Séance du 6 avril 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Lutte contre l'effet de serre.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
1
).
Discussion générale : M. Paul Vergès, rapporteur de la commission des affaires
économiques ; Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement ; MM. Ladislas Poniatowski, PierreLaffitte, Gérard Le
Cam.
Mme le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 5. - Adoption (p.
2
)
Vote sur l'ensemble (p.
3
)
MM. Jacques Bellanger, Michel Esneu, Marcel Deneux, Pierre Laffitte, Gérard Le
Cam, le rapporteur.
Adoption, par scrutin public, des conclusions du rapport de la commission.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
3.
Stockage des déchets radioactifs.
- Discussion d'une question orale avec débat (p.
5
).
MM. le président, Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.
MM. Jean Arthuis, auteur de la question ; Marcel Bony, Louis Moinard, Ladislas
Poniatowski.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
4.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
7
).
M. le président.
RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION (p. 8 )
MM. Michel Mercier, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
CYCLISME ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE (p. 9 )
M. Michel Pelchat, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
BAISSE DU CHÔMAGE (p. 10 )
M. Claude Estier, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES
ET BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p.
11
)
MM. Jean Bizet, Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
AVENIR DES RETRAITES AGRICOLES (p. 12 )
M. Aymeri de Montesquiou, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.
DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p.
13
)
Mme Hélène Luc, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.
REMBOURSEMENT DES AIDES VERSÉES
À L'INDUSTRIE TEXTILE (p.
14
)
MM. Jean-Pierre Bel, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p.
15
)
MM. Guy Vissac, Jack Lang, ministre de l'éducation nationale.
CONDITIONS DE FINANCEMENT
DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE (p.
16
)
M. François Marc, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
PROJETS DU GOUVERNEMENT
POUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL (p.
17
)
MM. Alain Vasselle, Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.
UTILISATION DES BIOCARBURANTS,
ET DE L'ÉTHANOL EN PARTICULIER (p.
18
)
MM. Jacques Machet, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
5.
Stockage des déchets radioactifs.
- Suite de la discussion d'une question orale avec débat (p.
20
).
MM. Jean Bizet, Gérard Le Cam, Aymeri de Montesquiou, Michel Moreigne, André
Dulait.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche.
Clôture du débat.
6.
Commission mixte paritaire
(p.
21
).
7.
Effets sur les finances publiques de la politique de la fonction publique.
- Discussion d'une question orale avec débat (p.
22
).
MM. Alain Lambert, auteur de la question ; Jean-Pierre Schosteck, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Clôture du débat.
8.
Mise au point au sujet d'un vote
(p.
23
).
Mme Anne Heinis, M. le président.
9.
Transmission d'un projet de loi
(p.
24
).
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
25
).
11.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
26
).
12.
Renvoi pour avis
(p.
27
).
13.
Dépôt d'avis
(p.
28
).
14.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LUTTE CONTRE L'EFFET DE SERRE
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 293,
1999-2000) de M. Paul Vergès, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 159, 1999-2000), de M.
Paul Vergès, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yvon Collin, Jean Delaneau,
Jean-Paul Delevoye, Rodolphe Désiré, Michel Duffour, Guy Fischer, Gaston
Flosse, Thierry Foucaud, Marcel Henry, Dominique Larifla, Robert Laufoaulu,
Edmond Lauret, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Serge Lepeltier, Claude Lise,
Mmes Hélène Luc, Lucette Michaux-Chevry, MM. Lucien Neuwirth, Georges Othily,
Lylian Payet, Jean-PierreRaffarin, Jack Ralite, Ivan Renar, Victor Reux et Mme
Odette Terrade, tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la
prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité
nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du
réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et
territoires d'outre-mer.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Vergès,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi
qui nous réunit ce matin concerne l'effet de serre et la prévention des
changements climatiques. Elle est cosignée par un certain nombre de nos
collèges - certains de la métropole, d'autres des départements et territoires
d'outre-mer - appartenant aux différents groupes de la majorité sénatoriale. Je
tiens ici à les remercier tous très sincèrement.
De quoi s'agit-il ? Le texte qui vous est soumis tend à créer un observatoire
national sur les effets du réchauffement climatique.
Avant d'aborder précisément les dispositions de la proposition de loi, je
dirai quelques mots du contexte dans lequel elle s'inscrit.
La nécessité de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et les
conséquences du réchauffement climatique fait aujourd'hui l'objet d'un
consensus international.
Je vous rappelle que l'effet de serre est, à l'origine, un phénomène naturel
essentiel à la régulation de la température. Seule son amplification, liée au
développement économique, constitue une menace pour l'environnement.
L'intensification des émissions de gaz à effet de serre conduit, en effet, à un
réchauffement climatique dont les conséquences devraient, à terme, être
considérables.
Les changements climatiques seront sans doute l'un des problèmes structurels
auquel le monde sera confronté dans les décennies à venir. C'est donc tout à
l'honneur du Sénat que de s'extraire de la dictature de l'urgence pour aborder
les enjeux de demain. Les exigences de l'immédiat nous font, en effet, trop
souvent oublier les courants de fond qui façonneront l'avenir. Je pense
notamment, à cet égard, à la démographie : comment oublier que les pays
développés ne représenteront, en 2015, que 15 % de la population mondiale ?
Quoi qu'il en soit, d'après les dernières études internationales, fruit de la
réflexion de plus de 2 000 chercheurs et experts, la température moyenne à la
surface de la terre pourrait s'accroître de 2 à 3,5 degrés d'ici au siècle
prochain. Cela représente une élévation du niveau de la mer d'environ 50 à 95
centimètres.
Cinquante centimètres par siècle, cela peut paraître peu. Pourtant les
conséquences de cette augmentaion sur le climat risquent d'être
déterminantes.
En France, l'élévation du niveau de la mer provoquerait l'inondation
permanente des espaces côtiers aujourd'hui à peine émergés. La Camargue, les
lagunes du Languedoc seraient touchées. Dans les départements et territoires
d'outre-mer, la hausse de la température des eaux marines pourrait détruire une
grande partie de la barrière corallienne et accroître la fréquence et
l'amplitude des cyclones.
A l'échelle mondiale, ce sont bien sûr les pays les moins développés et les
écosystèmes les plus vulnérables qui seront les premières victimes du
changement climatique.
Il faut savoir que, dans les Caraïbes, le Pacifique et l'océan Indien, de
nombreux petits Etats-îles envisagent très sérieusement la perspective de leur
disparition. Certains Etats, tel l'Etat des îles Tuvalu, sont allés jusqu'à
négocier des concessions avec la Nouvelle-Zélande au cas où il faudrait
déplacer l'ensemble de leur population.
Devant l'ampleur de la menace, comme le souligne l'excellent rapport de notre
collègue Serge Lepeltier sur l'effet de serre, le principe de précaution nous
invite dès maintenant à mobiliser la communauté internationale pour engager une
politique volontariste de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.
De ce point de vue, la France - il faut le reconnaître - a joué un rôle très
actif pour la mise en place d'engagements internationaux. Du sommet de La Haye,
en mars 1989, au sommet de Kyoto, en décembre 1997, en passant par le sommet
fondateur de Rio de Janeiro, en juin 1992, la France a été parmi les premiers
pays à militer pour des engagements fermes de limitation des émissions à effet
de serre.
Ce rôle pionnier mais aussi et surtout un sentiment de responsabilité à
l'égard des générations futures nous imposent de tenir nos engagements.
Comme l'a souligné M. le Premier ministre, lors d'un récent colloque européen
sur l'aménagement et le développement durable du territoire, « notre
environnement n'est pas une marchandise, un simple stock de matières premières
dans lequel on pourrait puiser sans se soucier des générations futures ».
Il n'est pas, mes chers collègues, de développement durable sans
volontarisme.
Je vous rappelle que, pour la France, le protocole de Kyoto se traduit par
l'obligation de ne pas dépasser, en moyenne, sur les cinq années 2008-2012, le
niveau d'émissions de gaz à effet de serre qu'elle avait atteint en 1990.
C'est, de l'aveu même du Premier ministre, un défi considérable. C'est
d'ailleurs l'une des raisons qui ont conduit le Gouvernement à adopter, le 24
janvier dernier, un nouveau programme d'actions contre le risque de changement
climatique pour la période 2000-2010. On peut discuter pour savoir si ce plan
est ou non suffisamment volontariste. Cela dépendra beaucoup des négociations
communautaires. Je ne m'y étendrai pas.
Comme vous le savez, à la fin de l'année, la conférence de La Haye déterminera
l'essentiel des conditions d'application du protocole de Kyoto. La France, qui
présidera alors l'Union européenne, aura l'occasion d'imprimer sa marque. Elle
doit, pour ce faire, montrer l'exemple. Je sais, madame la ministre, que vous
ferez votre possible pour qu'il en soit ainsi.
Poursuivre une politique volontariste de lutte contre l'effet de serre
suppose, mes chers collègues, de pouvoir se fonder sur une connaissance
approfondie des émissions de gaz à effet de serre et de leurs conséquences sur
le réchauffement climatique.
Cette connaissance suppose un inventaire systématique des émissions de gaz à
effet de serre, une analyse des déterminants de ces émissions, un suivi des
mesures adoptées pour les limiter, un suivi de l'évolution des changements
climatiques et, enfin, une analyse de leurs conséquences.
La France dispose, pour recueillir l'ensemble de ces données, d'une capacité
importante de recherche. Nous disposons, en effet, de plusieurs laboratoires de
recherche qui consacrent une partie de leur activité à ces questions. Il y a
bien sûr Météo-France, le Centre national d'études spatiales (CNES), le Centre
national de la recherche scientifique le CNRS, ou le Commissariat à l'énergie
atomique le CEA. Pour les conséquences des changements climatiques, un nombre
important d'instituts - certains liés au CNRS, d'autres à Météo-France, à
l'Institut national de la recherche agronomique, etc. - interviennent
également. Les conséquences des changements climatiques concernent, en effet,
aussi bien les infrastructures que l'agriculture ou la santé. Quant au suivi
administratif des mesures de lutte contre l'intensification de l'effet de
serre, il est enfin assuré, comme vous le savez, par la mission
interministérielle de l'effet de serre.
Ici même, au sein de cette assemblée, l'office parlementaire des choix
scientifiques et technologiques a chargé notre collège Marcel Deneux d'une
étude sur ce sujet.
J'ai la conviction que cette capacité de recherche doit être aujourd'hui
renforcée et mieux coordonnée. Pour de nombreux observateurs, un des principaux
enjeux est aujourd'hui d'asseoir la crédibilité des politiques de lutte contre
l'effet de serre.
Comme le souligne le rapport de notre collègue Lepeltier, l'information des
citoyens est un préalable nécessaire à la mise en oeuvre de choix collectifs et
privés contraignants. Cela suppose d'accroître la diffusion de l'information,
cela exige également de lever le maximum d'incertitudes scientifiques.
C'est d'abord pour cela qu'un renforcement de nos capacités de recherche est
nécessaire. La multiplicité des intervenants ne doit pas faire illusion,
l'effet de serre est pour beaucoup de laboratoires une activité accessoire et
l'absence de coordination des travaux un frein à la complémentarité des efforts
de recherche entrepris.
Une augmentation des moyens et une amélioration de la coordination de la
recherche scientifique française dans ce domaine sont donc souhaitables. Elles
permettraient, de plus, à la France de mieux faire valoir ses positions dans
les négociations internationales. Les Américains, qui y ont consacré des moyens
considérables, ont compris depuis longtemps combien l'approfondissement des
connaissances dans ce domaine pourrait servir leurs intérêts.
Le renforcement de nos capacités de recherche permettrait également
d'intensifier notre politique de coopération en faveur des pays en voie de
développement.
Comme vous le savez, ces pays seront demain les premières victimes et les
premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre et des changements
climatiques.
Or leur niveau d'expertise sur le sujet est aujourd'hui extrêmement faible. Il
sont plus que jamais demandeurs de notre aide dans ce domaine. Il est de notre
intérêt de coopérer car, sans cette aide, ils n'auront pas les moyens de
s'engager dans des modes de développement plus respectueux de l'environnement
et plus adaptés aux changements climatiques.
Au moment où je vous parle, l'un des plus graves cyclones du siècle s'est
abattu sur Madagascar, y a provoqué un véritable désastre, et se dirige vers le
Mozambique. Sans nul doute ces pays seront-ils intéressés par une expertise sur
les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles de réduire l'impact des
cyclones !
C'est dans ce contexte que la présente proposition de loi tend, tout d'abord,
à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques
liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale.
C'est évidemment là une mesure symbolique, mais l'expérience nous a montré que
la définition d'une priorité pouvait, à terme, avoir des conséquences
pratiques.
Le G8 considère les changements climatiques comme la plus grande menace pour
le développement durable du monde. Il me semble que cette menace doit également
figurer parmi les priorités des politiques publiques.
Quant à cet observatoire, il répond tout d'abord à la nécessité de développer
notre capacité à prévenir les impacts des changements climatiques et des
phénomènes extrêmes comme les cyclones et les tempêtes. Il s'agit, à terme, de
réduire la vulnérabilité de nos territoires et de permettre la mise en place de
mesures de prévention et d'adaptation aux changements climatiques. Comme le
souligne la mission interministérielle sur l'effet de serre, c'est un domaine
où la France gagnerait à assurer une présence scientifique comparable à celle
des grands pays développés.
Cet observatoire répond également au besoin de recueillir, de consolider et de
diffuser des informations actuellement disséminées dans les différents centres
de recherche. Il s'agit aussi bien de collecter des données grâce à la
constitution d'études scientifiques que de centraliser les études et travaux
déjà effectués par les établissements et instituts de recherche nationaux.
Dans notre esprit, cette nouvelle structure devrait permettre de diffuser des
informations auprès de la communauté scientifique, de sensibiliser le public
sur les enjeux liés aux changements climatiques et, enfin, d'informer les
collectivités territoriales sur les mesures de prévention et d'adaptation
susceptibles d'atténuer les conséquences des changements climatiques.
Cet observatoire pourrait également être l'instrument d'une meilleure
coordination des scientifiques français qui participent aux différentes
instances internationales concernées par les enjeux climatiques. Il dotera
également la France d'un outil de coopération avec les pays du Sud et, en
particulier, avec les Etats insulaires, qui sont particulièrement vulnérables
aux conséquences du réchauffement climatique.
Par rapport à la proposition de loi initialement déposée, la commission des
affaires économiques vous propose de recentrer les missions de l'observatoire
sur la collecte et la diffusion des informations et de ne plus faire référence
à une mission de recommandation aux pouvoirs publics. Il y avait, dans ce
pouvoir de recommandation, un risque de chevauchement avec les recommandations
de la mission interministérielle sur l'effet de serre.
D'une façon générale, il nous a paru important que cet observatoire soit non
pas une structure de plus, mais un centre où convergent les analyses de
l'ensemble des laboratoires de recherche qui travaillent dans ce domaine.
C'est pourquoi j'ai souhaité écouter les scientifiques et les responsables
administratifs qui participent à ces travaux pour connaître leurs besoins. Je
me félicite qu'ils accueillent très favorablement cette initiative.
La commission vous propose, à cet égard, d'indiquer dans la rédaction de la
proposition de loi que l'observatoire exerce ses missions en liaison avec les
établissements et instituts de recherche concernés et avec le groupe d'experts
intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC.
Il nous est apparu également utile de confier à l'observatoire une mission de
sensibilisation du public et d'information des collectivités territoriales.
L'expérience douloureuse de la tempête qui s'est abattue en France l'hiver
dernier a montré que les élus locaux avaient besoin, dans ce domaine,
d'informations.
Cet observatoire sera, pour tous les responsables locaux, un interlocuteur
susceptible de les éclairer. L'observatoire pourra notamment les informer sur
les mesures de prévention et d'adaptation de nature à limiter l'impact du
réchauffement climatique et des phénomènes climatiques extrêmes.
Il m'a paru également important que l'observatoire puisse formuler dans son
rapport annuel des recommandations en matière de prévention.
La commission n'a pas souhaité déterminer dans la loi la composition et les
règles de fonctionnement de cet observatoire, qui non seulement relèvent du
domaine réglementaire mais devraient, je crois, faire l'objet d'une négociation
entre les différents centres de recherche concernés.
De ce point de vue, la formule du groupement d'intérêt public, le GIP, me
paraît la plus adaptée, car elle permettrait à l'observatoire d'avoir une
réelle autonomie de gestion tout en associant des partenaires publics et
privés.
Comme vous le voyez, il s'agit d'une proposition de loi aux ambitions
apparemment modestes, face à un enjeu qui est par nature planétaire. Je crois
néanmoins que cet observatoire pourra contribuer à la lisibilité, à la
crédibilité et à l'efficacité des politiques publiques liées aux changements
climatiques.
Avec l'effet de serre, la notion de responsabilité à l'égard des générations
futures me semble prendre tout son sens : nous travaillons ici essentiellement
pour les petits-enfants de nos enfants.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Paul Vergès,
rapporteur.
Mais n'oublions pas, monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, que, si nous attendons leur avènement pour agir,
il sera sans doute trop tard.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, mois
après mois, l'alerte donnée par la communauté scientifique mondiale et les
écologistes sur le risque d'un changement climatique se confirme. La
température du globe a augmenté sans doute de plus d'un demi-degré au cours du
xxe siècle. Les précipitations s'accroissent, particulièrement aux latitudes
moyennes et élevées. La superficie et l'épaisseur des glaces des pôles
diminuent. Les glaciers alpins et continentaux régressent.
Les scientifiques estiment également que le changement de climat se traduira
par une augmentation de la fréquence et de l'intensité des aléas climatiques.
S'il n'est pas possible d'attribuer avec certitude la double tempête qui a
frappé la France en décembre dernier au changement de climat, celle-ci montre
la vulnérabilité de notre pays à des évolutions climatiques extrêmes.
Autant que d'un réchauffement global de quelques degrés, nous devons nous
préoccuper des conséquences que l'effet de serre pourrait avoir sur le
bouleversement des climats. Le principe de précaution doit nous conduire à agir
pour en réduire le risque et pour anticiper ses conséquences.
Consciente de ces enjeux, la France a joué un rôle de premier plan dans la
négociation internationale sur les climats depuis la conférence de La Haye,
qu'elle a co-organisée en 1989.
La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été
négociée sous l'égide d'un Français, Jean Ripert. J'ai, pour ma part, fait de
la lutte contre l'effet de serre une des priorités de mon action au ministère
de l'environnement et je suis fière d'avoir présidé la délégation française à
Kyoto, en décembre 1997, lors de la conférence qui a permis d'aboutir à un
accord sur un protocole complétant la convention cadre et fixant pour la
première fois des objectifs contraignants de réduction des émissions de gaz à
effet de serre dans les pays industrialisés.
Son adoption, malgré les fortes réticences de certains de nos partenaires de
l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui ne
souhaitaient pas s'engager sur des réductions réelles de leurs émissions, a été
rendue possible par la solidarité dont les pays de l'Union européenne ont fait
preuve pendant plus de deux ans de négociations.
La Communauté européenne et ses Etats membres ont en effet choisi de souscrire
un engagement commun de réduction de leurs émissions de 8 % entre 1990 et 2010.
Ils se sont réparti les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de
serre, en juin 1998, au sein de ce que l'on a appelé la « bulle européenne
».
Du fait de l'intégration croissante des politiques économiques et
environnementales des pays de l'Union européenne, le respect de cet engagement
commun demandera, outre la mise en oeuvre de mesures nationales de réduction
des émissions, une harmonisation au niveau communautaire des actions
engagées.
L'objectif global de réduction des émissions des pays industrialisés, de 5,2 %
entre 1990 et 2010, peut paraître modeste face aux enjeux du changement de
climat. Assurer sans délai la mise en oeuvre des engagements que les pays
industrialisés ont pris à Kyoto en décembre 1997 constitue cependant la
première étape d'un effort qui devra se poursuivre tout au long du xxie siècle.
Les pays développés doivent, en effet, s'orienter vers la réduction de leurs
émissions de gaz à effet de serre et cesser d'offrir aux pays du Sud le modèle
d'un développement reposant sur une consommation d'énergie toujours plus
importante.
Au niveau national, le protocole de Kyoto nous a fixé comme objectif de
ramener nos émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 en 2010.
Sans efforts de réduction, nos émissions, qui s'élevaient à 144 millions de
tonnes d'équivalent carbone en 1990 et qui ont été stables sur la période
1990-2000, dans un contexte de recul économique pendant la première partie de
la période, croîtraient de 31 millions de tonnes entre aujourd'hui et 2010.
L'effort que nous aurons à accomplir est donc loin d'être négligeable,
puisqu'il devra conduire à réduire nos émissions de près de 20 %.
Afin d'engager dès maintenant les efforts qui nous permettront de respecter
nos engagements, j'ai souhaité que le Gouvernement adopte un nouveau programme
national de lutte contre le changement climatique. Les mesures identifiées par
ce programme, adopté en janvier dernier, ont donc pour objet de réduire nos
émissions de gaz à effet de serre de 31 millions de tonnes d'équivalent
carbonne par an jusqu'en 2010.
Prise individuellement, chacune de ces mesures réglementaires, fiscales,
incitatives, de formation ou d'information, peut paraître de peu de portée ;
prises dans leur ensemble, ces mesures constituent un ensemble cohérent devant
nous permettre d'atteindre l'objectif de Kyoto.
Ce plan est à la fois un relevé de décisions de mesures immédiatement
applicables, mais aussi un programme de travail pour le Gouvernement.
Les mesures immédiatement applicables concernent tous les domaines : le
logement, l'industrie, l'agriculture, les transports et, heureusement, la
réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas le seul objectif.
Ainsi, dans le logement, nous souhaitons non seulement réduire les émissions,
mais aussi contribuer à l'augmentation du confort des usagers par l'isolation,
par la lutte contre le bruit, et diminuer leurs factures, notamment dans le
logement social.
On le voit bien, la mobilisation générale du Gouvernement dans tous les
domaines permet donc, par des mesures qui sont positives pour le climat mais
aussi dans d'autres domaines, de s'assurer d'un réel engagement de sa part.
Nous avons également mis en place un programme de travail et j'attacherai une
importance particulière à sa mise en oeuvre effective et à la préparation des
mesures complémentaires, qui supposent des négociations avec la Commission
européenne, avec tel ou tel secteur économique et avec les ministères
concernés. Cette stratégie conduit - je le rappelle - à ne pas faire de l'effet
de serre le problème de la seule ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement, mais la préoccupation partagée de l'ensemble des membres du
Gouvernement.
J'en veux pour preuve deux exemples : les contrats de plan ont marqué une
réorientation des choix en matière de transports vers les transports collectifs
dans les grandes améliorations et vers les transports à longue distance des
marchandises par le rail, même si nous sommes encore loin de l'équilibre
souhaité. Nous négocions toutefois avec les régions, et un certain nombre
d'entre elles ont élaboré des projets routiers. Par ailleurs, s'agissant des
schémas de services collectifs, le journal
Libération
relate aujourd'hui
- et d'une façon qui ne peut pas être considérée comme exagérée - les
difficultés qui résultent de la distance qui persiste parfois entre les
engagements des ministres et les réticences d'administrations chargées de les «
mettre en musique ».
Ces réticences sont d'abord culturelles : il est difficile de passer d'une
civilisation de la route à une civilisation du rail en matière de transport,
par exemple.
Sur plusieurs sujets, le Gouvernement a décidé d'anticiper des décisions
communautaires. C'est le cas, notamment, de l'extension de la taxe générale sur
les activités polluantes, la TGAP, aux consommations intermédiaires d'énergie
des entreprises, que le Gouvernement souhaite mettre en place dès l'année
prochaine, sans attendre l'aboutissement des négociations communautaires.
La France présidera le Conseil de l'Union européenne à partir de juillet. La
lutte contre l'effet de serre sera l'une des grandes priorités de cette
présidence en matière d'environnement.
Il s'agira, d'abord, de se donner les moyens, au niveau communautaire,
d'atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 8
% entre 1990 et 2010 que nous a fixé le protocole de Kyoto.
J'ai écrit, en février dernier, à la commissaire en charge de l'environnement
pour lui demander d'élaborer une véritable stratégie communautaire visant à
permettre à l'Union de respecter ses engagements et qui devrait être soumise
rapidement au Conseil. Je souhaite en effet saisir l'opportunité de la
présidence française de l'Union pour avancer sur ces questions.
De manière plus générale, il me semble indispensable que les pays
industrialisés mettent en oeuvre rapidement les mesures qui leur permettront de
respecter leurs engagements. J'évoquerai ce sujet lors de la réunion du G 8 «
environnement », qui aura lieu ce week-end au Japon et qui traitera
essentiellement de la lutte contre l'effet de serre. La semaine prochaine, je
présiderai avec mon collègue danois un atelier international sur les politiques
et mesures de lutte contre l'effet de serre. Ce sera une étape importante pour
définir quelles sont les meilleures politiques - ou « meilleures pratiques » -
et les conditions de leur succès. Nos opinions publiques attendent nos actes
dans la lutte contre l'effet de serre. Elles souhaitent que l'élan de Kyoto
s'affirme d'abord à travers les politiques et mesures que nous mettons en
place.
A défaut, la difficile avancée des négociations internationales, les délais
que certains pays semblent vouloir mettre pour ratifier le protocole, laissent
craindre que le souffle de Kyoto ne retombe.
C'est ce qui pourrait se passer si chaque pays s'accoutumait à l'idée qu'il ne
respectera pas la totalité de ses engagements faute d'actions nationales
suffisantes et comptait sur les difficultés rencontrées par les autres pays
pour justifier ses propres manquements. Les effets d'une telle attitude
seraient dramatiques : perte de confiance des opinions publiques,
affaiblissement de la crédibilité des organisations internationales, mais aussi
poursuite d'un processus de dégradation du climat dont chaque conférence
internationale nous rappelle l'acuité. Ces conférences sont en général ouvertes
par des représentants des petits Etats insulaires, qui nous disent avec
beaucoup d'émotion que, si ce débat reste, pour nous, un débat sur le moment où
il va falloir commencer à opérer des changements de nos habitudes et de nos
comportements, il s'agit, pour eux, d'une question vitale, à tous les sens du
terme.
C'est pourquoi il me semble essentiel que notre pays donne l'exemple, à la
veille d'assurer la présidence de l'Union, en mettant en place les mesures
nécessaires pour respecter ses engagements et en oeuvrant pour l'entrée en
vigueur rapide du protocole de Kyoto.
La conférence de La Haye, qui aura lieu en novembre 2000 sous présidence
française de l'Union européenne, sera une étape décisive pour rendre le
protocole de Kyoto pleinement applicable. Mon objectif est que ses résultats
permettent à un nombre suffisant de pays de ratifier ce protocole pour assurer
son entrée en vigueur avant 2002, c'est-à-dire avant le dixième anniversaire de
la conférence de Rio. La France est le premier pays de l'Union européenne qui
ait véritablement engagé la procédure de ratification du protocole de Kyoto,
puisque l'Assemblée nationale a approuvé hier le projet de loi que je lui ai
présenté au nom du Gouvernement. Vous aurez sans doute à le faire bientôt au
Sénat.
Je défendrai trois grandes priorités à La Haye.
D'abord, il convient de mettre en place un dispositif crédible de respect des
obligations pour vérifier le caractère effectif et durable des réductions
d'émissions et d'instituer un système complet d'incitations et de sanctions qui
assurera le respect des engagements de Kyoto. L'enjeu n'est pas mince, car il
s'agit de mettre en place, dans le cadre du système des Nations unies, des
institutions ne reposant pas seulement sur le bon vouloir des uns et des
autres.
Ensuite, il faut s'assurer que les objectifs de réduction des émissions seront
principalement atteints par des mesures mises en oeuvre sur le territoire de
chaque pays partie au protocole. C'est notre ambition au niveau national,
puisque le programme national est calibré pour que nous puissions respecter nos
engagements sans recourir à l'achat de droits d'émissions auprès d'autres
parties. Cela suppose que les mécanismes prévus au protocole de Kyoto soient
strictement encadrés et régulés. S'ils ne l'étaient pas, ces mécanismes
pourraient avoir les pires conséquences en constituant des échappatoires
faciles pour les pays peu soucieux d'engager, chez eux, les efforts nécessaires
de réduction de leurs émissions.
Il s'agit, enfin, de développer une véritable politique de coopération avec
les pays en développement, l'histoire nous ayant appris que des investissements
ponctuels ne suffisent pas à entraîner le décollage de ces pays. A cet égard,
j'ai apprécié, monsieur le rapporteur, votre insistance à plaider en faveur
d'un renforcement de notre coopération avec les petits pays du Sud. J'y
reviendrai, tout à l'heure, concernant la collecte et la diffusion de données,
qui constituent un des premiers enjeux de la mise en place de
l'observatoire.
Je veux également insister sur la nécessité de faciliter les transferts de
technologie, qui permettront à un pays d'adopter des politiques de maîtrise de
l'énergie pour participer à l'effort global de réduction des émissions de gaz à
effet de serre et de ne pas reproduire les erreurs que nous avons commises
nous-mêmes au même stade de développement ; je crois que c'est un enjeu tout à
fait majeur.
Il est important, dans ce contexte, que nous nous organisions mieux, à
l'échelon national, pour lutter contre le réchauffement climatique et ses
impacts.
La proposition de loi que vous venez de nous présenter, monsieur le
rapporteur, tend à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la
prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité
nationale. Je ne peux, bien sûr, que m'en féliciter.
Vous avez souligné que le Gouvernement a déjà considérablement renforcé la
mission interministérielle de l'effet de serre. Celle-ci doit jouer un rôle
essentiel pour la préparation et le suivi de la mise en oeuvre des mesures de
réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et pour la préparation des
positions que nous défendons dans la négociation internationale.
Mais, quels que soient les efforts de réduction des émissions que nous
effectuerons, la France n'échappera pas à des variations du climat et à leurs
conséquences, qui affecteront tous les secteurs de la société. La montée des
niveaux des mers concernera toutes les zones côtières de la métropole ainsi,
bien sûr, que les départements et territoires d'outre-mer, notamment ceux des
Caraïbes, du Pacifique et de l'océan Indien. Ces départements et territoires
d'outre-mer sont, au même titre que les petits Etats insulaires regroupés au
sein de l'Alliance des petits Etats insulaires, l'AOSIS, particulièrement
exposés aux risques du changement de climat.
L'observatoire national que vous proposez de créer, monsieur le rapporteur,
aurait ainsi pour mission l'approfondissement de l'étude des conséquences du
réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et
territoires d'outre-mer, en vue, notamment, d'offrir aux élus locaux et aux
collectivités les moyens d'élaborer d'une véritable politique de prévention
face à ces risques nouveaux.
Sa création permettrait d'améliorer notre organisation interne, notamment en
matière de recherche sur les impacts du changement de climat et d'information
sur les risques liés à ce changement.
La création de cet observatoire répondrait, en effet, tout d'abord à la
nécessité de développer notre capacité à mieux connaître les impacts des
changements climatiques et des phénomènes climatiques extrêmes, et ainsi de
réduire notre vulnérabilité à ces phénomènes. Je suis convaincue qu'elle serait
très utile, car l'analyse de l'évolution des phénomènes climatiques et de leur
impact est, en effet, un des domaines où notre capacité de recherche devrait
être renforcée.
Cette création répondrait également à un besoin de recueillir, de consolider
et de diffuser des informations actuellement disséminées dans les différents
centres de recherche. Le recueil de ces données permettrait de mener une
politique plus active d'information et de sensibilisation du public sur les
enjeux liés aux changements climatiques.
Je rejoins, monsieur le rapporteur, votre souci que cet observatoire ne soit
pas une structure de plus mais qu'il travaille avec les établissements
existants. Vous en avez cité certains. A y regarder de près, on se rend compte
que nombreux sont les organismes où des chercheurs travaillent sur le climat.
Je pense, par exemple, au CEA, où un groupe de travail s'est mis en place de
façon quelque peu inattendue, l'administrateur du CEA, que j'ai rencontré il y
a quelques jours, ayant pratiquement découvert, à cette occasion, l'ampleur des
travaux menés sur ce sujet dans son établissement.
Je crois donc utile de travailler avec les établissements existants, avec la
mission interministérielle de l'effet de serre, bien sûr, avec le GIEC, que
vous avez cité, et qui n'est pas pour rien dans la prise de conscience
internationale de l'ampleur et de la réalité du phénomène, qui étaient encore
contestées, il y a quelques années, dans les instances politiques - plus que
dans les instances techniques, je dois le dire - et qui ne le sont plus du tout
aujourd'hui.
Enfin, vous l'avez dit - et, là encore, je partage votre analyse -, la mise en
place de l'observatoire permettra de renforcer la capacité de notre pays à
s'engager dans des politiques de coopération avec les pays du Sud.
Vous ne l'avez pas évoqué, mais je pense que c'était clair dans votre esprit
d'après ce que je sais de votre engagement, il convient que cette politique de
coopération en matière de climat, notamment par la mobilisation du mécanisme de
développement propre, ne se fasse pas au détriment des crédits actuellement
mobilisés par l'aide au développement, qu'elle vienne en sus, pour permettre
d'accompagner les efforts de ces pays. Ainsi, notre coopération sera renforcée
avec les petits Etats insulaires regroupés au sein de l'AOSIS.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable, monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, à la proposition de loi soumise à votre approbation.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi de notre collègue Paul Vergès relative à l'effet de serre, que nous
examinons aujourd'hui, est courte, simple et claire.
Ce texte est important, bien sûr, par les dispositions qu'il contient, mais
surtout par le débat qu'il ouvre, débat que vous avez bien entamé, madame la
ministre, et que M. le rapporteur évoque notamment dans son exposé des
motifs.
Il vient compléter d'autres travaux parlementaires auxquels le Sénat a
largement contribué et qui témoignent de la grande attention que nous portons à
cette question. J'en veux pour preuve l'excellent rapport de notre collègue
Serge Lepeltier sur l'effet de serre et les réflexions actuellement menées par
l'office parlementaire des choix technologiques et scientifiques sous l'égide
de notre collègue Marcel Deneux. Peut-être aurait-il d'ailleurs été plus
judicieux d'attendre la remise de son rapport, prévue pour la fin de l'année,
avant d'examiner la présente proposition de loi.
Mais ce texte ne doit pas occulter le reste. Il ne faudrait pas que
l'observatoire que nous souhaitons créer aujourd'hui soit un simple gadget qui
nous donne bonne conscience et qui dispense la France de tenir les engagements
pris devant la communauté internationale à Rio de Janeiro et à Kyoto sur la
réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Je rappelle que la lutte contre l'effet de serre est un enjeu majeur, qui
appelle la mobilisation de tous, à commencer, bien sûr, par le Gouvernement.
Permettez-moi de rappeler les deux mesures contenues dans la proposition de
loi que nous discutons.
Il s'agit, d'abord, de faire de la lutte contre l'effet de serre et de la
prévention des risques liés au réchauffement climatique une référence
nationale. Nous ne pouvons qu'approuver un tel objectif. Certes, d'aucuns
pourront regretter qu'il s'apparente à une déclaration d'intention et que sa
contrainte jurdique, pour le moment, reste faible.
La deuxième disposition envisagée est plus concrète : la création d'un
observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France
métropolitaine et, bien sûr, dans les DOM-TOM. Cet observatoire aura pour
mission d'approfondir la connaissance des risques liés au réchauffement
climatique, d'élaborer des recommandations et de présenter un rapport
d'information annuel.
A ce titre, je formulerai deux souhaits : le premier, c'est que ce rapport
soit rendu public et communiqué à la représentation nationale ; l'observatoire
participera ainsi pleinement à l'information de nos concitoyens. Le second,
c'est que l'observatoire ait également un rôle fédérateur et travaille en
coopération avec les organismes nationaux et internationaux qui s'intéressent
déjà à la question - ils sont nombreux, vous venez de le dire, madame la
ministre - de façon à faire oeuvre utile pour la Communauté internationale. Je
pense notamment au CNRS - vous avez cité le CEA - aux chercheurs des pays
étrangers, à l'Organisation météorologique mondiale et, bien entendu, au Groupe
intergouvernemental d'évaluation du climat, le GIEC, créé dans le cadre des
Nations unies.
Au-delà de ces dispositions immédiates, ce qui me semble important, c'est de
pouvoir les mettre en perspective afin d'ouvrir le débat, dresser un état des
lieux, suggérer des améliorations aux moyens mis en place pour lutter contre
l'effet de serre.
A cette occasion, nous nous rendons compte que votre gouvernement, madame la
ministre, ne peut pas, pour le moment - je ne voudrais pas faire de procès
d'intention - se targuer d'un bilan très glorieux, malgré l'annonce, avec un
effet médiatique assez réussi, des cent mesures du plan Jospin. J'y
reviendrai.
Si le phénomène naturel de l'« effet de serre » a été découvert il y a plus
d'un siècle par un savant suédois, cela ne fait qu'une douzaine d'années que la
communauté scientifique mondiale s'est vraiment alarmée des conséquences
possibles d'un excès de gaz carbonique et des risques de changements
climatiques.
Face à cette situation, les analyses scientifiques sont complexes et
n'apportent pas encore d'explication définitive. J'en veux pour preuve les
interrogations du GIEC sur le rôle des forêts en tant que « puits à carbone »
ou encore les conclusions de chercheurs britanniques sur les conséquences d'une
augmentation du flux magnétique émis par le soleil.
Nous devons donc agir une fois encore en appliquant le principe de précaution,
sachant que nous pouvons convenir que l'augmentation de CO2 doit non seulement
être maîtrisée mais encore réduite.
Je citerai quelques chiffres pour situer l'enjeu.
Entre 1990 et 1996, les émissions de CO2 ont augmenté de 7 % au niveau mondial
: de 9 % aux Etats-Unis mais de 11 % au Japon et, bien sûr, dans certains pays
dont vous connaissez la situation les uns et les autres, de 33 % en Chine, de
44 % en Inde et de 32 % en Russie.
La France, avec une augmentation de CO2 dans la même période de 1,6 %, fait
plutôt figure de bon élève, et d'ailleurs c'est une chose qui avait été
présentée comme un bon point pour notre pays à Kyoto.
Les Etats-Unis émettent à eux seuls, il faut le savoir, le quart des gaz à
effet de serre ; il faudra en tenir compte dans les discussions et les
négociations qui nous attendent avec ce pays, et auxquelles vous avez fait
allusion tout à l'heure, madame la ministre.
Enfin, dernier chiffre, les émissions de CO2 représentent 80 % des émissions
de gaz à effet de serre dans l'Union européenne. Bien sûr, sur d'autres
continents, ce n'est pas le même rapport.
