Séance du 5 avril 2000







M. le président. « Art. 2 bis. - L'article 276-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 276-2 . - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente viagère passe à l'hérédité. La pension de réversion éventuellement versée du chef du conjoint décédé est déduite de plein droit de la rente versée au créancier. »
Sur cet article, je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 7 rectifié bis, MM. About, Poniatowski, Bimbenet, Joly, Othily et Vallet proposent de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort du conjoint débiteur, la charge de la rente disparaît. »
Par amendement n° 67, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente disparaît. »
Les deux amendements suivants sont déposés par M. About.
L'amendement n° 26 vise à rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente disparaît. Elle peut toutefois être maintenue par le juge, dans les cas d'exceptionnelle gravité. »
L'amendement n° 29 tend à rédiger ainsi le texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la prestation compensatoire versée sous forme de rente cesse d'être due, sauf si l'absence de versement devait avoir pour le créancier des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
« Toutefois, le débiteur n'est libéré de son obligation de paiement qu'après avoir versé au créancier une somme résiduelle. Pour fixer le montant de ce capital restant dû, le juge prend en considération le montant initial de la prestation compensatoire fixée sous forme de capital par le juge, en vertu du premier alinéa de l'article 276-1 du code civil. Ce capital ne peut pas excéder le montant d'un capital théorique, correspondant au montant de la rente viagère versée au moment de la demande, en fonction d'une grille établie par décret pris en Conseil d'Etat auquel est appliqué un coefficient réducteur de 2 % par année de versement de la rente. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 55 rectifié bis est présenté par MM. Fournier, Bizet, de Broissia, César, Courtois, Joyandet, Laurin, Leclerc, Lemaire et Murat.
L'amendement n° 68 est déposé par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à rédiger ainsi le texte proposé par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la prestation compensatoire versée sous forme de rente cesse d'être due, sauf si l'absence de versement devait avoir pour le créancier des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
« Toutefois, le débiteur n'est libéré de son obligation de paiement qu'après avoir versé une somme résiduelle correspondant à la différence entre les sommes qu'il a déjà versées au titre de rente compensatoire et un montant en capital fixé par le juge selon les modalités prévues aux articles 275 et 276. »
Par amendement n° 74 rectifié, MM. Pelletier et Demilly proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil :
« Art. 276-2. - A la mort de l'époux débiteur, la charge de la rente n'est pas transmissible à ses héritiers, sauf si l'absence de versement devait avoir pour le créancier des conséquences d'une extrême gravité.
« Toutefois, le débiteur n'est libéré de son obligation de paiement qu'après avoir versé une somme résiduelle correspondant à la différence entre les sommes qu'il a déjà versées au titre de la rente compensatoire et un montant en capital fixé par le juge selon les modalités prévues aux articles 275 et 276. »
Par amendement n° 59, M. Eckenspieller propose, après la première phrase du texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Les héritiers obtiennent de plein droit un réexamen du montant de la rente viagère. »
Enfin, par amendement n° 37, M. Hyest, au nom de la commission, propose de compéter le texte présenté par l'article 2 bis pour l'article 276-2 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Sauf décision contraire du juge saisi par le créancier, une déduction du même montant continue à être opérée si le versement de la pension de réversion cesse pour cause de remariage ou de concubinage notoire du créancier. »
La parole est à M. About, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié bis.
M. Nicolas About. L'article 2 bis est la clef de voûte de la proposition de loi, puisque celle-ci ne suscite pas par ailleurs de grosses difficultés et que nous sommes d'accord sur à peu près tout le reste. Là, nous touchons à un débat de fond : la transmissibilité de la rente viagère aux héritiers du débiteur.
Je me souviens que, en première lecture, le Gouvernement avait été sur le point de nous donner son accord sur cette disposition, puis que tout avait été remis en cause.
C'est maintenant le moment de prendre la décision sur la transmissibilité ou, non. S'agit-il d'une pension alimentaire ou comme on essaie de nous le faire croire, d'une prestation forfaitaire qui peut s'étaler de quelques jours à éventuellement quarante ans, cinquante ans ou soixante ans ?
