Séance du 9 novembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Commission mixte paritaire
(p.
1
).
3.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
2
).
4.
Candidature à une commission
(p.
3
).
5.
Questions orales sans débat
(p.
4
).
MISE EN PLACE D'UNE FILIÈRE DE RECYCLAGE
DES PNEUS USAGÉS (p.
5
)
Question de M. Serge Lepeltier. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
PROTOCOLE DE KYOTO DE LA CONVENTION
SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (p.
6
)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; Marie-Claude Beaudeau.
AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE :
LIMITES ENTRE PAYS ET PARCS NATURELS RÉGIONAUX (p.
7
)
Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. René-Pierre Signé.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE LA PRIME
À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DANS LA SOMME (p.
8
)
Question de M. Pierre Martin. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Pierre Martin.
RÉQUISITIONS DE LOGEMENTS VACANTS (p. 9 )
Question de Mme Nicole Borvo. - M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Mme Nicole Borvo.
TRACÉ DU TGV SUD-EST (p. 10 )
Question de M. Jean-François Picheral. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-François Picheral.
DROITS DES SALARIÉS DANS LES GRANDES ENTREPRISES (p. 11 )
Question de M. Michel Duffour. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Michel Duffour.
LIBERTÉ D'INFORMATION SYNDICALE (p. 12 )
Question de M. Thierry Foucaud. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Thierry Foucaud.
MISE EN OEUVRE D'UN DÉPISTAGE SYSTÉMATIQUE
DU CANCER COLORECTAL (p.
13
)
Question de M. Auguste Cazalet. - MM. CLaude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Auguste Cazalet.
RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION UNIDROIT (p.
14
)
Question de M. Daniel Hoeffel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Daniel Hoeffel.
TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR (p. 15 )
Question de M. Philippe Richert. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Philippe Richert.
PLAN DE FERMETURE DES PERCEPTIONS (p. 16 )
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Gérard Delfau.
SITUATION DE LA POSTE EN MILIEU RURAL (p. 17 )
Question de M. Georges Mouly. - Mme Catherine Traumann, ministre de la culture et de la communication ; M. Georges Mouly.
DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT DE LA TAXE DE SÉJOUR (p. 18 )
Question de M. Marcel Bony. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Marcel Bony.
RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE
DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE (p.
19
)
Question de M. André Vallet. - Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre
de la justice ; M. André Vallet.
6.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
20
).
Suspension et reprise de la séance (p. 21 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
7. Organismes extraparlementaires (p. 22 ).
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
8.
Convention portant création de l'Organisation conjointe de coopération en
matière d'armement.
- Adoption d'un projet de loi (p.
24
).
Discussion générale : MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Jean-Guy
Branger, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Bertrand Auban,
M. Jean-Luc Bécart.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
9.
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Lettonie
(p.
25
).
10.
Médiateur des enfants.
- Adoption d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique (p.
26
).
Discussion générale commune : Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire ; M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des
lois ; Mme Dinah Derycke, MM. Jacques Pelletier, Patrice Gélard, Mme Odette
Terrade.
Clôture de la discussion générale commune.
PROPOSITION DE LOI (p.
27
)
Article 1er (p.
28
)
Amendements n°s 1 de la commission, 19, 20 de Mme Derycke, 16 et 17 de M. Bret. - M. le rapporteur, Mmes Dinah Derycke, Odette Terrade, le ministre, M. Jacques Pelletier. - Adoption de l'amendement n° 1 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 2 (p. 29 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah
Derycke.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 30 )
Amendements n°s 3 à 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption des trois amendements.
Amendements n°s 6 de la commission et 21 de Mme Derycke. - M. le rapporteur,
Mmes Dinah Derycke, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 6, l'amendement
n° 21 devenant sans objet.
Amendements n°s 22 à 24 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur,
Mme le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 3 (p. 31 )
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 29 de Mme Derycke. - M.
le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke. - Adoption du sous-amendement
et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Article 4 (p. 32 )
Amendement n° 8 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 9 de la commission et 27 de Mme Derycke. - M. le rapporteur,
Mmes Dinah Derycke, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 9, l'amendement
n° 27 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4 (p. 33 )
Amendement n° 10 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 28 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
Article 5 (p. 34 )
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 (p. 35 )
Amendement n° 12 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 7 (supprimé) (p. 36 )
Amendement n° 18 de M. Bret. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le
ministre. - Rejet.
L'article demeure supprimé.
Article 8 (p. 37 )
Amendement n° 13 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 9 à 11. - Adoption (p.
38
)
Article 12 (p.
39
)
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Dinah Derycke. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 13 (p. 40 )
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. -
Adoption de l'amendement supprimant l'article.
M. le rapporteur.
Vote sur l'ensemble (p. 41 )
MM. Guy Fischer, Jacques Machet, Mme Dinah Derycke, MM. Louis Souvet, Emmanuel
Hamel, Jacques Pelletier, le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de la proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (p. 42 )
Adoption, par scrutin public, de l'article unique de la proposition de loi
organique.
11.
Fait personnel
(p.
43
).
Mme Dinah Derycke.
12.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de
l'article 88-4 de la Constitution
(p.
44
).
13.
Transmission d'un projet de loi
(p.
45
).
14.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
46
).
15.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
47
).
16.
Dépôt de rapports
(p.
48
).
17.
Dépôt rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1999
(p.
49
).
18.
Renvoi pour avis
(p.
50
).
19.
Ordre du jour
(p.
51
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de
vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de
travail.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à
désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour à M. le président de l'Assemblée nationale une demande
tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute
considération.
« Signé : Lionel Jospin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
3
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport pour 1998 sur l'exécution de la loi de programme n° 93-1437
relative au patrimoine monumental ;
- le rapport annuel sur le contrôle
a posteriori
des actes des
collectivités locales et des établissements publics locaux, établi en
application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des
collectivités territoriales ;
- et le rapport retraçant, en application de l'article 45 de la loi du 11 mai
1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile, le nombre de titres de séjour délivrés aux ressortissants
étrangers.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
4
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur
la liste d'aucun groupe a fait connaître à la présidence le nom du candidat
qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles à la place
laissée vacante par M. Jean-Paul Bataille, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
5
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
MISE EN PLACE D'UNE FILIÈRE DE RECYCLAGE
DES PNEUS USAGÉS
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier, auteur de la question n° 603, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Lepeltier.
Madame la ministre, chaque année, notre pays est confronté à la gestion d'une
masse considérable de pneus usagés, quelque 350 000 tonnes, soit près de 57
millions de pneus, c'est-à-dire pratiquement un pneu par Français.
A l'heure actuelle, 60 % des pneus usagés ne sont toujours pas valorisés. Ils
sont purement et simplement dispersés dans la nature française, dans des
décharges - largement saturées d'ailleurs - ou des stocks sauvages qui se
multiplient dans les forêts, les ravins, au bord des rivières et polluent
visiblement nos paysages.
Une telle situation n'est plus acceptable.
Elle impose à l'évidence le développement urgent d'une véritable filière
adaptée et pérenne de recyclage de l'ensemble des pneus usagés.
L'urgence est d'autant plus grande, madame la ministre, que nous sommes à
moins de trois ans de l'interdiction faite, à compter du 1er juillet 2002, de
mise en décharge des pneumatiques usagés.
Vous avez à plusieurs reprises annoncé l'imminence d'un accord-cadre entre les
pouvoirs publics et les professionnels concernés ; vous vous êtes même engagée,
dans l'hypothèse où un tel accord tarderait, à mettre en place avant la fin de
cette année « un dispositif réglementaire de collecte et de valorisation
contrôlée des pneumatiques usagés ».
Or, force est de constater qu'à ce jour aucune décision n'a encore été prise,
ce qui est très préoccupant, en particulier pour l'ensemble des maires,
responsables de la gestion des déchets sur leur commune.
Outre la nécessité qu'ils ont naturellement de se conformer à la
réglementation européenne, les maires s'inquiètent, en effet, de plus en plus,
de l'ampleur du problème écologique et du coût économique que représente
l'élimination des stocks sauvages de pneus sur leur commune.
Il y a là une véritable question qui doit être traitée au plus vite.
Or comme le dit votre collègue au Gouvernement, M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie, « quand le recyclage est environnementalement
utile, techniquement possible dans des conditions économiques raisonnables et
qu'aucun opérateur économique ne s'y lance, alors oui, une intervention
publique peut se justifier ».
Madame la ministre, qu'en est-il ? Comptez-vous mettre en place une telle
intervention ?
La question du financement est bien entendu centrale et le retard pris pour la
création d'une filière pneu semble largement imputable à la recherche et aux
modalités d'un tel financement.
Il est pourtant indispensable d'agir.
Outre les enjeux majeurs précédemment évoqués, il faut savoir que le
développement d'une filière de recyclage de la totalité des pneumatiques usagés
serait largement créatrice d'emplois et permettrait à notre pays d'affirmer son
leadership
européen en matière de gestion des déchets automobiles.
C'est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, de nous préciser la
politique que vous entendez conduire en ce domaine.
Je souhaiterais, en particulier, connaître l'état d'avancement des
négociations avec les professionnels de la fabrication, de la vente et du
montage des pneus, négociations auxquelles il me semblerait d'ailleurs légitime
d'associer les représentants des maires de France.
A quelle échéance, enfin, estimez-vous plausible la création d'une telle
filière et comment concevez-vous les modalités de son financement ?
Plus généralement d'ailleurs, le Gouvernement juge-t-il possible le
financement de pareilles filières de recyclage par des fonds publics ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, je vous remercie d'appeler mon attention sur la situation
insatisfaisante qui prévaut en matière d'élimination des pneus usagers.
Comme vous l'indiquez, l'objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu'à
partir du 1er juillet 2002 les pneumatiques usagés ne soient plus mis en
décharge. Je partage complètement votre argumentation.
Vous auriez pu ajouter un élément tout à fait inquiétant qui est le risque lié
notamment à l'inflammation pendant des semaines, voire des mois, de certains
dépôts de pneus.
Les filières de valorisation des pneus usagés existent, qu'il s'agisse de
rechapage, d'incinération en cimenterie ou d'utilisation en génie civil. Mais,
à la différence de la valorisation d'autres déchets, la valorisation des pneus
usagés n'est pas rentable, et un mode de financement doit être trouvé.
Plutôt que de procéder de manière autoritaire, le Gouvernement a décidé
d'engager une large concertation sur cette question à partir, d'une part, de
groupes de travail mis en place par mon ministère et l'Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie avec les différents acteurs
intervenant dans le cycle de la vie du pneumatique, et à partir, d'autre part,
d'un rapport fourni à ma demande par le Conseil général des mines qui fait le
point sur le fonctionnement d'une filière d'élimination des pneumatiques usagés
en France. Ce rapport m'a été transmis le 30 mars dernier et ses conclusions
présentées à l'ensemble des professionnels concernés. Aujourd'hui, la
concertation reste en cours et nous n'avons pas tranché.
La question essentielle est de savoir si le financement de la filière
d'élimination doit être assuré par les fabricants et importateurs de pneus, par
les distributeurs ou par le détenteur final. Il n'a jamais été question de
demander à l'Etat d'assumer le coût de l'élimination des pneus.
Dans le rapport du Conseil général des mines, il est proposé que ce soit le
détenteur qui paie l'élimination des pneus lors de leur reprise par les
garagistes. Je suis réservée sur ce dispositif, qui présente le risque, majeur
à mes yeux, d'un abandon de nombre de pneus par les utilisateurs.
En revanche, l'idée de mettre en place, lors de l'achat du pneu, une
contribution unitaire destinée à financer le coût d'élimination de celui-ci
doit être sérieusement explorée.
Vous avez parfaitement raison de noter que le temps passe et qu'il devient
urgent de trancher. C'est pourquoi, si les discussions en cours entre les
divers acteurs de la filière en vue de proposer aux pouvoirs publics un
accord-cadre sur le traitement et la collecte des pneus usagés n'aboutissent
pas rapidement, j'ai l'intention de procéder de manière réglementaire pour
encadrer cette filière. Cette décision sera prise dans les tout prochains mois,
parce que, vous avez raison de le noter, on ne peut plus attendre pour résorber
les stocks et pour mettre en place le cadre qui permette de respecter la loi de
1992.
PROTOCOLE DE KYOTO DE LA CONVENTION
SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 604, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la ministre, je voudrais, en préambule, vous rappeler le contenu de
l'article 3 du protocole de Kyoto à la convention sur les changements
climatiques, que vous connaissez parfaitement.
Trente-neuf pays, pour la plupart européens, mais aussi le Canada, les
Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande se sont engagés « à réduire le total des gaz
à effet de serre d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 à 2012 ». Chacune
des parties s'engage à faire état des progrès réalisés et dont il pourra être
fait preuve en 2005.
Notre pays est donc concerné, et c'est une bonne chose. Ma question est donc
très simple, madame la ministre : à ce jour, où en sommes-nous ?
Il nous semble qu'un débat public s'impose, sous une autre forme que celle de
la journée sans voiture, et beaucoup plus profond, car la situation s'aggrave.
Confirmez-vous que, pour la seule année de 1998, les émissions de dioxyde de
carbone - CO2 - ont cru en France de 5 % ?
Certains prétendent que le phénomène indiscutable de réchauffement de la terre
serait l'un des responsables de cette situation. En tout cas, personne ne
méconnaît ce phénomène. Au cours du siècle qui s'achève, le réchauffement a été
de 0,6°. On prévoit qu'au cours du xxie siècle, si des mesures ne sont pas
prises, l'accroissement pourrait être de 1,5° à 3°, avec toutes les
conséquences que cela implique pour la vie sur terre.
Il est indéniable que climat et CO2 sont liés, mais ne confondons pas cause et
effet : si l'action de l'homme est première, cela signifie que nous avons le
pouvoir de maîtriser la situation.
Un des dirigeants de Greenspace, Bille Hare, lors de la réunion de Buenos
Aires sur les réchauffements climatiques, commentait ainsi l'échec de la
rencontre de 162 pays en 1995 : « L'épais brouillard du jargon a caché
l'essentiel. Les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître. » Il
avait raison, et d'enchaîner aussitôt avec cette question : « Est-il possible
de les diminuer ? » Je pense que oui car, dans certains secteurs, la
stabilisation a pu intervenir.
De 1960 à 1973, la consommation d'énergie par habitant a fortement augmenté.
Depuis 1973, elle s'est stabilisée, du fait des restructurations industrielles,
de la recherche d'une plus grande efficacité énergétique, de la substitution de
certaines sources d'énergie. En particulier, pour ce qui est de la production
industrielle, on remarque une stabilisation globale de la pollution.
Les chiffres sont là. Au-delà d'une production de CO2 ayant progressé de 15 %
en France depuis 1990, on observe une répartition qui doit guider votre
politique : pour les transports, l'augmentation est de 26,9 %, pour le secteur
tertiaire de 25,9 %, pour l'industrie de 7,1 % ; en ce qui concerne les
particuliers, la diminution serait de 4,4 %.
Le fait que notre électricité soit à 80 % d'origine nucléaire a eu des
résultats positifs quant à l'émission de CO2. Opposons donc le réalisme au
fatalisme. Oui, on peut diminuer la production des six gaz à effet de serre
!
Je renouvelle ma question, dont je sais qu'elle vous préoccupe, madame la
ministre. Votre réponse est donc attendue. A la vraie question posée, votre
politique offre-t-elle de vraies réponses ?
Quelles mesures autres que les journées sans voiture préconisez-vous ?
Je me permets d'avancer quelques idées.
Premièrement, pourquoi s'obstine-t-on à consacrer l'essentiel des crédits
d'équipement aux voies routières, aux autoroutes, au bénéfice de la voiture
individuelle, qui est responsable de près de la moitié de la pollution et au
détriment des transports en commun ? Pourquoi 67 % de l'enveloppe budgétaire «
transports » dans les contrats de plan reviennent-ils à la route ? Pour la
région Midi-Pyrénées, le taux atteint 95 %.
Deuxièmement, pourquoi refuse-t-on l'examen d'un plan de réhabilitation et
d'isolation phonique et thermique des logements, où des gains massifs
d'économie d'énergie peuvent être faits ?
Troisièmement, pourquoi refusez-vous toute aide à la géothermie ? L'eau chaude
sortant de terre est la seule énergie propre. Le Gouvernement refuse d'y
appliquer le taux de TVA de 5,5 %, ce qui conduit les sites à fermer les uns
après les autres : ils ne sont plus aujourd'hui qu'une trentaine, et
l'équilibre financier se révèle impossible à atteindre ; avec un taux de 5,5 %,
cela deviendrait possible. Pourquoi n'étudiez-vous pas un vaste plan
d'utilisation de l'eau chaude présente tout autour de la Terre ?
Quatrièmement, pouvez-vous me dire quelles sont les conclusions des plans
départementaux de déplacement urbains ? Une énergie folle a été parfois
dépensée en réunions de concertation et d'information des citoyens, mais avec
quels résultats ? La pâte semble avoir d'ailleurs fortement retombé.
Cinquièmement, pourquoi notre pays dépense-t-il dix fois moins que l'Espagne
ou treize fois moins que l'Allemagne dans les énergies renouvelables, selon les
chiffres de l'Agence internationale de l'énergie ?
Sixièmement, pourquoi laisse-t-on les constructeurs automobiles se
désintéresser totalement de la fabrication de moteurs moins polluants, sous
prétexte que cela coûterait cher ? Pourquoi n'encourage-t-on pas la recherche
dans ce domaine, ainsi que des innovations comme le moteur à air comprimé ?
J'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez de la position des
Etats-Unis, avec ses mécanismes de flexibilité et d'achat de droits à polluer.
Vous prétendez qu'il convient de ne pas « diaboliser » l'attitude des
Etats-Unis. Mais peut-on admettre que tout s'achèterait, même le droit à
produire du gaz carbonique en quantité déraisonnable ?
Telles sont, madame la ministre, les quelques questions que je souhaitais
évoquer. Il en est bien d'autres, mais les « pauvres » cinq minutes qui me sont
imparties sont bien trop peu pour dessiner ce que j'appelle la « ligne Maginot
anti-CO2 ».
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame la
sénatrice, vous évoquez, à l'occasion d'une question sur la mise en oeuvre du
protocole de Kyoto, une avalanche de sujets qui concernent une multitude de
champs d'activité ministérielle, notamment celui de mon collègue de
l'équipement, des transports et du logement, auquel je vous invite à reposer un
certain nombre de vos questions parce que la cohérence du travail
interministériel est évidemment en cause.
Pour ce qui est du protocole de Kyoto, la France s'est engagée, vous le savez,
comme les autres pays industrialisés, à fournir des efforts importants pour
maîtriser l'évolution de la pollution de la « bulle » européenne. Il s'agit de
contribuer au respect des engagements communautaires de réduction des émissions
de 8 %.
Conformément à l'article 4 du protocole de Kyoto, les Etats membres de l'Union
européenne ont décidé de s'acquitter conjointement de cet engagement lors d'un
Conseil de l'environnement de l'Union européenne qui s'est tenu en juin 1998,
au cours duquel a été décidée une répartition de cet effort des Etats membres
en fonction de leur niveau d'émission de 1990, de leur démographie et de leurs
besoins de développement économique.
Pour ce qui concerne la France, il s'agit de stabiliser les émissions de gaz à
effet de serre entre 1990 et la période 2008-2012, tandis que, par exemple,
l'Allemagne devra les réduire de 21 %, ce qu'elle devrait pouvoir faire sans
difficulté compte tenu des réductions drastiques d'activité dans les länder de
l'Est, et l'Espagne ne pas les augmenter de plus de 15 %, ce qui lui demandera
des efforts sans doute très importants compte tenu de ses perspectives
économiques et démographiques.
Stabiliser nos émissions nous demandera des efforts relativement plus
modestes, du fait, notamment, des progrès déjà accomplis depuis le premier choc
pétrolier et qui font de la France un des pays industrialisés dont la
contribution à l'effet de serre est la plus faible.
Les chiffres que vous avez cités sont malheureusement exacts, le dérapage
constaté étant largement lié au secteur des transports.
Comme vous le savez, le Gouvernement a demandé à la mission interministérielle
de lutte contre l'effet de serre d'élaborer un nouveau programme de lutte
contre le risque de changement climatique. Ce programme respecte complètement
l'esprit et la lettre des engagements pris à Kyoto, à savoir que la majeure
partie des efforts doit être consentie au niveau domestique par des politiques
et des mesures coordonnées à l'échelon national et à l'échelon communautaire,
le recours à des mécanismes de flexibilité n'étant que marginal.