Dans ces conditions, dès 1990, dans le premier rapport du GIEC, les experts
estimaient qu'il fallait immédiatement réduire de 60 % les émissions de CO2 et
de méthane.
A partir de ces analyses, la communauté internationale a commencé à se
mobiliser : il s'en est suivi une série de conventions internationales, que
vous avez évoquées, madame la ministre, et vous aussi, monsieur le
rapporteur.
D'abord, au Sommet de la Terre, à Rio, en juin 1992, plus de 170 Etats, dont
la totalité des Etats européens, ont signé la convention-cadre des Nations
unies sur le changement climatique. Elle visait la stabilisation des émissions
de gaz à effet de serre en 2000 au même niveau qu'en 1990.
Le résultat, nous le savons tous, a été décevant, car les moyens mis en oeuvre
ne répondaient pas à cet ambitieux objectif. Il a donc été décidé au sommet
suivant, le sommet de Kyoto, en décembre 1997, par les pays industrialisés de
prolonger ces engagements pour la période 2008-2012 et de fixer un objectif de
réduction des émissions, et non plus de simple stabilisation.
Les pays industrialisés se sont engagés à réduire de 5,2 % leurs émissions de
gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Pour sa part,
l'Union européenne s'engage à réduire ses émissions de 8 %, et la France, quant
à elle, se fixe l'objectif de stabiliser ses émissions par rapport à 1990.
Pourquoi seulement une stabilisation ? Tout simplement parce que la France est
un meilleur élève que ses voisins, raison pour laquelle elle a moins d'efforts
à faire.
Il avait également été dit, à cette époque, que les pays en développement, les
PED, n'étaient pas tenus de réduire leurs émissions.
En contrepartie de ces différents objectifs, des mécanismes de flexibilité ont
été adoptés, notamment la création d'un marché de « permis de polluer ». Je
voudrais juste rappeler au passage que cela correspondait surtout à un souhait
des Américains. Il y a simplement quelques semaines, la France et l'Union
européenne se sont ralliées à ce marché de « permis de polluer », qui est à la
fois une bonne chose du point de vue économique, mais une formule bien ambiguë
sur le plan des principes.
En novembre 1998, la conférence de Buenos Aires devait préciser les outils
permettant de décliner les objectifs du protocole de Kyoto. Elle s'est soldée
par un échec dans la mesure où l'accord final ne comprenait pas d'engagements
fermes ni, surtout, de calendrier de travail.
Les négociations ont repris récemment, en octobre 1999, à Bonn, et comme vous
le disiez, madame la ministre, si la prochaine conférence internationale prévue
à La Haye en fin d'année, ne sera pas l'ultime étape, car nous savons que tout
cela prend du temps, du moins se tiendra-t-elle sous le présidence française de
l'Union européenne. J'espère que nous en profiterons pour faire avancer ce
débat difficile.
On le voit, la lutte contre l'effet de serre n'est pas évidente. Elle relève
d'un long processus international de déclarations d'intention qui ne sont pas
toujours assorties de mesures contraignantes. Ainsi le protocole de Kyoto
est-il encore largement inapplicable. Il ne pourra entrer en vigueur que
lorsque cinquante-cinq pays représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à
effet de serre l'auront ratifié. L'enjeu est dur.
A cet égard, la procédure de ratification a été récemment engagée puisque
l'Assemblée nationale a adopté votre texte hier, madame la ministre. C'est un
signe encourageant qui ferait de la France un des premiers pays industrialisés
à ratifier le protocole de Kyoto.
Je voudrais, après avoir dresser le tableau du contexte international,
m'arrêter sur la position de la France et sur les mesures qui pourraient être
prises.
C'est en début d'année que le Premier ministre a lancé un programme de lutte
contre l'effet de serre, qui se décline en cent mesures.
Parler de programme est d'ailleurs bien ambitieux, car, à le lire, cela
ressemble un peu à un catalogue « fourre-tout » dans la mesure où les moyens
demeurent assez confus.
D'abord, avant même que ces mesures soient mises en place, vous déclariez,
madame la ministre, le 19 janvier dernier, que ce programme serait amené à
évoluer. Nous sommes curieux de savoir comment et en vertu de quels arbitrages
au sein du Gouvernement.
Quoi qu'il advienne, permettez-moi de vous dire que si ces cent mesures vous
donnent le sentiment d'agir, elles nous laissent perplexes et inquiets
notamment du fait de certaines incohérences et ambiguïté.
Premièrement, ce programme augmente la fiscalité en étendant l'assiette de la
TGAP, mais ne concerne pas le secteur des transports qui est pourtant à
l'origine de près du quart de la pollution à effet de serre.
Ce choix ou, devrais-je dire, cette absence de choix est lourde de
conséquences.
D'une part, l'augmentation de la TGAP et sa nouvelle version sous la forme de
l'écotaxe représentera 12 milliards de francs au moins en 2001 : un tel
prélèvement - je n'entends pas beaucoup de membres du Gouvernement le rappeler
- pose la question de la compétivité de nos entreprises et du risque de
délocalisation de certaines d'entre elles. Vous le savez très bien, cette
écotaxe frappe certains secteurs - pas tous - notamment certains secteurs
créateurs d'emplois malheureusement.
D'autre part, sans rouvrir ici le débat sur les 35 heures, je tiens à rappeler
que la TGAP ne finance pas la politique de l'environnement mais une décision
que je considère comme doctrinaire : celle d'imposer la réduction du temps de
travail. C'est absurde !
Enfin, notre fiscalité sur les carburants est l'une des plus fortes d'Europe.
Certes, nous savons tous ce qu'elle représente comme ressources pour le budget
de l'Etat, mais je vous pose la question suivante : peut-on encore augmenter la
fiscalité sur les carburants ?
En tout état de cause, madame la ministre, vous avez le devoir de défendre
votre secteur de compétence. Vous devez exiger que la totalité de ces nouveaux
prélèvements aillent à la lutte contre l'effet de serre et ne servent pas à
payer d'autres dépenses.
La deuxième remarque sur les actions proposées par le Gouvernement, c'est
qu'elles n'abordent pas la question d'un comportement individuel qui
permettrait de réduire nos consommations d'énergie. Il est temps, par le biais
notamment d'une communication et d'une information appropriées, de sensibiliser
nos concitoyens - nous pouvons modifier nos habitudes sans réduire notre
confort - car tous doivent participer à la réduction des émissions de gaz à
effet de serre.
Troisièmement, le plan proposé par le Gouvernement passe complètement sous
silence l'encouragement à la recherche et, bien sûr, la recherche sur des
technologies réduisant les émissions de gaz.
Quatrièmement, il est évident que des mesures de lutte contre l'effet de serre
ne peuvent pas être engagées au seul niveau national.
Vous vous réjouissiez, voilà quelques instants, madame la ministre, de
l'augmentation de la TGAP. Certes, elle procurera des ressources, mais elle
frappera nos entreprises. Or il importe que nos entreprises ne se trouvent pas
handicapées par rapport aux entreprises des pays voisins en Europe. Il est
impératif à cet égard que nous profitions de la présidence française de l'Union
pour faire en sorte que ces mesures soient engagées à égalité à l'échelon
européen. Cela permettra d'éviter les distorsions de concurrence et, le cas
échéant, de réduire les coûts.
A ce titre, la démarche de la Commission européenne est tout à fait pertinente
: elle a récemment présenté un livre vert sur l'établissement d'un système
d'échange de droits d'émissions ; ce livre vert doit être l'occasion d'un large
débat jusqu'à l'automne.
Mes questions à ce sujet sont, dès lors, simples : quelle position la France
va-t-elle défendre ? D'autant que j'ai cru comprendre qu'il existait, au sein
du Gouvernement, des différences d'analyse sur le choix même du recours à
l'échange des permis d'émission. Quelles initiatives seront prises lors de la
présidence française de l'Union européenne ? En effet, le livre vert ne répond
pas à toutes les questions. Par exemple, il ne dit pas comment la charge sera
répartie entre les secteurs polluants, ni, surtout, comment les quotas seront
alloués.
J'espère, madame la ministre, que vous défendrez la France, qui, je viens de
vous le rappeler, est un bon élève en matière d'émission de gaz à effets
polluants. La logique veut qu'en contrepartie nous soyons bien servis en
matière de quotas.
En particulier, il me semble indispensable d'établir avec précision les
règles d'organisation de cette bourse d'échange. A cet égard, il faut fixer un
encadrement aux droits qui pourront être vendus ; cet encadrement peut se
concevoir comme un plafond en volume ou comme une limite dans la durée. Il faut
aussi se donner les compétences techniques en matière de mesures d'émission, de
certification des installations et des moyens de contrôle efficaces pour que le
système fonctionne vraiment et surtout pour qu'il ne se transforme pas en un
droit à polluer plus. Je ne suis pas inquiet en ce qui concerne la France en
l'occurrence, mais je suis inquiet s'agissant du comportement des pays
voisins.
Je terminerai mon propos en rappelant que le débat énergétique ne se limite
pas au seul critère de l'environnement mais qu'il relève d'une stratégie
globale sur le long terme.
Ainsi, le dossier de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne
peut être ouvert sans évoquer la question du nucléaire, principale industrie
énergétique, avec l'hydraulique, qui ne dégage quasiment pas de CO2. Or, la
France, grâce à son parc de centrales, est, avec la Suède, l'un des pays
d'Europe qui produit le moins de CO2.
Il faut savoir que la production d'électricité est responsable dans le monde
de 40 % des émissions de CO2 ; mais, en France, du fait de notre parc nucléaire
et hydraulique, ce sont plus de 95 % de l'électricité qui sont produites sans
émettre de CO2. Actuellement, la France présente le plus faible rejet de CO2
par kilowatt/heure produit : 78 grammes de CO2 par kilowatt/heure en France,
contre 444 en moyenne pour l'ensemble des pays européens. A vous, madame la
ministre, d'exiger des instances européennes qu'elles prennent en considération
cet effort.
Dans le grand débat qui nous attend à propos du renouvellement de notre parc
de centrales, nous devrons raisonner de manière globale, pour toutes les
énergies propres ; nous devrons aussi prendre en compte les énergies
renouvelables, énergies d'appoint qu'il faudra intégrer dans des projets
économiques et secteur où la France a des progrès à faire si elle veut
rattraper ses voisins.
Mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants apporte son
soutien à la présente proposition de loi, mais il souhaite que s'engage enfin
une véritable politique nationale de lutte contre l'effet de serre et les
risques de réchauffement climatique.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pense qu'il
y a unanimité dans cet hémicycle pour considérer que l'effet de serre, comme
l'a révélé le G 8, est un problème fondamental pour l'humanité.
Il y a plus de quinze ans, à Sophia-Antipolis, j'ai organisé, au sein de
l'Ecole des mines de Paris, décentralisée pour partie là-bas, un colloque sur
le changement de climat et le gaz carbonique atmosphérique. C'était le premier
colloque au monde à réunir des décideurs de politique énergétique, y compris
des politiques, et les scientifiques internationaux les plus compétents, ceux
qui lançaient le programme « effet global de serre », notamment un certain
nombre de nos collègues américains.
Les conclusions furent, bien entendu, parce que les scientifiques sont
toujours prudents : « Nous ne pouvons pas l'affirmer, mais nous sommes
absolument certains que, d'abord, l'augmentation de l'effet de serre est dû à
un effet anthropique, c'est-à-dire au développement de l'utilisation des
combustibles fossiles, ensuite que cet effet aura, à terme, sans que nous
puissions dire quand, des conséquences catastrophiques. » Malheureusement,
quand un scientifique dit : « Nous ne savons pas quand », automatiquement, les
médias et les gouvernements lui répondent : « Quand vous saurez quelque chose
de plus précis, vous reviendrez nous voir. »
L'échelle de temps, dont on pense qu'il s'agit d'une échelle de temps
géologique, correspondant donc à des centaines de milliers d'années,
n'intéresse, au fond, ni les décideurs, ni les politiques, ni les économistes,
ni les industriels.
A partir du moment où l'on avoue ne pas savoir si l'échéance est à dix ans, ou
à cent ans, la nature du problème change. Or, nous sommes dans cette situation
à l'heure actuelle.
Il ne faut pas croire que les conséquences de l'effet de serre seront pour le
xxiie siècle. Non ! le processus est déjà en marche. Les scientifiques savent
aujourd'hui de façon certaine que l'augmentation des cyclones tropicaux est due
à un changement de climat.
Il est tout à fait normal que le rapporteur de cette excellente initiative
soit sénateur de la Réunion. Il est en effet certain que les premiers menacés
par l'effet de serre sont les pays situés dans les zones tropicales.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Pierre Laffitte.
Mais sont-ils les seuls ?
Quelle que soit leur importance, quel que soit l'intérêt que nous apportons
aux petits Etats-îles, il y a beaucoup plus grave.
Ainsi, parmi les conséquences de l'aggravation de l'effet de serre, il faut
noter, tout d'abord, l'augmentation de la température des mers, qui conduit à
une élévation de leur niveau de 50 à 60 centimètres.
Mais il y a plus grave, il y a la fonte des glaciers, en particulier de
l'inlandsis antarctique.
Il faut savoir que des pans entiers de glace se détachent et deviennent des
icebergs. Cela a été le cas, l'an dernier, pour un morceau gros comme la Corse.
Cela aussi contribue à une augmentation instantanée du niveau de la mer de
quelques millimètres.
Nous savons également que, au-dessus de la mer de Ross, un morceau grand comme
la France est en équilibre instable. Ce que nous ne savons pas, en revanche,
c'est s'il va s'effondrer dans cinq ans, dans dix ans, ou dans cinquante ans.
Mais, s'il s'effondre, cela conduira à une augmentation du niveau des mers de
5,5 mètres. Tous les ports mondiaux seront arrêtés, la plupart des aéroports
mondiaux seront submergés. Ce sera une catastrophe globale, planétaire.
Un certain nombre de villes, voire de pays, y compris européens - je pense en
particulier au Danemark et aux Pays-Bas - sont eux aussi directement concernés
par ce scénario catastrophe, dont les scientifiques savent qu'il se produira,
même s'ils ne savent pas quand.
Pour ce qui concerne des problèmes très importants, tels que la sécurité
alimentaire, les scientifiques prennent des précautions. En matière d'effet de
serre, en revanche, il n'est pas question du principe de précaution. Les
conséquences économiques de ce phénomène sont pourtant fondamentales,
considérables.
Les mesures à prendre visent l'ensemble des centrales d'électricité dans le
monde, à l'exception des centrales nucléaires.
Il faudrait d'abord bannir toutes les centrales à lignite car ce sont les plus
polluantes, notamment par leur radioactivité ; il faudrait bannir aussi toutes
les centrales à charbon, toutes les centrales à pétrole et même les centrales à
gaz.
Il faudrait bannir également la circulation automobile, sauf pour les
véhicules électriques - mais on retombe alors sur le problème de la fabrication
de l'électricité.
Il faudrait évidemment aussi mettre un terme à toutes les dépenses d'énergie
extravagantes, notamment dans des pays tels que l'Ukraine ou la Russie, où
elles sont de trois ou quatre fois supérieures à celles d'autres pays, en
particulier de la France.
La France est la bonne élève dans cette affaire. Il convient toutefois qu'elle
renforce la recherche, qu'elle a un peu laissé tomber, sur la biomasse, qui est
une forme d'énergie solaire, sur l'utilisation du bois dans le bâtiment, qui
est une forme de stockage de CO2, sur le photovoltaïque, sur toutes les formes
d'énergies alternatives.
Il faut par ailleurs renforcer la recherche sur tout ce qui contribue aux
économies d'énergie, y compris dans les transports, comme Mme la ministre l'a
rappelé tout à l'heure.
Il faut renforcer la recherche sur la gestion à long terme des déchets
nucléaires. Car, ne nous y trompons pas, l'avenir dépend en grande partie du
développement de la sécurisation de la seule énergie dont nous pensons à
l'heure actuelle qu'elle n'a pas d'effet sur le réchauffement de la planète. De
plus, elle est stockable.
Il faudra également développer les recherches sur l'utilisation de
l'électricité dans les transports. Pour le rail, c'est fait, et bien fait.
Mais, pour les voitures personnelles, c'est beaucoup plus compliqué. Toutefois,
des recherches sont en cours pour l'utilisation de l'hydrogène pour la
propulsion des voitures, surtout en Allemagne, à Munich.
Il y a donc véritablement une stratégie à mettre en oeuvre, pour laquelle tant
Mme la ministre que M. le rapporteur ont très clairement évoqué la nécessité de
faire des recherches.
M. Poniatowsky a relevé, à très juste titre, que, pourtant, cela ne paraissait
pas une prioriété actuelle. J'espère que le Gouvernement se rendra compte que
c'est une nécessité à la fois pour que la France puisse développer les moyens
scientifiques, qui sont de plus en plus importants dans la nouvelle économie,
et attirer vers elle les cerveaux du monde entier qui s'intéressent à ce
problème.
Comme nous sommes réputés être les bons élèves en la matière, nous pouvons
très bien saisir l'occasion, avec la création de l'Observatoire national sur
les effets du réchauffement climatique, d'afficher d'emblée une volonté
technique et scientifique qui nous aidera à être véritablement perçus par les
scientifiques du monde entier comme les
leaders
indispensables et
indiscutables. Nous pouvons l'être, nous devons l'être. C'est notre intérêt et
nous pouvons y parvenir.
Je demande donc à Mme la ministre de profiter de la présidence française pour
développer cet observatoire - auquel je suis favorable - en lui donnant au
départ une dimension européenne.
Mme Hélène Luc.
Cela, c'est très bien !
M. Pierre Laffitte.
Dans quelques minutes, je vais faire une conférence de presse sur la politique
européenne de recherche, thème sur lequel je viens de terminer un rapport pour
le compte de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques.
Vous voyez, madame la ministre, que le Parlement s'intéresse à des sujets
d'avenir. J'en veux pour preuve également le rapport que M. Deneux va déposer,
lui aussi, sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Mon propre rapport prévoit très clairement de faire financer par l'Europe les
opérations initiées par un pays, à condition qu'elles aient une vocation
mondiale. Nous l'avons fait pour le CERN et pour l'institut Léo-Langevin
notamment. Nous pouvons le faire pour l'observatoire, qui sera un lieu de
concentration des compétences mondiales en matière de réchauffement
climatique.
Mon groupe votera, sous réserve de l'affirmation de la volonté
d'européanisation, puis d'internationalisation de l'observatoire, l'excellente
proposition de loi de notre collègue, M. Vergès.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
M. le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'indique dans
l'exposé des motifs de sa proposition de loi notre collègue Paul Vergès : « Il
est peu d'autres exemples dans l'histoire du monde où la responsabilité n'a été
aussi forte, dans les choix du présent, au regard de l'avenir de l'humanité et
des générations futures. »
Il est peu d'autres exemples, peut-être, mais doit-on s'en réjouir ? Ces
derniers se multiplient et le réchauffement de la planète, comme souvent les
dossiers qui ont trait à l'environnement, appelle une responsabilité
particulière, qui dépasse très largement le cadre national et dans laquelle
notre pays doit prendre toute sa part, voire l'initiative, comme nous le
propose notre collègue.
Ce dossier, qui se révèle à plus d'un titre complexe - les études sont encore
relativement récentes, les conclusions des experts ne sont pas unanimes - est
l'objet, depuis les moments clefs que furent le sommet de Rio et la conférence
de Kyoto, d'une attention de plus en plus grande tant chez nos concitoyens que
dans la classe politique elle-même.
En outre, l'ampleur des catastrophes naturelles de la dernière période ajoute
encore à cette préoccupation.
Figurant au rang de ces questions qui appellent une responsabilité
internationale - je serai même tenté de dire universelle - le réchauffement de
la planète est l'exemple de ces questions qui justifient une autre manière de
règlement politique, non plus à l'échelle de l'Etat, mais à l'échelle
planétaire.
Comment ne pas voir en effet qu'en l'espèce d'autres relations au monde sont
nécessaires.
Les rapports Nord-Sud, l'augmentation de la population mondiale, une nouvelle
conception du développement, bref un nouveau mode de pensée de la modernité et,
bien entendu, une autre définition des règles économiques en cours, à l'échelle
mondiale, sont des éléments incontournables de la réflexion à conduire.
Faut-il y voir la venue du « village planétaire » qui bouleverse notre vision
du monde dans son ensemble et qui nous impose une tout autre conception du «
vivre en société », fondée sur d'autres paramètres que des critères
économiques, qui paraissent ici, compte tenu des enjeux, bien déplacés ?
Nous le pensons, comme le pensent ceux qui ont pour souci la mise en place
d'autres règles ou d'autres modèles pour l'organisation mondiale du commerce,
pour la sécurité alimentaire ou encore pour les organismes génétiquement
modifiés. La liste s'allonge, comme je l'indiquais à l'instant, de ces
questions universelles auxquelles il faut nous confronter pour assurer le
devenir de l'humanité tout entière !
La réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du
réchauffement climatique doit être l'affaire de chacune et de chacun des
individus qui peuplent notre planète, nous en sommes convaincus.
Pour autant, nous savons - et, à ce titre, le sommet de Rio fut un moment
important - qu'il convient de distinguer la réalité des pays développés de
celle des pays en voie de développement : pour faire court, le souci
environnemental est partagé dès lors que le développement lui-même est partagé.
En elle-même, cette question est déjà bien vaste.
Saurons-nous répondre, avec modestie mais non sans solennité, à la question
posée par le sommet de Rio et qui soulevait la question du développement
durable : l'espèce humaine saura-t-elle durer ?
Sans sombrer dans une vision eschatologique universelle, la proposition de
notre collègue Paul Vergès nous invite à cette réflexion.
Quel développement pour demain ?
Après le sommet de Rio, il nous faut, avec l'ensemble de la communauté des
hommes, proposer, innover, rechercher.
Le sommet de Rio n'a pas fini d'appeler des réponses neuves, et il convient en
premier lieu de redéfinir la notion même de développement.
A ce titre, les projections des émissions de CO2 varient considérablement
selon les hypothèses de la croissance mondiale, donc selon le niveau de
développement.
Ainsi, pour un taux de croissance annuel moyen de 3,3 %, les émissions de CO2
à l'horizon 2050 pourraient tourner autour de trente milliards de tonnes de
carbone et atteindre neuf milliards de tonnes selon une hypothèse de croissance
annuelle de 1,3 %.
Il va sans dire que le coût annuel des dommages liés au changement climatique
pèserait très lourdement sur les économies des pays en voie de développement,
même si ces indications sont à relativiser dans la mesure où de nombreuses
incertitudes scientifiques pèsent encore.
Dans ce contexte, la proposition de notre collègue et ami Paul Vergès
s'inscrit pleinement dans le cadre du principe de précaution tel que le suggère
dans son rapport notre collègue Serge Lepeltier : « L'effet de serre est un
dossier qui préoccupe notre Haute Assemblée. »
Au premier rang des priorités pour lutter contre l'effet de serre, notre pays
doit disposer de connaissances suffisantes. A cet égard, si la création d'un
observatoire national peut constituer un élément privilégié pour la mise en
réseau des informations relatives au réchauffement, l'effort de notre pays en
matière de recherche scientifique ne doit pas fléchir. La moindre croissance,
ces dernières années, du budget de la recherche civile et du développement doit
donc être inversée.
L'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique aura
également pour mission d'informer l'ensemble non seulement de nos concitoyens,
mais également des élus et au-delà, sur l'avancement de la recherche
scientifique en matière de réchauffement climatique et sur les mesures propres
à prévenir ce phénomène.
La solidarité de cet observatoire en direction des petits pays, des Etats-îles
les plus exposés est un aspect particulièrement positif de cette
proposition.
La sensibilisation à ces questions passe par une plus grande information de
nos concitoyens qui, seule, permettra une responsabilisation de chacun.
Plus qu'aujourd'hui peut-être, le débat, l'enjeu démocratique est
incontournable autour de questions dont la portée fondamentale pour le devenir
des espèces ne doit pas nous échapper.
La proposition de loi que nous examinons fait l'objet d'une attention unanime
des membres de notre Haute Assemblée et permettra, si elle est adoptée, de
donner une place neuve dans ce défi universel qu'est le réchauffement de la
planète et ses conséquences.
Les territoires et départements d'outre-mer constituent des pôles avancés de
l'observation des phénomènes climatiques ; ils peuvent également, du fait de
leur proximité géographique avec les pays en voie de développement, constituer
un instrument d'appréhension particulièrement adapté à de nouvelles formes de
coopération internationales.
En adoptant ce texte, nous mesurons l'importance du problème et donc les
tâches qui nous attendent dans les contours de ce dossier aux dimensions
internationales.
Nous souhaitons, pour notre part, que cette initiative soit la première d'une
série qui associe le Parlement à des questions d'une portée aussi
fondamentale.
Nous prendrons part, toutes les fois que l'occasion nous en sera donnée, à ces
débats qui, bien qu'éloignés de la stricte actualité politique, n'en
constituent pas moins une des missions fondamentales du politique
aujourd'hui.
Il va sans dire que notre groupe votera cette proposition de loi.
(Applaudissements.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, je voudrais vous apporter des éléments de réponse et
formuler quelques remarques à la suite de vos interventions.
Je ne crois décidément pas qu'un discours d'autosatisfaction soit de mise à
cette heure. La France a pu peut-être, par le passé, apparaître comme un bon
élève. Mais il faut reconnaître qu'une certaine stagnation des émissions de gaz
à effet de serre a pu aussi correspondre à des périodes de récession
économique. La description d'une France bonne élève, d'une France exemplaire, à
laquelle reviendrait le soin de diffuser de bonnes pratiques et de donner de
bons conseils, n'est donc pas vraiment à la mesure de la réalité.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à une explosion des émissions, dans le
domaine des transports notamment, qui nécessite d'envisager, dans l'avenir, des
mesures allant au-delà de ce qui a déjà été fait aux échelons tant national et
communautaire qu'international.
Sur le plan national, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à
apporter le plus grand soin à la cohérence des positions des uns et des autres
dans les différentes enceintes où nous sommes amenés à nous exprimer. En effet,
je me suis trouvée confrontée, au sein de cet hémicycle, à des membres de la
Haute Assemblée qui plaidaient pour la poursuite à l'identique du programme
autoroutier et d'un programme d'aménagement routier qui pourraient être
déconnectés, à mes yeux, des efforts que nous déployons par ailleurs en matière
d'effet de serre !
Vous souhaitez, par le programme national de maîtrise des émissions de gaz à
effet de serre, susciter une mobilisation générale et assurer la cohérence
entre les mesures qui sont prises aux niveaux national, régional - dans le
cadre des contrats de plan -, départemental et des collectivités locales.
Je voudrais assurer une articulation entre les mesures que nous prenons ici et
celles que je défends, au nom de la France, au sein du conseil « environnement
», par exemple, ou qui sont défendues par M. Jean-Claude Gayssot au sein du
conseil « transports ».
Ce qui frappe, c'est que ces mesures touchent des champs - dans le domaine du
transport notamment - qui n'ont pas de lien apparent avec l'effet de serre.
Quand je plaide, sur le plan communautaire, pour la réduction des émissions par
la modification des moteurs et des carburants, c'est limpide ; mais quand M.
Jean-Claude Gayssot se bat, au niveau européen, pour harmoniser les temps de
travail des chauffeurs routiers ou pour infléchir de façon significative les
choix d'infrastructures en faveur du rail pour les transports à longue distance
de marchandises, le lien avec l'effet de serre n'est pas aussi évident pour
tout le monde.
Notre premier combat réside donc dans la mise en place d'un plan national de
maîtrise des émissions qui soit à la mesure des besoins et qui, par un soin
maniaque, associe l'ensemble des secteurs.
M. Poniatowski a plaidé d'une curieuse façon tout à l'heure en déclarant, en
substance, que dans certains secteurs, on n'en fait pas assez, mais que c'est
déjà trop. Vous vous êtes tour à tour étonné de l'absence de mesures fiscales
nouvelles dans le domaine des transports, tout en espérant que l'on
n'alourdisse pas la fiscalité des carburants.
M. Ladislas Poniatowski.
C'est une question très difficile, madame la ministre, je le reconnais.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous le
répète, monsieur Poniatowski, dans les domaines où nous sommes confrontés à des
problèmes de compétitivité de nos entreprises, nous agissons évidemment en
privilégiant la coordination des mesures qui doivent être prises au niveau
communautaire. C'est ainsi que le Gouvernement français a choisi de faire de
l'harmonisation de la fiscalité dans le domaine de l'énergie et de la taxation
de l'énergie et du CO2 une des priorités de la présidence française. Je vous
rappelle qu'il est prévu, dans le calendrier de la présidence, un temps
permettant une réunion, soit parallèle, soit même conjointe, du conseil «
ECOFIN » et du conseil « environnement », afin d'avancer dans ce domaine de la
fiscalité de l'énergie.
Il en est de même s'agissant de la modification des comportements individuels.
Vous nous dites -, et je suis tout à fait en accord avec vous -, qu'il est
possible de modifier nos habitudes sans réduire notre confort. C'est bien
l'enjeu du plan. Il ne s'agit pas de petites mesures qui auraient pour objet de
dispenser la France de tenir ses engagements. Il s'agit de mesures qui touchent
chacune et chacun d'entre nous dans ses habitudes, dans ses choix de
consommation, dans ses comportements individuels. C'est l'ensemble de ces
petites gouttes qui formeront la grande rivière qui nous est nécessaire pour
satisfaire à nos engagements internationaux.
J'en arrive au programme national de lutte contre l'effet de serre, qui a été
annoncé voilà quelques jours.
Bien sûr, il est évolutif. Il n'est pas le premier dont la France s'est dotée
; c'est pratiquement le quatrième ou le cinquième. A peu près tous les deux
ans, nous sommes conduits à dresser un bilan des résultats obtenus par les
mesures déjà décidées, à les compléter, voire à les modifier s'il se révèle que
certaines de ces mesures sont de fausses bonnes idées, comme cela peut aussi
arriver.
En tout cas, je défends, tant aux niveaux national et communautaire qu'au
niveau international, l'idée que les pays industrialisés doivent réaliser
l'essentiel de leurs efforts à travers des politiques et des mesures
domestiques coordonnées.
M. Ladislas Poniatowski.
Mais conjointement !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je pense,
par exemple, à l'idée d'une taxe sur le kérosène. On me dit, au niveau
communautaire, qu'une telle décision ne peut être prise qu'au niveau
international. Pour ma part, je ne partage pas cette idée. Les avions qui
atterrissent sur le continent européen doivent en repartir. Si nous mettons en
place une taxe sur le kérosène coordonnée au niveau communautaire,...
M. Ladislas Poniatowski.
Ce serait une bonne chose !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... je
pense au contraire que cette mesure sera très efficace. Elle pourrait même être
une des idées-forces que l'Union européenne défendrait au niveau international.
Je n'ai donc pas l'intention de relâcher la pression sur l'idée que ce sont les
politiques et les mesures coordonnées et/ou domestiques qui doivent constituer
l'essentiel des efforts des pays industrialisés.
Viennent ensuite les mécanismes de Kyoto.
Vous aurez noté que je ne les qualifie jamais de mécanismes de flexibilité. En
effet, ils ne me paraissent acceptables que dans la mesure où, précisément, ils
ne sont pas flexibles. Ils ne doivent pas permettre aux Etats de s'exonérer de
leurs responsabilités et de faire peser sur d'autres la responsabilité de
limiter les émissions de gaz à effet de serre.
A cette heure, ces mécanismes sont au nombre de trois. Ils ne se limitent pas
à la mise en place d'un marché de « droits à polluer », comme je l'entends
parfois dire de façon hâtive.
En premier lieu, il s'agit du mécanisme de mise en oeuvre conjointe. Il
s'adresse aux pays dits « de l'Annexe I », c'est-à-dire à ceux qui ont d'ores
et déjà pris des engagements contraignants de réduction de leurs émissions. Ce
mécanisme comporte un risque, à savoir l'échange, entre pays, d'émissions qui
n'existent déjà plus, comme « l'air chaud ».
Les pays de l'ex-Europe de l'Est, confrontés à une récession économique de
grande ampleur, ont déjà fermé ou fermeront nombre d'installations qui
polluaient beaucoup et émettaient beaucoup de gaz à effet de serre.
On ne peut pas considérer, c'est vrai, que la coopération entre - je vais
donner des exemples au hasard - la Finlande et la Russie, ou bien la France et
la Pologne se traduirait par une dotation en équipements permettant de limiter
les émissions du côté russe sans réduction réelle des émissions, les
installations correspondantes ayant été fermées voilà déjà plusieurs années. Ce
serait un marché de dupes.
En deuxième lieu, le mécanisme de développement propre concerne, cette fois,
des systèmes de coopération entre des pays de l'Annexe I et des pays en voie de
développement. Il comporte une difficulté : il doit vraiment correspondre à des
projets additionnels au programme de coopération et de développement. Il ne
faudrait pas que ce soit un prétexte pour vendre à ces pays des technologies à
la place de programmes de développement préexistants.
En troisième lieu, il y a la mise en place d'un marché de permis d'émissions,
avec tous les problèmes que vous avez évoqués les uns et les autres et que M.
Lepeltier a très bien résumés dans son rapport.
Quid
de l'allocation
initiale ?
M. Ladislas Poniatowski.
C'est vrai.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Il y a une
vraie ambiguïté.
Défendons-nous, pour notre pays, des droits d'émissions aussi élevés que
possible, ce que vous m'avez appelée à faire, monsieur Poniatowski ?
M. Ladislas Poniatowski.
Non, je pense qu'il ne faut pas tricher.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mais il
faut savoir que cela reviendrait à s'allouer un droit maximal à polluer.
Défendons-nous, au contraire, l'idée de la fixation d'un droit d'émissions par
être humain à l'échelle de l'humanité, avec le souci de s'engager dans une
stratégie de convergence des émissions à un niveau qui nous paraît compatible
avec les exigences du développement et avec celles d'une stabilisation du
climat ?
Je considère que ce ne sont pas seulement des problèmes techniques. Ce sont
d'abord des problèmes politiques. Il nous manque avant tout des lieux pour
approfondir ces discussions qui sont d'ordre politique, éthique et social
autant que technique.
M. Ladislas Poniatowski.
La France, ce n'est pas ma crainte. Ma crainte, ce sont les Etats-Unis.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ma
crainte, c'est aussi la France, parce qu'elle n'échappe pas davantage à cette
tentation !
Il est vrai que l'on voit aussi se dessiner, dans les pays développés en
général, des tentations qu'il nous faut cadrer.
M. Ladislas Poniatowski.
Tout à fait !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Il existe
une difficulté supplémentaire : alors que ce sont les Etats qui prennent des
engagements internationaux, ce sont les entreprises qui pourraient être amenées
à mettre en place un permis d'émissions,...
M. Ladislas Poniatowski.
Absolument !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... d'où
une vraie difficulté d'articulation.
J'en viens brièvement aux liens entre le nucléaire et l'effet de serre.
Heureusement, il existe, je crois, des alternatives. Le choix n'est plus,
comme dans les années soixante-dix, entre le nucléaire et la bougie. Il n'est
pas non plus, aujourd'hui, entre le nucléaire et l'effet de serre. On
sous-estime les opportunités ouvertes par les progrès technologiques tout à
fait considérables, par exemple dans le domaine de la cogénération. Le
rendement des chaudières au gaz, qui permettent de produire à la fois de la
chaleur et de l'électricité, est aujourd'hui tout à fait intéressant. Or je
constate que les entreprises françaises sont bien plus capables d'en vendre à
l'étranger que de les utiliser sur le territoire national ; mais le rendement
atteint 60 % aujourd'hui.
Je constate également que la pile à combustible constitue une piste crédible à
l'échelle de quelques années, tant pour la production d'électricité proprement
dite dans le domaine industriel que pour la propulsion des véhicules.
Je note aussi que l'on ne peut pas faire l'impasse sur une réalité tragique, à
savoir que la plupart des pays de la planète n'ont pas d'autres énergies à leur
disposition que des énergies sales.
M. Ladislas Poniatowski.
Le charbon.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous avons
une grosse marge de manoeuvre dans la diffusion de techniques d'utilisation
propre de ces énergies sales. Je pense notamment à la centrale thermique de
Gardanne, à la chaudière à « lit fluidisé circulant », qui utilise du charbon
qui n'est pas d'une qualité optimale, mais avec un procédé qui permet de
réduire de façon tout à fait considérable les émissions.
Je ne veux pas laisser croire à des pays en voie de développement qui n'ont
pas les moyens de nourrir leur population qu'ils pourront acheter des
technologies ruineuses à nos pays développés, nucléaires ou autres. En
revanche, je crois beaucoup à la diffusion massive des technologies qui
permettent de réduire la casse dans des délais raisonnables. Il faut agir en ce
sens de façon rapide.
M. Pierre Laffitte.
Le terme « ruineux » est excessif !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
ruineux pour eux, effectivement !
Monsieur Vergès, nous avons à développer, pour les départements et les
territoires d'outre-mer, une stratégie de maîtrise des émissions de gaz à effet
de serre.
Je ne veux pas faire l'impasse sur le fait qu'à la Réunion, tout
particulièrement, est utilisé, pour des raisons économiques, un carburant,
fourni par des pays du Moyen-Orient, qui ne respecte pas les normes
européennes.
Une mise à jour de notre programme national de maîtrise des émissions de gaz à
effet de serre devrait nous permettre d'avancer de façon positive pour le
confort des habitants des départements d'outre-mer.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - La lutte contre l'intensification de l'effet de serre et la
prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorité
nationale. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 à 5
M. le président.
« Art. 2. - Il est créé un Observatoire national sur les effets du
réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et
territoires d'outre-mer. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement
climatique est chargé de collecter et de diffuser les informations, études et
recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes
climatiques extrêmes en France métropolitaine et dans les départements et
territoires d'outre-mer, en liaison avec les établissements et instituts de
recherche concernés et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution
du climat (GIEC). Il peut mener dans son domaine de compétence toute action
d'information auprès du public et des collectivités territoriales. » -
(Adopté.)
« Art. 4. - L'Observatoire national sur les effets du réchauffement
climatique élabore chaque année, à l'intention du Premier ministre et du
Parlement, un rapport d'information. Ce rapport peut comporter des
recommandations sur les mesures de prévention et d'adaptation susceptibles de
limiter les risques liés au réchauffement climatique. Il est rendu public. » -
(Adopté.)