Tout le monde sait comment on calcule un forfait : c'est à la tête du client. Prendra-t-on en compte la capacité à survivre ?
Pour ma part, je n'y crois pas du tout, et je considère qu'il s'agit bien d'une prestation alimentaire. La question est de savoir si nous voulons permettre à des gens qui ne se connaissent pas d'arrêter de se déchirer en renvoyant l'obligation de secours aux enfants du conjoint survivant, qui figurent parmi les héritiers.
Si nous maintenons les dispositions actuelles, nous n'aurons rien réglé, nous aboutirons à un texte tordu qui ne permettra pas de faire face aux situations que nous connaissons déjà. A l'avenir, en effet, il y aura peu de prestations compensatoires sous forme de rentes, puisque nous avons bien encadré le dispositif. En revanche, nous devons régler toutes les situations en cours, et ce sont les plus scandaleuses et les plus compliquées.
Si nous ne votons pas cet amendement, notre travail n'aura pas de sens et nous n'aurons pas fait grand-chose : nous laisserons toute latitude au juge de décider comme il l'entend, il n'aura qu'à motiver sa décision en disant que, vu l'âge de la personne en cause, son état de santé précaire... Vous savez bien comment les juges interprètent les textes !
La seule façon d'obtenir réellement la fin de ces disputes entre des personnes qui n'ont aucun lien, c'est de voter cet amendement. C'est la clef de ce dossier, le reste n'a plus aucune importance.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Gérard Le Cam. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 68.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Gérard Le Cam. Avec ces deux amendements, nous abordons le problème délicat du caractère héréditaire de la prestation compensatoire, qui a fait couler beaucoup d'encre.
L'amendement n° 67 tend à supprimer purement et simplement le caractère transmissible de la charge de la rente, trop souvent à l'origine de situations humainement choquantes.
La transmissibilité de cette dette aux héritiers est sans doute l'aspect le plus aberrant de la loi de 1975. Elle est, de surcroît, contraire à l'idée de secours temporaire, indemnitaire et forfaitaire.
Comment peut-on concevoir qu'une seconde épouse, les enfants d'un second lit, puissent, au décès du débirentire, hériter d'une telle dette quand ils n'ont aucun lien avec la première femme créancière, voire quand ils n'ont pas connaissance de son existence ?
M. Henri de Richemont. C'est impossible !
M. Gérard Le Cam. Conserver dans notre droit une telle disposition parce que c'est, nous dit-on, le droit commun, c'est entretenir des liens de haine entre des personnes complètement étrangères.
C'est aussi forcer les enfants du débirentier décédé à renoncer à une succession pour ne pas avoir à supporter cette dette leur vie durant.
C'est, enfin, empêcher le débirentier de se remarier de crainte que sa nouvelle épouse ou leurs nouveaux enfants n'héritent de cette dette. Certains débirentiers remariés pensent même à divorcer de leur seconde épouse pour éviter une telle situation.
C'est pour remédier à de tels cas de figure que je vous propose d'adopter cet amendement.
Je veux espérer, le cas échéant, qu'avec les dispositions incitatives contenues dans ce qui sera prochainement, je l'espère, une loi et qui favorisent le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, dans un délai qui sera le plus bref possible, le problème de la transmissibilité de cette dette s'éteindra de lui-même.
Quant à l'amendement n° 68, c'est un texte de repli qui tient compte des cas pour lesquels l'arrêt du versement de la rente créerait une situation difficile, s'agissant, par exemple, de personnes qui, du fait de leur âge ou de leur état de santé, ne sont pas financièrement autonomes.
Il importe, d'autre part, de ne pas créer de nouvelles inégalités entre les héritiers d'une prestation compensatoire en capital, qui seraient obligés d'en acquitter le paiement intégral, et les héritiers d'une rente, qui serait, elle, supprimée.
