Séance du 11 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les anciens combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que, dans quelques jours, nous franchirons le seuil d'un nouveau siècle, alors qu'à Istanbul, voilà quelques semaines, les gouvernants des pays les plus industrialisés se sont entendus sur le principe de la réduction des armements en Europe, il nous faut nous préoccuper ce matin des crédits alloués au secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
Certains pourraient être tentés d'y voir un symbole du passé. Ce serait une grossière erreur. Les anciens combattants, par le sang qu'ils ont versé, par l'épreuve qu'ils ont subie, portent l'essence même de ce « nouveau monde » sans conflit, sans armes et sans horreur que nous appelons tous de nos voeux.
Les sommes qui leurs sont consacrées ne sont donc que le prix de notre reconnaissance envers eux, le prix du souvenir. La leçon qu'ils nous ont enseignée, bien malgré eux, ils l'ont payée cher, très cher : le prix d'une jeunesse sacrifiée. Nous nous devons d'oeuvrer pour que nul ne l'oublie.
Aujourd'hui, grâce aux mesures que vous nous proposez dans votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, grâce à celles que vous avez accordées lors du débat à l'Assemblée nationale et à celles que vous nous concéderez peut-être à l'issue de cette discussion, j'espère que nous apporterons la réparation à laquelle peuvent légitimement prétendre ceux qui nous ont ouvert la voie de la paix.
Ma fonction de rapporteur spécial m'impose de vous infliger quelques chiffres, ce dont je vous prie de bien vouloir m'excuser.
La restructuration du secrétariat d'Etat aux anciens combattants et la confusion de certains de ses crédits avec ceux du ministère de la défense conduisent à une lisibilité difficile de ce projet de budget. Nous ne pouvons, en effet, nous arrêter aux chiffres bruts, et la diminution apparente des crédits doit être corrigée par ces transferts.
Il en est ainsi des crédits destinés à la politique de la mémoire, s'élevant à 14,9 millions de francs, qui sont alloués à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, seuls 5,07 millions de francs restant à la disposition du secrétariat d'Etat aux anciens combattants pour subventionner les associations ou les collectivités locales.
Les crédits destinés à financer les fêtes nationales et les cérémonies publiques augmentent, par ailleurs, de 24 %.
Un même transfert est opéré pour les crédits destinés à la remise en état des nécropoles nationales, avec 4 millions de francs de crédits de paiement et 8 millions de francs d'autorisations de programme, et pour le financement des hauts lieux de mémoire, avec 2 millions de francs de crédits de paiement et 2 millions de francs d'autorisations de programme.
Deux projets au moins sont à l'étude : un projet de mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Moselle et un projet de mémorial consacré au système concentrationnaire nazi dans le camp du Struthof.
A cet égard, il semblerait préférable, afin d'améliorer la transparence du budget, que la ligne budgétaire concernant l'entretien et la rénovation des sépultures de guerre soit distincte de celle qui concerne la construction des hauts lieux de mémoire. Pourrai-je connaître tout à l'heure votre position à ce sujet ?
Il me semble souhaitable, si l'on reste sur la même ligne budgétaire, d'achever le programme de remise en état de nos nécropoles et autres sépultures avant d'engager de nouveaux projets.
Je vous rappelle qu'un plan avait été estimé, en 1994, à 50 millions de francs, avec un étalement jusqu'à l'an 2000. Or, il n'a été exécuté qu'à 60 % ; 24 millions sont donc nécessaires pour le mener à bien.
Parlant des hauts lieux de la mémoire, j'aimerais que vous nous fassiez, monsieur le secrétaire d'Etat, une brève communication sur l'état d'avancement du projet de mémorial de la guerre d'Algérie. Pourriez-vous nous donner des indications sur le mode de financement de l'opération et sur le stade des négociations avec la mairie de Paris quant au lieu d'implantation du monument ?
Enfin, on peut noter, dans le budget de la défense, la création d'une ligne budgétaire pour le financement des travaux de sécurité dans les établissements publics sous tutelle ; avec 11,5 millions de francs en crédits de paiement et 16 millions en autorisations de programme.
En tenant compte de cette évolution, les crédits réels du secrétariat d'Etat aux anciens combattants s'élèvent à près de 25 milliards de francs et accusent donc une diminution de près 2 %, qu'il nous faut encore relativiser du fait de la diminution inéluctable des parties prenantes.
Il est à noter que la part de la dette viagère régresse, à 17,28 milliards de francs. En effet, alors qu'elle représentait encore 78 % du budget pour 1999, elle ne représente que 69 % du budget pour 2000.
Il me faut donc vous rendre hommage, monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'usage que vous avez fait de ce différentiel. C'est ainsi que les crédits à la disposition de l'Institution nationale des invalides augmentent de 2,3 % par rapport à 1999 et élèvent à 44 millions de francs. Les subventions de fonctionnement de l'ONAC, qui s'élèvent à 238 millions de francs, augmentent de 4,1 % par rapport à 1999, soit 37 millions de francs.
Vous savez combien l'office national des anciens combattants et victimes de guerre a occupé mes pensées durant cette année. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'intervenir à cette tribune pour vous faire part brièvement de mon sentiment sur cette institution.
Il n'est nullement dans mon intention de vous présenter le rapport que je viens d'achever et dont, je n'en doute pas, vous avez fait votre livre de chevet. Mais je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, combien je suis impressionné par l'évolution que j'ai constatée dans la gestion de l'office depuis le début de ma mission. Sous votre rigoureuse impulsion, l'office, dont l'existence même était sujette à caution il y a un an, apparaît désormais comme le relais incontournable de votre action auprès du monde combattant.
Je me devais de rendre hommage à l'efficacité et à la détermination de votre action à cet égard, action qui, au demeurant, a été remarquablement relayée par le préfet Claude Guizard, directeur général de l'ONAC.
Je me félicite aussi qu'après avoir exigé dix-huit mois, puis quinze, vous proposiez, avec l'article 65, d'étendre les conditions d'attribution de la carte du combattant à douze mois de service en Afrique du Nord.
De même, et bien que cela ne satisfasse pas totalement les associations d'anciens combattants, j'approuve votre projet de revalorisation du plafond de la retraite mutualiste à 105 points, tel qu'il est présenté à l'article 66.
Je note toutefois qu'il est peu probable que les 130 points espérés par les intéressés soient atteints avant la fin de la législature. Il aurait fallu, pour cette année, revaloriser le plafond à au moins 110 points.
Poursuivons avec les mesures à mettre au crédit de votre action.
Chacun de nous vous est reconnaissant d'avoir accordé 5 millions de francs de mesures nouvelles en faveur des veuves à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, 3 millions de francs supplémentaires sont prévus pour le développement de la politique de la mémoire. Là encore, vous savez combien je suis attaché à cette question je m'en suis largement expliqué dans le rapport intitulé « Les défis de la mémoire », que j'ai publié l'année dernière.
Toutefois, ces mesures, dont je ne puis que me réjouir et qui prouvent votre volonté de tenir compte des attentes du monde combattant, sont loin de résoudre toutes les questions en suspens.
La commission des finances du Sénat veille à ce que les crédits mis à la disposition des ministères soient utilisés de la manière la plus efficace possible. Pourquoi les crédits affectés aux centres d'appareillages demeurent, alors que, depuis plusieurs années, leur activité diminue ? Peut-être pourrez-vous me donner quelques explications sur ce sujet.
Sachant que le budget pour 2000 fait apparaître un déficit de près de 700 millions de francs par rapport au budget pour 1999, il est intolérable de constater que le Gouvernement a préféré y voir le moyen de réaliser une économie - je sais que vous n'êtes pas le seul responsable, qu'il y a toujours Bercy ! - plutôt que de mettre à profit cette somme, ou une partie de cette somme, pour résoudre des contentieux depuis trop longtemps en instance.
Trop de demandes légitimes restent en effet non satisfaites.
Je ne puis me contenter de la mesquine revalorisation partielle des pensions des plus grands invalides. Vous accordez 15 millions de francs, quand 70 millions de francs auraient suffi au rattrapage du retard accumulé depuis tant d'années. Songez aux souffrances physiques et morales de ces hommes dont la vie a été sacrifiée : aucune somme d'argent ne peut compenser leur vie gâchée, a fortiori cette demi-mesure, pour ne pas dire ce dixième de mesure !
Je veux parler encore de cette injustice qui frappe les rappelés de la guerre d'Algérie. Ils ont dû quitter famille et emploi pour aller, six mois durant, combattre sous le drapeau. Imaginez un instant les conséquences d'une telle épreuve !
Leur refuser la carte du combattant est indigne du sacrifice qui leur a été imposé. L'application de l'accord du 22 octobre 1996 suffirait à mettre fin à ce contentieux.
Indigne encore est le mépris avec lequel sont traitées les troupes stationnées en terre étrangère après la fin officielle des combats. Pensez-vous que mourir dans le Djebel en 1963 ou en 1964 soit bien différent de mourir en 1959 ou en 1960 ? La mort dans une rizière en 1947 est-elle moins digne de la reconnaissance de la nation que la mort survenue en 1944 ? Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, de prolonger jusqu'au 2 juillet 1964 la date des services ouvrant droit au Titre de reconnaissance de la nation.
Non moins honteuse est la cristallisation pensions - ce n'est pas la première fois que je le dis ! - des pensions des combattants originaires de nos anciennes colonies. L'étude comparative que vous avez fait mener sur le pouvoir d'achat des pensionnés fait apparaître un net retard au détriment des Algériens, des Marocains et des Tunisiens. Mais ce constat n'a engendré aucune mesure en leur faveur.
Je rends hommage à votre grand sens de la concertation et à votre honnêteté morale dans l'analyse des situations. Néanmoins, toute étude ne vaut que si ses conclusions sont suivies d'effets. Or, les commissions, études, rapports et autres analyses se succèdent sans que soient adoptées des mesures concrètes. C'est le cas de la décristallisation, c'est le cas aussi des psychotraumatismes de guerre : une étude a été lancée, une commission a été mise en place en juillet 1999 ; nous en verrons les résultats.
J'en veux encore pour exemple le cas des incorporés de force dans le Reichsarbeitsdienst , RAD, et le Kriegshilfsdienst, KHD. Le dédommagement, dont, je le reconnais, vous ne contestez pas le principe, avait été différé du fait du non-engagement de l'Entente franco-allemande, qui doit le cofinancer avec le Gouvernement français. L'accord de principe de l'Entente est acquis depuis plus d'un an, mais aucune ligne budgétaire n'est prévue à cette fin.
J'achèverai mon propos sur le constat suivant : la retraite anticipée des anciens d'AFN n'a pu voir le jour - je faisais partie de la commission sur ce sujet et nous avons passé des heures avec les anciens combattants et les responsables politiques je n'y reviens pas.
Quant à l'allocation de remplacement pour l'emploi, vous allez me répondre que la mesure s'applique depuis quelques jours, mais je vous rappelle à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'il y a tout juste un an j'avais été le seul, dans ces lieux, à m'élever contre cette mesure aussi médiatique qu'inapplicable. Le temps m'a malheureusement donné raison, et croyez bien que je le regrette, car le sort de nos anciens combattants est inchangé et à l'espoir a succédé la déception.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes redevable de cette attente bafouée ; une anticipation de la retraite du combattant si ce n'est à soixante ans, du moins à soixante-trois ans - si on ne l'a pas décidé cette année ; on pourrait l'envisager pour le prochain budget - pourrait vous dédouaner à leur égard.
Ce n'est pas un privilège exorbitant que je vous demande, au nom du monde combattant ; il y a eu des précédents !
En 1930, la loi de finances n'avait-elle pas prévu une allocation, ancêtre de la retraite du combattant, de 500 francs en faveur des poilus de 14-18 titulaires de la carte du combattant et ayant atteint cinquante ans ?
Par ailleurs, nos anciens combattants des territoires d'outre-mer ne touchent-ils pas la retraite du combattant dès soixante ans ?
C'est, à mon avis, une question d'égalité de traitement. Vous allez me dire que la mesure coûte très cher, ce que je sais. Mais essayons de l'étaler sur deux ans ; n'attendons pas cinq ans !
Vous le constatez, monsieur le secrétaire d'Etat, malgré la qualité technique du projet de budget que vous soumettez à notre approbation aujourd'hui, malgré votre engagement, dont nul ne met en doute la sincérité et l'efficacité - je peux en témoigner, vous connaissant depuis longtemps - il ne m'est pas possible d'appeler mes collègues à voter les crédits de votre ministère.
Trop d'oublis, trop de mesures partielles et frileuses entachent votre budget. Aussi, la commission des finances du Sénat a-t-elle décidé de le rejeter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits relatifs aux anciens combattants pour 2000 s'inscrivent en apparence dans la continuité des budgets précédents : l'érosion régulière des crédits se poursuit, tandis que les mesures nouvelles proposées sont très loin de répondre à toutes les attentes du monde combattant.
Les crédits budgétaires diminuent en effet de 500 millions de francs, soit de 2 %, pour atteindre 25 milliards de francs à structure constante. Les mesures nouvelles positives se limitent, elles, à 81 millions de francs dans la version initiale de ce budget.
Pourtant, l'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier qui nous aurait laissé espérer la présentation d'un budget plus ambitieux.
La contrainte budgétaire est en effet moins forte. Le monde combattant aurait été en droit d'attendre un meilleur redéploiement des crédits.
En outre, le Parlement vient d'adopter à l'unanimité une proposition de loi reconnaissant, enfin, la réalité de l'état de guerre en Algérie. Je ne peux que me féliciter de cette mise en accord tant attendue du droit et des faits. Si cette loi n'a aucune incidence budgétaire, son vote a toutefois montré que les questions touchant les anciens combattants peuvent être résolues, grâce au débat parlementaire, en associant dans un consensus à la fois la représentation nationale, les associations et le Gouvernement. J'aurais aimé qu'une telle démarche consensuelle se poursuivre à l'occasion de l'examen du projet de budget.
Enfin, la réforme de votre département ministériel est désormais effective. Elle permet de lever toute ambiguïté sur la pérennité d'un budget autonome, Elle aurait pu également permettre de profiter des économies de gestion pour améliorer l'action en faveur des anciens combattants.
Mais ce nouveau contexte ne s'est, hélas ! traduit ni par un budget plus ambitieux ni par le souci de régler au plus vite les principaux contentieux subsistant avec le monde combattant.
Il se traduit, au contraire, par une diminution sensible des actions de solidarité, diminution que la commission considère comme préoccupante.
La politique de la mémoire est confortée. A ce propos, j'observe avec satisfaction que vous avez dégagé des crédits d'études pour le mémorial de la guerre d'Algérie.
Les crédits relatifs à la politique de la réparation, eux, sont globalement stables.
Certes, le poids des évolutions démographiques contribue, hélas ! à la diminution du nombre de pensionnés. En revanche, l'arrivée massive à l'âge de soixante-cinq ans des anciens combattants d'Afrique du Nord se traduit par une montée en charge de la retraite du combattant. Ainsi, en 2000, il devrait y avoir 985 000 titulaires de la retraite du combattant et 485 000 pensionnés.
L'application du rapport constant, évalué à 248 millions de francs en 2000, aura alors pour conséquence de stabiliser les dépenses liées à la réparation.
A l'inverse, les crédits relatifs à la politique de solidarité sont en forte baisse.
