, les accidents graves. Il toucherait environ 13
000 enfants par an, selon nos estimations.
Compte tenu de la situation particulièrement sensible créée par ce type de
maladie, il importe que le déclenchement de l'aide soit très rapide. Le
Gouvernement veillera donc à ce que la procédure d'attribution de cette aide,
tout en procédant aux contrôles nécessaires, soit la plus allégée possible pour
ne pas pénaliser les parents.
L'objectif est d'abord de permettre aux familles d'affronter la survenance
brutale d'un accident ou d'une maladie, de leur donner le temps et les moyens
de s'organiser, dans l'attente soit d'une décision de la commission
départementale de l'éducation spéciale attribuant l'allocation d'éducation
spéciale, soit d'une amélioration de l'état de santé de l'enfant, soit d'une
nouvelle organisation compatible avec la situation créée et les nouveaux
impératifs familiaux.
Je rappelle à cet égard qu'en cas de maladie dont la durée prévisible est d'au
moins un an l'AES est un complément compensant, notamment, la perte de gains
liée à un arrêt partiel ou total d'activité d'un ou des deux parents. Cette
prestation peut atteindre, pour les cas les plus graves, en cas d'arrêt complet
d'activité d'un des parents ou de recours à une tierce personne rémunérée, 6
445 francs par mois ; il s'agit de l'allocation de base d'éducation et du
complément de troisième catégorie.
La durée du congé et du versement de l'allocation prévue par le Gouvernement
serait de trois mois renouvelables, jusqu'à ce que l'AES prenne le relai.
Durant le congé, le contrat de travail et la protection sociale du salarié
seraient bien évidemment maintenus.
Le coût de cette allocation de présence parentale partagée est actuellement
évalué à environ 200 millions de francs par an.
Le Gouvernement se propose d'introduire ce dispositif dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001. Il répondra ainsi tout à la fois
à l'attente des familles et aux initiatives parlementaires multiples, dont la
vôtre, monsieur Neuwirth, qui se font les relais d'une opinion publique
inquiète et soucieuse de parer aux moments les plus difficiles de la vie
familiale.
En ce qui concerne le congé d'accompagnement pour les proches des personnes en
fin de vie, créé par l'article 11 de la loi du 9 juin dernier visant à garantir
le droit à l'accès aux soins palliatifs, vous aviez souhaité préciser dans la
loi qu'un décret serait pris « en tant que de besoin », en application de cet
article et pour en déterminer les modalités.
Vous prévoyez dans l'actuelle proposition de loi de supprimer la mention du
décret. Je peux vous assurer, aujourd'hui, après expertise personnelle
approfondie de la question, que la loi est sur ce point immédiatement
applicable, en son état actuel, et ne nécessite pas, pour l'heure, d'être
précisée par un décret d'application, tant qu'il s'agit, comme convenu
jusqu'ici, d'un congé non rémunéré. En effet, les termes de la loi sont
suffisamment précis pour autoriser qui le souhaite à bénéficier de ce congé, à
sa demande et sur production d'un certificat médical, congé qui peut, je vous
le rappelle, durer jusqu'à trois mois ou être transformé à la demande de
l'intéressé en une période d'activité à temps partiel, toutes modalités
précisées dans le souci d'une grande accessibilité et souplesse pour les
personnes concernées.
En revanche, la volonté que vous exprimez ce matin de rémunérer ce congé ne
peut être validée aujourd'hui par le Gouvernement. Les premiers chiffrages qui
avaient été esquissés l'an dernier évaluaient à 1 milliard de francs le coût
d'une telle allocation. Rien n'assure en outre que cette estimation soit la
bonne. Une telle décision ne peut donc être prise à ce stade, nous le
regrettons.
Mais, vous le savez - le Premier ministre l'a annoncé à l'occasion de la
conférence de presse sur les retraites - une réforme profonde de la prestation
spécifique dépendance sera proposée au Parlement avant la fin de l'année.
Vous avez rappelé que le calendrier parlementaire, notamment pour le secteur
de l'action sociale, est particulièrement chargé. Mais il nous appartient, avec
les présidents de chacune des assemblées, de hiérarchiser les priorités en
fonction de l'intérêt des projets de loi et de l'attente de l'opinion
publique.
Ce projet de loi tendant à réformer la prestation spécifique dépendance sera
l'occasion d'un débat d'ensemble sur la prise en charge des personnes âgées
dépendantes et sur le soutien que la solidarité nationale leur doit. Nous
aurons donc l'occasion d'évoquer l'ensemble des sujets qui touchent à la fois
aux solidarités familiales et aux solidarités collectives à l'égard des
personnes en fin de vie.
Enfin, à ce stade de mon propos, et parce que nous évoquons la loi relative
aux soins palliatifs, j'en profite pour rappeler que je ferai d'ici à quelques
jours, un an après l'adoption de ce texte important - voté à l'unanimité par
les deux assemblées, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur - un bilan
d'étape quant au point d'avancement de ses autres décrets d'application et
quant au plan triennal du Gouvernement en faveur du développement des soins
palliatifs dans notre pays.
Je suis heureuse d'avoir pu exprimer devant vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, les positions du Gouvernement, dont vous avez pu noter que, sur bien
des points, elles rejoignent vos préoccupations et tentent de concilier
l'intérêt des personnes, l'intérêt des familles et la solidarité nationale.
Ce matin, au moment où M. le Premier ministre préside la conférence de la
famille, j'aurais pu répondre à ce que je peux considérer comme une malice
politique de bon aloi en faisant de la procédure, par exemple en invoquant
d'emblée l'article 40 de la Constitution. En effet, les mesures que vous
proposez dans cette proposition de loi - et je partage une bonne partie de
l'exposé des motifs - ont un impact financier d'une grande ampleur dont le
financement n'est pas assuré dans le texte.
Par respect pour votre Haute Assemblée, mais aussi par respect pour toutes ces
familles vers lesquelles se tourne notre pensée ce matin, j'ai préféré
l'argumentation sincère ouvrant le débat de façon équilibrée et je vous donne
rendez-vous au prochain « véhicule » législatif qui nous permettra d'instruire
la création et le portage financier de ce congé à ouvrir en faveur des parents
d'enfants malades. Cette mesure sera présentée avant la fin de l'année, je puis
vous l'assurer : elle sera inscrite dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des compliments implicites que
vous avez adressés au Sénat et auxquels celui-ci sera très sensible. Comme
toujours, il fait un travail sérieux et formule des propositions qui vont dans
le sens de l'amélioration de notre société.
La parole et à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi qui nous est présentée par M. Lucien Neuwirth se place sur
le plan de la solidarité. Il s'agit de mettre plus facilement en oeuvre la
solidarité familiale et de faire appel à la solidarité de l'Etat, donc de tous
les Français, lorsqu'une famille est touchée par la maladie grave d'un enfant
ou la fin de vie d'un proche.
Le texte qui nous est proposé est en relation à la fois avec la politique
familiale et la politique de la santé. Il touche aux droits de l'enfant et de
la famille ainsi qu'aux droits du malade. Il permet aussi d'apporter un élément
de réponse à des situations familiales qui révèlent de graves inégalités ou des
injustices criantes.
Avant d'examiner ce texte, je souhaite rappeler rapidement la situation, la
conjoncture dans laquelle nous nous trouvons.
Notre pays affiche manifestement une bonne santé, une santé qui s'est
sensiblement améliorée ces dernières années, particulièrement sur les plans
économique et financier.