C'est pourquoi il est prévu que le juge détermine une somme en capital prenant en compte les sommes déjà versées par le débiteur.
M. le président. La parole est à M. About, pour défendre les amendements n°s 26 et 29.
M. Nicolas About. L'amendement n° 26 est un amendement de repli au cas où certains ne seraient pas convaincus par l'amendement n° 7 rectifié bis , ce que je n'arrive pas à croire : quoi qu'il en soit, je suis sûr que tous ceux qui sont présents ce soir dans cet hémicycle seront convaincus, à quelques exceptions près.
Si l'on voulait vraiment protéger les gens en situation d'exceptionnelle gravité et maintenir cette rente aux héritiers, il suffirait de dire qu'elle disparaît dans tous les cas, sauf si le juge en décide autrement.
La jurisprudence de la Cour de cassation sur l'exceptionnelle gravité est constante depuis vingt-cinq ans. Il n'y a donc aucun problème ! Les cas d'exceptionnelle gravité seront ainsi protégés, mais il n'y aura pas transmission abusive et non souhaitée aux héritiers.
J'aimerais que le Sénat soit le premier à voter cet amendement, car cela me ferait très mal de voir à nouveau l'Assemblée nationale, comme en première lecture, se saisir de toutes nos idées.
Quant à l'amendement n° 29, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.
La parole est à M. Fournier, pour défendre l'amendement n° 55 rectifié bis .
M. Bernard Fournier. Il s'agit là du point d'achoppement principal de ce texte.
Certes, le dispositif proposé améliore considérablement la situation des débirentiers. Pour autant, la question de la transmissibilité de la rente ne peut être éludée.
Cet amendement laisse ouverte une possibilité de transmission d'aliments en cas de situation difficile du premier époux, situation laissé à l'appréciation du juge.
Je rappelle à Mme le secrétaire d'Etat que cet amendement va dans le même sens qu'un amendement du Gouvernement déposé le 9 février 1998. Il faut donc, à mon sens, rester cohérent et avoir un peu de constance.
Nous ne pouvons pas ignorer les dizaines de témoignages qui nous sont parvenus. Chaque fois, ce sont des enfants des seconds conjoints qui se retrouvent dans des situations de précarité du fait de la transmission de la rente.
Je souhaite vivement entendre Mme le secrétaire d'Etat sur ce point. Aura-t-on la certitude, si nous adoptons le texte non amendé, que les mêmes dérives jurisprudentielles que celles qui ont suivi la loi de 1975 ne vont pas se reproduire ?
A tout le moins, il nous faudra être vigilants, si vous n'adoptez pas notre amendement, pour renforcer les droits des enfants d'un second lit, notamment.
M. le président. M. Le Cam a défendu tout à l'heure l'amendement n° 68.
La parole est à M. Pelletier, pour défendre l'amendement n° 74 rectifié.
M. Jacques Pelletier. Cet amendement a la même inspiration que l'amendement n° 72 rectifié et je le retire au profit de l'amendement n° 7 rectifié bis de M. About.
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié est retiré.
La parole est à M. Eckenspieller, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Daniel Eckenspieller. Si les amendements qui viennent d'être présentés et qui tendent à supprimer la transmissibilité de la rente sont adoptés, celui que j'ai moi-même déposé deviendra sans objet. Je m'en réjouirais !
Toutefois, si tel n'est pas le cas, la disposition que je propose constituerait, à mon sens, une atténuation sensible de la situation envisagée par la proposition de loi.
Il s'agirait de rendre automatique, en cas de décès du débiteur, le réexamen des liens financiers entre les parties compte tenu de la situation créée par la disparition de celui ou de celle dont les ressources alimentaient la rente.