Cela tient avant tout à l'extinction progressive des actions du fonds de solidarité, dès lors que les allocataires du fonds atteignent massivement l'âge de la retraite. Les crédits du fonds diminuent de quelque 450 millions de francs.
Aussi, dans ce contexte, la commission des affaires sociales considère comme nécessaire d'utiliser une part des crédits ainsi dégagés pour financer de nouvelles actions de solidarité. Il est en effet à craindre que nombre d'allocataires actuels ne se retrouvent dans une situation plus précaire lorsqu'ils ne sont plus ressortissants du fonds.
Le Gouvernement ne semble pourtant pas s'engager dans cette voie.
Le budget de 1999 avait prévu deux nouvelles actions de solidarité : la suppression du sas de six mois pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite, l'APR, et l'attribution automatique, aux anciens combattants titulaires de la carte du combattant, de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, en cas de refus de l'employeur.
Or ces deux mesures n'ont eu qu'un impact pour le moins limité.
La première n'a concerné que 192 personnes au premier semestre de 1999.
La seconde n'est toujours pas appliquée, malgré la conclusion d'un accord entre les partenaires sociaux, le 12 mai dernier. Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité bloque l'application de cette mesure en se refusant à signer le nécessaire agrément. Pourriez-vous, à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, nous indiquer l'évolution de ce dossier ?
Le projet de budget pour 2000 est encore plus parcimonieux en mesures de solidarité.
Certes, le projet de budget prévoit, dans sa version initiale, quelques mesures nouvelles. Je pense notamment à l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant et à la revalorisation du plafond majorable de la retraite mutualiste. Il s'agit ici du droit à réparation.
C'est vrai, la discussion à l'Assemblée nationale a permis de dégager quelque 30 millions de francs de crédits supplémentaires, qui permettront de financer certaines actions nécessaires comme l'indemnisation des veuves des patriotes résistant à l'Occupation, les PRO, une augmentation des subventions à l'ONAC en faveur des veuves ou la revalorisation annoncée de la pension des grands invalides.
Ces mesures nouvelles ne peuvent cependant nous satisfaire totalement.
D'abord, elles sont soit ponctuelles, soit très partielles.
Ainsi, l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant ne permet pas de prendre en compte la situation particulière des rappelés. J'insiste sur ce point, auquel les associations sont particulièrement attachées.
De même, la revalorisation des plafonds majorables est bien timide. Vous avez choisi l'indice 105. L'indice 110 nous aurait semblé préférable pour que soit atteint à terme, comme promis, l'objectif de l'indice 130.
Surtout, la revalorisation de la pension des grands invalides, qui fut gelée entre 1991 et 1995, n'est que de 1,5 %. Or, l'écart moyen né du gel des pensions atteint environ 7 %. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre audition par la commission, à aboutir à une compensation intégrale dans le prochain budget. Je ne peux que solennellement vous inviter à faire un geste supplémentaire dès ce budget.
Mais, au-delà de ces mesures partielles, force est de constater que de nombreuses attentes du monde combattant sont toujours en suspens.
J'en citerai cinq pour lesquelles la commission souhaiterait qu'une solution soit très rapidement trouvée.
La première concerne la décristallisation.
En dépit de vos déclarations lors du dernier débat budgétaire, monsieur le secrétaire d'Etat, la situation n'a pas évolué. La commission en tire les conséquences et elle vous proposera tout à l'heure de faire un premier pas dans le sens de la décristallisation en adoptant l'amendement qu'elle vous présentera.
La situation des veuves d'anciens combattants est également très préoccupante. On constate notamment un accroissement sensible des demandes d'aide individuelle déposées auprès de l'ONAC.
La commission considère toutefois qu'il faut aller plus loin qu'une simple augmentation des crédits sociaux de l'ONAC. Il serait notamment nécessaire soit de revaloriser les pensions les plus modestes, soit d'assouplir les conditions de réversion. Cela peut se faire. Vous nous avez annoncé votre intention de revoir l'ensemble du dispositif d'aide aux veuves au début de l'année prochaine. Nous vous donnons donc rendez-vous sur ce point très important.
Il importe également de clore au plus vite la douloureuse question de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, RAD et KHD. Alors qu'un accord est intervenu en juin 1998 au sein de l'Entente franco-allemande sur ce point, l'instruction des quelque 10 000 dossiers déposés traîne en longueur et retarde d'autant l'inscription des crédits budgétaires correspondants.
Cette situation est difficilement acceptable. C'est pourquoi nous vous demandons solennellement d'inscrire, dès à présent, au moins une partie des crédits nécessaires. Deux millions de francs constitueraient déjà un geste tangible, pour un coût budgétaire très raisonnable.
L'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant impose une réflexion sur le Titre de reconnaissance de la nation. Il faudrait notamment étudier les conditions de son extension aux anciens d'Afrique du Nord ayant séjourné en Algérie entre 1962 et 1964. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à remettre à plat le dispositif dès janvier. Là encore, rendez-vous est pris.
Enfin, la demande de l'abaissement de soixante-cinq à soixante ans de l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite du combattant devra être étudiée, en l'absence de toute retraite anticipée. Toutefois, le coût d'une telle mesure - 1,4 milliard de francs, selon les services du secrétariat d'Etat - incite à une certaine prudence.
Au total, ce budget se contente d'être un simple budget de reconduction. Il n'intègre que de rares mesures nouvelles et passe sous silence les préoccupations les plus vives du monde combattant. Il semble donc difficilement acceptable en l'état.
La commission des affaires sociales a, dans ces conditions, décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée quant à l'adoption des crédits des anciens combattants. Elle a toutefois émis un avis favorable sur les articles 65, 66 et 66 bis rattachés à ce budget.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 26 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 22 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en baisse de 2 % par rapport à 1999, le budget des anciens combattants, même s'il présente quelques notables avancées, n'en demeure pas moins décevant au regard des attentes du monde combattant.
Il convient, à mon sens, de saluer deux ensembles de mesures positives.
D'une part, on peut noter la hausse de 19,6 % des crédits consacrés à la mémoire et à l'information historique, qui passent ainsi de 28,36 millions à 33,91 millions de francs.
Outre l'importance de la rénovation des sépultures pour nos anciens combattants - vous connaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, la volonté réelle des collectivités locales de participer financièrement à la création de lieux ou de structures de mémoire, notamment en Alsace - il me semble primordial d'accroître nos efforts de diffusion de la mémoire auprès des jeunes générations.
En effet, les jeunes, j'ai encore eu récemment l'occasion de le déplorer lors de célébrations commémoratives du 11 novembre, ont tendance à ne plus mesurer l'importance des événements du passé. Ces cérémonies relèvent, pour certains d'entre eux, plus de l'amusement que du recueillement et du souvenir. Cela est d'autant plus regrettable que nous assistons à la disparition progressive des derniers anciens combattants de la Première Guerre mondiale.
D'autre part, je tiens à saluer les mesures qui s'inscrivent dans la démarche de reconnaissance de la guerre d'Algérie, engagée en octobre dernier, et dont je suis heureux d'être l'un des initiateurs. Il est important, en effet, que cette reconnaissance symbolique soit suivie de l'attribution d'avantages et de droits concrets.
Ainsi l'abaissement de quinze à douze mois de la durée de service en Afrique du Nord pour obtenir la carte du combattant me semble aller dans le bon sens. Cette carte constitue, pour nos anciens combattants, un sésame pour l'obtention de droits légitimes tels que la rente mutualiste, la retraite du combattant à partir de soixante-cinq ans, ainsi que le bénéfice du fonds de solidarité.
Malheureusement, en dehors de ces deux avancées, ce projet de budget se révèle bien décevant. Il est dommage que vous n'ayez pu profiter des marges de manoeuvre dégagées par la forte baisse des crédits d'assistance et de solidarité pour faire progresser certains chantiers en suspens, monsieur le secrétaire d'Etat.
Les chiffres sont pourtant éloquents : baisse de 28,8 % pour les remboursements à diverses compagnies de transport, de 14,01 % pour les soins médicaux gratuits et de 28,5 % pour les crédits du fonds de solidarité AFN.
La seule baisse mécanique des crédits de ce fonds vous permettrait de poursuivre le travail de reconnaissance des conflits d'Afrique du Nord, pour lequel beaucoup reste à faire.
Tout d'abord, si l'abaissement de la durée de service pour l'obtention de la carte du combattant constitue une bonne mesure, elle se situe bien en deçà des revendications visant à obtenir l'aplication de l'accord intervenu le 22 octobre 1996 avec le cabinet du ministre d'alors. Il était convenu d'attribuer 15 points pour le Titre de reconnaissance de la nation, 7 points pour la médaille commémorative, 4 points par trimestre en AFN dans le calcul des 30 points exigés pour l'octroi de la carte du combattant. Cette mesure mettrait un terme aux injustices qui subsistent malgré les mesures décidées ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les rappelés.
Quand pourrez-vous donner satisfaction aux organisations de combattants sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Par ailleurs, les dispositions prévues dans ce projet en matière de retraite sont loin d'apporter une réponse satisfaisante aux diverses attentes des combattants.
Premièrement, les associations souhaiteraient un rattrapage à 130 points d'ici à la fin de la législature. Elles n'ont pas été entendues.
Deuxièmement, une partie des crédits inutilisés par le fonds de solidarité pourrait être affectée aux anciens d'AFN qui perçoivent une retraite professionnelle sensiblement inférieure, du fait d'une carrière écourtée par le chômage, au niveau de ressources assuré jusqu'à présent par l'allocation différentielle du fonds de solidarité ou de l'allocation de préparation à la retraite. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais connaître votre position sur cette question.
Autre dossier en attente : la retraite à soixante ans et la revalorisation de son montant en compensation des engagements non tenus en matière de retraite professionnelle anticipée. En effet, 40 millions de francs sont affectés, mais non consommés, au financement de l'ARPE.
C'est une mesure inapplicable, car beaucoup trop défavorable aux entreprises. Comme le souligne notre collègue Jacques Baudot dans son excellent rapport, ce dispositif risque de se retourner contre les salariés anciens combattants dans la mesure où certains employeurs refuseraient de les embaucher pour éviter de se voir imposer une décision unilatérale de préretraite, alors que seulement 170 personnes sont susceptibles d'en bénéficier. Ce dossier semble cependant en voie de règlement.
Dernier point du douloureux dossier des retraites : les maisons de retraite gérées par l'ONAC.
Les fermetures successives sont préoccupantes. Qu'en est-il, par conséquent, des démarches visant à offrir un nombre de lits en nette augmentation et mieux répartis géographiquement, au moyen de conventions avec des établissements appropriés ?
La troisième avancée qu'il aurait été souhaitable d'adopter en faveur des anciens d'AFN a trait au Titre de reconnaissance de la nation.
Les personnes ayant servi entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 souhaitent être décorées de la médaille commémorative, compte tenu de son attribution jusqu'au 1er juillet 1964 et de la nature des risques encourus, comparables à ceux qu'ont impliqués des missions extérieures postérieures à la guerre d'Algérie, pour lesquelles le Titre de reconnaissance de la nation a été décerné.
Pourriez-vous, là encore, nous éclairer sur l'état d'avancement du dossier ?
Pour en terminer sur l'AFN, permettez-moi d'évoquer le problème posé par la cristallisation des pensions servies aux combattants ressortissants des Etats anciennement sous souveraineté française.
Ne conviendrait-il pas de procéder à une harmonisation progressive - j'insiste sur ce point - des pensions, en commençant par les combattants les plus défavorisés, c'est-à-dire ceux de Tunisie et du Maroc ? Cela éviterait à notre pays de se faire remarquer en traitant de façon indigne des personnes qui l'ont servi, comme ce fut le cas récemment à Bordeaux. Il est urgent de leur permettre de percevoir une pension décente tout en restant dans leur pays.
Enfin, l'élu alsacien que je suis ne peut s'empêcher d'évoquer l'épineux dossier de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes.
Le recensement étant achevé depuis le mois de mars et la fondation Entente franco-allemande s'étant engagée sur sa participation, il est infiniment regrettable qu'aucune ligne budgétaire retraçant la participation de l'Etat ne soit inscrite dans le présent budget. Cela est d'autant plus inacceptable que vous pourriez disposer cette année de marges de manoeuvre financières largement suffisantes.
Il est urgent de tourner cette page douloureuse de notre histoire et d'accorder la considération qu'ils méritent à ces incorporés.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, reçu les parlementaires concernés, mais, à ma connaissance, la situation est toujours bloquée. Je n'ose mettre en parallèle le coût des 35 heures - des dizaines de milliards de francs ! - et cette mesure aux conséquences financières tout de même très limitées.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup reste à accomplir pour accorder toute la reconnaissance qu'ils méritent à nos anciens combattants. Il est, par conséquent, regrettable que vous n'ayez pas su profiter des crédits supplémentaires dont vous bénéficiez - et ce, une fois n'est pas coutume, sans même avoir à négocier âprement avec Bercy - pour faire avancer quelques-uns de ces dossiers.
A défaut, j'espère que vous apporterez des réponses à certaines de mes interrogations.
Je reconnais volontiers vos efforts, mais vous comprendrez que mon groupe et moi-même, au vu de ce bilan bien maigre, ne puissions voter les crédits que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me crois revenu un an en arrière, à cette même tribune, en regrettant qu'une fois encore le budget des anciens combattants soit en régression, et l'argument de la baisse démographique que l'on nous oppose régulièrement ne me convainc pas plus que l'an dernier.
En effet, n'aurait-on pas pu profiter de la reprise économique et de la décroissance de la dette de l'Etat pour résoudre enfin, en maintenant le budget des anciens combattants au même niveau que l'an dernier, une partie des contentieux ? Peut-on véritablement se réjouir d'un budget en « moindre baisse », comme vous le dites pudiquement, que les années précédentes ?
A quelques mois du cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, urgente autant que symbolique est la nécessité d'un règlement définitif des contentieux, même s'il est raisonnablement progressif.
Face à cette nécessité, accrue par l'âge des ressortissants de la dernière génération du feu, je me dois de déplorer une nouvelle fois le fait que nous soit proposé un budget a minima, auquel on ajoute quelques avancées au cours de la discussion budgétaire. Nous aurons à juger de celles qui nous seront proposées ce matin.
Cependant, il me semble important de relever que vous avez tenu votre promesse, monsieur le secrétaire d'Etat, en nous présentant ce premier budget des anciens combattants rattaché à la défense dans le respect de sa spécificité, avec une réelle volonté de préserver l'imprescriptibilité du droit à réparation, de développer l'action de mémoire, et avec des services modernisés.
Par ce budget, vous proposez l'attribution de la carte du combattant à partir d'une durée minimale de douze mois de service en Algérie au lieu de quinze. Cela permettra l'attribution de 6 000 cartes supplémentaires, mais ne résoudra en rien le problème des rappelés.
Vous proposez aussi la revalorisation du plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant. L'indice de référence du plafond majorable passe donc de 100 à 105 points. Ce rythme est encore trop lent et ne permettra pas d'atteindre l'indice 130 d'ici à 2002. Il sera proposé par voie d'amendement, de le porter à 110 points dès l'an 2000.