La croissance est là, une « belle » croissance, dont tout laisse à penser
qu'elle sera durable.
Le chômage est en forte régression : il est passé sous la barre des 10 %.
Les comptes de la sécurité sociale sont équilibrés et ils dégagent même des
excédents, ce qui ne s'était jamais produit depuis 1985.
Les dépenses de santé ont sans doute augmenté au-delà de l'enveloppe maximale
qui avait été fixée par la loi de financement de la sécurité sociale, mais la
baisse du chômage et le retour de la croissance ont contribué à atteindre
l'équilibre, et ce grâce au Gouvernement qui a su créer un niveau de confiance
inégalé et qui a pris les mesures appropriées pour susciter, accompagner et
amplifier la croissance et la baisse du chômage.
Il faut tirer un certain nombre d'enseignements de la nouvelle donne
économique. Elle doit permettre de mettre en avant et de développer, dans un
contexte beaucoup plus favorable, un modèle social alternatif à celui du
libéralisme. Il faut impulser, avec toujours plus de détermination - et le
Gouvernement s'y emploie - une politique alliant « efficacité économique » et «
justice sociale ».
Des réformes sociales de grande ampleur ont été engagées. A été adaptée, en
1998, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui a
reconnu de nouveaux droits et mis en oeuvre de nouveaux outils pour l'insertion
des personnes en difficulté. L'année dernière, c'est la loi portant création
d'une couverture maladie universelle qui a été votée ; elle concerne près de 6
millions de personnes. Et, sur le plan de la solidarité qui doit s'exercer
vis-à-vis des plus fragiles, vous vous êtes engagée, madame la secrétaire
d'Etat, à consacrer 2,5 milliards de francs aux personnes handicapées d'ici à
2003.
Il faut poursuivre dans cette voie et profiter des bons résultats économiques
pour transformer en profondeur la société. Il faut réformer sans crainte et, en
particulier, avoir l'obsession de la justice sociale, obsession qui doit dicter
notre loi quant à une meilleure répartition des richesses dans notre pays.
Nous savons bien - aussi grands que soient les progrès qui ont été accomplis -
que le champ, hélas ! très vaste des inégalités, des injustices n'est pas
couvert autant que nous le souhaiterions et ne peut sans doute pas l'être
complètement.
Il existe ainsi une inégalité devant la maladie et une injustice dans les
situations qui en découlent. La maladie grave d'un enfant, une maladie
nécessitant des soins de longue durée, la fin de vie d'un proche sont
particulièrement éprouvantes. S'il s'y ajoute des difficultés économiques et
financières, parce qu'il y a perte de rémunération ou même risque de perte de
l'emploi, la situation peut devenir dramatique, particulièrement pour les
familles monoparentales, dans le cas de la maladie d'un enfant.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux.
Le nombre de familles monoparentales s'est accru ; c'est un fait de société
qu'il faut prendre en compte. Un adolescent sur quatre est aujourd'hui élevé
par un seul de ses parents. Dans 80 % des cas, il s'agit de la mère qui, nous
le savons bien, est beaucoup plus vulnérable sur le plan de l'emploi.
On constate, depuis quelques années, une prise de conscience de ces problèmes.
Une évolution se dessine : nos concitoyens ressentent davantage le besoin de
faire preuve de solidarité à l'égard des familles éprouvées. Des propositions
de loi ont été présentées en ce sens. La loi du 9 juin 1999 visant à garantir
le droit à l'accès aux soins palliatifs a ainsi institué un droit au congé
d'accompagnement. Le décret d'application n'est pas sorti, mais vous avez dit,
madame la secrétaire d'Etat, qu'il n'est pas nécessaire et que la loi peut
s'appliquer directement. Je citerai aussi les propositions de loi de Christian
Paul puis de Renaud Muselier à l'Assemblée nationale, et une autre qui vient
d'être déposée par Patrick Delnatte et qui prévoit de créer un congé de
solidarité familiale. Ce congé, comme celui que je viens d'évoquer pour les
soins palliatifs, ne donnerait pas lieu à rémunération.
Le Gouvernement a engagé des réflexions sur ce sujet. Vous avez évoqué, madame
la secrétaire d'Etat, le droit à un congé. M. le Premier ministre doit annoncer
ce matin, lors de la conférence de la famille, des mesures pour aider les
familles touchées par la maladie grave d'un enfant, visant précisement à
instituer un congé et à créer une allocation parentale. Nous avons été
sensibles aux informations que vous nous avez données et aux précisions que
vous nous avez apportées. Il s'agit aussi, en créant ce congé, cette allocation
de mieux concilier, comme vous l'avez dit, vie familiale et vie
professionnelle, ce qui reste l'un des thèmes majeurs de cette troisième
conférence de la famille.
Toutes ces propositions et réflexions vont dans le même sens et se rejoignent.
Il faut s'en féliciter, car le problème de ces familles en grande difficulté et
souvent en situation de détresse nous interpelle tous, au-delà des clivages
politiques.
Cela n'empêche pas de reconnaître à notre collègue, Lucien Neuwirth le mérite
qui est le sien d'avoir su poser, avec beaucoup de sensibilité et d'insistance,
les questions auxquelles nous sommes tous confrontés, et de faire des
propositions qui doivent requérir toute notre attention. Mais, ainsi qu'il l'a
dit, personne n'a le privilège du coeur ou de la générosité.
Madame la secrétaire d'Etat, lors du colloque qui s'est tenu à l'Assemblée
nationale le 11 mars dernier sur le thème : Droits de l'homme et santé
publique, vous avez beaucoup insisté sur les droits de la personne malade et
les droits collectifs dans le domaine de la santé. C'est un sujet important et
sensible. Vous souhaitez mettre en place les fondements d'une nouvelle
démocratie sanitaire.
Vous avez posé ou réaffirmé, dans l'intérêt des usagers, certains principes de
fonctionnement du système de santé, notamment l'obligation de moyens pour
assurer la qualité et la continuité des soins. Ne peut-on pas considérer que le
problème qui est soulevé aujourd'hui entre dans ce cadre et nécessite une
obligation de moyens ?
Nous le savons bien, lorsqu'un enfant est gravement malade, hospitalisé pour
une longue durée, la façon dont il est entouré et l'affection qui lui est
prodiguée font partie de la thérapie.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux.
Ne s'agit-il pas aussi du droit de l'enfant à être protégé, comme le stipule
la Convention internationale de droits de l'enfant ?
Et comment ne pas tenir compte de ce que souhaitent et réclament les enfantrs
eux-mêmes ? Le 4 mai dernier, lors de la septième session du Parlement des
enfants, ces derniers ont adopté une proposition visant à améliorer l'accueil
des enfants malades à l'hôpital. Dans l'exposé des motifs, nous pouvons lire
que « tous les enfants redoutent le fait de se retrouver éloignés de leur
famille (...). Pour accepter plus facilement de se laisser soigner et avoir
plus de chance de guérir, l'enfant malade a besoin de la présence de ses
parents (...). Les nuits sont terriblement angoissantes dans sa chambre pour un
enfant seul si maman et papa ne sont pas là. Il se sent abandonné, il ne
comprend pas ».