Ces mécanismes de flexibilité sont complexes et, s'il ne s'agit pas tout à
fait d'un « épais brouillard de jargon », ils peuvent être biaisés : dans
l'esprit de certains, cela revient à ne pas consentir les efforts promis, qu'il
s'agisse des échanges de carbone, du mécanisme de développement propre, à
destination des pays en voie de développement, ou de la mise en oeuvre
conjointe avec les pays de l'Est européen, avec les risques d'échanges
d'émissions qui n'existent déjà plus, ce qu'on a appelé les échanges de
hot
air
.
Le programme que prépare actuellement la mission interministérielle de lutte
contre l'effet de serre devrait être prêt avant la fin du mois. Je l'ai en tout
cas annoncé lors de la réunion de Bonn qui s'est tenue la semaine dernière. Il
renforcera de manière importante les programmes précédents.
Je souhaite qu'il intègre une vaste panoplie de mesures concernant l'ensemble
des secteurs concernés.
Madame la sénatrice, vous avez cité les secteurs des transports, de l'habitat
et de l'énergie. J'ajouterai l'agriculture, qui est également concernée par
l'augmentation des émissions.
Le programme devra combiner des mesures à caractère technique et réglementaire
et diverses incitations économiques. Je pense notamment à la préparation de la
taxe sur la consommation intermédiaire d'énergie que le Premier ministre a
d'ores et déjà annoncée pour 2001.
Parfois, il s'agira de la signature d'accords volontaires. Je songe ici à
l'accord conclu entre la Commission européenne et les constructeurs automobiles
visant à la réduction des émissions de CO2 des véhicules neufs. Je pense
également à la taxation de l'énergie qui est en cours de préparation sur le
plan communautaire ; je rappelle que la France a transmis un mémorandum à ses
partenaires européens pour essayer d'avancer dans ce domaine. Je souligne que
cette réflexion évolue de façon très coordonnée entre les différents pays
européens, dont certains ont déjà mis en place ce genre d'outil fiscal.
Bien sûr, il nous faudra veiller à ce que ces priorités se déclinent de façon
cohérente dans le cadre des contrats de plan. Cette préoccupation implique une
mobilisation interministérielle très lourde, mais aussi un souci de cohérence.
En effet, ce sont parfois les mêmes qui me somment de faire en sorte que le
programme interministériel de lutte contre l'effet de serre soit le plus
ambitieux et le plus cohérent possible et qui, simultanément, exercent parfois
un chantage direct à l'emploi ou invoquent le droit de se déplacer sans
contrainte et la civilisation de la mobilité.
La prise de conscience doit donc être large. Au-delà des mesures autoritaires,
nous devons veiller à animer un très important débat citoyen, favorisant
l'information et la formation des citoyens, de manière qu'ils s'approprient, en
quelque sorte, la recherche d'une maîtrise de l'effet de serre.
La France aura, à cet égard, un rôle majeur à jouer l'année prochaine
puisqu'elle exercera la présidence de l'Union au moment où se tiendra la
sixième conférence des parties à l'accord de Kyoto, qui devrait arrêter un
dispositif plus concret de lutte contre l'effet de serre.
Je ne verrais que des avantages à ce que les parlementaires se mobilisent
fortement à nos côtés pour que nous soyons plus efficaces et plus concrets dans
la préparation de cette conférence.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la ministre, vos réponses sont lucides et démontrent votre pleine
responsabilité face à une situation. Celle-ci appelle en effet, d'urgence, des
décisions efficaces.
J'ai été conduite, ce matin, à élargir ma question et à vous soumettre des
propositions, car la question écrite que j'avais déposée le 10 juin dernier
est, à ce jour, restée sans réponse. J'ai pensé qu'il était utile que nous
puissions en débattre ce matin.
Ce qui est en cause, ce sont les mesures concrètes que le Gouvernement, et
certes pas seulement la ministre chargée de l'environnement, doit prendre. Bien
entendu, ce n'est que par un ensemble de mesures qu'on pourra faire reculer les
émissions de CO2.
Le Sénat va bientôt être amené à examiner le projet de loi de finances pour
2000. Ce serait l'occasion d'inclure quelques-unes de ces mesures. Pour ma
part, je réitérerai alors, sous forme d'amendements, certaines de mes
propositions, notamment en ce qui concerne la baisse de la TVA sur la
géothermie.
AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE :
LIMITES ENTRE PAYS ET PARCS NATURELS RÉGIONAUX
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 625, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. René-Pierre Signé.
Madame la ministre, je voudrais évoquer le problème des zonages de nos
territoires et plus particulièrement les enjeux des limites entre pays et parc
naturel.
Actuellement, une véritable volonté d'innovation politique se fait jour,
principalement à travers la promotion d'un développement « durable » du
territoire.
La proximité est ici une échelle pertinente pour mobiliser les acteurs,
repérer les besoins et les opportunités, organiser une solidarité
intercommunale fondée sur un projet de développement local.
Par leur capacité de fédération des ressources locales et d'innovation, les
parcs naturels régionaux apparaissent comme un exemple fécond de territoire de
projet.
A l'évidence, les parcs naturels régionaux ont constitué la principale sources
d'inspiration dans l'élaboration de la politique de pays. L'expérience réussie
des parcs peut être une utile référence sur le plan de la méthode. Ces deux
territoires procédent du même souci de faire des citoyens les acteurs de la
reconquête de leur territoire.
Il s'agit, en effet, de deux outils pour une même démarche de développement
local. Loin de moi l'idée d'opposer ces deux types de territoire, qui ne sont
en rien des structures rigides, jalouses de leurs compétences respectives.
C'est là d'ailleurs leur principale valeur ajoutée. Il y a, cependant entre
eux, dans la pratique, sur le terrain, non pas une concurrence, mais un
problème de lisibilité.
L'organisation du chevauchement est prévue par la loi. Celle-ci précise qu'un
pays ne pourra comprendre des communes déjà incluses dans un parc que s'il se
concerte avec ce dernier en déterminant, par voie de convention, leurs champs
d'intervention respectifs.
Le décret d'application de la LOADT, la loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement durable du territoire, relatif aux pays est en route. Ce
décret permettra-t-il d'assurer un traitement équitable entre pays et parc ?
Il faut, je le crois, donner suffisamment de garanties à chacun. On peut
souhaiter que le décret les fournisse et que confiance soit faite au terrain, à
l'initiative et au dialogue.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Merci,
monsieur le sénateur, de cette question.
La loi d'orientation du 25 juin 1999 pour l'aménagement et le développement
durable du territoire prévoit explicitement les cas de chevauchement pouvant
survenir entre pays et parcs naturels régionaux. A travers le quatrième alinéa
de l'article 25, consacré aux pays, il est prévu qu'un pays qui comprendrait
des communes déjà incluses au sein d'un parc naturel régional ne pourra voir
reconnaître son périmètre définitif qu'après signature d'une convention
précisant les « missions respectives confiées aux organismes de gestion du parc
naturel régional et du pays sur les parties communes ».
Par ailleurs, la loi rappelle que « la charte du pays et les actions qui en
procèdent doivent être, sur les parties communes, compatibles avec les
orientations de protection, de mise en valeur et de développement définies par
la charte du parc naturel régional en application de l'article L. 244-1 du code
rural ». Ce dispositif conventionnel responsabilisera les acteurs locaux,
notamment les collectivités qui souhaiteraient s'inscrire dans les deux
démarches territoriales. Ces acteurs locaux auront à justifier la
complémentarité et la compatibilité d'une double appartenance de certaines
collectivités à un parc naturel régional et à un pays.
En outre, la LOADDT garantit une véritable équité de traitement entre les
parcs naturels régionaux et les pays dans la mesure où son article 29 prévoit
que l'Etat ou les régions auront également la possibilité de conclure un
contrat, en application du contrat de plan Etat-région avec l'organisme de
gestion d'un parc naturel régional. Ces dispositions législatives répondent
déjà largement aux inquiétudes formulées l'an passé par la Fédération nationale
des parcs naturels régionaux.
Les textes d'application permettront par ailleurs de les compléter en
organisant une procédure de concertation obligatoire dès la phase de
reconnaissance du périmètre d'étude d'un pays qui comprendrait des communes
incluses dans un parc naturel régional.
Il faudra en effet que le dossier de candidature du pays concerné justifie de
l'impossibilité de procéder à l'harmonisation préalable des périmètres, et
comprenne un accord écrit entre les promoteurs du pays et l'organisme de
gestion du parc naturel régional les engageant à veiller à la cohérence et à la
complémentarité de leurs actions respectives.
Enfin, les textes d'application devraient préciser que la convention de
clarification des missions respectives d'un parc naturel régional et d'un pays
servira à préciser les ensembles cohérents d'actions, qui relèveront soit du
contrat de pays soit du contrat passé avec le parc naturel régional.
Toutes ces dispositions tant législatives que réglementaires offriront par
conséquent les garanties requises pour la bonne cohabitation des pays et des
parcs naturels régionaux, laissant néanmoins aux acteurs locaux, dans un esprit
de décentralisation et de responsabilisation, le soin de préciser la
répartition des rôles et des missions.
Pour conclure, les pays doivent tirer pleinement parti de l'expérience et des
avancées réalisées par les parcs naturels régionaux, qui, à leur tour, pourront
s'inspirer des démarches de développement des pays et prendre en compte les
exigences qui s'attachent à l'adoption et à la reconnaissance des chartes de
parc naturel.
Pour la plupart, les textes d'application de la LOADDT sont prêts et devraient
pouvoir être publiés avant la fin de l'année, à l'exception des deux décrets
relatifs précisément aux pays et aux agglomérations, car il s'agit de textes
plus lourds et plus ambitieux, aux dispositions relativement complexes.
Bien évidemment, je reste à la disposition des parlementaires pour venir leur
exposer nos priorités, et je rappelle que des délégations mises en place pour
suivre la politique d'aménagement du territoire pourraient constituer un cadre
approprié.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je savais que cette
question avait été prise en compte lors de l'élaboration de la loi
d'orientation et d'aménagement durable du territoire, et je sais que vous êtes
vous-même très attachée à la politique des parc naturels.
Mes craintes venaient du fait que nous passons, aux termes de la loi, à une
vision globale du territoire dans laquelle il s'agit de combiner mode de vie et
cadre de vie avec des populations, des entreprises, des activités commerciales
de plus en plus mobiles.
Cette conception s'est principalement appuyée sur des « zonages de projet ».
Le zonage de projet, à la différence des zonages politiques ou administratifs,
est fondé sur un projet privilégié, un « vouloir-faire ensemble » entre acteurs
locaux qui se fédèrent pour cette action.
L'expérience réussie des parcs naturels régionaux est une utile référence sur
le plan de la méthode, car les deux zonages procèdent du même souci de faire
des citoyens des acteurs de la reconquête du territoire.
Le chevauchement éventuel posait bien un problème de lisibilité et je suis
très heureux de la réponse que vous venez de formuler à cet égard.
Cependant, je veux souligner le fait que les parcs ont fait office de
prototypes et que nous craignions qu'ils ne soient menacés, à terme, de
disparition. Vous me rassurez en garantissant la pérennité des parcs et en
assurant leurs gestionnaires que les pays ne sont pas des parcs naturels
régionaux de deuxième génération.
CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE LA PRIME
A` L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DANS LA SOMME
M. le président.
La parole est à M. Martin, auteur de la question n° 633, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Pierre Martin.
Madame le ministre, je souhaite appeler votre attention, une nouvelle fois,
sur les conséquences induites par la modification du zonage de la prime
d'aménagement du territoire pour la région Picardie et, en particulier, pour le
département de la Somme.
Les critères retenus par le Gouvernement pour l'attribution de la PAT manquent
de cohérence du point de vue tant géographique qu'économique.
En réponse à une question écrite que je vous avais posée le 22 avril 1999,
vous m'avez apporté, madame le ministre, la précision suivante : « Le découpage
du zonage, en France comme ailleurs, ne pourra plus épouser les contours des
zones industrielles, mais il devra incorporer la population des bassins
d'emploi dans la totalité. » C'est ici que les difficultés commencent pour
notre département, en particulier pour de nombreux cantons menacés, de fait,
d'isolement économique.
Un exemple parmi d'autres, celui du canton d'Hallencourt, dont je suis l'élu,
est particulièrement éclairant. Ce canton répond à l'ensemble des critères
retenus pour l'éligibilité dans le zonage de la PAT. Il bénéficiait donc,
jusqu'alors, de la PAT comme du FEDER ; il s'en trouverait exclu dans le
nouveau projet, vu son appartenance au bassin d'emploi d'Amiens.
Et, pourtant, le canton d'Hallencourt possède une limite territoriale avec le
canton d'Abbeville-Sud. Il dépend de l'arrondissement d'Abbeville - et non pas
d'Amiens - pour toutes les formalités administratives des particuliers, mais
également des entreprises. Ses activités traditionnelles et industrielles
relèvent toutes du Vimeu ; il est porteur d'une histoire locale et de noms de
village faisant référence à ce secteur du Vimeu. Il appartient aux structures
locales de développement de ce même secteur. Son rattachement au bassin
d'emploi du Vimeu, dans l'arrondissement d'Abbeville, paraîtrait naturel. Tel
n'est pas le cas.
Cette situation, résultant en partie d'une définition obsolète donnée par
l'INSEE de la zone d'emploi d'Amiens, constitue une anomalie géographique et
historique, une enclave dans le bassin d'emploi du Vimeu.
Vous sachant, madame le ministre, soucieuse d'équité, je vous pose la question
: vous serait-il loisible de porter votre attention tout spécialement sur la
situation paradoxale du canton d'Hallencourt en reconsidérant son appartenance
- illogique - au bassin d'emploi d'Amiens et en adoptant une approche moins
théorique dans les facteurs d'éligibilité retenus pour son classement dans le
zonage PAT ?
Etes-vous prête, en outre, à accorder au département de la Somme un complément
de population éligible, étant donné que les réductions sont de l'ordre de 21 %
dans ce département contre 1 % dans l'Aisne ?
Enfin, concernant le zonage objectif 2, êtes-vous prête à remédier à la
situation d'injustice que vivent le département de la Somme, avec 40 % de
réduction de population éligible, et la région Picardie, avec 25 % de réduction
? Il ne faudrait pas que le zonage objectif 2 reconduise les mêmes
insuffisances que le récent zonage PAT !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, il ne me revient heureusement pas d'accorder telle ou telle «
rallonge » en termes de population. La réduction drastique à laquelle nous
avons été confrontés au titre d'une politique non d'aménagement du territoire
mais de la concurrence, est effectivement douloureuse à vivre. C'est sur la
base de cette argumentation et des critères qui nous étaient imposés par le
règlement communautaire que nous avons été amenés à formuler des propositions
en toute objectivité.
Je vous signale que la discussion avec la Commission est vive et que M. Monti
nous a d'ores et déjà fait savoir qu'il n'entendait pas valider la carte qui
lui avait été transmise par les autorités françaises.
La négociation est en cours. S'il semble possible de faire valoir notre point
de vue en ce qui concerne la prise en compte de situations de chômage
particulièrement graves dans la périphérie des grandes villes, dans des zones
touchant à des agglomérations, dans les espaces confrontés à des
restructurations minières ou énergétiques, la Commission européenne s'est
montrée, elle, fort peu flexible : elle requiert, pour ces espaces, une stricte
coïncidence avec la proposition de zonage objectif 2.
C'est une contrainte très lourde qui ne peut être satisfaite dans tous les cas
et qui se traduira sans doute par quelques redéploiements au sein de la
proposition de zonage PAT. En effet, nous ne pouvons pas « manger » des
populations d'une façon considérable dans des zones où les activités ne sont
pas aussi nombreuses qu'on pourrait le souhaiter et où nous ne profiterions pas
au mieux des possibilités de zonage.
Le choix des critères retenus résulte largement d'un travail engagé au sein du
Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire et des
recommandations formulées par ce dernier.
Vous le savez, plusieurs scénarios étaient possibles. Nous avons préféré le
scénario dit d'aménagement du territoire, parce qu'il tenait le mieux compte de
la richesse, du chômage, de la dépopulation des territoires en mutation
industrielle. Nous n'avons pas voulu conforter l'idée finalement assez cynique
selon laquelle il aurait fallu ne retenir que les seules zones qui pouvaient au
mieux se servir de cette opportunité.
Au regard de ces critères, la zone d'emploi d'Amiens, qui comprend le canton
d'Hallencourt, a été retenue non pas en totalité, au titre de la proposition de
zonage PAT, mais à hauteur de 98 000 habitants, suivant un découpage, élaboré
sur le plan local qui privilégie les zones industrielles touchées par un fort
taux de chômage dans la périphérie de l'agglomération d'Amiens, en respectant
un principe de continuité géographique. Le canton d'Hallencourt, qui est
distant du zonage proposé pour Amiens, ne peut donc, à ce stade des
négociations avec la Commission, être réintégré dans la proposition
française.
S'agissant du zonage objectif 2, la Picardie avec une baisse de 24,7 % - après
affectation de 15 000 personnes supplémentaires au titre de la réserve, afin
d'assurer le zonage partiel de Soissons en objectif 2, compte tenu des
difficultés récentes - se trouve dans une situation relativement moins
pénalisante que l'ensemble des autres régions, qui connaissent une baisse
moyenne de 26,3 %.
Le taux de couverture du futur objectif 2 pour la Picardie, avec 778 041
personnes, est de l'ordre de 43 %, à comparer avec un taux de couverture
national de l'ordre de 31 %.
La proposition de zonage objectif 2, élaborée sur le plan local, conforte le
zonage PAT pour ce qui concerne la frange de la zone d'emploi d'Amiens ; elle
comprend par ailleurs la commune d'Hallencourt, sur laquelle vous m'avez
interrogée.
M. Pierre Martin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Je vous remercie de toutes ces précisions, madame le ministre. Une avancée a
été faite pour le canton d'Hallencourt ; elle est, certes, insuffisante, mais
je crois que, dans ce combat pour l'emploi que nous menons tous dans nos
différents secteurs d'activité, la souplesse permet certainement d'avancer plus
rapidement que la rigidité !
M. le président.
Cela nous appelle tous à la modestie. Ce qui avait été négocié dans le passé
n'était pas si catastrophique que cela !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, si la Commission européenne a imposé la réduction d'un quart de
la population couverte, je rappelle que cette règle a été assumée, lors du
sommet de Berlin, par les deux têtes de l'exécutif.
Il s'agit de stabiliser le budget communautaire. Il s'agit également d'assurer
les meilleurs retours financiers possibles pour la France, et c'est au titre de
la politique agricole commune que ces retours sont les plus satisfaisants
historiquement. Il s'agit, enfin, de concentrer des moyens importants sur des
zones qui sont réellement en retard de développement, que ce soit au titre de
l'objectif 1, qui concerne notamment les départements d'outre-mer, ou au titre
des dispositifs de sortie.
Nous n'avons pas à rougir du travail qui a été engagé. Je tenais à replacer ce
débat dans un contexte peut-être plus complexe que celui que vous imaginez,
monsieur le président.
M. le président.
Je serais content d'avoir les résultats obtenus en Picardie pour Marseille qui
a subi des amputations par rapport au passé.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous
sommes tous passionnés par ces problèmes, monsieur le président.
RÉQUISITIONS DE LOGEMENTS VACANTS
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 613, adressée à M. le
secrétaire d'Etat au logement.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous interroger sur les mesures
exceptionnelles qu'il y a lieu de prendre à Paris concernant le logement.
Le nombre de personnes sans domicile fixe dans mon département est évalué à 10
000 et 100 000 Parisiens se trouvent dans une situation de précarité ; 36 000
personnes ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un
logement social ou vivant dans des logements insalubres ne cesse d'augmenter.
Avec tout cela on pourrait faire des villes !
Le recensement de 1999 indique qu'en neuf ans le nombre de logements vacants
dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui
plus de 10 % du parc des logements existant à Paris.
Le rapprochement de ces deux données est, je crois, éloquent.
Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent donc que conforter l'exigence de
voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par la
loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998.
Cette dernière offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la
procédure de réquisition-attribution des logements vacants prévue à l'article
L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation.