Par ailleurs, à la suite du débat à l'Assemblée nationale, quelques autres avancées ont été reprises, ou devraient l'être, par le Gouvernement. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, il reste encore du chemin à faire, et je souhaiterais que, sans attendre, nous en fassions un bout ensemble aujourd'hui.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ce que le Gouvernement soit décidé à régler, du moins en partie, l'épineux problème de la mise en oeuvre de l'allocation de remplacement pour l'emploi. En effet, l'article 121 de la loi de finances pour 1999 n'est toujours pas entré en vigueur, suscitant la légitime émotion du monde combattant, et vous savez que ce point est capital en raison du nombre de personnes concernées.
J'ai bien noté les 30,48 millions de francs qui devraient permettre, notamment, une amorce du dégel des pensions des plus grands invalides de guerre. Cependant, cette proposition de rattrapage de 15 millions de francs par étapes ne peut me satisfaire. Il faut mettre un terme à cette injustice une fois pour toutes. C'est pourquoi je demanderai tout à l'heure l'abrogation de l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité.
S'agissant du problème lancinant de la cristallisation des pensions, c'est solennellement, monsieur le secrétaire d'Etat, que je réclame un effort de la nation. Il n'est en effet plus possible de perpétuer l'injustice criante dont sont victimes les ressortissants des pays de l'ex-Union française qui ont combattu sous notre drapeau.
L'abondement des crédits de l'action sociale de l'ONAC est également une bonne mesure. Cela devrait notamment permettre la liquidation des dossiers des veuves de patriote résistant à l'Occupation. Toutefois, j'attends de votre part la confirmation d'un geste significatif - il est indispensable - en faveur des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes et de leurs veuves.
Par ailleurs, entendez-vous abonder les crédits destinés aux maisons de retraites ?
Vous avez également décidé d'attribuer des crédits supplémentaires aux initiatives citoyennes et au devoir de mémoire ; si l'on tient compte des crédits figurant au budget de la défense, l'effort semble satisfaisant.
Pourtant, je m'interroge sur l'utilisation de ces crédits. Au nom des associations concernées, je souhaiterais que soit dressé un bilan des actions liées à la mémoire et à la citoyenneté qui ont été réellement mises en oeuvre localement grâce aux emplois-mémoire.
Je m'interroge, en outre, sur le coût réel de la nouvelle mesure dite « tourisme de mémoire ». Si son coût était surestimé, ne serait-il pas possible d'affecter une partie de ces crédits au dossier de l'historial consacré au système concentrationnaire nazi du Struthof, au projet de mémorial de l'internement sur le site de l'ancien camp de Royallieu à Compiègne, ou encore au mémorial national de la guerre d'Algérie, qui devrait être inauguré à Paris en 2002 ?
Je suis également favorable à un renforcement de l'aide aux associations, qui, comme vous le savez, s'investissent énormément dans les actions pédagogiques.
Je souhaite aussi vous entendre sur les crédits consacrés au cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la libération des camps de concentration et de la création de l'organisation des Nations unies.
Je souhaite encore savoir à quel point d'avancement en sont les travaux du groupe de travail que vous avez constitué sur les psychotraumatismes de guerre.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite, pour une fois, vous faire une demande qui ne coûte rien. (M. le secrétaire d'Etat s'exclame.) Il s'agit de donner force législative à la circulaire DSPRS 98-014XR/AL du 27 janvier 1998 par laquelle vous supprimiez toute forclusion dans l'attribution de la carte du combattant volontaire de la Résistance. Cette circulaire mettait un terme à un contentieux de longue date.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Je conclus, monsieur le président.
Puisque, nous l'avons vu, les conditions économiques sont aujourd'hui favorables et que la pratique annuelle de l'annulation de crédits permet une marge de manoeuvre, nous pourrions rendre le plus bel hommage aux combattants de ce siècle finissant en abondant significativement ce budget.
Le groupe communiste républicain et citoyen déterminera son vote selon la teneur de vos réponses, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous ne pouvons, en effet, approuver votre projet de budget en son état actuel, et croyez bien que notre position très critique frôle le vote contre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, finalement, ce n'est pas nous qui attendons un geste de votre part ; ce sont, comme le disait André Malraux dans une oraison funèbre, les hommes et les femmes qui ont le souvenir d'avoir « tenu dans leurs mains une parcelle du refus de la France, du destin de la France ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de budget des anciens combattants constitue un moment privilégié qui, au-delà des chiffres, nous rappelle à cet indispensable devoir de mémoire à l'égard de ceux qui ont consenti de lourds sacrifices dans les circonstances douloureuses et tragiques qui ont jalonné ce siècle.
Tout d'abord, je dois reconnaître que le passage du portefeuille des anciens combattants sous la houlette du ministre de la défense s'est mieux déroulé que prévu. Ainsi le budget autonome du secrétariat d'Etat est-il cohérent, même s'il est insuffisant. En effet, comme cela a été dit, il accuse une diminution de 2 % par rapport à 1999 et s'élève à 25 milliards de francs. Pour autant, le monde combattant représente encore près de quatre millions d'ayants droit ou d'ayants cause, pour lesquels de nombreux problèmes persistent.
La baisse sensible du nombre de titulaires d'une pension militaire d'invalidité devrait permettre, à budget constant, de solder le contentieux.
Il est ainsi dommageable, pour l'honneur de notre pays, que nos camarades originaires de pays devenus indépendants et qui ont servi à nos côtés lors de la guerre d'Algérie ou dans d'autres conflits ne puissent pas faire valoir leurs droits d'ancien combattant et que leur pension soit cristallisée.
Le cas du tirailleur Kosseyo est significatif. Cet homme a rejoint le général de Gaulle le 29 août 1940 ; dernier des quinze Africains compagnons de la Libération, il est décédé en 1993. La France lui allouait alors une pension d'ancien combattant de 2,26 francs par jour. Comment peut-on qualifier cette aumône !
La décristallisation des pensions des ressortissants de nos anciennes colonies me paraît donc indispensable, afin que les soldats de l'ex-empire puissent vivre dignement dans leur pays et ne soient pas obligés, comme c'est trop souvent le cas, de demander, chez nous, le RMI.
S'agissant maintenant des pensions des grands invalides de guerre, je trouve inacceptable que celles-ci ne soient pas identiques à taux de pension égal. Le rattrapage, d'un coût de 70 millions de francs, à comparer aux 600 millions de francs économisés par ailleurs, doit se faire en une seule fois par l'abrogation pure et simple de l'article L. 114 bis du code des pensions, et non par étapes, comme le prévoit l'amendement voté à l'Assemblée nationale le 3 novembre dernier. En effet, il est inadmissible que cet article organise, depuis maintenant neuf ans, le gel de ces pensions.
Il faut avoir présent à l'esprit ce que cette classification recouvre d'héroïsme, de sacrifices, de mutilations, de vies sinon brisées du moins bouleversées.
Si le Gouvernement avait consenti à maintenir ce budget au même niveau que l'année dernière, il aurait été possible de régler le réalignement des pensions des grands invalides de guerre.
En ce qui concerne le Titre de reconnaissance de la nation, nous souhaitons que son attribution soit étendue à tous les militaires ayant séjourné en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964. Cette mesure est justifiée par le fait que la médaille commémorative des opérations dites « de sécurité et de maintien de l'ordre » a été décernée jusqu'à cette date.
S'agissant de l'attribution de la carte du combattant, le projet de loi de finances ramène de quinze à douze mois la durée de la présence exigée. Malheureusement, cette mesure ne règle pas le cas des rappelés. C'est la raison pour laquelle il est urgent de trouver une réponse adaptée à cette question.
Par ailleurs, je rappellerai que la mesure ARPE, qui permet à un ancien combattant d'Afrique du Nord âgé de moins de cinquante-huit ans, titulaire de la carte et comptant quarante annuités de cotisations de partir à la retraite à la condition d'être remplacé par un jeune en recherche d'emploi, n'est toujours pas appliquée. Cette disposition a pourtant été votée par le Parlement en 1998, dans l'article 121 de la loi de finances de 1999.
Je regrette également que le Gouvernement n'ait toujours pas ratifié l'avenant signé par l'UNEDIC le 12 mai dernier. Je crois savoir qu'il est actuellement en cours d'agrément par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Qu'en est-il exactement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Au surplus, je souhaite attirer votre attention sur la situation des veuves d'anciens combattants. Elles se débattent bien souvent dans des situations difficiles et le niveau de leur pension reste particulièrement faible au regard des épreuves qu'elles ont dû surmonter Je pense donc qu'un effort particulier doit être accompli en leur faveur.
Enfin, je tiens à saluer l'action indispensable et positive de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre et de ses directions départementales en matière sociale à l'égard des victimes des actions de terrorisme. On ne peut que louer le dévouement des assistantes sociales à l'égard de ces victimes souffrant de lourds traumatismes, et l'oeuvre utile de l'association SOS-Attentats que dirige Françoise Rudetzki.
En conclusion, j'ajouterai un mot sur les psychotraumatismes de guerre. Un groupe de travail a été récemment mis en place à ce sujet, et j'espère sincèrement que, très vite, une nouvelle circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992 sera rédigée.
La cohérence m'oblige, monsieur le secrétaire d'Etat, à renoncer à adopter votre budget, car le devoir de mémoire passe obligatoirement par des réparations immédiates. Certaines générations du feu ne sont plus en capacité physique d'attendre. Il en est qui ne connaîtront pas la loi de finances pour 2001.
M. le président. La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis très heureuse, cette année encore, de défendre le budget des anciens combattants, au nom du groupe socialiste.
Depuis plus de deux ans, monsieur le secrétaire d'Etat, vous faites preuve d'un intérêt considérable à l'égard du monde combattant. Cet intérêt se manifeste notamment par les liens que vous entretenez avec les associations représentatives, par l'écoute des problèmes qui leur sont propres et par les efforts que vous entreprenez pour intégrer les différentes catégories de victimes dans le dispositif de reconnaissance et de réparation.
Votre intérêt et votre respect à l'égard du monde combattant se manifestent également par une volonté sans précédent d'être sur le terrain, aux côtés de celles et ceux qui se sont engagés dans les moments difficiles que la nation a pu connaître.
Ce budget reflète tout à fait votre action, monsieur le secrétaire d'Etat, même si nous sommes déçus, tout comme vous, qu'il n'ait pu rester au même niveau que pour la précédente loi de finances.
Il s'agit essentiellement d'un budget d'intervention, dont les grandes masses sont les suivantes : plus de 18 milliards de francs sont affectés à la réparation du préjudice de l'invalidité, soit 72 % du budget, dont 40 % concernent les ayants cause, notamment les veuves ; près de 6 milliards de francs sont consacrés à la mémoire, à la reconnaissance et à la solidarité ; enfin, plus de 1 milliard de francs ont trait au fonctionnement courant, soit 5 % du budget.
En 1999, le nombre d'invalides a diminué de 14,8 %, mais, compte tenu de la stabilité des concessions nouvelles des veuves, la diminution globale est ramenée à 10,08 %. Cette diminution, qui devrait vraisemblablement s'accélérer en 2000, n'est pas sans conséquence sur l'activité des services. Si elle conforte le choix de l'insertion du secrétariat d'Etat dans le ministère de la défense, elle conduit à réfléchir au devenir des structures déconcentrées des directions départementales.
La réorganisation administrative, qui a été conduite grâce à la confiance et au soutien du monde combattant, se traduit par la fusion des deux services chargés de l'administration générale et par la création d'une grande direction de la mémoire et du patrimoine, ce qui devrait permettre des synergies plus fortes.
La présentation du projet de loi de finances pour 2000 intègre cette réorganisation. Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, conserve, conformément aux engagements pris, l'ensemble des lignes liées au droit à réparation, à la reconnaissance et à la solidarité.
Cependant, comme je l'ai dit en introduction, le facteur démographique engendre une baisse des crédits liés aux pensions, ainsi qu'une baisse des crédits inscrits au fonds de solidarité par suite de l'arrivée des anciens d'Afrique du Nord à l'âge légal de la retraite. Il me semble toutefois important de préciser qu'en contrepartie l'évolution du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant induit une augmentation des crédits inscrits.
En fait, les mesures nouvelles, qui traduisent la volonté du Gouvernement de répondre aux attentes du monde combattant, représentent 112 millions de francs. Bien évidemment, nous aurions aimé davantage.
Certaines de ces mesures nouvelles permettent le renforcement de l'action sociale de proximité de l'ONAC, qui constitue un volet privilégié du nouvel élan donné à cet établissement public.
Le secrétariat d'Etat des anciens combattants soutient aussi la dynamisation de la politique de mémoire à vocation pédagogique et civique.
Nous sommes également satisfaits de la prise en compte de trois revendications fortes : le relèvement du plafond de la rente mutualiste de 100 à 105 points ; l'assoupplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant pour les anciens d'Algérie, la durée de services nécessaire passant à douze mois ; le début du règlement du contentieux relatif aux plus grands invalides.
A ces mesures généralistes s'ajoutent : premièrement, le règlement du dossier concernant les prisonniers du FLN ; deuxièmement, les crédits d'études pour le mémorial des anciens d'Afrique du Nord ; troisièmement, la réalisation d'un historial à proximité du camp du Struthof ; enfin, quatrièmement, l'indemnisation des veuves des patriotes résistant à l'Occupation, les PRO, d'Alsace-Moselle.
Ces bonnes nouvelles ne doivent cependant pas occulter les problèmes que nous aurions aimé voir résoudre en tout ou partie.
Nous savons que vous ne pouvez pas répondre favorablement à toutes les demandes et nous saluons les efforts que vous accomplissez et l'esprit qui vous anime. Nous connaissons la part que vous avez prise dans la reconnaissance de la guerre d'Algérie et votre engagement pour développer le devoir de mémoire, que vous organisez toujours, à juste titre, autour du thème des valeurs de la République.
M. Raymond Courrière. Très bien !
Mme Gisèle Printz. Toutefois, nous attendons des avancées sur des questions que nous jugeons majeures.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'ARPE, les dispositions votées l'an passé seront-elles enfin appliquées ?
Pourquoi ne pas avoir réglé le contentieux relatif aux plus grands invalides en une seule fois ? Nous aurions aimé que l'on aille au-delà de la mesure dont nous avons parlé tout à l'heure.
S'agissant de la décristrallisation des pensions, que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour répondre aux aspirations des combattants de nos anciennes colonies, dont le montant des prestations n'est pas à la hauteur du devoir moral de la France à leur endroit ?
Par ailleurs, nous espérions vivement un geste du Gouvernement pour que le Titre de reconnaissance de la nation soit attribué aux soldats affectés en Algérie après le 2 juillet 1962.
Nous attendons aussi des mesures positives pour rendre plus lisible le rapport constant et pour mieux prendre en compte la situation des veuves et des orphelins de guerre.
En outre, monsieur le secrétaire d'Etat, il reste à travailler sur les questions touchant aux psychotraumatismes de guerre, à la campagne double, ainsi qu'à l'attribution de la carte du combattant pour les rappelés de la guerre d'Algérie.
Enfin, il est un dossier qui me tient particulièrement à coeur en tant que Mosellane, celui des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les KHD-RAD. J'ai déposé un amendement en faveur de ces nombreux jeunes hommes et jeunes femmes qui ont été contraints de servir et qui ont subi un entraînement militaire sévère, casernés, traités dans des organisations nazies tels des esclaves. Certains en gardent des séquelles encore visibles aujourd'hui.