Et que dire de la fin de vie ? Dernièrement, le Conseil économique et social
relevait que 70 % de nos concitoyens souhaitaient vivre leurs derniers moments
chez eux, entourés de leurs proches, alors que, dans les faits, seuls 26 % en
auraient la possibilité. Il faudrait favoriser la fin de vie au domicile chaque
fois que le patient en exprime le désir. Comment faire pour que cela soit non
pas un slogan, mais la réalité d'un système de soins qui aura su prévoir la
lourdeur de la prise en charge, préparer les professionnels, ouvrir le monde
hospitalier à un travail en réseau avec les partenaires libéraux et aussi, bien
sûr, soutenir les familles et adapter les ressources d'aides aux familles
démunies ? Ce sont beaucoup de questions qui se posent.
La proposition de loi qui nous est présentée, le débat que nous avons engagé
ne concernent pas uniquement les seuls malades et leur entourage. Il s'agit
bien d'un choix de société et d'une volonté d'agir pour que s'exerce une plus
grande solidarité. En effet, c'est à la place faite aux plus faibles et à ceux
qui souffrent que l'on reconnaît la qualité d'une société. Et force est de
constater, en l'état actuel des choses, que, dans le cas d'une maladie grave,
d'un accident entraînant un handicap chez un enfant, ni le droit du travail ni
le système de protection sociale n'incitent au plein exercice de
l'indispensable solidarité familiale. Il en est de même dans le cas de la fin
de vie d'un proche.
Il est important que les politiques publiques permettent à la solidarité de
pouvoir s'exprimer, et ce plus particulièrement lorsque les situations sont
dramatiques. Dans le cas d'un enfant malade et nécessitant des soins importants
et longs, la possibilité, pour la personne qui en assume la charge, de
bénéficier d'un congé est essentielle.
Reste que l'inscription dans la loi de ce droit à un congé de présence
familiale se révélerait insuffisante si ce droit n'était pas assorti de
prestations significatives. Cela constitue la condition nécessaire à l'exercice
égalitaire du droit.
Si nous nous réjouissons, par conséquent, des mesures qui sont annoncées
aujourd'hui par le Premier ministre, et qui vont tout à fait dans ce sens, nous
souhaitons que ce congé soit complété - et cela est possible - par une
allocation de présence familiale pour l'accompagnement de fin de vie, et que
les dispositions correspondantes figurent, ainsi que vous nous l'avez dit, dans
un texte prochain.
Nous vous remercions, madame la secrétaire d'Etat, des précisions que vous
nous avez apportées sur le dispositif que le Gouvernement envisage de mettre en
place, sur ses modalités et sur son financement, même s'il faudra sans doute
affiner.
Je voudrais dire, pour conclure, que les dispositions prévues par Lucien
Neuwirth dans le texte qu'il nous a présenté vont sans aucun doute dans le bon
sens ; elles constituent, en tout cas, une base intéressante de propositions à
partir desquelles nous devrions engager la discussion avec le Gouvernement pour
pouvoir dégager ensemble les conditions dans lesquelles la loi pourrait
favoriser l'exercice de la solidarité familiale en cas de maladie d'un enfant
ou de fin de vie d'un proche.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur
applaudit également.)
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi présentée par M. Neuwirth, visant à instituer un congé et
une allocation favorisant l'exercice de la solidarité familiale en cas de
maladie d'un enfant ou de fin de vie d'un proche, entend répondre à un vrai
problème.
De quoi s'agit-il ? D'un dilemme extrêmement simple et particulièrement
tragique. Il se pose aux personnes qui travaillent et qui souffrent moralement
de voir leur enfant gravement malade ou un parent sur le point de quitter la
vie. L'élan naturel est de se porter au secours de ceux qui souffrent, en étant
au moins présent à leurs côtés. Mais il faut bien que les revenus continuent à
rentrer pour assurer la subsistance du foyer.
Tout le monde saisit quelle détresse accompagne une telle situation. Après
l'instauration d'un congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie,
institué voilà un an, par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit
d'accès aux soins palliatifs, il faut créer un congé pour les parents ayant un
enfant gravement malade et instituer une allocation permettant de procurer des
ressources à ceux qui, pendant ces moments ne peuvent plus assurer leur emploi.
Chacun invoque à cette occasion, le dépassement des clivages politiques. C'est
heureux et c'est réconfortant !
L'enjeu est donc de permettre à ceux qui travaillent de pouvoir assister un
proche dans un état de santé grave tout en les préservant d'une précarisation
de leur situation professionnelle.
Il y a à ce propos un vide dans notre droit, vide que vous avez rappelé et que
vous nous proposez de combler, monsieur le rapporteur.
Ces derniers mois, diverses propositions de loi ont été rédigées concernant
les congés ou les allocations qui seraient attribués pour permettre cette
nécessaire présence auprès d'enfants gravement malades ou de parents en fin de
vie. A cette réflexion parlementaire s'ajoute celle du Gouvernement. Je
rappelle qu'aujourd'hui même se tient la conférence de la famille.
Vous avez d'ailleurs alimenté votre travail, monsieur le rapporteur, grâce aux
pistes que Mme la secrétaire d'Etat à la santé avait tracées en décembre
dernier à l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la proposition de loi
de M. Muselier.
Si votre souci d'aller vite est louable, il est toutefois dommage que vous
n'ayez pas davantage tenu compte des dispositions qu'avait suggérées notre
collègue Christian Paul dans sa proposition de loi. Elles avaient un même
objectif mais protégeaient mieux, me semble-t-il, les personnes susceptibles de
prétendre à ce congé. J'y reviendrai.
Tout le monde ne peut que souscrire à l'objectif de générosité dont il est ici
question. Mais les solutions proposées doivent être efficaces, réelles et
crédibles faute de quoi elles ne relèveraient que de l'incantation. Il faut
être clair vis-à-vis des personnes concernées.
Comment ces mesures seront-elles financées ? La proposition de loi qui nous
est soumise, il faut bien l'admettre, est floue sur ce point, ainsi que sur
l'évaluation de leur coût. Mais quand bien même le coût de ces mesures serait
élevé, il faudrait chercher à résoudre les profondes difficultés qui se posent
aux proches d'enfants, de parents, de toute personne malade vivant sous leur
toit et qui, dans ces circonstances douloureuses, leur doivent, et se doivent,
d'être physiquement auprès d'eux.
Vous rappelez que les enfants gravement malades représenteraient moins de 2
000 cas par an. D'autres chiffres, notamment ceux que vient de citer Mme la
secrétaire d'Etat, semblent indiquer que plus de 10 000 enfants seraient
concernés. Je pense qu'il serait nécessaire que nous disposions de chiffres sur
lesquels nous serions d'accord.
Concernant les personnes qui sont en soins palliatifs, monsieur le rapporteur,
vous vous fondez sur leur faible nombre actuel. N'oublions pas que notre
volonté est que ces soins puissent bénéficier à un plus grand nombre de
personnes.
On ne peut pas prétendre qu'il y a de véritables besoins et soutenir que leur
couverture ne coûtera rien ! Sans contester le mérite de ce texte, je ne pense
pas souhaitable qu'il se limite à un simple effet d'annonce.
Pourtant, mes chers collègues, l'aspect financier ne peut être considéré comme
le point essentiel.
En effet, la présence des proches est nécessaire parce que le réconfort
qu'elle procure peut aider à la guérison d'un enfant et participer au
soulagement de la douleur physique ou morale, voire physique et morale. Les
spécialistes s'accordent pour le reconnaître.
Ne peut-on considérer également qu'une plus grande proximité avec l'enfant
permet un meilleur suivi de sa santé, par une plus grande attention portée à
l'apparition de symptômes anormaux pouvant permettre une action plus rapide
contre l'évolution de la pathologie ? Une présence accrue permet aussi d'aller
dans le sens d'une diminution des accidents.