De plus, elle prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la
commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et un
déséquilibre marqué doit exister entre l'offre et la demande de logements
sociaux. Paris semble correspondre à cette définition. La loi s'applique depuis
le 1er janvier 1999 pour chaque logement vacant depuis au moins deux années
consécutives. Toutefois, comme l'ont fait remarquer un grand nombre
d'associations de lutte contre l'exclusion, les textes ne suffisent pas et il
est nécessaire et urgent de donner l'impulsion politique correspondant à
l'ampleur des problèmes posés.
Dans ce cadre, j'apprécie bien sûr positivement le fait que le Gouvernement
ait annoncé la création de 10 000 logements sur cinq ans pour accueillir
prioritairement ceux qui sont logés dans les hôtels meublés vétustes et
insalubres. Cela devrait donner une impulsion nouvelle et tranche avec
l'immobilisme de la Ville de Paris qui, jusqu'ici, se contentait de reconduire
les mêmes mesures alors que les besoins sont croissants. Par ailleurs, nous
continuons à penser qu'il serait juste que, pour toutes les expulsions liées à
un problème social, un moratoire s'applique. Nous l'avons défendu lors de
l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions et
continuons à penser qu'il est nécessaire.
Je ne pense pas que l'on puisse en rester là. La mise en oeuvre d'un plan de
réquisition pour les logements inoccupés appartenant à de grands propriétaires
institutionnels, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en
attente d'un logement social et en grande difficulté, paraît nécessaire.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le nombre de logements concernés par la
taxation des logements vacants à Paris, en particulier arrondissement par
arrondissement ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Madame la sénatrice, votre question
comporte plusieurs aspects relatifs à l'hébergement et au logement des
personnes démunies à Paris.
S'agissant de l'hébergement, je souhaite vous confirmer que les capacités de
l'hiver dernier ont été reconstituées. Pour l'Ile-de-France, près de 5 500
places sont ouvertes ou prêtes à ouvrir, dont 3 000 à Paris, et 500 places
peuvent être mobilisées du jour au lendemain si nécessaire, notamment en cas de
grand froid, dont 350, voire un peu plus s'il le faut, à Paris.
A cet égard, je voudrais vous indiquer que dans la quasi-totalité des villes
de France, ce sont plutôt les collectivités qui se mobilisent pour dégager les
moyens de l'hébergement. Elles ont beaucoup plus de facilités pour le faire que
l'Etat, qui n'a pas l'exercice du droit de préemption urbain et qui ne peut pas
suivre à leur place l'évolution du marché foncier et immobilier. A Paris, on se
tourne effectivement beaucoup vers l'Etat. Il a fait ce qu'il pouvait. Les deux
acteurs doivent au moins être mobilisés simultanément.
Le Gouvernement agit aussi à plus long terme, pour renforcer le dispositif
d'hébergement, le pérenniser, l'humaniser et l'adapter aux besoins nouveaux.
C'est le sens du plan de création, sur cinq ans, de 10 000 logements en
résidences sociales en Ile-de-France, que j'ai rendu public jeudi 28 octobre
dernier. Ce plan devrait bien sûr accroître les possibilités de sortie de ce
dispositif vers de véritables solutions de logement.
Votre question porte aussi sur l'utilisation des outils créés par la loi
relative à la lutte contre les exclusions pour mobiliser les logements
vacants.
Il faut tout d'abord rappeler que les logements vacants, recensés à un moment
donné par l'INSEE, le sont pour des raisons diverses et, par voie de
conséquence, depuis des durées variables. Une simple accélération du nombre des
transactions immobilières et de la mobilité résidentielle accroît
automatiquement le nombre de logements vides pendant l'espace qui sépare deux
occupations.
Ce point mérite d'être précisé, car la vacance visée par les nouveaux
dispositifs de la loi relative à la lutte contre les exclusions est la vacance
de longue durée : deux ans pour l'application de la taxe sur les logements
vacants et dix-huit mois pour les réquisitions.
Le nombre de logements concernés en 1999 par la taxe sur les logements vacants
n'est pas encore connu. En effet, les services fiscaux viennent tout juste
d'envoyer aux propriétaires concernés les avis d'imposition.
Pour Paris, ce nombre d'avis est de l'ordre de 30 000, sans qu'il soit à ce
jour possible de disposer de données détaillées par arrondissement. Mais la loi
donne aux propriétaires la faculté d'apporter la preuve que la vacance du
logement n'est pas de leur fait, puisque la taxe vise à pénaliser les
comportements de vacance volontaire et durable de logements. Les services
fiscaux devront alors se prononcer sur l'application ou non de la taxe aux
logements concernés, dont le nombre précis ne sera connu que dans quelques
mois, après que les propriétaires auront pu, éventuellement, faire valoir leurs
arguments.
Enfin, en ce qui concerne le parc locatif HLM, le taux de vacance recensé par
les bailleurs sociaux à Paris est de 2,9 %, c'est-à-dire un peu moins que la
moyenne régionale ou nationale qui est de 3 %. Une part très majoritaire de ces
logements sont vacants depuis moins de trois mois. Dans la plupart des cas, il
s'agit donc d'une vacance entre deux occupations.
En ce qui concerne les réquisitions, M. Jean-Claude Gayssot et moi-même sommes
actuellement dans une phase importante de consolidation des réquisitions
existantes, antérieures à 1997. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour
qu'elles soient transformées en logements sociaux définitifs. Il serait en
effet peu concevable de produire de nouveau de la précarité pour les personnes
qui ont bénéficié de cette procédure. On perçoit bien là les limites des
réquisitions : elles ne peuvent pas constituer une solution pérenne.
La nouvelle procédure prévue par la loi relative à la lutte contre les
exclusions est applicable puisque les textes d'application nécessaire sont
parus. Lorsque des logements correspondant aux critères de la loi nous seront
signalés, nous déciderons la mise en application de la nouvelle procédure, en
respectant les modalités prévues. Mais je dois vous dire que, jusqu'à ce jour,
même des associations qui militent très activement pour des réquisitions, et
auxquelles nous avons dit que nous étions disponibles pour en réaliser, n'ont
pas su nous indiquer de propriétés institutionnelles remplissant les conditions
de la loi. Nous lançons donc un appel à tous ; notre disponibilité est
entière.
En conclusion, consolidation de l'hébergement, plan de construction de
résidences sociales, mobilisation des logements vacants, le Gouvernement agit
sur ces trois plans, en complément de son action, que vous connaissez, pour la
relance du logement social. Dans le cadre de l'élaboration du projet de loi
relatif à l'urbanisme, à l'habitat et aux déplacements, M. Jean-Claude Gayssot
et moi-même proposerons des mesures nouvelles pour la résorption de l'habitat
insalubre. Nous nous doterons ainsi d'outils permettant de mieux traiter les
problèmes que vous avez exposés au début de votre question.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Je remercie
aussi M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui est
présent au banc du Gouvernement.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que, selon moi, la politique de la
ville n'est pas satisfaisante et que le Gouvernement a des responsabilités, la
question du logement étant un facteur très important d'exclusion.
L'année dernière, nous avons voté le projet de loi relatif à la loi de lutte
contre les exclusions, qui, dans l'esprit - il serait souhaitable que ce soit
aussi dans la lettre - a pour objet de s'attaquer résolument aux phénomènes
cumulatifs d'exclusion. Il s'agit d'assurer un minimum de droits fondamentaux à
nos concitoyens.
Dans la capitale, nous sommes évidemment aux premières loges pour constater
chaque jour le phénomène d'exclusion. Les mesures doivent effectivement être
coordonnées pour mieux s'attaquer à ce problème.
Les associations, auxquelles je transmettrai votre réponse, rencontrent en
effet quelques difficultés pour procéder elles-mêmes à une évaluation de la
vacance des logements. On évalue à quelque 115 000 le nombre de logements
inoccupés, d'immeubles et de bureaux vides à Paris. Certes tous n'entrent pas
dans le champ d'application de loi, mais il y a tout de même de quoi faire.
TRACÉ DU TGV SUD-EST
M. le président.
La parole est à M. Picheral, auteur de la question n° 615, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-François Picheral.
Ma question s'adresse effectivement à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
Monsieur le ministre, je suis, depuis quelque temps, régulièrement interpellé
par de nombreuses associations représentant les particuliers résidant dans le
pays d'Aix-en-Provence. Elles m'interrogent sur la position du Gouvernement en
matière d'évolution ferroviaire dans notre région et plus précisément sur
l'éventualité de l'extension du TGV Sud-Est dont le tracé traverserait les
communes de Saint-Carmat, Aix-en-Provence, Le-Puy-Sainte-Réparade, Venelles,
Meyrargues, Vauvenargues, pour se diriger vers Nice, via Saint-Raphaël. De
plus, ce tracé serait susceptible de passer au pied de la montagne
Sainte-Victoire, chère à Cézanne, dont le classement par l'UNESCO est en cours
d'étude.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire part de votre
position sur ce point.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, conformément aux décisions du comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire du 15 décembre 1998, Réseau
ferré de France est aujourd'hui sur le point d'engager une étude d'opportunité
sur le prolongement de la ligne ferroviaire à grande vitesse vers Toulon, la
Côte d'Azur et l'Italie.
Cette étude comportera en premier lieu une évaluation des besoins de
déplacements et des enjeux de projet dans une approche fonctionnelle et
multimodale, puis une identification et un recensement des solutions techniques
possibles susceptibles de répondre à ces besoins et, enfin, une appréciation
multicritères des solutions examinées. Je rappelle d'ailleurs que, lors du
dernier sommet franco-italien, il a été décidé de mettre en place une
commission intergouvernementale franco-italienne pour les Alpes du Sud.
En l'état des réflexions, la seconde étape de cette étude devrait
a priori
explorer plusieurs familles de solutions envisageables.
Il s'agit de la solution en ligne nouvelle reprenant le tracé dit Querrien et
de la solution « médiane » visant à réutiliser au moins partiellement les
emprises de la ligne Aix-Gardanne-Carnoules, par le centre Var. Une solution «
côtière » est également envisagée. Elle serait composée d'un tronçon
Toulon-Fréjus plus ou moins adossé à la ligne actuelle dans le Var moyen et
dans la vallée de l'Argens.
Bien entendu, compte tenu des enjeux d'un tel projet, celui-ci devra donner
lieu le moment venu - on est actuellement très en amont - à un débat préalable,
portant notamment sur l'intérêt économique et social du projet, sur ses
caractéristiques et ses fonctionnalités principales et - ce qui est très
important pour moi - sur son impact sur l'environnement humain et naturel des
espaces traversés.
Ce n'est qu'à l'issue de toutes ces procédures et de ce débat, et sur la base
des bilans établis, que pourront être précisées les conditions ultérieures de
définition d'un tracé.
Vous avez évoqué le fait que l'UNESCO étudie actuellement la possibilité
d'inscrire la montragne Sainte-Victoire sur la liste du patrimoine mondial. Si
tel devait être le cas, il en serait obligatoirement tenu compte.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes encore très en amont
des décisions et, en tout état de cause, rien ne se fera sans que tous les
éléments du dossier et le fruit des concertations engagées soient pris en
compte.
M. Jean-François Picheral.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Picheral.
M. Jean-François Picheral.
Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous venez
d'apporter et qui nous rassurent en grande partie. En effet, on peut
aujourd'hui utiliser les voies existantes entre Toulon et Marseille en passant
par la Blancarde, que connaît bien le président de séance, pour se diriger
ensuite vers la nouvelle gare TGV d'Aix-en-Provence. Il s'agit d'une solution
immédiate, qui rendra service tant à la SNCF qu'aux Parisiens qui voudront
bénéficier du soleil de notre région.
DROITS DES SALARIÉS DANS LES GRANDES ENTREPRISES
M. le président.
La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 628, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Michel Duffour.
Monsieur le ministre, si j'attire votre attention sur le comportement de la
direction de grandes entreprises, c'est bien parce que la réduction du temps de
travail est un acte majeur de ce gouvernement et que la réussite de ce projet
constituera - c'est mon voeu le plus cher - une avancée significative.
Sans ouvrir à nouveau le débat qui s'est tenu ici même, nous voyons que, si la
réduction du temps de travail rencontre un écho favorable chez les salariés,
les craintes sont également vives. Ces dernières tiennent pour une grande part
à l'attitude négative de grands groupes qui mènent une bataille offensive pour
détourner la réduction du temps de travail de ses objectifs et créer le
sentiment chez de nombreux salariés d'être totalement démunis devant leur
toute-puissance.
Cette pression s'exerce souvent en amont de toute discussion sur la réduction
du temps de travail et vise à créer un rapport de forces défavorable au monde
des salariés, avant toute amorce de négociation.
C'est ainsi que la direction de Cegelec, filiale d'Alstom, s'acharne sur le
sort de treize grévistes qu'elle a pris en otages sur le site de Nanterre.
Leur seule faute est d'avoir refusé la remise en cause d'acquis comme la prime
d'outillage et d'avoir, avec d'autres salariés, mis en oeuvre la décision,
prise à la majorité, d'occuper les locaux face au refus de négocier de la
direction.
L'un de ces grévistes est d'ores et déjà exclu. Il a dix-sept ans
d'entreprise, après y être entré comme apprenti. Il est père de quatre enfants,
mais cela ne compte pas pour la direction de l'entreprise.
La procédure engagée est le licenciement pour faute grave. Encore faudrait-il
que la direction daigne justifier ce qui constitue, à ses yeux, une faute grave
! Mais ce n'est pas le cas.
Nous sommes donc dans une situation, désormais trop courante, où la direction
d'une grande entreprise n'hésite pas à jouer sur la lenteur des procédures
prud'homales et sur la modicité des sanctions encourues pour engager une
épreuve de force.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui saluent le courage et le réalisme de
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui a su écouter sa majorité
plurielle à l'Assemblée nationale, modifier quand il le fallait son projet - je
pense en particulier à la durée effective du temps de travail - et résister au
chantage du MEDEF.
Toutefois, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas, à la lumière de l'exemple
que je viens d'évoquer, qu'il est temps, comme M. le Premier ministre l'avait
initialement envisagé, que le Parlement délibère et décide d'inscrire dans le
code du travail des droits nouveaux pour les salariés, des obligations
nouvelles pour les employeurs, bref de limiter les pouvoirs exorbitants et
exclusifs du grand patronat dans les entreprises ?
Enfin, en ce qui concerne le conflit de Nanterre, je vous demande, comme mes
collègues députés Jacqueline Fraysse et Georges Sarre qui l'ont fait avant moi,
quelles mesures vous comptez mettre en oeuvre pour annuler les procédures de
licenciement et de mises à pied abusivement engagées par la direction de
Cegelec à l'encontre de quelques-uns de ses salariés, et éviter l'exacerbation
des tensions dans la branche des travaux publics, où les relations sociales
sont loin d'être exemplaires.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Vous avez appelé mon attention, monsieur le
sénateur, sur la situation des salariés de l'entreprise Cegelec, filiale
d'Alcatel-Alstom, qui a pris la décision de licencier ou de mettre à pied du
personnel protégé ou non protégé à la suite d'un conflit avec occupation des
locaux à Nanterre.
Les revendications à l'origine de la grève portaient sur le maintien de la
prime d'outillage - 3 % du salaire - la mise en oeuvre des 35 heures avant le
1er janvier 2000 sans perte de salaire et, dans ce cadre, le maintien d'autres
avantages liés aux accords de branche concernant la prime de panier, le travail
de nuit et du dimanche, la revalorisation des indemnités de déplacement.
Ce conflit a donné lieu à une occupation de locaux par les salariés grévistes
et à une mesure d'expulsion par la force publique sur décision de justice.
Les négociations de sortie du conflit ne sont pas terminées. Le tribunal a
désigné un médiateur et demandé aux parties de présenter leurs propositions le
7 novembre au plus tard.
A l'issue de l'occupation, la direction a annoncé son intention de licencier
douze salariés.
Pour huit d'entre eux, la sanction a été commuée en mise à pied de trois mois.
Un salarié non protégé a été licencié pour faute lourde et le conseil des
prud'hommes statuera sur cette plainte aujourd'hui même.
L'inspection du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de
licenciement pour trois représentants du personnel et les décisions devraient
être notifiées dans l'entreprise dans les jours qui viennent.
Ce dossier fait l'objet d'une attention particulière de la part de
l'inspection du travail et du ministère de l'emploi et de la solidarité au
moment où, ainsi que vous avez eu l'occasion de le souligner, monsieur le
sénateur, la loi sur la réduction du temps de travail doit permettre un réel
approfondissement de la démocratie dans l'entreprise. Il faut ainsi que nous
puissions démontrer que, dans le cadre de la négociation, on peut appliquer
cette loi pour établir ce « gagnant-gagnant » qu'a eu l'occasion de développer
Mme la ministre de l'emploi devant vous : l'entreprise doit renforcer sa
production tout en mettant en place, dans le même temps, des conditions de
travail et de temps de vie plus agréables pour les salariés et en créant de
l'emploi.
C'est la raison pour laquelle Mme Aubry m'a demandé de vous dire qu'elle
suivait particulièrement le déroulement de ce conflit, et nous examinerons, le
cas échéant, les conclusions qu'il faudra en tirer.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J'ai pris bonne note que le ministère suivait avec attention le déroulement du
conflit, d'autant qu'il s'agit d'une branche où les tensions sont souvent
extrêmement vives.
Mon voeu le plus cher est que l'attention que vous y portez trouve ses effets
et que le conflit se termine de manière positive.
LIBERTÉ D'INFORMATION SYNDICALE
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, auteur de la question n° 631, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le ministre, des manquements graves à l'exercice de la liberté
d'information syndicale ont actuellement cours à l'usine Renault de Cléon.
Le 27 décembre 1968 était adoptée une loi qui comportait de réelles avancées
pour l'exercice des mandats des élus du personnel dans les entreprises ainsi
que pour l'activité syndicale.
Ce texte était le fruit du grand mouvement social de mai et juin 1968, dont
l'empreinte est encore ressentie aujourd'hui.
Aux termes de l'alinéa 4 de l'article L. 412-8 du code du travail, le droit à
l'information était reconnu pour les salariés : « Les publications et tracts de
nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs dans
l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du
travail. »
Ainsi les délégués pouvaient-ils, dès ce moment, rendre compte de leurs
mandats, et les syndicats et leurs militants bénéficier de libertés
nouvelles.
Depuis 1968, toutefois bien des changements sont intervenus dans
l'organisation du travail : horaires variables, introduction de la flexibilité
dans nombre d'entreprises. Les conditions d'application des dispositions
auxquelles j'ai fait référence précédemment sont donc devenues différentes.
C'est le cas à l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime : il existe
désormais sept accès différents pour les employés de cette unité de production
et, pour ne prendre l'exemple que du seul bâtiment E, soixante-quatre portes
d'entrée et des dizaines de vestiaires.
Les horaires principaux, qui étaient au nombre de quatre il y a vingt ans,
sont devenus plus de deux cents aujourd'hui si l'on prend en compte
l'individualisation du travail et les reprises et cessations d'activité à
horaires décalés.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, la législation est devenue
inapplicable au sens strict. Dans le même temps, la direction de ce site
s'emploie à l'interpréter à la lettre, c'est-à-dire de façon restrictive. Elle
s'obstine à ne pas vouloir ouvrir de négociation sur l'adaptation à la réalité
du site de l'article L. 412-8, alinéa 4, du code du travail. La situation
continue donc de se dégrader.
Les conséquences d'une telle situation sont graves. Plus de cinquante
sanctions ont été prononcées, et un tel blocage ne peut, évidemment, que
concourir à dégrader le climat social.
Laisser porter atteinte aux droits fondamentaux des salariés et de leurs
délégués me paraît contraire à l'esprit du droit français et aux acquis des
luttes sociales. Issu d'une profonde volonté de changement, le Gouvernement
actuel de gauche ne peut laisser une telle situation en l'état, sauf, monsieur
le ministre, à courir un risque d'affaiblissement.
C'est la raison pour laquelle je souhaite savoir quelles mesures vous comptez
prendre pour que la liberté d'information des salariés par leurs élus ne
subisse pas d'entraves. La situation que je viens d'évoquer pour Renault-Cléon
n'est évidemment pas la seule en France !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon
attention sur la situation de salariés de l'entreprise Renault, à Cléon, qui
ont été sanctionnés après avoir distribué des tracts syndicaux en dehors des
conditions prévues par l'article L. 412-8 du code du travail, lequel précise,
dans son alinéa 4, que : « Les publications et tracts de nature syndicale
peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l'entreprise, dans
l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail ».
