Séance du 30 mai 2000
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 803, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Jean Boyer. Ma question s'adresse à M. Pierret et je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, en son absence, d'être à mon écoute.
Ma question porte une nouvelle fois sur les mesures d'accompagnement économique de l'arrêt de la centrale de Superphénix.
M. Charles Descours. L'absence !
M. Jean Boyer. Après mes questions dans cet hémicycle le 13 novembre 1997 et le 15 décembre 1998 et mes diverses interventions en commission et au ministère, le Gouvernement ne nous a pas dit toute la vérité, loin de là : les engagements du Gouvernement n'ont été que verbaux.
M. Strauss-Kahn ne déclarait-il pas, en novembre 1997 : « Des efforts sont à fournir en matière de réindustrialisation » ?
Quant à M. Pierret, ne disait-il pas en décembre 1998 : « Cette région... doit être redynamisée à la suite de la décision que nous avons prise. » ?
Or, deux ans après ces annonces, rien n'est encore visible sur le terrain.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de rappeler les faits, rien que les faits, dans toute leur gravité.
Premièrement, la cellule de reclassement vient de fermer. Nous le déplorons bien qu'elle n'ait pas brillé par son utilité car elle n'a pas offert de véritable accompagnement à la recherche d'un nouvel emploi pour les intéressés.
Deuxièmement, au titre de l'objectif 2, le canton de Morestel ne recevra ni la prime à l'aménagement du territoire industrielle, ni la PAT tertiaire. La conséquence a été immédiate : lorsqu'une grande entreprise américaine a cherché à installer un pôle pour toute l'Europe, elle a renoncé au canton de Morestel dès qu'elle a su qu'il n'était pas éligible à cette prime. Nous avons ainsi perdu 800 emplois et, aujourd'hui, deux ans après la fermeture de Superphénix, Morestel et sa région n'ont aucune aide spécifique à annoncer à des correspondants qui souhaitent s'installer.
Troisièmement, les communes ont engagé des actions en justice afin de ne pas rembourser les emprunts qu'elles avaient souscrits pour financer des chantiers générés par Superphénix. Nous attendons que le Gouvernement fasse un geste et annonce solennellement qu'il décharge ces communes de leurs prêts.
Quatrièmement, dès juin 1999, un dossier très complet a été préparé pour bénéficier des aides attribuées dans le cadre des opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, les ORAC, et les collectivités locales se sont immédiatement engagées financièrement. Or, fin avril, la commission d'instruction n'a pas abordé ce dossier. Face à l'urgence, ne serait-il pas opportun de l'inscrire comme dossier prioritaire lors de la prochaine réunion ? Le Gouvernement décide de fermer Superphénix pour des raisons politiques, strictement politiques. Assumez-en au moins les conséquences économiques et sociales en donnant son vrai sens au mot solidarité !
Respectez vos promesses et prenez des décisions concrètes qui seront utiles au redémarrage économique de la région tout en permettant à la France de garder ses compétences. De nombreux techniciens et ingénieurs de Superphénix sont en effet débauchés par les entreprises étrangères, comme l'atteste la récente venue d'une délégation japonaise à Morestel, venue dont la presse s'est fait un vibrant écho.
M. Charles Descours. Très bien ! Cette affaire est scandaleuse !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, M. Pierret étant à Bruxelles, où il assiste au conseil Energie, il m'a prié de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Le Premier ministre a annoncé le 19 juin 1997, que Superphénix serait abandonné pour des raisons économiques.
M. Charles Descours. Politiques !
M. François Huwart, secrétaire d'Etat. Afin de soutenir le développement d'activités et d'emplois, le Gouvernement a décidé, dès le 2 février 1998, de mettre en place un ensemble de mesures d'accompagnement économiques et sociales bâti sur un horizon d'au moins cinq années.