Pour les personnes âgées, la participation à des contacts plus fréquents avec
les autres membres de la famille peut contribuer au maintien du moral et
favoriser un meilleur état de santé. L'entrée dans une période de fin de vie
proprement dite peut s'en trouver retardée.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, doit donc s'inspirer d'une
réflexion plus générale sur le temps qu'il faut libérer pour la famille. Ce
temps peut aussi être envisagé de façon plus positive, pour profiter de moments
heureux et pour en créer les occasions.
En ce qui concerne plus particulièrement les personnes âgées, soit on se
contente de ce qu'apporte le texte - c'est déjà beaucoup - soit on cherche à
répondre au souci de les réintégrer pleinement dans la cellule familiale, et ce
serait plutôt mon choix. Une politique globale s'impose alors, qui
correspondrait à ce que déclarait récemment Lionel Jospin sur le rôle social
que doivent pouvoir tenir les personnes âgées.
Dans le domaine des mesures destinées à bien faire, mais qu'il aurait fallu
incontestablement mieux élaborer et surtout mieux financer, je mentionnerai la
PSD, la prestation spécifique dépendance.
Cette prestation prétendait, elle aussi, répondre à un vrai besoin. Dans leur
majorité, les personnes concernées en ont-elles bénéficié ? Non. Tout le monde
sait que ce dispositif fonctionne mal et qu'il doit être révisé. Les inégalités
sont flagrantes. Le Gouvernement travaille à élaborer un dispositif
d'allocation et de compensation qui, sur la base d'un rapport remis par
Jean-Pierre Sueur, irait au-delà de la question de la dépendance pour poser
celle de l'autonomie. On retrouve ici le volontarisme du Gouvernement qui
souhaite substituer le droit à l'assistance.
Je crains par ailleurs, mes chers collègues, que votre texte ne porte en lui
quelques imperfections qui pourraient engendrer de nouvelles inégalités.
M. Jean Chérioux.
Il faut l'amender !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Votre dispositif de congé pour enfant malade et l'allocation de présence
familiale s'appliqueraient à tous les parents, salariés, fonctionnaires ou
indépendants. Est-ce suffisant ? Cela met-il tout le monde à égalité ? Ce n'est
pas sûr.
D'abord, l'organisation et les modalités d'obtention du congé sont
insuffisamment encadrées. Pour le salarié, la proposition de loi pourrait
prévoir, rejoignant en cela les propositions de notre collègue député
socialiste Christian Paul,...
M. Jean Chérioux.
Ça, c'est une référence au moins !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ecoutez, monsieur Chérioux ! C'est intéressant...
M. Jean Chérioux.
C'est stupéfiant !
M. Alain Gournac.
C'est intéressant parce que c'est socialiste !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ainsi, disais-je, pourrait être prise en compte dans la détermination des
avantages liés à l'ancienneté la moitié de la durée du congé. Pourrait en outre
être garanti le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé.
Enfin, à l'issue du congé, le salarié pourrait bénéficier d'un droit à une
action de formation professionnelle.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est relativement silencieux sur ces
aspects et se limite à la garantie du congé annuel. Ne fallait-il pas en outre
examiner la possibilité de prendre en compte la durée de ce congé pour
l'avancement et le calcul de la retraite ?
Toutes ces questions restent posées, et nous devrons bien y répondre, monsieur
Chérioux.
Par ailleurs, la question de l'aggravation des inégalités professionnelles
entre hommes et femmes n'est pas traitée.
On sait bien que, dans le couple, ce sera la femme qui demandera le congé
plutôt que l'homme, tout simplement pour conserver au foyer le salaire de
celui-ci, en moyenne plus élevé. C'est donc la femme qui verra son parcours
professionnel fragilisé. Pour elle, la réinsertion est en général plus
problématique. Il me semble que cet aspect de la question doit être beaucoup
plus approfondi.
Pour l'équilibre de la famille, il est bon que le père soit proche de l'enfant
qui souffre. C'est bon pour l'enfant, c'est bon pour le père, c'est bon aussi
pour la mère.
La proposition de loi ne fait qu'envisager le cas où les deux parents
voudraient être présents auprès de l'enfant. Votre réponse, sur ce point, est
assez modeste, monsieur le rapporteur.
Quoi qu'il en soit, il faut avancer. Cette proposition de loi constitue un
apport, une étape nécessaire et utile. Elle trouve sa place dans un processus
de réflexion et d'action sur le temps libéré et les solidarités familiales.
Lorsque l'on parle de temps libéré, on pense bien sûr à la réduction du temps
de travail. Pour tout le monde, la loi sur les 35 heures avait comme objectif
prioritaire de contribuer à réduire le chômage, et il baisse ; mais il
s'agissait aussi de permettre à des liens de se créer, de se reformer. Par les
nouveaux comportements qui en découlent, appelant de nouveaux modes de vie,
cela n'est sans doute pas étranger à la croissance que notre pays connaît.
Pour lier cette réflexion au sujet que nous examinons aujourd'hui, je dirai
qu'on peut aller plus loin en définissant mieux les liens, notamment les liens
familiaux, que l'on veut promouvoir par une augmentation du temps libéré, parce
qu'ils sont porteurs de solidarité, et ce d'autant plus que le drame et la
maladie sont là.
Ce texte pose très clairement l'existence d'un besoin que la poursuite du
processus de réduction du temps de travail, avec une adaptation à ce cas
spécifique, peut résoudre au moins partiellement.
Il aurait probablement pu être enrichi par les réflexions menées dans le cadre
des concertations organisées pour la préparation de la conférence de la
famille.
Mes chers collègues, la conférence de la famille, qui se tient aujourd'hui,
doit proposer des solutions. Nous en connaissons un certain nombre ; Mme la
secrétaire d'Etat nous en a fait part à l'instant.
En attendant qu'une loi soit définitivement votée, l'exposé de ces mesures
doit inspirer le contenu des tout prochains textes que nous aurons à examiner :
le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le texte relatif à
l'autonomie des personnes âgées. Ces textes devront apporter des solutions
effectives aux difficultés dont traite la proposition de loi que M. Neuwirth
nous soumet ce matin.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
(M. Guy Allouche remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon
propos portera à la fois sur le congé d'accompagnement d'une personne en fin de
vie, instauré par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès
aux soins palliatifs, et sur les perspectives de développement de
l'hospitalisation à domicile, dans un contexte où l'hôpital tend à devenir le
dernier lieu de vie des Français, puisque, aujourd'hui, plus de 70 % de la
population meurt à l'hôpital ou en institution.
Coupée de son milieu familier, de ses relations sociales habituelles, la
personne mourante se retrouve dans un environnement technicisé et impersonnel,
dans lequel elle est comme déshumanisée et dépossédée de sa mort.
Bien sûr, ce constat est à relativiser quand elle bénéficie d'un
accompagnement grâce aux soins palliatifs. Mais nous devons entendre le souhait
de la majorité de la population de pouvoir vivre ses derniers moments chez
elle, dans son cadre familial et social habituel, afin de pouvoir inscrire sa
mort dans l'histoire familiale.
Ce qui doit nous guider, c'est la nécessité de redonner aux personnes en fin
de vie toute leur place dans notre société, dans le monde des vivants, et ce
jusqu'à leur dernier instant. Les malades doivent pouvoir choisir de mourir à
leur domicile ou à l'hôpital, tout en étant assurés de la continuité de leur
prise en charge, de la qualité des soins et de l'accompagnement, ainsi que de
l'égalité devant les charges financières. Pour ma part, je pense que la
proposition d'un congé rémunéré formulée par notre collègue Lucien Neuwirth
pourrait y contribuer.