Aux termes de cet article, des accords collectifs peuvent comporter des
clauses plus favorables et prévoir ainsi les modalités concrètes d'exercice du
droit syndical.
C'est dans ce cadre qu'il y a lieu de rechercher des dispositions adaptées au
régime des horaires de travail appliqué dans l'entreprise. Je rappelle à cet
égard qu'en cas d'horaires individualisés la diffusion des documents syndicaux
est possible pendant la totalité de la plage mobile des horaires.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le site de Cléon, se trouve posée
la question de la remise en cause des modalités de diffusion de l'information
syndicale au sein de l'établissement.
Indépendamment des procédures susceptibles d'être engagées devant la
juridiction compétente pour la levée des sanctions ou la contestation du
non-respect de la dénonciation de l'usage, je souhaite que, dans cette
situation, direction et organisations syndicales s'entendent pour déterminer un
régime permettant de concilier, d'une part, le respect de cette liberté
fondamentale qu'est le libre exercice du droit syndical dans l'entreprise et,
d'autre part, les règles attachées à l'exécution normale du travail et au
fonctionnement de l'entreprise.
C'est bien à ce niveau que peut s'engager une négociation sur les adaptations
susceptibles d'être apportées aux modalités de diffusion de l'information
syndicale en tenant compte de la diversité des formes d'organisation du travail
- que vous avez mise en avant dans votre question, monsieur le sénateur -, mais
aussi de l'exécution normale de celui-ci et du respect des libertés et des
droits syndicaux dans l'entreprise.
Je reste comme vous très attentif à ce que la réaffirmation par la Cour de
cassation d'une interprétation littérale des termes de l'article L. 412-8 ne se
traduise pas par la remise en cause d'usages établis, pour ce qui est de la
diffusion de l'information syndicale, dans des conditions qui porteraient
préjudice à l'exercice normal des droits syndicaux.
Les difficultés rencontrées par certains salariés exerçant des fonctions
représentatives au sein de l'entreprise Renault à Cléon continuent de faire
l'objet de la plus grande attention de la part de l'inspection du travail, qui
a déjà reçu à plusieurs reprises sur ce sujet des délégations de représentants
du personnel.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le ministre, s'il faut absolument faire respecter le quatrième alinéa
de l'article L. 412-8 du code du travail, je crois cependant qu'il est devenu
nécessaire de le modifier en fonction des données nouvelles, qui sont très
nombreuses depuis 1968. Les salariés doivent pourtant être informés et leurs
élus exercer leurs droits sans entrave, sans sanction et sans brimade.
Entre 1968 et aujourd'hui, trente et un ans se sont écoulés et beaucoup de
choses ont changé. Il convient donc d'actualiser la législation afin qu'il ne
soit plus possible de sanctionner des délégués qui informent régulièrement les
salariés de l'entreprise.
MISE EN OEUVRE D'UN DÉPISTAGE
SYSTÉMATIQUE DU CANCER COLORECTAL
M. le président.
La parole est à M. Cazalet, auteur de la question n° 620, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Auguste Cazalet.
En matière de santé publique, il y a un temps pour tout : pour l'analyse d'un
problème, pour le lancement des études d'observation épidémiologique et des
essais d'interventions cliniques nécessaires, pour le recueil et l'analyse des
données, pour la décision politique, pour l'action collective et, enfin, pour
le bilan.
Il en est ainsi du dépistage du cancer colorectal. Celui-ci est en effet, en
France, l'un des cancers les plus fréquents. Il domine en tout cas la
pathologie tumorale digestive et est, par ailleurs, en constante
progression.
Selon les données statistiques les plus récentes, il devient fréquent chez
l'adulte de plus de quarante-cinq ans et son incidence augmente avec l'âge. On
admet que celle-ci double à chaque décennie. L'évolutivité est d'autant plus
grande et le pronostic plus sombre que le diagnostic est plus tardif, et le
cancer du côlon est à lui seul responsable de 26 000 nouveaux cas et de 16 000
décès par an.
Un Français sur quinze sera atteint par ce cancer, et un sur quarante en
mourra.
On sait que le dépistage individuel et familial des sujets à haut risque est
efficace et utile. On sait aussi que, sous certaines conditions, le dépistage
de masse en deux temps, commençant par le test « Hémoccult », permet de réduire
la mortalité.
Aucun argument scientifique ou éthique ne peut, aujourd'hui, justifier la
persistance des incohérences et atermoiements passés. Aucun principe
administratif dépassé ne doit plus faire obstacle à la prise en charge de ces
tests.
La France, j'en suis convaincu, est capable de rejoindre, sur cette question,
les pays avancés en matière de gestion de leur système de santé. Elle est
capable d'actions concertées, durables et indépendantes des aléas du court
terme et des conflits d'intérêts.
Les conditions du succès de la mise en place de ce dépistage sont bien
définies : il faut une décision politique ferme, fédératrice, s'inscrivant dans
la durée et bien distincte de la gestion quotidienne de l'assurance maladie,
une information claire et une mobilisation active de la population, ainsi que
des professionnels de santé, quel que soit leur mode d'exercice, une prise en
compte des conditions techniques de la qualité et de l'efficacité du dépistage
et, enfin, un suivi des résultats.
Des expériences pilotes régionales ont été couronnées de succès. Aussi,
monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer quels moyens le Gouvernement
envisage de mettre en place ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le sénateur, nous estimons comme
vous que le cancer colorectal constitue un véritable enjeu de santé publique.
D'après les travaux de registres du cancer, on estime que 33 000 nouveaux cas
surviennent chaque année en France et, malgré les progrès thérapeutiques
importants réalisés ces dernières années, ce cancer est responsable de près de
15 000 décès par an.
Le dépistage devrait permettre, grâce à un diagnostic précoce, de réduire la
mortalité de ces cancers.
Les dispositions adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale de
1999 permettent de définir une politique ambitieuse de dépistage des maladies
aux conséquences mortelles évitables, notamment des cancers.
J'aimerais insister sur la responsabilité des pouvoirs publics s'agissant de
la qualité des services offerts à la population concernée par ces programmes.
Une conférence de consensus a ainsi été organisée sur le thème du dépistage du
cancer colorectal, en 1998, par l'Agence nationale d'évaluation et
d'accréditation en santé.
Cette conférence n'a pas permis de trancher définitivement quant à l'intérêt
de généraliser en France un dépistage du cancer colorectal en proposant à
l'ensemble de la population concernée un dépistage par la recherche de sang
dans les selles.
En effet, pour être efficace, ce dépistage doit être réalisé dans l'optique
d'un programme où la qualité technique des examens est associée à une
organisation rigoureuse. La participation de la population concernée doit être
élevée et maintenue pendant toute la durée du programme, tout comme
l'implication des médecins traitants.
Par ailleurs, si le dépistage peut apporter des bénéfices à certaines
personnes, beaucoup d'autres pourraient souffrir de ses effets néfastes. Quand
l'examen est positif, il faut en effet pratiquer une coloscopie, examen qui
n'est pas dénué de risques, même s'il est réalisé par des opérateurs
performants.
Ces résultats peuvent être également source d'une anxiété importante pour les
personnes considérées à tort comme positives. C'est pourquoi il est
indispensable, avant d'envisager toute généralisation du dépistage et la prise
en charge du coût des tests, de mettre en place un dispositif permettant
l'implication des professionnels et la mobilisation de la population.
Actuellement, trois départements mènent un programme expérimental de dépistage
du cancer colorectal, en portant une attention particulière aux conditions
permettant d'assurer la participation de la population et des professionnels.
Un groupe technique est, depuis le début de l'année, directement rattaché à la
direction générale de la santé. Il a pour objectif d'élaborer un cahier des
charges respectant ces critères de qualité.
Au vu des résultats de ses travaux, le Gouvernement prendra les dispositions
nécessaires pour étendre ces programmes.
M. Auguste Cazalet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Je prends acte, monsieur le ministre, de votre réponse. Je souhaite néanmoins
que la mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer colorectal ne reste
pas limitée à trois départements, mais que cette mesure soit étendue à
l'ensemble du territoire.
RATIFICATION PAR LA FRANCE
DE LA CONVENTION UNIDROIT
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 563, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Daniel Hoeffel.
Madame la ministre, je souhaite attirer une fois de plus votre attention sur
l'importance de la ratification de la convention européenne « Unidroit ».
En répondant à une question orale, le 15 décembre dernier, vous aviez bien
voulu indiquer, madame la ministre, que vous étiez convaincue de l'intérêt que
présentait pour la France la ratification de cette convention et que vous
meniez un dialogue constructif et actif afin que cette ratification soit le
fait non seulement de la France, mais aussi d'autres Etats.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la
recommandation 1372 demandant à tous les Etats membres du Conseil de l'Europe
de ratifier la convention « Unidroit », qui impose à l'acquéreur d'un objet
d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et
bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi.
La convention « Unidroit » vise non pas à abolir la présomption de bonne foi
de l'acquéreur, mais à l'adapter aux spécificités des objets d'art, et cette
adaptation me semble à la fois plus opportune et plus nécessaire que jamais.
Elle est plus opportune que jamais, car l'information circule aujourd'hui - et
ce sera encore plus vrai demain - avec une facilité naguère inconnue. On peut
ainsi publier sur Internet les photographies et les caractéristiques de
tableaux, de sculptures, d'objets d'orfèvrerie et de mosaïques qui forment le
patrimoine public et privé des différentes nations. Il est donc possible de
diffuser le signalement des oeuvres volées.
Elle est plus nécessaire que jamais, car le marché de l'art est déjà largement
mondialisé. Or ce sont les receleurs qui font les voleurs, et il importe donc
d'assécher les débouchés de tels trafics, qui sont liés au grand banditisme et
au recyclage de l'argent de la drogue et du terrorisme. En outre, il n'est pas
admissible que les grands musées et les grandes collections des pays les plus
opulents s'enrichissent d'objets volés et même arrachés à leur lieu d'origine.
Les exemples ne manquent pas à cet égard.
Notre pays serait dans son rôle en prenant l'initiative de la ratification de
cette convention et en invitant ses partenaires de l'Union européenne, ainsi
que les pays candidats à l'adhésion, à la ratifier également.
Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition
des frontières s'accompagne du respect des cultures et, d'une manière générale,
d'une meilleure sécurité. Une large ratification de la convention « Unidroit »
compléterait cet effort nécessaire, en rendant plus difficile la revente
d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
n'ignorez pas que je considère la convention « Unidroit » sur les biens
culturels volés ou illicitement exportés, signée à Rome le 24 juin 1995, comme
un instrument international de première importance pour la sauvegarde des
patrimoines culturels nationaux et du patrimoine de l'humanité tout entière.
La convention « Unidroit » est entrée en vigueur pour les neuf Etats qui l'ont
ratifiée ou y ont adhéré, parmi lesquels trois pays européens, la Finlande, la
Hongrie et la Roumanie.
La France a d'ores et déjà engagé le processus législatif de ratification de
la convention. Un projet de loi de ratification a ainsi été soumis à l'ensemble
des ministères concernés. J'ai obtenu l'assurance de mon collègue Hubert
Védrine, ministre des affaires étrangères, qu'une fois le traitement juridique
interministériel du texte achevé la convention serait traitée de façon
prioritaire.
Mais, comme vous le savez, l'efficacité des dispositions de la convention
dépend très largement de la mise en oeuvre de celle-ci par l'ensemble des pays
concernés, notamment par les principaux pays importateurs de biens culturels.
Il importe donc que la convention « Unidroit » devienne effective entre la
plupart des pays européens et qu'elle puisse les lier par une action
commune.
Dans ces conditions, je considère que l'annonce de la ratification de la
convention « Unidroit » par la France constituera un signal fort adressé aux
autres pays qui devraient s'engager, à leur tour, dans la voie de la
ratification.
Ainsi, monsieur le sénateur, depuis la précédente question orale que vous
m'aviez posée en décembre 1998, j'ai non seulement engagé le processus
interministériel qui permettra d'aboutir à la discussion du projet de loi de
ratification, mais j'ai aussi signalé à un certain nombre de mes collègues
européens la nécessité de cheminer ensemble vers la ratification de cette
convention.
Il est aussi très important, comme vous l'avez souligné, que, pour lutter
contre les vols et le banditisme liés à ce marché illicite d'oeuvres d'art
volées, nous puissions mettre en oeuvre - Mme le garde des sceaux y travaille -
une coopération judiciaire active. Par ailleurs, une collaboration très étroite
avec M. Chevènement m'a permis d'obtenir le concours d'un spécialiste des
questions de sécurité, qui travaille exclusivement pour le ministère de la
culture en apportant ses conseils à nos institutions publiques, mais aussi aux
propriétaires privés, car les uns et les autres sont évidemment menacés.
En outre, grâce aux créations d'emplois qui sont inscrites à mon projet de
budget pour 2000, nous pourrons également accroître le nombre d'emplois de
surveillance et améliorer l'accueil du public, ce qui est aussi une façon de
prévenir les vols qui, parfois, surviennent même de jour.
Il s'agit en tout cas d'une question d'actualité. Les ventes qui ont eu lieu
ces temps-ci à New York montrent en effet à quel point les prix peuvent monter,
à quel point aussi cela peut tenter un certain nombre de malfaiteurs qui, à
partir des vols d'oeuvres d'art, cherchent à créer de véritables réseaux
mafieux.
Ce problème constitue une préoccupation importante pour le Gouvernement. Je
suis heureuse d'avoir pu le réaffirmer en répondant à cette question.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui témoigne de
l'intérêt que vous portez à la ratification de la convention Unidroit.
Je me réjouis que, depuis décembre 1998, la procédure interministérielle qui
doit déboucher sur cette ratification ait fait des progrès incontestables ; je
souhaite qu'elle aboutisse très rapidement car, si la convention Unidroit est
importante pour la France, je crois davantage encore en sa position de pays
phare pour bien montrer à tous les pays européens qui n'ont pas encore procédé
à la ratification de cette convention l'importance qu'elle y attache. Il y va
de la préservation du patrimoine culturel et artistique européen.
Puissiez-vous, très rapidement, madame la ministre, nous annoncer la
concrétisation de la dernière phase de cette ratification.
TVA APPLICABLE AU CHOCOLAT NOIR
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 619, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Richert.
Je souhaitais attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur le différend qui oppose la direction générale
des impôts aux entreprises de chocolaterie à propos de la taxe sur la valeur
ajoutée applicable au chocolat noir.
Selon les textes réglementaires, le chocolat noir est l'un des produits de
chocolaterie taxé à 5,5 %. Or l'administration fiscale multiplie à l'encontre
des entreprises de chocolat des redressements fiscaux arguant d'une TVA à 20,6
%, et réclame aussi des différentiels de TVA qui ne sont pas justifiés au
regard des textes réglementaires. La conséquence de ces actions est de mettre
gravement en péril ce secteur d'activité.
L'article 278
bis
du code général des impôts soumet au taux de 5,5 % le
chocolat, le chocolat de ménage et le chocolat de ménage au lait, tels qu'ils
sont définis par le décret n° 76-692 du 13 juillet 1976, lorsque ces variétés
de chocolat sont présentées en tablettes, y compris les mini-tablettes ou les «
napolitains ». Les autres produits de chocolat sont soumis au taux de 20,6
%.
Tant les services de la direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes - la DGCCRF - que ceux de la
Commission européenne confirment que le chocolat noir, dit amer ou fondant, est
bien du chocolat, dès lors que sont respectées les normes de composition
minimale fixées par le décret n° 76-692.
La juridiction administrative, en l'espèce le tribunal administratif de
Strasbourg, par un jugement du 21 avril 1998, a confirmé à son tour cette
interprétation, jugeant que « le seul fait, pour les tablettes de chocolat en
litige, de présenter une teneur en beurre de cacao supérieure à 31 % ne saurait
leur retirer la qualité de chocolat au sens de l'article 278
bis
du code
général des impôts. »
L'administration fiscale a fait appel du jugement du 21 avril 1998 devant la
cour administrative d'appel de Nancy. Sans attendre, elle a multiplié les
contrôles et les redressements, notamment auprès de petites entreprises
chocolatières.
Il est évident que ces différentes interventions intempestives de
l'administration fiscale ont pour conséquence de mettre dans des situations
délicates un certain nombre d'entreprises, notamment les petites entreprises,
qui travaillent dans le domaine du chocolat.
Je souhaite donc que le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie confirme clairement la position des tribunaux administratifs, qui
est aussi celle de la Commission européenne et de la DGCCRF, et précise sans
ambiguïté que le chocolat noir doit être taxé à 5,5 % ; cela éviterait à un
certain nombre d'entreprises, notamment les petites, je le répète, d'être mises
en difficulté.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
avez devant vous une ministre s'exprimant au nom de Christian Sautter, qui vous
prie de l'excuser de ne pas être présent, mais, en même temps, une ministre de
la culture qui, par ailleurs, est concernée par la gastronomie et donc sensible
aux arguments qui concernent la qualité du chocolat et en particulier des
chocolats noirs à forte proportion de cacao.
Le chocolat est imposé au taux de la taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %,
comme vous l'avez rappelé, ou au taux de 20,6 %, selon sa composition.
Le texte de référence pour appliquer le taux adéquat est un décret du 13
juillet 1976.
Il est vrai que, par deux jugements, auxquels vous avez fait référence, du 21
avril 1998, le tribunal administratif de Strasbourg a donné une interprétation
concernant le chocolat noir contraire à la position de l'administration fiscale
fondée sur le décret de 1976.
Mais ces deux décisions de justice, qui sont à ce jour les seules rendues en
la matière, ont été déférées en appel.
Le Gouvernement ne se substitue jamais, lorsqu'il y a contentieux, au tribunal
qui est saisi. Il convient donc d'attendre la décision de justice définitive
pour être en mesure de régler la question que vous évoquez, question déjà
ancienne, amplement débattue, mais importante évidemment pour toute l'activité
chocolatière de fabrication, celles des grands groupes comme celles des petites
entreprises.
Le fait que ces contentieux aient eu lieu à Strasbourg est évidemment porteur
de sens, puisque s'y trouvent aussi bien la chocolaterie Suchard, la
chocolaterie Schaal que les chocolateries Vosgiennes qui, pour être de taille
moyenne, n'en sont pas moins très importantes pour l'emploi dans cette
région.
M. le président.
Il y a aussi la saucisse de Strasbourg.
(Rires.)
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je suis sensible au fait que Mme le ministre prenne très à coeur cette
question car, outre le chocolat, ce sont bien entendu des emplois et des
entreprises qui sont concernés.
Madame le ministre, la question n'est pas d'attendre la décision définitive de
justice. D'ailleurs, c'est une administration, donc en fait le Gouvernement,
puisque celle-ci relève de sa responsabilité, qui a fait appel d'une décision
de justice. Or cette décision de justice ne faisait que confirmer non seulement
la position de la Commission européenne mais également celle de la direction
générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes.
Il y a donc un consensus, excepté de la part de l'administration fiscale, bras
séculier du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je le repète, ce sont des entreprises, notamment des entreprises alsaciennes,
et en particulier certaines de celles que vous avez citées, qui sont en cause.
Je souhaite que vous vous fassiez mon interprète auprès de votre collègue pour
que cesse le harcèlement fiscal dont elles font l'objet. Je vous en remercie
par avance, madame le ministre, je sais que les entreprises concernées ainsi
que moi-même nous pouvons compter sur vous.
PLAN DE FERMETURE DES PERCEPTIONS
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 622, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gérard Delfau.
Je souhaitais attirer l'attention de M Sautter, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, sur l'inquiétude qu'a suscitée l'annonce faite en
interne par le directeur de la comptabilité publique d'un plan de fermeture des
perceptions et d'une réorganisation des services déconcentrés du ministère. Je
vous sais gré, madame la ministre de la culture, de bien vouloir vous faire son
porte-parole sur cette question.
En effet, sur les 4 000 établissements financiers locaux 1 000 seraient
menacés, c'est-à-dire ceux qui comptent au plus trois fonctionnaires. Cette
tentative de désengagement de l'Etat et cette nouvelle atteinte au service
public méconnaîtraient le rôle du percepteur de proximité dans la collecte des
impôts. Le ministère pourrait-il communiquer au Parlement le taux de rentrée de
la collecte en fonction des strates de communes ?
Notre expérience ne démontre-t-elle pas que l'agent qui connaît la population
a une efficacité économique supérieure à celui qui est perdu dans l'anonymat
des villes ? Et que dire de son efficacité sociale que connaissent bien les
élus ?