La fondation « Entente franco-allemande » est prête à financer en grande partie leur indemnisation, sous réserve que le Gouvernement s'engage, lui aussi, à ce financement ; j'y reviendrai tout à l'heure de façon plus précise.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous connaissons les efforts que vous accomplissez au service du monde combattant et nous vous soutenons. C'est pourquoi nous voterons votre projet de budget. Mais nous sommes aussi les représentants de la nation et nous veillons scrupuleusement au devoir de l'Etat envers ses anciens combattants. Nous sommes exigeants, mais nous attendons vos réponses avec confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 2000 a été élaboré dans un contexte exceptionnel de croissance. Dès lors, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pouvons que déplorer la baisse de 1,97 % dont il est l'objet, alors que le budget de 1999 était déjà lui-même en diminution de 2 %.
Toutes les associations d'anciens combattants demandent unanimement que le budget des anciens combattants ne soit pas en baisse, chaque année, au nom de la diminution des parties prenantes.
Comme le faisaient très justement remarquer mes collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, l'examen des crédits budgétaires relatifs aux anciens combattants intervient, cette année, dans un contexte particulier puisque le Parlement vient d'adopter, à l'unanimité, la proposition de loi visant à reconnaître - enfin ! - la réalité de l'état de guerre en Algérie, ainsi que les combats du Maroc et de la Tunisie.
Il est désormais souhaitable que les anciens combattants d'Afrique du Nord soient traités dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs. A ce sujet, nous souhaitons tous que le mémorial national de la guerre d'Algérie soit érigé à Paris, sur un site prestigieux, au plus tard en 2002, année du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même avons constaté avec regret que l'amputation du budget des anciens combattants pour 2000 maintenait le préjudice subi par les anciens combattants et victimes de guerre d'outre-mer, du fait de la loi de cristallisation, - article 71 de la loi de finances de 1959 - notamment en ce qui concerne les combattants marocains, algériens et tunisiens par rapport aux combattants des autres pays d'Afrique et de Madagascar.
Nous regrettons qu'aucune évolution ne soit intervenue en dépit de vos engagements, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera l'amendement présenté par notre collègue Marcel Lesbros, rapporteur pour avis du budget des anciens combattants, au nom de la commission des affaires sociales, et permettant d'avancer sur deux points : d'une part, la levée temporaire, en 2000, de la forclusion pesant sur les demandes nouvelles et, d'autre part, la revalorisation des pensions militaires d'invalidité et des retraites du combattant de 20 % au Maghreb et dans l'ex-Indochine, ces pays ayant accumulé le plus de retard. Cet amendement constituera un signe de reconnaissance envers les anciens combattants d'outre-mer pour les sacrifices qu'ils ont consentis.
Il faut rappeler que les pensions militaires d'invalidité et les retraites du combattant versées aux anciens combattants des pays anciennement sous souveraineté française ont été cristallisées à la valeur atteinte lors de l'indépendance, même si des revalorisations ponctuelles ont pu intervenir. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous étiez engagé à débattre de la décristallisation lors de l'examen du projet de la loi de finances pour 1999. Or, à ce jour, me semble-t-il, aucune mesure concrète ne nous a été présentée. C'est la raison pour laquelle cet amendement a été déposé. Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même souhaitons très vivement qu'il soit adopté par notre assemblée.
En outre, nous insistons pour que le groupe de travail, maintes fois évoqué par le Gouvernement, soit enfin constitué, avec, notamment, des représentants des associations d'anciens combattants de la métropole, afin que toute ambiguïté sur la politique du Gouvernement soit levée et que, rapidement, l'égalité de comportement de la France à l'égard des citoyens des différents pays qui se sont sacrifiés pour elle, dans les moments difficiles qu'elle connaissait, soit réalisée, conformément aux recommandations de la commission des droits de l'homme des Nations unies et au traité de New York, auquel elle a pleinement adhéré.
J'en viens à la situation des harkis. Ces combattants n'ont pas obtenu jadis, de la part de la communauté nationale, la reconnaissance qu'ils méritaient. C'est la raison pour laquelle leur rôle et leur sacrifice pour la France ne doivent pas être oubliés. Comme nous l'avons rappelé le 5 octobre dernier, dans cette assemblée, nous avons un devoir de mémoire, de respect et de reconnaissance.
Vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'Etat, des propositions à la communauté française musulmane pour qu'une juste traduction de ce respect et de cette reconnaissance soit effectuée par l'exercice du devoir de mémoire. Néanmoins, ce n'est pas suffisant.
Vous me répondrez que les solutions ne relèvent pas de votre département ministériel. Pourtant, les harkis sont bien des anciens combattants, au même titre que les anciens combattants d'Afrique du Nord !
Le 5 octobre dernier, mon collègue Jean Faure était tout spécialement intervenu sur la situation des harkis rapatriés qui ont choisi l'option de la France sans pour autant bénéficier de conditions décentes de vie et d'intégration de la part de leur mère patrie, ce qui malheureusement, mais logiquement, a eu des répercussions sur les deuxième et troisième générations. Il vous avait demandé d'être notre porte-parole auprès de votre collègue du Gouvernement, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour que, dans ce projet de budget pour 2000, des mesures significatives puissent être prises en faveur des harkis rapatriés, d'une part, et de leurs enfants, d'autre part.
La France s'honorerait en faisant un geste significatif qui démontrerait sa reconnaissance à l'égard d'anciens frères d'armes qui ont été les grands sacrifiés de la guerre d'Algérie.
Je vous renvoie donc à l'excellente intervention de mon collègue Jean Faure, qui a su, avec beaucoup d'émotion, souvenons-nous en, défendre la cause des harkis rapatriés.
Le 27 octobre 1998, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, Mme Aubry avait précisé que « le Gouvernement est très sensible à la question de la réparation de l'injustice causée par l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et qu'il travaille à sa révision ». Or, nous constatons qu'à ce jour le dossier n'a pas eu de suite, laissant les personnes concernées dans un sentiment d'attente et de déception.
Nous vous demandons donc instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, d'intercéder auprès de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour que cette question soit réglée au plus vite.
De même, nous vous demandons d'insister auprès d'elle pour qu'elle accepte de ratifier l'avenant signé par l'UNEDIC le 12 mai dernier. Je veux, bien sûr, parler de la mesure visant à étendre le bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi, qui avait fait l'objet de l'article 121 de la loi de finances pour 1999 et qui n'est toujours pas entrée en application. Cette mesure, dont la portée est extrêmement modeste, aurait pu être financée par le fonds de solidarité.
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et, s'agissant de la mise en oeuvre de l'ARPE, d'un engagement pris devant tous les Français, il n'est pas normal qu'une mesure adoptée par la représentation nationale soit toujours bloquée, un an après.
S'agissant des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord, le projet de budget prévoit d'abaisser de quinze à douze mois la durée minimale de service en Afrique du Nord pour bénéficier de la carte du combattant et de la retraite. A ce sujet, je me permets de réitérer la demande du front uni des organisations nationales représentatives des anciens combattants, visant à obtenir l'application de l'accord intervenu le 22 octobre 1996 en matière d'attribution de la carte du combattant. Il était en effet convenu d'attribuer quinze points pour le Titre de reconnaissance de la nation, sept points pour la médaille commémorative et quatre points par trimestre de présence en Afrique du Nord dans le calcul des trente points exigés pour l'octroi de la carte. Cette disposition réglerait les injustices qui subsistent, malgré les mesures décidées ces dernières années, notamment en ce qui concerne les rappelés, parmi lesquels je figurais. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle suite envisagez-vous de réserver à cette demande ?
A l'évidence, l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant impose une nouvelle réflexion sur le Titre de reconnaissance de la nation. Comptez-vous étudier l'opportunité de son extension aux anciens combattants d'Afrique du Nord qui ont séjourné en Algérie en 1962 et 1964 ?
Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré les mesures décidées ces dernières années, les attentes majeures des anciens combattants d'Afrique du Nord ne sont toujours pas entièrement satisfaites.
La revendication relative à la retraite anticipée ne semble plus d'actualité, compte tenu du faible nombre de bénéficiaires. Toutefois, et à titre de compensation, le monde combattant souhaite bénéficier de la retraite du combattant à partir de soixante ans, par analogie avec la retraite professionnelle. Certes, le coût de cette mesure est important, mais la mise en oeuvre de celle-ci ne pourrait-elle être prévue par paliers, sur deux exercices ? Ne pourrait-on pas prévoir, dans le cadre du projet de budget pour 2000, d'accorder la retraite du combattant à partir de soixante-trois ans, par exemple ?
S'agissant de la campagne double, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même vous demandons si vous comptez, enfin, prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à cette inégalité devant la loi qui frappe les générations du feu qui ont combattu, en vertu du strict respect de l'égalité des droits.
Vous avez proposé de constituer un groupe de travail sur cette question, et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire connaître les récentes avancées de ces travaux. Avez-vous réellement la volonté de régler ce dossier et de convoquer une commission tripartite chargée de l'étude et du règlement de ce problème récurrent ?
Je me permettrai d'évoquer également, au nom de mes collègues, la question de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.
En effet, malgré l'accord intervenu en juin 1998 au sein de l'Entente franco-allemande, l'instruction des quelque 10 000 dossiers déposés traînait en longueur et retardait d'autant l'inscription des crédits budgétaires correspondants. Cette situation est difficilement acceptable, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'appeler votre attention tout particulièrement pour que l'indemnisation des jeunes d'Alsace et de Moselle incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes se mette en place de façon effective.
Cette indemnisation n'est possible que si les deux partenaires, à savoir la fondation Entente franco-allemande et l'Etat français, en assurent réellement et simultanément le financement. Le droit à réparation des anciens incorporés de force a été reconnu par l'Entente franco-allemande. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaiterions connaître vos intentions à cet égard.
Enfin, mes collègues et moi-même nous réjouissons de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 3 novembre dernier, d'un amendement tendant à revaloriser de 1,5 % au 1er janvier 2000 les pensions des plus grands invalides de guerre, pensions dont l'évolution avait été gelée entre 1991 et 1995.
Nous nous sommes donc félicités d'une telle décision. Cependant, il est bon de rappeler que l'écart né du gel de ces pensions est de l'ordre de 7 %. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que l'effort soit poursuivi, pour que la revalorisation soit totale dès l'an prochain.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l'Union centriste n'est pas très enclin à voter le budget des anciens combattants. Toutefois, mes collègues et moi-même nous en remettrons à l'avis de nos deux excellents rapporteurs, MM. Jacques Baudot et Marcel Lesbros, également membres du même groupe. Notre vote dépendra notamment de l'adoption de l'amendement présenté par notre collègue M. Lesbros, au nom de la commission des affaires sociales, et ayant pour objet d'apporter une première réponse à la question de la décristallisation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ma dernière question a trait au rapport Mingasson. Où en sommes-nous ? Vous êtes, je le sais, très attaché à l'effort de mémoire. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.) A cet égard, entendez-vous mettre en application les excellentes idées qui avaient été les vôtres, notamment dans les régions les plus touchées de l'Est de la France.
Je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu me porter et, par avance, des réponses que vous ne manquerez pas de donner à notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme dans le conte, je pourrais dire, lorsque j'examine ce projet de budget : « Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? »
M. Raymond Courrière. Vous étiez plus conciliant avec M. Juppé, à l'époque ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Michel Pelchat. Je n'ai pas changé de discours, monsieur Courrière. Vous pouvez reprendre le texte des interventions que j'ai prononcées, y compris à cette époque !
M. Jean Chérioux. Toujours le sectarisme !
M. Raymond Courrière. Ce sont des constatations !
M. Michel Pelchat. Non, me répondrait soeur Anne, je ne vois rien venir, si ce n'est, comme par le passé, la diminution des crédits du budget des anciens combattants, notamment de ceux qui sont consacrés aux anciens combattants des territoires d'outre-mer, ces tirailleurs sénégalais, marocains, algériens, malgaches, ces Vietnamiens, ces harkis, et j'en oublie, qui se sont battus sous la bannière française et qui ont autant de droits sur la France que les anciens combattants « français » que nous sommes.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, ces centaines de milliers de soldats ont donné leur vie pour la France, non seulement durant la Première et la Seconde Guerre mondiales, mais aussi au cours des aventures extérieures où la France a été engagée, comme en Indochine, ainsi que durant la guerre d'Algérie, que nous venons d'ailleurs enfin de reconnaître comme telle. Ces anciens combattants sont de moins en moins nombreux, mais ils demeurent les éternels oubliés de la reconnaissance française.
On parle pudiquement, depuis des années, de cristallisation des pensions de retraite et d'invalidité et de forclusion, alors que l'on devrait plutôt parler d'obstination dans le mépris. Le sang versé hier pour la France a pourtant la même valeur, que l'on soit ou non Français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez promis, lors de l'examen du précédent projet de budget et à plusieurs reprises au cours de l'année écoulée, notamment à moi-même, que la forclusion et la décristallisation des pensions feraient l'objet de toute l'attention de votre secrétariat d'Etat et que des mesures allaient être annoncées, notamment en faveur de la décristallisation des pensions des anciens combattants marocains et tunisiens. Voilà quelques semaines encore, lors de la discussion de votre projet de budget à l'Assemblée nationale, vous indiquiez que des mesures seraient annoncées par le Premier ministre à l'occasion de son déplacement au Maroc. Malheureusement, si le voyage a bien eu lieu, le Premier ministre n'a rien annoncé.
S'il est bien de faire défiler la garde présidentielle marocaine à l'occasion du 14 juillet, cela n'est certainement pas suffisant pour honorer ses anciens ; s'il est juste de décorer de la Légion d'honneur d'anciens tirailleurs sénégalais, cela ne saurait en aucun cas les aider matériellement à vivre, surtout lorsque cela intervient quatre-vingts ans après leurs faits d'armes. Les anciens combattants ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté française ont pourtant des droits sur la France, droits qui ne devraient faire l'objet d'aucun marchandage !
Alors que vous évoquez, monsieur le secrétaire d'Etat, des projets de construction d'un mémorial de l'annexion de fait de l'Alsace-Lorraine et le lancement d'une étude de faisabilité pour l'érection d'un mémorial du système concentrationnaire nazi dans le camp du Struthof, j'ose espérer que votre secrétariat d'Etat prendra, au cours des mois prochains, des mesures concrètes à l'intention de nos anciens combattants des territoires d'outre-mer, notamment des harkis, ces laissés-pour-compte qui, depuis trente-sept ans, souffrent au plus profond de leur être de ce mépris de la France, ce pays pour lequel ils ont choisi de se battre parce que c'était le leur !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez choisi, cette année encore, de réduire le montant de vos crédits de 2 % par rapport à l'an passé. Or, je note que si, les années précédentes, la baisse du budget des anciens combattants résultait de la seule diminution de la dette viagère, cette année, c'est la réduction des crédits consacrés au fonds de solidarité qui en est la cause.