Ne soyons pas hypocrites ! Sans indemnisation du congé d'accompagnement,
celui-ci restera soit un dispositif théorique, soit une mesure tout à fait
inégalitaire, favorable aux seules personnes pouvant se permettre de voir leurs
revenus baisser au moment même où des problèmes financiers liés à la maladie
peuvent apparaître. C'est pourquoi il est essentiel que le Gouvernement
propose, dès que possible, une solution de financement satisfaisante.
D'ailleurs, c'est bien la direction dans laquelle il s'était engagé, comme
Bernard Kouchner l'avait précisé à la Haute Assemblée en avril dernier, lors de
la discussion de la proposition de loi sur les soins palliatifs : « Outre les
financements éventuels que les rédacteurs de cette proposition de loi ne
prévoient pas, et qu'ils ne peuvent pas prévoir en l'état du travail, mais
qu'ils appellent de leurs voeux, cette concertation interministérielle devra
permettre de se prononcer sur la pertinence de la création d'un seul congé
d'accompagnement d'une personne en fin de vie ou sur celle d'un congé aux
visées plus larges, incluant notamment l'assistance à une personne dépendante.
Par ailleurs, la concertation devrait contribuer à préciser les modalités de
prise en charge de ce congé. »
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, souhaiterais-je savoir quelles sont les
conclusions dégagées dans le cadre de cette concertation interministérielle et
les mesures actuellement envisagées.
Bénéficier d'une allocation en cas d'interruption ou de réduction de
l'activité professionnelle pour accompagner un proche en fin de vie pourra
permettre à plus de personnes de finir leur vie chez elles si l'on apporte à la
famille un soutien non seulement matériel mais aussi psychologique, afin de
mieux répondre à l'épuisement familial et aux angoisses du malade.
Bien sûr, il s'agit non de nous décharger sur les familles de notre devoir de
solidarité envers les mourants et leurs proches, mais de leur assurer un
soutien dans cette période particulièrement pénible et douloureuse.
Pour ce faire, ces mesures doivent s'inscrire dans une politique volontariste
en matière d'hospitalisation à domicile, dont certains pensent qu'elle
constitue une des voies de la médecine de l'avenir.
D'un point de vue strictement économique, nous devons avoir en tête le coût
des différentes prises en charge d'un malade en fin de vie : de 3 000 à 5 000
francs par jour en service actif hospitalier, 2 200 francs lorsqu'il bénéficie
de soins palliatifs et 1 200 francs en hospitalisation à domicile.
En février 1999, lorsque le Conseil économique et social avait rendu son avis
sur l'accompagnement en fin de vie, prônant une loi d'orientation et de
programmation, le secrétaire d'Etat à la santé avait indiqué que ses services
travaillaient à un nouveau cadre juridique de l'hospitalisation à domicile. Où
en est ce projet de réforme, madame la secrétaire d'Etat ?
Récemment, le comité consultatif national d'éthique, dans son rapport intitulé
Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie,
affirmait : « Il n'est jamais sain
pour une société de vivre un décalage trop important entre les règles affirmées
et la réalité vécue », et ouvrait la voie à une sorte d'exception
euthanasique.
Je pense que la prise en charge de la fin de vie par les soins palliatifs, si
elle réduit de manière significative les demandes euthanasiques, ne peut
néanmoins résoudre à elle seule la question de l'euthanasie. C'est pourquoi il
est nécessaire qu'un large débat s'engage au sein du Parlement sur la fin de
vie et l'euthanasie. Il me semble que les Français sont prêts, eux, à le tenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors
que chacun dénonce le délitement des liens entre les individus, la perte des
repères et l'essoufflement de l'entraide entre les proches, il apparaît
particulièrement opportun de favoriser la solidarité familiale quand elle
s'exerce spontanément.
En effet, lorsque celle-ci est seule à même de favoriser le rétablissement
d'un enfant ou d'accompagner de la façon la moins douloureuse possible la fin
d'une vie, elle doit être encouragée et soutenue. Or notre droit ne le permet
pas.
Ainsi que l'a parfaitement exprimé notre excellent collègue Lucien Neuwirth,
auteur et rapporteur du texte que nous examinons aujourd'hui, les lacunes du
droit du travail et de la fonction publique ne permettent pas de laisser
s'exprimer pleinement cette solidarité familiale.
De fait, lorsque survient « un accident de la vie » au sein d'une famille et
qu'un enfant est accidenté ou malade de façon prolongée, rien n'est prévu dans
la loi pour que les parents puissent accompagner son rétablissement. Celui-ci
exige pourtant bien souvent beaucoup de soins et de dévouement quotidiens, que
seuls des parents peuvent offrir.
Concrètement, ces parents se trouvent placés devant l'alternative suivante :
soit cesser ou réduire leur activité professionnelle, au risque de la perdre
définitivement et, par là même, tout revenu, soit contourner la loi en
multipliant les congés maladie pour eux-mêmes ou en organisant leur
licenciement pour pouvoir toucher leur assurance chômage.
Il est intolérable que des parents déjà traumatisés par le drame qui frappe
leur enfant soient contraints de recourir à de telles extrémités.
La présente proposition de loi a donc pour objet d'aider de manière
significative ces parents en leur offrant la faculté d'opter pour un congé
d'une durée de six mois renouvelable ainsi que l'octroi d'une allocation de
présence familiale.
Cette allocation pourra également être accordée aux proches d'une personne en
fin de vie qui ont choisi de demander le congé d'accompagnement institué
l'année dernière par la loi du 9 juin 1999 visant à garantir l'accès aux soins
palliatifs.
Alors que ce texte devrait faire l'objet d'un consensus absolu, il semble que
le Gouvernement soit réticent et veuille nous opposer la préparation actuelle
d'un projet de loi aux ambitions plus vastes, concernant l'ensemble de la
politique familiale.
Les décisions que la majorité plurielle a déjà prises en matière de politique
familiale ne nous rendent guère confiants !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Et pourtant !
M. Alain Gournac.
Je vous rappelle, madame le secrétaire d'Etat, qu'en 1998 vous avez abandonné
la réforme de l'impôt sur le revenu - moins 5,5 milliards de francs par an pour
les familles et moins 22 milliards de francs en tout en 2001 -, mis sous
conditions de ressources les allocations familiales - moins 4,8 milliards de
francs, - diminué de moitié l'allocation pour la garde d'enfants à domicile -
moins 0,9 milliard de francs - et réduit de moitié le crédit d'impôt pour les
emplois familiaux - moins 0,7 milliard de francs.
En 1999, le Gouvernement, après avoir rétabli l'universalité des allocations
familiales, a abaissé le plafond du quotient familial - moins 4 milliards de
francs - et reporté à onze et seize ans les majorations pour âge - moins 1
milliard de francs. Cette mesure s'est traduite par une augmentation de l'impôt
sur le revenu de 500 000 familles.
Enfin, en 2000, des restrictions fiscales sur les pensions servies aux jeunes
par leurs parents ont été mises en place, pour un montant non chiffré à ce
jour.
Rapportées à ces pertes, les mesures prises par le Gouvernement lors des
précédentes conférences de la famille ont relevé du saupoudrage : prolongation
jusqu'à vingt ans des allocations familiales, déjà prévue par la loi de
1994,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Mais non financée par la droite !
