Séance du 16 novembre 1999
CONVENTION FISCALE AVEC LA BELGIQUE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 486, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la
France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des
règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts
sur les revenus. [Rapport n° 60 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et la Belgique ont conclu à Bruxelles, le 8 février 1999, un avenant à la
convention fiscale en matière d'impôts sur les revenus du 10 mars 1964.
Les deux Etats y sont convenus de confirmer l'accord sur le régime fiscal des
travailleurs frontaliers qui avait été conclu entre eux le 16 juin 1971.
Ce régime permet aux résidents d'un Etat exerçant une activité salariée dans
l'autre Etat et remplissant certaines conditions d'être imposés à raison de
leurs salaires dans l'Etat de leur résidence dès lors qu'ils sont en mesure de
produire une carte frontalière.
Cette confirmation était nécessaire pour la Belgique dans la mesure où, les
tribunaux belges ayant constaté que le statut des travailleurs frontaliers
n'avait fait l'objet d'aucune ratification ou approbation, ils ont considéré
que ce régime d'imposition ne revêtait qu'un caractère optionnel compte tenu de
la suppression de la carte frontalière dès 1968, ce qui rend singulière la
référence à cette même carte dans un accord conclu en 1971, mais les juristes
s'y retrouveront...
C'est ainsi que, sur le fondement de ces décisions de justice,...
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Des décisions de justice belges prononcées par des juges belges !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... les frontaliers résidents de Belgique exerçant
leurs activités en France pouvaient choisir entre une imposition en Belgique,
résultant du régime spécifique des travailleurs frontaliers, et une imposition
en France, découlant de la règle générale d'imposition dans l'Etat d'activité
prévue par la convention fiscale. Cette règle est beaucoup plus attractive car
l'impôt sur le revenu français est sensiblement inférieur à l'impôt sur le
revenu belge.
Dès lors, pour pallier ces anomalies qui risquaient d'entraîner des
impositions injustifiées en France, ou encore des cas de double exonération, il
est apparu nécessaire de conclure un avenant à la convention de 1964 pour
confirmer le régime des travailleurs frontaliers sans attendre qu'aboutissent
les discussions relatives à la conclusion d'une nouvelle convention d'ensemble,
actuellement en cours.
Sur le plan des principes, l'avenant reprend, pour l'essentiel, les
dispositions de la convention fiscale de 1964 relatives aux travailleurs
frontaliers en maintenant le principe de l'imposition exclusive des traitements
et des salaires perçus par ces personnes dans l'Etat de la résidence. Cet
avenant définit également les zones frontalières et introduit dans la
convention une nouvelle clause de non-discrimination.
Onze mille frontaliers français bénéficient à ce jour des avantages du régime
fiscal des travailleurs frontaliers. En permettant le rétablissement du régime
fiscal prévu par la convention fiscale de 1964 et par l'accord du 16 juin 1971,
l'avenant les autorise à continuer de bénéficier en France d'un impôt sur le
revenu inférieur à ce qu'il serait en Belgique et d'y acquitter des cotisations
sociales plus faibles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'avenant à la
convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique
réciproque en matière d'impôts sur les revenus, qui fait l'objet du projet de
loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a gardé
l'histoire belge pour la fin !
(Sourires.)
Il s'agit en effet,
aujourd'hui, de nous prononcer sur le projet de loi tendant à autoriser
l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-belge de non-double
imposition du 10 mars 1964.
Selon l'article 11 de la convention, les traitements, salaires et autres
rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le
territoire duquel s'exerce l'activité personnelle qui est la source du
revenu.
Toutefois, par dérogation à ce principe, il était prévu que les travailleurs
frontaliers qui justifient de cette qualité grâce à la production de la carte
frontalière instituée par les conventions particulières intervenues entre les
Etats contractants, et dont M. le ministre a rappelé tout à l'heure
l'existence, ne sont imposables sur les traitements, salaires et rémunérations
qu'ils perçoivent à ce titre que dans l'Etat contractant dont ils sont
résidents.
Les frontaliers français qui exercent leur activité professionnelle en
Belgique sont donc imposés en France et, inversement, les frontaliers belges
qui exercent leur activité professionnelle en France sont imposés, en
Belgique.
Or, le régime fiscal des frontaliers a été remis en question par deux arrêts
de la Cour de cassation et de la cour d'appel belges - il n'y a pas qu'en
France que l'on a des problèmes avec les cours !
(Sourires)
- qui ont
estimé que ce régime d'imposition revêtait un caractère optionnel.
En conséquence, elles ont conclu que les travailleurs frontaliers belges
exerçant leurs activités en France peuvent choisir entre une imposition en
Belgique, résultant du régime spécifique des travailleurs frontaliers, et une
imposition en France, découlant de la règle générale d'imposition dans l'Etat
d'activité, prévue dans la convention.