« Art. 5. - Le siège, la composition, les modes de désignation des
membres et les règles de fonctionnement de l'observatoire sont fixés par
décret. » -
(Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Bellanger, pour explication de vote.
M. Jacques Bellanger.
La proposition de loi que M. Paul Vergès et les sénateurs antillais du groupe
socialiste, MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla et Claude Lise, ont cosignée
recueille la pleine adhésion du groupe socialiste. Dans son article 1er, elle
fait de la lutte contre l'intensification des effets de serre et de la
prévention des risques liés au réchauffement climatique une priorité
nationale.
Bien sûr, cet article n'a qu'une valeur déclarative et non normative. Mais
l'expérience nous montre qu'avec le temps les articles déclaratifs peuvent
prendre du corps sur le plan tant législatif que constitutionnel. Je pense par
exemple à l'article 1er de la loi de 1990 relative à la mise en oeuvre du droit
au logement, qui affirmait que « garantir le droit au logement constitue un
devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». A l'origine simple
affirmation sans conséquence juridique, le droit au logement est devenu au fil
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel un principe de valeur
constitutionnelle.
L'article 1er de la proposition de loi est donc pour nous important.
Il doit inciter les Etats à prendre en considération ce problème majeur qu'est
le réchauffement de la planète et à agir en conséquence.
Je me félicite donc des dispositions annoncées par le Premier ministre lors de
la réunion du comité interministériel consacré à l'effet de serre, le 19
janvier dernier. Le Gouvernement a montré qu'il avait pris conscience de
l'ampleur du phénomène.
Je me réjouis également que le Gouvernement saisisse le Parlement pour
ratifier le protocole de Kyoto ; ce devrait être bientôt chose faite à
l'Assemblée nationale ; vous venez, madame la ministre, de le confirmer.
Enfin, mon groupe souscrit aux modifications apportées au texte initial par la
commission des affaires économiques et du Plan sur les missions de
l'observatoire. Il me paraît en effet utile de recentrer ces missions sur la
collecte et la diffusion des informations, études et recherches sur l'effet de
serre, de même que sur les actions de sensibilisation du public et des
collectivités locales. Les lieux d'études ne manquent pas ; encore faut-il bien
diffuser l'information pour pouvoir agir, et l'Observatoire pourra jouer ce
rôle.
Le groupe socialiste votera donc les conclusions de la commission des affaires
économiques et du Plan, apportant tout son soutien à cette proposition. Il
restera ensuite, madame la ministre, et vous avez raison de le rappeler, à
mettre au quotidien nos décisions législatives en accord avec les choix que
nous allons proclamer, de façon unanime vraisemblablement, dans cette
assemblée.
Je souhaite donc que, dans chacune de nos décisions législatives à venir, nous
déclinions notre volonté de lutter contre l'effet de serre. Je suis certain,
par exemple, que, lorsque nous examinerons pour avis les prochains schémas de
transport de voyageurs et de marchandises, nous prendrons de façon unanime les
mesures nécessaires pour réduire considérablement les émissions de gaz
carbonique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Esneu.
M. Michel Esneu.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de
la présentation par le Premier ministre du programme national de lutte contre
l'effet de serre, le groupe du Rassemblement pour la République a considéré que
les mesures proposées étaient trop timides et d'application trop lointaine.
Alors que l'institution d'une écotaxe sur le carbone dans des secteurs ciblés,
d'un montant suffisamment élevé pour obliger les industriels à agir, est
urgente, le Gouvernement s'en remet à des décisions européennes aléatoires.
Pour notre part, nous proposons, par la voix de notre collègue Serge
Lepeltier, de taxer les émissions de gaz carbonique conformément au principe «
pollueur-payeur », de refonder et de rétablir la notion d'économie d'énergie,
de restaurer les moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie, l'ADEME, de rééquilibrer la fiscalité des carburants, de moduler la
fiscalité des véhicules selon leurs émissions polluantes, de maîtriser le
développement de la voiture en ville, de développer l'offre de transports en
commun et de promouvoir la cogénération.
Nous proposons aussi de promouvoir le développement, avant 2008, d'un marché
européen de permis d'émissions ouvert aux entreprises grandes consommatrices
d'énergie. Enfin, nous rappelons que rien ne se fera sans l'adhésion et la
participation des citoyens comme des collectivités locales.
La proposition de loi que notre Haute Assemblée vient d'examiner vise à créer
un observatoire national sur l'approfondissement de l'étude des conséquences du
réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et
territoires d'outre-mer. Cet observatoire doit offrir aux élus locaux et aux
collectivités les moyens d'élaborer une véritable politique de prévention dans
ce domaine et doit permettre plus spécifiquement aux départements et
territoires d'outre-mer d'engager une coopération avec les Etats regroupés au
sein de l'Alliance des petits Etats insulaires.
Cosignée par des parlementaires issus de l'ensemble des groupes politiques
représentés au Sénat, cette proposition de loi s'inscrit donc dans la réflexion
que le groupe du Rassemblement pour la République mène sur ce sujet. C'est la
raison pour laquelle il la votera.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis
de la qualité des débats que nous avons eus ce matin sur ce sujet très
important, auquel l'opinion publique n'a pas toujours attaché, par la force des
choses, l'attention qu'il méritait.
Le débat a été riche. Finalement, cette initiative aura permis à la Haute
Assemblée d'avoir au moins une fois une discussion approfondie sur ce sujet
crucial. Elle nous a en outre permis d'obtenir quelques réponses de votre part,
madame le ministre, réponses qui, même si elles ne nous satisfont pas toutes,
nous ont permis de connaître la position du Gouvernement.
Cependant, il se trouve que M. le président de l'Assemblée nationale et M. le
président du Sénat ont chargé l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques d'un rapport sur un sujet plus large que
l'effet de serre, puisqu'il s'agit de l'évolution du climat et de ses
conséquences prévisibles sur la géographie. Il se trouve que je suis chargé de
ce rapport.
C'est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je tiens à réaffirmer la
nécessité pour la représentation nationale d'accorder à ce problème crucial et
majeur l'importance qui s'attache aux grands problèmes de notre époque. Nous
n'avons pas le droit, en le négligeant, d'hypothéquer l'avenir de nos
petits-enfants, comme l'a très bien dit Pierre Laffitte.
Je tiens à dire d'ailleurs que je souscris absolument aux interventions de MM.
Laffite et Poniatowski, comme j'ai apprécié certains des propos de M. Le Cam.
Il est heureux que toutes ces choses soient dites.
Toutefois, étant donné la méthode retenue, dans la mesure où la discussion de
ce texte a eu lieu avant le dépôt du rapport de l'Office d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques, vous comprendrez, mes chers collègues, que,
pour réserver l'avenir et, dans l'hypothèse où il y aurait des navettes, nous
ménager la possibilité de déposer des amendements, mon groupe s'abstiendra.
Bien entendu, cette abstention n'est motivée ni par la personnalité du
rapporteur ni par le sujet traité, elle tient simplement à la procédure qui a
été suivie.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Ainsi que je l'ai indiqué lors de mon intervention à la tribune, mon groupe
votera la présente proposition de loi, sous la réserve que j'ai faite, à
savoir, d'une part, que, l'observatoire soit étendu à l'échelon européen et,
d'autre part, qu'il ait essentiellement pour fonction d'être un lieu de
concertation entre les multiples organismes qui, dans le monde de la recherche
mais aussi dans le monde industriel, se préoccupent des effets du réchauffement
climatique.
Je veux plus particulièrement insister sur la nécessité absolue de renforcer
les moyens des équipes de recherche. Je pense notamment à la recherche dans les
terres australes, qui doit avoir les moyens nécessaires à son action tant au
niveau français, puisque nous avons sur place une équipe nationale, qui se
consacre à l'Antarctique, qu'au niveau international, où nous devons nous doter
des moyens de prévoir, puis suivre les catastrophes qui pourraient
éventuellement se produire, de façon à informer le plus tôt possible les
gouvernements des mesures à prendre pour éliminer les effets néfastes de telles
catastrophes.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Certes, je comprends la frustration de notre collègue Marcel Deneux par
rapport à la sortie de son rapport. Cela dit, il aurait été souhaitable que
notre Haute Assemblée adoptât à l'unanimité cette proposition de loi.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Gérard Le Cam.
Par ailleurs, je tiens à dire que la proposition de confier ce projet à la
présidence française européenne n'enlève rien au rôle que la France doit jouer
à l'égard de cette grande question humanitaire. Bien sûr, l'Europe peut
apporter un plus ; cela n'a rien d'hypothétique. Sur ce point, j'adhère tout à
fait aux propos qu'a tenus tout à l'heure notre collègue Pierre Laffitte.
Je souhaite, bien évidemment, que le groupe de Marcel Deneux revienne sur sa
décision, et j'appelle la Haute Assemblée à voter à l'unanimité cette
proposition de loi.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Paul Vergès,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Vergès,
rapporteur.
Je voudrais tout d'abord me féliciter de cette unanimité qui,
après s'être manifestée au sein de la commission des affaires économiques,
semble se faire jour dans notre assemblée tout entière pour faire en sorte que
ce problème considérable pour l'avenir soit effectivement pris en compte. Il
n'est pas indifférent que cette initiative émane du Sénat, et que celui-ci
adresse ainsi à l'Assemblée nationale et à l'ensemble de l'opinion publique un
message tendant à faire de la lutte contre l'effet de serre une priorité
nationale.
Je comprends parfaitement les réserves de notre collègue Marcel Deneux. Mais
ce que nous allons décider aujourd'hui ne remet absolument pas en cause le
mécanisme du rapport dont il est chargé par l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques. Face à un problème d'une dimension
historique, les réticences tenant à des raisons de procédure doivent, me
semble-t-il, s'effacer.
Quelqu'un l'a dit, je viens d'une petite île située à 10 000 kilomètres de
Paris. Notre insularité et notre éloignement nous permettent de prendre plus
facilement nos distances par rapport au bruit et à la fureur des débats du
moment, et de réfléchir aux grandes forces qui vont agir au cours du prochain
siècle.
Tous les intervenants ont souligné les bouleversements que ne manqueront pas
d'apporter partout dans le monde les changements climatiques.
Mais le xxie siècle sera aussi marqué par la poursuite d'un phénomène
totalement inédit dans l'histoire de l'humanité. Je veux parler de l'explosion
démographique qui a déjà fait passer la population mondiale de 1,5 milliard
d'individus en 1900 à plus de 6 milliards aujourd'hui, et qui devrait la porter
à 8 milliards en 2025, puis à 10 milliards en 2050. Il y a là un phénomène de
fond qui va tout changer sur la planète, et qui se produit parallèlement à ce
que nous évoquons tous les jours : la mondialisation des échanges, la
globalisation des marchés, l'apparition des nouvelles technologies, les
interrogations qui surgissent dans tous les pays sur l'identité culturelle et
la spécificité des peuples, les crises que tout cela provoque.
Bien sûr, nous avons naturellement tendance à nous pencher d'abord sur les
problèmes qui se posent dans l'immédiat, mais nous ne devons pas oublier de
lever la tête et de regarder au-delà de l'horizon d'une, deux, voire trois
décennies, pour considérer les bouleversements que nous allons connaître.
Leur prise en compte nous est rendue difficile par tout notre héritage
historique et socioculturel.
J'évoquerai à nouveau l'île de la Réunion parce qu'elle est aussi un
laboratoire. Dans cette île tropicale, soumise du 1er janvier au 31 décembre
aux alizés et à un soleil constant, dominée par un volcan en activité
permanente, nous n'avons que très peu recours à l'énergie éolienne, à l'énergie
solaire, à l'énergie géothermique, et nous nous orientons vers la solution
classique des centrales thermiques, qui nous oblige à importer des matières
premières énergétiques !
En vérité, nous sommes à un tournant de l'histoire de l'humanité et nous
devons remettre en cause tous les modèles de développement. Il s'agit de savoir
comment nous allons, au siècle prochain, adapter toutes les conquêtes
techniques héritées de notre passé à une situation totalement bouleversée.
C'est à la lumière de cette analyse que nous avons suggéré la création d'un
observatoire. Après tout, il est normal que cette proposition soulève une
approbation unanime pour l'avenir mais suscite des appréciations différentes
pour l'immédiat.
Vous me permettrez, en concluant, de souhaiter que ce signal adressé depuis le
Sénat à la nation et au monde soit unanime. N'oubliez pas, mes chers collègues,
que, chez nos voisins des Caraïbes et d'Amérique, comme chez nos voisins du
Pacifique, votre décision sera interprétée comme le témoignage de la volonté de
la France d'apporter son savoir et d'anticiper l'avenir.
(Applaudissements.)
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires
économiques sur la proposition de loi n° 159.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union
centriste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
54:
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 245123 |
Pour l'adoption | 245 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de notre ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS
Discusion d'une question orale avec débat
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante
:
« M. Jean Arthuis attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème du stockage des
déchets radioactifs.
« La mission collégiale de concertation "Granite" s'est rendue le 13 mars en
Mayenne. Cette mission est chargée de rencontrer les élus, les associations et
la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du
projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Elle
s'est heurtée à une forte hostilité. En effet, ce projet, qui concerne en
Mayenne le massif d'Izé, suscite, et à juste titre, une vive émotion, de
nombreuses inquiétudes et interrogations. Cela tient sans doute à
l'incompréhension, née de l'absence d'informations claires et cohérentes.
« Il doit d'abord être observé que l'annonce de la liste des sites
susceptibles d'accueillir le laboratoire est venue non pas par la voie
instituée par le Gouvernement mais par un collectif dénommé "Réseau sortir du
nucléaire", opposé au principe de l'enfouissement des déchets.
« S'agissant de la production de déchets radioactifs à longue durée de vie,
les déclarations les plus contradictoires sont prononcées, en effet, au sein du
Gouvernement. Ainsi, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait le 30
juin 1997 que, le stockage en profondeur des déchets nucléaires étant dangereux
pour les générations futures, mieux valait les stocker en surface ou en
subsurface. De son côté, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, l'ANDRA, indiquait récemment que "certains déchets à vie longue
restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années
et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut
reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface".
« Par ailleurs, un très récent rapport parlementaire publié le jeudi 9 mars
2000 par Mme Michèle Rivasi, député de la Drôme, met clairement en évidence le
manque total de cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et
réclame qu'un plan national soit élaboré à ce sujet. Enfin, le Parlement est
toujours dans l'attente d'un futur projet de loi sur la transparence nucléaire
promis par le Gouvernement.
« Les ambiguïtés de la démarche gouvernementale contribuent à entretenir
l'inquiétude, tant des élus que de la population des régions concernées, et à
alimenter le rejet de l'accueil éventuel d'un laboratoire de recherche en vue
du stockage de déchets hautement radioactifs. Tant d'incohérence ruine
l'autorité des membres de la mission collégiale de concertation "Granite".
« Il lui demande donc de lui préciser quels sont les risques réels pour
l'environnement du stockage en surface ou en subsurface, et quelle est la
politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires. »
Avant d'ouvrir le débat, je veux, monsieur le ministre de la recherche, saluer
votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec
le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du
dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement, que vous représentez
aujourd'hui.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je demande la parole.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, je suis très sensible
aux paroles d'accueil si aimables que vous avez bien voulu prononcer, et je
tiens à vous dire que revenir devant la Haute Assemblée représente pour moi un
grand honneur.
J'ai eu l'occasion de fréquenter cette enceinte voilà quelques années, en tant
que secrétaire d'Etat aux universités, et j'ai toujours vivement apprécié la
très forte expérience et la très haute compétence qui caractérisent les membres
de la Haute Assemblée. J'attache donc beaucoup d'importance au fait d'être ici
aujourd'hui. J'aurai bien sûr, à coeur, dans mes fonctions de ministre de la
recherche, d'écouter et de dialoguer, et en priorité avec les
parlementaires.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, auteur de la question.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
saluer à mon tour la présence parmi nous de M. Schwartzenberg en sa qualité de
ministre de la recherche.
Bien entendu, les faits que je vais évoquer mettent en cause la politique du
Gouvernement, et votre nomination récente, monsieur le ministre, vous amènera à
sans doute les considérer avec un peu de recul.
A ce propos, je voudrais exprimer un regret, que vous ne devez pas prendre en
mauvaise part : voilà un instant, Mme Voynet était présente dans cet hémicycle
pour traiter d'un autre thème crucial, à savoir la maîtrise des émissions de
gaz à effet de serre, et je déplore qu'elle ne soit pas restée au banc du
Gouvernement pour participer à ce débat relatif à l'énergie nucléaire et au
stockage des déchets nucléaires. En effet, j'observe que, depuis sa nomination
au Gouvernement, ses interventions sur le thème du nucléaire se font rares, et
je regrette donc profondément son absence.
Les événements qui se sont produits dans la soirée du 13 mars derniers à Bais,
dans la Mayenne, sont d'une exceptionnelle gravité. Trois hauts fonctionnaires,
un préfet de région honoraire, un ingénieur général des mines et un ingénieur
général du génie rural, des eaux et des forêts se souviendront des longues
heures marquées d'humiliation, d'insultes blessantes, d'expressions de haine et
de violence qu'ils ont vécues. Ces trois représentants de l'Etat ont été nommés
par le Gouvernement le 3 août 1999, en application de la loi du 30 décembre
1991, pour conduire une mission d'information, dite « mission Granite », en
référence à la roche susceptible d'accueillir un laboratoire de qualification
géologique en vue de la gestion de déchets radioactifs à haute activité et à
durée de vie longue. Cette mission s'est heurtée - et c'est peu dire - à
l'incompréhension la plus flagrante.
Comment suscite-t-on la colère ? Comment en vient-on à de telles exactions ?
Comment peut-on laisser une telle prise à la désinformation ? La réponse est
simple : en manquant à son devoir d'information - je sais le poids de notre
héritage d'opacité dans la sphère publique ! - en négligeant les règles de la
concertation, en faisant fi de l'obligation de respecter les personnes
directement concernées par le projet !
Je blâme toutes les formes de violence, je ne cherche aucune excuse aux
manipulateurs et autres apprentis sorciers, aux activistes de la récupération
politique ou aux adeptes de méthodes presque totalitaires, je récuse ce qui ne
relève pas d'une attitude républicaine. J'ai donc tout fait, en ma qualité
d'élu mayennais, pour rendre possibles l'information et le dialogue avec les
trois « missionnaires » mandatés par le Gouvernement.
En cette fin d'après-midi du 13 mars, ils venaient de rencontrer les membres
du conseil général, auxquels s'étaient joints les parlementaires du
département, les maires des communes concernéees, soudainement mis en alerte,
et deux représentants d'associations hostiles à l'implantation éventuelle d'un
laboratoire dans le massif granitique affleurant d'Izé.
La suite, chacun la connaît désormais : c'est l'explosion des peurs et des
angoisses. Elle n'est d'ailleurs pas localisée, puisque, dans les différentes
régions concernées par un éventuel enfouissement de déchets radioactifs, la
même absence d'information a conduit à des comportements de rejet, certes plus
ou moins marqués.
Je pourrais mentionner quelques sites, dans l'Orne, la Vienne, la Charente, la
Vendée, le Cantal, les Deux-Sèvres, etc.
M. Michel Moreigne.
La Creuse !
M. Jean Arthuis.
Mon collègue Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui regrette de ne pouvoir
être présent aujourd'hui, aurait ainsi aimé vous rappeler, monsieur le
ministre, que les conseils municipaux de quatorze communes concernées et d'une
trentaine de communes périphériques ont voté une délibération s'opposant à ce
projet, qu'ils jugent totalement incompatible avec le développement du
département et sa démarche en matière de qualité de vie. D'autres collègues,
notamment André Dulait et Louis Moinard en ce qui concerne le groupe de l'Union
centriste, interviendront dans ce débat.
Les manifestations de peur que j'évoquais découlent d'une conception étonnante
de l'art de gouverner. C'est donc bien la méthode, ou peut-être devrais-je dire
l'absence de méthode, qui est en cause. Dois-je rappeler ce que Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, déclarait devant l'Assemblée
nationale le 21 janvier 1999 : « Transparence, parce que nos concitoyens sont
en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les
conséquences des choix de politique énergétique. » ?
Eh bien, mes chers collègues, le contrat n'est pas rempli, c'est le moins que
l'on puisse dire ! C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, obtenir
des éclaircissements sur la politique du Gouvernement en matière nucléaire,
notamment sur l'important problème du stockage des déchets.
Ma démarche ne relève évidemment pas d'une opposition facile, voire primaire,
instinctive, à un projet pourtant essentiel puisqu'il engage l'avenir de notre
société : le développement de l'industrie électronucléaire. Mais j'ai le devoir
de me faire l'interprète de mes concitoyens, espérant ainsi dissiper leurs
incompréhensions. Je veux aussi faire écho à leur légitime manque d'indulgence
pour un mode de communication défaillant, censé les rendre attentifs aux
caractéristiques d'un projet aussi sensible.
Permettez, monsieur le ministre, que je formule, devant le Sénat, mes
griefs.
En premier lieu, je déplore le manque de transparence qui a précédé l'annonce
clandestine du projet d'implantation en France de ce fameux laboratoire. Je me
dois de vous rappeler, en effet, que l'information a été portée à la
connaissance de la population et des élus concernés non par la voix du
Gouvernement mais par une dépêche émanant de l'Agence France-Presse, reprenant
un texte signé d'un collectif d'associations écologistes et antinucléaires
dénommé « Réseau sortir du nucléaire ».
Cette annonce n'accrédite-elle pas l'hypothèse d'une « fuite » tolérée ou
organisée par le cabinet du ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement ? C'est dire si je regrette l'absence de Mme Voynet en cette
instance. Il s'agit alors, vous l'avouerez, d'une conception de la transparence
bien peu conforme à la volonté d'ouverture affichée par le Gouvernement. Ce
dernier a compromis, avant qu'elle débute, la validité même de la démarche de
consultation entreprise par la mission « Granite ». L'amertume a dû s'emparer
de l'esprit des trois émissaires gouvernementaux, face à tant d'incohérence de
la part de ceux qui venaient de les nommer quelques mois plus tôt, notamment
votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Le deuxième grief, monsieur le président, mes chers collègues, sera l'occasion
de dénoncer l'art de l'équivoque et de l'ambiguïté que pratique le
Gouvernement. S'agissant du traitement et du stockage de déchets radioactifs à
longue durée de vie, des déclarations contradictoires circulent en effet au
plus haut niveau de l'Etat.
J'en veux pour preuve les propos tenus le 30 juin 1997 par le tout nouveau
ministre de l'éducation nationale et de la recherche, M. Claude Allègre, qui
annonçait alors : « Je suis contre le stockage en profondeur des déchets
nucléaires parce que c'est dangereux pour les générations futures. Un tel choix
procède d'une philosophie de la peur ; on a peur des déchets, on les cache. Il
vaut mieux les stocker en surface ou en subsurface. On peut les surveiller et,
s'il y a des incidents, mieux les maîtriser. »
De son côté, l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, précise « que certains déchets à vie longue restent actifs pendant
plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période
aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de
barrières ouvragées en surface ».
Les progrès de la science ont-ils eu, en si peu de temps, raison des propos de
M. Claude Allègre, géochimiste de formation ? Le doute, vous en conviendrez,
est permis, et les incertitudes les plus fortes demeurent.
En l'état actuel des connaissances scientifiques, s'agissant de la gestion des
déchets radioactifs, il est moralement insoutenable d'engager les générations
futures sur un choix exclusif de traitement dont les conséquences physiques,
chimiques, hydrogéologiques, environnementales et humaines restent mal
appréciées. Le principe de précaution, si souvent invoqué, s'impose donc et
doit engager le Gouvernement à clarifier sa politique en matière de gestion de
déchets nucléaires au niveau national.
Monsieur le ministre, les conclusions du récent rapport parlementaire de Mme
Rivasi, députée apparentée socialiste de la Drôme, doivent naturellement vous y
inciter vivement.
Ce rapport met en effet clairement en évidence « le manque total de cohérence
dans la gestion des déchets radioactifs en France » et recommande la mise en
place d'un plan national de gestion de déchets radioactifs faisant clairement
apparaître les volumes en jeu et les responsabilités des uns et des autres.
Mais la plus grande des responsabilités n'incombe-t-elle pas aux pouvoirs
publics, qui tardent à présenter devant le Parlement un projet de loi sur la
transparence nucléaire ? Il est vrai que le Gouvernement nous a habitués à bien
des atermoiements sur d'autres sujets pourtant vitaux pour l'avenir de notre
pays.
Monsieur le ministre, je n'ignore pas que, à ce jour, la production
d'électricité en France est à 77 % d'origine nucléaire. Je sais, par
conséquent, qu'il en résulte une forte implication du Gouvernement pour imposer
une filière nucléaire qui, contrôlée et maîtrisée, semble rester la manière la
plus sûre de produire de l'électricité, et je pourrais revenir au débat du
début de matinée sur l'effet de serre.
Les faits sont là : grâce au nucléaire, le taux de dépendance énergétique de
la France est de 50 %. La compétitivité du nucléaire n'est plus, me
semble-t-il, à démontrer. Cette énergie permet à EDF de se positionner en
premier exportateur européen d'électricité. S'agissant de son impact écologique
et environnemental, force est de constater que le nucléaire diminue l'émission
de gaz polluants. Un kilowattheure génère 900 grammes de CO2 lorsqu'il est
fabriqué avec du charbon, 700 grammes avec du fioul, 600 grammes avec du gaz,
et n'engendre pas de CO2 quand il est produit avec de l'uranium ; on revient là
au débat qui a eu lieu tout à l'heure sur l'effet de serre. C'est donc une
solution digne d'intérêt.
Néanmoins, le problème majeur concerne les déchets nucléaires, notamment ceux
qui ont une durée de vie longue. Cela doit donc inciter les autorités de l'Etat
à favoriser et à intensifier les recherches dans le sens de la réduction de
leur quantité, de leur volume et de leur nocivité.
Pour y parvenir, la mise en service en 1988 du surgénérateur Superphénix,
réacteur à neutrons rapides, constituait une solution saluée par les
spécialistes et représentait une source primordiale d'énergie renouvelable.
Seulement voilà, face au puissant lobby antinucléaire, dont l'objectif est de
bloquer tout développement du nucléaire civil, à grand renfort d'assertions
mensongères, de pressions sur l'opinion publique, de campagnes de
désinformation, et compte tenu des petites lâchetés d'un gouvernement en mal de
votes « verts », pris, de plus, en flagrant délit de contradictions internes,
le Premier ministre a confirmé le 2 février 1998 l'arrêt définitif de
Superphénix.
Cette décision remet en cause la notion même de retraitement des déchets et je
m'interroge sur la voie explorée de la recherche sur la transmutation,
préconisée par la loi du 30 décembre 1991.
Le problème de la réversibilité ou de l'irréversibilité des déchets n'est pas
résolu. L'évolution des sciences et des techniques ne délivre aucune expertise
fiable et indépendante sur l'hypothèse du stockage de déchets radioactifs en
surface ou en subsurface.
Le devenir des déchets radioactifs demeure donc entier et extrêmement
préoccupant. La décision annoncée le lundi 3 avril dernier par la mission
collégiale de concertation « Granite » de faire une pause dans ses
consultations n'est-elle pas un aveu d'échec du Gouvernement ? Cela ne laisse
guère augurer une réelle volonté de la part de ce dernier de se conformer aux
exigences de la loi du 30 décembre 1991, qui l'oblige à présenter en 2006 au
Parlement le résultat de quinze ans de recherches scientifiques et
techniques.
Face à cette incapacité à conduire la France dans la voie de la responsabilité
et du progrès, interrogations et doutes se sont emparés de nos concitoyens :
ils se refusent à cautionner plus longtemps une politique qui conduit à de tels
errements et contrevient au bon sens.
Quelle est la politique nucléaire du Gouvernement ? Quelle est sa politique
pour traiter les déchets radioactifs ? Quel est l'état actuel des recherches ?
Quelles options le Gouvernement entend-il prendre en matière de stockage des
déchets ? Enfin, que devient la mission « Granite » ? Lui avez-vous imposé,
monsieur le ministre, d'interrompre son action ?
Avant d'entendre votre réponse à ces questions essentielles aux yeux de tous
les Français, et particulièrement des Mayennais, je veux vous rappeler,
monsieur le ministre, que les conseils municipaux et le conseil général de la
Mayenne ont, pour leur part, répondu, sans ambiguïté, au Gouvernement. Ils
n'étaient pas candidats, ils refusent d'accueillir le laboratoire de
qualification géologique en vue de la gestion des déchets nucléaires, pour des
motifs de cohérence avec leurs options de développement. Ils entendent
privilégier les productions agricoles portant les marques de la qualité et de
l'authenticité, le tourisme rural et le respect des sites et de
l'environnement. Je souhaite que vous leur en donniez acte et que vous
confirmiez que la Mayenne est désormais écartée des sites susceptibles d'être
choisis.
Monsieur le ministre, « nous n'héritons pas de la Terre de nos parents. Nous
l'empruntons à nos enfants ». Les générations futures nous demanderont des
comptes. Aujourd'hui, comment comptez-vous répondre aux angoisses et aux
inquiétudes exprimées par nos concitoyens ? Je vous remercie, monsieur le
ministre, de nous éclairer par vos réponses.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aval du
cycle nucléaire, c'est-à-dire la gestion du combustible usé et des déchets qui
en résultent, est l'une des questions qui préoccupent le plus nos concitoyens
en matière de politique énergétique. C'est certainement parce qu'il s'agit du
point faible de la filière nucléaire. En effet, il n'existe pas, aujourd'hui,
de solution technique satisfaisante permettant de résorber les déchets.
Aussi, cher collègue Arthuis, le contenu de votre question m'a étonné.
Je ne comprends pas, en effet, que l'on aborde ce sujet de façon partisane et
polémique. Je considère que nous n'avons pas à nous interroger sur la politique
de l'Etat en matière de déchets nucléaires, car la réponse est très simple : le
Gouvernement applique la politique définie, à l'unanimité,...
M. Jean Arthuis.
... par une dépêche de l'AFP !
M. Marcel Bony.
... par le Parlement dans la loi du 30 décembre 1991.
Souvenez-vous : cette loi fut votée après que Michel Rocard eut décidé de
suspendre la recherche de sites d'enfouissement de déchets radioactifs. En
effet, ces prospections, engagées plusieurs années auparavant, provoquaient
déjà, à l'époque, une grande inquiétude parmi les populations concernées, y
compris sous la première cohabitation.
Dans ces conditions, il est injuste de rendre l'actuel Gouvernement
responsable de l'émotion, des inquiétudes, que la recherche sur l'enfouissement
des déchets radioactifs provoque parmi nos concitoyens.
De même, il n'est pas correct d'assimiler au Gouvernement l'ANDRA,
établissement public industriel et commercial, pour dénoncer de prétendues
incohérences.
La vérité, c'est que la question du nucléaire a échappé trop longtemps au
débat démocratique. Cela a contribué - et c'est compréhensible - à faire naître
un sentiment de méfiance.
La loi de 1991 permet au Parlement d'être le garant de la démocratie et du
dialogue dans un domaine extrêmement sensible.
En agissant comme vous le faites, monsieur Arthuis, vous décrédibilisez la
représentation nationale puisque vous sabotez un débat que vous avez contribué
à instaurer.
Les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que
l'installation d'un laboratoire de recherche souterrain préfigure
inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors
que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur
la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
M. Jean Arthuis.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Bony ?
M. Marcel Bony.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis.
Monsieur Bony, votre intervention a sans doute été rédigée avant que vous ayez
pu entendre mes propos.
Je n'ai en effet pas manqué de dire que ce qui s'est produit en Mayenne a
laissé une prise fantastique à la désinformation, à la suite, me semble-t-il de
l'échec du Gouvernement dans sa mission d'information. C'est par une dépêche de
l'AFP qu'un collectif de Verts a rendu public ce projet, doublant en quelque
sorte la mission « Granite » et le Gouvernement.
Comment a-t-on pu permettre une telle fuite d'informations et créer des
conditions aussi déplorables pour que les manipulateurs, les apprentis
sorciers, les désinformateurs, tous ceux qui jouent sur les peurs et sur les
angoisses aient pu à ce point susciter la colère, la réponse de toute bonne foi
étant malheureusement, bien souvent, la violence ?
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Bony.
M. Marcel Bony.
Monsieur Arthuis, je rappelais que les manifestants de la Mayenne, que vous
invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherches
souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites
retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront
prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant
quinze ans.
Ces personnes pensent donc que le Parlement est réduit au rôle de chambre
d'enregistrement des choix d'un lobby nucléaire incontrôlable.
Il faut cesser les querelles inutiles et retrouver l'esprit qui nous animait
lorsque nous avons décidé, unanimement, de nous saisir enfin de ces
questions.
Si nous ne sommes pas capables de remplir notre rôle, les gens se tourneront
de plus en plus vers des associations pour faire entendre leur voix.
C'est pourquoi le groupe socialiste préfère poser au Gouvernement une série de
questions.
Tout d'abord, où en est-on dans l'application de la loi de 1991, qui, comme
vous le savez, fixe trois actes de travail ?
Le premier axe correspond à la recherche sur la séparation et la
transmutation.
En 1991, cet axe était difficile à formaliser compte tenu de l'état de la
science nucléaire. Mais le Parlement avait tenu à l'inscrire au premier plan,
non sans raisons d'ailleurs, puisque, aujourd'hui, certains experts pensent
que, d'ici à une cinquantaine d'années, une méthode sera trouvée pour
transformer par réaction nucléaire des déchets radioactifs à haute activité en
éléments stables ou à vie courte.
La séparation-transmutation est donc aujourd'hui théoriquement fondée.
Ecarte-t-elle la voie du stockage ? Rien n'est moins sûr ! En effet, d'après
le rapport Bataille, il semble, pour l'instant, que les deux axes de recherche
soient complémentaires et non pas alternatifs.
Mais certains estiment déjà que, si la séparation-transmutation ne pouvait
être réalisée entièrement, il serait inutile de mettre en oeuvre des processus
longs et coûteux uniquement pour atteindre une réduction du volume des déchets
ultimes, qui devraient être stockés tout de même.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous tous, citoyens et
élus, avons besoin d'être rassurés sur le soutien du Gouvernement à ce premier
axe, en lequel le législateur a fondé beaucoup d'espoirs.
Quel est l'avenir des réacteurs de type Phénix ? Où en sont les projets sur la
transmutation et les coopérations entre le Centre national de la recherche
scientifique et le Commissariat à l'énergie atomique ? Les réponses à ces
interrogations sont primordiales pour l'après 2006 et l'éventuelle prééminence
d'une voie sur l'autre.
Les deux autres axes fixés par la loi du 30 décembre 1991 sont relatifs à
l'entreposage en profondeur et à l'entreposage en surface.
Nombreux sont les pays à avoir prévu des places de stockage souterrain. Mais
la question de la sécurité reste posée. En France, l'ANDRA nous assure que les
« barrières » successives entre les « colis » de déchets radioactifs et la
surface permettent d'obtenir une sûreté maximale.
Cependant, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques n'écarte pas l'accident géologique.
Est-il possible d'affirmer que les eaux souterraines ne feront pas remonter
les éléments toxiques ou que des forages ne provoqueront pas de rupture du
confinement ? Est-il possible, monsieur le ministre, de faire un point sur les
recherches déjà effectuées, notamment par le BRGM, le Bureau de recherches
géologiques et minières et l'ANDRA ?
Par ailleurs, la mission collégiale de concertation « Granite » chargée de
consulter les élus, les associations et la population concernés devait se
rendre dans le Puy-de-Dôme le 7 avril, c'est-à-dire demain. Or la réunion a été
reportée. Cela signifie-t-il que le Gouvernement attend une période plus
propice ou qu'il cherche à définir une autre méthode sur cet axe ?
Dans le Puy-de-Dôme, comme dans d'autres départements, les projets de
laboratoire envisagés se télescoperaient avec les programmes de développement
émanant des communautés de communes et interféreraient de manière très forte
avec la gestation des « pays », au sens de la loi d'orientation pour
l'aménagement et de développement durable du territoire.
Les travaux de réflexion sur l'entreposage en surface, troisième axe de la loi
de 1991, avaient pris du retard par rapport à ceux des autres voies. Ce retard
a été rattrapé.
Les problèmes portent sur les systèmes d'entreposage de différentes catégories
de déchets sur de très longues durées. De cette réflexion dépend la
réversibilité du processus.
La notion de réversibilité est essentielle. Les parlementaires y sont très
attachés et l'ont affirmé.
Les générations futures doivent en effet pouvoir être en mesure de surveiller,
de contrôler et, le cas échéant, de reprendre les déchets. C'est une charge qui
pèsera sur elles, mais je n'ai, pour ma part, aucun doute sur cette option de
précaution. Je la préfère à celle qui consisterait à faire en sorte que nos
descendants n'aient aucune obligation de contrôle et de surveillance sur des
stocks irréversibles. L'accident est peut-être improbable ; il est toujours
possible.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à optimiser cette
réversibilité, sans que cela soit conçu au détriment de la sécurité et de la
sûreté des installations.
Voilà donc les questions cruciales. Toutefois, le groupe socialiste ne pense
pas que la démocratisation de la question nucléaire s'arrête au problème du
traitement des déchets. Le Parlement doit pouvoir assurer un rôle régulier de
surveillance de l'activité nucléaire en général.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
instauré en 1983, a représenté un premier pas important dans cette direction,
suivi par la loi du 30 décembre 1991. Il nous faut aller plus loin et mettre
fin définitivement à la culture du secret !
L'organisation française du contrôle et de l'expertise dans le domaine du
nucléaire est aujourd'hui techniquement satisfaisante. Mais il convient de
mieux dissocier les activités d'expertise et de contrôle de l'activité
d'exploitation : il faut mettre en place des études sanitaires précises, comme
le suggère Mme Rivasi dans le récent rapport que vous avez évoqué, monsieur
Arthuis. A l'heure où les mots « sécurité » et « traçabilité » sont à la mode,
c'est bien la moindre des choses.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement déposera-t-il le projet de loi sur
la transparence nucléaire ?
De façon encore plus générale, la loi relative à la modernisation et au
développement du service public de l'électricité, adoptée récemment, prévoit
qu'un projet de loi d'orientation sur la politique énergétique doit être
présenté au Parlement avant le 31 décembre 2002.
Il faut assurer l'intervention la plus large, la plus complète possible du
Parlement dans ce domaine pour aller dans le sens des aspirations de nos
concitoyens en faveur de modes de production durable et de la mise en place de
dispositifs d'évaluation.
Pour conclure, je tiens à revenir à la question de l'enfouissement des
déchets, car c'est ce qui focalise le débat.