M. Alain Gournac.
... crédits supplémentaires pour les crèches, extension du nombre de
bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire, prolongation jusqu'à vingt
et un ans de la prise en compte des enfants pour l'allocation logement et le
complément familial.
Ces mesures n'ont été que d'un faible apport pour les familles puisque leur
montant est resté inférieur à 5 milliards de francs.
Les familles sont donc bien les oubliées de la croissance.
En outre, je considère que la politique familiale est compromise par la mise
en cause de l'autonomie financière de la branche famille et par l'abandon de la
garantie de ressources dont elle bénéficiait depuis 1994.
En effet, le Gouvernement n'a pu annoncer l'équilibre de la sécurité sociale
en 1999, malgré un déficit de 9,3 milliards de francs pour l'assurance maladie,
qu'au prix d'un véritable tour de passe-passe : cet équilibre n'a pu être
affiché qu'au moyen d'une compensation du déficit de l'assurance maladie par
les excédents des branches vieillesse - 3,7 milliards de francs - accidents du
travail - un milliard de francs - et surtout famille - 4,8 milliards de
francs.
Cette compensation est tout à fait contraire au principe d'autonomie des trois
branches de la sécurité sociale. Elle revient à confisquer l'argent de la
politique familiale pour boucher le trou de la sécurité sociale !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est faux !
M. Alain Gournac.
La loi famille de 1994 a garanti jusqu'en 1999 la progression des recettes de
la branche famille. Cette garantie n'a pas été reconduite, malgré les promesses
faites par le Gouvernement lors de la conférence de la famille de 1999, la «
mesurette » introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000 ayant été annulée par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, le prélèvement de 1 % sur les revenus du patrimoine affecté à la
CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, est désormais détourné de
son objet pour concourir au financement des retraites.
Enfin, la branche famille se voit imputer depuis cette année le financement
progressif de la totalité de l'allocation de rentrée scolaire, jusqu'à présent
financée majoritairement par l'Etat.
Or la prise en charge par l'Etat de l'allocation de parent isolé ne compense
pas cette dépense supplémentaire, laissant à la CNAF un découvert dont l'UNAF,
l'Union nationale des allocations familiales, a demandé en vain le
chiffrage.
Dans le même temps, grâce à la croissance, les mesures fiscales restrictives
imposées aux familles vont rapporter à l'Etat nettement plus que prévu.
La famille vient au secours de la maladie. La famille vient au secours de la
retraite. La famille vient au secours de l'Etat. On peut donc se demander qui
viendra au secours de la famille !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous !
M. Alain Gournac.
Certes, grâce aux mises en garde solennelles et répétées du Président de la
République, le Gouvernement auquel vous appartenez a provisoirement renoncé à
mettre en cause l'allocation parentale d'éducation, qui est versée aujourd'hui
à plus de 500 000 familles, mais il se refuse toujours à faire la transparence
sur les comptes de la famille et à reconduire la garantie de ressources de la
branche famille, privant la politique familiale de toute visibilité pour
l'avenir.
Vous connaissez, madame le secrétaire d'Etat, notre position sur la politique
familiale qu'il faudrait mener. Nous avons adopté une proposition de loi
l'année dernière sur ce sujet.
D'autres pistes sont à explorer, notamment : l'encouragement au congé du père,
la mise en place de dispositifs innovants d'aide aux jeunes adultes dans la
réalisation de leur projet professionnel, la création d'un chèque famille pour
un meilleur accès à des services de qualité.
C'est ainsi que nous concevons une politique familiale, c'est-à-dire une
politique qui épanouit la famille, qui la soutient dans l'adversité et qui
encourage la solidarité en son sein.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera avec conviction et à l'unanimité
cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
séance d'aujourd'hui, consacrée à l'ordre du jour réservé à l'initiative
sénatoriale, permet notamment la discussion d'une proposition de loi visant à
favoriser l'exercice de la solidarité familiale.
Sans chercher à polémiquer, la question soulevée ne s'y prêtant guère, tant il
apparaît nécessaire, légitime et juste de répondre concrètement aux attentes
fortes des familles confrontées aux problèmes spécifiques liés à la maladie
d'un enfant ou à l'accompagnement d'un proche en fin de vie, je souhaite faire
quelques remarques liminaires propres à éclairer notre assemblée sur l'attitude
du groupe communiste républicain et citoyen dans ce débat et sur la position
finale que nous adopterons.
Bien que, par la voix du président de la commission, vous vous défendiez,
messieurs de la majorité sénatoriale, de chercher à court-circuiter le
Gouvernement et, par là même, la concertation engagée avec l'ensemble des
associations, je constate que nous sommes amenés à nous saisir d'un sujet
consensuel ayant trait à la famille le jour même où se tient la conférence de
la famille. Sans doute n'y a-t-il là qu'une simple coïncidence de calendrier,
mais l'intervention de M. Gournac a essentiellement porté sur la politique
familiale.
M. Gournac a, en particulier, affirmé que la politique familiale était en
régression par rapport à celle qui avait été menée auparavant. Il a parlé de «
mesurettes » alors que des dispositions significatives ont été prises,
notamment pour assurer une plus grande solidarité à l'égard des familles les
plus démunies.
Je rappelle - vous y avez d'ailleurs fait allusion, monsieur Gournac - que,
l'an dernier, à peu près à la même époque, les quatre groupes de la majorité
avaient arraché l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi qui se
voulait être une « nouvelle loi pour la famille ». Mais quelle famille ? Il
s'agissait des familles de trois enfants et plus et dont les revenus n'étaient
certainement pas ceux des familles les plus modestes. Nous nous y étions alors
fermement opposés. D'ailleurs, vous aviez vous-même voté contre l'attribution
d'une prestation familiale dès le premier enfant. Aujourd'hui, vous nous
confirmez dans l'attitude que nous devons adopter. Il s'agissait alors non pas
de débattre au fond de mesures susceptibles d'améliorer effectivement le sort
de toutes les familles, de diversifier les modes d'accueil des jeunes enfants
ou de prendre en compte la situation des jeunes adultes, mais bel et bien de se
servir - et vous venez d'en faire la démonstration - d'un thème cher à tous les
Français, celui de la famille, pour dénigrer l'action du Gouvernement.
Par conséquent - et je présente mes excuses au premier signataire de la
présente proposition de loi - permettez-moi de déplorer qu'un texte sur lequel
un consensus aurait dû se dessiner fasse aujourd'hui l'objet d'une polémique à
la suite de l'intervention de M. Gournac. Chacun prend ses responsabilités !
Tous ici, au-delà des clivages partisans, partageons la préoccupation des
pères ou des mères touchés par le drame de la maladie grave, l'accident d'un
enfant et l'impérieuse nécessité de se rendre disponible, de pouvoir adapter
l'activité professionnelle aux aléas de la vie, sans ajouter à la douleur la
détresse financière.
Des mesures existent déjà pour permettre aux salariés de s'absenter, de
concilier au mieux vie familiale et vie professionnelle, qu'il s'agisse du
congé légal pour enfant malade de trois ou cinq jours, de la prolongation du
congé parental d'éducation, du droit au temps partiel ou du compte
épargne-temps.
Pour autant, il est nécessaire d'adapter le dispositif actuel, de l'harmoniser
et d'approfondir les réponses aux familles, aux parents d'enfants malades ou
handicapés.
Deux dimensions doivent être traitées.