Cette baisse de 450 millions de francs s'explique par la sortie progressive du dispositif des anciens combattants d'Afrique du Nord, dès lors qu'ils font valoir leurs droits à une pension de vieillesse à taux plein ou qu'ils atteignent leur soixante-cinquième année. Que n'avez-vous utilisé ces 450 millions de francs au bénéfice des anciens combattants de la France d'outre-mer ! C'eût enfin été, à leur égard, une marque de reconnaissance comme ils n'en ont jamais reçu.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget, comme le précédent et comme tous ceux de vos prédécesseurs, est un budget indigne. Alors que le Gouvernement nous a annoncé une bonne rentrée fiscale, je dirai même que votre budget est indécent vis-à-vis de ces soldats qui ont risqué ou donné leur vie pour la France, et à l'égard de leurs enfants et petits-enfants qui ont, eux aussi, choisi la patrie dite « des droits de l'homme. »
A ce propos, je vous invite, les uns et les autres, à vous référer à une émission diffusée par France Info le 11 novembre dernier. Certains des jeunes des banlieues qui étaient interrogés étaient les enfants de ressortissants de ces anciens territoires d'outre-mer. Vous prendrez conscience de ce qu'ils pensent de la reconnaissance que nous avons su témoigner à leurs parents et à leurs grands-parents. Une véritable reconnaissance pourrait peut-être, à l'heure où l'on parle tant d'intégration, aider à mener celle-ci à bien.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, les membres du groupe des Républicains et Indépendants, notamment Jean-Claude Carle, René Garrec et moi-même, ne voteront pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits consacrés aux anciens combattants pour l'année 2000 sont en baisse de 2 % par rapport à 1999. On doit le regretter, car, s'il est bien certain que le nombre des anciens combattants est actuellement inférieur à 500 000, de nouvelles obligations morales doivent être prises en compte.
Je me réfère essentiellement ici au devoir de mémoire collective. En effet, les récentes générations n'ont pas connu la dernière guerre mondiale, et ceux qui y ont participé sont de moins en moins nombreux pour en témoigner.
Il convient également d'encourager ce que vous avez appelé, monsieur le secrétaire d'Etat, le tourisme de mémoire, par une concertation entre l'Etat, les régions et les départements, pour le développer dans le Nord, la Marne, la Champagne, l'Alsace et autres régions de batailles, sur des sites où se sont déroulés des événements mémorables. La mémoire constitue en effet le meilleur hommage qui puisse être rendu à tous ceux qui ont accepté de se sacrifier pour la cause commune de notre pays. Ainsi, les héritiers de ceux qui ont combattu préserveront les valeurs de la République et les légueront aux futures générations.
Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la création de la nouvelle direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, que vous venez de doter d'un crédit de 9 millions de francs. De plus, une sous-direction de la mémoire est destinée à mettre en oeuvre le partenariat avec le monde associatif.
Dans la politique que suivra cette direction, de nombreux axes me paraissent devoir être encouragés.
D'abord et avant tout, une action pédagogique coordonnée doit être menée avec le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie pour que le corps enseignant et les manuels scolaires relatent fidèlement les événements militaires passés et en tirent toutes les leçons. La présence d'élèves aux grandes cérémonies commémoratives de notre histoire, celles du 11 novembre en particulier, est tout à fait souhaitable, tant devant les monuments aux morts que dans les cimetières militaires.
Je souhaiterais, ensuite, évoquer l'aide aux anciens combattants nécessiteux. La meilleure formule me paraît être d'accroître le crédit social, qui, cette année, sera doté de 5 millions de francs supplémentaires.
Les contraintes budgétaires ne permettent de disposer que de moyens relativement limités. Aussi, plutôt que de procéder à un saupoudrage peu significatif pour certains bénéficiaires qui n'ont pas un réel besoin de cette mesure, qui correspond à une légère augmentation de la pension actuelle, à hauteur de 2 800 francs par an, serait-il à mon sens préférable de réserver les montants disponibles au traitement des cas sociaux les plus difficiles. Les structures départementales de l'office national des anciens combattants sont tout à fait aptes à s'occuper de la répartition de ces aides d'urgence, en plein accord avec les conseils généraux, gestionnaires de l'aide sociale, qui seront déchargés du financement des aides maladie départementales grâce à la mise en oeuvre de la nouvelle couverture maladie universelle. Une telle décentralisation paraît tout à fait souhaitable.
Je me réjouis, par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, de la modification, adoptée à l'unanimité par les deux chambres du Parlement, relative au remplacement de l'appellation « opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord » par celle de « guerre d'Algérie », qui correspond tout à fait à la réalité. Il convient maintenant que le mémorial national de cette guerre soit érigé dès que possible à Paris pour être inauguré en 2002, de préférence le 19 mars, date du quarantième anniversaire de la fin des hostilités.
M. Rémi Herment. Mais non !
M. Hubert Durand-Chastel. J'en arrive maintenant aux voeux émis par la commission des anciens combattants du Conseil supérieur des français de l'étranger, le CSFE, et approuvés lors de la dernière session plénière de celui-ci. Le droit d'accès à la nationalité française au titre du « sang versé » a été reconnu aux légionnaires par l'Assemblée nationale, et devrait l'être aussi par le Sénat dans quelques jours.
Le CSFE a également demandé une importante réévaluation des pensions pour les anciens combattants de l'armée française originaires de l'ex-Indochine. Cette pension est actuellement de 103,62 francs par an. Je dis bien 103,62 francs par an ! Nous sommes loin des 2 800 francs annuels accordés en France.
Enfin, le CSFE a souhaité que le versement des pensions et retraites aux anciens combattants algériens puisse être fait en France, sur leur demande, au taux appliqué en métropole. Je conclurai en vous demandant, monsieur le secrétaire d'Etat, d'accélérer la revalorisation des pensions des grands invalides de guerre, lesquelles avaient été gelées précédemment.
Pour toutes ces raisons et eu égard à l'insuffisance des mesures proposées, je ne voterai donc pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget des anciens combattants pour 2000, qui ne soutient pas assez ceux qui ont défendu la patrie. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous sommes tous félicités du vote unanime de la loi requalifiant les événements en Afrique du Nord, et, à cette occasion, j'avais précisé que la reconnaissance morale allait bien évidemment de pair avec une reconnaissance matérielle.
C'est donc avec une certaine impatience que nous attendions l'examen de ce projet de budget, lequel, hélas ! affiche une fois encore, et je dirai même une fois de trop, une baisse de 2 %.
Je connais les arguments pouvant expliquer cette diminution. Toutefois, ils ne sont pas acceptables, car fonder cette diminution sur la baisse du nombre des anciens combattants me semble quelque peu indécent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne doutons pas de votre volonté d'aller de l'avant, mais les mesures que vous proposez en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord sont nettement insuffisantes, et ce uniquement par manque de moyens.
Ainsi, les crédits alloués aux fonds de pension destinés aux anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs de longue durée et âgés de plus de cinquante-sept ans sont en baisse de 28 %. Cette diminution s'explique par la sortie progressive du dispositif des ayants droit.
Aujourd'hui, certains anciens combattants d'Afrique du Nord sont dans une situation financière dramatique. Il eût été plus que légitime, monsieur le secrétaire d'Etat, que les 1,5 milliard de francs qui disparaissent de votre budget soient redéployés en leur faveur.
En effet, certains d'entre eux perçoivent une retraite professionnelle extrêmement modeste, du fait d'une carrière bien souvent écourtée par le chômage, hélas !
Aujourd'hui, il est inacceptable de laisser ces crédits disparaître. Je demande, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom des associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord, que ces crédits soient redéployés dès cette année en faveur de ceux-ci, notamment quand le montant de leur retraite est insuffisant.
De plus - et vous le comprendrez - je m'associe aux revendications de ces associations s'agissant de l'attribution de la carte du combattant. Le projet de loi de finances ramène de quinze mois à douze mois la durée de présence exigée, mais cela ne règle pas le cas des rappelés. Il est par conséquent impératif d'appliquer l'accord du 22 octobre 1996. Cette mesure mettrait enfin un terme aux injustices qui subsistent, en particulier en ce qui concerne les rappelés.
J'ai été surprise par les propos que vous avez tenus, lors des débats à l'Assemblée nationale, relatifs à votre projet de budget, s'agissant de l'attribution du Titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963.
Je vous rappelle que bon nombre d'associations demandent que ce titre soit accordé aux militaires qui ont servi en Algérie jusqu'au 1er juillet 1964, puisque la médaille commémorative des opérations dites de « sécurité et de maintien de l'ordre » a été décernée jusqu'à cette date.
A l'Assemblée nationale, vous avez repoussé l'amendement qui tendait à délivrer le Titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963 ; c'est dommage ! Vous avez, en revanche, précisé que vous envisagiez cette possibilité. Vous l'envisagez seulement, monsieur le secrétaire d'Etat ? Alors, à quand la décision !
Vous voulez remettre à plat l'ensemble du dispositif et vous vous êtes engagé à le faire dès janvier. Le Gouvernement a décidément, hélas ! la fâcheuse habitude d'annoncer, particulièrement cette année, de nombreuses mesures pour l'année suivante sans que, évidemment, elles apparaissent dans le budget. Nous ne sommes plus à un mois près, monsieur le secrétaire d'Etat ! Pourquoi, dans ces conditions, n'avoir pas inclus dans ce budget vos projets quant au Titre de reconnaissance de la nation ? Comme je l'ai dit récemment au ministre délégué à la ville, à quoi sert-il de voter des crédits sans en connaître les véritables objectifs ?
Vous n'êtes pas favorable au versement de la retraite du combattant dès l'âge de soixante ans. Pourtant, ce serait une bien modeste compensation au regard du refus de la retraite anticipée.
Vous avez néanmoins pris l'engagement que les dossiers en suspens seraient réglés, et nous vous savons attaché au respect de votre parole. Je tiens à préciser que nous serons tous très vigilants quant au respect de ces engagements, dans la mesure où aucun d'entre eux n'apparaît ici de façon concrète.
Je voudrais m'arrêter quelques instants sur la situation des anciens combattants originaires de pays devenus indépendants, qui ont combattu pour la France et dont les pensions sont « cristallisées », comme l'ont rappelé nombre de nos collègues. Le Premier ministre devait annoncer des décisions à ce sujet lors de son récent voyage au Maroc ; il n'en a, hélas ! rien été.
Ces anciens combattants ne perçoivent parfois que 350 francs par mois pour vivre et, à condition toutefois de résider sur le territoire français, ils peuvent prétendre au RMI, au minimum vieillesse et à l'allocation logement.
Le transfert du tribunal des pensions de Bordeaux à Caen ne change rien au fond du problème, et notre reconnaissance ne pourra se manifester qu'en leur permettant de toucher une pension décente tout en restant vivre dans leur pays, auprès de leur famille.
Vous avez, là encore, proposé d'engager une réflexion à ce sujet, ce dont je vous félicite. Mais il est regrettable que vous vous arrêtiez au seul problème du coût budgétaire pour répondre à cette question.
Comme beaucoup avant moi l'ont souligné, la revalorisation des pensions pourrait se faire progressivement, et nous ne pouvons que regretter qu'aucune mesure ne soit prévue dans le projet de budget à ce sujet. Donner aux anciens combattants métropolitains les moyens d'une vie décente ne me semble vraiment pas être un sacrifice énorme.
Je voudrais également dire quelques mots sur la situation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes. La fondation Entente franco-allemande a accordé une indemnité d'un montant de 9 100 francs aux incorporés de force dans l'armée allemande. Le certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes ne procure aucun avantage financier. Aujourd'hui, le recensement des personnes concernées est clos, et nous attendons tous que des crédits soient débloqués dès que sera connu le nombre de personnes pouvant prétendre à cette indemnité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne saurais vous dire combien je déplore que les crédits alloués à votre secrétariat d'Etat pour 1999 ne soient pas reconduits pour 2000. Il est fort dommage que les excédents de la croissance ne profitent pas, en tout cas, à cette noble cause. Il est donc urgent d'améliorer les droits des anciens combattants pour répondre à leurs légitimes revendications.
La France ne saurait continuer à les traiter de la sorte : ils ont des droits, des droits légitimes, car ils ont fait face, eux, à leurs devoirs.
Par conséquent, le projet de budget étant loin de répondre aux attentes des associations d'anciens combattants, attentes qui sont également les nôtres : il nous sera impossible de voter pour un budget si peu ambitieux. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention se situera dans le prolongement de celle de notre collègue Gisèle Printz.
Je considère, comme elle, que le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, va dans le bon sens et qu'il permettra de poursuivre et de renforcer l'action que vous avez engagée depuis 1997 en faveur des anciens combattants. Il constitue une nouvelle étape et comporte de nouvelles avancées.
Pour bien l'apprécier, il faut déjà bien mesurer les changements qui sont intervenus. Il y a eu ainsi un changement majeur depuis l'année dernière. Nous avions tous exprimé, à cette tribune, nos préoccupations, nos inquiétudes même ; en effet, la diminution naturelle du nombre des ressortissants faisait craindre que la pérennité de votre département ministériel et de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre ne soit pas assurée. Dans un contexte délicat, vous avez su conduire une grande réforme « grace à la confiance et au soutien du monde combattant », ainsi que vous le dites.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. De fait, votre département ministériel est maintenant adossé au ministère de la défense. Le secrétariat d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, possède ainsi son propre budget ; il assure et garantit la gestion des intérêts moraux et matériels des anciens combattants et pérennise l'ONAC.
Nous sommes rassurés et satisfaits que le monde combattant ait un interlocuteur gouvernemental privilégié et que vous soyez, monsieur le secrétaire d'Etat, cet interlocuteur.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Dans votre projet de budget, une nouvelle impulsion, un « nouvel élan », pour reprendre vos propres termes, est donné à l'ONAC, qui disposera de 36 millions de francs supplémentaires pour développer des actions sociales individualisées et venir ainsi en aide aux ressortissants les plus démunis : veuves, anciens combattants sortant du fonds de solidarité, ressortissants les plus âgés. Il faut apprécier aussi que des travaux de mise en conformité et d'amélioration du cadre de vie des maisons de retraite puissent être effectués rapidement. Les besoins dans ce secteur sont, nous le savons bien, considérables.
Un autre changement majeur est intervenu depuis l'année dernière : trente-sept ans après la fin du conflit, la guerre d'Algérie et les combats en Tunisie et au Maroc ont été, enfin, officiellement reconnus. Le vote du Sénat, le 5 octobre dernier, a été unanime, comme l'avait été celui de l'Assemblée nationale. Le texte était, certes, d'origine parlementaire, mais nous savons bien la part que vous avez prise, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que, finalement, il soit voté.
Bien sûr, cette loi a une portée symbolique, morale et éthique dont nous mesurons tous l'importance, mais elle ne pouvait pas se traduire en termes budgétaires, pour ne pas réduire sa portée historique.
Cette loi étant votée et la guerre d'Algérie reconnue sans l'ombre d'une restriction, on peut maintenant se demander si les anciens combattants d'Algérie, de Tunisie et du Maroc sont bien reconnus dans la plénitude de leurs droits.
En fait, un certain nombre de questions demeurent, par exemple, au sujet de la carte du combattant. Vous le savez bien, puisque vous abaissez de quinze à douze mois la durée minimale de service en Afrique du Nord pour pouvoir en bénéficier. C'est une nouvelle avancée qui est accueillie très favorablement par les anciens d'AFN.
Reste toutefois à régler le problème des rappelés. Les rappelés de 1956 n'ont effectué que six mois. Ils n'étaient pas tous dans des unités combattantes, mais ils ont pu participer, d'une manière ou d'une autre, à des opérations et, de toute façon, c'était la guerre, une guerre omniprésente, même là où l'on ne s'en méfiait pas. Il faudrait sans doute, pour ces rappelés, instituer un système de points.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. Se pose aussi le problème du Titre de reconnaissance de la nation, qui n'est attribué que jusqu'au 2 juillet 1962, alors que la médaille commémorative a été décernée jusqu'au 1er juillet 1964. Or, chacun le sait, des soldats ont été blessés ou tués bien au-delà du 2 juillet 1962 et la mission de ceux qui sont restés était bien le maintien de la paix, et ce, comme pour d'autres missions qui se sont déroulées par la suite.