Nous respecterons la loi de 1991 si nous abordons ce sujet sans préjugés.
Pour ma part, il me paraît essentiel d'écouter et d'étudier tous les
arguments.
Les associations de défense de l'environnement posent, à mon avis, de bonnes
questions : comment garder la mémoire d'un site pendant des milliers d'années ?
Comment éviter la pollution des nappes phréatiques ou le retour de particules
radioactives dans la biosphère ? J'attends des réponses à ces questions.
En 2006, ou plus tard, ce devra être au Parlement, et à lui seul, de trancher
en toute objectivité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le massif
granitique d'Avrillé, en Vendée, a été présélectionné pour l'étude d'un projet
d'installation d'un centre de gestion de déchets radioactifs.
L'émoi de toute la population est le reflet d'une angoisse très profonde liée
à tout ce qui concerne le nucléaire.
La commune d'Avrillé est située à moins de dix kilomètres du littoral, déjà
atteint par les hydrocarbures échappés de l'
Erika
.
Imaginez un seul instant l'impact de la seule annonce d'une procédure de
concertation locale !
La croissance démographique du territoire concerné, l'environnement de qualité
qui favorise l'économie touristique d'un des premiers départements touristiques
français plaident pour un refus catégorique à l'encontre d'un tel projet.
Un site est visé, et c'est tout un département qui est touché !
Vous prenez des décisions aujourd'hui, mais ce seront les générations futures
qui géreront les impacts, voire les risques !
Par ailleurs, mon collègue et ami Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui ne
peut être présent aujourd'hui, m'a fait part de l'opposition unanime des
habitants et des élus à un projet identique dans son département, projet que
les élus locaux ont également appris par voie de presse !
Monsieur le ministre, quinze sites au total ont été retenus par les géologues
pour l'installation éventuelle du futur laboratoire d'études en terrain
granitique.
Pouvez-vous me préciser si, préalablement à cette présélection, qui, bien
évidemment, tient compte de la géologie des sites, il est procédé à une analyse
de l'évolution démographique et économique du territoire visé ?
Face à l'opposition des Vendéens, quelles assurances pouvez-vous donner à ces
derniers ? Peuvent-ils continuer à investir dans l'économie touristique ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le stockage
des déchets radioactifs est de nouveau d'actualité depuis quelques semaines, et
ce pour deux raisons.
Le premier élément d'actualité tient à la publication du rapport de Mme
Rivasi, intitulé
Les conséquences des installations de stockage des déchets
nucléaires sur la santé publique et l'environnement.
L'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre duquel ce
rapport a été préparé, a dû reporter sa décision avant de décider de son
adoption. Je tiens à le rappeler parce que c'est un fait rarissime dans
l'histoire de l'Office. A cette occasion, notre collègue Henri Revol, président
de l'Office, a pu exprimer des réserves, que nous partageons, sur les
propositions contenues dans ce rapport.
Le second élément d'actualité, mis en avant par M. Arthuis, est la manière de
travailler de la mission dite « de concertation » : il s'agit, bien entendu, de
la mission de concertation préalable au choix d'un ou de plusieurs sites pour
implanter un laboratoire en zone granitique. Or, les déplacements de cette
mission sont loin d'ouvrir le dialogue que l'on est en droit d'attendre et ne
font qu'augmenter les crispations et le rejet sur le terrain par les
populations.
Monsieur le ministre, votre collègue M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie, nous l'a dit clairement, le 23 mars dernier, lors d'une de nos
séances de questions d'actualité au Gouvernement : « Rien ne sera forcé, rien
ne sera obligatoire, tout sera mêlé intimement grâce à une concertation très
approfondie et au dialogue démocratique. »
Dans ce contexte, l'initiative de notre collègue Jean Arthuis est tout à fait
appropriée, car elle devrait permettre d'ouvrir le débat et de clarifier les
positions, même si l'on sait que la majorité gouvernementale n'aborde jamais
sans difficulté et sans arrière-pensées politiques la question du nucélaire.
Depuis 1974, la France a fait le choix du nucléaire, ce qui lui a permis
d'assurer son indépendance énergétique.
Bien sûr, le nucléaire produit des déchets. Mais les volumes de déchets
radioactifs sont très faibles en comparaison avec les autres déchets
industriels et chimiques toxiques, pour lesquels on ne prend pas toujours les
mêmes précautions de traitement et de stockage.
Cependant, la dangerosité et la durée d'activité des déchets radioactifs
expliquent qu'une procédure particulière leur soit réservée. Tel était
l'objectif, qui prévoyait que les déchets de faible et moyenne activité à vie
courte devaient être stockés dans des installations d'entreposage de surface et
que les déchets nucléaires à haute radioactivité devaient être stockés en
profondeur, dans des couches géologiques différentes, avec possibilité de
réversibilité.
La loi prévoit, pour 2006, un rapport global d'évaluation des travaux,
accompagné, le cas échéant, d'un projet de loi autorisant la création d'un
centre de stockage. Il y a donc une « obligation de résultat » pour 2006.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le retraitement, même très poussé, ne
permettra pas l'élimination totale des déchets. En conséquence, le stockage
profond apparaît comme le mode de stockage le plus raisonnable sur lequel
s'accordent la plupart des experts.
C'est en 1998 qu'avait été rendue publique la décision de créer un premier
laboratoire en site argileux, à Bure, dans la Meuse, ainsi que la décision de
rechercher un deuxième site en terrain granitique.
Je tiens à rappeler ce qu'a dit, à cette occasion, Dominique Strauss-Kahn : «
Le choix de l'énergie nucléaire sera poursuivi comme composante majoritaire de
l'approvisionnement électrique national. Ce choix nécessite un effort de
recherche renforcé pour apporter des réponses aux questions laissées ouvertes
par le cycle nucléaire, en particulier celles qui sont relatives aux déchets
nucléaires. »
La construction des laboratoires est un choix adapté, car on ne connaît pas
tous les effets à long terme des déchets radioactifs. Les laboratoires
permettent de continuer les recherches pour trouver la meilleure réponse
possible à la question du stockage, dans le respect de la sécurité des
populations et de la protection de l'environnement.
A ce propos, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre analyse sur
l'expérience que la Suisse est en train de mener et qui paraît très
intéressante : celle d'un stockage évolutif durable, sous contrôle régulier,
réversible durant au moins une centaine d'années. La France a-t-elle engagé des
études similaires sur ce point ?
Nous ne l'avions pas envisagé en 1991. Or, aujourd'hui, que se passe-t-il ? Où
en sommes-nous ?
Nous avons l'impression de revivre ce que nous avions connu avant le vote de
la loi de 1991, lorsque l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs avait commencé à rechercher les sites susceptibles de répondre aux
critères géologiques d'un stockage en profondeur. A l'époque, ces travaux,
menés sans information ni concertation, avaient provoqué un fort phénomène de
rejet.
Il en est de même aujourd'hui tant apparaît au grand jour le manque de
diplomatie et de clarté avec lequel intervient la mission « Granite » au fil de
ses déplacements. Il est vrai que la tâche de ses participants est
particulièrement difficile au regard de l'accueil qu'ils reçoivent à chaque
étape !
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi c'est une
association écologiste qui a révélé à l'AFP les quinze sites présélectionnés
pour l'implantation des laboratoires ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, alors qu'il reste encore onze sites sur
quinze à visiter d'ici au 30 juin, on peut d'ores et déjà s'interroger sur la
validité de la démarche entreprise. Les délais seront-ils tenus ? Ne devrait-on
pas reprendre la concertation en ouvrant un véritable dialogue et un débat
contradictoire clair ?
Nous connaissons les craintes qui se cristallisent autour du nucléaire, plus
particulièrement autour de la question de la gestion des déchets. En
conséquence, nous devons, d'une part, mieux comprendre les réactions de nos
concitoyens, notamment de ceux qui habitent près des sites concernés, et,
d'autre part, faire un véritable effort de communication et d'information.
Je voudrais vous poser une dernière question sur l'accueil, que je qualifierai
d'organisé et d'irresponsable, qui attendait la mission « Granite » à chaque
étape.
En Corrèze, un porte-parole a lu, au nom de 250 manifestants présents, une fin
de non-recevoir.
En Mayenne - je n'y reviens pas, Jean Arthuis a bien rappelé comment cela
s'est passé - plusieurs milliers de personnes ont encerclé pendant cinq heures
le minibus dans lequel se trouvaient ces missionnaires avant de les
raccompagner, encadrés par des tracteurs, jusqu'à la frontière départementale,
vers la Sarthe.
Dans la Vienne, à Poitiers, 500 manifestants ont accueilli la mission.
A Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ils étaient 5 000. C'était suffisant pour
interrompre la mission, dont les membres ont décidé « de se donner le temps de
la réflexion et d'adapter sa méthode d'information ». Je pense d'ailleurs
qu'ils ont eu raison de prendre une telle décision.
Je vous ai parlé d'accueil organisé et irresponsable, monsieur le ministre,
car, chaque fois, l'accueil était le même. Les missionnaires pouvaient entendre
et lire les mêmes slogans sur les mêmes pancartes : « Non à une bombe sous nos
pieds » ou encore : « Non à 180 Tchernobyl sous terre ». Ils retrouvaient
exactement les mêmes organisateurs, membres d'un collectif d'associations qui
s'est donné le nom « Sortir du nucléaire » !
Ce collectif déclare très ouvertement que, « à travers ce refus des
laboratoires d'enfouissement de déchets nucléaires ; ils souhaitent poser la
question du nucléaire », et ils ajoutent : « La première manière de se
débarrasser des déchets nucléaires, c'est de ne plus en produire. »
C'est facile, mais sacrément irresponsable !
En matière nucléaire, monsieur le ministre - majorité plurielle oblige,
devrais-je dire -, nous avons été habitués aux décisions abruptes, unilatérales
et politiques, à l'image de l'abandon de Superphénix.
Aujourd'hui, nous attendons que soit clarifiée la position du Gouvernement sur
la question des déchets et sur l'application de la loi votée par le Parlement
en 1991.
Cela signifie au moins deux choses : premièrement, il faut expliquer à nos
concitoyens de manière claire et cohérente la stratégie poursuivie, à court
terme comme à long terme ; deuxièmement, il faut étudier sans
a priori
toutes les options de stockage avant de décider et d'arbitrer.
Ces deux conditions sont, en effet, les garantes du respect de la loi de 1991,
qui prévoit, je le rappelle après d'autres, qu'en 2006 le Gouvernement
transmettra au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider, en
connaissance, des modalités de stockage pour notre pays.
En guise de conclusion, je présenterai une suggestion, monsieur le ministre :
ne serait-il pas judicieux que la mission « Granite » ne reprenne son tour de
France qu'après les élections municipales de 2001 ?
(M. le ministre sourit.)
La tension serait peut-être alors moins violente...
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendans, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est reprise.4
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente, et pas plus.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps qui lui est imparti afin
que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la
retransmission télévisée.
Avant toutefois de donner la parole au premier orateur, j'ai le plaisir
d'accueillir au Sénat, dans ses nouvelles fonctions de ministre, M. Laurent
Fabius
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de
l'Union centriste et du RPR),
avec qui j'ai porté sur les fonts baptismaux
le projet de chaîne parlementaire.
Avec lui, je fonde beaucoup d'espoir sur une meilleure diffusion de nos
travaux auprès de nos concitoyens, dont la plupart ne connaissent du
Parlement... que les questions d'actualité au Gouvernement.
C'est avec le même plaisir que j'accueille au Sénat M. Jack Lang.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE)
Je veux également saluer nos anciens collègues Jean-Luc Mélenchon, que
nous félicitons de sa promotion
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE),
et Michel Duffour
(Applaudissements sur les mêmes travées),
qui, le lendemain même de sa
nomination, a été à l'ouvrage au Sénat, tenu qu'il était d'y présenter un
projet de loi... qu'il connaissait d'ailleurs fort bien.
Je n'aurai garde d'oublier Mme Catherine Tasca et M. Roger-Gérard
Schwartzenberg, que nous avons déjà eu l'occasion d'accueillir et de
féliciter.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues sénatrices et sénateurs,
naturellement, que nous travaillions tous ensemble avec le meilleur esprit de
compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain
entre le Sénat et le Gouvernement.
(Applaudissements.)
RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez
placé la question des impôts au centre du débat politique de notre pays. Vous
avez eu raison de le faire, et c'est probablement l'un des motifs du choix qui
s'est porté sur vous et de votre nomination au poste que vous occupez.
Vous avez expliqué que la baisse des impôts devait profiter à chacun des
Français ; nous aurons probablement l'occasion d'en reparler.
Aujourd'hui, je souhaite vous interroger sur la taxe d'habitation.
Vous avez pris position, au cours des derniers mois, sur cette taxe, en
expliquant qu'il convenait probablement d'aller vers sa suppression.
Si chacun reconnaît que les modalités techniques de cet impôt sont mauvaises,
on admet généralement que le fait de taxer l'habitation n'est pas en soi
quelque chose de répréhensible.
Aujourd'hui, cet impôt est un impôt local, dont le produit est mis à la
disposition des communes, des départements et des régions. Chaque assemblée
délibérante de ces collectivités prend la responsabilité de voter l'impôt, de
l'augmenter ou de le diminuer, en faisant des arbitrages.
Nous entendons dire que la taxe d'habitation serait remplacée par des
dotations provenant directement du budget de l'Etat. Si ce mécanisme devait
être mis en place, l'autonomie des collectivités locales serait réduite à une
autonomie de dépense. L'Etat se verrait en quelque sorte confié le soin de
fixer le montant des besoins des collectivités locales, qui perdraient cette
responsabilité. Ce serait une régression de la politique de décentralisation
mise en place depuis 1982.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire clairement aujourd'hui si le
Gouvernement entend que les collectivités locales continuent à avoir une réelle
responsabilité, celle de voter les dépenses et celle de fixer l'impôt qui
correspond à ces dépenses ? Il ne faudrait pas que, au moment même où le
Gouvernement a chargé une mission, sous l'autorité de M. Mauroy, de réfléchir
sur l'avenir de la décentralisation, on remette celle-ci en cause.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de vous
remercier de la gentillesse et de la chaleur de votre accueil. J'y suis
extrêmement sensible.
Monsieur Mercier, il est vrai que j'ai beaucoup insisté, comme d'ailleurs
nombre d'entre vous, sur le poids des charges et des prélèvements obligatoires
de toute sorte. J'espère que, dans la période qui vient, nous allons pouvoir
réduire leur part par rapport au produit intérieur brut, l'objectif que nous
avons fixé étant, vous le savez, de redescendre au taux - au demeurant assez
élevé ! - de 43,7 % d'ici à deux ans.
La taxe d'habitation est un impôt qui n'est pas satisfaisant, nous le savons
tous - je suis moi-même élu local depuis quelque vingt ans ! Nous avons tous
fait des efforts pour essayer de trouver des améliorations. C'est très
compliqué.
Une première mesure va déjà vous être proposée, qui correspond à un
allégement, puisque la part régionale de la taxe d'habitation va être
supprimée, étant observé que tout le problème - nous en discuterons - est de
trouver une ressource de compensation correcte : il ne faudrait pas que la
région paie la décision prise par l'Etat.
Pour aller plus loin, il est vrai que j'avais envisagé, avant d'occuper mes
nouvelles fonctions, deux hypothèses.
La première consistait à entreprendre une réforme peut-être plus modeste, qui
compléterait celle que nous allons engager et qui concerne la part régionale.
Mais, dans le même temps, je ne voulais pas m'interdire une réflexion plus
vaste, en prenant un peu pour modèle ce qui se passe en Allemagne, où, vous le
savez, les Länder, bien qu'autonomes, ne prélèvent pas de ressources parce
qu'une dotation leur est garantie, constitutionnellement même, qui leur permet
de conserver une responsabilité sur la base des dépenses. Là encore, nous
aurons à en discuter.
Sachez, en tout cas, que cette notion de responsabilité est, à mes yeux, comme
aux yeux de l'ensemble du Gouvernement, essentielle et que que nous veillerons
à ce que, dans cette réforme des prélèvements obligatoires, loin de surcharger
les contribuables locaux, on procède, si possible, à des allégements
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
CYCLISME ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Mesdames, messieurs les ministres, ma question s'adresse à plusieurs d'entre
vous.
La fédération française de cyclisme compte aujourd'hui plus de 100 000
licenciés, dont 53 % de jeunes de moins de dix-sept ans. S'y ajoutent, bien
entendu, les centaines de milliers de cyclotouristes qui, chaque semaine,
fréquentent les routes de France.
La pratique du vélo, l'année dernière, a occasionné la mort de plus de 300
personnes, et 5 000 autres ont été gravement blessées.
Pour tous les cyclistes, quelle que soit leur catégorie, cette situation est
effrayante. Il ne peuvent la tolérer. Il est vrai qu'il est difficilement
tolérable de voir nombre d'entre eux tomber chaque semaine sur les routes comme
des quilles au bowling !
Doit-on attendre que tous les cyclistes soient éliminés ou découragés pour
réagir ?
Alors que, pour l'ONU, l'an 2000 est l'année de la sécurité routière, que
votre gouvernement a d'ailleurs déclarée « grande cause nationale », que
comptez-vous faire pour renforcer la sécurité de tous les cyclistes ?
Les spots des campagnes de sécurité routière restent bien silencieux sur les
mesures minimales que les usagers devraient prendre pour ne pas faire du
cyclisme une activité à très haut risque.
Je ne conteste pas, bien évidemment, le bien-fondé et l'efficacité de ces
campagnes. Simplement, je suis très étonné qu'elles ne mettent en lumière que
les dangers de l'alcool et de la vitesse. Pas un mot sur la conduite que doit
tenir un automobiliste par rapport aux cyclistes ! Pourtant, ces deux
populations se doivent de partager la route en bonne intelligence.
Je vous demande, mesdames, messieurs les ministres, de faire appel au civisme
de nos concitoyens, voire de les y contraindre, en mettant en place des mesures
concrètes afin que chaque usager de la route soit respecté.
Dans quelle mesure, par exemple, comptez-vous développer, monsieur le ministre
de l'équipement, les pistes cyclables sécurisées par une bande en béton,
remparts efficaces contre le non-respect de la distance de dépassement ?
Quelles sont, monsieur le ministre de l'intérieur, les dispositions concrètes
que vous mettez en place pour renforcer les obligations des automobilistes
envers la population cycliste ? Ne peut-on envisager une interdiction totale de
doubler les cyclistes sur les parties rétrécies des chaussées ou au niveau des
ronds-points lorsqu'il n'y a qu'une voie de circulation ?
Comment pensez-vous, madame la ministre de la jeunesse et des sports, protéger
les séances d'entraînement des membres de clubs cyclistes ? Ne serait-il pas
possible de les autoriser à encadrer leurs sorties sur les routes par des
voitures banalisées, voire de leur réserver des portions de route certains
jours où la circulation automobile serait réduite de manière incitative ?
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Mesdames, messieurs les ministres, c'est aujourd'hui l'avenir du sport
cycliste qui est en jeu, et cet avenir est entre vos mains. Ne nous décevez
pas.
Il est temps de mettre en place une large concertation avec les fédérations
concernées et les responsables des clubs pour définir une véritable
politique.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur, comme vous,
je suis extrêmement sensibilisée aux dangers auxquels sont exposés les
cyclotouristes, comme vous je déplore les graves accidents qui ont eu lieu
l'année passée et cette année.
Les cyclotouristes souhaitent pouvoir rouler, certes, en toute liberté, mais
aussi en toute sécurité.
Mais ce qui vaut pour le cyclotourisme vaut également pour toutes les
pratiques de pleine nature.
Aussi ai-je pris la décision de réunir, le 20 avril prochain, toutes le
fédérations concernées par ces pratiques hors stade, ces pratiques de pleine
nature, pour examiner avec leurs représentants les propositions sur lesquelles
nous pourrions travailler en concertation avec les autres ministères :
ministère de l'équipement, des transports et du logement, ministère de
l'intérieur, ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je recevrai jeudi le président de la fédération de cyclotourisme et celui de
la fédération de cyclisme, qui m'ont fait des propositions concernant la
prévention. Nous évoquerons l'éducation dans les centres de vacances et les
centres de loisirs, l'information préventive des enfants, la mise à disposition
de voitures d'accompagnement pour les entraînements collectifs.
Nous évoquerons également la question des bandes cyclables, de leur largeur,
notamment pour les cyclotouristes qui partent en groupe, et celle des
itinéraires partagés balisés.
Il faut apprendre aux automobilistes que la route est à partager avec les
cyclistes et les motards. Il faut les sensibiliser à cet aspect des choses.
J'espère que, grâce à ce travail, à ces différentes réunions, nous pourrons
concrétiser bientôt dans le texte sur le sport que vous examinerez en deuxième
lecture toutes ces revendications relatives aux sports de pleine nature.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
BAISSE DU CHÔMAGE
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lorsqu'ils sont interrogés sur le bilan du Gouvernement, les porte-parole de
l'opposition - ici, de la majorité sénatoriale - ne manquent jamais une
occasion d'affirmer que le Gouvernement n'est pour rien dans l'embellie
économique et sociale que connaît notre pays.
M. Dominique Braye.
A juste titre : la France est le moins bon des pays européens !
M. Claude Estier.
Cette embellie, à les en croire, à vous croire...
M. Alain Vasselle.
C'est le bon sens !
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Claude Estier.
Vous le confirmez !
Cette embellie ne serait due qu'à la conjoncture internationale.
M. Dominique Braye
Absolument ! Vous avez de bonnes sources.
M. Claude Estier.
Une personnalité du RPR
(Exclamations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
... qui aspire à une haute fonction,
apparemment d'ailleurs fort convoité...
M. Dominique Braye.
Plusieurs candidats, c'est la démocratie !
M. Claude Estier.
... a même prétendu, dimanche dernier, que la politique du Gouvernement ne
faisait que freiner le mouvement.
Eh bien, vous feriez bien, mes chers collègues, de lire de temps en temps la
presse anglo-saxonne, par exemple, qui, habituellement, n'est pas complaisante
envers la France, mais qui considère aujourd'hui que notre pays est la «
locomotive » de l'Europe !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Dominique Braye.
On ne lit pas la même presse !
M. Claude Estier.
Il apparaît en effet que la croissance est plus forte en France que dans la
plupart des pays voisins, que le recul du chômage y est plus rapide et plus
régulier
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
et que les créations d'emplois y sont plus nombreuses.
M. Dominique Braye.
C'est faux !
M. Claude Estier.
Cela vous gêne-t-il tellement que les résultats du Gouvernement soient aussi
positifs ?
M. Dominique Braye.
Cela nous gêne car c'est faux !
M. Claude Estier.
Faut-il préciser qu'en Grande-Bretagne le chômage, après une légère baisse en
1999,...
M. Dominique Braye.
Où est la question ?
M. Claude Estier.
... repart à la hausse, qu'en Allemagne il stagne,...
M. Dominique Braye.
Où est la question ?
M. Claude Estier.
... de même qu'en Espagne, où il reste au niveau de 15 %.
D'ailleurs, dans un document du service des études du Sénat que vous avez tous
reçu ces jours-ci,...
M. Alain Gournac.
Le Sénat ? Anomalie !
M. Claude Estier.
... on peut lire que la croissance française serait « plus soutenue que celle
de nos partenaires de la zone euro, traduisant un profil cyclique à la fois
plus précoce et plus marqué. »
M. Alain Gournac.
La question !
M. Claude Estier.
Ne vous en déplaise, mes chers collègues, ce résultat doit bien aussi avoir
quelque rapport avec la politique mise en oeuvre depuis trois ans...
M. Alain Gournac.
Vous avez dépassé les trois minutes !
M. Claude Estier.
... et qui a notamment fortement favorisé la consommation, en particulier la
consommation des ménages, ce qui est un signe de confiance.
Monsieur le président, vous m'autoriserez sans doute à être un peu plus long
(Protestations sur les travées du RPR)
dans la mesure où je suis
constamment interrompu !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Je suis d'ailleurs frappé de la façon dont réagissent nos collègues chaque fois
que l'on parle des bons résultats du Gouvernement !
M. Dominique Braye.
Si seulement !
M. Claude Estier.
L'opposition que vous êtes...
M. Dominique Braye.
Oui, c'est vrai, cela ! C'est la seule chose vraie !
M. Claude Estier.
... ironise volontiers sur les emplois-jeunes ou sur les 35 heures, en dépit
des premiers résultats positifs enregistrés, qui viennent d'être confirmés par
l'INSEE, et dont les conséquences se font sentir tant sur les recettes fiscales
que sur les comptes de la sécurité sociale ou de l'UNEDIC.
M. Dominique Braye.
Cela fait quatre minutes, monsieur le président !
M. le président.
Monsieur Estier, posez votre question !
M. Claude Estier.
Madame le ministre, je voudrais vous demander
(Exclamations sur les travées
du RPR)
comment vous concevez dans les mois qui viennent la consolidation
de ces résultats.
M. Dominique Braye.
Quatre minutes et demie !
M. Claude Estier.
Vous paraît-il effectivement possible que le chômage en France puisse très
bientôt passer en dessous de la barre des 10 %...
M. Dominique Braye.
Cinq minutes !
M. Claude Estier...
et que l'on puisse se fonder, comme l'a exprimé le Premier ministre, sur une
perspective de retour au plein emploi à l'horizon de la décennie ?
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, vous avez
bien expliqué la situation
(Ah ! sur les travées du RPR),
comme
d'habitude. Il est vrai qu'aujourd'hui, et la Commission européenne l'a salué
voilà quelques jours, la France connaît le niveau de croissance le plus élevé
d'Europe, alors qu'elle se situait parmi les derniers au cours des quatre
années précédant notre arrivée,...
M. Guy Fischer.
Voilà la vérité !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... dans une conjoncture
internationale comparable.
Nous enregistrons aujourd'hui, avec l'Espagne, les meilleurs résultats en
matière de chômage.
Je poserai une question simple à l'opposition : le Gouvernement n'y serait-il
pour rien, alors que le chômage a baissé, au cours des douze derniers mois, à
un rythme six fois supérieur à celui de l'Allemagne, pays pourtant comparable
au nôtre en termes d'efficacité de ses entreprises et de structuration de son
économie ?
Effectivement, cela est d'autant plus remarquable que la population active
s'accroît en France - 200 000 personnes par an environ - alors qu'elle stagne
en Allemagne.
Notre rythme de décrue du chômage est donc plus important.
Il résulte largement du soutien qui a été apporté à la croissance - vous
l'avez dit - du soutien à la consommation et de la confiance retrouvée - les
emplois-jeunes n'y sont pas pour rien ! - de l'aide aux nouvelles technologies,
à la création d'entreprises... autant d'actions que le Gouvernement a
développées pour faire en sorte que l'environnement économique soit plus
favorable aux entreprises.
Nous avons également fait en sorte que la croissance soit plus créatrice
d'emplois. C'est vrai des emplois-jeunes : 240 000 aujourd'hui. C'est vrai de
l'aide aux nouvelles technologies et à l'innovation. C'est vrai également de la
réduction de la durée du travail puisqu'on peut, selon les études dont nous
disposons aujourd'hui, considérer qu'en 1999 le chômage aurait été de 40 %
supérieur si nous n'avions pas mis en plan les emplois-jeunes et la réduction
de la durée du temps de travail.
Sur les premiers mois de l'année, la moitié de la baisse du chômage, étant
donné l'augmentation de la population active, est due à ces deux éléments.
Nous pouvons dire aujourd'hui que la réduction de la durée du travail a déjà
en un effet positif sur le chômage : 130 000 emplois sur les 180 000 emplois
annoncés par les accords qui ont été signés.
M. Dominique Braye.
Vous êtes la seule à le dire !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne suis pas la seule à le
dire puisque la presse anglo-saxonne, que vous pourriez continuer à lire même
lorsqu'elle ne vous est plus favorable, se demande aujourd'hui ce qui explique
ces résultats de la France. Pour ma part, je crois que ce sont ces deux
éléments que je viens de citer.
M. Dominique Braye.
Pourquoi Tony Blair ne prend-il pas exemple sur nous, alors ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je suis ravie de penser que la
baisse des charges sociales qui a été mise en place depuis le 1er janvier
pourrra encore accompagner cet accroissement de la création d'emplois,
notamment dans les secteurs de main-d'oeuvre - industrie textile, habillement,
etc. - mais également dans le commerce et l'artisanat.
Je suis convaincue que le travail que nous engageons avec Laurent Fabius sur
l'épargne salariale, qui doit aider au développement local, à la croissance des
entreprises, sera un élément complémentaire qui consolidera ces résultats sur
l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicains et citoyen.)
MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES
ET BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Monsieur le ministre, voilà quelques mois vous déclariez : « La baisse des
prélèvements doit toucher l'ensemble des tranches pour éviter une fuite de la
matière fiscale. Il convient de poursuivre les baisses de TVA, en particulier
en matière de restauration. »
M. René-Pierre Signé.
Qui l'avait augmentée ? Juppé !
M. Jean Bizet.
Or, les annonces fiscales du Premier ministre ne rejoignent pas vos
propositions. En matière d'impôt sur le revenu, seules les deux premières
tranches d'imposition sont concernées. Pour la TVA, chacun sait qu'une baisse
du taux à 19,6 % sera peu ou ne sera pas répercutée sur les consommateurs. Il
suffit de regarder le prix de l'essence...
N'y a-t-il pas là une contradiction ?
Vous avez également déclaré : « Si l'on veut qu'une réduction du déficit se
réalise, comme cela est nécessaire, et que les prélèvements obligatoires soient
moins lourds, il faut être très attentif à la maîtrise des dépenses publiques.
»
Nous avons défendu les mêmes positions lors de l'examen du dernier budget et
le Gouvernement n'a pas souhaité nous suivre. Vous avez sans doute noté
qu'aucun des 50 milliards de francs de recettes supplémentaires pour 2000 ne
sera affecté à la baisse du déficit mais que 10 milliards de francs de
nouvelles dépenses ont été annoncées.
N'y a-t-il pas là aussi une contradiction ?
Je citerai une autre de vos déclarations sur les retraites : « Il faut
assouplir le régime des retraites, complété par l'épargne partenariale, et
abonder le fond de réserve grâce, notamment, à la cession d'actifs comme France
Télécom. »
Contrairement à vous, le Premier ministre a rappelé le 21 mars dernier son
opposition absolue à tout système de retraite par capitalisation, que de
nombreux Français appellent pourtant de leurs voeux. Pour les cessions
d'actions France Télécom appartenant à l'Etat, je crains qu'il n'y ait quelque
difficulté de compréhension entre vous et vos amis communistes.
N'y a-t-il pas là encore contradiction ?
En clair, le nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
s'est-il rallié à l'immobilisme du Premier ministre, ou bien l'ancien président
de l'Assemblée nationale a-t-il conservé sa liberté de penser et sa volonté
d'agir ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier.
Ridicule !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Avant de répondre
rapidement à la question judicieuse qui m'est posée, je voudrais présenter par
avance mes excuses au président Lambert. En effet, je ne pourrai
malheureusement pas assister au débat sur sa question orale car je reçois tout
à l'heure les organisations syndicales de mon ministère. C'est donc, avec sa
compétence habituelle, M. Pierret qui me suppléera.
Monsieur le sénateur, je ne pourrai pas être très exhaustif s'agissant de
votre question sur les retraites. Mais je pourrai m'y attarder plus longuement
à l'occasion d'une autre question, un autre jour, si vous le voulez bien.
Cela étant, en matière de retraites, il n'y a bien évidemment pas
contradiction entre les orientations du Premier ministre et ce que j'ai pu
déclarer.
S'agissant de la maîtrise des dépenses, je vous confirme qu'elle est
nécessaire parce qu'on ne peut pas souhaiter réduire les déficits, alléger les
prélèvements obligatoires, comme c'est notre ambition, sans mener dans le même
temps une politique de maîtrise stricte des dépenses.
(Applaudissements sur
certaines travées du RPR.)
Il est vrai que nous avons enregistré des surplus - je refuse le mot de «
cagnotte » pour des raisons que j'ai expliquées tout récemment à vos collègues
de l'Assemblée nationale - s'élevant à 50 milliards de francs. Nous avons
consacré dans le collectif - vous en serez saisis - 10 milliards de francs à
des dépenses nécessaires, ne serait-ce que pour réparer les dégâts causés par
la tempête, puis à des allégements d'impôts.
Je vous précise, ou je vous apprends - je ne sais pas exactement ce qu'il faut
dire - que si - ce qui est fort possible - nous avons, compte tenu de la forte
croissance liée à nos bons résultats, de nouveaux surplus en fin d'année, nous
les affecterons à la réduction du déficit.
(Très bien ! sur certaines travées du RPR.)
En effet, lorsqu'on compare notre situation avec celle d'autres pays, il
est vrai que nous constatons une amélioration, mais, en matière de déficit,
nous avons encore du chemin à faire.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, vous êtes suffisamment averti
des mécanismes fiscaux pour ne pas dire - je l'espère tout au moins - que
l'abaissement ne concernera que les deux premières tranches du barème de
l'impôt sur le revenu. En effet, lorsqu'on abaisse les deux premières tranches
de l'impôt sur le revenu, cela profite à l'ensemble de ceux qui acquittent
l'impôt sur le revenu.
Enfin, en ce qui concerne la TVA, j'ai repris les chiffres, et ils sont assez
intéressants. Nous avons, dans un premier temps, opéré toute une série
d'allégements de TVA ciblés, que vous avez d'ailleurs sans doute votés, qui se
sont élevés à près de 30 milliards de francs. Et nous venons de décider de
réduire d'un point la TVA, ce qui coûte, pour une année pleine, 30 à 31
milliards de francs. Avec ces deux séries de mesures très importantes, nous
aurons ainsi à peu près effacé les deux points supplémentaires que la majorité
précédente avait instaurés en 1995.
M. Serge Vinçour
Il faut payer les dettes !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le fond de votre
question, c'est qu'il pourrait y avoir une contradiction entre les positions du
Premier ministre et les miennes. Je ne pense pas du tout que ce soit le cas.
J'ajoute pour terminer que nous avons considéré l'un et l'autre - et cela peut
valoir d'une façon générale - que ce n'est pas en agitant les querelles du
passé que l'on résout les problèmes de l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE. - M. Machet applaudit également.)
M. René-Pierre Signé.
Vous pouvez en tirer des leçons pour la mairie de Paris !
M. le président.
Monsieur Signé, s'il vous plaît !
AVENIR DES RETRAITES AGRICOLES
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lors de sa dernière allocution télévisée, M. le Premier ministre, traitant du
problème des retraites, n'a pas prononcé un mot sur celles des agriculteurs,
ni, pour le présent, sur leurs droits, comme les autres retraités, à une part
dans la redistribution des surplus fiscaux, ni, pour le futur, quant à la
réparation d'une profonde injustice qu'ils ressentent comme une insulte.
Ils connaissent les chiffres des retraites des autres catégories
socio-professionnelles : en moyenne 12 000 francs dans le secteur public, 9 000
francs pour les salariés du privé, moins de 6 000 francs pour les artisans et
commerçants, et seulement 3 300 francs pour eux, les agriculteurs.
Ils ont tout à fait conscience que ces disparités peuvent en partie
s'expliquer - mais en partie seulement - par les différences structurelles des
régimes et par des cotisations inégales ; mais ils ne peuvent admettre, et on
ne peut admettre avec eux qu'à peine 2 % des retraités agricoles touchent un
montant supérieur à 75 % du SMIC. Les agriculteurs ressentent ces écarts
totalement injustes avec amertume.
M. Dominique Braye.
Ils ont raison !
M. Aymeri de Montesquiou.
Si l'agriculture française est aujourd'hui la deuxième au monde et génère des
excédents commerciaux très importants, c'est bien à eux qu'on le doit.
Un relèvement des retraites a été amorcé en 1994 et il se poursuit, mais
beaucoup trop lentement.
Madame la ministre, la lutte contre les injustices est la priorité des
priorités. Quand prendrez-vous les décisions nécessaires pour que les
agriculteurs et leurs conjoints bénéficient d'une retraite décente, après une
première étape à 75 % du SMIC ?
(Applaudissements sur certaines travées du
RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, vous avez
raison de dire que les agriculteurs regardent depuis des années la situation
des retraités agricoles avec amertume. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement, dès son arrivée, a décidé de réagir et d'accélérer la
revalorisation des retraites agricoles.
Je veux vous rappeler, monsieur le sénateur, que l'effort consenti depuis
trois ans dans le cadre du plan gouvernemental de revalorisation des plus
faibles retraites agricoles est sans précédent.
(C'est vrai ! sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
En effet, de 1998 à 2000, ce sont plus de 5 milliards de francs
de mesures d'augmentation des pensions de retraite agricoles qui ont été
inscrits au budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA.
L'article 114 de la loi de finances pour 2000 prévoit par ailleurs une
nouvelle étape de réalisation de ce plan d'amélioration des retraites, ces
dernières étant majorées de 2 400 francs par an, pour être portées à 38 400
francs pour les chefs d'exploitation, à 36 000 francs pour les personnes
veuves, à 32 400 francs pour les aides familiaux et à 28 800 francs pour les
conjoints. Le coût de cette nouvelle mesure s'élève à 1,6 milliard de francs en
année pleine. C'est peut-être peu, mais vous n'en aviez pas fait autant. Nous,
nous le faisons !
Le décret d'application de cette mesure vient de paraître au
Journal
officiel
du 23 mars dernier, ce qui va permettre aux caisses de mutualité
sociale agricole de rendre effective cette revalorisation dans les prochaines
semaines.
Le Gouvernement entend poursuivre cet effort, de telle sorte qu'au terme de la
législature, ainsi que l'a annoncé le Premier ministre lors de la table ronde
avec les organisations professionnelles agricoles du 21 octobre 1999, les chefs
d'exploitation et les personnes veuves perçoivent, pour une carrière pleine,
une retraite au moins égale au montant du minimum vieillesse - vous voyez que
nous allons au-delà de ce que vous souhaitez, monsieur le sénateur - 42 910
francs en valeur 2000, et les conjoints ainsi que les aides familiaux
perçoivent, pour une carrière pleine, une retraite équivalente au montant du
minimum vieillesse du second membre du foyer.
Tels sont les engagements pris par le Premier ministre. Je crois d'ailleurs
qu'ils ont été bien reçus par les organisations agricoles.
Le Gouvernement entend donc porter le montant de la pension minimum d'un chef
d'exploitation justifiant d'une carrière pleine à 50 % du SMIC, soit au même
niveau que la retraite d'un salarié rémunéré au SMIC. De ce fait, en 2002, le
régime de retraite agricole sera à parité avec le régime général.