S'agissant des municipalités, il n'a pas échappé au ministère des finances que
le rôle de conseil auprès des maires et des secrétaires de mairie s'est
considérablement accru depuis les lois de décentralisation et en fonction d'une
inflation réglementaire et législative préoccupante, sans parler d'une dérive
procédurière qui fragilise l'élu. Une fois de plus, supprimer un tel service
public reviendrait à éloigner l'Etat et à laisser démunies des communes petites
et moyennes, qui n'ont pas accès à des services privés spécialisés, en raison
de la modicité de leur budget.
Cette orientation est d'autant plus choquante que, par une pente naturelle,
les fonctionnaires ont tendance à se regrouper dans les services centraux de
leur administration : niveau national, régional et départemental, selon une
sorte de reconcentration qui viole l'esprit des lois Defferre, bien oubliées
aujourd'hui. Je crains d'ailleurs à ce sujet que le projet de fusion de la
direction des impôts et de la direction du Trésor n'aboutisse à accentuer
encore cette tendance à l'éloignement du service public.
C'est pourquoi je demande à M. le ministre de l'économie et des finances, par
votre entremise, madame la ministre, d'ouvrir une discussion avec le Parlement
avant d'entreprendre une telle démarche, et de fournir, dans ce débat, les
éléments chiffrés que j'ai évoqués.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, vous
attirez l'attention de mon collègue sur le plan de fermeture des
perceptions.
Avec quelque 3 800 trésoriers, le réseau du Trésor public est caractérisé par
une forte implantation sur tout le territoire national ; il en résulte,
notamment, une part importante de petits postes : 25 % ont un effectif
théorique, hors cadres A, inférieur ou égal à trois agents, et près de 50 % à
cinq agents ou moins.
Tout en conservant sa caractéristique essentielle de réseau de proximité, le
Trésor public doit cependant évoluer pour, justement, continuer à assurer
l'accès du public à ses services.
Ainsi, la généralisation de la micro-informatique et le développement de
procédures télégérées intégrées ont contribué à renforcer l'efficacité de ce
réseau. Des redéploiements significatifs ont ainsi pu être opérés pour répondre
aux nouvelles missions du Trésor public, tels le contrôle financier déconcentré
de la dépense publique ou l'expertise économique et financière.
Ce sont ces mesures de modernisation, combinées à une adaptation progressive
et concertée de son réseau, notamment avec les élus, qui permettent au Trésor
public de rester un service public de proximité et de préserver le niveau de
qualité de ses prestations, au bénéfice des usagers et des élus, conformément
aux orientations gouvernementales en matière d'aménagement du territoire.
C'est pourquoi, contrairement à ce que laisse entendre la question que vous
venez de poser, il n'y a pas de plan national de fermetures de postes.
Enfin, s'agissant de la collecte de l'impôt, l'outil statistique organisé pour
donner des informations précises sur les taux aux différents stades de la
procédure, permet d'établir, outre les taux nationaux, des taux par
département, sans prendre en compte les strates des communes. Ils seront
transmis directement à l'intervenant, accompagnés de commentaires complétant
cette information d'éléments sur les enjeux financiers respectifs de chaque
département.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que, au nom de mon collègue, je
souhaitais vous transmettre.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Madame la ministre, je vous remercie d'abord d'avoir indiqué, au nom de M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il n'y a pas de plan
national de fermeture des perceptions. Cette annonce est importante dans cet
hémicycle, car ce n'est pas ce que l'on m'avait répondu quand j'avais posé la
question au mois de septembre dernier à l'échelon de mon département et de ma
région. Cela signifie en tout cas que le Gouvernement n'a pas la volonté de se
désengager systématiquement. De ce point de vue, votre réponse me satisfait
pleinement.
Cela étant, je voudrais que le ministère de l'économie et des finances accepte
de dialoguer vraiment avec les élus locaux. A ce titre, je présenterai deux
remarques.
En premier lieu, la machine, fût-elle micro-informatique, ne remplace pas
l'homme ou la femme. La relation établi avec l'élu local conforte le tissu
social conformément à une certaine conception de la citoyenneté. Fermer des
établissements locaux irait à l'encontre de cette orientation de votre
gouvernement, du gouvernement que je soutiens.
En second lieu, il est important que le ministère de l'économie et des
finances, qui est si bien pourvu en matériel informatique, nous communique les
chiffres que j'ai demandés, c'est-à-dire le taux de rentrées fiscales par
strate de communes et non par département, puisque les chiffres par département
sont parfaitement aléatoires et ne présentent strictement aucun intérêt, en
tout cas pour les parlementaires que nous sommes. Il est en effet à peu près
avéré que plus on rapproche la perception de l'impôt du terrain, mieux l'impôt
rentre, et que plus on l'éloigne, moins la fiscalité est opératoire.
Encore faudrait-il pour apporter cette démonstration que le ministère de
l'économie et des finances joue franc jeu avec le Parlement.
SITUATION DE LA POSTE EN MILIEU RURAL
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 605, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Georges Mouly.
Les élus sont très attachés à la présence de La Poste en milieu rural, nul ne
l'ignore aujourd'hui. Or fréquemment - les exemples ne manquent pas dans mon
département, dans lequel j'aurai le plaisir, madame la ministre, de vous revoir
dans quelque temps - les restructurations de services, les changements
d'horaires, les regroupements et les mutations « bousculent » fortement ce
service public auquel les populations, elles aussi, sont très attachées.
Je sais bien qu'il faut évoluer avec le temps et gérer les situations
nouvelles. Je sais aussi que la France profonde continue de se désertifier. Il
est bien connu par ailleurs que le statut de La Poste - c'est maintenant un
établissement autonome de service public - fait de celle-ci une structure
indépendante.
Néanmoins, il ne me paraît pas déplacé d'évoquer ici la question et
d'interroger plus précisément le Gouvernement.
Les faits sont là : si La Poste « ne ferme pas ses bureaux et se contente
d'adapter ses structures », comme le prétend l'exploitant lui même, cela
ressemble pourtant à un désengagement, progressif mais réel. C'est de cette
façon que le ressentent les habitants de nos villages lorsqu'ils constatent que
tel bureau n'est plus ouvert que certains jours de la semaine, que tel autre
est tenu non plus par un receveur titulaire mais par un contractuel, ou que le
facteur, qui dessert désormais plusieurs communes, n'a plus le temps de rendre
quelques menus services, comme c'était encore le cas dans un passé proche.
Certes, l'univers postal est en mutation, mais, et c'est le ministre le plus
directement concerné qui le dit, « La Poste est armée pour faire face à la
concurrence tout en continuant à tenir son rôle de service public. Concurrence
et service public ne sont pas contradictoires, mais bien plutôt
complémentaires. »
L'objectif du Gouvernement est bien d'avoir « une poste moderne, combative et
proche des citoyens ».
Sur le plan de la proximité et de la présence postale, quelle sera l'incidence
du passage aux 35 heures ? On ne saurait que se réjouir du fait que l'accord
sur les 35 heures ait pu être qualifié d'exemplaire, qu'il ait été négocié
d'une manière nationale, nouvelle et participative. Mais le passage aux 35
heures débouchera-t-il sur la création de nouveaux postes pérennes, les 5 000
emplois-jeunes ne pouvant réglementairement assurer le travail normal du
préposé ou du receveur ? A défaut, ne risque-t-on pas une nouvelle diminution
de la qualité du service rendu ?
« Une poste proche des citoyens », c'est le choix fait par le Gouvernement et
que nul ne saurait contester. Mais la méthode de la concertation, du
partenariat n'est pas souvent mise en oeuvre dans le cadre des commissions
départementales de la présence postale territoriale. Tel est en tout cas le
sentiment des maires de plusieurs communes de mon département, qui ont été
récemment - ce qui n'est pas habituel chez nous - à la tête de manifestations
sur la voie publique, devant les préfectures et les directions départementales
de La Poste. La colère gronde chez les élus locaux.
Serait-il possible de rassurer nos populations rurales quant au maintien des
bureaux de poste ? Si des adaptations sont nécessaires, il conviendrait
qu'elles soient bien proposées, présentées et expliquées. Si tel était le cas,
elles seraient peut-être acceptées ! Les bureaux de poste permettent au lien
social de ne pas rompre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je vous prie tout d'abord
de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue M. Christian Pierret, qui est
retenu par un conseil « industrie » à Bruxelles et qui m'a demandé de présenter
sa réponse.
La Poste est l'une des premières entreprises publiques de notre pays. Par ses
missions, elle assure un ensemble de services essentiels pour l'économie
nationale et pour tous les citoyens.
Notre volonté est donc bien de lui permettre d'affronter les mutations que
vous évoquez à juste titre, tout en continuant à tenir son rôle de service
public.
Le contrat d'objectifs et de progrès signé en juin 1998 entre l'Etat et La
Poste a précisément pour objet d'assurer la pérennité de ces missions sur
l'ensemble du territoire, en zones urbaines comme en zones rurales.
Le premier axe de notre action consiste à conforter la situation économique de
l'entreprise publique. La contribution de l'Etat à la stabilisation de la
charge des retraites pour la période du contrat représente un effort de 3
milliards de francs. Pour 1998, dans un contexte de croissance retouvée, La
Poste enregistre une progression du chiffre d'affaires du courrier de 2
milliards de francs et une amélioration de son résultat d'exploitation qui
atteint 2,4 milliards de francs. L'exercice 1999 s'inscrit dans la même
tendance favorable et témoigne des efforts de l'entreprise et de son
personnel.
Le deuxième axe de notre travail est la transposition de la directive postale
communautaire dans des conditions qui garantissent une offre de service
universel de qualité sur tout le territoire dans des conditions identiques,
appuyée sur des services réservés qui en assurent l'équilibre. C'est l'objet
des dispositions que votre assemblée a votées dans le cadre de la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Nous devons naturellement être vigilants dans la préparation de la nouvelle
directive. Soyez assurés que nous le sommes. A cet égard, l'inscription du
service universel dans les missions de l'Union postale universelle lors du
récent Congrès de Pékin, sur proposition de la France, constitue un acquis
considérable.
Notre troisième axe de travail est de donner à La Poste les moyens d'adapter
son réseau aux besoins des populations, avec une attention particulière en
zones rurales et urbaines fragiles.
Les instruments de cette politique sont en place. Il s'agit notamment d'une
concertation renouvelée par la création des commissions départementales de
présence postale territoriale dans lesquelles nous avons souhaité que les élus
soient majoritairement représentés. Nous en établirons le bilan prochainement,
en liaison avec la commission supérieure du service public des Postes et
Télécommunications, afin de bien nous assurer que l'esprit et la lettre de
cette concertation nouvelle sont bien respectés.
A cet égard, le passage aux 35 heures que vous semblez décrire comme
présentant des risques, est au contraire une formidable opportunité. Il permet
d'apporter une contribution à la politique de l'emploi. Ainsi, 20 000
recrutements à temps plein sont rendus possibles. Par ailleurs, l'amélioration
de la situation des personnels contractuels et la réduction de la précarité, là
où elle existe encore, sont engagées.
Le passage aux 35 heures permet également d'améliorer les conditions de
travail, y compris des cadres et, enfin, d'adapter les organisations pour mieux
satisfaire les attentes des clients en renforçant la qualité du service
rendu.
Tels sont les objectifs que se sont fixés les partenaires sociaux par la
signature d'un accord d'entreprise, le 17 février dernier. D'ores et déjà, dans
l'ensemble des départements urbains et ruraux, plus de mille tables rondes se
sont tenues pour analyser de façon systématique les besoins réels des
clients.
C'est là une démarche exemplaire, qui contribue à engager l'établissement
public sur la voie de la modernité, du développement et non pas du
désengagement, objectif largement partagé par la Haute Assemblée et qui est
bien, je le rappelle, l'ambition affirmée de notre gouvernement.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse détaillée et
circonstanciée.
Le rapport de notre collègue Gérard Delfau s'intitulait
La Poste, un
service public en danger : constat et propositions.
Tout récemment, j'ai lu
des affirmations qui vont dans le même sens.
Je tiens à insister sur le rôle de La Poste en milieu rural. Si chacun veut
bien reconnaître la nécessité d'une évolution, il ne faut jamais oublier que,
en milieu rural, c'est un service public. L'évocation naguère du facteur qui
rendrait plusieurs services, du facteur « multiservices », avait suscité des
espoirs.
Je conçois par ailleurs que l'entreprise doive équilibrer ses comptes et j'ai
bien entendu votre réponse quant aux 35 heures et aux emplois qui pourraient
découler de leur mise en oeuvre.
Je ne saurais, en outre, cacher ma satisfaction à l'égard des propos que vous
avez tenus concernant la pérennité des missions de La Poste sur l'ensemble du
territoire, y compris en milieu rural, pour répondre aux besoins de l'ensemble
de la population.
Je me permets cependant d'insister sur la nécessité d'une concertation
organisée suffisamment tôt et avec le plus grand nombre d'intéressés possible.
DIFFICULTÉS DE RECOUVREMENT DE LA TAXE DE SÉJOUR
M. le président.
La parole est à M. Bony, auteur de la question n° 624, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Marcel Bony.
Madame le ministre, le recouvrement de la taxe de séjour constitue un
véritable archaïsme. Ressource importante pour les communes touristiques, elle
est l'objet d'un nombre croissant de fraudes, favorisées par les modalités
mêmes de perception.
En effet, ce sont les logeurs, les hôteliers et les propriétaires qui
recueillent le produit de la taxe directement auprès des personnes qui
séjournent temporairement dans les stations classées.
En cas de non-versement, le redevable est passible d'une contravention de
deuxième, troisième, voire de cinquième classe pour la taxe de séjour
forfaitaire. La seule procédure utilisable par le maire de la commune
bénéficiaire est le dépôt d'une plainte, qui sera transmise au ministère public
pour engagement de poursuites. Inutile de vous dire - vous êtes une élue locale
- que cette situation n'est pas du tout évidente.
Ne serait-il pas possible de ce fait de percevoir la taxe de séjour comme tous
les autres impôts directs sur déclaration auprès des services fiscaux, ces
services étant chargés de la mise en recouvrement au bénéfice de la commune et
de la liquidation ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur,
l'article L. 2333-29 du code général des collectivités territoriales prévoit
que « la taxe de séjour est établie sur les personnes qui ne sont pas
domiciliées dans la commune et n'y possèdent pas une résidence à raison de
laquelle elles sont passibles de la taxe d'habitation ».
Les reproches adressés à la taxe de séjour « classique » portaient
essentiellement sur les modalités de perception. C'est la raison pour laquelle
la taxe de séjour forfaitaire a été instituée en 1988.
La taxe de séjour peut donc revêtir deux modalités différentes : la taxe de
séjour « classique » ou « traditionnelle », par opposition à une taxe de séjour
forfaitaire.
La forfaitisation de la taxe, qui supprime le lien direct entre le logé et le
logeur, apparaît comme plus moderne et plus simple et constitue une réponse aux
difficultés évoquées.
L'article L. 2333-41 du code général des collectivités territoriales prévoit
que la taxe de séjour forfaitaire est établie sur les logeurs, hôteliers et
propriétaires qui hébergent les personnes visées à l'article L. 2333-29. Elle
est assise sur la capacité d'accueil et le nombre de nuitées comprises à la
fois dans la période d'ouverture de l'établissement et la période de
perception.
En outre, le contrôle et le recouvrement de la taxe de séjour et de la taxe de
séjour forfaitaire ont été profondément réaménagés par la loi du 5 janvier
1988. En matière de taxe de séjour, l'article R. 233-53 du code des communes
prévoit que le versement de la taxe de séjour est accompagné d'une déclaration
indiquant le montant total de la taxe perçue et d'un état indiquant le nombre
de personnes ayant logé dans l'établissement, le nombre de jours passés, le
montant de la taxe perçue, ainsi que les exonérations ou réductions de taxe.
Le contrôle des déclarations déposées par les logeurs est effectué par le
maire et les agents commissionnés par lui.
En matière de taxe de séjour forfaitaire, les agents commissionnés contrôlent
les déclarations que doivent souscrire les logeurs en application des
dispositions des articles R. 233-60-3 et R. 233-60-4 du code des communes.
Enfin, le décret n° 88-630 du 6 mai 1988 a prévu un régime de sanctions
pénales en classant les différentes infractions par référence au régime de
contraventions.
Dans ces conditions, le Gouvernement n'entend pas remettre en cause les
dispositions existantes en matière de taxe de séjour, tout en étant bien
évidemment à l'écoute des observations que les élus en charge de ces contrôles
peuvent émettre à son égard.
M. Marcel Bony.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony.
Le recouvrement de la taxe de séjour pose véritablement un problème aux élus
des stations classées. Seul un transfert des dispositions du code général des
collectivités territoriales et du code des communes vers le code général des
impôts aurait été de nature à rassurer les élus à propos du rendement de cette
taxe.
L'évasion fiscale, qui est importante, est d'autant plus gênante que la
fréquentation touristique y est directement liée. Elle l'est encore davantage
si l'on considère que la taxe peut être perçue, mais non reversée à la commune,
ce qui arrive très souvent. De plus, les sanctions, vous le savez, sont très
difficiles à mettre en oeuvre. Néanmoins, je vous remercie, madame le ministre,
de votre réponse.
RÉVISION DE LA CARTE JUDICIAIRE
DANS LES BOUCHES-DU-RHÔNE
M. le président.
La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 627, adressée à Mme le
garde des sceaux, ministre de la justice.
M. André Vallet.
Madame la ministre, le 11 octobre, à la préfecture des Bouches-du-Rhône, a été
examinée la situation des tribunaux de commerce de ce département.
Cette réunion, à laquelle nous étions convoqués par M. le préfet, était
annoncée comme une réunion de concertation et de dialogue.
M. le président.
Monsieur Vallet, « invités » et non « convoqués » !
M. André Vallet.
Je rectifie bien volontiers, monsieur le président.
Cette réunion de concertation et de dialogue était en réalité une vraie fausse
concertation puisque votre délégué, madame le ministre, annonçait la fusion des
tribunaux de commerce d'Arles et de Tarascon au profit d'Arles et la possible
disparition du tribunal de commerce de Salon-de-Provence au profit du tribunal
de commerce d'Aix-en-Provence.
Permettez-moi d'exprimer ma stupéfaction face à l'éventualité de la
suppression du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, trente-troisième de
France quant aux procédures collectives traitées en 1998, plus important que
les tribunaux de commerce de Brest, de Limoges, de Poitiers, de Reims, de
Clermont-Ferrand, et égal à l'activité du tribunal de commerce d'Avignon,
stupéfaction aggravée lorsque je considère la qualité de l'activité du tribunal
de commerce de Salon-de-Provence : 95 % des jugements sont rendus en moins d'un
mois avec un taux d'appel d'à peine 8 % et une inversion des résultats pour 2 %
des dossiers !
Salon-de-Provence, madame la ministre, a été en 1998 la ville qui a créé le
plus d'emplois dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pour les villes de
plus de 30 000 habitants, c'est la commune des Bouches-du-Rhône qui a obtenu,
lors du dernier recensement, la plus forte augmentation en pourcentage. La
chambre de commerce de Marseille vient d'inaugurer une annexe à Salon. La
chambre de métiers va également s'y installer. C'est une reconnaissance du
dynamisme économique de notre cité.
Il n'est pas tolérable, madame la ministre, à un moment où vous voulez, à
juste titre, développer la justice de proximité, que les justiciables du
ressort du tribunal de commerce de Salon - ils sont 230 605 - soient contraints
à de plus importants déplacements et à des délais de jugement beaucoup plus
longs.
La suppression du tribunal de commerce de Salon risque aussi, nous le
craignons fortement, d'entraîner la disparition du tribunal des prud'hommes et
du tribunal d'instance, faisant ainsi disparaître toute activité judiciaire
dans notre commune.
Dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire rationnelle, celle
que le Gouvernement préconise par ailleurs, il est indispensable, voire vital,
que la juridiction des tribunaux de commerce des villes moyennes, et notamment
de Salon-de-Provence, soit maintenue afin que la vocation judiciaire de cette
commune soit renforcée. Nous n'osons penser, madame le ministre, que vous
puissiez en décider autrement.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, tout
d'abord il nous faut moderniser le fonctionnement de la justice commerciale en
France. Cette modernisation passe par la réforme des tribunaux de commerce, que
je présenterai au conseil des ministres avant la fin de l'année.