Au regard de cette réalité historique et de cette dimension humaine, ne peut-on envisager l'extension du titre de reconnaissance de la nation jusqu'au 1er mars 1963, date à laquelle le service historique de l'armée de terre a recensé le dernier soldat tombé au combat ? Le coût de cette mesure est faible - un million de francs - mais elle aurait un effet psychologique très important.
L'année dernière, le Sénat et l'Assemblée nationale ont adopté une autre mesure à caractère largement symbolique, l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. Ce dispositif devait permettre aux anciens d'Afrique du Nord de quitter l'entreprise dès cinquante-huit ans s'ils remplissaient certaines conditions, et ce même en cas de refus de l'employeur.
C'était une mesure très importante sur le plan du principe. C'était aussi une forme de solidarité et de justice. Je regrette et déplore, pour ma part, que ce dispositif n'ait pas pu s'appliquer du fait de l'attitude inacceptable du MEDEF, le Mouvement des entreprises de France, qui n'a pas voulu y participer.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial. Oh !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Toujours au sujet de la guerre d'Algérie, permettez-moi d'évoquer le projet de construction à Paris d'un mémorial national, qui aurait aussi une valeur symbolique forte. Ce projet n'avance qu'avec beaucoup de lenteur et de difficultés. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est ce dossier ? Pouvez-vous préciser son calendrier ? Pouvez-vous confirmer que l'inauguration aura lieu en 2002 ?
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit notre collègue Gisèle Printz sur le problème difficile de la cristallisation des pensions des anciens combattants originaires des anciennes colonies ou protectorats. Il faut trouver une avancée, sans doute en termes de pouvoir d'achat, et envisager une mesure équitable pour ces anciens combattants qui ont combattu pour la France, particulièrement pour ceux du Maghreb et des anciens pays de l'Indochine, qui comptent actuellement parmi les plus défavorisés.
Je voudrais insister, comme ceux qui m'ont précédé à cette tribune, sur la situation des grands et très grands invalides, dont la pension a été gelée depuis 1991. Il y a là quelque chose de profondément choquant et il est impératif de procéder à un rattrapage moral et matériel. C'est le dernier acte de justice qu'ils attendent !
L'augmentation de leurs pensions, que vous prévoyez, est un premier pas, mais il ne suffit pas. S'il n'est pas possible d'effectuer ce rattrapage en une seule année, il faudrait qu'il puisse être achevé d'ici à 2001. Cette mesure concerne mille personnes à peine, certaines d'entre elles ne pouvant survivre sans l'aide de deux auxiliaires.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux saluer l'action que vous menez pour la mémoire et la citoyenneté.
La création d'une grande direction de la mémoire, du patrimoine et des archives s'inscrit dans la perspective d'un « grand ministère de la mémoire » contribuant, conformément aux nouvelles attributions du secrétariat d'Etat, à l'enseignement de l'esprit de défense et à l'indispensable sensibilisation des jeunes générations à l'Histoire.
Le dispositif « emplois-jeunes mémoire » que vous avez créé commence à donner des résultats. Votre projet de budget permettra de le renforcer ; il comporte, de plus, des mesures nouvelle en faveur des actions de mémoire et d'information historique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans l'esprit de beaucoup, l'année 2000 est la première année d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire. Le xxe siècle a été atroce : deux guerres mondiales, des génocides, des abominations auxquelles ont conduit le racisme, le fascisme, des discriminations basées sur la nationalité, la religion, l'origine ethnique !
L'assemblée générale des Nations unies a proclamé l'an 2000 « Année internationale de la culture de la paix ». Il faut que des initiatives fortes soient prises, à l'échelle nationale et mondiale, pour transformer enfin la culture de la guerre et de la violence en une culture de la paix et de la non-violence.
Je suis persuadé, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre département ministériel participera très activement aux initiatives qui seront prises pour promouvoir cette culture de la paix en direction de la jeunesse, qui, comme vous le dites, « doit se sentir l'héritière de ceux qui ont combattu pour préserver les valeurs de la République ».
En tout cas, le groupe socialiste vous apportera tout son soutien pour mener à bien votre tâche. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget pour 2000, dernier budget d'un siècle marqué par trop de guerres, se doit de répondre au devoir de solidarité et de mémoire. Il doit refléter l'effort fait par la nation pour rendre l'hommage mérité aux anciens combattants, d'autant que la conjoncture plutôt favorable s'y prête.
En francs constants et à périmètre constant, le budget a baissé de 2 % par rapport au budget précédent, qui enregistrait déjà la même évolution.
Vous nous direz, monsieur le secrétaire d'Etat, que la baisse des crédits reste inférieure à celle du nombre de ressortissants - elle devrait atteindre 4 % en l'an 2000 - et même légèrement inférieure aux baisses constatées les années précédentes. C'est exact. Marquées chaque année par la triste mais inéluctable diminution des parties prenantes, les évolutions du budget doivent beaucoup au poids du facteur démographique : ce sont en effet entre 700 millions et 900 millions de francs de crédits qui disparaissent par le seul effet de la baisse du nombre d'allocataires.
Je ne saurais, par ailleurs, critiquer une diminution budgétaire liée à la baisse des effectifs du secrétariat d'Etat, bien au contraire. Je n'ai jamais considéré qu'une bonne gestion ministérielle soit appréciée en fonction et au prorata des augmentations de crédits obtenues chaque année dans les arbitrages.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Marcel-Pierre Cléach. Mais, une fois encore, ce budget semble jouer avec le temps, comptant sur ce dernier pour satisfaire les revendications en rendant sans objet le droit à réparation. Ni le monde ancien combattant ni la représentation nationale ne peuvent entériner une telle stratégie. C'est pourquoi il nous faut aussi réfléchir sur la régulation budgétaire à mettre en oeuvre. En effet, si la diminution du nombre des anciens combattants doit logiquement donner lieu à une baisse des crédits, elle doit aussi se traduire par un redéploiement qualitatif. Nous avons beaucoup de propositions à vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il faut ausi améliorer la consommation des crédits, même si ce problème récurrent tend à prendre une moindre ampleur, afin d'utiliser toutes les marges de manoeuvre existantes pour satisfaire, si ce n'est de façon définitive, au moins de manière appréciable, les principales revendications du monde ancien combattant.
Pour porter une appréciation globale sur votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai qu'il apporte des améliorations partielles tout en laissant en suspens de nombreuses demandes du monde combattant.
J'aborderai, d'abord, les points positifs et les mesures nouvelles.
Comme beaucoup de mes collègues, monsieur le secrétaire d'Etat, je salue l'élan que vous avez su donner à la politique de la mémoire. Les crédits budgétaires qui y sont affectés, désormais inscrits dans le budget du ministère de la défense, augmentent de 18 % pour atteindre 74 millions de francs, à quoi il convient d'ajouter 9 millions de francs dans le cadre des contrats de plan Etat-région, je note avec satisfaction la volonté d'affecter des moyens supplémentaires à l'entretien des sépultures, car, trop souvent, cette charge est laissée au seul budget des communes.
L'ONAC m'apparaît plutôt bien traité puisque ses crédits de fonctionnement augmentent ; il retrouve ainsi les moyens qui lui avaient été retirés dans un passé récent, et sa subvention pour l'action sociale est augmentée de 5 millions de francs, afin de permettre un renforcement de son action sociale de proximité.
Mais se pose avec acuité le problème des maisons de retraite, dont plusieurs ont d'ores et déjà cessé leur activité ou doivent fermer. Il est à craindre que le crédit de 8 millions de francs destiné à leur mise aux normes ne soit insuffisant.
Votre budget comporte aussi deux mesures nouvelles qui répondent en partie aux attentes des anciens combattants.
Première avancée, l'attribution de la carte du combattant pour douze mois de présence au lieu de quinze mois. Ainsi, 15 millions de francs ont été crédités au titre de l'article 15. Mais cet assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant ne règle pas la situation des rappelés en Tunisie, en Algérie et au Maroc, qui n'ont pas effectué ces douze mois. Ce point a été souligné également par la plupart de mes collègues, notamment par mon prédécesseur à cette tribune. Peut-être conviendrait-il, pour résoudre ce problème, de reprendre la proposition ministérielle du 22 octobre 1996 faite par votre prédécesseur.
Le deuxième point positif est à la revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste. L'article 66 permet le relèvement de la rente mutualiste de 100 à 105 points, faisant ainsi passer son plafond de 7 993 francs à 8 553 francs, soit une progression annuelle de 560 francs. Je vous donne acte, monsieur le secrétaire d'Etat, du fait que le plafond a été régulièrement augmenté. Néanmoins, ce relèvement reste insuffisant pour parvenir aux 130 points, niveau unanimement souhaité par les associations d'anciens combattants, avant la fin de la législature.
A ces dispositions, il convient d'ajouter les 30 millions de francs de crédits supplémentaires alloués lors de l'examen du budget en première lecture devant l'Assemblée nationale, qui ont permis un saupoudrage, souvent insuffisant, de subventions sur différents postes budgétaires.
En revanche, il nous faut revenir, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le gel inadmissible des pensions des grands invalides de guerre. Cette disposition entache l'esprit de tout budget des anciens combattants, qui se doit de faire du droit imprescriptible à une juste réparation sa philosophie.
Alors que l'écart lié au gel intervenu entre 1992 et 1995 est de l'ordre de 7 %, l'amendement adopté avec votre avis favorable par l'Assemblée nationale revalorise uniquement de 1,5 %, à compter du 1er janvier 2000, les pensions des plus grands invalides.
Nous jugeons cette amorce de revalorisation très insuffisante. C'est pourquoi j'ai présenté un amendement visant à compenser intégralement, dès 2000, les conséquences de ce gel.
C'est un amendement de principe, je dirai même un amendement d'éthique, tant il est vrai que nous devons établir une hiérarchie dans le traitement des problèmes qui restent en suspens, et que notre devoir commun, au titre de la réparation, au titre de la mémoire, est de contribuer sérieusement à l'amélioration du sort de nos grands invalides. C'est véritablement, monsieur le secrétaire d'Etat, une question d'éthique, un problème moral. Faisons-le, faites-le, monsieur le secrétaire d'Etat, avant qu'il ne soit trop tard !
Par ailleurs, chaque année nous attirons l'attention du Gouvernement sur la situation des veuves, veuves d'invalides, veuves de guerre et veuves d'anciens combattants. Cette année encore, le Parlement a dû attendre les aménagements de dernière minute pour remédier aux difficultés les plus criantes : la rallonge budgétaire accordée lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale va enfin permettre l'indemnisation des quelque cent cinquante veuves des patriotes résistant à l'Occupation, ainsi qu'une augmentation de 5 millions de francs des crédits de l'ONAC en faveur des veuves. C'est un geste, mais il reste insuffisant au regard de cette situation très préoccupante. Vous vous êtes engagé à remettre à plat le régime légal existant, et je sais que c'est difficile. J'espère que cette réforme pourra être financée l'an prochain par un redéploiement important des crédits.
Malgré ces dispositions nouvelles et cette rallonge budgétaire, de nombreuses difficultés subsistent sans connaître de début de solution.
Au premier rang de ces difficultés, je relèverai le problème de la cristallisation des pensions servies aux anciens ressortissants des pays antérieurement placés sous la souveraineté française. En effet, en dépit de vos engagements et de votre déclaration du 14 juillet dernier, le dossier n'a guère avancé : nous avons seulement l'annonce de la création d'un groupe d'étude et de réflexion !
La France - l'ensemble des orateurs l'ont souligné - a contracté une dette morale à l'égard de ces combattants, il convient de ne pas l'oublier. Or, les anciens combattants de ces pays ne peuvent bénéficier ni de l'évolution des taux ni de la réversion aux ayants droit, comme les pensionnés français.
Pour traiter ce problème, je pense comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut raisonner en termes de pouvoir d'achat. A ce titre, la priorité doit être donnée aux pays du Maghreb et au Vietnam, où le pouvoir d'achat des pensions cristallisées est significativement inférieur au pouvoir d'achat des pensions françaises. Vous ne pouvez vous contenter de nous répondre en nous renvoyant à l'attitude adoptée par le Royaume-Uni, la grandeur de notre pays résidant aussi dans la pérennisation du lien avec ceux qui l'ont soutenu à des moments difficiles de son histoire. C'est dire si nous attendons avec impatience vos propositions sur ce point.
L'allocation de remplacement pour l'emploi, dispositif de préretraite volontaire, n'a pas été mise en application dès 1999, alors qu'elle avait été votée lors du précédent budget. Il n'est pas admissible qu'une mesure adoptée par la représentation nationale soit toujours bloquée un an au plus tard et que les crédits correspondants soient reportés, Mme Aubry n'ayant toujours pas délivré l'agrément nécessaire à l'application de l'avenant signé par les partenaires sociaux le 12 mai dernier, alors qu'il existe de nombreuses demandes en instance.
Le fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du Nord et d'Indochine est en régression en raison de la sortie du dispositif de nombreux allocataires. Il y a donc là matière à un redéploiement de crédits vers de nouvelles actions de solidarité.
Il est également nécessaire de rendre plus lisible le rapport constant, afin que les intéressés puissent avoir une connaissance précise de leurs droits et de leur évolution. Nous espérons que les réflexions menées sur ce point en concertation avec les associations d'anciens combattants déboucheront rapidement sur un projet de loi.
Il vous est, par ailleurs, souvent demandé d'augmenter la retraite des anciens combattants. J'avoue, monsieur le secrétaire d'Etat, que la situation des grands invalides, que j'évoquais tout à l'heure, m'apparaît beaucoup plus prioritaire et que, s'il y a lieu de procéder à un redéploiement des crédits, cette priorité me semble devoir être respectée, les anciens combattants eux-mêmes devant faire preuve d'une solidarité absolue à l'égard de ceux d'entre eux qui sont dans cette situation difficile.
La promesse de mettre en place la retraite anticipée, souvent faite à droite comme à gauche, n'a jamais été tenue pour des raisons financières. Du fait de l'évolution démographique, cette revendication a perdu de son acuité puisqu'aujourd'hui le nombre de bénéficiaires serait inférieur à 5 %. Pour compenser cet engagement non tenu des gouvernements successifs, les anciens combattants demandent l'attribution de la retraite du combattant dès soixante ans au lieu de soixante-cinq ans actuellement. Il serait nécessaire, si ce n'est déjà fait, d'étudier le coût de cette disposition pour voir si, raisonnablement, satisfaction peut leur être donnée.
Autre point d'inquiétude pour les anciens combattants, la fragilité de la situation financière de l'Institution nationale des invalides. En effet, la faible augmentation des crédits de fonctionnement ne permettra probablement pas de couvrir l'augmentation des frais due à la diminution des effectifs médicaux liée à la fin du service national obligatoire. Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, cette faiblesse de votre budget, mais sans proposer de remède.
Concernant la carte de combattant volontaire de la résistance, vous avez déclaré qu'« aucun dossier de carte de CVR ne serait plus classé sans suite en raison de la non-conformité des témoignages », aucune homologation des services par l'autorité militaire n'étant plus exigée. Nous espérons donc voir les dossiers trop longtemps restés en suspens rapidement réglés.