Tels sont les engagements du Gouvernement et voilà ce qui a déjà été fait !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Ma question d'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions. Je sais que vous
organisez des consultations pour définir vos grandes orientations. Cependant,
comme nous pouvons le mesurer avec les partenaires de l'école, les jeunes, les
enseignants et les personnels, les parents et les élus, l'urgence est là.
Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre vos intentions sur deux
questions essentielles.
La première a trait aux dispositions immédiates à prendre pour corriger les
mesures négatives et contestées prévues pour la rentrée scolaire prochaine.
La seconde porte sur le futur de notre service public, avec la réalisation du
plan de programmation des moyens supplémentaires annoncés par M. le Premier
ministre.
En tant que rapporteur du budget de l'enseignement technique, je tiens
d'emblée à dire que je me réjouis qu'un accord soit en vue dans l'enseignement
professionnel et que celui-ci soit considéré comme une voie de la réussite pour
apprendre un métier et accéder à l'emploi.
Les multiples mouvements concernant la carte scolaire sont une chance et un
atout pour notre pays, à un moment où la reprise économique crée un climat
d'attentes fortes et dégage des marges budgétaires nouvelles.
Mais la rentrée scolaire a été préparée de façon bien trop comptable, avec le
couperet de la calculette. Il y a donc eu beaucoup trop de fermetures de classe
et de suppressions de moyens à l'aveugle ! Il y a encore trop de classes
chargées et surchargées : un tiers des classes ont encore plus de vingt-cinq
élèves dans les écoles et plus de trente dans les collèges et les lycées.
N'est-il pas dans le vrai cet enseignant qui déclare : « La baisse des
effectifs est la seule solution pour assurer un suivi individualisé à des
gamins qui ont besoin qu'on s'occupe d'eux tout le temps. »
M. Alain Gournac.
C'est trop long !
Mme Hélène Luc.
C'est aussi trop d'inégalité entre départements, entre secteurs.
M. le ministre, la priorité doit être donnée à des plans de rattrapage pour
combler des retards persistants.
Un sénateur du RPR.
Trois minute quinze !
M. le président.
Je vous prie de conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Je ne citerai que quelques exemples, ceux de l'Hérault, du Gard, du Val-d'Oise
et du Val-de-Marne, où une exigence s'exprime unanimement, avec la motivation
première de la qualité de l'enseignement et la réussite des enfants.
M. Dominique Braye.
Coupez !
Mme Hélène Luc.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de préciser vos initiatives pour
régler, avec le collectif budgétaire, la question urgente de la rentrée
scolaire et des postes supplémentaires à créer au concours de recrutement de
2000...
M. Dominique Braye.
C'est long !
Mme Hélène Luc.
... ainsi que vos intentions sur les transformations attendues et
nécessaires.
M. Serge Vinçon.
La cagnotte ne va pas suffire !
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour deux minutes trente.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Madame le sénateur, comme vous l'avez
rappelé à l'instant, l'éducation est une priorité absolue pour notre
gouvernement. Notre ambition est de construire une école de la République, qui
soit une école de l'excellence, de la réussite et de l'initiative.
M. Guy Vissac.
Il ne fallait pas virer Allègre !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Cette école, nous ne la construirons
que par le dialogue avec les uns et les autres.
C'est pourquoi nous avons souhaité en particulier, avec le ministre délégué à
l'enseignement professionnel, sortir de la crise les lycées professionnels.
Voilà quelques heures, nous avons ainsi pu faire adopter un plan qui permet de
reconnaître la pleine dignité des professeurs de l'enseignement professionnel,
à l'égal de leurs collègues de l'enseignement général ou technologique. C'est
un grand progrès !
En même temps, nous avons décidé d'engager ou, plutôt, de confirmer et de
consolider la rénovation pédagogique dans les lycées professionnels. Je pense
en particulier au suivi des élèves en stage, à l'introduction des mathématiques
et du français, ou encore à ce qui a été décidé pour la rentrée prochaine afin
de favoriser la modernisation des équipements.
Le dialogue, c'est ce qui, en effet, nous permettra, au cours des prochaines
semaines, de créer les meilleures conditions pour que notre rentrée scolaire se
réalise à la satisfaction générale.
M. Dominique Braye.
C'est vraiment du baratin tout ça !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
S'agissant du département du
Val-de-Marne, vous le savez, madame le sénateur, nous sommes à l'écoute des
élus, qui souhaitent, sur ce plan, obtenir des ajustements.
M. Alain Gournac.
Du concret !
MM. Jean-Pierre Schosteck et Alain Vasselle.
Oui, du concret !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Du concret ? Messieurs les sénateurs,
on ne décroche pas des postes avec une machine à sous !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Et la cagnotte ?
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Lorsque, dans la loi de finances pour
1997, vous avez supprimé 5 000 postes, là, c'était du concret !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac.
Il faut répondre ! Vous ne répondez rien du tout !
(Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
C'était non pas du baratin, dans ce
cas, mais de l'amputation budgétaire !
(Protestations sur les mêmes travées.)
Nous continuerons dans le concret positif, et non pas dans le concret
négatif,...
M. Dominique Braye.
Et le concret neutre ?
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
... qui a consisté pour les
gouvernements précédents à amputer, à couper et à supprimer !
M. Alain Gournac.
C'est du pipeau !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Vous pouvez être sûre, madame le
sénateur, que nous continuerons à réformer...
M. Adrien Gouteyron.
On verra !
M. Dominique Braye.
C'est de la bouillie pour les chats !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
... et que, en particulier dans le
cadre concret du plan pluriannuel, nous pourrons progressivement répondre à vos
demandes.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Nous verrons bien !
REMBOURSEMENT DES AIDES
VERSÉES À L'INDUSTRIE TEXTILE
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Depuis le 1er avril, les entreprises françaises du secteur du textile, de
l'habillement et de la chaussure se voient contraintes de rembourser les
allégements de charges salariales accordés en 1996 par le gouvernement d'Alain
Juppé.
Il faut rappeler à ce propos la légèreté avec laquelle ce plan dit « Borotra »
a été promulgué. En effet, ni les avertissements de la Commission européenne ni
un précédent parfaitement identique chez nos voisins belges n'avaient empêché
la mise en oeuvre d'un dispositif qui nous a conduit dans l'impasse.
Aujourd'hui, c'est à nos entreprises de payer les pots cassés : alors que la
plupart d'entre elles ont respecté le contrat qui leur avait été proposé, elles
sont tenues de rembourser des sommes considérées comme indûment perçues.
Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui plus encore qu'en 1996 la situation est
extrêmement difficile et tendue. Ces reversements peuvent avoir des
conséquences extrêmement graves dans un secteur fragilisé.
M. Dominique Braye.
C'est vrai.
M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser quels aménagements vous
comptez prendre pour le remboursement de ces aides ?
Plus globalement, je relève qu'il s'agit de 340 000 emplois directs, de
milliers d'entreprises, qui constituent souvent le seul poumon d'oxygène, la
seule activité sur leur territoire, d'entreprises modernes qui n'ont plus rien
à voir avec l'image vieillotte qu'on leur renvoie communément, mais aussi de
salariés inquiets et mobilisés.
Ne pensez-vous pas de ce fait, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il est urgent
que vous nous disiez si ce secteur doit être considéré comme définitivement
condamné ou si l'Europe est prête à prendre les mesures adaptées qui s'imposent
?
Vous savez, par ailleurs, que les représentants des collectivités ont demandé
que, en France, un comité interministériel à l'aménagement du territoire soit
consacré au textile et à l'habillement.
Sans attendre, plusieurs bassins industriels textiles - c'est le cas, en
Midi-Pyrénées, du Tarn et de l'Ariège - se sont regroupés pour présenter un
plan cohérent de dynamisation de la filière. D'autres régions françaises sont
en train de s'engager dans la même voie.
Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'Etat, face à cette approche, qui
est, cette fois, non pas sectorielle, mais territoriale, quels moyens le
Gouvernement français envisage de dégager pour donner espoir à tous ceux qui
vivent du textile ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, les charges
supplémentaires des entreprises du textile et de l'habillement proviennent
d'une mauvaise évaluation en 1996 et 1997 du risque entrepreneurial attaché au
plan dont vous avez parlé dans votre question.
Il est vrai que nous sommes obligés aujourd'hui d'appliquer la loi de
Bruxelles, en particulier le jugement de la Cour européenne de justice du mois
d'octobre 1999, qui nous enjoint de faire procéder aujourd'hui au remboursement
des aides indues, illégales au regard des règles européennes, perçues par ces
entreprises.
Nous nous sommes battus, je me suis vraiment beaucoup battu pour que ce
remboursement soit supportable, et je crois que nous avons obtenu le
maximum.
Compte tenu de la structure des salaires, les entreprises de moins de
quatre-vingts salariés à l'époque auront très peu à rembourser, voire rien. Sur
5 500 entreprises environ, 600 au plus, et peut-être moins, seraient redevables
d'une aide litigieuse.
Par ailleurs, l'organisation d'une franchise de remboursement de 100 000
euros, un correctif fiscal permettant de déduire le remboursement de l'impôt
sur les sociétés payé à l'époque et l'étalement du remboursement sur trois ans
participent du succès de la négociation que j'ai entamée dès 1997 avec la
Commission.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le rôle des entreprises du textile et
de l'habillement dans l'action régionale.
Toutes les régions sont aujourd'hui peu ou prou concernées.
J'ajoute à cet égard que les directions régionales de l'industrie, par les
conseils et les aides qu'elles peuvent prodiguer à l'investissement, à
l'innovation et à la formation, ont été mobilisées pour qu'une réponse positive
et dynamique soit apportée aux entreprises du secteur.
De plus, les contrats de plan Etat-région prévoient, dans leur volet
industriel et technologique, une mobilisation au profit de ces entreprises. Des
projets régionaux ambitieux, comme le projet MUTEX, dans la région de Roanne,
peuvent voir le jour lorsque les industriels, l'Etat et les collectivités se
mobilisent.
Enfin, je note que l'action européenne a toujours été au coeur de la politique
suivie par la France dans ce domaine. Dans la seconde partie de l'année, je
présiderai le conseil « Industrie ». Nous serons alors certainement appelés à
réviser le plan en faveur du textile établi en 1997 par la Commission, qui,
hélas ! n'a pas produit de grands effets, le dossier ayant été mal suivi par
Bruxelles. Je souhaite que le conseil en dresse un bilan et analyse les axes de
relance de ce secteur à l'échelon européen.
Je renouvelle enfin ma confiance et celle de tout le Gouvernement dans notre
secteur du textile-habillement et dans les entreprises qui se battent dans des
conditions difficiles pour exister et pour se développer.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
DEVENIR DES RÉFORMES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président.
La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mardi, à l'Assemblée nationale, vous déclariez : « Il est étrange de voir à
quel point notre réussite suscite l'impatience et la colère de la droite !
».
Mais ce n'est pas le sujet, monsieur le ministre.
(Rires sur les travées du
RPR.)
Colère et impatience se sont manifestées dans la rue, portées par des milliers
d'enseignants.
Vous faites diversion. Le mot à employer n'est pas « réussite » mais « échec »
: échec de la réforme, échec auprès des enseignants, échec du Gouvernement.
Le 16 mars dernier, le Premier ministre annonçait en urgence l'octroi d'un
milliard de francs pour l'éducation. Comment servira-t-il la réforme ?
Vous-même, mercredi, vous annonciez un effort supplémentaire de 600 millions
de francs pour les lycées professionnels, dont 350 millions de francs pour la
prochaine rentrée. Ces millions de francs sont-ils à déduire du milliard de
francs annoncé ?
Après « la boulimie transformatrice » de votre prédécesseur, qu'évoquait
récemment le secrétaire général de la Fédération de l'éducation nationale,
subsistent les nombreux problèmes dont le traitement n'a été, jusque-là, que
différé. Je pense, par exemple, au problème de la carte scolaire, qui n'a
toujours pas été revue.
Qu'il s'agisse de l'échec scolaire, des postes à pourvoir ou de la violence au
sein des établissements, le corps enseignant attend autre chose que des
solutions quantitatives et d'interminables tergiversations.
Après la méthode qui consistait à agir sans écouter, monsieur le ministre,
n'êtes-vous pas condamné à écouter sans agir, à vous porter au chevet d'un
malade qui n'a reçu, en guise de traitements, que de coûteux placebos ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les grandes lignes de votre
action à venir pour que ce grand ministère ne devienne pas, d'échec en échec,
celui du renoncement ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le sénateur, « écouter sans
agir », voilà une formule qui, je crois, convient mal à ce qui a été entrepris
depuis quelques jours par le ministère dont j'ai la charge avec votre ancien
collègue, M. Mélenchon.
A peine installés rue de Grenelle, nous avons souhaité, en effet,
écouter...
M. Alain Lambert.
Il était donc temps que cela change ?
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Je suis interrogé sur le présent et
sur le futur !
Nous avons donc rencontré les uns et les autres, et engagé avec les
différentes organisations, les professeurs et les différents responsables le
dialogue nécessaire au sujet des lycées professionnels. Après quelques jours,
nous avons agi.
La réforme engagée ne se limite pas seulement à la décision que vous rappelez
d'attribuer les moyens matériels qui manquaient en effet à ces lycées
professionnels. Cette réforme, c'est aussi un statut donnant pleine dignité à
ces professeurs, qui méritent la reconnaissance de la nation. C'est
l'engagement d'une série de modifications pédagogiques dans l'organisation des
stages, dans la mise au point de filières pluridisciplinaires, dans la
nomination de chefs de travaux dans les filières tertiaires, dans la mise en
place, dès la rentrée prochaine, d'un programme de modernisation des
équipements, qui avait trop tardé. Ce sont des actions !
Au cours des prochaines semaines, je serai amené à annoncer ou à confirmer
devant vous des mesures concernant la rentrée prochaine et les autres réformes
à entreprendre.
Je n'ai nulle intention de me croiser les bras et de me contenter d'écouter !
Mais, dans une démocratie digne de ce nom, on prend le temps de rencontrer les
uns et les autres : les parlementaires, naturellement, les organisations, les
professeurs.
Aujourd'hui même, je profite de cette séance de questions pour vous répondre ;
je réunirai ensuite l'ensemble des recteurs de France. Demain, ce sera le tour
des parents d'élèves, puis, dans quelques jours, celui des organisations
d'étudiants. Ces consultations sont destinées à déterminer l'ensemble des
dispositions que le Gouvernement sera appelé à prendre.
M. Adrien Gouteyron.
C'est une critique en règle de votre prédécesseur !
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas gentil pour lui.
M. le président.
Veuillez terminer, monsieur le ministre !
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le sénateur, mon programme
d'action ne repose ni sur l'immobilisme ni sur l'improvisation. Ce gouvernement
sera, plus que jamais, un gouvernement du dialogue et de l'action.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Serge Vinçon.
Plus qu'avant ?
CONDITIONS DE FINANCEMENT
DE LA CRÉATION D'ENTREPRISE
M. le président.
La parole est à M. Marc.
M. François Marc.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat chargée des petites et
moyennes entreprises, et concerne les conditions de financement de la création
d'entreprise.
Madame la secrétaire d'Etat, vous allez présider, le 11 avril prochain, à
Paris, les états généraux de la création d'entreprise, et cela après avoir
ouvert un très large débat, en particulier au travers de forums organisés dans
plusieurs régions de France.
Le fait est que la démarche de création d'entreprise continue de se heurter,
en France, à de multiples obstacles, en particulier au problème du financement
des projets innovants.
Les informations statistiques disponibles démontrent que, depuis 1987, le
nombre de créations a connu une décroissance régulière, tant pour les créations
ex nihilo
que pour les réactivations d'entreprises.
Outre ce phénomène de diminution des créations, on ne peut manquer de faire
état du taux encore élevé de défaillances. Ainsi, sur dix entreprises créées en
1994, seules six ont été en mesure de fêter leur troisième anniversaire. Ces
défaillances s'expliquent de multiples façons. Mais la mise en cessation trouve
fréquemment son origine dans la mauvaise articulation des composantes
financières de démarrage, au niveau tant des apports que des garanties
financières.
Il semble en particulier que ces problèmes soient plus importants dans un
certain nombre de métiers traditionnels - pourtant essentiels pour un
développement équilibré de notre territoire - tels que le bâtiment, le commerce
et les services de proximité. On peut, à la limite, considérer qu'il est
aujourd'hui plus facile de réunir 2 millions de francs pour monter une
start
up
que d'obtenir 150 000 francs pour reprendre une activité de première
nécessité ou pour exercer un métier traditionnel en zone rurale.
Des améliorations doivent incontestablement être recherchées sur le terrain
des dispositifs financiers d'aide à la création d'entreprise. Je vous serais
par conséquent reconnaissant de nous donner toutes précisions sur les
préconisations qui sont les vôtres et sur les projets du Gouvernement en la
matière.
Par ailleurs, les questions du soutien à la création et d'accompagnement des
projets par les structures de proximité sont également posées car, dans
certaines parties du territoire, les réseaux sont peu nombreux ou parfois mal
organisés.
Pouvez-vous, dès lors, nous indiquer quelles propositions le Gouvernement
entend faire en vue de soutenir encore plus efficacement la démarche de
création d'entreprise dans notre pays ?
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu,
secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à
l'artisanat et à la consommation.
Monsieur le sénateur, vous avez eu
raison de le souligner, dans notre pays, il est plus simple aujourd'hui - le
rapport de votre collègue de l'Assemblée nationale M. Eric Besson le montre -
de créer une
start up,
car on trouve facilement un, deux ou trois
millions de francs pour ce faire. Pourtant, la petite défaillance de la « bulle
» américaine devrait nous appeler à beaucoup de prudence en matière de création
de ce type d'entreprise !
La création d'entreprise a commencé à chuter de façon quasi permanente en
1987. L'année 1994 a été acceptable. Nous avons connu un léger retour à la
création en 1999, le taux de croissance ayant engendré des besoins. Au 31
décembre, on est passé de 166 000 à 170 000 créations.
Ce qui manque le plus aujourd'hui dans notre pays - j'ai beaucoup apprécié
l'analyse que vous avez faite - c'est le soutien de l'Etat pour couvrir
l'ensemble du territoire de correspondants de la création d'entreprise, qu'ils
soient issus des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de métiers,
des plates-formes d'initiative locale, les PFIL, de France initiative réseau,
du réseau Entreprendre en France, de l'Association pour le droit à l'initiative
économique, l'ADIE, etc.
On ne trouve aucun accompagnement pour les créateurs d'entreprise sur des pans
entiers de notre territoire ! Ou lorsque ces réseaux existent, ils s'adressent
souvent aux secteurs de la haute technologie, des biotechnologies, des
technologies de l'information, mais assez peu aux métiers traditionnels. J'ai
pourtant coutume de dire en souriant que le P-DG d'une grande entreprise de
haute technologie a besoin de prendre un petit déjeuner le matin, d'avoir du
pain, de s'habiller, de disposer d'un bureau, de mobilier... sinon il ne peut
pas exercer son activité.
Nous avons cédé à un engouement qui se justifie et que nous avons eu raison de
soutenir eu égard à l'innovation. En revanche, nous avons oublié que les
entreprises traditionnelles sont innovantes et qu'elles ont besoin de
crédits.
Que faire par rapport au système bancaire ? Celui-ci est frileux sur la
création de petits projets, car le coût de gestion d'un dossier est aussi
important que le projet soit petit ou gros. Nous avons donc abondé cette année
le fonds SOFARIS, que vous connaissez bien, pour les petits projets. De plus,
après SIAGI et SOCAMA, nous venons de signer des conventions avec le Crédit
agricole, le Crédit mutuel et la Société générale.
Ce sera insuffisant si nous ne proposons pas, au cours des assises, un soutien
à l'accompagnement. Je vous signale que, dans les contrats de plan, il me
manque des propositions des régions pour cofinancer le soutien à
l'accompagnement, qui est déterminant pour la réussite de nos entreprises.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
PROJETS DU GOUVERNEMENT
SUR L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Ma question s'adresse à M. Mélenchon.
(Ah ! sur les travées du RPR.)
Cette semaine, M. Lang et vous-même, monsieur Mélenchon, avez annoncé la
mise au placard de la réforme Allègre, tout au moins de l'essentiel de cette
réforme.
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Alain Vasselle.
Cette réforme est pourtant nécessaire pour adapter l'enseignement
professionnel aux évolutions technologiques et économiques. La modernisation
des lycées professionnels nécessite leur enracinement dans le tissu industriel
local, donc un partenariat fort avec les entreprises. En effet, il ne sert à
rien de délivrer des diplômes s'ils ne tiennent pas compte de la réalité
économique. Mes questions sont donc les suivantes.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à présenter aujourd'hui, devant la Haute
Assemblée, les grands axes de la réforme que vous souhaitez engager ?
Etes-vous prêt à garantir un partenariat fort avec les entreprises ?
Allez-vous, à l'exemple du Premier ministre, sous couvert de concertation,
faire preuve d'immobilisme ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
Nous en avons eu un exemple
brillant avec la réforme des retraites !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Allez-vous vous engager dans la voie de la réforme telle qu'elle est
attendue par la société, ou bien allez-vous rester dans l'inaction ?
L'inaction sera-t-elle votre vertu, à l'image de l'inaction du Gouvernement,
qui ne s'est pas appliqué à lui-même la parité, alors qu'il veut l'imposer au
Sénat ?
Monsieur Mélenchon, vous qui aviez, dans cette enceinte, la critique facile et
la langue bien pendue,...
M. Dominique Braye.
Trop bien pendue !
M. Alain Vasselle.
... allez-vous adopter aujourd'hui la langue de Blois... pardon, de bois ?
(Rires et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Luc Mélenchon,
ministre délégué à l'enseignement professionnel.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée devine facilement,
j'imagine, le bonheur et l'émotion que j'ai à me présenter en cet instant
devant elle dans mes nouvelles fonctions. A chacun de ceux avec qui j'ai
partagé ces quatorze années de débats rigoureux et exigeants, l'ex-sénateur
adresse un salut personnel et amical, et le nouveau ministre dit son
respect.
Monsieur Vasselle, vous apprécierez le matériau dans lequel sera faite ma
langue à cet instant. Je n'ai qu'une chose à vous dire : vous m'interrogez sur
le partenariat ; personne n'en nie la nécessité, mais il ne faut pas en faire
une affaire idéologique !
Chacun doit être à sa place. Le service public, qui a pour mission d'éduquer
et de former en débouchant sur des savoir-faire opérationnels, ne renonce à
aucun de ses objectifs. L'entreprise n'est pas un substitut à l'école ; elle a
ses propres objectifs.
Contractualisons clairement, chacun dans son rôle et dans ses missions, et
tout sera pour le mieux dans ce pays !
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
Monsieur Mélenchon, vos collègues sénateurs vous remercient de votre salut
amical et assurent le ministre que vous êtes de toute leur sympathie.
UTILISATION DES BIOCARBURANTS
ET DE L'ÉTHANOL EN PARTICULIER
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et porte sur l'avenir
des biocarburants.
Monsieur le ministre, la récente polémique sur le caractère cancérigène des
rejets de l'
Erika
et le protocole d'accord signé entre votre
Gouvernement et la société TotalFina, censé contrôler la diffusion
d'informations sur le contenu des cuves du pétrolier, montre qu'il faut être
très prudent en ce domaine.
De la même façon, en 1996, la loi sur l'air votée par le Parlement devait
annoncer le printemps des énergies renouvelables, mais les décrets
d'application n'ont toujours pas été pris !
Depuis dix ans, le dossier de l'éthanol stagne. Pourtant, l'intérêt de ce
composant issu de ressources renouvelables, c'est-à-dire de productions
agricoles telles que le blé ou la betterave, et destiné à augmenter l'indice
d'octane des carburants n'est plus à démontrer tant pour la santé publique que
pour l'environnement.
En outre, au moment où la filière agricole cherche de nouveaux débouchés,
l'éthanol peut apparaître comme une réponse tout à fait appropriée.
Le 21 octobre 1999, le Premier ministre avait annoncé la poursuite du
programme pilote précédemment engagé et la création d'une mission d'évaluation
dont les travaux devaient aboutir dans les trois mois. Où ces travaux en
sont-ils aujourd'hui ?
Monsieur le ministre, quelles perspectives allez-vous donner au développement
des carburants propres, et ce dans un délai que nous souhaitons bref,
conformément aux dispositions figurant dans le livre blanc de la Commission
européenne relatif aux sources d'énergie renouvelables ?
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vais
vous répondre à la place de Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la
pêche, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il s'est trouvé dans
l'obligation d'assister au congrès général de la fédération paysanne, comme il
assiste à tous les congrès des syndicats agricoles. Bien évidemment, M.
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, et passionné par les sujets que vous
avez évoqués, aurait également pu vous répondre.
(M. Chritian Pierret opine.)
A la suite des décisions prises en 1992 par le Gouvernement dans la
foulée de l'adoption de la réforme de la PAC, la France dispose d'une politique
ambitieuse en matière de production de biocarburants et de deux filières bien
structurées : celle de l'EMHV, ester méthylique d'huile végétale, ou Diester,
produit à partir d'oléagineux et incorporés dans le gazole ; celle de l'ETBE,
éthyl tertio butyl éther, élaboré à partir d'éthanol de bettraves ou de
céréales et introduit dans l'essence.
Au cours de l'année 1999, plus de 246 000 tonnes de Diester ont été mises à la
consommation sur le territoire français, bénéficiant d'une exonération
partielle de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, pour un
montant de 669,18 millions de francs.
La même année, environ 193 400 tonnes d'ETBE, correspondant à 90 900 tonnes
d'éthanol, ont été mises à la consommation en France avec une exonération
partielle de TIPP pour un montant de 377 millions de francs.
Trois usines implantées en France bénéficient d'un agrément pour un volume
total de 219 000 tonnes d'ETBE.
Ainsi, 350 000 hectares ont été utilisés en France à des fins non alimentaires
et ont bénéficié d'un soutien public de plus de 1 milliard de francs au seul
titre de la défiscalisation.
Lors de la table ronde du 21 octobre dernier, le Premier ministre a marqué son
intérêt pour le développement de cette filière, qui passe par la construction
de nouvelles usines, et a demandé qu'une étude d'évaluation soit lancée afin de
permettre d'apprécier les gains de productivité réalisés depuis 1992.
M. Jean Glavany vient de charger M. Lévy, ingénieur général du génie rural des
eaux et forêts, de faire des propositions au Gouvernement. Dès qu'il disposera
du rapport de M. Lévy, le ministre de l'agriculture ne manquera pas de se faire
l'avocat de cette filière économique...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
... compatible avec la défense
de l'environnement.
Je pense que c'est un sujet qui ne peut que rassembler les sénateurs.
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons
interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq, sous la
présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS
Suite de la discussion
d'une question orale avec débat
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la question orale avec débat n° 21 de M.
Arthuis.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette
question orale avec débat est l'occasion pour notre assemblée de débattre sur
un sujet sensible, qui préoccupe l'ensemble de nos concitoyens.
En effet, les études d'opinion, tous secteurs et toutes activités confondus,
montrent que les déchets nucléaires constituent une préoccupation figurant au
tout premier rang de la liste des risques redoutés par nos concitoyens.
De quelle manière répondre à leurs préoccupations ?
L'objectif fondamental de la gestion à long terme des déchets radioactifs est
de protéger l'homme et son environnement contre toute émission ou dissémination
de matières radioactives.
En France, les déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte sont
gérés par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, dans deux
centres de stockage en surface. Cette agence, plus connue sous le nom de ANDRA,
est un établissement public, indépendant des producteurs de déchets, et dont
les statuts et la mission ont été clairement définis par le législateur.
L'un des centres de stockage se trouve dans mon département ; il s'agit du
centre de la Manche, situé à la pointe du Cotentin, à vingt-cinq kilomètres à
l'ouest de Cherbourg.
Mis en exploitation en 1959, ce centre était conçu à l'origine pour un simple
stockage en tranchée.
Dès sa création en 1979, l'ANDRA a élaboré un nouveau concept qui a fait de la
France le pionnier de ce type de stockage : case de stockage, dalles en béton
de protection de la nappe phréatique, conditionnement pour garantir
l'étanchéité des colis ont été conçus et mis en place pour assurer une
protection sûre et efficace de l'environnement. Le centre est entré en phase de
surveillance depuis 1994.
Grace à une plus grande transparence de l'information, notamment à
l'organisation de visites, nos concitoyens ont pu accueillir ce centre et, par
la suite, d'autres infrastructures de manière plus sereine. En effet, le souci
d'information doit être constant et l'on ne peut oublier les errements du
passé, qui ont longtemps jeté un discrédit sur le nucléaire et nourri une
suspicion à son égard.
A ce propos, permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous interroger
sur les normes de sécurité de la première tranche creusée entre 1969 et 1978
sur le site de la Manche. Il semblerait que l'étanchéité ne soit pas parfaite
au regard des connaissances techniques actuelles. Pourriez-vous rassurer à cet
égard les habitants de ce département ?
Malgré tout, l'opacité subsiste. Elle a notamment entouré la mission
collégiale de concertation « granite », chargée de rencontrer les élus, les
associations et la population des quinze massifs granitiques retenus en France
pour l'étude du projet d'implantation d'un laboratoire de qualification
géologique en vue de la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à
durée de vie longue. Cette mission a suscité une forte hostilité de la part de
la population, des associations, ainsi que des élus, comme l'ont souligné de
nombreux collègues dont M. Arthuis s'est fait en quelque sorte l'interprète.
Par ailleurs, le problème du stockage des déchets radioactifs ne peut être
dissocié de la problématique de réduction des rejets. En effet, l'objectif de
réduction des rejets doit être privilégié tandis que des précisions plus
poussées sur les connaissances actuelles en matière d'effets de rayonnements
ionisants sur la santé doivent être demandées. En tout cas, la Communauté
européenne engage les Etats membres à poursuivre leurs efforts en vue de la
réduction des quantités et de l'activité des déchets provenant de toutes les
applications nucléaires.
Sur ce point, il est important de rappeler que des efforts considérables ont
été réalisés depuis vingt ans ; il conviendra d'en accomplir encore dans
l'avenir.
Dans les conclusions qu'il a adoptées le 15 juin 1999, le conseil des
ministres de l'Union européenne se dit conscient de l'importance cruciale que
revêt l'existence d'une saine gestion et d'un stockage effectué dans de bonnes
conditions de sécurité des déchets nucléaires dans la Communauté.
Le conseil a également souligné l'importance d'assurer la transparence, au
niveau des gouvernements, des autorités réglementaires, des opérateurs et du
public, des opérations de gestion des déchets dans l'ensemble de la Communauté
en vue de permettre une meilleure compréhension des questions techniques,
sociales, environnementales en cause.
C'est dans ce contexte que devrait s'inscrire la ratification de la convention
commune sur la sûreté de la gestion des combustibles usés et sur la sûreté de
la gestion des déchets radioactifs.
Cependant, cette réduction ne pourra être envisagée que si elle est
accompagnée de moyens financiers qui permettront d'intensifier les recherches
avec, pour objectif, non pas d'arriver à des rejets radioactifs proches de zéro
d'ici à 2020, comme le préconise Michelle Rivasi, dans le rapport qu'elle a
effectué au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et
technologiques, tout simplement parce que le « zéro rejet » n'existe pas, mais
d'obtenir l'impact zéro sur la santé.
Je souhaiterais donc entendre votre réponse sur ces points, monsieur le
ministre.
En conséquence, permettez-moi de rappeler ce que j'ai souligné à l'époque,
dans mon avis relatif au projet de loi de finances pour 2000, à savoir que la
multiplication des normes relatives à la lutte contre les pollutions de toutes
natures modifie trop fréquemment le champ réglementaire, ce qui complique
singulièrement la tâche des responsables locaux et des professionnels, qui ont
besoin d'une certaine lisibilité à moyen terme pour programmer des
investissements coûteux.
Enfin, je déplore que cette plus grande prise en compte de l'environnement par
les pouvoirs publics se soit souvent traduite par un durcissement des exigences
imposées aux collectivités locales et aux entreprises, exigences imposées sans
beaucoup de concertation.
Ce sujet, à l'instar de quelques autres, est un vrai sujet de société, et nos
concitoyens souhaitent être partie prenante dans l'élaboration des décisions
qui présideront à leur évolution.
Nous vivons dans une « société d'inquiétude », où la démocratie, par essence
représentative, a de plus en plus tendance à devenir participative, au-delà
même des seuls élus de la République, ne l'oublions pas !
Monsieur le ministre, nous entendrons donc avec intérêt les réponses que vous
voudrez bien apporter aux diverses questions que je viens de vous poser et
serons heureux de savoir quelle appréciation vous portez sur le faible souci de
concertation et d'information dont ce gouvernement a fait preuve jusqu'à
présent s'agissant de la filière nucléaire, une filière à laquelle nous sommes
attachés, car elle est le gage de notre indépendance énergétique nationale et
de la préservation de notre environnement au regard de l'effet de serre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux
d'abord remercier M. Arthuis d'avoir suscité ce débat en posant sa question
orale.
La question du stockage des déchets radioactifs vient d'enflammer nos régions,
nos campagnes, tout particulièrement celles où se trouvent les quinze sites
susceptibles d'accueillir un laboratoire de recherche souterrain.
Je voudrais brièvement rappeler l'historique des faits.
Le 30 décembre 1991, le Parlement a adopté la loi relative aux recherches sur
la gestion des déchets radioactifs. Cette loi définit trois axes de
recherches.
Le premier concerne la recherche sur la séparation-transmutation des éléments
radioactifs à vie longue présents dans les déchets.
Le deuxième est l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage de
longue durée en surface de ces déchets.
Ces deux missions de recherche ont été confiées au CEA. A ce sujet, il serait
intéressant, monsieur le ministre, de connaître les avancées réalisées par nos
scientifiques en la matière et les perspectives d'évolution des crédits mis à
leur disposition pour mener à bien les recherches en question.
Le troisième axe est l'étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la
réalisation de laboratoires souterrains. La loi prévoit que quinze ans au
maximum après sa promulgation - cela nous amène à 2006 - devra être prise une
décision afin de déterminer la ou les méthodes à retenir en matière de stockage
des déchets nucléaires.
Cette troisième mission de recherche a été confiée à l'ANDRA, qui a déjà
réalisé enquêtes et expertises sur les sites de Bure, de Chusclan et de La
Chapelle-Bâton et s'apprête à y installer des laboratoires de recherche.
L'arrêté du 19 novembre 1999 nomme une mission collégiale de concertation «
Granite », chargée d'établir un rapport après consultation des élus, des
associations et des populations concernées par les sites de recherche.
L'annonce de la venue de cette mission et la détermination des sites
granitiques choisis ont soulevé les passions, réveillé les militants
antinucléaires, interpellé les élus et mobilisé les associations. La culture du
secret, qui a longtemps prévalu en matière de nucléaire, a contribué à
accentuer le doute et la méfiance dans le grand public.
Il est vrai que l'occasion est trop belle pour certains de remettre en cause
l'énergie nucléaire en tant que telle, sans proposer par ailleurs de solutions
alternatives susceptibles de répondre aux besoins énergétiques de la société
française.
En France, la production d'énergie électrique est à 80 % d'origine nucléaire.
Ce chiffre montre qu'il convient de diversifier les modes de production et
d'accentuer la recherche sur les énergies renouvelables qui restent marginales
et qui, au demeurant, n'échappent pas aux critiques quant à leur impact sur
l'environnement.
A travers ces questions, c'est le problème du développement de l'énergie
électrique et de l'évolution future de la consommation globale d'énergie qui
est posé.
Les hasards du calendrier parlementaire juxtaposent aujourd'hui deux débats
intimement liés ; je fais bien sûr allusion à la proposition de loi de mon ami
Paul Vergès, portant création d'un observatoire national sur les effets du
réchauffement climatique et visant à reconnaître comme une priorité nationale
la lutte contre l'effet de serre.
Les communistes ne privilégient pas un mode de production énergétique par
rapport à un autre. Ils préconisent au contraire l'accentuation de la recherche
et la diversification des modes de production d'énergie. Nous sommes bien
conscients que les enjeux financiers ont déterminé et déterminent encore des
choix défavorables à l'environnement, alors qu'il conviendrait de mettre au
premier plan la durabilité, le respect de l'environnement, le souci des
générations futures.
A cet égard, l'autre problème que pose la loi de 1991 est bien celui de
l'irréversibilité des solutions d'enfouissement. Un document adressé récemment
aux élus concernés précisait : « Ces recherches doivent s'inscrire dans une
logique de réversibilité. » Mais ce document en dit moins que la loi, qui
évoque la réversibilité ou l'irréversibilité des solutions à trouver en matière
d'enfouissement.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous apportiez également des
éclaircissements devant notre assemblée sur ce sujet.
Pour en savoir plus sur l'irréversibilité, la conception des laboratoires, les
investigations censées y être menées, j'ai consulté le site Internet de
l'ANDRA, et je dois vous avouer que je n'ai pas été vraiment rassuré.
Au-delà d'un certain nombre de mesures mécaniques, calorifiques, hydrologiques
et chimiques qui doivent être effectuées dans ces laboratoires, on apprend que
des sources radioactives peuvent y être installées et qu'il faudra déterminer
comment sceller les puits, les gaines et les forages.
L'enfouissement apparaît bien, aux yeux des populations, comme une solution à
risque pour l'avenir, ayant un caractère particulièrement irréversible, quelles
que soient les précautions prises aujourd'hui. Psychologiquement, enfouir,
c'est cacher, et cacher, d'une certaine façon, c'est mentir ! Chacun peut
imaginer le pire pour les décennies et les siècles à venir : secousses
sismiques, détérioration des puits, pollution de l'eau et d'un volume
considérable de matière... Que feront alors nos descendants ?
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, la mission collégiale « Granite » est
plutôt fraîchement accueillie, voire rejetée par certains. Cela étant, je ne
cautionne pas ce qui s'est passé dans la Mayenne. Nous avons notre analyse,
mais nous ne refusons pas de rencontrer la mission, de lui exposer notre point
de vue, de lui faire part des réactions de nos concitoyens. Il y va du
fonctionnement de la démocratie républicaine, à laquelle nous sommes
attachés.