La révision ne doit pas seulement être possible, elle doit intervenir de manière systématique. Ce sont en effet les personnes les plus modestes qui, en général, redoutent ou répugnent le plus à engager une action en justice pour faire prendre en compte leur situation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 37 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 7 rectifié bis, 67, 26, 55 rectifié bis, 68 et 59.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'Assemblée nationale avait prévu que la pension de réversion serait déduite de la prestation compensatoire. Néanmoins, il faut éviter une situation absurde qui conduirait les héritiers du débiteur à payer une somme plus élevée en cas de remariage ou de concubinage du créancier. S'agissant des pensions civiles et militaires, en effet, et contrairement au régime général, la pension de réversion est supprimée en cas de remariage ou de concubinage notoire. Il faut néanmoins continuer à déduire de la prestation compensatoire la somme déduite antérieurement, sauf décision contraire du juge, afin d'éviter des systèmes « en yoyo ».
La décision de l'Assemblée nationale nous semble bonne. La difficulté provient du fait que les dispositions relatives aux pensions de réversion ne sont pas les mêmes dans le régime général et dans le code des pensions civiles et militaires applicable aux fonctionnaires. Je m'étais d'ailleurs permis d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce point.
Les amendements n°s 7 rectifié bis, 67, 26, 55 rectifié bis, 68 et 59 ont le même objet. Nous avons déjà évoqué cette situation tout à l'heure, je ne me répéterai donc pas sur cette question de la transmissibilité.
Je dois dire que je suis quelquefois surpris du raisonnement un peu sinusoïdal de certains de nos collègues : à un moment, on parle de capital, puis on dit que c'est une rente. On parle ensuite du passé comme si c'était l'avenir, on parle de capital en huit ans et, exceptionnellement, de rente. Or, pour le passé, hélas ! les capitaux sont transformés en rente, et c'est une dette patrimoniale. Il faut donc que la dette entre dans la succession.
Je trouve d'ailleurs extraordinaire que l'on considère qu'il n'est pas normal d'avoir à acquitter les dettes de ses parents ! Au demeurant, on hérite parfois de personnes que l'on ne connaît pas vraiment. Pourquoi considérer qu'il serait normal d'hériter de l'actif dans ce cas mais pas du passif ? Cela me paraît tout à fait extraordinaire ! Quelquefois, on n'hérite pas de ses parents, quelquefois, c'est le contraire !
Au nom de quoi, je le répète, devrait-on priver un bénéficiaire de la prestation compensatoire de cette prestation à la mort du débiteur, surtout si l'héritage est extrêmement important ? Rendez-vous compte de ce que vous êtes en train de proposer !
Si vous décidiez de ne pas transmettre la dette, ce ne sont pas quelques lettres que vous recevriez, mais des milliers, émanant de personnes qui auraient, à juste titre, à se plaindre de l'irresponsabilité du Parlement.
Voilà pourquoi, monsieur le président, la commission est défavorable à tous ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 7 rectifié bis, 67, 26, 55 rectifié bis, 68, 59 et 37 ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Sur tous les amendements autres que celui de la commission, le Gouvernement émet un avis identique à celui de M. le rapporteur, avec autant de vigueur dans l'argumentation.
Quant à l'amendement n° 37, le Gouvernement y est favorable puisque ses auteurs souhaitent conférer à la créancière...
M. Henri de Richemont. Ou au créancier !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. ... ou au créancier, même s'il est vrai que, dans 97 % des cas, ce sont des femmes qui bénéficient de cette disposition !...
M. Henri de Richemont. Avec la parité, ça va changer !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je disais donc que l'on souhaite conférer à la créancière ou au créancier de la rente qui se remarie et perd le bénéfice de la pension de réversion la faculté de saisir le juge pour rétablir le montant initial de la rente avant déduction de cette pension.
Cet amendement pose le problème de l'interprétation de l'article 276-2 nouveau du code civil.
Je crois qu'il peut être interprété de deux manières différentes.
On peut tout d'abord considérer, comme la commission, que la déduction de la pension de réversion n'est pas acquise définitivement avec le décès du débiteur et que la prestation compensatoire doit retrouver son montant initial lorsque la pension n'est plus versée du fait du remariage ou du concubinage de la créancière ou du créancier.
Par conséquent, les héritiers du débiteur verront leur charge augmentée du seul fait de ce remariage ou du concubinage.