Enfin, comme Mme Printz, j'évoquerai l'indemnisation des anciens du RAD-KHD, qui constitue l'un des derniers contentieux de la Seconde Guerre mondiale à n'être toujours pas réglé. Pourtant, la fondation Entente franco-allemande est prête à verser une indemnisation correcte et le Gouvernement, par votre voix, s'était engagé à y participer. Vous nous avez déclaré, lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, que vous n'aviez pas été en mesure de dégager des crédits budgétaires suffisants. Cette situation ne saurait perdurer. Il conviendrait d'inscrire dès cette année des crédits pour régler au plus vite la question de l'indemnisation des quelque 10 000 dossiers de personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires allemandes, dont l'instruction traîne en longueur, alors qu'un accord est intervenu en juin 1998.
Enfin, comme l'an dernier, et comme nombre de mes collègues, je me dois d'attirer votre attention sur le problème des troubles psychotraumatiques d'apparition différée. Il reste indispensable que soit modifiée la circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992, qui trahit la lettre et l'esprit de ce décret. Allez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, modifier cette circulaire ?
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Je vais même l'annuler !
M. Marcel-Pierre Cléach. Enfin, rappelons que 1999 est une année importante pour le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, puisque ce dernier, né en 1920, a été rattaché, cette année, au ministère de la défense. Cette réforme des structures ministérielles s'est traduite par une intégration des services du secrétariat d'Etat chargé des anciens combattants au sein du ministère de la défense. Elle a entraîné une modification de la nomenclature budgétaire, rendant un peu plus opaque la lecture du budget. Mais, par ailleurs, la concertation menée par les associations d'anciens combattants a permis une mise en place satisfaisante de la réforme.
Il n'en reste pas moins, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, que la représentation nationale et l'ensemble des associations d'anciens combattants resteront vigilantes quant au maintien d'un interlocuteur de rang gouvernemental et d'un budget autonome individualisé, ainsi qu'à la pérennisation de l'INI et de l'ONAC, afin que les services de proximité existant dans les départements puissent poursuivre leur action.
Pour conclure, je voudrais rappeler que cette session a été ouverte avec l'adoption, à l'unanimité, de la loi portant reconnaissance de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce geste unanime, qui honore le Parlement, et nous féliciter des mesures récemment annoncées pour les harkis.
Mais reste en suspens la question de la date de commémoration du souvenir de la guerre d'Algérie, date sur laquelle les différentes parties continuent à s'opposer, malheureusement violemment.
Avec mon collègue Lucien Neuwirth et la quasi-totalité des sénateurs membres du groupe d'étude des sénateurs anciens combattants, nous avons proposé de retenir comme date de commémoration le 18 octobre, date de la promulgation de la loi reconnaissant la guerre d'Algérie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Nous ne sommes pas d'accord !
M. Marcel-Pierre Cléach. J'espère vivement que cette proposition sera de nature à rallier le plus grand nombre d'anciens combattants, malheureusement engagés dans une contestation fratricide à cet égard.
Pour en revenir au budget, et m'exprimant à titre personnel, je tiendrai compte de vos réponses aux questions posées par mes collègues et par moi-même pour me déterminer, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. Courrière.
M. Raymond Courrière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues : « Notre siècle s'achève. Un siècle d'épreuves pour la France combattante, qui a su défendre et faire prévaloir ses valeurs. Rendre hommage aujourd'hui à toutes celles et à tous ceux qui ont accepté que leur destin individuel s'efface devant le destin collectif de la France, c'est donner en exemple leur histoire, qui est notre histoire. »
Telle est la teneur de votre message, monsieur le secrétaire d'Etat, lors des cérémonies du 11 novembre dernier, message que je fais mien, aujourd'hui, à l'occasion de la discussion des crédits de votre département ministériel.
Cet hommage passe par le renforcement de la solidarité de notre nation avec ses anciens combattants, par la reconnaissance de la France envers ceux qui lui ont tout donné, par une politique de la mémoire tournée vers la jeunesse, politique toujours plus ambitieuse et permettant d'affirmer les valeurs de la République, et par un soutien accru aux actions de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Un siècle s'achève en instituant un secrétariat d'Etat à la défense chargé des anciens combattants et en rassurant le monde combattant que leur mémoire sera préservée, en reconnaissant l'état de guerre en Algérie, en somme en donnant le nom de guerre à une guerre sans nom.
Ce projet de budget se caractérise par des avancées importantes, bien qu'il puisse ête perfectible sur un certain nombre de points.
Ce projet renforce les actions de proximité de l'ONAC. Les conditions d'attribution de la carte du combattant ont été de nouveau assouplies, le budget prévoit l'abaissement de quinze à douze mois de la durée minimale de service en Afrique du Nord afin de bénéficier de la carte du combattant. Cette mesure est la poursuite d'un processus déjà engagé. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'avoir proposée.
Il faut également souligner la revalorisation de 2 % de la retraite du combattant et le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste, porté de 100 à 105 points.
Je me réjouis de voir également 31,8 millions de francs de mesures nouvelles destinées à améliorer l'accueil dans les services départementaux, le renforcement de l'action sociale pour les anciens combattants les plus défavorisés, l'amélioration de la qualité de l'hébergement dans certaines maisons de retraite.
Au-delà de ces mesures significatives, il reste encore, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques contentieux. Chacun ici, connaît bien les revendications que portent avec un courage et une grande pugnacité qui les honorent les associations représentatives du monde combattant.
Parmi ces revendications, je souhaite insister sur l'extension du Titre de reconnaissance de la nation au 1er mars 1963, date à laquelle le service historique de l'armée de terre a recensé le dernier soldat tombé au combat. Le coût de cette mesure a été chiffré à 1 million de francs.
Je voudrais également insister sur la décristallisation des pensions des anciens combattants de notre ancien empire colonial. A cet égard, je rappelle à certains que cette cristallisation remonte à une époque où la gauche n'était pas au pouvoir. Il est urgent que la République mette un terme à une situation d'injustice insupportable. De même, il est urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, de trouver une solution à la mesure concernant l'ARPE que nous avions votée, ici, l'année passée, et qui aujourd'hui reste inapplicable.
Enfin, prolongeant l'intervention de ma collègue Gisèle Printz, que je salue, je dirai que l'indemnisation des anciennes et des anciens incorporés de force dans le RAD et le KHD reste un dossier sensible qui doit trouver une solution rapide.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je connais votre attachement à ces dossiers, et nous avons pu apprécier le travail effectué depuis trois ans. D'ailleurs, s'agissant d'un ancien sénateur, comment n'en serait-il pas ainsi ? (Sourires.)
Je sais que les remarques faites sur votre budget tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat ont retenu toute votre attention. Il en va du respect de ceux qui ont combattu, quel que soit le combat, pour sauver notre pays ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais répondre maintenant aux questions que vous avez posées ; mais cela ne signifie pas, naturellement, que je donnerai satisfaction à chacun d'entre vous ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Je le regrette bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. S'agissant des appréciations générales portées sur le projet de budget pour 2000, les mesures nouvelles s'élèvent à 121 millions de francs compte tenu d'une déclaration que je ferai ultérieurement, à quoi il faut ajouter les crédits qui figureront dans les contrats de plan Etat-région - c'est vrai, ils se développeront sur une certaine période - et qui concerneront principalement le devoir de mémoire, le tourisme de mémoire et le rappel des valeurs de la République, organisé autour de l'histoire combattante du xxe siècle.
S'agissant de la gestion des crédits, monsieur Cléach, je crois qu'elle s'améliore, puisque le taux de consommation tourne autour de 99 %. On peut donc parler d'une certaine rigueur de la gestion, pour ne pas dire davantage.
Quels sont les points forts de ce budget et de la politique qui est menée depuis deux ans et demi ?
Le premier est le pan consacré à l'intégration, à l'insertion, non pas du département ministériel, mais du droit des anciens combattants d'Afrique du Nord dans le dispositif général, notamment avec la reconnaissance de la guerre d'Algérie.
Le deuxième concerne la retraite mutualiste, qui évolue dorénavant chaque année.
Le troisième est le rappel du rôle joué par l'office national des anciens combattants, et surtout notre volonté de lui donner un nouvel élan.
Enfin, quatrièmement, c'est la politique de mémoire, dotée des crédits budgétaires adéquats et organisée de façon structurelle sur les emplois-jeunes, et la contractualisation non seulement avec les départements, les régions et les villes, mais également avec les fondations dont c'est la mission.
J'ai bien noté les griefs à mon encontre, et je comprends cette démarche, qui est légitime. Mais quand on est responsable d'un département ministériel, on doit à la fois gérer le quotidien en résolvant des questions immédiates et organiser l'avenir.
C'est ainsi que j'ai été amené à ouvrir un certain nombre de dossiers, qui ne sont traités ni immédiatement, ni complètement ! Mon département ministériel doit maintenant concentrer ses efforts sur leur règlement avant d'en ouvrir de nouveaux. C'est, en quelque sorte, une mécanique intellectuelle, qui est, à mon avis, nécessaire.
Avant de répondre dans l'ordre à vos différentes interventions, je voudrais d'abord remercier vos deux rapporteurs, MM. Baudot et Lesbros, de leur travail, ainsi que les différents intervenants, qui ont précisé, voire amplifié, ce que les rapporteurs avaient eux-mêmes noté.
S'agissant de l'ONAC, il est clair que notre volonté politique est bien de renforcer son rôle et ses moyens dans chacun des départements français et de concrétiser ce nouvel élan grâce aux mesures budgétaires qui figurent dans le projet de budget pour 2000.
Comme je vous l'annoncerai tout à l'heure, ses crédits seront majorés de 4 millions de francs. Sur le plan de la technique budgétaire, je ne déposerai pas d'amendement sur ce point, parce que cette augmentation résulte de démarches que j'ai effectuées encore ce matin. Mais elle sera concrétisée, ou alors j'irai faire autre chose ! En tout cas, elle se fera par des redéploiements au sein du budget général de l'Etat. Ces crédits supplémentaires seront donc effectivement attribués pour permettre d'améliorer le fonctionnement de proximité, d'organiser ce nouvel élan sur le plan matériel.
Un million de francs de crédits seront consacrés au Bleuet de France, pour confier à un groupe professionnel une étude sur les moyens non seulement de développer le symbole du Bleuet comme politique du souvenir, mais également d'orienter cette politique du Bleuet vers les entreprises privées, afin d'impliquer les collectivités territoriales et l'ensemble de la nation dans ce projet de communication. C'est probablement le moyen que nous aurons de trouver des crédits sociaux supplémentaires, qui seront versés à l'ONAC et qui soutiendront les efforts que nous faisons déjà ensemble.
J'en viens à la politique de mémoire, qui est au coeur de mon action.
Des crédits d'étude figurent dans le projet de budget pour 2000 pour le mémorial de la guerre d'Algérie. La Ville de Paris est d'accord pour participer à la recherche d'un site approprié. Les propositions faites pour l'instant n'ont pas reçu l'agrément du monde combattant.
Le président de la commission, M. Jean Lanzi, m'a fait passer, cette semaine, une note pour me dire qu'il souhaite qu'une nouvelle rencontre ait lieu entre la Ville de Paris, le monde combattant et le Gouvernement, afin que nous trouvions enfin un lieu. Je souscris tout à fait à cette démarche. Nous disposons des crédits d'étude.
Quant au financement, évoqué par M. le rapporteur spécial, il est clair que l'Etat participera à la réalisation de ce mémorial. Il est aussi question de lever une souscription nationale et, le cas échéant, de solliciter un certain nombre d'aides de collectivités territoriales qui le souhaiteraient.
En tout cas, ce mémorial sera réalisé et la question budgétaire ne constituera pas un handicap. Je souhaite qu'il soit inauguré au cours de l'année 2002 - c'est un projet, et je ne peux être plus précis sur la date. Je dirai très pratiquement et très prosaïquement qu'elle se situera entre le 19 mars et le 16 octobre, moyen terme qui ne fâchera ni les uns ni les autres !
Les crédits consacrés à la politique de la mémoire dans le budget pour 2000 seront majorés de tous les crédits figurant dans les contrats de plan Etat-région. Je précise à M. Herment que le rapport de M. Paul Mingasson aura une traduction concrète : environ 45 millions de francs pour des réalisations avec les collectivités territoriales, précisément le conseil régional de Lorraine et le département de la Meuse, mais également d'autres collectivités de Lorraine, de Champagne, d'Argonne.
Seront réalisés le mémorial du Struthof et celui de l'annexion de fait, en partenariat, pour ce dernier, avec le conseil régional d'Alsace et le département du Bas-Rhin, principalement, sur le site de Schirmeck.
Un million de francs pour d'autres actions viendront, par voie d'amendement, abonder le budget pour 2000 et permettront de prendre en compte d'autres initiatives avec d'autres départements ou d'autres collectivités territoriales. Enfin, quatre millions de francs iront aux fondations qui gèrent la mémoire combattante du xxe siècle, y compris peut-être la mémoire de l'Entente franco-allemande, qui a un rôle particulier à jouer, certains l'ont souligné.
Monsieur le rapporteur spécial, je ne suis pas opposé à l'existence d'une ligne budgétaire spéciale « sépultures-nécropoles », mais cela relève des négociations que je dois mener avec les techniciens du budget. Pour ma part, je suis tout à fait partisan de lignes budgétaires simples, qui permettent de savoir immédiatement à quoi sont affectés les crédits.
Vous avez ensuite évoqué la question de l'appareillage. Avec les associations concernées par le handicap, nous examinons la possibilité de nous insérer dans les pôles de « gestion handicap » qui vont être constitués dans chaque département. Des expériences ont déjà été menées dans quatre départements. Elles vont se poursuivre dans le courant de l'an 2000 et au cours des années suivantes et seront étendues à quinze départements.
Les associations et les fonctionnaires concernés ont le souci de ne pas être exclus de ce dispositif, de façon que notre capacité et le savoir-faire que nous avons accumulés au cours de l'histoire trouvent leur pleine expression et soient intégrés dans la politique du handicap. Voilà encore un dossier qu'il nous faudra traiter rapidement !
S'agissant des crédits de solidarité, chacun s'est plu à considérer qu'il fallait peut-être réfléchir à une autre affectation compte tenu de l'avancée en âge d'un certain nombre de ressortissants. J'ai noté avec intérêt que ce que j'ai suggéré depuis quelques mois a fait son chemin. Je suis tout à fait d'accord pour que nous examinions, ensemble, le meilleur moyen de récupérer les sommes qui seront ainsi dégagées pour les affecter à une autre destination de solidarité.
Lorsque je dis que je suis favorable à toute étude et à tout examen, cela ne signifie pas que la mesure interviendra, car il y a toujours une différence entre ce que l'on souhaite et ce qui peut être réalisé : c'est l'objet des abritrages budgétaires d'opérer des choix dans l'intérêt général !
Quant à la décristallisation, c'est un échec personnel que j'enregistre. Je ne peux pas en dire plus. Je me suis bagarré tout au long de l'année pour faire avancer ce dossier, sans résultat.
J'avais cru comprendre que le déplacement de M. le Premier ministre au Maroc permettrait que cette question soit abordée. Or, elle n'a pas été inscrite sue la liste des sujets qui devaient faire l'objet de discussions. Aucune des deux parties n'a souhaité l'évoquer. Nous en restons donc au même point.