Ce programme d'accompagnement, opérationnel depuis mars 1998, est conduit sous l'autorité du préfet de l'Isère. Il bénéficie de l'assistance d'une mission de médiation, de suivi et d'évaluation des résultats, menée par M. Jean-Pierre Aubert, qui a été chargé d'étudier les questions de reconversion par le Premier ministre.
Des dispositions sont prises en faveur des prestataires extérieurs de la centrale Superphénix pour faciliter leur diversification et leur recherche de nouveaux marchés. Un « relais-emplois », véritable cellule de reclassement, a ainsi été mis en place pour les personnels prestataires. Depuis sa création, 105 personnes s'y sont inscrites, 72 ont fait l'objet d'un suivi personnalisé et 51 ont été reclassées. Ce relais a été fermé en mars dernier, mais les quelques personnes qui restaient encore inscrites ont pu être prises en charge par l'ANPE locale.
La mobilité et le reclassement des agents d'EDF au sein de l'entreprise sont, pour leur part, traités par les dispositions prévues en cas de réforme de structure. EDF a d'ores et déjà réduit de 230 le nombre de ses agents sur le site.
Le bassin d'emploi de Creys-Malville bénéficie, de plus, d'un fonds de développement de 10 millions de francs par an durant cinq ans abondé de 50 % par EDF, ce qui porte sa capacité d'intervention à 15 millions de francs au total par an. Ce fonds permet de subventionner la création d'emplois et d'entreprises : quatre-vingts-dix projets ont pu ainsi être aidés depuis juin 1998 pour un montant de 37 millions de francs. Ils ont permis d'assurer le maintien de 196 emplois dans le canton de Morestel et devraient permettre la création d'environ 680 emplois d'ici à trois ans.
D'autres mesures ont pu utilement compléter le programme d'accompagnement économique.
Une opération de restructuration du commerce et de l'artisanat devrait enfin être engagée. Un soutien de l'Etat doit intervenir prochainement : des crédits FISAC sont prévus à hauteur de 120 kF. Enfin, la plate-forme Nord-Isère Initiative, chargée de la création d'entreprises, a vu ses moyens renforcés : à cet effet, la plate-forme a reçu des crédits de la région - 400 kF - et de l'Etat et d'EDF - 500 kF - pour mener à bien sa mission dans le contexte de la fermeture de Superphénix.
Dans la mesure où les recettes fiscales attendues de l'exploitation de Superphénix ne seront plus disponibles, les pouvoirs publics ont demandé que les remboursements des dettes contractées par les collectivités au titre des avances de la Caisse nationale de l'énergie - 32 millions de francs - et des prêts « grands chantiers » de la Caisse des dépôts et consignations - 21 millions de francs - soient annulés. La procédure d'annulation a été engagée pour l'ensemble de ces dossiers à la fin de l'année 1999 et doit être prochainement finalisée.
Voilà, de façon détaillée, les mesures qui ont été mises en oeuvre par le Gouvernement, conformément aux engagements pris en 1998.
M. Charles Descours. Que le ministre ne vienne pas le dire à Morestel ! Il serait bien reçu !
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'Etat, la situation que vous venez de nous présenter est absolument euphorique par rapport à la réalité !
M. Charles Descours. Ah oui !
M. Jean Boyer. Je prends à témoin mon collègue Charles Descours, qui connaît le problème aussi bien que moi : tout ce que vous avez dit reste dans le cadre des promesses. Or, aujourd'hui, les travailleurs de la région de Morestel n'entendent pas rester les bras ballants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne me réjouis pas du tout que le Gouvernement ait perdu dans cette affaire une grande partie de sa crédibilité. J'ai passé l'âge des formules depuis longtemps.
J'ai pris bonne note des nouveaux engagements que vous venez de nous annoncer, qui seront naturellement publiés par la presse. Par ailleurs, les maires et les quatre sénateurs de l'Isère se réuniront en temps voulu.
J'affirme enfin que, tant que cette situation stagnera, je reviendrai inlassablement à la charge afin que les promesses soient honnêtement tenues.
M. Charles Descours. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l'arrivé de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.)