Cette réforme vise à introduire des magistrats professionnels dans les
tribunaux de commerce, à augmenter les garanties en matière de déontologie, à
la fois pour le fonctionnement des tribunaux de commerce et pour les
professions de mandataire-liquidateur judiciaire, et comprend également la
réactualisation de la carte judiciaire, qui n'a pas été revue depuis le début
du xixe siècle.
En réformant la carte judiciaire, je veux éviter la dispersion des activités
judiciaires, améliorer la formation des magistrats professionnels et, bien
entendu, faire en sorte que les populations soient mieux servies. Cela demande
un examen des situations locales afin que les décisions ne soient pas seulement
fondées sur des critères quantitatifs et statistiques.
Dans ce cadre, j'ai créé à la chancellerie une mission pour la réforme de la
carte judiciaire, mission qui s'est rendue dans les Bouches-du-Rhône le 11
octobre 1999 pour y procéder à une large concertation avec les professionnels
et les élus au cours d'une réunion à laquelle vous avez été invité par le
préfet - et non pas convoqué, car ce terme comminatoire n'entre pas dans mon
vocabulaire...
M. André Vallet.
C'était un lapsus !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et à laquelle vous avez d'ailleurs participé.
Cette réunion de concertation n'avait pas pour objectif de préjuger les
décisions que je pourrais prendre. Sa raison d'être était de recueillir les
points de vue des différents acteurs.
A cette occasion, la mission pour la réforme de la carte judiciaire a
notamment entendu la demande de nombreux acteurs économiques, en particulier de
la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, qui est très favorable à
une rationalisation judiciaire. Beaucoup d'entreprises ne paraissent comprendre
ni se satisfaire de la compétence conjointe de quatre tribunaux de commerce sur
les activités du port autonome de Marseille, qui conduit à des hésitations sur
la détermination du juge compétent en des matières où l'importance des enjeux
et l'urgence à trancher les litiges sont évidemment particulièrement fortes.
La mission pour la réforme de la carte judiciaire a cru percevoir, de la part
de beaucoup d'acteurs, notamment de la chambre de commerce que vous avez citée
dans votre question, une demande très forte d'unification dans un seul lieu des
contentieux liés au port autonome de Marseille.
Une partie des difficultés vient du fait que les tribunaux d'Aix-en-Provence
et de Salon-de-Provence ont à connaître des contentieux liés à l'activité
maritime de l'étang de Berre.
Plusieurs solutions ont été proposées : soit le rattachement de ce contentieux
au tribunal de Marseille, soit le rattachement de ce contentieux à l'un des
deux tribunaux précités, ce qui aurait pour avantage de diminuer les conflits
ou les hésitations de compétences mis en avant par les acteurs économiques.
Certains ont soutenu que la fusion des tribunaux d'Aix-en-Provence et de
Salon-de-Provence serait logique, sans aller jusqu'à la dévolution de
contentieux supplémentaires au tribunal de Marseille, qui compte déjà parmi les
plus actifs de France.
Il a également été souligné que la distance de 35 kilomètres qui sépare ces
deux villes, de surcroît reliées par une autoroute, n'est pas suffisante pour
compromettre l'exercice d'une justice de proximité.
Voilà où nous en sommes. Ces différents avis ont été recueillis, le vôtre
aussi, bien entendu. La mission qui s'est rendue dans les Bouches-du-Rhône me
fera ses propositions et j'arrêterai ma décision au début de l'année 2000.
Je veux également faire remarquer que lorsqu'elle est décidée - mais, encore
une fois, rien n'est fait - la fusion des tribunaux de commerce permet à des
magistrats du tribunal supprimé de siéger dans le tribunal de rattachement. En
outre, des audiences peuvent se tenir dans des villes autres que la ville du
siège de la juridiction et, naturellement, rien n'interdit de se poser la
question de l'existence d'un greffe annexe.
Vous le voyez, ce type d'organisation en réseau peut aller dans le sens de la
modernisation de l'institution judiciaire et, partant, de l'intérêt du
justiciable. Elle ne serait pas éloignée de la proposition faite par la chambre
de commerce et d'industrie des Bouches-du-Rhône, qui est elle-même organisée en
réseau et que vous avez citée en exemple.
Dans l'esprit que je vous ai indiqué et compte tenu de ces différents
paramètres, je prendrai ma décision au vu du rapport que m'aura fait la mission
pour la réforme de la carte judiciaire à partir de cette réunion du 11
octobre.
M. André Vallet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Madame le ministre, je ne suis pas, bien sûr, complètement satisfait de votre
réponse, vous le comprendrez, car vous n'avez pas abordé la particularité du
tribunal de commerce de Salon-de-Provence, qui est le trente-troisième de notre
pays. Je vous ai indiqué l'importance qu'il représentait pour tout le bassin
qui relève de sa juridiction, et je vous avoue que notre population est très
étonnée que l'on puisse envisager de supprimer l'un des plus importants
tribunaux de notre pays.
Je fais remarquer - j'en parlais tout à l'heure avec M. le maire
d'Aix-en-Provence - que le tribunal de commerce de cette ville n'a jamais
demandé que Salon soit rattaché à cette juridiction. C'est important et je
crois qu'il faut le souligner. On ne comprendrait pas, madame la ministre, que
le tribunal de commerce de Salon-de-Provence soit supprimé et que celui
d'Elbeuf par exemple, cent quatre-vingt-neuvième tribunal de commerce de notre
pays, soit maintenu puisque cela a été annoncé. Il est vrai qu'il est
représenté par une personnalité éminente, mais j'ose penser que ce n'est pas ce
qui guidera vos choix.
6
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que la réunion administrative des sénateurs ne figurant
sur la liste d'aucun groupe a présenté une candidature pour la commission des
affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M.
Jacques Donnay membre de la commission des affaires culturelles à la place
laissée vacante par M. Jean-Paul Bataille, décédé.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs pour siéger au sein d'organismes
extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des affaires étrangères à présenter un
candidat pour siéger au conseil d'administration de l'agence pour
l'enseignement français à l'étranger, la commission des affaires économiques à
présenter un candidat pour siéger au comité consultatif de l'utilisation de
l'énergie et la commission des finances à présenter un candidat pour siéger à
la commission centrale de classement des débits de tabac.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu
ultérieurement.
Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de M. le ministre de la défense,
je vais suspendre la séance.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures
quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
8
CONVENTION PORTANT CRÉATION
DE L'ORGANISATION CONJOINTE
DE COOPÉRATION
EN MATIÈRE D'ARMEMENT
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 487, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le
Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation
conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre
annexes). [Rapport n° 44 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la Convention que j'ai signée à Farnborough le 9 septembre 1998 avec
les ministres de la défense allemand, italien et britannique, et dont la France
est le dépositaire, a pour objet de doter de la personnalité juridique
internationale l'Organisation de coopération conjointe en matière d'armement,
ou OCCAR.
L'OCCAR, qui a été créée en novembre 1996, a pour mission de coordonner,
conduire et faire exécuter les programmes d'armement communs qui lui sont
confiés par les Etats membres.
La volonté de créer une organisation internationale spécialement affectée à la
conduite des programmes d'armement en coopération a pris forme, à l'origine,
dans le cadre des relations franco-allemandes, lors d'un sommet qui s'est tenu
à Baden-Baden en décembre 1995. Il s'agissait de rechercher les moyens
permettant de dépasser les inconvénients traditionnellement rencontrés dans la
coopération intergouvernementale.
Je les rappellerai brièvement et sobrement, en m'asbstenant de me livrer à des
descriptions qui pourraient être, hélas ! plus pittoresques : les duplications
fréquentes dans la répartition des investissements ; une maîtrise tout à fait
insuffisante des coûts et des délais de ces programmes conduits à plusieurs ;
l'insuffisance de la rationalisation des industries de défense ; l'impact trop
faible sur le renforcement de la base industrielle et technologique commune des
Européens en matière de défense.
En novembre 1996, la France et l'Allemagne, rejoints peu après par la
Grande-Bretagne et l'Italie, ont institué l'OCCAR, sur la base d'un arrangement
administratif, afin de mieux maîtriser la gestion et le coût des programmes en
coopération, que chaque pays a librement décidé de lui confier.
Cependant, il nous est ensuite apparu nécessaire que l'OCCAR dispose de la
personnalité juridique internationale afin que, au nom des pays ayant choisi de
lui confier des programmes, l'organisme soit en mesure de contracter
directement avec l'industrie, sans avoir à passer par un enchaînement de
contrats.
C'est pourquoi notre pays a pris l'initiative de proposer à ses trois
partenaires un accord dotant l'OCCAR du statut et des pouvoirs d'une
organisation internationale.
Le contexte économique encourageait cette évolution. Les mutations en cours
dans le domaine des industries d'armement, tendant à leur « globalisation » sur
le plan européen, les réductions assez prononcées des budgets d'acquisition,
les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement, compte tenu de
leur complexité technique, tout cela a obligé les Etats à mettre en place des
méthodes plus performantes dans la conduite des programmes.
L'OCCAR, dotée de la personnalité juridique, aura pour mission d'améliorer le
rapport coût-efficacité de la conduite des programmes en coopération qui lui
sont confiés par libre décision par les Etats membres.
L'objectif défini par les quatre partenaires est de placer au sein de l'OCCAR
le plus grand nombre possible des programmes d'armement en cours de réalisation
ou à venir.
D'ores et déjà, un certain nombre de programmes ont été placés au sein de
l'OCCAR, comme les programmes franco-allemands de missiles Milan, Hot et Roland
ou l'hélicoptère d'attaque Tigre. On peut citer également la famille des
missiles surface-air futurs, le FSAF, le missile antichar à moyenne portée de
troisième génération et le radar de contrebatterie Cobra. D'autres programmes
devraient être prochainement intégrés : le système d'armes PAAMS, qui équipera
les frégates Horizon, le système d'identification des avions de combat
IFF-futur, le système Polyphem, le système naval SLAT.
Les principales dispositions de la convention de Farnborough reflètent la
volonté des quatre Etats fondateurs de l'OCCAR de doter l'organisation de
règles de fonctionnement souples et de mettre en place des principes novateurs
dans la conduite pratique des programmes, qu'il s'agisse : de la constitution
d'équipes transnationales intégrées et du recours à des méthodes de gestion
performantes ; de la consolidation de notre base industrielle et technologique
commune au travers d'une ouverture des appels d'offres aux fournisseurs
européens ; de l'abandon de la notion de juste retour industriel, apprécié
annuellement, programme par programme, au profit d'une notion de retour
globalisé, apprécié sur plusieurs programmes et sur plusieurs années ; de la
mise en place d'une préférence pour les matériels au développement desquels les
pays membres auront participé dans le cadre de l'OCCAR ; enfin, d'un processus
décisionnel flexible prévoyant le recours, dans certains cas, à la majorité
qualifiée renforcée.
J'insiste, au passage, sur le fait que l'OCCAR sera ainsi la première
organisation compétente en matière d'armement à ne pas recourir exclusivement à
la règle de l'unanimité.
L'OCCAR concrétise la volonté des principaux Etats européens acheteurs
d'armement de confier la réalisation de leurs programmes à une structure
internationale autonome. Il s'agit d'un objectif ambitieux qui, pour être mené
à bien, devra bénéficier du soutien constant des Etats membres.
L'implication financière française dans des programmes menés avec des
partenaires européens devrait passer de 19,5 % en 1997 à 34 % en 2002, dernière
année de l'actuelle programmation militaire. La gestion par l'OCCAR des
programmes qui lui seront confiés par la France devrait donc nous permettre
d'obtenir des réductions de coût significatives.
La montée en puissance de l'OCCAR s'inscrit dans un contexte politique qui
n'échappe à personne et au sein duquel les ambitions de l'Union européenne en
matière de défense et d'armement ont été récemment réaffirmées et précisées
lors du sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et lors du
sommet européen de Cologne, en juin dernier. Ce sommet a notamment permis de
souligner la nécessité de renforcer la base industrielle et technologique de
défense et d'améliorer l'harmonisation des besoins militaires entre Européens
ainsi que la programmation des opérations d'armement.
Le plan d'action présenté en août dernier, au nom de notre pays, par le
Président de la République prévoit également, au titre des critères de
convergence, la mise en oeuvre d'une réflexion à quinze sur l'harmonisation de
la programmation des besoins d'équipement.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que les ambitions, tant financières
qu'industrielles, de notre grand partenaire au sein de l'Alliance atlantique
rendent cette détermination commune européenne d'autant plus nécessaire.
Dans ce contexte, l'OCCAR, première organisation internationale autonome de
coopération en matière d'armement, a vocation à s'intégrer un jour, dans le
respect de ses acquis, dans un cadre élargi de coopération européenne.
L'OCCAR a aussi vocation à accueillir dès à présent les Etats européens qui
souhaitent la rejoindre, à condition qu'ils en partagent les principes et
qu'ils s'engagent financièrement sur un programme en coopération qui soit d'un
montant substantiel. C'est ainsi que, premier candidat à s'être manifesté, les
Pays-Bas devraient adhérer d'ici peu à l'Organisation.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle la convention entre le Gouvernement de la
République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le
Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation
conjointe de coopération en matière d'armement, qui fait l'objet du projet de
loi que j'ai l'honneur et le plaisir de soumettre à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la convention du 9 septembre 1998, dont nous débattons aujourd'hui,
permettra à l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement
d'accéder à la personnalité juridique qui lui est indispensable pour mener à
bien ses missions.
Cette convention, signée par la France, l'Allemagne, l'Italie et le
Royaume-Uni, était attendue, alors que trois années se sont écoulées depuis
l'annonce de la création de l'OCCAR en 1996 et que son rattachement à l'Union
de l'Europe occidentale, envisagé dans un premier temps, n'a pu aboutir.
La ratification de cette convention, conclue par quatre pays qui représentent
à eux seuls 80 % de la production européenne d'armement, revêt donc, aux yeux
de notre commission, une urgence certaine. En effet, l'OCCAR apparaît au
premier chef comme un outil d'amélioration de la coopération sur les programmes
d'armement, mais elle ouvre surtout des perspectives concrètes de progrès sur
la voie d'une Europe de la défense qui tarde à s'édifier.
Je voudrais, en premier lieu, évoquer les raisons qui ont conduit la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à
émettre un avis favorable sur ce projet de loi.
Tout d'abord, si la coopération sur les programmes d'armement présente de
multiples intérêts, sur les plans financier, industriel, militaire et
politique, elle comporte également des risques d'alourdissement des coûts et
d'allongement des délais de fabrication.
La juxtaposition des processus nationaux de décision et de conduite des
programmes, la duplication des effectifs, le partage des tâches industrielles
en fonction de contingences purement nationales et, enfin, la vulnérabilité
face aux aléas budgétaires dans chaque pays participant sont autant de
critiques qui ont été maintes fois formulées à l'encontre des pratiques de
coopération en matière d'armement.
De ce point de vue, les principes fondateurs de l'OCCAR paraissent novateurs
et de nature à corriger bon nombre de ces défauts. Je citerai simplement
l'allégement des effectifs, grâce à la constitution d'équipes transnationales
intégrées, la simplification des procédures, permise par la délégation de
pouvoir dont bénéficiera l'organisation, une gestion moins administrative, le
recours aux commandes globales pluriannuelles, la pratique systématique de la
mise en concurrence et l'abandon du « juste retour » industriel programme par
programme, qui devrait permettre de recourir à des combinaisons industrielles
plus efficaces.
Nous avons constaté que sur un programme tel que celui de l'hélicoptère
franco-allemand Tigre, transféré à l'OCCAR alors qu'il était largement engagé,
l'application de ces principes a déjà permis de réaliser des économies
substantielles. Mais, bien entendu, les bénéfices de cette démarche ne se
feront pleinement sentir que lorsque l'OCCAR se verra confier, dès leur
origine, les programmes d'armement.
En tout état de cause, il nous semble indispensable que tout soit entrepris
pour garantir l'application effective de ces méthodes d'acquisition et pour ne
pas retomber dans les travers du passé. La commission considère, notamment, que
le transfert de programmes à l'OCCAR devra, en toute logique, s'accompagner
d'une diminution corrélative des effectifs de la Délégation générale pour
l'armement. De même, l'organisation devra éviter de reproduire à l'échelon
international les tendances bureaucratiques souvent dénoncées autour des
structures nationales d'armement.
La commisison a également relevé que la convention posait le principe d'une
sorte de préférence européenne, puisque les Etats membres s'engagent à acquérir
les matériels au développement desquels ils ont participé dans l'OCCAR. Il
s'agit là d'un engagement qu'il faudra traduire dans les faits, afin de
consolider la volonté de coopération affichée par la France, l'Allemagne,
l'Italie et le Royaume-Uni.
Enfin, au-delà des principes positifs posés par la convention, il est clair
que la création de l'OCCAR constitue un pas très important sur la voie d'une
politique européenne d'armement.
Chacun s'accorde à considérer qu'une défense européenne doit s'appuyer sur une
base industrielle et technologique européenne compétitive. Alors que le
mouvement de regroupement des industries de défense s'accélère dans le secteur
de l'aéronautique et de l'espace ou encore dans celui des missiles, il est
indispensable que nos Etats s'organisent et coordonnent leurs actions en vue de
rationaliser la demande européenne d'armement.
Le projet d'une agence européenne d'armement ayant pour mission de définir et
de réaliser des équipements communs, inscrit dans le traité de Maastricht...
M. Emmanuel Hamel.
Funeste traité !
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur.
... demeure une perspective lointaine. Les résultats très
limités obtenus en matière de coopération sur les programmes de recherche par
l'Organisation d'armement de l'Europe occidentale, l'OAEO, rattachée à l'Union
de l'Europe occidentale, l'UEO, démontrent qu'il est difficile de progresser au
niveau de l'ensemble des pays européens.
Dans ces conditions, la création de l'OCCAR constitue une illustration des
coopérations renforcées en matière de construction européenne. Elle doit
permettre des avancées concrètes autour des quatre principaux producteurs
européens d'armement, rejoints bientôt par les Pays-Bas, avec une perspective
très claire d'élargissement à de nouveaux membres. L'enjeu - cela n'échappe à
personne - est considérable, puisqu'il s'agit de permettre aux Etats membres de
s'équiper à un moindre coût, tout en élargissant le marché des industries
européennes de défense.
Dans le même esprit, on ne peut que se féliciter des démarches entreprises par
la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Suède, dans
le cadre de la lettre d'intention signée le 6 juillet 1998, pour établir des
règles communes adaptées au nouveau contexte industriel européen et pour mieux
conjuguer leur effort de recherche et de développement. En effet, cet effort,
mieux réparti et mieux utilisé, pourrait très certainement permettre aux pays
européens de rattraper l'écart technologique qui se creuse avec les
Etats-Unis.
La perspective de l'accession de l'OCCAR, dès le début de l'année prochaine,
au statut d'organisation internationale autonome, dotée de son budget propre et
de réelles capacités d'action, s'inscrit donc dans un contexte plutôt
favorable. La déclaration franco-britannique de Saint-Malo et les conclusions
du Conseil européen de Cologne, quelques jours après la fin du conflit du
Kosovo, semblent témoigner d'une prise de conscience nouvelle des enjeux de
l'Europe de la défense.
Toutes ces raisons ont contribué au très large assentiment qui s'est manifesté
au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées en faveur de cette convention portant création de l'OCCAR.
Mais si cette convention est incontestablement porteuse d'espoir, elle
n'efface pas pour autant un certain nombre d'interrogations.
Nous constatons, tout d'abord, qu'au moment où les quatre grands pays
européens producteurs d'armement proclament, au travers de l'OCCAR, leur
volonté de relancer leur coopération sur des bases nouvelles, cette
coopération, sur plusieurs programmes majeurs, connaît de réelles
difficultés.
En effet, tout en s'engageant dans l'OCCAR, l'Allemagne s'est retirée des
programmes de satellites Hélios II et Horus, dont on sait combien ils étaient
déterminants pour doter l'Europe de capacités autonomes de renseignement et
d'appréciation dans la gestion des crises. L'Italie et l'Espagne, qui sont nos
partenaires pour Hélios I, n'ont pas voulu, elles non plus, s'engager dans
Hélios II, que la France risque fort de devoir réaliser seule.
De même devons-nous faire face à la défection britannique sur le programme
successeur du satellite de télécommunication Syracuse II et sur la frégate
antiaérienne Horizon.