En Bretagne et plus particulièrement dans les Côtes-d'Armor, département
abritant trois sites, nous avons fait valoir, pour motiver notre refus, un
certain nombre de problèmes, notamment environnementaux, que connaît déjà notre
région : qualité de l'eau, algues vertes, marée noire, émanations de radon
naturel. Faut-il vraiment en rajouter d'autres ? La nature géologique du
sous-sol breton et d'autres régions granitiques de France ne peut, selon nous,
constituer à elle seule un critère d'éligibilité. Nous ne sommes donc pas
candidats à l'accueil de ces laboratoires, même si nous sommes bien conscients
que la région Bretagne est particulièrement déficitaire en sources
d'énergie.
Nous avons également insisté sur le nucléaire militaire - je pense ici, en
particulier, au site de l'Ile-Longue, à Brest - car nous estimons qu'il faut
aussi envisager une réduction concertée de la puissance nucléaire, laquelle
n'est pas sans incidence sur ces problèmes de déchets.
Certes, si l'on veut faire appliquer la loi de 1991, toute la loi, mais rien
que la loi, il conviendrait de disposer de la palette complète des solutions
préconisées. Mais je crains que, eu égard à nos connaissances actuelles et à
l'état de l'opinion publique, il ne soit préférable de ne retenir que les deux
premiers axes, à savoir la séparation-transmutation et le stockage en surface
ou subsurface. C'est, en tout cas, l'idée qui gagne du terrain, si j'en crois
ce que j'ai pu entendre au sein de l'association d'élus que je préside en
Côtes-d'Armor, ainsi que ce qui s'est dit dans les nombreuses réunions et
manifestations qui se sont déroulées.
En tout état de cause, la question des choix énergétiques de notre pays ne
doit pas rester une affaire de spécialistes, ni même ressortir du seul champ du
politique.
De nouvelles formes de citoyenneté doivent prévaloir afin de porter le débat
sur les choix énergétiques dans l'ensemble de notre société : c'est la seule
garantie de voir retenues des options responsables pour le futur.
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un rapport
d'information sur la situation de l'énergie nucléaire en Europe m'ayant été
confié par la délégation du Sénat pour l'Union européenne, je voudrais apporter
un éclairage européen à notre débat.
Le nucléaire, tout le monde en convient, est un enjeu essentiel pour
l'indépendance énergétique de l'Europe. Mais le degré d'acceptation sociale et
politique est très variable dans les quinze Etats membres.
Si l'on met à part le problème de la prolifération, qui ne se pose pas
vraiment en Europe de l'Ouest, les deux points de controverse et même de
polémique sur la filière nucléaire sont le risque d'accident majeur dans une
centrale et le devenir des déchets.
Il s'agit là de questions qui ne peuvent être traitées qu'en rassemblant tous
les éléments issus de l'expérience des quarante dernières années et des études
en cours faites par divers organismes.
Le nucléaire se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins en Europe. Bien
que vivement contesté, il constitue la seule réponse pour mener à bien une
politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui sont à
l'origine du réchauffement climatique de la planète.
Le nucléaire répond également à la préoccupation de sécurité
d'approvisionnement énergétique de l'Union, selon Mme Loyola de Palacio, le
nouveau commissaire européen chargé de l'énergie. Enfin, il doit faire la
preuve de sa compétivité économique dans le cadre concurrentiel du marché
unique de l'électricité qui est mis en place.
Dans ce contexte européen, la France a une responsabilité particulière et
majeure. En effet, la France produit à elle seule près de la moitié de
l'électricité d'origine nucléaire eu Europe. A ce titre, elle fait figure de «
chef de file » naturel des Etats membres favorables au nucléaire. Elle se doit
donc d'être exemplaire, dans tous les aspects de la politique qu'elle conduit
dans ce domaine.
Les Etats membres qui ont fait le choix de l'énergie nucléaire sont
aujourd'hui minoritaires au sein de l'Union : sept sur quinze. Et encore deux
d'entre eux, la Suède et l'Allemagne, ont-ils officiellement annoncé leur
intention de renoncer au nucléaire.
Pour ce qui est du sujet essentiel des déchets radioactifs, il ne faut jamais
oublier que les adversaires du nucléaire misent sur l'incapacité des pouvoirs
publics à traiter correctement cette question. En l'absence de solutions
acceptables et crédibles pour ce qu'il est convenu d'appeler l'« aval du cycle
», c'est toute la filière nucléaire qui se trouverait irrémédiablement
compromise.
Il s'agit là d'un problème difficile, à l'égard duquel j'avoue mes propres
interrogations.
Un sondage réalisé récemment par Eurobaromètre à la demande de la Commission
de Bruxelles donne la mesure des inquiétudes que la gestion et le stockage des
déchets nucléaires inspirent à l'opinion publique européenne.
Il faut savoir que 79 % des citoyens européens interrogés pensent que tous les
déchets radioactifs sont très dangereux. Cette opinion est fort loin de la
réalité, mais elle conditionne les réactions des populations concernées.
Si 79 % des citoyens européens interrogés s'intéressent à la gestion des
déchets dans leur propre pays, ceux qui se soucient également de la gestion des
déchets dans les autres Etats de l'Union représentent une proportion à peine
moindre : 70 %. Nous devons garder à l'esprit que cette préoccupation ignore
les frontières et que, lorsque nous avons à prendre des décisions à caractère
national, nous agissons devant l'opinion publique européenne.
Enfin, nous devons relever une contradiction majeure dans les avis exprimés :
près de 75 % des citoyens européens interrogés se prononcent en faveur de
l'implantation d'un site de stockage dans chacun des Etats membres. Mais 3 %
seulement accepteraient de vivre à une distance de 10 kilomètres d'un tel site,
5 % à une distance de 50 kilomètres et 8 % à une distance de 100 kilomètres.
Plus de 40 % des sondés refusent de vivre à moins de 1 000 kilomètres d'un site
de stockage de déchets radioactifs. Et 15 % déclarent n'accepter aucune
distance minimale entre eux-mêmes et un tel site !
Je mesure bien, monsieur le ministre, la difficulté de conduire une politique
de stockage cohérente face à une défiance aussi forte, et par certains côtés
irrationnelle, de l'opinion publique.
Pourtant, par rapport à ses voisins, la France peut se targuer d'une meilleure
acceptation sociale du nucléaire. Mais cette relative confiance des Français
dans leur filière nucléaire n'est pas acquise. Elle résulte d'un effort de
transparence de la part des industriels et des autorités publiques, qui n'a
d'ailleurs pas toujours été très spontané.
Sur ce point, l'émancipation progressive de la direction de la sûreté des
installations nucléaires et de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire
a joué un rôle essentiel. L'indépendance des organismes en charge du contrôle
de la filière nucléaire renforce leur objectivité, et donc leur efficacité
réelle, et améliore grandement leur crédibilité aux yeux de l'opinion.
Le projet de loi sur la transparence nucléaire annoncé par le Gouvernement
devrait consacrer cette évolution positive. A ce sujet, monsieur le ministre,
pourriez-vous nous dire pourquoi la présentation de ce texte au Parlement tarde
tant ?
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de la transparence, je voudrais saluer,
en particulier, l'action positive de l'Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs. L'ANDRA s'acquitte remarquablement bien de la mission qui
lui a été confiée par la loi Bataille de 1991. Je la rappelle : approfondir les
pistes d'études retenues pour le devenir des déchets radioactifs et assurer
leur stockage provisoire en attendant une solution plus satisfaisante.
L'action quotidienne de l'ANDRA a beaucoup contribué à dépassionner le débat.
D'une certaine manière, on peut même considérer que la filière nucléaire
constitue aujourd'hui un modèle de gestion responsable des déchets produits par
toute activité humaine.
Il faut rappeler que beaucoup d'autres activités polluantes pourraient
s'inspirer de l'effort de recensement des déchets radioactifs, de réduction de
leur volume, de contrôle de leur nature exacte et,
in fine,
de
retraitement et de conditionnement. Dans ce domaine, les solutions imaginées
pour l'industrie nucléaire mériteraient d'être appliquées à d'autres industries
qui, aujourd'hui, dispersent leurs effluents et leurs déchets sans grande
précaution, alors que la nocivité de ceux-ci est parfois plus grande et,
souvent, pérenne.
L'ANDRA remplit donc efficacement les missions qui lui ont été confiées par le
législateur, mais elle ne peut pas, à elle seule, prendre en charge le débat
démocratique sur les déchets radioactifs. Aussi efficaces que soient les
administrations dans ce domaine, il ne peut y avoir, là non plus, de confiance
publique sans orientations claires données par les autorités politiques. Le «
modèle français » d'acceptation sociale du nucléaire reste un combat permanent.
Il peut être remis en cause à tout instant par le moindre faux pas des
responsables politiques, ou simplement par une atmosphère de flottement et
d'indécision.
C'est pourquoi je m'associe à la question posée aujourd'hui par notre collègue
Jean Arthuis. Le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre,
tergiverse publiquement en matière d'énergie nucléaire. Les déclarations
intempestives de certains de ses membres entretiennent une impression de flou
politique extrêmement dommageable.
Certes, d'après la loi Bataille, les choix définitifs pour le stockage des
déchets radioactifs ne doivent être faits qu'en 2006. Mais, dans l'intervalle,
il est de votre responsabilité de faire progresser les études en toute
transparence, afin de ne pas provoquer d'inquiétudes irraisonnées chez nos
concitoyens.
Monsieur le ministre, par votre réponse, vous vous engagerez non seulement
devant l'opinion publique française, mais aussi devant l'opinion publique
européenne. La politique que la France va décider aura des conséquences
majeures sur le coût de son énergie électrique, son indépendance énergétique et
sa contribution à la réduction de l'effet de serre, mais elle conditionnera
aussi l'avenir de l'énergie nucléaire au sein de l'Union européenne.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne me
placerai pas, comme l'a fait ce matin, - contrairement d'ailleurs à son
habitude -, l'auteur de la question, sur un plan trop polémique.
M. Alain Lambert.
C'est une question orale avec débat !
M. Michel Moreigne.
Deux sites potentiels d'implantation d'un laboratoire destiné à l'étude du
stockage des déchets ultimes en granit profond, ceux de Crocq et d'Auriat, se
trouvent dans le département de la Creuse, que j'ai l'honneur de représenter
dans cette assemblée.
Les conseils municipaux, le conseil général et le conseil régional ont
délibéré et s'opposent à ce projet ; les parlementaires ont fait part par écrit
de leur hostilité ; les populations s'opposent, ont manifesté et manifestent
aujourd'hui même à Clermont-Ferrand, au pied des volcans de la chaîne des puys,
située à moins de cinquante kilomètres de Crocq. Je ne doute pas que les
délibérations des collectivités seront respectées, comme le prévoit la loi
Bataille et comme nous l'a affirmé ici même M. Pierret à l'occasion d'une
récente question d'actualité au Gouvernement.
La loi Bataille, qui a été votée en 1991, semble être le résultat de
l'application en France d'une doctrine déjà retenue par les Etats-Unis depuis
1981-1982 sur les bases des connaissances de l'époque et qui consiste à retenir
uniquement des sites appartenant au domaine continental et à privilégier le
stockage géologique profond, chaque pays prenant l'engagement d'entreposer ses
déchets sur son propre territoire.
Depuis une quarantaine d'années, la tectonique des plaques a donné une
nouvelle image dynamique de la déformation de la croûte terrestre. En
particulier, le phénomène de subduction conduit certaines plaques
lithosphériques à s'engager sous d'autres plaques et à plonger dans
l'asthénosphère visqueuse, à des profondeurs allant jusqu'à sept cents
kilomètres, souvent au niveau des fosses océaniques.
L'idée d'enfouir des déchets aux abords de ces fosses océaniques, avec
l'espoir qu'ils soient engloutis pour des millions d'années, se heurtait
jusqu'à présent au fait que dans la zone de pinçage des plaques se forme un
prisme d'accrétion où se manifestent une intense activité et des mouvements
tectoniques ascendants, ce qui explique la remise en cause totale de
l'enfouissement dans ces zones.
Mais, depuis quinze ans, des travaux, en particulier ceux de M. Bourgeois,
directeur de recherche au CNRS, permettent d'affiner notre compréhension de ce
type de mécanisme. M. Bourgeois a notamment montré que, dans certaines zones de
subduction, il n'existe pas de prisme d'accrétion. On peut penser que, dans ce
cas, des déchets convenablement placés pourraient disparaître, emportés vers
les profondeurs du manteau terrestre. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre
en compte ces données nouvelles et de lancer des campagnes d'études afin
d'explorer cette possibilité ?
En outre - cela a été démontré ce matin - la variabilité du climat pourrait
constituer une menace pour tous les sites continentaux retenus par la loi
Bataille, quels qu'ils soient, et l'impossibilité actuelle de « craquer »,
c'est-à-dire de dissocier les atomes lourds actiniques pour les transformer en
atomes à période courte, faute de moyens adéquats tels que le surgénérateur ou
la fusion nucléaire, non encore opérationnelle, semble exclure pour au moins
une quarantaine d'années, selon des informations tout à fait fiables, le
recours au stockage continental.
Tous ces éléments convergent pour inciter à prendre en considération la
possibilité d'enfouissement des déchets radioactifs dans des zones de
subduction des fosses océaniques. Les travaux de M. Bourgeois ont été publiés
dans le numéro de janvier 1996 de la revue
Réalités industrielles
, que
je vous ai fait parvenir, monsieur le ministre, sous le titre : « Un processus
naturel pour éliminer définitivement les déchets nucléaires ultimes ». Il y a
là, me semble-t-il, une piste intéressante à explorer. Je vous remercie à
l'avance, monsieur le ministre, de la réponse que vous m'apporterez.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour
reprendre le titre en forme d'interrogation d'un grand quotidien, la question «
Que faire des déchets nucléaires ? » n'est pas en elle-même suffisante, même si
elle s'impose à notre pays, qui a fait, voilà un demi-siècle, le choix de
l'indépendance énergétique en promouvant le nucléaire.
En effet, les autorités sont confrontées au choix du mode de stockage des
déchets, aucun pays européen n'ayant véritablement fait sa religion sur le
sujet.
En revanche, tout le monde s'accorde pour considérer la question comme très
sensible, et il convient de s'interroger sur la méthode de concertation. Le
Gouvernement a chargé une mission « Granite » de sonder la population et les
élus des quinze sites susceptibles d'accueillir un deuxième laboratoire, après
celui de Bure dans la Meuse, situé en terrain argileux. Le département des
Deux-Sèvres, plus particulièrement la région granitique de Neuvy-Bouin, est
concerné.
J'ai encore en mémoire les événements qui se sont produits voilà une dizaine
d'années, quand une précédente tentative de l'ANDRA avait été menée, avec le
concours du préfet du moment, dans de très mauvaises conditions.
En effet, la démarche des différents acteurs de l'époque, qui arrivaient un
peu en pays conquis et ne faisaient pas preuve de la plus élémentaire
psychologie vis-à-vis des populations locales, loin de dissiper les peurs et
les résistances que suscite le dossier du nucléaire et que même les
scientifiques ont du mal à apaiser, a renforcé considérablement les nombreuses
oppositions.
Ainsi, dans le département du président de notre groupe, les populations
rurales et les élus ont récemment vu se lever une réaction violente qui avait
pour thème : « la gâtine n'est pas à vendre ». Les propositions qui avaient été
faites étaient, pour l'essentiel, d'ordre financier, ce qui a été fort mal
perçu par les habitants de la région. Ces événements ont laissé une trace très
vivace dans les mémoires et ont forgé un véritable esprit de résistance.
Je constate à regret, aujourd'hui, que les responsables au plus haut niveau
n'ont pas appris grand-chose et sont en passe de renouveler les mêmes
erreurs.
Entre-temps, bien entendu, le territoire auquel j'ai fait allusion a mis en
oeuvre de nombreux projets économiques et culturels fondés sur ses atouts
naturels : les paysages, l'environnement, avec, par exemple, le développement
de la pêche en étang.
Il m'apparaît que les populations des principaux sites pressentis manifestent
une même opposition.
Ce qui est en cause, par-delà le problème, réel, je le répète, du sort réservé
aux déchets nucléaires, c'est la méthode du secret et l'opacité de la gestion
des aides financières, qui sont totalement inacceptables. Certains mots sont
galvaudés, parmi lesquels, incontestablement, celui de « concertation ». L'Etat
ne peut continuer à agir ainsi.
L'ensemble des grands projets d'infrastructures - autoroutes, lignes TGV,
lignes électriques à haute tension, barrages, usines, centres d'enfouissement
des déchets... - touchant à l'environnement et, d'une manière générale, à
l'aménagement du territoire sont l'objet d'une forte contestation émanant
principalement des populations concernées, mais également de groupes de
pression quelque peu spécialisés.
La loi de 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la
protection de l'environnement est trop limitée, et la loi de 1995 offrant la
faculté d'ouvrir un débat public sur les grandes opérations d'aménagement ne
prévoit pas l'obligation, pour les maires, de procéder à une consultation à
l'échelon communal.
Soucieux de modifier cet état de fait, j'ai déposé, dès 1996, une proposition
de loi - démarche renouvelée récemment au nom du groupe de l'Union centriste -
portant sur l'organisation d'audiences publiques lors de la réalisation de
grandes infrastructures, un peu selon le modèle anglo-saxon.
Si ce texte était adopté, la démocratie en sortirait renforcée et cela
permettrait, dans l'optique de la décentralisation, de faire participer encore
plus la population aux décisions locales concernant son avenir et celui de ses
enfants. Cela irait dans le sens de l'intérêt général, et la décision politique
y gagnerait en efficacité et en clarté, par une complète association des
populations.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre, dont je salue les débuts au Sénat.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, c'est un honneur pour
moi de m'adresser à la Haute Assemblée, dont je connais la très grande qualité
des travaux. J'ai pu apprécier encore une fois, en entendant les différents
intervenants, à quel point le dialogue avec les sénateurs pouvait être utile et
enrichissant.
Même si je ne dirige ce ministère que depuis peu de temps, je vais essayer de
répondre aussi complètement que possible aux orateurs, en particulier à M.
Arthuis.
Beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont rappelé que nous
disposons d'un instrument législatif de très grande qualité, à savoir la loi
Bataille du 30 décembre 1991, qui a été votée à l'unanimité et qui reflète la
nécessité d'orienter les recherches selon trois axes explorés de façon
équilibrée : la séparation-transmutation, l'entreposage et le stockage profond.
Des recherches et des études sont menées dans ces domaines, tant par le
Commissariat à l'énergie atomique que par l'ANDRA.
Sans hiérarchiser ces trois axes, j'évoquerai d'abord celui, tout à fait
important, de la séparation-transmutation des déchets.
De nombreux intervenants, ayant souligné l'intérêt que présentait cette
solution, m'ont interrogé sur l'état d'avancement des recherches en la
matière.
Il s'agit, vous le savez, de mettre au point les moyens d'isoler chimiquement,
dans la mesure du possible, des éléments radioactifs de très longue période et
de leur faire subir en réacteur une transmutation en des formes susceptibles de
retrouver beaucoup plus rapidement un état stable.
Cette solution, qui est évidemment séduisante, est examinée avec intérêt et
attention par chacun.
En ce qui concerne la séparation, les études ont atteint le stade de la
démonstration en laboratoire, et une démonstration industrielle peut être
envisagée pour 2006.
Quant à la transmutation, la démonstration en laboratoire est en cours de mise
au point selon deux voies : dans les réacteurs à eau pressurisée - cela est
actuellement possible - et dans les réacteurs spécialisés. Des études visent
par ailleurs à établir un dossier en vue de la mise en place d'un démonstrateur
à l'horizon 2006, de manière à atteindre l'un des objectifs qui avaient été
fixés par la loi Bataille dont nous parlions tout à l'heure.
En ce qui concerne l'entreposage, en surface ou en subsurface, c'est surtout
une solution provisoire, une solution d'attente, dont il ne faut pas
méconnaître, bien sûr, l'intérêt, mais qui ne saurait constituer une solution
définitive s'agissant de déchets radioactifs à durée de vie longue. C'est cela,
notamment, que je souhaitais répondre à M. Le Cam, qui a, très judicieusement
d'ailleurs, soulevé le problème.
Notre objectif, c'est bien évidemment la sécurité des personnes et de
l'environnement, qui est une préoccupation majeure. C'est d'ailleurs un
principe fondamental de la loi Bataille : protection de la nature, de
l'environnement et de la santé, et prise en considération du droit des
générations futures.
Plusieurs sénateurs ont cité le rapport Mme Michèle Rivasi, qui n'est pas
suspecte d'indulgence particulière envers les installations confrontées à ce
genre de problème,...
M. Ladislas Poniatowski.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... et M. Poniatowski veut bien en porter
témoignage.
Le rapport Rivasi a été établi dans le cadre de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je tiens, à cette
occasion, à souligner l'intérêt pour le Parlement, tant le Sénat que
l'Assemblée nationale, conjointement s'agissant de cet office, de disposer d'un
organisme de ce type, qui peut faire des études extrêmement avancées et
poussées.
C'est vrai s'agissant du sujet traité dans le rappport de Mme Rivasi. C'est
vrai également pour d'autres sujets, je pense notamment au rapport sur le
synchrotron. Nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer ce point, compte tenu
du débat suscité par la construction de cet ouvrage. Aujourd'hui, restons-en à
la question de M. Arthuis, qui appelle une réponse assez complexe.
Le rapport de Mme Rivasi précise que l'impact des installations de stockage
nucléaire sur la santé publique et l'environnement est, selon toutes
probabilités, limité.
Ces techniques d'entreposage provisoire, en surface ou en subsurface, sont
connues et sûres, comme le souligne le rapport, que vous citiez. Par ailleurs,
les recherches se poursuivent pour améliorer la sécurité des installations
d'entreposage, notamment en cas de catastrophe naturelle, comme l'a souhaité
Mme Rivasi dans son rapport.
J'en viens au troisième axe : le stockage en formation géologique profonde,
qui a été à l'origine de la question de M. Arthuis.
Je répondrai d'entrée de jeu à M. Moreigne, qui a proposé le stockage dans les
fosses océaniques. C'est une idée intéressante. Je le remercie de m'avoir
transmis un document scientifique dans lequel ce mode de stockage est
évoqué.
Il est extrêmement difficile de savoir si une telle opération ne présenterait
pas de risques imprévus. Tout le problème du stockage de longue durée réside en
effet dans la démonstration de la sûreté. Or, il est difficile, dans des fosses
océaniques, d'installer des équipements qui permettent de procéder
préalablement à la démonstration de la sûreté, à laquelle le Gouvernement est
attaché. Toutefois, nous examinerons cette suggestion, qui est intéressante.
Le Gouvernement a décidé que le stockage en formation géologique profonde doit
être réversible. Je tiens à le rappeler de nouveau ici, puisque plusieurs
sénateurs m'ont interrogé sur ce point.
Il a été jugé nécessaire d'explorer deux sites de nature différente : l'un en
argile, l'autre en granite.
S'agissant de l'argile, la décision a été prise sans réelles difficultés. Vous
le savez, ce mode de stockage sera exploré dans le site de la Meuse, à Bure.
Quant au granite, et là les problèmes sont sans doute plus consistants, quinze
sites ont été présélectionnés. Une mission a été désignée afin d'engager et de
mener la concertation sur ces sites susceptibles d'accueillir un second
laboratoire.
La loi prévoit que nous devrons présenter au Parlement une proposition de deux
sites en 2006 : un site argile - qui a été choisi - et un autre site,
vraisemblablement en granite.
La mission de concertation est venue sur le terrain non pour décider, pour
imposer, mais pour ouvrir le dialogue avec la population, les élus, les
associations et toutes les personnes concernées.
M. Alain Gournac.
Cela a été fait maladroitement !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Attendez un instant.
Il s'agit non pas d'imposer mais de proposer.
M. Alain Gournac.
Il faut le dire à la mission !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
En tout cas, je voudrais recadrer très
clairement la philosophie qui est celle du Gouvernement dans son ensemble. Il
s'agit pour nous, sans que cela comporte aucune critique à l'égard de ce qui
s'est passé s'agissant de la mission, d'écouter et de dialoguer, là comme
ailleurs. Notre volonté, c'est la transparence, le dialogue, la
concertation.
C'est le dialogue avec tous les secteurs de la société, les citoyens, et leurs
élus au premier chef, les associations, les producteurs de déchets, quels
qu'ils soient.
L'objectif de cette mission, est de recueillir les interrogations, les avis,
les propositions des élus, des populations et des associations concernées.
Je sais que sur le terrain - mais pas partout, d'ailleurs, car certains
sénateurs ont cité des exemples où le dialogue a pu s'instaurer entre les élus
et la mission - dans certains départements, notamment celui que représente M.
Arthuis, la situation a été très difficile pour la mission de concertation, qui
a fait l'objet, disons-le, de pressions fortes, de la part de certains en tout
cas.
Cela me paraît tout à fait regrettable et il importe de retrouver des
conditions de sérénité pour ce dialogue, qui est nécessaire, qui inspire la
philosophie même de la loi Bataille, laquelle est une loi de démocratie, de
transparence et de concertation.
Si le sentiment existe qu'il convient, une fois la concertation lancée - et
elle l'a été ! - d'améliorer cette concertation et ses modalités, il est en
effet souhaitable de réfléchir aux moyens d'y parvenir. Je ne doute pas que ce
soit du domaine du possible.
En ce qui concerne le stockage géologique, pour conclure sur ce point, je
souligne que, pour l'instant, il s'agit bien sûr simplement - encore que
l'adverbe « simplement » soit sans doute un peu miminaliste - d'implanter un
laboratoire chargé d'effectuer toutes les mesures nécessaires. Il ne s'agit pas
de décider de l'implantation d'un centre de stockage. D'ailleurs nous n'en
aurions pas le droit, car il appartient au Parlement de le faire par le vote
d'une loi spécifique. Il s'agit de décider de l'éventuelle implantation d'un
second laboratoire. En effet, le premier laboratoire existe à Bure, dans la
Meuse, pour l'argile. S'agissant du granite, il faut, comme cela a été dit,
trouver une solution.
Le passage du laboratoire qui serait créé à un éventuel stockage prendrait
plusieurs années, au moins pour deux raisons, en dehors même des raisons
techniques. Première raison : le Parlement devra tout d'abord se prononcer sur
une solution globale de gestion des déchets radioactifs, incluant ou non le
stockage géologique. Seconde raison : une loi spécifique - et cette disposition
figurera dans la loi Bataille - serait nécessaire pour autoriser un tel
stockage. La loi Bataille invite le législateur à prendre, en 2006, la décision
de créer ou non un centre de stockage des déchets radioactifs en formation
géologique profonde, si toutes les conditions nécessaires de sûreté et de
protection sont remplies. Mais cela nécessitera, je le répète, le vote d'une
loi spécifique et, par conséquent, de nouveau, bien sûr, l'intervention des
sénateurs et des députés.
J'ajouterai, dans le sens de la transparence, tant sur le plan scientifique
que sur le plan technique, que la loi Bataille a créé une commission nationale
d'évaluation, composée de douze personnalités éminentes, qui fait chaque année
un rapport au Gouvernement sur l'évolution des recherches. Cette commission
nationale d'évaluation auditionne tous les acteurs de la recherche, les
gestionnaires et les producteurs de déchets. Elle fait naître un débat
scientifique et technique de grande qualité. Ensuite, le ministre chargé de la
recherche fait établir chaque année, en collaboration avec chacun des acteurs
de la recherche et les industriels, un document qui est intitulé :
Stratégie
et programme des recherches,
au titre de la loi du 30 décembre 1991. Ce
document est, à son tour, un instrument de dialogue avec la commission
nationale d'évaluation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant conclure mon propos.
Cette intervention, qui est peut-être brève, cadre, je crois, les intentions
du Gouvernement en la matière, sans répondre bien sûr très spécifiquement sur
l'opportunité qu'il y aurait d'implanter ou non un éventuel laboratoire
souterrain dans tel ou tel site. En tout cas, soyez assurés que rien ne sera
imposé, que personne ne sera contraint. Il est évidemment indispensable de
prendre pleinement en considération les avis exprimés par les élus locaux et
aussi, bien sûr, par les parlementaires. Soyons ensemble particulièrement
lucides, et je le dis d'autant plus facilement ici que, je le sais, le Sénat
est lucide.
Quelle serait l'alternative à cet éventail de trois solutions qui figurent
dans la loi Bataille ? Elle consisterait, en réalité, à ne rien faire ; c'est
d'ailleurs souvent celle qui est retenue dans la vie.
Mais ne rien faire serait en soi extrêmement dangereux...
M. Ladislas Poniatowski.
Cela signifie un stockage en surface !
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
... car c'est précisément quand les déchets
sont dispersés, non stockés de manière convenable ou, en tout cas, mal
conditionnés, voire oubliés, que peuvent se poser des problèmes de sécurité
mettant en cause l'environnement ou la santé publique.
Je crois donc indispensable que notre société prenne en considération cette
question. Elle produit des déchets, notamment dans ce secteur d'activité. Il
faut faire quelque chose de ces déchets. Nous ne pouvons pas nous contenter de
refouler ce problème, l'extraire de notre analyse et de notre esprit. Une
société adulte, et la France en est une, doit regarder la réalité en face, même
si celle-ci comporte des difficultés. Il faut, dans ce secteur qui concerne
vraiment l'intérêt national, instaurer une solidarité entre toutes les
générations. Les générations futures ne doivent pas se trouver confrontées à un
problème qui se poserait dans des conditions encore plus difficiles s'il
n'était pas traité par les générations actuelles. Il nous faut donc regarder
les problèmes en face, ne pas les nier, ne pas les occulter, et essayer
ensemble de les résoudre en tenant compte de l'intérêt général, qui, en la
matière, correspond à l'impératif de protection de l'environnement et de la
santé publique.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... En application de l'article 83 du
règlement, je constate que le débat est clos.
6
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de
constitution d'une commission mixte paritaire sur le projet de loi portant
réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission
mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
7
EFFETS SUR LES FINANCES PUBLIQUES
DE LA POLITIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante
:
« M. Alain Lambert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur la politique du Gouvernement à l'égard de la
fonction publique et de la réforme de l'Etat. Sur le plan budgétaire, les
dépenses liées à la fonction publique, qui s'élèvent à 675 milliards de francs,
soit environ 40 % du budget de l'Etat, ne sont pas maîtrisées. Le poste de
dépenses le plus dynamique, et aussi le plus inquiétant pour l'équilibre à
venir des finances publiques, concerne le poids des pensions qui s'établit à
plus de 160 milliards de francs. Or la moitié des fonctionnaires actuellement
en poste partira à la retraite d'ici à 2012.
« Par ailleurs, le récent rapport de la Cour des comptes sur la fonction
publique de l'Etat a mis en exergue les limites de l'Etat employeur :
méconnaissance des effectifs réels, absence de gestion prévisionnelle des
emplois, existence de crédits extrabudgétaires, infractions au droit budgétaire
et comptable, indemnités privées de base juridique, etc.
« S'agissant de la réforme de l'Etat, on peut craindre que le Gouvernement
n'ait choisi l'attentisme, les priorités qu'il affiche étant nombreuses mais
pas toujours très claires et d'une portée pratique limitée.
« Dès lors, il souhaite connaître l'effet à moyen terme - cinq ans et dix ans
- sur les finances publiques de certaines évolutions relatives à la fonction
publique : départs en retraite massifs, situation des emplois-jeunes, passage
généralisé aux trente-cinq heures.
« Par ailleurs, il demande au Gouvernement de présenter les mesures qui seront
mises en oeuvre pour remédier aux dysfonctionnements constatés en matière de
gestion des personnels.
« Enfin, il souhaite connaître les décisions qui seront prises afin de donner
un contenu concret à la réforme de l'Etat. »
La parole est à M. Lambert, auteur de la question.
M. Alain Lambert.
Ma question vise à savoir si le Gouvernement a une politique en matière de
fonction publique et de réforme de l'Etat. S'il en a une, il serait opportun et
urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous la faire connaître, en prenant
devant le Sénat les engagements qui en découlent.
Si l'on s'interroge sur les chances d'avenir de la France, une question
lancinante revient : celle de la fonction publique, et donc de la réforme de
l'Etat qui lui est intimement liée.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. L'effectif des trois fonctions publiques -
fonction publique de l'Etat, fonction publique territoriale et fonction
publique hospitalière - représente plus de 5 millions de personnes. Le montant
des rémunérations, pensions et charges sociales atteint plus de 1 000 milliards
de francs pour les trois fonctions publiques confondues. Enfin, quelque 60
millions de Français attendent de leurs administrations qualité, efficacité,
accessibilité et priorité, en un mot le meilleur rapport coût-efficacité
possible.
Or, face à cet immense enjeu, la réponse du Gouvernement apparaît vague,
floue, dilatoire ; elle alimente d'ailleurs des malentendus, des blocages, des
critiques, laissant aux citoyens usagers comme aux fonctionnaires eux-mêmes une
impression de cafouillage et de gaspillage, si ce n'est de dérobade.
Alors que cette question était inscrite à l'ordre du jour du Sénat depuis
plusieurs semaines, M. le ministre de l'économie et des finances s'est vu
fixer, par ses services, une autre obligation. Il s'en est excusé tout à
l'heure, et je tiens à lui rendre hommage pour la considération qu'il témoigne
à l'égard du Parlement, ce dont je ne doutais d'ailleurs pas.
Nous sommes bien évidemment toujours heureux de vous accueillir dans cette
enceinte, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais je constate que le point dont
nous discutons aujourd'hui ne constitue pas une priorité pour le
Gouvernement.
Votre ancien collègue M. Zuccarelli, dans le rapport intitulé
La Fonction
publique et la réforme de l'Etat,
résumait d'ailleurs ainsi la politique du
Gouvernement en la matière : « La politique conduite par le Gouvernement s'est
traduite par la mesure la plus marquante, et la plus symbolique à la fois, la
conclusion de l'accord salarial du 10 février 1998... ». Le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation y
insistait avec raison : la seule mesure concrète prise par le Gouvernement en
matière de politique de la fonction publique est en effet la signature du
coûteux accord salarial du 10 février 1998.
Pour le reste, monsieur le ministre - reconnaissons-le - le tableau est sombre
: la gestion des effectifs est indigente, l'Etat employeur ignorant jusqu'au
nombre de ses agents ; la satisfaction de revendications corporatistes tient
lieu de réforme de l'Etat, et la capitulation récente du Gouvernement face à
son administration fiscale en est une éclatante illustration ; les négociations
sur un accord-cadre relatif à la réduction du temps de travail ont échoué ; les
conflits sociaux se multiplient, qu'il s'agisse des enseignants, des personnels
hospitaliers ou des agents des entreprises publiques qui, au fond, sont déçus
de l'application de cette idée magique des 35 heures.
Mon constat ne vise pas les fonctionnaires ; je les plains, au contraire, de
subir un employeur si défaillant. En effet, je mesure la haute idée qui les
habite, le plus souvent, du service qu'ils veulent rendre aux Français. Leur
courage lors des récentes catastrophes, qu'il s'agisse de la tempête ou de la
marée noire, l'a une fois de plus démontré.
Mes propos s'appuient sur deux événements récents : la publication, en janvier
dernier, du rapport de la Cour des comptes consacré à la fonction publique de
l'Etat, et l'actualité sociale, qui oriente à nouveau le Gouvernement dans une
logique dépensière, tenant lieu prétendument de politique réformatrice.
Le rapport de la Cour des comptes est accablant, monsieur le secrétaire d'Etat
: « Les documents budgétaires et comptables ne permettent pas de prendre une
vue exacte et précise des effectifs employés dans les services de l'Etat ni du
montant et de la structure des rémunérations qui leur sont allouées. »
La somme des dysfonctionnements ou irrégularités relevés est impressionnante :
contrôle défaillant des effectifs, gestion prévisionnelle des ressources
humaines quasi inexistante, emplois en surnombre ou bloqués, mises à
disposition, détachements injustifiés ou irréguliers, dépenses indemnitaires
financées sur des ressources extrabudgétaires, avantages indus sans base
juridique, flou sur les effectifs... Dois-je citer d'autres exemples ?
Je veux d'ailleurs rendre hommage au rapporteur spécial des crédits de la
fonction publique, M. Gérard Braun - vous le connaissez bien, monsieur le
secrétaire d'Etat, puisqu'il est élu d'un département qui vous est cher -, dont
le rapport élaboré à l'occasion du projet de loi de finances pour l'an 2000
devançait de quelques semaines le constat de la Cour des comptes. Je vous prie
d'ailleurs de bien vouloir excuser son absence en cet instant : il effectue,
précisément aujourd'hui, un contrôle budgétaire sur la situation, la gestion et
les rémunérations des personnels du ministère de l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'Etat, que comptez-vous faire pour porter enfin remède
à cette situation ?
Toutes ces remarques, au-delà de leurs conséquences dommageables pour les
personnels, traduisent une absence de rigueur préjudiciable à la nécessaire
maîtrise des dépenses publiques.
Le Gouvernement a décidé, en apothéose des mouvements de grève et
manifestations diverses, d'affecter 10 milliards de francs à des dépenses
nouvelles, dont 2 milliards de francs pour l'hôpital et 1 milliard de francs
pour l'éducation nationale.
Ce dernier cas est l'aveu le plus révélateur de la politique du Gouvernement :
ce dernier s'en remet à la facilité de l'accroissement de la dépense plutôt
qu'à l'engagement de vraies réformes d'amélioration du service public. Qui ne
voit pas s'accentuer le malaise de l'éducation nationale à mesure de
l'accroissement de ses moyens ? Disons-le, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'éducation nationale manque moins de moyens que de « bonne administration »,
et la hausse perpétuelle de ses crédits n'y changera rien !
Le secrétaire d'Etat au budget et la ministre déléguée à l'enseignement
scolaire avaient d'ailleurs reconnu, devant la commission d'enquête du Sénat,
que l'éducation nationale pouvait être réformée à moyens constants.
En réalité, le Gouvernement ne maîtrise plus les dépenses de la fonction
publique et, au fond, il renonce à les maîtriser.
J'oserai quelques chiffres : pour 2000, les dépenses de la fonction publique
sont en progression de 3,4 % par rapport à l'année dernière.
Ces dépenses représentant désormais plus de 40 % du budget de l'Etat, comment
le Gouvernement entend-il respecter le programme de stabilité qui fixe une
augmentation des charges de l'Etat de 1 % en trois ans ?
Le Gouvernement se satisfait-il du poids de l'emploi public dans notre pays ?
Je suis impatient de connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le
secrétaire d'Etat. Une étude de l'OCDE place la France en quatrième position,
immédiatement après les pays scandinaves, en taux d'emploi public au sein de
l'emploi total. Conduire une politique à total contre-courant de tous nos
partenaires - et en même temps concurrents - européens répond-il à un objectif
? Le Gouvernement souhaite-t-il la fonctionnarisation totale de la société
française ?