Je pensais présenter, ce matin, une proposition au Sénat. Je ne le ferai pas, parce que, finalement, le ministre de la défense et moi-même avons décidé d'examiner le dossier ensemble.
Cette affaire de décristallisation comporte, en effet, deux volets : l'un concerne les anciens militaires professionnels et l'autre les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité ou de la retraite du combattant. M. Alain Richard et moi-même sommes donc convenus de présenter une proposition globale qui, bien entendu, aura des incidences financières.
M. Michel Pelchat. Il convient aussi de prendre en considération les ressortissants de nos anciens comptoirs qui sont nés français.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Tout à fait ! A cet égard, la France a une obligation morale, qui s'apprécie cependant, comme je l'ai dit maintes fois, au regard d'une comparaison de pouvoir d'achat.
Une avancée importante a été faite en faveur des grands invalides. Je m'étais engagé à ce qu'elle intervienne dans le projet de budget pour 2000. J'enregistre que, pour nombre d'entre vous, cette avancée est trop faible. J'admets tout à fait cet argument. J'aurais préféré moi-même aller plus loin, mais l'important était d'initier le règlement de ce contentieux dans le projet de budget pour 2000. La suite viendra très naturellement dans le prochain, voire les deux prochains projets de budget ; l'objectif est d'avancer le plus vite possible.
Il a été largement question de l'ARPE. Les décisions que vous avez votées l'an dernier n'ont pas été exécutées, essentiellement pour deux raisons. D'une part, nous avons légiféré dans un domaine contractuel et hors de la compétence du Parlement ; à cet égard, je donne acte à M. Jacques Baudot. D'autre part, est intervenue, en cours d'année, une modification du règlement de l'ARPE visant à faire supporter à l'employeur une charge de 20 %, alors que, dans le système précédent, aucune charge financière n'était prévue. S'est alors posé un véritable problème financier.
Mais tout est arrangé maintenant. La mesure va s'appliquer pour 2000. Tout le monde a signé : M. Sautter, le président de l'UNEDIC, son secrétaire, le directeur général, le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants...
Je vous présenterai donc un amendement visant à fermer le dossier puisque l'on ne sait pas si l'ARPE sera reconduite l'an prochain, même si c'est vraisemblable, ni dans quelles conditions financières. Nous appliquerons ainsi la mesure votée pour 1999, en évitant de nous enfermer dans un dispositif dont nous n'avions pas la maîtrise. En cas de besoin, en fonction de ce qui sera contractualisé, nous aviserons.
J'en viens au Titre de reconnaissance de la nation. Nombre d'entre vous souhaitent que le droit à l'obtention de ce titre remonte jusqu'au 2 juillet 1964. Je pensais, dans un premier temps, remonter jusqu'au mois de février. Puis, M. Rochebloine, député, qui suit l'évolution du monde combattant à l'Assemblée nationale, m'a fait remarquer qu'il connaissait quelqu'un qui avait été blessé au-delà de cette date, ce qui a un peu déstabilisé mon argumentation. J'ai pris la décision d'ouvrir une étude sur ce dossier de façon à déterminer comment nous pourrions avancer. J'aurai les résultats de cette étude en janvier 2000.
MM. Chabroux et Courrière, entre autres, ont avancé que la mesure envisagée ne coûtait pas cher.
En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, mes services et moi-même nous sommes trompés dans nos calculs. Cette mesure recouvre deux aspects, et l'un d'eux nous a échappé.
D'un côté, l'attribution du Titre de reconnaissance de la nation ouvre droit à la retraite mutualiste, avec les bonifications qui en découlent concernant la déduction fiscale, et ce n'est pas le plus cher.
D'un autre côté, le Titre de reconnaissance de la nation ouvre droit au fonds de solidarité et aux diverses mesures sociales qui sont attachées à cette qualité. Là, on franchit le seuil de 100 millions de francs, ce qui rend effectivement plus complexe la mise en oeuvre de la mesure.
Nous avons donc des excuses à vous présenter sur ce point. Mais nous sommes des hommes et des femmes comme les autres, il nous arrive de nous tromper, de ne pas être suffisamment précis ou rigoureux.
J'en arrive à l'attribution de la retraite du combattant avant l'âge de soixante-cinq ans, qui constitue un sujet de préoccupation tant pour votre assemblée que pour les associations du monde combattant, qui en font d'ailleurs un axe central de leurs revendications.
Selon nos calculs, que j'espère justes, cette fois, satisfaire à la demande entraînerait un surcoût de 2,675 milliards de francs.
Si l'on abaissait brutalement l'âge ouvrant droit au bénéfice de la retraite de soixante-cinq à soixante ans, le surcoût - je parle de surcoût car, de toute façon, ces sommes seront dues un jour puisque les bénéficiaires arriveront forcément à l'âge de soixante-cinq ans...
M. Michel Pelchat. Attendez cinq ans pour prendre la mesure, cela coûtera moins cher !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Il ne faut pas penser ainsi ! Cette mesure coûtera 2,675 milliards de francs de plus, c'est tout. Ou bien on trouve cette somme ou bien on ne la trouve pas, c'est aussi simple que cela, monsieur Pelchat.
Vous comme moi sommes confrontés à des situations d'arbitrage. L'ancienne majorité en sait quelque chose, notamment dans le domaine du monde combattant !
Pour ma part, comme je l'ai fait savoir à l'Assemblée nationale et aux représentants du monde combattant, je ne suis pas opposé à l'adoption de mesures partielles concernant les anciens combattants qui se trouveraient le plus en difficulté sur le plan social.
Pour certains d'entre eux, il ne serait pas absurde d'envisager une anticipation du versement de la retraite du combattant.
En tout cas, je tiens une étude sur le sujet à la disposition des parlementaires, comme à celle du monde combattant. Si l'on s'est trompé, on le saura rapidement ; mais je ne pense pas que ce soit le cas.
J'en viens à la carte du combattant. Le fameux accord de 1996, monsieur Ostermann, a sans doute été débattu devant les représentants du monde combattant, mais le ministre de l'époque, dans une lettre que j'ai montrée lors d'un autre débat - je ne critique d'ailleurs pas du tout la position de mon prédécesseur - s'est opposé à la mise en oeuvre de ce que ses représentants avaient pu mettre au point avec les représentants du monde combattant.
Ce serait donc me faire un mauvais procès que de me reprocher de ne pas appliquer un prétendu accord qui, objectivement, n'a pas eu lieu.
En tout cas, il n'a pas été mené à son terme par les autorités politiques compétentes de l'époque et, pour ma part, je ne me sens absolument pas lié par lui, d'autant que je considère que la carte d'ancien combattant ne doit pas être délivrée pour une durée inférieure à douze mois de présence en Afrique du Nord. Telle est ma position. Je la maintiendrai tant que j'occuperai la responsabilité qui m'a été confiée.
En revanche, la question des rappelés me pose un problème, je l'ai dit. Si l'on imagine ensemble un système de points, je serai alors d'accord pour examiner une mesure qui donnerait satisfaction sans porter atteinte au principe d'exposition aux risques d'une durée de douze mois. En effet, si la mesure afférente aux rappelés amène une revendication générale en faveur de l'abaissement du seuil de douze mois, j'aurai alors le sentiment d'avoir été trompé sur ce dossier. Si vous avez des propositions à faire, je les recevrai avec plaisir.
J'ai bien entendu les différentes interventions sur les psychotraumatismes. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous critiquez tous la circulaire de 1992, qui serait restrictive, je vous propose de supprimer cette dernière et d'en revenir au décret. Voilà qui devrait vous satisfaire !
Le dossier des veuves est un de ceux que je souhaite mettre à plat l'an prochain, avec ceux du TRN et de la gestion des sommes libérées par l'évolution démographique au regard du fonds de solidarité.
Y aura-t-il des concrétisations budgétaires en 2001 ? Aujourd'hui, je n'en sais rien ! Et l'expérience dans le poste m'appelle à beaucoup de prudence à cet égard.
M. Guy Fischer. Des concrétisations, il en faudra !
M. Raymond Courrière. Il en faudrait !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Oui.
Le dossier du Reichsarbeitsdienst et du Kriegshilfdienst constitue le deuxième échec, pour l'instant, que j'enregistre.
Quand je fais le bilan entre la colonne des échecs et la colonne des succès, aujourd'hui les succès dépassent à peine les échecs. Lorsque la colonne des échecs sera légèrement plus long que la colonne des succès, je tirerai ma révérence pour aller faire autre chose, cela va de soi, car je n'ai pas de temps à perdre dans ce genre de situation où, personnellement, je ne me retrouve pas.
Il n'y a donc pas, pour l'instant, de mesure concernant le RAD. Mais, en vérité, j'enregistre tout de même une part de succès.
Tout le monde s'est plu à reconnaître que l'Entente franco-allemande avait décidé de... Mais si l'Entente franco-allemande a décidé de..., c'est bien parce que je l'ai contrainte à décider ainsi, en changeant de président et en obligeant la parité administrative à voter comme je le souhaitais.
M. André Maman. Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. C'est tout de même une première étape. Il faut maintenant en franchir une seconde, consistant à obtenir quelques crédits afin d'amorcer concrètement la pompe.
Cela étant, l'échec, je suis le premier à le regretter, d'autant plus que la quasi-totalité des intéressés résident dans ma région, en Alsace-Moselle. Vous voyez dans quelle situation personnelle je peux me trouver par rapport à cette question !
Des propositions ont été formulées sur le rapport constant. Nous allons organiser une réunion sur cette question. Je crois que nous pouvons aboutir à une meilleure lisibilité du rapport constant. En effet, la critique formulée porte sur la lisibilité des mécanismes statistiques qui permettent de revaloriser le rapport constant. J'ai donc fait une proposition, qui est à prendre ou à laisser : ou bien on maintient le système actuel, ou bien on adopte ma proposition. Mais il n'y aura pas de situation intermédiaire. Ce n'est pas la peine de compliquer un système que l'on veut, par ailleurs, rendre plus simple !
S'agissant de la carte de combattant volontaire de la Résistance, les choses se présentent plutôt bien puisqu'il n'y a plus de forclusion. Tous les dossiers remontent à la commission nationale, qui est composée de gens particulièrement compétents en la matière. Cela nécessite des études, des discussions, des réflexions, des échanges, mais tous les dossiers sont soumis à cette commission.
La question des harkis ne se pose pas en termes de reconnaissance matérielle puisqu'ils bénéficient exactement des mêmes droits que les soldats : ils relèvent pareillement du code des pensions militaires d'invalidité.
La question des harkis, elle se pose aujourd'hui sous deux aspects : la mémoire, d'une part, et le sort de leurs enfants et petits-enfants, d'autre part.
Ce dernier aspect relève d'une politique générale de la nation et des collectivités territoriales. Le secrétaire d'Etat à la défense n'a pas les moyens de répondre à ces questions d'intégration sociale, d'insertion dans le travail ou de protection sociale.
S'agissant de la mémoire, j'ai fait une proposition, qui a d'ailleurs été reprise par Mme Aubry dans une réponse qu'elle a faite récemment à une question d'actualité à l'Assemblée nationale. Je l'ai exposée aux différentes associations. Il est évident que le mémorial national AFN intégrera d'abord les harkis ; c'est la moindre des choses ! J'ai suggéré que des plaques reprenant l'article 1er de la loi de 1994 soient apposées sur des sites qui restent à définir avec les personnes concernées et les représentants du monde des harkis. Cela peut être fait en l'an 2000 ; cela ne soulève aucune difficulté de principe.
Chacun connaît ma position au sujet de la campagne double. Prochainement, se tiendra une réunion de travail avec les représentants des fonctionnaires. Je soumettrai ensuite les résultats de cette discussion aux représentants des fonctionnaires concernés. Je souhaite d'ailleurs associer les rapporteurs du budget des anciens combattants de l'Assemblée nationale et du Sénat à cette concertation. Nous verrons s'il est nécessaire de faire une autre proposition.
En tout cas, contrairement à ce qu'on dit ici et là, les fonctionnaires anciens combattants de la Première Guerre mondiale et de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas tous bénéficié de la campagne double. Le code des pensions détermine les cas où ils peuvent en bénéficier. Cela signifie que certains anciens combattants fonctionnaires bénéficient de la campagne double et d'autres non.
J'ajoute, pour ma part, un argument qui est un peu particulier, je veux bien le reconnaître : le fonctionnaire qui a dix-huit mois de présence en AFN est comptabilisé pour trente-six mois, alors que le soldat qui relève du secteur privé ne se voit valider que dix-huit mois pour dix-huit mois. En vertu de cet argument, je ne suis pas particulièrement enclin à changer de position, mais je suis prêt à dialoguer avec les personnes concernées. Peut-être me convaincront-elles que mes arguments ne sont pas pertinents.
La date commémorative de la fin de la guerre d'Algérie a été évoquée. Une proposition qui émane du Sénat tend à retenir le 18 octobre, date de promulgation de la loi reconnaissant l'état de guerre en Algérie.
Je ne suis pas sûr que ce choix soit très heureux.
Un débat existe : certains veulent le 19 mars, d'autres le 16 octobre. En matière de commémoration, une date qui ne fait pas l'unanimité ne peut pas être retenue. On ne peut pas diviser les Français sur un tel sujet. Or, le 18 octobre est évidemment proche du 16 octobre. Je crains que le choix de cette date n'entraîne une confusion et n'engendre plus de difficultés qu'il n'en résoudra.
Il nous faudra, selon moi, beaucoup de patience. Vous ne serez plus au Sénat - et moi non plus ! - quand cette question sera tranchée ! (Sourires.) Elle le sera par d'autres que nous.
Mais cela ne nous empêche pas d'accomplir ce devoir de mémoire et de le faire le 19 mars, le 16 octobre, le 18 octobre, ou en toute autre occasion qu'il plaira au monde combattant de saisir, dans nos départements, dans nos communes, pour bien marquer qu'il s'agit de notre histoire, que la guerre d'Algérie a bien eu lieu et que les soldats qui l'ont faite étaient, comme tous les autres, des soldats de la France, qu'ils ont simplement répondu à l'appel de la nation. Le travail de mémoire, ce n'est rien d'autre que cela !
Vous avez pu noter que bien des revendications n'étaient pas satisfaites dans le budget pour 2000. Je le reconnais. Mais je crois que, les uns et les autres, nous n'avons pas à rougir de ce qu'a fait notre pays en direction du monde combattant, et cela depuis des années.
Bien sûr, des contentieux restent ouverts, et il est probable que certains le demeureront. Mais, globalement, la France a su témoigner une reconnaissance matérielle et morale à ses anciens combattants.
En cette fin de siècle, nous avons une réelle obligation au regard du travail de mémoire autour de l'histoire combattante de la France, afin que les jeunes générations n'oublient pas, qu'elles aient des repères de valeurs consacrées par l'engagement au service de la nation. Cela constitue aussi pour nous une obligation, qui dépasse l'obligation matérielle, même si celle-ci ne doit pas être mise de côté, même si elle doit être respectée et honorée chaque fois que c'est possible.
Il reste que, vis-à-vis des futurs citoyens, le devoir de mémoire, une mémoire centrée sur la mise en oeuvre des valeurs fondamentales de la République, constitue, pour chacune et chacun d'entre nous, une exigence dans l'exercice de nos responsabilités nationales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des anciens combattants et figurant à l'état B.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : moins 921 463 573 francs. »