D'une part, il convient de répondre aux besoins d'un véritable droit à congé
au profit des parents, qu'ils soient salariés ou fonctionnaires, dès lors que
l'état de santé de l'enfant le justifie et quel que soit le lieu - structure
hospitalière ou domicile - où l'enfant doit être pris en charge.
D'autre part, il est primordial de traiter de la compensation financière
consécutive à la perte de revenus liée à l'interruption ou à la réduction de
l'activité.
Cette double approche est effectivement intégrée dans la proposition de loi de
M. Neuwirth instituant un congé pour enfant malade et une allocation de
présence familiale servie à tous les parents, mais aussi à toute personne
bénéficiant d'un congé d'accompagnement, qui a été créé en juin dernier par la
loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs.
Mes chers collègues, au fond, le dispositif proposé n'appelle pas d'objection
particulière ; sur le principe, nous sommes tous d'accord : il permet
d'apporter une réponse immédiate aux besoins légitimes des familles.
Toutefois, pouvons-nous légiférer sans nous soucier de la cohérence d'ensemble
de notre système de prestations familiales ? Ne devons-nous pas chercher, pour
plus d'efficacité, à intégrer cette action spécifique en faveur des familles
d'enfants malades ou des familles accompagnant un proche en fin de vie dans la
réflexion plus globale déjà entreprise par le Gouvernement sur la politique
familiale ?
Monsieur le rapporteur, avons-nous pris suffisamment de garanties pour que
cette nouvelle prestation sociale ne conduise pas à éloigner - j'allais dire «
excessivement » - le salarié de son poste de travail ? Mais, là encore, je
m'interroge par rapport au comportement des chefs d'entreprise, qui éprouvent
toujours quelque réticence. M. Gournac a jeté l'opprobre un peu trop
facilement, me semble-t-il, sur les salariés qui prendraient des congés maladie
de façon inconsidérée. Finalement, il y aurait certainement, dans le droit du
travail, de quoi fonder une position citoyenne des chefs d'entreprise.
Le régime et le montant de l'allocation de présence familiale calqués sur ceux
de l'allocation parentale d'éducation sont-ils satisfaisants ou doit-on encore
creuser la question ?
Intervenant à l'Assemblée nationale juste avant Noël, lors de l'examen de la
proposition de loi d'un de nos homologues députés visant à créer une prestation
parentale d'assistance, madame la secrétaire d'Etat, vous avez fait part de
l'attachement du Gouvernement à voir un congé pour raison familiale créé et sa
rémunération envisagée. Vous venez aujourd'hui de montrer que la réflexion
avait progressé et qu'elle se concrétiserait par l'annonce qu'a faite ce matin
le Premier ministre.
Nous attendons donc à présent du Gouvernement, à l'issue de cette conférence
de la famille, cette concrétisation, qui devrait s'affirmer dans le projet de
loi de financement de la sécurité sociale.
En ce qui concerne plus spécifiquement le congé d'accompagnement ouvert aux
proches de personnes en fin de vie, je dois dire, pour suivre plus
particulièrement un dossier dans le département du Rhône, que des efforts
doivent véritablement être accomplis. En effet, si une volonté a pu être
affirmée à cet égard, elle ne se concrétise ni suffisamment ni aussi rapidement
que nous le souhaitons. Il faut absolument que ces propositions, qui avaient
d'ailleurs été formulées par le Conseil économique et social, favorable à une
prestation compensatrice forfaitaire, puissent être mises en oeuvre.
M. Lucien Neuwirth,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Guy Fischer.
Le débat d'aujourd'hui devait être l'occasion de faire montre d'un certain
consensus. Malheureusement, la réalité est tout autre. J'espère que la
discussion des différents articles et la réponse de Mme la secrétaire d'Etat
viendront éclairer notre position.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne
pensais pas prendre la parole dans ce débat, mais je dois dire qu'après les
propos qui viennent d'être tenus, je crois de mon devoir de le faire, et ce
pour l'honneur du Sénat.
J'ai été absolument consterné par cette discussion. Je partage d'ailleurs,
dans une certaine mesure, l'opinion de M. Fischer, même si nos raisons sont
peut-être différentes.
Ce débat sur une proposition de loi d'une grande valeur humaine - celle de
notre collègue Lucien Neuwirth - aurait pu être d'une haute tenue. Or nous
avons assisté à une espèce d'amalgame pratiqué par les uns et les autres : on a
essayé d'englober cette proposition de loi dans tout un ensemble de discussions
qui avaient, bien sûr, un rapport avec elle, mais qui étaient surtout un moyen
de ne pas entrer dans le vif du sujet et de ne pas débattre réellement de ce
texte.
Vous avez dit, monsieur Chabroux, qu'il n'y avait pas de monopole du coeur.
Vous avez raison ! Toutefois, dès que, dans les rangs de l'opposition nationale
et, ici, de la majorité sénatoriale, une proposition va dans le sens de
l'humain, cela vous paraît insupportable !
(Protestations sur les tracées
socialistes.)
Que faites-vous alors ? Bien sûr, vous jetez quelques fleurs,
mais ce sont des fleurs pour enterrer !
(Nouvelles protestations sur les
mêmes travées.)
En définitive, de quoi avez-vous parlé les uns et les autres ? De la
conférence de la famille, des débats à l'Assemblée nationale. Or c'est d'une
proposition de loi précise, présentée par notre collègue Lucien Neuwirth, que
nous devons discuter aujourd'hui ! Mme Dieulangard lui a trouvé de nombreux
défauts. C'est son droit, mais il fallait qu'elle présente des amendements !
(Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'exclame.)
Tandis que là nous nous
trouvons devant un refus de discuter. C'est pitoyable !
(Protestations sur
les travées socialistes.)
M. Serge Lagauche.
Il est inadmissible de tenir de tels propos !
M. Jean Chérioux.
Et ce n'est d'ailleurs pas la première fois ! Il y a déjà eu le précédent du
texte de M. Neuwirth sur les soins palliatifs à l'évidence, vous étiez
extrêmement gênés parce que c'est le Gouvernement qui aurait dû le proposer !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Nous nous sommes trouvés devant la même situation à propos de l'actionnariat
salarié : vous étiez également très gênés parce que vous attendiez que le
Gouvernement décide ou propose dans ce domaine.
En réalité, vous qui voulez être les défenseurs des droits du Parlement, vous
lui fermez la bouche
(Vives protestations sur les travées
socialistes.)...
M. Serge Lagauche.
C'est inadmissible !
M. Jean Chérioux.
... lorsque c'est l'opposition qui fait une proposition, comme elle peut le
faire au sein du Sénat !
C'est la raison pour laquelle je voulais prendre la parole.
Un consensus magnifique aurait pu se dessiner autour d'une proposition de loi
dont tous devraient se réjouir. Or nous avons simplement constaté beaucoup de
mesquinerie, ce qui n'est pas digne du Sénat !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Dans mon intervention en réponse à M. le rapporteur,
premier signataire de cette proposition de loi, j'ai effectivement indiqué que
je souhaitais prendre acte de la volonté qui nous rassemble de prendre en
considération les besoins des familles qui s'expriment quand elles sont dans la
douleur ou en difficulté. J'ai également rappelé que le Gouvernement, depuis
trois ans, était déterminé à rénover une politique familiale de telle sorte
qu'elle réponde véritablement aux besoins actuels des familles. J'ai rendu
hommage au travail consciencieux, pugnace et efficace de la Haute Assemblée. Je
ne comprends donc pas que M. Chérioux se soit énervé de cette manière,
nonobstant la passion qui est généralement la sienne lorqu'on évoque ces
questions.