Pour éviter cette situation, qui peut être effectivement difficile à supporter, la commission propose que, sauf dérogation judiciaire sur l'initiative de la créancière ou du créancier, la déduction de la pension de réversion continue à être opérée.
Cette solution conduit à mettre à la charge de la créancière ou du créancier l'initiative de saisir le juge pour n'avoir plus à supporter une diminution de sa prestation compensatoire, alors que, par ailleurs, les héritiers du débiteur ont la faculté de demander la révision de la prestation lorsqu'ils considèrent que celle-ci excède leur capacité financière.
Une autre lecture peut être faite de l'article 276-2, selon laquelle la déduction de la pension de réversion par suite du décès du débiteur est définitive quelle que soit l'évolution de la situation de la créancière ou du créancier, notamment si elle ou il se remarie.
En conséquence, dans cette interprétation, ouvrir le droit à la créancière ou au créancier de saisir le juge représente le seul moyen pour faire rétablir le montant initial de sa rente. C'est, au demeurant, une solution avantageuse pour elle ou pour lui, ce à quoi je ne suis pas insensible.
Je ne sais pas laquelle de ces interprétations la jurisprudence pourrait retenir, mais, en tout état de cause, je crains un contentieux délicat.
Je crois, dans ces conditions, que le mérite de l'amendement de la commission est de lever toute ambiguïté sur les termes de l'article 276-2 et, pour ce motif, j'émets, je le répète, un avis favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis, sur lequel je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. François Autain. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, alors que nous sommes très nombreux en séance, je dirai presque anormalement nombreux à une heure aussi tardive. (Rires) , vous nous empêchez systématiquement de voter à main levée.
M. Nicolas About. On a tort d'être là ! Le pouvoir appartient aux absents !
M. François Autain. Voilà qui n'incitera guère ceux qui sont venus ce soir à revenir demain !
M. Henri de Richemont. Ils sont là pour la discussion du texte suivant, dont je suis le rapporteur ! (Sourires.)
M. François Autain. Ce recours systématique au scrutin public est absurde. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains d'Indépendants.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, je répondrai moi-même à M. Autain.
M. François Autain. En agissant ainsi, on fait voter les absents, alors que les présents n'ont pas la possibilité de s'exprimer...
M. Henri de Richemont. Ils le peuvent !
M. François Autain. ... de manière vivante, comme nous avons l'habitude de le faire, soit par assis et levé, soit à main levée !
Paradoxalement, nous sommes très nombreux en séance ce soir et, paradoxalement, on ne nous demande pas de voter en levant la main. Cela me paraît anormal. C'est véritablement dissuader les parlementaires d'être assidus ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Nicolas About. On a peur des votes !
M. le président. Monsieur Autain, vous avez dit que j'empêchais nos collègues de voter à main levée. J'en suis navré, mais, dès l'instant où je suis saisi d'une demande de scrutin public par une commission ou par un groupe, le scrutin public est de droit.
M. Henri de Richemont. C'est le règlement.
M. le président. Ainsi le veut l'article 60 du règlement.
M. Henri de Richemont. Dura lex sed lex.
M. le président. Si donc le débat se déroule ainsi, c'est parce que la commission le veut, et personne n'interprétera le règlement autrement !
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je me réjouis de la surprise de M. Autain. Cela prouve qu'étant un soir parmi nous il assiste, hélas ! à une pratique qui, si elle n'est pas si courante, existe.
On me permettra de rappeler une anecdote. A l'occasion de la discussion d'un texte auquel tous les groupes ici étaient attachés, car il tendait à stigmatiser le comportement de la France au regard du problème de l'esclavage, étaient présents en séance le rapporteur, moi-même et quelques collègues de l'outre-mer. Il est bien certain que sur un tel sujet, compte tenu de la charge affective qui accompagnait le débat, je n'ai pas demandé de scrutin public.
En l'espèce, je le demande parce que je considère que, si nous nous orientons vers un système tel que celui que vous proposez, nous allons démolir tout un pan de notre droit. Certes, vous êtes en droit de le vouloir, mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable de le faire.