Nous observons également que, pour l'heure, la France est la nation la plus
engagée dans l'OCCAR, loin devant les trois autres partenaires. Or le succès de
l'organisation reposera, nous semble-t-il, sur une implication sans réserve de
tous les Etats membres et sur leur volonté réelle de promouvoir une préférence
européenne.
Il est donc essentiel que l'OCCAR puisse se voir confier des programmes
majeurs, engageant les quatre pays fondateurs. Il est évident que le choix qui
sera opéré sur l'avion de transport futur, dont l'acquisition pourrait être
confiée à l'OCCAR, sera considéré comme un indicateur de cette volonté de
privilégier une coopération européenne plus efficace.
Nous craignons également de devoir constater un autre décalage entre les
ambitions proclamées et les réalisations, cette fois-ci pour des raisons
financières. Comment concilier les objectifs d'acquisition de capacités
proprement européennes et des budgets d'équipement militaires en diminution
dans tous les pays d'Europe, à commencer par l'Allemagne et aussi la France ?
Ne risque-t-on pas de voir se creuser l'écart technologique avec les Etats-Unis
et de mettre en difficulté l'industrie européenne de défense ?
Tous ces éléments nous amènent à considérer que si la création de l'OCCAR
constitue une étape importante, elle ne prendra tout son sens que si elle se
trouve en phase avec une rélle volonté politique européenne de définir et de
réaliser des équipements communs.
Dans l'immédiat, il est nécessaire que la convention portant création de
l'OCCAR entre en vigueur dans les meilleurs délais, le processus de
ratification étant engagé chez nos trois partenaires.
C'est donc avec l'espoir de voir cette organisation nouvelle jouer un rôle
majeur dans le rapprochement des politiques européennes d'armement que la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous
demande, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi autorisant
l'approbation de cette convention.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le
paysage géostratégique actuel, une donnée de base apparaît avec force : il n'y
a pas de sécurité possible pour un ensemble tel que l'Europe si cet ensemble
n'est pas capable d'assurer lui-même sa propre défense. Le temps est révolu où
les Européens pouvaient se reposer tranquillement sur d'autres pour assurer les
tâches essentielles de leur sécurité.
Dans le respect des alliances, dans la confiance mutuelle générée grâce à des
années de coopération au sein de l'Alliance atlantique, l'heure est venue pour
que les Européens assument et développent les capacités autonomes de leur
puissance.
La politique européenne de sécurité et de défense est au centre de nos
préoccupations. Mais il serait illusoire de vouloir doter l'Europe d'une
identité forte de défense tout en négligeant ses conséquences en termes
d'armement, de technologie, de recherche et d'exportations. La convention qui
nous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans ce contexte précis.
Il est évident que la dimension européenne est de plus en plus présente dans
toutes nos activités politiques, économiques et sociales. Cela est
particulièrement vrai en ce qui concerne la dimension sécurité et défense, d'où
l'importance du texte sur l'OCCAR.
Concrètement, il s'agit de prendre en compte une vision européenne de la
défense et des industries de l'armement, tout en préservant, au stade actuel,
la liberté de décision de la France.
L'Europe a besoin d'une industrie commune de défense. Nous pensons qu'il n'est
pas possible d'envisager une identité européenne de défense et de sécurité sans
une base industrielle et technologique forte et autonome qui puisse se placer
dans un rapport d'égal à égal avec les concurrents non européennes.
Les armements européens doivent être compétitifs sur un marché difficile et
avec des concurrents fort nombreux. Il faut pouvoir soutenir la comparaison
technologique avec les systèmes d'armes américains.
Je n'aurai garde d'oublier, toutefois, que notre objectif doit être de pouvoir
doter les forces armées européennes d'équipements performants et
économiques.
On observe au sein de l'Union européenne une volonté nouvelle à coopérer
davantage. Avec des rythmes et des priorités parfois différents, cette volonté
existe. Le processus commencé avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam
trouve un moment fort avec la déclaration de Cologne.
Ce processus est encore en cours, et nous sommes à la veille de plusieurs
échéances importantes pour la sécurité européenne : réunion ministérielle de
l'Union de l'Europe occidentale, sommet de l'OSCE, réunions des ministres de la
défense et des affaires étrangères de l'OTAN, puis Conseil européen
d'Helsinki.
Dans son discours à l'Institut des hautes études de défense nationale,
l'IHEDN, le 22 octobre dernier, le Premier ministre, Lionel Jospin, avait
raison de signaler que « la convergence de vues entre la France, le Royaume-Uni
et l'Allemagne, exprimée à Saint-Malo et à Toulouse, a permis de donner une
impulsion décisive au projet d'Europe de la défense. La déclaration adoptée par
les Quinze au Conseil européen de Cologne répond à notre volonté de concrétiser
la politique de sécurité et de défense à l'intérieur, et non pas en marge, de
l'Union européenne, en dotant celle-ci de capacités autonomes et de moyens
propres pour décider et pour agir. Cette volonté, nous devons lui donner une
première traduction à Helsinki. »
Toutefois, certains éléments viennent tempérer notre optimisme en la matière.
Je ne prendrai qu'un exemple : Il s'agit des inquiétudes nées de la baisse
considérable du budget de la défense allemand.
Plusieurs programmes d'armement sont remis en cause par nos partenaires
allemands et certains de nos programmes en coopération en pâtissent. A moyen
terme, si cette évolution doit se confirmer, il faudra interroger nos amis
allemands sur leur volonté de faire progresser l'Europe de la défense.
A notre avis, l'idée avancée par le ministre français de la défense
d'instituer des critères budgétaires et de capacités pour avoir une défense
crédible au niveau européen est une excellente proposition, qui mérite d'être
étudiée et reprise par nos principaux partenaires.
C'est dans ce contexte que le projet de loi de ratification de la convention
portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière
d'armement prend toute son importance.
Cette organisation, qui réunit actuellement l'Allemagne, la France, l'Italie
et le Royaume-Uni, est destinée à gérer les grands programmes d'armement en
coopération ; elle a vocation à s'élargir à d'autres pays européens.
L'OCCAR pourra, une fois la convention dûment ratifiée, exercer les
responsabilités de donneur d'ordre vis-à-vis des industriels. Elle pourra donc
signer les contrats nécessaires à la réalisation des grands programmes en
coopération.
Nous savons que les responsabilités de l'OCCAR, une fois acquise la capacité
juridique qui fait l'objet de la convention soumise à notre vote, seront très
importantes et que les sommes en jeu seront considérables. Ainsi, les sept
programmes actuellement en cours et sous gestion de l'OCCAR atteignent déjà 115
milliards de francs, avec de nombreuses conséquences sur l'emploi et sur
l'activité des entreprises qui travaillent dans ce secteur.
Nous pensons que l'OCCAR doit être un instrument précieux dans la perspective
d'une amélioration de l'efficacité des programmes en coopération. A l'heure
actuelle, la gestion de ces programmes laisse à désirer : les intérêts
industriels sont nombreux et dispersés, les contraintes et les spécifications
des uns et des autres sont complexes, d'où une grande difficulté à harmoniser
les programmes en coopération.
L'OCCAR cherchera donc à établir des conditions de gestion économique de
programmes plus favorables et plus efficaces.
Je souhaite insister particulièrement sur un point précis : l'OCCAR devra
travailler d'une façon très rapide, minutieuse et efficace pour éliminer la
duplication des programmes de recherche nationaux et européens.
Il ne faut pas perdre de vue le fait que l'objectif recherché est celui d'une
agence européenne de l'armement, qui figure déjà dans la déclaration de l'UEO
annexée au traité de Maastricht.
L'OCCAR va dans ce sens, mais elle n'est pas encore une véritable agence.
L'OCCAR, telle que définie dans la convention signée le 9 septembre 1998, a
pour ambition de mettre en place une gestion intégrée des programmes en
coopération. Il s'agit maintenant de la doter d'une personnalité juridique qui
lui permette de contracter avec les entreprises et d'avoir une véritable
politique d'achat.
Avec cette organisation, il s'agit d'établir les conditions d'une meilleure
gestion de nos programmes en coopération avec nos partenaires allemand,
britannique et italien. Cependant, nous devons à la fois approfondir et élargir
cette démarche pour aboutir à conjuguer nos dépenses de recherche et
développement, pour doter les armées européennes en matériels issus de mêmes
programmes, et ce dans la perspective d'une interopérabilité croissante de nos
forces.
Avant de conclure, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser une question.
Elle concerne la charte, signée le 2 novembre 1998 par la France, l'Allemagne,
la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui fixe les principes d'une nouvelle
coopération entre les quatre pays sur des programmes d'armement commun.
Selon les éléments que j'ai pu recueillir, ce document établit douze principes
de base portant sur les méthodes d'une telle coopération, les partages de
technologie, les échanges d'informations, les questions de sécurité ou les
procédures d'exportation des matériels développés en commun.
Nous voudrions avoir des informations sur le contenu de cette charte de
coopération. Nous voudrions aussi savoir si cette charte préfigure un futur
accord de coopération en matière d'armement entre Américains et Européens.
Je vous pose cette question parce que l'on voit aux Etats-Unis, dans les
industries d'armement, se dessiner le maintien et même l'affirmation d'un
contrôle assez serré de l'administration fédérale sur un secteur industriel
pourtant entièrement privé. Dans le même temps, il ne faudrait pas que le
résultat des restructurations et des modernisations en Europe entraîne une trop
forte diminution des capacités de négociation des gouvernements de l'Union
européenne face aux grands groupes industriels.
Il serait pour le moins paradoxal que l'on diminue la capacité de négociation
en Europe face aux grandes firmes privées, tandis que, de l'autre côté de
l'Atlantique, l'emprise de l'Etat se renforce dans les domaines
stratégiques.
Tout ce mouvement de restructuration et de concentration dans le domaine des
industries de défense pose avec acuité la question de la place du pouvoir
politique dans cet ensemble, d'une part, du pouvoir politique national, la
France pour nous, et, d'autre part, du pouvoir politique européen, dans la
perspective d'une Union européenne qui assume ses devoirs en matière de
sécurité et de défense. Nous pourrions aussi nous interroger sur la doctrine de
défense qui donnera sens à cet ensemble économique.
Par ailleurs, une question clé pour l'avenir concerne l'ouverture du marché de
défense des Etats-Unis à la technologie et aux produits européens.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le domaine
des industries de l'armement ressemble actuellement à un vaste chantier. La
stratégie industrielle menée par le Gouvernement a franchi récemment une étape
décisive avec le rassemblement Aérospatiale-Matra-Dasa et la création du groupe
aéronautique EADS. Dans ce chantier-là, l'OCCAR trouve toute sa place.
La coopération européenne doit trouver une nouvelle efficacité. L'OCCAR est
l'outil qui nous fera avancer dans ce sens. Elle peut faciliter la naissance
d'une « préférence européenne » en matière d'armement. Elle doit nous permettre
d'avoir une politique industrielle volontariste capable d'atteindre le meilleur
niveau technologique et de développer l'emploi dans des bassins industriels
souvent meurtris par la crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le projet de loi
autorisant l'approbation de cette convention.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
ratification de la convention portant création de l'Organisation conjointe de
coopération en matière d'armement suscite, chez les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen, des attentes, des réserves et des
craintes.
Vous le savez, si nous sommes particulièrement attachés à garantir la
souveraineté nationale dans les domaines essentiels, nous comprenons aussi les
enjeux et la nécessité d'une coopération européenne la plus large et la plus
poussée.
Aussi, nous souhaitons que l'OCCAR puisse être l'une des réponses à une
réalité incontournable, à savoir la nécessité, pour la France et les principaux
pays européens, de mettre en commun, plus que par le passé, les moyens adéquats
pour partager les charges de plus en plus lourdes des programmes d'armement
moderne, et ce dans de nombreux domaines, qu'ils relèvent du renseignement
spatial ou de la création de nouveaux équipements militaires, aériens,
terrestres ou navals.
Certes, cette mise en commun de moyens plus importante devrait permettre
d'optimiser les coûts des nouveaux programmes, mais nous souhaiterions, aussi
et surtout, qu'elle contribue à étayer notre propre autonomie stratégique et à
construire une autonomie européenne politique et stratégique enfin réelle, se
dégageant de l'étreinte de l'hégémonie industrielle et politique américaine.
L'OCCAR peut-elle jouer un rôle moteur dans l'évolution des rapports de part
et d'autre de l'Atlantique, pour que ces rapports se posent plus en termes
d'alliance entre partenaires égaux et responsables et moins en termes de
vassalité et de dépendance ?
M. Emmanuel Hamel.
Et vous êtes pour l'alliance ?
M. Jean-Luc Bécart.
La plupart des gouvernements européens sont-ils disposés à placer l'OCCAR dans
cette logique ? Il est souvent permis, monsieur le ministre, mes chers
collègues, d'en douter !
J'ai parlé d'étayer notre autonomie stratégique face à l'hégémonie de
l'hyperpuissance ; il pourrait presque s'agir en ce domaine d'exister tout
simplement, tant les principaux indicateurs - et pas seulement ceux des crédits
de recherche - montrent l'écart qui grandit rapidement entre les Etats-Unis et
les pays européens quant aux moyens prévus et aux dispositions prises.
Si nous sommes convaincus de la nécessité d'une coopération accrue, nous
restons, quant à nous, fermement opposés à la dissolution de parties
essentielles de notre outil industriel de défense, privé ou public, dans des
ensembles supranationaux européens ou atlantistes.
Nous ne voulons pas que l'OCCAR devienne un élément moteur de cette logique de
fusion-intégration.
Nous ne voulons pas non plus que l'OCCAR s'inscrive dans une logique
ultralibérale - le danger est réel - logique au nom de laquelle ne devraient
subsister en Europe que deux ou trois grands groupes privés transnationaux
capables d'être compétitifs vis-à-vis des Américains.
Au regard des privatisations et fusions intervenues dernièrement, cette
crainte est justifiée.
Si l'OCCAR est marquée par cette logique, alors l'avenir déjà incertain de nos
arsenaux et des établissements d'Etat se bouchera un peu plus et le maintien à
brève échéance du statut de la DCN et de GIAT Industries sera impossible à
tenir.
Si la France a tout intérêt à favoriser au maximum la coopération avec ses
voisins européens dans le domaine de l'industrie de l'armement, il est aussi de
son intérêt de pouvoir s'apppuyer sur un secteur public industriel efficace et
solide.
Tel est, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'état d'esprit dans
lequel nous nous plaçons à l'égard de ce projet de loi.
Certes, l'OCCAR n'est qu'un outil et, ce qui importe, ce sont les politiques
qui le mettront en oeuvre. Cependant, si la multiplication des fusions et des
privatisations, si la disparition du statut de la DCN et de GIAT Industries est
le prix à payer pour que la France joue un rôle moteur dans l'OCCAR, alors,
monsieur le ministre, vous le savez, nous serons de ceux qui s'y opposeront.
Pour l'heure, en raison des promesses potentielles certes, mais aussi des
craintes fondées que suscite ce projet de loi, les sénateurs du groupe
communiste républicain et citoyen ne pourront approuver ce texte en l'état des
réflexions, ou plus exactement en l'état du flou entourant les discours et les
intentions exprimées sur l'Europe de la défense. Ne pourrait-on pas avoir enfin
un vrai débat, explicitant ce dossier important pour le devenir de notre pays
?
De quoi parle-t-on, lorsque l'on dit « Europe de la défense » ? Parle-t-on de
coopération, même la plus large et la plus poussée ? Parle-t-on d'intégration,
de dissolution de tout ou partie de notre outil de défense dans un ensemble
supranational ?
Dans tout cela, que deviennent à court terme les arsenaux et les
établissements de l'Etat ?
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en attendant les réponses à ces
questions de fond, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra que
s'abstenir en espérant, à l'avenir, ne pas avoir à exprimer une position plus
négative.
M. Emmanuel Hamel.
Intéressantes réserves du groupe communiste républicain et citoyen !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je tiens tout d'abord à remercier l'ensemble des
intervenants de la richesse et la pertinence des observations, mais aussi des
interrogations qu'ils ont formulées. Que M. le rapporteur soit remercié tout
particulièrement de son travail approfondi, qui facilitera notre débat. Je lui
répondrai d'emblée, ainsi qu'à M. Auban, sur la position de nos partenaires
allemands. Ces derniers ont réexaminé leur engagement sur certains programmes
en commun.
Mesdames, messieurs les sénateurs, parlons franc. Nos Etats, y compris avec
l'OCCAR, continueront à choisir eux-mêmes les programmes d'acquisition
d'armement. Quand la souveraineté nationale d'un pays, s'exprimant dans le
cadre parlementaire, aura décidé de réduire le budget de défense, il faudra
bien revenir sur les contrats déjà passés. Cela peut arriver à tout le monde !
Nos amis allemands, compte tenu de l'effort qu'ils avaient choisi de faire sur
les avions de combat pour des raisons stratégiques et par intérêt industriel,
et compte tenu du fait que DASA bénéficie de plus de 30 % du volume des
commandes de l'Eurofighter, ont en effet décidé, voilà trois ans, de ne pas
poursuivre leur collaboration sur des programmes en commun en matière de
satellites d'observation. Ce n'était pas une bonne nouvelle pour l'Europe.
Je ne crois pas que ce soit irrémédiable. D'abord, nous avons pu poursuivre,
avec la participation de nos amis italiens et espagnols, le programme de
satellites d'observation optique - Helios II -, qui poursuit son développement
normalement. Ensuite, s'agissant des satellites d'observation radar
correspondant au programme Horus, que nous avons dû interrompre parce que, là,
la part allemande était très élevée, il n'est pas impossible que nous trouvions
des points de convergence avec d'autres partenaires européens au cours des
prochaines années pour redémarrer un programme.
Comme M. Auban, j'estime qu'il faudra bien que les partenaires européens qui
souhaitent augmenter leur part d'autonomie tant technologique que stratégique
pour pouvoir faire face à des situations de crise ou de conflit dans lesquelles
ils voudraient assumer solidairement leurs responsabilités établissent, comme
nous essayons de le faire vaille que vaille dans notre système français à
travers les lois de programmation, un dispositif de stabilité et de cohérence
des dépenses d'équipements militaires dans la durée.
Mais alors, il faut que les discours soient cohérents et que ceux qui
déclarent dangereuse ou critiquable toute discontinuité, je pense notamment aux
arrêts brusques dans les programmes d'armement, se rappellent les positions
qu'ils ont prises lorsqu'ils se prononcent sur les lois de finances et sur les
différentes priorités qu'elles manifestent.
MM. Jean-Guy Branger et Bertrand Auban l'ont également fait observer, un enjeu
se dessine avec sans doute l'un des programmes majeurs confié à l'OCCAR, à
savoir le programme de l'avion de transport futur. En effet, les sept pays,
c'est-à-dire les quatre pays de l'OCCAR auxquels s'ajoutent l'Espagne, la
Turquie et la Belgique, après avoir défini en commun les performances attendues
du nouvel avion de transport, devront déterminer ce qui remplacera les Transall
pour les trente prochaines années. Si nous avons la volonté politique de
choisir le même modèle, dans ce cas, il sera confié à l'OCCAR.
C'est une très bonne illustration de ce que rapporte un système d'acquisition
en commun. Airbus ne développera un nouvel avion de transport militaire que
s'il en vend au moins deux cents. Si la France, la Grande-Bretagne, l'Italie
prennent leur décision d'acquisition sans cohérence entre eux, il n'y aura pas
d'avion européen.
On voit là le rapport avec la souveraineté nationale, question souvent
débattue. Sans une volonté de coopération, nous nous privons de l'accès à
certaines gammes.
La charte de coopération évoquée par M. Auban vise d'une part, à définir les
principes d'efficacité commune sur lesquels s'engagent les pays signataires de
l'OCCAR, d'autre part, à lever toutes les ambiguïtés ou les incertitudes qui
existaient auparavant dans les accords bilatéraux voire tripartites conclus
pour développer en commun un navire de combat ou un modèle de missile pour
lequel chaque Etat signataire donnait sa propre interprétation, ce qui
suscitait, au cours du programme, des retards ou des incohérences. Cela ne se
traduira pas par une baisse du contrôle public sur les industries. Mais si nous
voulons que les industries soient compétitives à l'échelon mondial, comme ce
sera le cas de EADS après la fusion entre Aerospatiale Matra et DASA, ce
contrôle public devra être multilatéral. Si, en matière de sécurité, de
contrôle des personnels ou de droit d'exportation, on additionne pour un modèle
d'avion les contrôles obéissant aux règles différentes de quatre ou cinq Etats
parce que l'entreprise est implantée dans ces pays, on empêche celle-ci de
développer son programme et d'exporter.