M. Jean Chérioux.
Vous n'êtes pas la seule en cause, madame le secrétaire d'Etat !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument ! Mais je souhaite, monsieur Chérioux, que
l'on puisse revenir au sujet d'aujourd'hui, avec la prise en compte de ce que
j'ai appelé une « coïncidence malicieuse » dans le calendrier : une proposition
de loi est en effet discutée au sein de cette assemblée, alors même que M. le
Premier ministre préside à Matignon la conférence de la famille et qu'il
apporte un certain nombre de précisions sur la volonté du Gouvernement, volonté
qui devrait vous satisfaire puisqu'elle répond aux attentes et aux besoins que
vous exprimez en direction des familles.
C'est donc la démonstration que le Gouvernement est aujourd'hui en osmose
parfaite avec la volonté politique exprimée par les parlementaires, en relais
des familles qui ont besoin d'une attention particulière. Il ne s'agit pas
simplement de mots ou d'intentions, il s'agit véritablement d'engagements avec
des moyens financiers à la clé.
M. le président.
Madame la secrétaire d'Etat, s'agissant du calendrier, je dois à la vérité de
dire que les séances mensuelles réservées sont fixées au début de la
session.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Effectivement !
M. le président.
C'est peut-être le hasard qui fait que, aujourd'hui, M. le Premier
ministre...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Quand j'ai pris la parole à la tribune en évoquant un
côté malicieux mais de bon aloi, j'avais tout à fait conscience que le hasard
du calendrier avait parfaitement bien fait les choses. Il est tout à fait
logique que la Haute Assemblée, compte tenu de sa grande expérience politique,
ait saisi l'opportunité de présenter cette proposition de loi aujourd'hui, jour
de la conférence de la famille.
M. Alain Gournac.
C'est dans l'autre sens !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne vous en veux pas. Je salue simplement la malice
de cette opération, avec beaucoup de respect mais aussi de sympathie.
Je voudrais revenir aux propos que M. Gournac a tenus tout à l'heure. C'est un
discours récurrent, depuis trois ans, qui veut laisser croire à tout un chacun
que le Gouvernement qui dirige la France aujourd'hui s'attaquerait aux familles
d'une manière inconsidérée, leur prendrait de l'argent pour le redistribuer
autrement.
Je voudrais simplement rappeler les faits, car ils sont têtus et méritent
d'être retracés.
En 1997, le Gouvernement a trouvé la branche famille en déficit de 14,5
milliards de francs.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Eh oui, la loi de 1994 !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Grâce aux mesures courageuses de redressement qui ont
été prises, avec l'élargissement de l'assiette des cotisations et un certain
nombre d'économies, la Caisse nationale des allocations familiales présente
aujourd'hui un excédent de 4,8 milliards de francs, qui sera de 4,5 milliards
de francs en 2000.
Cela permet de poursuivre la politique de rénovation des prestations
familiales qui a été entreprise depuis 1997 par le Gouvernement, en liaison
étroite avec le mouvement familial, je vous le rappelle, puisque, aujourd'hui,
à la conférence de la famille, c'est l'ensemble du mouvement familial et tous
les représentants du mouvement social qui sont réunis avec les membres du
Gouvernement chargés des questions de la famille. Chaque année depuis trois
ans, la conférence de la famille a marqué les étapes de cette rénovation
profonde, qui a été menée sur plusieurs fronts.
La première a été l'introduction de plus de justice sociale, grâce au soutien
renforcé aux familles les plus modestes. La réforme du quotient familial, que
vous avez fustigée, a permis de rendre le bénéfice des allocations familiales à
l'ensemble des familles, et donc de respecter l'universalité de ces
prestations. Elle a aussi permis de dégager des marges de financement. A cet
égard, vous avez annoncé que 500 000 familles avaient été touchées, dans le
calcul de leur imposition, par la modification du quotient familial. Vous avez
simplement oublié de rappeler que l'ensemble des familles ont récupéré la
totalité de leurs allocations familiales. En outre, l'extension du bénéfice de
l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles d'un enfant dès la
rentrée de 1999 a représenté une majoration extrêmement importante.
Je citerai encore la majoration pour âge des allocations familiales au
bénéfice des titulaires du RMI, l'alignement des loyers plafond de l'allocation
de logement sur l'APL, avec une première étape en 1999 qui se poursuivra cette
année et mobilisera 6,5 milliards de francs, ce qui n'est pas rien, monsieur le
sénateur.
Je citerai également la réforme des aides au logement en 2001, qui permettra
d'harmoniser et de simplifier ces différentes aides. Ce sera une simplification
majeure pour améliorer la vie quotidienne des familles, notamment des plus
modestes d'entre elles.
Nous avons aussi concouru à l'amélioration de l'accueil des jeunes enfants par
la réforme des prestations de crèche.
M. Alain Gournac.
Et l'AGED ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Dès cette année, c'est 1,5 milliard de francs qui va
être consacré à l'augmentation du nombre de places.
M. Alain Gournac.
Grâce à l'AGED !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, il ne s'agit pas de l'AGED, il
s'agit des crèches !
M. Guy Fischer.
L'AGED, c'était un véritable scandale !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
L'AGED concernait très peu de familles, tandis que
l'accueil collectif et l'aménagement des modes de garde par la diversification
intéressent 4 millions de familles, monsieur Gournac !
Je voudrais revenir sur l'augmentation du budget du fonds national d'action
sociale : 1 milliard de francs en 1999 ; 700 millions de francs en 2000 et 1,7
milliard de francs en 2001, pour financer tous les types d'accueil
collectif.
Je citerai encore la création d'un fonds d'investissement pour les crèches,
qui sera doté de 1,5 milliard de francs en 2001. Cela sera inscrit dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
J'en viens à la prise en charge des jeunes adultes, avec l'extension à
dix-neuf ans, puis à vingt ans de toutes les prestations familiales. Cette
disposition était effectivement inscrite dans la loi « famille » de Mme Veil,
mais elle n'a jamais été mise en oeuvre. C'est nous qui l'avons mise en oeuvre
l'année dernière !
M. Jean Chérioux.
Sur cinq ans !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous, nous l'avons fait : les allocations familiales
sont versées aux enfants jusqu'à l'âge de vingt ans.
Je dois encore citer la prolongation à vingt et un ans du complément familial
et des aides au logement pour les enfants qui restent au domicile de leurs
parents, ainsi que l'aménagement de l'évaluation forfaitaire des ressources
pour les jeunes en contrat à durée déterminée et l'aide à l'insertion sur le
marché du travail des jeunes. Vous savez bien que, quand un jeune trouve du
travail, c'est la situation de toute la famille qui en est améliorée.
Je terminerai avec le soutien aux parents dans leur rôle éducatif, avec la
réduction du temps de travail, qui permet aux parents de consacrer plus de
temps à leurs obligations parentales, avec la mise en place en 1999 des réseaux
d'écoute et de parentalité, d'appui, d'accompagnement des parents, qui va être
renforcée cette année - cette action sera poursuivie dans les années à venir -
enfin, avec la réforme en cours du code de la famille.
Si vous pensez que cette liste, qui est sans doute un peu fastidieuse,
constitue une grave atteinte aux droits de la famille, c'est parce que nous ne
faisons pas la même lecture des orientations politiques et, surtout, des moyens
qui sont mis en oeuvre pour tenir compte des engagements qui sont les nôtres.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
congé pour enfant malade
et congé d'accompagnement
Article 1er