Cela étant dit, monsieur le président, je demande que l'amendement n° 37 soit mis aux voix par scrutin public et par priorité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 37.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. L'astuce de la demande de priorité, c'est de faire tomber les autres amendements, c'est clair ! (Rires sur les travées socialistes.) Veuillez m'excuser, mes chers collègues, je n'ai pas encore blanchi suffisamment longtemps sous cette coupole. Mais je vais essayer de me rattraper !
Bien sûr, je voterai contre l'amendement n° 37. En s'opposant à la fin de la rente par le décès, on pense parvenir à une plus grande justice ; c'est faux. Que va-t-il se passer ? Veut-on simplement déshériter les héritiers, leur imposer de redonner tout le capital ? On le sait, sur les vieilles rentes, ce sont des sommes considérables qui seront transférées en capital, Cela déshéritera simplement les enfants du deuxième lit, voire du troisième. Ce capital transféré ira à la première épouse. A la mort de celle-ci, ce patrimoine ira aux enfants du premier lit.
Cela revient donc purement et simplement à déshériter tous les autres enfants et à considérer qu'il y a de bons enfants et de mauvais enfants. Je pensais qu'en France, à un moment où nous voulons rétablir l'enfant adultérin dans tous ses droits, cela était terminé !
M. François Autain. Très bien !
M. Jacques Larché, président de la commission. C'est ridicule !
M. Nicolas About. Vous n'avez pas à dire que c'est ridicule ! Ma position mérite autant de considération que la vôtre !
M. le président. Monsieur About, vous n'avez plus la parole.
M. Nicolas About. Je n'accepte pas de me faire insulter !
M. le président. Mes chers collègues, j'appelle tout le monde au calme.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. A ce stade du débat, je m'étonne de la tournure que les choses ont prises. Nous ne sommes plus en train de discuter de la situation antérieure ; nous discutons de la nouvelle situation, telle qu'elle découle du texte que nous avons adopté jusqu'à maintenant, une situation où la règle est le capital, où la rente est tout à fait exceptionnelle, ou, à chaque moment, on peut demander la révision de la rente, où, à chaque moment, lorsque quelqu'un décède, lorsque des héritiers apparaissent, on peut demander que soit revu le montant de cette rente.
M. René-Pierre Signé. Demander n'est pas obtenir !
M. Patrice Gélard. Laissez-moi terminer !
Il m'apparaît, par ailleurs, que l'on n'écoute qu'un seul son de cloche, qu'une seule partie,...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Depuis le départ !
M. Patrice Gélard. ... qu'on oublie complètement les autres, ceux qui n'ont aucun revenu, qui sont malades, qui sont abandonnés, qui sont délaissés, qui sont seuls, ceux que la société ne prend même pas en charge parce qu'ils n'ont pas de retraite, parce qu'ils n'ont aucun avantage, de quelque nature que ce soit.
A ce stade de la discussion, il faut regarder les choses en face, et regarder les choses en face, c'est ne pas laisser des gens à l'abandon.
Ces héritiers dont on parle, ces héritiers qui devront payer à vie n'existeront plus, demain, puisque, on l'a bien dit, c'est uniquement dans des cas exceptionnels, des cas d'extrême gravité, avec une motivation spéciale du juge, lorsque les gens seront âgés ou malades ou n'auront aucun revenu, qu'il y aura une rente à verser.
Et qui la versera si le conjoint est décédé et s'il n'y a pas de retraite ? L'Etat, la collectivité ? Rien n'est prévu. Eh bien moi, face à cette situation, c'est celui ou celle qui est abandonné que je vais défendre par mon vote !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, accepté par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 52:

Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 239
Majorité absolue des suffrages 120
Pour l'adoption 213
Contre 26

En conséquence, les amendements n°s 7 rectifié bis, 67, 26, 55 rectifié bis, 68 et 59 n'ont plus d'objet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 bis, ainsi modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 2 ter A