Le Gouvernement a répété à maintes reprises qu'il entendait stabiliser le
nombre total de fonctionnaires, en procédant à des redéploiements d'effectifs
au bénéfice de départements ministériels sous-dotés. La capitulation dans la
réforme de l'administration fiscale vient-elle bouleverser ce programme ?
Devons-nous, en réalité, craindre une augmentation globale du nombre de
fonctionnaires ?
Au cours de l'année 2000, le coût annuel de la fonction publique de l'Etat
s'établira à 23,3 milliards de francs. Au fond, mes chers collègues, on
engloutit en une seule année la valeur de la totalité du budget de la justice
dont nous dénonçons chaque jour l'insuffisance des moyens !
M. André Dulait.
Exactement !
M. Alain Lambert.
Et le coût atteint plus de 41 milliards de francs après prise en compte de la
fonction publique territoriale, pour 10 milliards de francs, et de la fonction
publique hospitalière, pour 8 milliards de francs.
Sur trois années - 1998, 1999 et 2000 - le coût global de l'accord salarial
que M. Zuccarelli présentait comme la grande politique du Gouvernement sera de
77 milliards de francs. Au-delà de tous les discours, la seule et vraie
priorité du Gouvernement apparaît comme la rémunération des fonctionnaires.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous confirmer ce choix ?
Envisagez-vous encore de nouveaux moyens, comme le réclament d'ailleurs
certains fonc-tionnaires ?
Outre la fonction publique active, l'évaluation du coût des pensions ne manque
pas non plus d'être inquiétante. Le mur s'approche de nous à grande vitesse
!
L'évolution des charges de pension - fonctionnaires et militaires - trace une
tendance extrêmement rapide ; de 1990 à 1997, nous sommes passés, en francs
constants, de 136 milliards de francs à 164,5 milliards de francs, soit une
progression de plus de 20 %. Or, les évolutions démographiques sont très
préoccupantes. D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la
retraite, la moitié en 2012. Les dépenses de pension devraient s'établir à plus
de 210 milliards de francs en 2005, à plus de 260 milliards de francs en 2010,
et à plus de 320 milliards de francs en 2015. Ainsi, de 2001 à 2015, les
dépenses de pension devraient croître de 73 %. Et que faites-vous ? Rien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
C'est un peu excessif !
M. Alain Lambert.
Le rapport Charpin prévient « qu'il faut se garder de recourir à la facilité
d'un recrutement à l'identique qui ne tiendrait pas compte de l'évolution
souhaitable des missions ». Il met en garde contre un remplacement nombre pour
nombre de chaque départ à la retraite ; en termes distingués, il met au fond en
cause le maintien des effectifs dans la fonction publique d'Etat, insistant sur
le caractère insoutenable, à terme, du poids des pensions.
Monsieur le secrétaire d'Eat, entendez-vous saisir l'occasion unique offerte
par cette perspective pour réformer l'Etat, pour réformer les retraites
publiques et pour limiter le poids des dépenses publiques ? Selon la direction
du budget, le non-remplacement total des départs à la retraite en 2000
engendrerait une économie de l'ordre de 9 milliards de francs cette année. De
2000 à 2005, à supposer que les salaires n'augmentent pas, cette économie
pourrait s'établir à 64 milliards de francs sur la même période. Le
remplacement d'un départ sur deux produirait une économie de 32 milliards de
francs de 2000 à 2005.
En outre, envisagez-vous d'engager la réforme des régimes spéciaux de
retraite, qui, je le rappelle, n'ont pas été concernés par la réforme de 1993
?
Or, devons-nous comprendre que le Premier ministre, le 21 mars dernier, nous a
annoncé en quelque sorte une non-réforme ? L'allongement de la durée de
cotisation à quarante ans, à l'évidence inévitable, est renvoyé à plus tard,
présenté comme une vague piste de réforme. La concertation et la négociation
avec les organisations syndicales garantissent apparemment à elles seules
l'avenir des retraites ! Cette proposition de réforme connaîtra-t-elle le même
sort que celle de l'administration fiscale ?
J'en viens, monsieur le secrétaire d'Etat, à deux autres motifs de
préoccupation.
Le premier concerne l'avenir des emplois-jeunes embauchés par l'Etat.
S'agit-il de futurs fonctionnaires ? L'ancien ministre de la fonction publique
a déclaré que « certains intégreront la fonction publique à l'issue de leur
contrat de cinq ans ». Combien d'entre eux seront concernés ? Selon quelles
modalités intégreront-ils la fonction publique ? Quelle estimation - votre
ministère sait en effet faire des estimations - avez-vous faite de l'impact de
leur intégration sur le budget de l'Etat ?
Ma seconde préoccupation concerne le coût du passage aux 35 heures dans la
fonction publique. Aujourd'hui, le Gouvernement est en quelque sorte acculé à
révéler ses propres contradictions : présentées comme un moyen de créer
beaucoup d'emplois dans le secteur privé, les 35 heures devraient être
appliquées dans la fonction publique à effectif constant ! Les revendications
des syndicats en matière de créations d'emploi sont d'ailleurs à l'origine de
l'échec des négociations sur la convention-cadre. Pourquoi entretenir ces
contradictions, monsieur le secrétaire d'Etat ? Pourquoi en rester à ces
atermoiements ?
Il ne sert à rien de commander des rapports si c'est pour les classer au fur
et à mesure. Or le rapport de M. Jacques Roché de février 1999 vous signale que
la durée du travail dans la fonction publique est très contrastée : entre 29
heures et 40 heures par semaine pour la seule fonction publique de l'Etat. Il
vous recommande de considérer la réduction du temps de travail comme « une
formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de
travail dans les fonctions publiques ».
M. Alain Gournac.
Il faut du courage !
M. Alain Lambert.
Mais le Gouvernement a renoncé à mettre en oeuvre la réforme qualitative
recommandée par M. Roché, à qui vous aviez pourtant demandé un rapport. Nous
attendons aujourd'hui votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat : à quel
coût le ministère de l'économie et des finances évalue-t-il le passage des
trois fonctions publiques aux 35 heures ?
M. Alain Gournac.
Bonne question !
M. Alain Lambert.
Je terminerai par la question essentielle de la réforme de l'Etat, placée en
toile de fond dans l'ensemble de mon propos. La réforme de l'administration
fiscale était un test. Pourquoi le Gouvernement l'a-t-il abandonnée alors qu'il
pouvait se saisir des recommandations du rapporteur spécial de la commission
des finances, M. Bernard Angels ? Il suffisait de lire le rapport qu'il avait
fait approuver par la commission des finances !
Quand le Gouvernement s'apercevra-t-il enfin qu'il existe un Parlement, au
sein duquel le Sénat ne cesse de lui faire des propositions constructives ?
Quel sort, enfin, sera réservé aux orientations retenues par le comité
interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999 ?
J'attends de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, à la fois des réponses
précises à toutes mes questions et vous l'imaginez bien un démenti : dites-nous
que vous ne renverrez pas les indispensables réformes à plus tard, que vous ne
renverrez pas aux générations futures le poids insupportable de l'inaction des
autorités politiques d'aujourd'hui, dont vous porteriez - je vous le dis avec
gravité - l'impardonnable responsabilité historique !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on
ne peut que se féliciter de l'initiative du président de la commission des
finances d'interroger le Gouvernement sur la nature des mesures qu'il compte
mettre en oeuvre pour remédier aux graves dysfonctionnements constatés dans la
fonction publique.
Cette question est d'autant plus d'actualité que le remplacement de deux des
principaux ministres du précédent gouvernement, MM. Sautter et Allègre,
résulte, à l'évidence, du refus manifeste des organisations syndicales
d'accepter le fait même d'ouvrir un dialogue sur la réforme de la fonction
publique.
Pour fixer les termes du débat, il convient de rappeler un certain nombre
d'éléments chiffrés.
La France compte 6 millions de fonctionnaires ou assimilés, dont 2,1 millions
ont des emplois budgétaires. Plus de 25 % de la population active est rémunérée
par le produit des impôts. La France compte 40 % de fonctionnaires de plus que
la moyenne de l'OCDE et que les Etats-Unis, et quatre fois plus que le Japon.
Et ces derniers chiffres incluent les enseignants !
Chaque fois que la population d'âge actif a augmenté de cent unités, les pays
du G7 ont créé soixante-huit emplois privés, onze emplois publics, dix-huit
chômeurs et trois inactifs ; en Allemagne, les résultats sont de trente-deux
emplois privés, dix emplois publics, trente-quatre chômeurs et vingt-quatre
inactifs ; pour la France, ce sont dix-huit emplois privés détruits, vingt-sept
emplois publics créés, quarante-cinq chômeurs et dix inactifs.
Pour 2000, les dépenses de fonction publique du budget général s'élèvent à 675
milliards de francs, soit 40,05 % du budget de l'Etat. La progression est de
22,5 milliards de francs en un an !
Trois sujets semblent devoir être étudiés : la gestion des effectifs, la
réduction du temps de travail dans la fonction publique et le dossier des
retraites.
En premier lieu, s'agissant de la gestion des effectifs, le récent conflit au
ministère de l'économie et des finances a rappelé à quel point l'Etat employeur
est aujourd'hui dépassé pour n'avoir pas voulu se réformer à temps. Chacun
garde en mémoire ce terrible aveu du ministre des finances reconnaissant son
incapacité à donner les effectifs exacts des administrations placées sous son
autorité !
L'Etat ignore également la position statutaire dans laquelle se trouvent les
fonctionnaires. A la suite d'un rapport de l'inspection générale de
l'administration et de la fonction publique, en 1996, le ministère de la
fonction publique précisait : « On ne peut pas recenser nommément les
organismes d'accueil dans lesquels sont placés les agents. »
L'Etat ne se comporte pas à l'égard de certains de ses agents comme il le
conviendrait. Il s'exonère ainsi très largement de règles qui s'imposent
pourtant aux employeurs privés.
Comment tel ingénieur technico-administratif peut-il être maintenu en contrat
à durée déterminée depuis vingt-cinq ans alors que, dans le secteur privé,
cette durée ne peut excéder dix-huit mois ?
Le caractère précaire de nombreux emplois est de plus en plus fréquent. La
principale motivation de l'Etat est ici financière : rappelons qu'un
fonctionnaire bénéficiant des dispositions statutaires légales et des avantages
s'y rattachant aura un coût annuel moyen pour l'Etat employeur de 250 000
francs ; or cette somme est divisée par deux lorsqu'il s'agit d'un
vacataire.
Il convient de dénoncer, à l'occasion de ce débat, le fait que l'Etat organise
lui-même des dérogations aux textes dont il est pourtant l'auteur. Ainsi,
l'obligation d'employer un fonctionnaire titulaire pour les postes à plein
temps et à durée indéterminée a connu tant d'exceptions et de catégories
dérogatoires que l'Etat employeur est perdu. Les agents temporaires vacataires,
les contractuels annualisés, les auxiliaires permanents ou les contractuels
payés sur fonds de vacation sont autant d'illustrations de cet épais brouillard
créé par l'Etat lui-même.
Le rapport du Commissariat général du Plan sur les adaptations nécessaires à
apporter aux trois fonctions publiques, de l'Etat, territoriale et
hospitalière, remis à la fin du mois dernier, fait d'intéressantes
recommandations que le Gouvernement serait bien inspiré de suivre.
Face à l'important renouvellement démographique que connaîtront les fonctions
publiques dans les prochaines années, il faut impérativement éviter le
remplacement poste pour poste des agents retraités l'année de leur départ, qui
se traduirait par un surcoût annuel de 115 milliards de francs.
La solution préconisée relève d'une véritable gestion des ressources humaines
: il convient d'utiliser les marges de manoeuvre créées par des départs à la
retraite plus importants pour ajuster les recrutements aux besoins des
administrations.
Afin d'assurer un meilleur pilotage de l'évolution des fonctions publiques, il
est proposé que soit mis en place un système de contrôle de gestion auprès du
Premier ministre. Par ailleurs, il pourrait être effectué des revues de
programmes régulières. Enfin, chaque administration serait dotée d'un schéma
cible à dix ans sur l'évolution des objectifs, des missions et des structures
au niveau central et local.
Il va très rapidement se poser au Gouvernement le délicat problème du devenir
des emplois-jeunes, ainsi que l'a dit tout à l'heure M. Lambert.
La nomination d'un secrétaire d'Etat à l'économie solidaire qui sera chargé de
cet encombrant fardeau ne nous rassure pas : ces jeunes, qui seront 350 000 à
la fin de l'année 2000, n'ont pour le moment aucun avenir au-delà des cinq
années de leur engagement. Or, cinq ans, c'est à la fois long et court.
Le Sénat avait manifesté son opposition à la création de ces emplois
prétendument novateurs. Mais ne s'agit-il pas plutôt, pour reprendre la phrase
de mon collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction
publique, de donner de nouvelles appellations à d'anciens métiers ?
De quelles solutions disposera le Gouvernement à la fin de la législature,
sinon d'intégrer ces emplois-jeunes dans la fonction publique ? Et à quel coût
pour la collectivité, alors que les crédits alloués sont inscrits au projet de
budget pour 2000 pour environ 24 milliards de francs ? Et, ce que l'on se garde
bien de dire, c'est que le problème se posera également pour les collectivités
locales !
Même si je sors quelques instants du sujet, il serait intéressant que le
Gouvernement informe le Sénat de l'état du recrutement des 350 000
emplois-jeunes annoncés dans le secteur privé en 1997. Belle illustration de ce
qu'il est plus facile de décréter des emplois à durée déterminée sur fonds
publics que de convaincre des entreprises privées de la nécessité qu'il y a
pour elles de créer de tels emplois !
J'en viens, en deuxième lieu, à la réduction du temps de travail dans la
fonction publique.
En la matière, l'Etat n'applique pas non plus les règles qu'il impose au
secteur privé et il s'en exonère largement. Ainsi, dans nos hôpitaux, certains
internes travaillent jusqu'à quatre-vingts heures par semaine, alors que cette
durée ne peut excéder quarante-huit heures.
L'Etat est incapable de résister à la force d'inertie des syndicats de la
fonction publique, hostiles à toute réforme. Il se refuse à appliquer à ses
agents les règles particulièrement coercitives d'organisation du temps de
travail qu'il impose pourtant sans concertation aux entreprises privées.
La durée moyenne hebdomadaire du temps de travail dans la fonction publique
oscille entre vingt-neuf et quarante heures. S'il doit y avoir aménagement du
temps de travail, c'est pour une plus grande efficacité au service des usagers
des services publics ! Or cette efficacité ne doit pas résulter d'une
augmentation des effectifs de la fonction publique, mais d'une meilleure
gestion des horaires.
Les propositions du Gouvernement ne vont pas dans ce sens. En effet, la
réduction du temps de travail ne concernerait que les seuls agents travaillant
plus de trente-cinq heures par semaine. Aucune garantie n'est donnée à nos
compatriotes sur la meilleure qualité des prestations du service public qui
devrait en résulter. Quant à la création d'emplois, elle ne constitue pas un
objectif pour le Gouvernement. C'est sur ce dernier point que se situe,
d'ailleurs, le hiatus avec les organisations syndicales, nous le voyons très
bien à La Poste, par exemple.
Le remplacement récent de M. Emile Zuccarelli par M. Michel Sapin ne semble
pas modifier la donne : le Gouvernement reste toujours aussi discret sur la
réalité du coût de la réduction du temps de travail dans la fonction
publique.
Il convient ici de garder à l'esprit que, dans ce dossier, l'Etat joue le rôle
de l'employeur. Espérons cependant que nous n'entendrons plus le ministre de la
fonction publique, de la décentralisation et de la réforme de l'Etat déclarer
que, « en matière d'effectifs, les besoins du service public sont quasiment
illimités » !
En troisième lieu, j'évoquerai le dossier des retraites.
Les termes du débat sont bien connus : évolution démographique préoccupante et
conséquences budgétaires inquiétantes pour les finances publiques.
Le choc démographique, pour les fonctionnaires, est attendu pour l'année 2010.
D'ici à 2012, la moitié des fonctionnaires seront à la retraite, ce qui
constitue une opportunité unique d'entamer une profonde réforme de la fonction
publique.
Comme l'avait montré le rapport Charpin - un de plus, monsieur Lambert ! -,
les écarts entre les régimes de retraite du secteur privé et les régimes
spéciaux s'accentuent au bénéfice des seconds.
Il convient de rappeler ici que la réforme de 1993 n'avait concerné que les
seuls régimes des salariés du secteur privé. Un certain conservatisme des
organisations syndicales de la fonction publique avait alors bloqué toute
possibilité de réforme.
Actuellement, les fonctionnaires sont dans une situation privilégiée par
rapport aux salariés retraités du privé. Ainsi, le montant mensuel moyen des
retraites pour une carrière complète est de 8 936 francs dans le secteur privé
et de 12 314 francs dans la fonction publique.
Afin de faire rattraper leur retard aux régimes spéciaux, qui connaîtront
leurs premières difficultés dès 2005, il convient d'engager leur réforme. Le
rapport Charpin préconisait un allongement progressif de la durée de
cotisation, qui devrait être portée, en 2019, à quarante-deux annuités et demie
pour l'ensemble des régimes généraux et spéciaux.
La présentation du plan du Gouvernement pour les retraites, au mois de mars,
n'était à la hauteur ni des enjeux ni des attentes. A l'évidence, la
pusillanimité l'a emporté sur le courage. Même si le Gouvernement savait que la
durée des cotisations était au coeur du dossier, aucune décision n'a été
prise.
M. Alain Lambert.
C'est exact !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Le Premier ministre n'a fait que proposer aux fonctionnaires de réfléchir à un
alignement de leur durée de cotisation sur le régime général. Si la réponse est
négative, nous avons l'assurance qu'il ne se passera rien, alors que trois
Français sur quatre considèrent pourtant que cet alignement de l'ensemble des
régimes à quarante années de cotisation est indispensable.
Ces tergiversations ne font que reculer les nécessaires réformes et les rendre
à terme plus brutales, donc plus insupportables, tant pour les actifs que pour
les retraités.
Il est donc plus facile pour l'Etat de plafonner le quotient familial, au
mépris de toute équité fiscale, de taxer les entreprises dans des proportions
inégalées dans les pays comparables au nôtre, d'imposer des HLM sans précaution
partout en France...
M. Alain Gournac.
Ça oui !
M. Jean-Pierre Schosteck.
... que d'engager une réforme structurelle de l'administration.
M. Alain Gournac.
Il est plus facile de donner des conseils aux autres !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Un élément, parmi d'autres, nous sépare, monsieur le secrétaire d'Etat : pour
nous, le service public, c'est l'intérêt du public, et non pas l'intérêt du
service public !
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Au fond, mes chers collègues, ce que je viens d'affirmer ici n'est jamais que
le lointain écho de ce que disait déjà Cicéron : « Il en est de
l'administration de l'Etat comme d'une tutelle, qui doit être gérée dans
l'intérêt des pupilles et non dans celui du tuteur. »
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
question première que l'on peut se poser est simple : la présence d'un secteur
public structuré et important est-elle un obstacle à la croissance économique
?
Cette question est sous-jacente dans la formulation de la question orale que
nous propose d'examiner aujourd'hui notre collègue M. Lambert, président de la
commission des finances.
On connaissait déjà, au demeurant, votre position de fond, monsieur Lambert -
position partagée par la majorité de notre commission - quant à l'existence
d'un fort secteur public, largement développé.
Nous n'entrerons pas dans une querelle de chiffres : ce serait, selon moi, une
habile manière de détourner le débat de son objet essentiel.
La gestion des effectifs de la fonction publique n'est pas seulement une
question de budget, de chiffres. Elle est étroitement liée à une certaine
conception de la société, aux choix que l'on peut opérer en matière
d'intervention publique dans la vie économique et sociale et, partant, aux
orientations que l'on imprime aux missions assumées par le service public dans
l'ensemble de ses composantes.
Plusieurs défis doivent être relevés, dans les années qui viennent, pour le
secteur public, et il nous semble utile d'y revenir.
Le premier est le renouvellement indispensable des cadres et des effectifs,
lié au mouvement fort important des départs en retraite qui devrait affecter -
plus ou moins, bien entendu -, selon les secteurs et les collectivités
l'ensemble de la fonction publique.
D'aucuns - et je pense ici aux auteurs du rapport récemment publié par le
Commissariat général du Plan - ont cru pouvoir déceler dans cette situation
l'opportunité de réduire de façon sensible les effectifs budgétaires, en tirant
parti des gains de productivité issus de la mobilisation croissante des
nouvelles technologies de l'information en lieu et place du travail humain.
On pourrait notamment profiter de cette situation pour liquider l'essentiel du
cadre C de la fonction publique et procéder à une
restructuration-redistribution des effectifs, sans être contraint pour autant
de geler excessivement les promotions internes ou de réduire aussi
excessivement les postes ouverts aux concours.
Une telle démarche peut vous apparaître évidemment satisfaisante, mesdames,
messieurs de la majorité, puisque vous ne cessez d'appeler de vos voeux une
réduction des effectifs de la fonction publique, corollaire d'une démarche qui,
couplée à la réduction de la dépense publique, permettrait d'atteindre le
double objectif de la réduction du déficit et de l'allégement des
prélèvements.
Cette démarche - faut-il le préciser ? - nous ne la partageons pas. Elle nous
semble, en effet, strictement marquée par une logique comptable, dont l'un des
effets, apparemment positif, serait de limiter la progression des dépenses du
titre III pour ce qui concerne les traitements et les rémunérations des agents,
mais dont un autre serait aussi d'accroître le déséquilibre que certains
craignent quant à la situation du financement des pensions, en tarissant le
nombre des fonctionnaires actifs contribuant au financement de la retraite des
fonctionnaires retraités.
Ce problème du devenir des pensions est - nous l'avons remarqué - aujourd'hui
clairement posé.
Nul doute, en effet, que notre commission des finances - en tout cas sa
majorité - partage certaines orientations présentées et visant à l'allongement
des durées de cotisations des agents du secteur public pour l'ouverture des
droits.
Plus fondamentalement, on sait aussi que notre commission s'est souvent
positionnée à l'avant-garde - si l'on peut dire ! - du combat pour
l'affaiblissement des garanties collectives des salariés et le développement de
la retraite individualisée au travers de toutes les formules possibles et
imaginables de capitalisation.
Un effet d'optique, assez étonnant, veut aujourd'hui que le développement de
la précarité de l'emploi dans le secteur privé conduise, en fait, à rendre plus
attirantes les rémunérations du secteur public.
Une bonne part de l'épargne des ménages est, en fait, potentiellement entre
les mains des agents du secteur public, et cette épargne intéresse évidemment
au plus haut point ceux qui souhaitent que notre pays se livre sans retenue à
la spéculation boursière.
Il est évident qu'une remise en cause des garanties collectives des agents du
secteur public en matière de retraite par la voie de la répartition serait une
manière de les contraindre à investir encore plus leur épargne dans les
circuits financiers.
Nous ne partageons pas, là encore, cette orientation, quand bien même elle
aurait comme caractéristique de montrer, une fois de plus, une réalité que l'on
ne saurait omettre dans le débat : le poids économique fondamental des agents
du service public.
Car le défaut essentiel de toute position tendant à remettre en question le
nombre de fonctionnaires, à laisser entendre que le secteur public est une
sorte de poids mort pour la collectivité, est bien celui-là.
L'un des moteurs de la croissance, c'est bel et bien l'existence d'un nombre
important de salariés du secteur public, dont la consommation est décisive dans
la progression générale de l'activité économique.
De la même manière, sans l'investissement public, et singulièrement celui des
collectivités locales, qui peut dire ce que serait aujourd'hui l'état de
l'emploi dans de nombreux secteurs d'activité, par exemple dans celui du
bâtiment et des travaux publics ?
Sur le strict plan des ressources mêmes de l'Etat, quel serait le niveau de
rendement de l'impôt sur le revenu sans l'existence, pour les agents du secteur
public, de rémunérations qui, sans être excessives - loin s'en faut ! -
participent de manière décisive à la constitution des revenus des ménages ?
Deux autres défis me semblent devoir être également relevés, dans les années à
venir, par les agents du secteur public et par la fonction publique de manière
générale.
Le premier défi, d'importance réelle, est celui de l'intégration des
emplois-jeunes.
Pour notre part, nous estimons que l'opportunité du départ en retraite d'un
grand nombre d'agents du secteur public dans les dix années à venir doit être
prise en compte pour permettre aux jeunes employés sous contrats emplois-jeunes
d'être en position d'intégration dans le cadre normal de la fonction
publique.
Dans chaque secteur concerné, cela passe évidemment pas une analyse la plus
fine possible des besoins et des capacités, mais il n'en demeure pas moins que,
l'utilité des postes occupés par ces jeunes étant avérée, le débouché naturel
de leur contrat actuel est constitué par l'intégration.
Je sais que, y compris dans la majorité sénatoriale, certains sont convaincus
que c'est là la voie normale pour résoudre la question.
Le second défi est celui de l'indispensable retour sur les missions de service
public. Il est d'une importance sans doute plus grande, malgré les apparences,
que le précédent. Il traverse, qu'on le veuille ou non, d'ailleurs, l'ensemble
du débat ouvert aujourd'hui sur le devenir du secteur public, comme les récents
conflits sociaux qui ont animé l'administration fiscale et l'éducation
nationale l'ont encore prouvé.
De manière générale, les agents du secteur public refusent une conception
étroite du service public qui tendrait, notamment, à en réduire la portée.
Derrière certaines des propositions formulées par M. Claude Allègre, il y
avait, en effet, le risque - je dis bien « le risque » - de voir remise en
cause l'existence de diplômes de valeur et de portée nationales ou celle d'un
enseignement technique et professionnel public.
De la même manière, prenant appui sur des comparaisons pour le moins
hasardeuses, pour des raisons d'histoire et de pratiques fiscales
particulièrement hétérogènes, une part de la réforme des services fiscaux
portait en germe la remise en question de certaines missions de ces services
dans la collecte de l'impôt comme dans le conseil aux collectivités locales ou
aux particuliers.
On peut, évidemment, toujours justifier, en dernière instance, des
suppressions de postes ou un gel des effectifs budgétaires par un
amoindrissement des missions de service public.
Pour notre part, et aussi étrange que cela puisse paraître, nous estimons
a
contrario
que le champ d'intervention des services publics est encore, en
grande part, à défricher et que l'on peut encore et toujours améliorer leur
fonctionnement comme leur efficacité.
Le point nodal de la discussion est là : devons-nous abriter derrière une
exigence de maîtrise des coûts un affaiblissement de l'efficacité du service
public ou devons-nous, sans cesse, revenir aux missions de service public pour
que notre pays se donne les moyens d'en accroître encore l'efficacité ?
Des enjeux comme la lutte contre l'exclusion, le développement de la formation
des salariés et des sans-emplois, l'éducation des jeunes, l'action contre la
fraude fiscale, la sécurité publique, la justice ou l'accès à la santé et à la
culture sont suffisamment cruciaux pour que nous repoussions, sans équivoque,
les orientations que souhaitent voir imprimer au secteur public la majorité de
la commission des finances et son président.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
question qui est aujourd'hui posée au Gouvernement est caractéristique des
ambiguïtés qui peuvent se cacher derrière une expression largement employée, ou
derrière une notion largement admise, à savoir la nécessité d'une politique de
réforme de l'Etat et, à travers elle, la nécessité d'une évolution de la
fonction publique.
Mais là où ces ambiguïtés se révèlent être des divergences entre majorité et
opposition, c'est quand on étudie dans le détail le sens que nous donnons les
uns et les autres, au mot « réforme », ou même aux mots « service public ».
Eh bien, mes chers collègues, les socialistes n'ont pas peur d'affirmer haut
et fort qu'ils sont fiers de défendre l'administration de l'Etat républicain,
c'est-à-dire la fonction publique, et qu'ils reconnaissent sans gêne la
nécessité de la réformer afin de mieux assurer son efficacité au service des
citoyens !
Regardons les choses en face : la droite considère souvent l'emploi public
comme une variable d'ajustement permettant de corriger les déséquilibres
budgétaires. Et pourtant, nous savons les ravages que cause cette conception
libérale et dépassée de la fonction publique dans certains pays !
Pour nous, « moderniser » l'Etat ne peut pas signifier purger la fonction
publique d'une partie des agents compétents, dévoués et intègres qu'elle compte
dans ses rangs. Car nous ne cesserons jamais de dire aux Français que moins de
fonctionnaires, c'est moins d'infirmiers, moins de professeurs, moins de
policiers, moins de services d'aide à l'emploi ! C'est moins de santé, moins de
savoir, moins de sécurité, et ce pour eux et pour leurs enfants, pour leur
avenir !
Ne nous berçons pas d'illusions : la logique libérale ne peut se traduire que
par la limitation des dépenses sociales, c'est-à-dire des dépenses qui
permettent de maintenir solidarité, sécurité, égalité et justice entre les
citoyens ! Derrière la logique libérale, c'est toujours la loi du plus fort qui
pointe le bout de son nez.
Face à cette conception de l'Etat, nous, socialistes, sommes fiers de
réaffirmer que les fonctionnaires sont nécessaires à la bonne marche de l'Etat.
Jamais nous n'envisagerons de déterminer leur « bon nombre » selon une logique
exclusivement comptable, car la plus grande économie serait, dans ces
conditions, de n'en employer aucun !
L'Etat a des missions à remplir ; il faut des fonctionnaires pour les assurer,
et c'est par le dialogue avec ceux-ci, ainsi qu'avec l'ensemble des Français,
que l'Etat sera modernisé, la vraie modernité étant plus que jamais synonyme de
solidarité.
En effet, qu'ils soient sociaux, comme la santé ou l'éducation, régaliens,
comme la police, la justice ou l'armée, ou industriels et commerciaux, comme
l'énergie, les transports, la Poste ou les télécommunications, les services
publics sont au coeur de notre modèle social. Ils sont tout autant un
instrument au service de la cohésion sociale et de la réussite économique qu'un
reflet de notre vie collective. Ils concernent toute la population, et ils sont
notre vie quotidienne à tous.
Nous avons tous en mémoire l'exceptionnelle efficacité d'EDF lorsqu'il s'est
agi d'effacer les conséquences des terribles tempêtes de la fin du mois de
décembre dernier.
Moins d'Etat, comme on nous le propose une fois de plus, ce serait moins
d'unité nationale, plus de fractures sociales, l'affaiblissement de notre
identité culturelle et le risque de porter atteinte à l'Etat de droit auquel
nous sommes attachés. Ce serait, en fin de compte, accroître l'incertitude et,
partant, limiter l'initiative et l'énergie créatrice des Français.
Quand on nous dit que la France serait à contre-courant de ce qui se pratique
en la matière dans les pays étrangers, gardons-nous de comparaisons simplistes.
Il n'est pas inutile de rappeler qu'en France les chiffres de l'emploi public
englobent la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale, la
fonction publique hospitalière, les militaires, les agents des établissements
publics nationaux, les agents publics de La Poste et de France Télécom, les
enseignants des établissements privés sous contrat et les salariés des
établissements de santé privés à but non lucratif. Rien d'étonnant, alors, à ce
que les fonctionnaires représentent plus d'un cinquième de la population active
française !
A l'étranger, il est fréquent que les fonctions publiques hospitalière et
enseignante n'existent pas. Souvent, des organismes non publics remplissent des
missions d'intérêt général, telles des associations qui bénéficient d'emplois
aidés. On pourrait presque dire que le pays qui a le plus de fonctionnaires,
sinon au sens juridique du moins au sens fonctionnel, ce sont les Etat-Unis, où
une kyrielle d'agences fédérales et locales à statuts divers remplissent le
rôle que jouent, chez nous, nos fonctions publiques et assimilées.
Cette administration, dont nous, Français, avons tout lieu d'être fiers, n'est
pas, nous venons de l'évoquer, un corps monolithique ; elle n'est pas non plus
un corps statique.
Cette administration, qui a toujours su évoluer pour mieux rendre service aux
citoyens, a toujours su, quand il le fallait, se réformer. Et le gouvernement
de la gauche plurielle, dans lequel nous avons pleinement confiance, est plus
que jamais prêt à l'aider à se moderniser, non pas pour faire « plus moderne »,
mais pour « mieux » faire, non pas pour aboutir à « moins d'Etat », mais pour
aboutir à « mieux d'Etat ».
En effet, rénover les services publics, c'est renforcer leur légitimité.
N'oublions pas que 75 % des Français sont satisfaits de leurs services publics,
même s'ils leur reprochent parfois des dysfonctionnements auxquels il faut,
bien évidemment, porter remède.
Mieux d'Etat, cela veut dire un Etat moderne, efficace, plus transparent,
soucieux des deniers publics, capable de prendre en compte les attentes des
Français, garant d'une société rassemblée, solidaire et ouverte sur l'avenir ;
un Etat qui a besoin de services publics rénovés et de fonctionnaires
respectés, d'une meilleure évaluation des politiques et des dépenses publiques,
et de pouvoirs locaux mieux organisés.
Plus d'efficacité, c'est mieux servir les citoyens et l'intérêt général ! Pour
combattre les inégalités sociales et territoriales, le service public doit
réaffirmer ses principes fondateurs : continuité, égalité, impartialité. Pour
être à l'écoute de ses usagers, il doit adapter sa gestion et ses missions en
poursuivant la modernisation engagée par la gauche depuis 1997 :
simplification, déconcentration, évaluation. Si une réforme de l'administration
fiscale a été suspendue, le projet de réformer cette administration n'a pas été
abandonné : d'autres pistes existent, comme celle qu'à explorée notre collègue
Bernard Angels, rapporteur spécial du budget des services financiers.
Plus d'efficacité, c'est aussi dépenser mieux, c'est-à-dire dépenser
autrement, en privilégiant les dépenses d'avenir - éducation nationale,
recherche - ainsi que les dépenses de solidarité. C'est lutter contre les
gaspillages en recherchant une plus grande unité de l'action publique au niveau
local. C'est mieux définir la distribution des compétences entre l'Etat et les
collectivités locales.
Plus d'efficacité, enfin, c'est rapprocher l'Etat du citoyen. La
décentralisation, lancée par la gauche en 1982, est l'une des réformes les plus
profondes de ces vingt dernières années : elle appelle une déconcentration
vigoureuse et organisée des services déconcentrés de l'Etat, d'autant que
ceux-ci regroupent 96 % de ses agents, gèrent les deux tiers des crédits et
prennent les trois quarts des décisions administratives individuelles. Par
ailleurs, ce gouvernement s'attache à faire en sorte que l'espace français soit
mieux structuré, grâce à l'intercommunalité, et que les pays ruraux soient plus
solidaires et disposent d'un projet global de développement.
Quant au poids des pensions dans les dépenses de l'Etat, qui va s'alourdir du
fait du départ à la retraite de 40 % des fonctionnaires au cours des dix
prochaines années, eh bien ! le Gouvernement, est en train de s'y attaquer,
courageusement et résolument.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
France a construit son unité au travers de l'Etat, l'Etat républicain étant
aujourd'hui, entre autres choses, le garant de la cohésion sociale de la nation
et de l'égal acccès de tous aux grands services publics. Ces valeurs, les
Français, et, parmi eux, les agents de l'Etat, y sont profondément attachés.
Mais parce que les Français, la France et le monde changent, l'Etat doit
changer aussi, pour les accompagner et faciliter leurs mutations. C'est la
raison pour laquelle la réforme de l'Etat est une des priorités de l'action
gouvernementale.
Mais, au moment où la presse étrangère s'étonne de voir coexister en France le
dynamisme et l'efficacité économiques avec un Etat très présent, au point que
l'on commence à disserter sur les vertus d'un « modèle français »,
permettez-moi, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, de penser que l'Etat - Etat que nous essayons de rendre encore plus
apte à répondre aux attentes des citoyens - n'est pas étranger à ce dynamisme
français.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec attention l'intéressante question et
l'intervention riche de M. Lambert, président de la commission des finances.
Je dois dire, tout d'abord, que je tiens ici, au nom du Gouvernement, à
nuancer certaines de ses affirmations et même, pour plusieurs d'entre elles, à
m'y opposer avec véhémence, comme l'ont fait, voilà quelques instants, Mme
Beaudeau, qui a eu raison, je crois, de critiquer une approche, sinon
systématiquement hostile, du moins méfiante à l'égard de la fonction publique
ou du secteur public, ou, à l'instant même, M. Demerliat qui, à juste titre, a
mis en avant ce concept de « mieux d'Etat » qu'il s'agit de promouvoir, plutôt
que, systématiquement, dans tous les domaines des trois fonctions publiques,
démolir la fonction publique, la fonction de l'Etat dans la société
française.
Par conséquent, d'emblée, je dirai, monsieur Lambert, que la position du
Gouvernement n'est, pour reprendre les termes que vous avez employés, ni «
vague », ni « floue », ni « dilatoire » dans les grandes questions qui se
posent au pays.
Je commencerai par un cadrage général relatif à la gestion des finances
publiques.
L'an dernier, nous avons respecté notre engagement de limiter la hausse des
dépenses de l'Etat à 1 % en volume hors intempéries, évidemment, avec les
conséquences financières et les décisions de solidarité que nous avons prises à
l'égard des régions touchées.
En outre, les plus-values de recettes générées par la croissance économique
que le Gouvernement a favorisée ont permis de réduire le déficit de 236
milliards de francs en loi de finances initiale pour 1999, à 206 milliards de
francs en exécution et à 206 milliards de francs en loi de finances initiale
pour 2000.
M. Alain Lambert.
Cela n'a rien à voir avec les dépenses !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le déficit a beaucoup à voir avec les dépenses !
Pour 2000, la loi de finances initiale que le Parlement a adoptée - mais, il
est vrai, pas la majorité sénatoriale - prévoit une stabilité des dépenses en
volume. Cette modération, mesdames, messieurs les sénateurs, se poursuivra
durant les prochaines années : nous avons pris l'engagement de limiter la
croissance des dépenses à 1% en volume pour les trois prochaines années, et
nous tiendrons cet engagement de saine gestion et de rigueur.
Ainsi la dette publique pourrait-elle passer de 5 180 milliards de francs à la
fin de 1999, soit 60,3 % du produit intérieur brut, à 57,7 % en 2003, dans un
scénario de prudence, et même à moins de 57 % dans un scénario de croissance
économique plus favorable.
Voilà pour le cadrage général, qui témoigne d'une volonté politique et qui
traduit dans les faits que cette volonté politique ne s'accompagne pas
seulement de discours, mais d'une véritable action claire, nette, déterminée,
en matière de gestion des finances publiques.