Or, à salaire égal, l'impôt sur le revenu est moins élevé en France qu'en
Belgique, contrairement à ce que l'on croit quelquefois !
M. André Dulait.
C'est à cause du franc belge !
M. Michel Charasse,
rapporteur.
Les travailleurs frontaliers belges ont donc intérêt à être
imposés en France. Mais la remise en cause du régime fiscal applicable aux
travailleurs frontaliers entraînerait une perte de recettes fiscales pour
l'Etat belge, qui a donc intérêt au maintien de ce statut.
La France est également attachée à la confirmation du régime des travailleurs
frontaliers, car sa remise en cause aurait deux conséquences négatives : d'une
part, les travailleurs frontaliers français seraient désormais imposés en
Belgique et devraient acquitter un impôt sur le revenu plus important, d'où les
vives réactions que l'on peut imaginer ; d'autre part, les recettes d'impôt sur
le revenu de la France diminueraient, car, au lieu d'imposer près de 14 000
frontaliers français, la France n'imposerait que 6 000 frontaliers belges.
La France et la Belgique ont donc conclu un avenant à la convention fiscale de
1964 afin de rendre toute leur portée aux dispositions relatives au régime
fiscal des travailleurs frontaliers.
L'article 1er de l'avenant confirme, d'abord, le régime fiscal spécifique des
travailleurs frontaliers. Il réaffirme, ensuite, le principe de l'imposition
exclusive des traitements et salaires reçus par ces personnes dans l'Etat de la
résidence. Il supprime, enfin, l'ambiguïté d'interprétation qu'avaient soulevée
la Cour de cassation et la cour d'appel belges sur le caractère optionnel du
régime d'imposition des travailleurs frontaliers. Ces derniers devront utiliser
les formulaires actuellement en vigueur pour faire connaître leur statut de
travailleur frontalier et être imposés dans leur Etat de résidence. La valeur
juridique de ces formulaires est donc établie par la convention.
Selon l'article 3, les dispositions de l'avenant s'appliqueront de manière
rétroactive aux revenus perçus, réalisés, payés ou attribués à compter du 1er
janvier 1999, pour éviter une perte fiscale pour l'Etat belge au titre de
1999.
La France et la Belgique ont également décidé d'introduire une nouvelle clause
de non-discrimination qui va au-delà des obligations prévues par le modèle de
convention de l'OCDE. Elle permettra d'accorder aux résidents d'un Etat, qui
exercent leur activité professionnelle dans l'autre Etat et qui y sont
imposables, le bénéfice de certains avantages en matière de détermination du
revenu professionnel imposable et de charges de famille.
Cette clause aura surtout pour effet de donner aux résidents français qui
exercent leur activité en Belgique les avantages fiscaux prévus par la
législation belge pour ses propres résidents.
Il avait été constaté que les Français qui travaillaient en Belgique, hors
zone frontalière, étaient soumis à une forte pression fiscale non seulement
parce que l'impôt sur le revenu belge est plus élevé que l'impôt français, mais
aussi parce que ceux qui ne tiraient pas 75 % de leurs revenus de leur activité
en Belgique étaient taxés comme des non-résidents, sans qu'il soit tenu compte
des avantages liés à l'activité, comme la déduction des frais professionnels,
ni de la situation familiale.
Cependant, ces avantages seront calculés au prorata du montant des revenus par
rapport au montant total des revenus professionnels des contribuables
concernés, car le traitement fiscal des avantages par la Belgique se traduit
souvent par un abattement en valeur absolue.
Un non-résident exerçant son activité professionnelle en Belgique pourrait
alors être mieux traité que le résident belge s'il pouvait bénéficier de la
totalité de l'abattement tout en ne retirant qu'une part réduite de ses revenus
de ses activités dans ce pays.
Cette nouvelle clause de non-discrimination entrera en vigueur de manière
rétroactive pour les revenus perçus, réalisés, payés ou attribués à compter du
1er janvier 1996.
Notons que le droit interne français accorde déjà aux non-résidents les
avantages octroyés aux résidents en ce qui concerne la détermination des
revenus catégoriels et le quotient familial.
J'indique au Sénat, en terminant, qu'une nouvelle convention fiscale est
actuellement en négociation entre la France et la Belgique pour remplacer celle
de 1964, qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier. Toutefois, certaines
dispositions n'ont pas encore fait l'objet d'un accord entre les deux parties,
et c'est parce qu'il y avait urgence à remédier à la mise en cause du statut
fiscal des frontaliers belges que les deux pays ont choisi de conclure sans
attendre un avenant à l'actuelle convention, dont l'existence est, à terme,
menacée.
C'est donc une mesure d'urgence qui nous est proposée, en particulier à cause
de son caractère rétroactif.
Ce n'est sans doute pas la plus drôle des histoires belges, mais la commission
des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'article unique du
projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Quel grand rapporteur !
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'avenant à la
convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les
doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et
juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signé à Bruxelles le
8 février 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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