Vous avez évoqué les uns et les autres, à cette tribune, les dépenses de
rémunérations de l'Etat. Elles atteignent, en loi de finances initiale 2000 - y
compris les charges de pensions - 722,3 milliards de francs, soit effectivement
45 % des dépenses de l'Etat.
Les engagements que la France a pris en matière d'évolution des dépenses
publiques et de diminution du déficit budgétaire à l'égard de ses partenaires
européens, et le souci de bonne gestion qu'impose en tout état de cause un
endettement important de l'Etat, tout comme la nécessité d'une diminution des
prélèvements obligatoires - je rappelle à cet égard le récent engagement pris,
au nom du Gouvernement, par le Premier ministre et par le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie - doivent en effet nous conduire à
examiner ces dépenses comme l'ensemble des charges de l'Etat. Cela est normal
et sain.
Je vais même surprendre certains d'entre vous en disant que le centre de
gravité de nos préoccupations doit être en effet autant l'action sur les
dépenses que l'action sur les recettes,...
M. Alain Lambert.
Surtout sur les dépenses !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... au risque de renverser, de tourner autrement
l'approche que nous avons des finances publiques, c'est-à-dire d'insister
aujourd'hui davantage sur l'action consistant à contenir un certain nombre de
dépenses - mais dans un contexte qui ne cède en rien à la logique du président
de la commission des finances - que ne l'avait fait jusqu'à présent les
gouvernements de progrès.
M. Alain Lambert.
Cela fait trois ans que l'on paye de plus en plus d'impôts !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Telles sont les grandes lignes de notre politique
concernant les dépenses de l'Etat.
J'ajoute que la forte augmentation, dans les années à venir, du nombre des
départs à la retraite de fonctionnaires va se traduire par une augmentation de
la charge des pensions, qui doit passer de 112 milliards de francs en loi de
finances 2 000 à 182 milliards de francs en 2010, hors évolution du point de la
fonction publique, donc une évolution spontanée importante. Cette augmentation
forte peut permettre à l'Etat employeur d'assurer l'adéquation qualitative et
quantitative des moyens aux besoins de la population.
Un rapport récent du Commissariat général du Plan relatif à l'évolution des
fonctions publiques - je rappelle qu'il y en a trois - fait apparaître que 45 %
des agents de la fonction publique de l'Etat, soit 807 000 agents - j'insiste
sur ce chiffre - seront partis en retraite d'ici à 2012.
Ce phénomène, qui s'inscrit dans le mouvement général d'arrivée à l'âge de la
retraite des générations nombreuses dites du
baby-boom,
est encore plus
accentué pour les fonctionnaires de l'Etat en raison d'une structure
démographique moins homogène que celle de l'ensemble de la population
active.
A la différence de la pyramide des âges de la population française, marquée,
celle-ci, par une répartition homogène parmi les 30 ans à 50 ans, la pyramide
des âges de la fonction publique d'Etat est caractérisée par une concentration
particulièrement forte de la tranche d'âge des 45 ans à 55 ans, et c'est
l'arrivée très prochaine de cette tranche d'âge à la retraite, au cours des dix
ans à venir, qui va provoquer un renouvellement des effectifs sans
précédent.
La répartition des actifs de la fonction publique de l'Etat par tranche d'âge
montre ainsi qu'il y a environ 9 % d'agents de moins de trente ans dans la
fonction publique d'Etat, mais 26 % de plus de cinquante ans.
M. Alain Lambert.
Qu'est-ce qu'on fait ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les résultats des travaux demandés par la commission
de concertation sur les retraites, sous l'égide du Commissariat général du
Plan, montrent que l'accroissement des flux des départs à la retraite, hors
PTT, est de l'ordre de plus de 26 % entre 1999 et 2003, soit 6 % de plus en
rythme annuel, pour atteindre 53 800 agents en 2003, contre seulement 42 600 en
1999.
En 2012, les flux de départs à la retraite devraient s'établir à 65 000 agents
par an. Ce sont donc près de 211 000 agents supplémentaires qui seront partis à
la retraite par rapport à la tendance assise sur le niveau attendu en 1999.
M. Alain Lambert.
Il faudra les remplacer !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il y a donc une marge de manoeuvre, qui ne doit pas
aboutir à une sorte de procès
a priori
contre la fonction publique.
L'emploi public n'est pas entaché d'un péché originel ineffaçable. Nous en
avons besoin dans les hôpitaux, dans l'enseignement, dans la police, dans la
justice que sais-je encore ? Les besoins criants que révèlent un certain nombre
de situations locales, régionales ou nationales sont là pour montrer qu'il
convient d'utiliser ces souplesses dans le sens d'une bonne gestion des
effectifs, pour la fonction publique de l'Etat comme pour les autres fonctions
publiques, et aussi parfois, lorsque c'est nécessaire, de renforcer la présence
d'agents publics dans les secteurs qui le réclament, et, à l'évidence, il y en
a un certain nombre.
Pour les prochaines années 2001-2003, avant l'arrivée du choc démographique,
dans le contexte du passage aux 35 heures dans la fonction publique au plus
tard le 1er janvier 2002, le Gouvernement a donc décidé que les départs
définitifs de fonctionnaires en activité dans la fonction publique de l'Etat
seront globalement compensés par une augmentation des recrutements externes.
Ces remplacements, nombre pour nombre globalement, s'accompagneront de
redéploiements au profit des actions prioritaires de l'Etat - je viens de les
citer - redéploiements qui seront concomitants avec une amélioration de
l'efficacité de l'action publique dans les domaines que j'ai évoqués, en
particulier grâce à l'utilisation plus importante des nouvelles technologies de
l'information et de la communication partout dans l'administration d'Etat.
En outre, un plan de titularisation - je m'adresse là à Mme Beaudeau - sera
mis en oeuvre pour réduire l'emploi précaire. Je pense à la direction qui a été
contractuellement acceptée par La Poste dans le contrat d'objectif et de
progrès, où le passage des CDD en CDI devient systématiquement la règle ainsi
que la réduction du nombre des emplois à temps trop partiel - on pourrait
peut-être les qualifier ainsi !
Malgré la titularisation de plus de 21 000 agents depuis 1996 au titre de la
réduction de l'emploi précaire, les administrations d'Etat ont eu tendance à
faire à nouveau appel à des personnes à statut précaire du fait de besoins non
satisfaits en qualité ou en quantité, tout le monde l'a souligné.
Je veux ici rappeler qu'il convient de nous éloigner du précédent que
constituent les échecs des plans de « déprécarisation » mis en oeuvre dans le
passé. Un plan va être établi par le ministre de la fonction publique, en
concertation avec les organisations syndicales. Il doit s'accompagner de
mesures visant à éviter la reconstitution de l'emploi précaire, notamment en
termes de durée et en termes de non-renouvellement.
Je tiens à préciser qu'il ne faut pas confondre emploi précaire et emploi
contractuel, car l'Etat, tout comme les autres employeurs, a besoin de
souplesse pour faire face à des activités saisonnières ou qui ne peuvent être
satisfaites dans le cadre des corps de la fonction publique.
Le statut de la fonction publique prévoit ainsi le recrutement d'agents non
titulaires soit pour couvrir des besoins occasionnels ou saisonniers, soit
lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles de remplir
certaines fonctions spécifiques.
Cette remarque me conduit à répondre à la question de M. Schosteck concernant
les emplois-jeunes.
A cet égard, la loi de 1997 prévoit que les personnes de droit public ne
peuvent effectuer de recrutements au titre des emplois-jeunes que pour les
activités qu'elles n'assumaient pas jusqu'alors.
Il est en effet essentiel, mesdames, messieurs les sénateurs - cela doit être
dit clairement - d'éviter les effets de substitution entre emplois-jeunes et
agents publics.
M. Alain Lambert.
C'est ce que nous faisons !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement accorde donc, mesdames, messieurs les
sénateurs, une priorité absolue à la formation et à la professionnalisation de
ces jeunes, qui n'ont en général pas vocation à rester dans le secteur
public.
M. Alain Lambert.
En général !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'objectif est de compléter l'expérience qu'ils ont
acquise pendant cinq ans par une formation qui les prépare à un métier hors de
la fonction publique.
On constate par exemple que, dans l'éducation nationale, le taux de rupture
des contrats emplois-jeunes est proche de 50 %, ce qui montre bien la capacité
de ces jeunes à trouver un métier avant l'expiration de leur contrat
emplois-jeunes.
Pour le moyen terme, une démarche volontaire et prospective sera mise en place
afin de rechercher la meilleure efficacité de l'Etat au moindre coût et de ne
pas reconstituer le déséquilibre démographique constaté aujourd'hui : en 2015,
la moitié des salariés actuellement présents dans la fonction publique - le
chiffre est considérable et surprenant - auront plus de soixante ans, contre
plus d'un tiers seulement dans le secteur privé.
Face à de tels défis, il est essentiel de prévoir et de développer dès à
présent une culture de la gestion des personnels en améliorant les conditions
de la connaissance des effectifs et de la masse salariale des agents employés
par l'Etat.
M. Alain Lambert.
C'est un vrai travail !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Oui, c'est un vrai travail, vous avez eu raison de le
souligner tout à l'heure, monsieur Lambert.
Un effort de clarification sans précédent a été opéré ces dernières années,
notamment lors de la préparation de la loi de finances. Ainsi, dans le cas du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la réintégration au
budget général des recettes et des dépenses extrabudgétaires pour plus de 8
milliards de francs depuis 1998 devrait être achevée à l'occasion du vote du
prochain projet de loi de finances.
Pour les ministères de l'équipement et de l'agriculture, les contributions des
collectivités bénéficiaires des activités d'ingénierie publique - que cela est
dit en termes choisis ! - et les indemnités allouées à certains corps de
fonctionnaires à partir de ces recettes sont réintégrées en totalité dans le
projet de loi de finances pour 2000, pour un montant de 1,3 milliard de
francs.
En outre, des engagements ont été pris en matière de transparence des
rémunérations - vous les avez appelés de vos voeux. La récente circulaire -
elle date du 1er février 1999, signée par le directeur du budget et par le
directeur général de l'administration et de la fonction publique précise ou
rappelle les règles applicables à l'élaboration des textes sur la rémunération
des fonctionnaires.
Les textes de toute nature, sans exception, fondant la rémunération des
fonctionnaires doivent désormais donner lieu à publication.
Dans ce cadre, les régimes indemnitaires reposant sur des principes énoncés
dans des textes des années cinquante et, parfois, c'est vrai, juridiquement
fragiles, sont revus actuellement.
En outre, les règles de droit commun sur la fiscalisation des indemnités
seront appliquées strictement.
Enfin, la mise en oeuvre de l'aménagement et de la réduction du temps de
travail doit s'appuyer sur un état des lieux et s'accompagner d'une
réorganisation des services permettant d'améliorer la qualité du service
public.
Monsieur Lambert, vous m'avez aussi interrogé sur la traduction concrète de la
politique de réforme de l'Etat. Je récuse à cet égard le mot beaucoup trop vif,
qui a certainement dépassé votre pensée, de « capitulation » face à
l'administration fiscale.
M. Alain Lambert.
C'est ce qui a été écrit !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit en fait de la réaffirmation par M. le
Premier ministre de la nécessité d'une méthode qui consiste essentiellement en
un dialogue, une concertation, une écoute préalable à toute réforme. Il est
nécessaire de prendre le temps de l'explication, de la discussion, de la
modification des réformes avant de les mettre en oeuvre.
M. Alain Lambert.
Cela fait trois ans que le Gouvernement en parle !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est la leçon que nous tirons des différents
événements récents.
Ce chantier de la réforme de l'Etat apparaît, mesdames, messieurs les
sénateurs, comme essentiel aux yeux du Gouvernement. Le Premier ministre l'a
d'ailleurs redit il y a deux jours, devant l'Assemblée nationale.
Ce chantier va évidemment bien au-delà de la simplification des organigrammes
ministériels, de la loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations. Il va bien au-delà encore de la suppression du régime
d'autorisation administrative et de l'accélération de la délivrance de
documents administratifs, notamment par l'utilisation des nouvelles
technologies de l'information et de la communication.
Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999,
présidé par M. le Premier ministre, a arrêté plusieurs orientations dont la
finalité est bien de replacer l'usager au centre de l'action de l'Etat. C'est
notre conception de l'action de l'Etat, c'est notre conception du service
public.
Dans cette optique, l'action des services déconcentrés devrait être améliorée
par le renforcement de la coopération interservices au plan local et par
l'adaptation de leur organisation elle-même au tissu local, qui constitue leur
environnement.
Les modalités de cette réforme doivent être construites dans le dialogue et la
concertation avec les syndicats. Ce sera le cas dans tous les ministères. C'est
actuellement - en ce moment même ! - le cas au ministère de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Les réformes budgétaires et comptables, enfin, s'inscrivent elles aussi dans
cette démarche de simplification de la nomenclature budgétaire. La
globalisation des crédits, la systématisation des reports des crédits de
fonctionnement donnent une plus grande capacité d'arbitrage aux services
gestionnaires.
L'ensemble de ces évolutions et de cette rigueur dans la gestion des crédits
budgétaires et dans l'administration comptable de l'Etat tient bien évidemment
compte des remarques de la Cour des comptes.
Le développement de la contractualisation est également un facteur de
modernisation de la gestion publique.
En contrepartie d'un accroissement de la souplesse de gestion et d'une
meilleure visibilité de l'évolution de leurs moyens, les gestionnaires
s'engagent sur des objectifs en matière de qualité de la gestion et du service,
mais aussi d'efficacité socio-économique. Cette démarche s'accompagne
nécessairement de la mise en place d'outils de pilotage et de contrôle de la
gestion.
Un effort particulier a été entrepris en matière de transparence de l'action
publique. L'élaboration des programmes pluriannuels de modernisation, la
réforme de la présentation du projet de loi de finances et, dès cette année,
l'établissement de rapports d'activité et de comptes rendus de gestion
ministérielle dans le cadre des lois de règlement témoignent d'une volonté de
transparence des responsabilités et des objectifs en matière de politique
publique.
De tels outils - vous l'avez souligné et c'est très important - doivent
permettre de rendre compte de l'efficacité de l'utilisation de la ressource
budgétaire. C'est un objectif essentiel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous l'avons vu à l'instant, ce
Gouvernement est celui du mouvement.
(M. Lambert rit.)
L'heure est bien à la réforme solidaire et juste. L'heure est bien aux
réformes dans les fonctions publiques lorsqu'elles sont nécessaires, comme dans
toute la société française.
Nous inscrivons ces réformes dans la perspective, récemment rappelée par mon
collègue chargé de l'économie et des finances, d'une baisse du déficit et d'une
diminution des prélèvements obligatoires jusqu'aux 43,7 % sur lesquels nous
nous sommes engagés.
Cette réduction du déficit, cet allégement des prélèvements obligatoires, qui
s'accompagnent d'une rigueur dans la gestion des crédits, d'une clarté, d'une
transparence et du dialogue dans l'évolution des fonctions publiques, seront
bien la marque de notre succès et sans doute l'indice éclatant que nous avons
raison de faire confiance aux fonctionnaires de l'Etat, de compter sur eux pour
porter avec nous, dans le dialogue et la concertation, la réforme de l'Etat,
afin d'aboutir à la réforme de la société française.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. Alain Lambert.
Que Dieu vous entende !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
8
MISE AU POINT
AU SUJET D'UN VOTE
Mme Anne Heinis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Mon collègue M. Henri Revol demande par ma voix la rectification de son vote
lors de l'adoption des conclusions du rapport de la commission sur la
proposition de loi relative à la lutte contre l'effet de serre : il
souhaiterait que soit indiqué qu'il s'abstient.
M. le président.
Acte vous est donné de cette mise au point, madame Heinis.
9
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Kyoto à la
convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (ensemble
deux annexes).
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 306, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Guy Fischer, Jean-Yves Autexier, Mme Marie-Claude Beaudeau,
M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret,
Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc,
MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade une
proposition de loi tendant à instituer une journée nationale du souvenir des
victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combattants du
Maroc et de la Tunisie.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 309, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits
non institutionnels.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 308, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale.
12
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (n° 258, 1999-2000) et dont la commission des affaires sociales est saisie au fond est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
13
DÉPÔT D'AVIS
M. le président.
J'ai reçu de M. Jacques Bimbenet un avis présenté, au nom de la commission des
affaires sociales, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après
déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n°
279, 1999-2000.)
L'avis sera inprimé sous le n° 306 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Jarlier un avis, présenté au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains (n° 279, 1999-2000.)
L'avis sera imprimé sous le n° 307 et distribué.
14
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 25 avril 2000 :
A dix heures :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Adrien Gouteyron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les aides accordées aux titulaires des contrats territoriaux
d'exploitation par le fonds de financement des CTE.
Il lui rappelle que l'arrêté du 8 novembre 1999 relatif aux aides accordées
aux titulaires de contrats territoriaux d'exploitation dispose que le montant
total des « aides, matérielles ou immatérielles, liées à des investissements ou
à des dépenses... ne peut excéder 100 000 francs ».
Il tient à lui indiquer à ce sujet qu'en zone de montagne les investissements
sont plus coûteux, notamment s'agissant des bâtiments. Il lui indique également
que dans ces zones de montagne le développement économique accuse souvent un
certain retard. Il lui demande donc s'il entend favoriser les zones de montagne
- dont la spécificité est à prendre en compte - en permettant aux CTE d'aller
plus loin dans leur volet économique. C'est pourquoi il lui demande s'il
envisage de relever, en zone de montagne, le plafond de l'aide économique des
CTE de 100 000 francs à 150 000 francs (les taux de subvention restant sur la
base de 40 % établie pour les zones défavorisées). (N° 688.)
II. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale sur la difficulté de remplacer les enseignants manquants dans le
département de l'Isère. C'est plus d'une quinzaine d'établissements, (collèges
ou lycées), qui sont ainsi privés pendant plusieurs semaines d'enseignement. La
liste en a été transmise à M. le recteur d'académie de l'Isère et à Mme le
ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire lors de sa visite dans le
département.
Il lui demande, par conséquent, quelles mesures il compte prendre pour
remédier à cet état de choses inadmissible. (N° 709.)
III. - M. Philippe Richert appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à
la santé et aux handicapés sur l'opacité des informations concernant la nature
de la cargaison de l'
Erika
et les risques qui pourraient en résulter en
termes de santé publique.
Depuis plusieurs semaines, en effet, des informations circulaient, selon
lesquelles le chargement du pétrolier était une substance cancérogène.
Fin janvier, le laboratoire Analytika diffusait largement, notamment via
internet, les résultats de ses analyses, laissant peu de doutes sur la nature
réelle du produit concerné : un fioul lourd contenant des substances de la
classe des hydrocarbures aromatiques polycycliques, hautement cancérogènes.
Le quotidien
Le Monde
a repris cette information dans ses colonnes, le
26 février dernier, et faisait par ailleurs état du fait que Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement confirmait le caractère
cancérogène du produit en question.
Il lui demande donc comment il se fait que le Gouvernement, qui semblait avoir
été informé de cette situation par le biais des « fiches de données de sécurité
» ayant transité par la préfecture et le centre interrégionnal de
toxicovigilance du Grand-Ouest, n'ait pas jugé utile d'alerter le public,
notamment les milliers de bénévoles qui ont nettoyé, parfois à mains nues, le
littoral français.
Il souhaite par ailleurs connaître les dispositions que le Gouvernement entend
prendre pour suivre médicalement les personnes qui auraient été en contact
direct avec la substance incriminée et savoir si des mesures adéquates ont été
prises.
Enfin, il lui demande si, depuis deux mois que le caractère toxique du
chargement est connu du Gouvernement, une étude a pu être réalisée sur les
conséquences probables de cette catastrophe sur le littoral français et son
écosystème. (N° 743.)
IV. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur la nécessité de rechercher l'ensemble des
mesures nécessaires pour aboutir à une égalité réelle des hommes et des femmes
au plan professionnel, à celui de leurs salaires, de leurs conditions de
travail, de leurs droits aux loisirs, au logement, à la santé, à la
culture...
Elle lui fait remarquer que la garde, l'éducation des enfants, la vie
familiale sont des facteurs constituant encore trop souvent des obstacles à
l'accès aux responsabilités permettant l'égalité. Elle lui demande de lui faire
connaître les mesures qu'elle envisage pour améliorer les possibilités de garde
des enfants en offrant aux femmes salariées une plus grande diversité et choix
du mode de garde, un plus grand nombre de places, des aides financières
renforcées et des tarifs plus accessibles. (N° 746.)
V. - M. Jacques Legendre attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur
sur la situation ambiguë des communes de Boursies, Doignies et Moeuvres, qui
sont situées dans l'arrondissement de Cambrai, mais forment une enclave du
département du Nord, dont elles sont séparées par la commune de
Graincourt-lès-Havrincourt, dans celui du Pas-de-Calais.
Quoique situées dans le Nord, ces communes sont dotées d'un code postal du
Pas-de-Calais, commençant par 62. Leurs voitures sont évidemment immatriculées
59, mais l'entretien des routes relève de la direction de l'équipement du
Pas-de-Calais.
De plus, ces communes viennent de se voir privées du bénéfice de l'Objectif 2,
pourtant accordé à toutes les communes du canton de Marcoing, dont elles
relèvent, au prétexte que les cantons du Pas-de-Calais au milieu desquels elles
se trouvent sont eux aussi en dehors de l'Objectif 2.
Une telle situation créant un fort sentiment d'exclusion et d'injustice dans
ces communes, il lui demande quelles mesures il compte prendre, en liaison avec
tous les ministres concernés, pour que les trois communes de Boursies, Doignies
et Moeuvres puissent se sentir à part entière des communes du Cambrésis. (N°
758.)
VI. - M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur la situation actuelle de l'hôpital
intercommunal de Montfermeil-Le Raincy.
Cet établissement suractif, qui sert 10 communes et 270 000 habitants, dispose
des équipements les plus modernes et d'un personnel soignant performant et
dévoué.
Bien qu'il constitue un élément fondamental de la santé publique dans l'Est
parisien, cet hôpital risque de voir certains de ses services fermer à brève
échéance, et ce en raison d'une aberrante logique comptable qui prévaut depuis
quelques années.
Cette situation ne peut que s'aggraver et créer une intolérable inégalité des
citoyens devant la santé si le Gouvernement n'utilise pas, en faveur de cet
établissement, les récentes marges de manoeuvre budgétaires.
Il entend connaître et, avec lui, l'ensemble des Séquano-Dyonisiens, quelles
mesures le Gouvernement envisage d'engager à court, moyen et long terme, en vue
d'assurer le fonctionnement pérenne de cet hôpital indispensable. (N° 764.)
VII. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur l'application des 35 heures
dans les fonctions publiques. A l'heure où cette réforme phare du Gouvernement
semble remporter un franc succès dans le secteur privé, apportant une
contribution significative à la lutte contre le chômage, force est de constater
que la réduction du temps de travail ne s'appliquera pas avec autant de
facilité dans le secteur public.
Il voudrait évoquer les problèmes que connaissent les services de la direction
départementale de l'équipement de la Nièvre, concernant en particulier les
conditions de travail de ses agents. L'inquiétude est renforcée par la mise en
application des 35 heures combinée à l'application des nouvelles règles
européennes et aux suppressions d'effectifs antérieures qui ne sont pas là pour
encourager. Elles peuvent même contraindre à rechercher, faute d'embauches, de
nouveaux modes d'intervention tels que des appels aux entreprises privées.
Dans le département de la Nièvre, où l'incorporation de la voirie dans les
compétences des communautés de communes est courante, ces communautés lancent
de plus en plus des appels d'offres, il est donc à craindre que tous les
travaux sur les voiries communales échappent à la DDE, entraînant des
sureffectifs dans chaque centre d'exploitation et donc des mesures de
suppression de postes. Les conséquences en sont multiples et néfastes, la DDE
est ainsi conduite à supprimer l'accompagnateur dans les équipes qui
interviennent dans l'organisation de viabilité hivernale.
Au-delà des grands principes réglementaires, les conditions d'application des
35 heures seront déterminées par les discussions entre les représentants de la
DDE et le ministère. Il lui demande donc dans quel délai et suivant quels
principes cette négociation va s'effectuer ? Qu'en est-il de ce fameux dogme du
« gel » de l'emploi public ? Peut-on trouver, en d'autres termes, faute
d'accord-cadre, les garde-fous indispensables à l'application des 35 heures
dans les fonctions publiques en général, et dans la DDE de la Nièvre en
particulier. (N° 766.)
VIII. - M. Jean-Louis Lorrain appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat
au tourisme sur les conséquences indirectes des deux tempêtes de fin d'année
dernière dans le secteur de l'hostellerie alsacienne. Les aides nouvelles les
plus importantes, annoncées dans la lettre du Gouvernement du 9 mars,
concernent principalement le littoral atlantique, ce qui est une bonne
chose.
Mais les hôtels de la région Alsace ont eu, eux aussi, maille à partir avec
les coupures de courant, l'absence de trains, une circulation perturbée, ce qui
a généré de nombreux désistements, une baisse de fréquentation pour les
vacances de février, voire celles de Pâques.
Si les dégâts matériels des hôteliers sont majoritairement couverts par les
assurances, désistements et baisses de fréquentation ne sont pas indemnisés.
Serait-il possible de prévoir une aide aux hôteliers pour leurs pertes
d'exploitation ? (N° 769.)
IX. - M. Francis Grignon attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et
de la solidarité sur la situation des infirmiers libéraux.
Face à la politique de maintien à domicile, les infirmiers libéraux ne sont
plus en mesure d'absorber la demande en soins du fait des contraintes
réglementaires qui pèsent sur l'exercice de leur profession. En effet, les
infirmiers libéraux sont parfois obligés de refuser la demande en soins de
patients, et ce afin de pouvoir respecter le seuil d'activité. Mais le manque
d'infirmiers libéraux, dû entre autres aux conditions draconiennes
d'installation, ne permet pas de pallier cette demande. Aussi, ces patients
n'ont-ils pas d'autre choix que d'être hospitalisés, ce qui induit un coût plus
important pour eux, mais aussi pour la sécurité sociale.
De plus, l'indemnité de déplacement des infirmiers, qui est de 9 francs par
déplacement, paraît dérisoire au regard de celle qui est versée aux
kinésithérapeutes et aux médecins, qui s'élèvent respectivement à 12 et 30
francs.
Il lui demande donc de lui indiquer quelles mesures elle entend prendre afin
de donner aux infirmiers libéraux les moyens d'assurer le maintien à domicile
de la population soignée. (N° 770.)
X. - M. Jean-Claude Carle souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire
d'Etat à la santé et aux handicapés sur certaines insuffisances de l'article R.
332 du code de la sécurité sociale relatif au remboursement des frais
d'hospitalisation des ressortissants français à l'étranger. Cet article stipule
que, dans certains cas présentant un caractère d'extrême urgence, les caisses
primaires d'assurance maladie peuvent être amenées à rembourser partiellement
aux patients français leurs frais d'hospitalisation à l'étranger, à condition,
toutefois, qu'ils en assurent eux-mêmes l'avance. Il laisse manifestement une
grande liberté d'appréciation aux caisses d'assurance maladie puisque ces
organismes peuvent déterminer si ces cas présentent réellement un caractère
d'extrême urgence et, donc, s'ils sont susceptibles de faire l'objet d'un
remboursement.
En Haute-Savoie, cette situation pose un certain nombre de problèmes. En
effet, à la suite de graves accidents, de nombreux patients sont, à la demande
du SAMU, des pompiers ou des services d'urgence suisses, hospitalisés à
l'hôpital universitaire de Genève. Dans ce cas de figure, les CPAM renâclent
souvent à assurer le remboursement des frais d'hospitalisation engagés par cet
établissement.
Récemment encore, un père de famille, victime d'un infarctus à la piscine
publique de Genève, a été transporté par les pompiers genevois à l'hôpital
universitaire de Genève. En raison de complications cardio-vasculaires, cet
homme a subi des soins intensifs avant d'être rapatrié au centre hospitalier
d'Annemasse. Le coût de ces soins a été évalué par l'hôpital de Genève à 84 000
francs français. La CPAM de la Haute-Savoie l'a informé que son remboursement
s'élèverait au mieux à 13 000 francs. Comme justification, la CPAM a, de façon
absurde, souligné que les pompiers auraient dû le conduire directement au
centre hospitalier d'Annemasse. Par ailleurs, il convient de souligner que les
services d'urgence helvétiques n'ont pas le droit de franchir la frontière
franco-suisse.
Ce cas n'étant pas isolé, il aimerait connaître sa position concernant ce
dossier particulier. Plus généralement, il souhaiterait savoir si elle entend
prendre des mesures susceptibles de remédier aux carences de l'article R. 332.
En tout état de cause, il lui semblerait opportun qu'elle puisse envisager de
mettre un terme à ce type de situations. (N° 771.)
XI. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur les activités de la chirurgie pédiatrique du groupe
hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul-La Roche-Guyon.
La fermeture des services de chirurgie pédiatrique demandée par un groupe de
travail du comité médical d'établissement et de la direction de la politique
médicale de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AH-HP) compromettrait
gravement la qualité et la sécurité des soins pour l'accueil des urgences, pour
la prise en charge des enfants handicapés et pour l'aval chirurgical de la
maternité.
Elle lui demande de rouvrir le dialogue avec tous les acteurs. Elle aimerait
également savoir quelles initiatives elle compte prendre pour maintenir
l'activité de chirurgie pédiatrique et neurologique dans le projet médical du
groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul. (N° 772.)
XII. - M. Bertrand Auban attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés sur les oppositions qui continuent à se manifester à
Toulouse et en Haute-Garonne concernant le regroupement géographique de la
transfusion sanguine avec un seul plateau de qualification biologique à
Montpellier.
Dès l'annonce de cette disparition éventuelle du plateau technique de
Toulouse, de nombreuses inquiétudes et oppositions se sont fait connaître à la
fois de la part des syndicats, des professionnels de la santé, des associations
de donneurs de sang comme de la part des parlementaires et des collectivités
territoriales, en particulier le conseil général de la Haute-Garonne.
Enfin, la commission d'organisation de la transfusion sanguine où siègent
professionnels, syndicats, associations, usagers, collectivités territoriales a
rejeté ce projet par un vote négatif important. Elle fut l'une des seules en
France à rejeter le projet présenté. Il a bien enregistré que de ce fait le
ministère a demandé une expérimentation avant toute décision définitive.
Néanmoins, toutes les informations et réactions qui se font jour localement
montrent que ce projet de regroupement de la qualification biologique des dons
ne répond pas aux réalités du terrain. Le plateau technique de Toulouse, mis en
place il y a cinq ans seulement, dispose d'une équipe à la compétence reconnue
et de matériels performants. Il est en mesure de répondre aux enjeux fixés par
l'établissement français du sang avec peu de frais supplémentaires, tandis que
le choix de Montpellier obligerait à de coûteux investissements, en particulier
pour la construction d'un nouveau bâtiment. En outre, la région Midi-Pyrénées,
qui est la plus peuplée des deux régions, doit impérativement conserver une
qualification de proximité à Toulouse.
Enfin, il croit important d'écouter et de tenir compte de la réaction des
associations départementales de donneurs de sang de toute la région
Midi-Pyrénées, qui s'inquiètent grandement des conséquences de cette décision,
en une période où elles peinent à mobiliser autour du don du sang.
Au vu de tous ces éléments, il lui demande donc de surseoir à l'application de
cette décision afin que l'établissement français du sang réexamine son projet
en tenant compte des analyses développées localement et des solutions proposées
localement pour que, définitivement, les habitants de Midi-Pyrénées gardent le
plateau technique de qualification biologique de Toulouse. (N° 773.)
XIII. - M. Bernard Joly attire l'attention de M. le Premier ministre sur
l'absence de représentation équilibrée des professionnels libéraux au sein du
Conseil économique et social depuis les dernières nominations, en conseil des
ministres, du 1er septembre 1999.
Jusqu'alors, cette catégorie comptait cinq représentants, trois membres en
application des textes législatifs et réglementaires et deux désignés au titre
des personnalités qualifiées.
Malgré plusieurs déclarations gouvernementales soulignant la nécessité
d'améliorer la représentation des professions libérales, deux sièges leur ont
été retirés alors qu'il n'était enregistré aucun repli de leurs effectifs.
Dans une récente réponse, il est avancé que cette représentation ne saurait
être ni exhaustive ni exactement proportionnelle. Néanmoins elle doit être
diversifiée et équilibrée, reflétant les activités économiques et sociales
ainsi que les catégories socioprofessionnelles, comme il est également précisé.
Or, on s'aperçoit que certains secteurs sont sur-représentés et d'autres, à
l'inverse, sous-représentés.
Il lui demande, pour la crédibilité et l'audience du Conseil économique et
social, dans quel délai le dépôt d'un projet de loi organique modifiant la
composition de cette institution peut être espéré et, par ailleurs, quand les
sièges indûment repris seront rendus. (N° 774.)
XIV. - M. René Marquès attire l'attention de M. le ministre de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat sur la situation des opérateurs des
activités physiques et sportives.
En effet, le statut particulier de ce cadre d'emplois prévoit dans son article
2 que les opérateurs sont chargés d'assister les responsables de l'organisation
des activités physiques et sportives.
Le terme « assister » est diversement interprété et provoque, eu égard à
l'agrément dont doivent bénéficier les personnels intervenant en milieu
scolaire, des difficultés.
Dans une réponse récente à un député, M. le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie a, semble-t-il, instauré une différence
entre les opérateurs nommés après concours et les opérateurs intégrés à la
parution du cadre d'emplois le 1er avril 1992.
Cette différence entraîne, pour les opérateurs nommés après concours, une
impossibilité à obtenir l'agrément nécessaire pour intervenir dans les écoles,
même dans les collectivités qui disposent d'un ou plusieurs éducateurs chargés,
comme le prévoit le statut particulier, de l'encadrement des personnels qui se
consacrent notamment aux activités physiques et sportives de la collectivité.
Aussi, il souhaiterait savoir quelles mesures réglementaires le Gouvernement
envisage de prendre pour permettre aux opérateurs des activités physiques et
sportives d'exercer la totalité de leurs missions. (N° 775.)
XV. - M. Henri de Richemont attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'économie solidaire sur le refus opposé par le Premier ministre à toute mise
en place d'un système de retraite par capitalisation dans les entreprises
privées.
Or il se trouve que l'ensemble de la fonction publique de ce pays dispose
d'une caisse de prévoyance, la PREFON, qui fonctionne par capitalisation. Cette
caisse permet notamment à tout fonctionnaire d'effectuer librement des
versements individuels qui sont non seulement productifs d'intérêts en vue de
sa retraite, mais, de plus, immédiatement déductibles de ses revenus
imposables.
Tout en se réjouissant que les fonctionnaires français puissent profiter
d'avantages de cet ordre, il souhaiterait savoir au nom de quelle « solidarité
» le Gouvernement en refuse le bénéfice aux salariés des entreprises privées.
(N° 776.)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2. Discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n° 295, 1999-2000), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, tendant à
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives.
Rapport (n° 299, 1999-2000) de M. Guy Cabanel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
3. Discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 296,
1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de
l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles
Wallis-et-Futuna.
Rapport (n° 299, 1999-2000) de M. Guy Cabanel, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du projet de loi
organique.
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : mardi 25 avril
2000, à dix heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains (n° 279, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans discussion générale : mardi
25 avril 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 avril 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
ERRATA
Au compte rendu intégral de la séance du 23 mars 2000
GENS DU VOYAGE
Page 1532, première colonne, quinzième alinéa :
Au lieu de :
« ..., l'amendement n° 16 n'est pas recevable. »
Lire :
« ..., l'amendement n° 27 n'est pas recevable. »
Page 1534, seconde colonne :
Supprimer les deux premiers alinéas (2° et 3°).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Taxe professionnelle concernant les titulaires des bénéfices
non commerciaux employant moins de cinq salariés
784.
- 6 avril 2000. -
M. Dominique Leclerc
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur l'exclusion des titulaires des bénéfices non commerciaux employant moins de
cinq salariés du bénéfice de la baisse de la taxe professionnelle votée dans la
loi de finances pour 1999. Cette situation lui paraissant particulièrement
inéquitable, il lui demande de bien vouloir lui faire savoir s'il envisage de
donner satisfaction à la requête des professions libérales qui vise à obtenir
l'abrogation de ce dispositif pénalisant.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 6 avril 2000
SCRUTIN (n° 54)
sur l'ensemble de la proposition de loi tendant à conférer à la lutte contre
l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement
climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un
observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France
métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.
Nombre de votants : | 296 |
Nombre de suffrages exprimés : | 245 |
Pour : | 245 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
1. _ M. Lylian Payet.
N'ont pas pris part au vote :
22.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
97.
Abstention :
1. _ M. Philippe de Gaulle.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
76.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean-Luc Mélenchon (membre du
Gouvernement).
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
1. _ M. Marcel Henry.
Abstentions :
50.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Guy Allouche
Louis Althapé
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
José Balarello
Janine Bardou
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernard
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jean Bizet
Paul Blanc
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Nicole Borvo
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Christian Demuynck
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Roger Hesling
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Roger Husson
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Claude Lise
Paul Loridant
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Michel Moreigne
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Abstentions
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
René Ballayer
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Daniel Bernardet
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Didier Borotra
Jean-Guy Branger
Jean-Pierre Cantegrit
Marcel Deneux
Gérard Deriot
André Diligent
André Dulait
Pierre Fauchon
Serge Franchis
Yves Fréville
Philippe de Gaulle
Francis Grignon
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Alain Lambert
Henri Le Breton
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
René Marquès
Louis Mercier
Michel Mercier
Louis Moinard
René Monory
Philippe Nogrix
Jean-Marie Poirier
Philippe Richert
Michel Souplet
Albert Vecten
Xavier de Villepin
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Jean-Michel Baylet
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
André Boyer
Guy-Pierre Cabanel
Yvon Collin
Gérard Delfau
Fernand Demilly
Jean-Pierre Fourcade
Jean François-Poncet
Paul Girod
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Pierre Laffitte
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Georges Othily
Jacques Pelletier
Jean-Marie Rausch
Raymond Soucaret
André Vallet
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Ne peut prendre part au vote (en application de l'article premier de
l'ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour
l'application de l'article 23 de la Constitution) M. Jean-Luc Mélenchon.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 297 |
Nombre de suffrages exprimés : | 245 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 123 |
Pour l'adoption : | 245 |
Contre : | 0 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.