Nous travaillons sur ce point. Nous pouvons certes faire la comparaison avec
le niveau de contrôle public qui s'applique aux Etats-Unis. Aujourd'hui - et
c'est un sujet de discussion parfois âpre entre eux et nous - le contrôle
public sur les industries de défense aux Etats-Unis est très strict. Nous
constatons qu'il aboutit aujourd'hui à ce que les Etats-Unis importent d'Europe
nettement moins de 5 % de leurs acquisitions de défense, alors que l'Europe,
globalement, importe des Etats-Unis entre 15 % et 20 % de ses acquisitions de
défense.
Nous comprenons, et nous partageons jusqu'à un certain point, les
préoccupations de sécurité nationale qui inspirent certaines réglementations en
vigueur aux Etats-Unis. Nous constatons toutefois qu'elles ont un effet
protectionniste et qu'elles empêchent une collaboration équilibrée entre les
industries des deux côtés de l'Atlantique. C'est une question qui est posée aux
Etats-Unis et sur laquelle les Européens ont, me semble-t-il, une position à la
fois cohérente et coopérante.
En effet, monsieur Bécart, dans l'esprit du Gouvernement et dans le texte qui
vous est soumis, la préoccupation de mise en commun de nos programmes
d'armement, sur décision de chaque gouvernement national, vise bien à renforcer
l'autonomie européenne. Je peux vous assurer que tel est bien l'état d'esprit
des gouvernements qui s'engagent dans ce projet, même s'il existe encore des
nuances. L'histoire européenne des cinquante dernières années a pu laisser une
empreinte différente sur la pensée politique internationale des différents
pays.
Je ne peux pas en vouloir à nos amis allemands, compte tenu de la période
qu'ils ont traversée entre 1949 et 1989, d'attacher une certaine importance à
leur partenariat stratégique avec les Etats-Unis ; il y a tout de même des
souvenirs !
Nous connaissons ces différences de sensibilité politique. Cependant, quand il
est question d'industrie et d'autonomie technologique des Européens, nous nous
retrouvons. Cette volonté de conclure sur un organisme commun d'acquisition
représente bien cette volonté d'établir un meilleur équilibre entre l'industrie
et les capacités d'acquisition des Européens et celles des Etats-Unis.
La recherche de compétitivité qui sera poursuivie à travers les acquisitions
de l'OCCAR - ce qui est indéniable - peut avoir des effets négatifs sur
certaines industries de défense françaises, avez-vous dit, monsieur Bécart.
Mais que nous passions par l'OCCAR ou par un autre procédé d'acquisition, quel
peut être l'avenir d'une industrie de défense française si elle n'est pas
compétitive ? Le contribuable français, le Parlement français et le
Gouvernement français diront qu'il n'y a pas de raison d'acheter des matériels
de défense plus chers qu'ils ne doivent coûter en fonction des critères de
compétitivité que l'on constate chez tous nos voisins.
Heureusement, un très grand nombre d'entreprises de défense ayant leur base en
France - je ne veux pas les citer toutes ; chacun les connaît - sont
extrêmement compétitives et gagnent des marchés dans de très nombreux pays. Il
s'agit d'ailleurs souvent d'entreprises duales, c'est-à-dire d'entreprises qui
gagnent des marchés non seulement en matière de matériels de défense, mais
aussi en matière d'équipements civils.
Le GIAT et la DCN ont encore des progrès de productivité et de compétitivité à
faire. Le Gouvernement ne peut que faire son travail consciencieusement, en
essayant de les faire progresser dans la voie de la compétitivité. En effet,
notre conviction est que c'est la seule façon d'assurer leur avenir.
Donc, je crois que l'OCCAR jouera bien le rôle de rééquilibrage dans la
compétition mondiale que tous souhaitent ici. C'est ce qui me fait espérer que
ce texte sera soutenu par une majorité aussi large que possible.
M. Emmanuel Hamel.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le
Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant
création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement
(OCCAR) (ensemble quatre annexes), signée à Farnborough le 9 septembre 1998, et
dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Hélène Luc.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
9
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
DE LETTONIE
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans
notre tribune officielle, d'une délégation de parlementaires de la République
de Lettonie, conduite par Mme Anta Rugate, présidente du groupe d'amitié
Lettonie-France, et M. Rihards Piks, vice-président du Parlement letton.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'ils
portent à notre institution.
Cette délégation est accompagnée par notre collègue M. Jacques Valade,
président délégué pour la Lettonie et vice-président du groupe d'amitié
France-Pays baltes, dont le président est notre collègue M. le questeur Claude
Huriet.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme
des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens
d'amitié entre nos pays.
(M. Alain Richard, ministre de la défense, Mmes et
MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
10
MÉDIATEUR DES ENFANTS
Adoption d'une proposition de loi
et d'une proposition de loi organique
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 76,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un Médiateur des
enfants et de la proposition de loi organique (n° 77, 1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants.
[Rapport n° 43 (1999-2000).].
La conférence des présidents a décidé que ces deux propositions de loi
feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse que la
proposition de loi présentée par MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret
instituant un médiateur des enfants et votée à l'Assemblée nationale vienne
aujourd'hui devant le Sénat, soit moins d'un an après son examen en première
lecture au Palais-Bourbon, ce qui démontre l'intérêt que le Sénat porte aux
initiatives permettant de mieux assurer le respect des droits des mineurs.
Ce souci est d'ailleurs partagé par nos concitoyens, alors que nous allons
célébrer le dixième anniversaire de la convention internationale des droits de
l'enfant. En effet, selon une enquête d'opinion dont les résultats viennent
d'être présentés par l'UNICEF, 91 % des personnes interrogées se prononcent en
faveur de l'installation d'un médiateur des enfants qui serait susceptible de
suggérer des modifications législatives en faveur des droits des plus jeunes,
considérant par là même que les enfants sont encore aujourd'hui insuffisamment
écoutés.
Je note à cet égard que les préoccupations majeures exprimées par les Français
rejoignent les priorités que je m'efforce de défendre au sein de mon
département ministériel, à savoir protéger les enfants contre la violence et
l'exploitation sexuelle, leur assurer le meilleur état de santé et, enfin, leur
garantir de pouvoir aller à l'école et y réussir.
Aussi, avant de m'exprimer au nom du Gouvernement sur la proposition de loi
visant à renforcer l'action qui nous rassemble aujourd'hui, je souhaite vous
rappeler comment le renforcement des droits des enfants a guidé la politique
que j'ai menée en tant que ministre chargé de l'enseignement scolaire.
Depuis juin 1997, en effet, je me suis efforcée d'inscrire dans la réalité de
la vie des élèves le respect du droit à l'éducation, dont le principe est à la
fois affirmé par la convention internationale des droits de l'enfant, mais
également par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.
D'abord, j'ai voulu m'attaquer à la violence sous toutes ses formes et, au
premier chef, celle qui paraît la plus injuste et la plus destructrice, je veux
parler de la pédophilie, en décidant de briser la loi du silence qui a trop
longtemps étouffé la parole de l'enfant.
Une importante instruction ministérielle de l'éducation nationale qui, pour la
première fois, employait le mot « pédophilie » a été diffusée dans toutes les
écoles et les collèges en fournissant des indications extrêmement précises et
concrètes sur la manière dont la communauté scolaire devait agir face à des
violences sexuelles commises sur des mineurs enfants à l'école mais aussi,
hélas ! le plus souvent dans le cercle familial, dans le double souci de la
protection de l'enfant et du respect de la présomption d'innocence de la
personne mise en cause.
Parallèlement, ont été multipliés les outils de prévention aussi bien par la
diffusion massive de programmes audiovisuels spécialement conçus que par la
remise à quatre millions d'écoliers du « passeport pour le pays de la prudence
». Renouvelée pour la troisième année consécutive, cette expérience a permis,
chez les enfants, la prise de parole et la levée de la loi du silence.
J'ai également souhaité lutter contre les phénomènes de racket, par une grande
campagne de lutte contre le racket, dans les collèges en particulier, grâce à
une brochure qui explique aux élèves la conduite à tenir quand on est victime
de cette violence ou qu'on est témoin de cette forme insidieuse de violence
fondée sur le rapport de forces, l'intimidation et la menace, vis-à-vis
desquels les enfants les plus jeunes, les plus faibles ou les plus démunis sont
des cibles faciles.
En outre, consciente que la lutte contre la loi du silence nécessitait une
attention particulière aux victimes, j'ai signé, le 9 mars 1999, une convention
avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation pour assurer aux
victimes, notamment aux élèves fragilisés par des infractions pénales, un
accompagnement psychologique et juridique qui s'inscrit dans la durée.
L'accès au droit pour les jeunes, le droit pour chaque élève de connaître ses
droits font partie de l'éducation à la citoyenneté.
J'ai ensuite entendu promouvoir le droit de l'enfant à la santé en mettant en
place, dès la rentrée de septembre 1997, un fonds social pour les cantines. En
effet, l'enquête d'opinion que j'ai citée tout à l'heure le montre, le premier
droit, le droit fondamental de l'enfant, c'est celui de manger à sa faim. Je
suis heureuse de souligner que, grâce à la mise en place de ce dispositif, les
chefs d'établissement voient aujourd'hui des enfants, dont les parents ne
pouvaient plus payer la cantine, revenir et manger à leur faim.
J'ai également veillé à ce qu'un effort budgétaire important porte sur la
création de postes d'infirmière, d'assistante sociale et de médecin scolaire,
puisque, en deux ans, 1 350 emplois ont été créés, pour ainsi garantir le droit
des enfants à la santé.
Enfin, toujours au nom du droit des enfants, je voudrais souligner le
renforcement de la lutte contre l'échec scolaire par la relance des zones
d'éducation prioritaires, par le développement sensible des classes relais au
collège, par la mise en place des comités d'éducation à la santé et à la
citoyenneté et, enfin, par le vote d'une proposition de loi, d'origine
sénatoriale, que j'ai soutenue et complétée, sur le renforcement du contrôle de
l'obligation scolaire. Cette loi qui a fait l'unanimité au Sénat mérite d'être
soulignée à l'occasion du présent débat puisque deux grands principes y ont été
réaffirmés par amendement gouvernemental : d'abord, le droit de l'enfant à
l'instruction, qui comprend non seulement l'acquisition des connaissances, mais
également l'épanouissement personnel et social de chaque élève, ce qui permet,
désormais, de renforcer notre lutte contre les sectes ; ensuite, la priorité
d'assurer cette instruction dans les établissements d'enseignement.
Ce nouveau dispositif permet, par des contrôles périodiques de l'éducation
nationale qui n'étaient pas possibles antérieurement, de mieux déceler, pour y
remédier, les situations des enfants privés d'une authentique instruction,
qu'ils soient embrigadés dans des mouvements sectaires, ou simplement coupés du
monde par les choix dangereux de leurs familles.
Il convient de rappeler que cette loi constitue d'ailleurs la transposition en
droit interne de l'article 29 de la convention internationale des droits de
l'enfant, qui détermine les normes minimales de l'éducation due aux enfants.
La proposition de loi soumise au Sénat s'inscrit donc, à mes yeux, dans la
continuité, tout en renforçant les dispositions déjà adoptées. Cela justifie
que nous soyons ambitieux sur le dispositif qui nous est présenté.
Cette proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale vise à
instituer un médiateur des enfants. Cette nouvelle autorité serait chargée de
recueillir les réclamations de mineurs ou de leurs représentants légaux qui
estiment qu'une administration n'a pas respecté les droits de l'enfant ou n'a
pas fonctionné conformément à sa mission de service public.
Je souhaite donc à présent vous faire part de quelques remarques concernant
cette proposition de loi, dont j'approuve pleinement, bien entendu, l'ambition
et la philosophie générale.
Tout d'abord, le développement de la médiation est une nécessité. Le
gigantisme de l'administration, le nombre de décisions rendues, la masse des
dossiers ne peuvent que susciter, ici ou là, certaines incompréhensions ou
certains dysfonctionnements.
La médiation permet non seulement d'éviter le face-à-face ou la confrontation
mais aussi de faire le lien entre les deux points de vue, de les rapprocher,
voire de les concilier.
Parfois, la réclamation est infondée : parfois, elle permet de mettre en
lumière une difficulté, voire un dysfonctionnement. L'intérêt qu'a constitué la
création, en 1973, du médiateur de la République, saisi, depuis cette date, au
niveau tant national que départemental, de 45 628 réclamations, est bien de
prouver son utilité et de permettre la recherche d'une plus grande équité dans
la relation entre les citoyens et les services publics.
En décembre 1998, M. Stasi, dans son rapport annuel au Président de la
République, écrivait ceci : « L'année écoulée apparaît exceptionnelle en ce qui
concerne tant le nombre que la nature des propositions de réforme qui ont été
satisfaites : une part significative d'entre elles concerne, en effet, les
personnes victimes de l'exclusion ; plusieurs autres mettent fin à des
situations qui étaient inéquitables et certaines clarifient ou simplifient
diverses procédures contribuant ainsi à l'amélioration toujours recherchée des
relations entre les services publics et les citoyens. »
Depuis le 1er décembre 1998, le ministre de l'éducation nationale s'est
d'ailleurs doté d'un médiateur chargé de recevoir les réclamations concernant
le fonctionnement du service public de l'éducation nationale dans les relations
avec les usagers et ses agents. Chaque rectorat est désormais doté d'un
médiateur.
Le bon fonctionnement du système éducatif implique une meilleure prise en
compte des aspirations des usagers, qu'il s'agisse des enseignants, des parents
d'élèves ou des élèves, et l'amélioration des relations sociales entre les
personnels et leur administration.
Le premier bilan d'activité sur les six premiers mois de l'année 1999 permet
de faire les observations suivantes : 800 dossiers ont été reçus par le
médiateur de l'éducation nationale et ses médiateurs académiques, 75 %
correspondent à des réclamations des personnels, 25 % émanent des parents
d'élèves ou des étudiants majeurs.
De fait, le médiateur de l'éducation nationale reçoit très peu de demandes
d'élèves mineurs. Je ne vois donc aucune objection à ce qu'un médiateur des
enfants reçoive les demandes des usagers du service public de l'éducation
nationale que sont les élèves.
Bref, il existe donc bien, au sein du système éducatif, un espace à conquérir,
celui de la réclamation individuelle des élèves mineurs ou de leurs
représentants légaux sur le respect des droits de l'enfant.
Par ailleurs, c'est ma deuxième remarque - la spécificité du médiateur des
enfants doit être réelle par rapport à celle du médiateur de la République.
La commission des lois du Sénat estime qu'il n'est pas souhaitable de créer
deux institutions concurrentes opérant dans le même domaine.
Je tiens à rendre hommage aux travaux de la commission, travaux qui
manifestent une volonté d'efficacité immédiate de la nouvelle institution,
cette dernière pouvant en effet profiter de l'expérience acquise par le
médiateur de la République. Je suis toutefois convaincue que le rattachement du
médiateur des enfants dans le cadre de la loi de 1973 ne répondrait que de
manière imparfaite aux attentes manifestées par les enfants et leurs
familles.
Il faut en effet, me semble-t-il, que le médiateur des enfants soit une entité
à part, clairement identifiable et réservée aux enfants, pour que ceux-ci le
considèrent comme un interlocuteur privilégié créé pour eux, à l'écoute de
leurs préoccupations, avec un fonctionnement administratif souple et
original.
Par ailleurs, le champ de compétences du médiateur des enfants est déjà, dans
le texte voté par l'Assemblée nationale, très différent de celui du médiateur
de la République, puisqu'il s'agit du non-respect des droits de l'enfant, ce
qui constitue une spécificité par rapport aux attributions propres du Médiateur
de la République, qui est uniquement chargé des dysfonctionnements entre les
usagers et l'administration.
Mais le respect des droits fondamentaux des enfants ne doit pas s'arrêter aux
structures administratives, car il est un principe universel et donc
indivisible.
J'en arrive à ma troisième remarque : l'extension du champ de compétences du
médiateur des enfants.
Pour être pleinement efficace, il m'apparaît nécessaire d'élargir le champ de
compétences du médiateur des enfants à l'ensemble des institutions dans
lesquelles les droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés. Je le
répète, je ne vois aucune objection à ce que l'extension de ce champ de
compétences couvre l'éducation nationale.
Il conviendrait alors de permettre au médiateur des enfants de se saisir des
réclamations visant aussi les personnes physiques ou morales de droit privé.
Dans le système éducatif, par exemple, ce sont tous les élèves des
établissements d'enseignement, qu'ils soient publics ou privés, qui pourraient
être bénéficiaires de cette extension.
Dans le domaine de l'action sociale, certains problèmes existent au sein
d'associations qui accueillent des enfants handicapés ou en difficulté placés
par l'autorité administrative, la justice ou leurs parents. Là aussi, il est
bien que le médiateur des enfants puisse être saisi de leurs difficultés.
Les enfants peuvent aussi être confrontés à des violations de leurs droits
face à des employeurs ou à des commerçants.
Enfin, même au sein de leur famille, les enfants peuvent rencontrer des
conflits mettant en cause leurs droits fondamentaux, comme la liberté
d'expression ou le droit à la dignité, sans que de tels manquements soient
toujours signalés et traités par les services de l'aide sociale à l'enfance des
conseils généraux.
J'en viens aux relations du médiateur des enfants avec les parents. Comme vous
le savez, la proposition de loi initiale ne prévoyait pas l'éventualité
d'assurer l'information des représentants légaux de l'enfant mineur ayant saisi
le médiateur des enfants.
A l'Assemblée nationale, j'ai soutenu avec force un amendement destiné à
remédier à cette lacune. En effet, à l'heure où le Gouvernement entend
responsabiliser les parents sur leur mission d'éducation, il apparaîtrait
paradoxal de les priver systématiquement d'une information sur les initiatives
de leurs enfants.
N'oublions pas, en effet, que les lois et les règlements prévoient
l'information, voire l'autorisation des parents pour la plupart des actes ou
des faits concernant leur enfant.
Toutefois, je ne puis méconnaître des situations fort délicates où des
adolescents, filles ou garçons, en rupture avec leurs familles, viendraient
rechercher un appui auprès du médiateur des enfants et où l'on pourrait
imaginer que l'envoi d'un avis aux représentants légaux serait de nature à
alimenter le conflit. Il faut donc donner au dispositif une certaine souplesse
et permettre en conséquence au médiateur des enfants d'aviser, s'il le juge
utile, les représentants légaux de la réclamation reçue de l'enfant mineur. A
cet égard, je m'interroge sur l'opportunité de la proposition de la commission
des lois de supprimer cette possibilité offerte au médiateur. Mais nous en
débattrons tout à l'heure.
Au terme de ces quelques remarques qui, j'espère, enrichiront le débat
d'aujourd'hui, j'ai le sentiment que nous oeuvrons ensemble à la création d'une
institution qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la convention
internationale des droits de l'enfant dont nous allons célébrer dans quelques
jours le dixième anniversaire. Cette convention avait été votée à l'unanimité
par l'assemblée générale des Nations unies, tant il est vrai que les clivages
s'effacent devant l'intérêt de l'enfant. Je ne doute pas que nos travaux
d'aujourd'hui seront animés d'un même souffle constructif.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame la
ministre, chacun se félicite que siège au banc des ministres une personne qui
est doublement qualifiée pour défendre la position gouvernementale sur un texte
concernant les enfants : vous êtes en effet qualifiée pour ce faire de par vos
responsabilités au sein du Gouvernement, d'une part, de par votre qualité de
mère de famille nombreuse, de l'autre.
La protection des enfants - et qui ne s'en réjouirait ? - se situe aujourd'hui
à un rang privilégié dans les préoccupations des pays démocratiques, au moins.
Je dis « des pays démocratiques, au moins » car, s'agissant du vote unanime des
Nations unies, on peut s'interroger, surtout si l'on a vu hier le reportage
terrifiant concernant les enfants de Roumanie diffusé hier par TF 1, sur la
valeur de l'approbation donnée par certaines des membres ayant pris part à ce
scrutin.
Faut-il rappeler qu'une recommandation du Conseil de l'Europe invitait, dès
1990, les Etats membres à envisager de nommer un médiateur spécial pour les
enfants ?
Faut-il rappeler encore que, à l'occasion de la première journée des droits de
l'enfant au Sénat, en 1996, le président de la commission des lois, M. Jacques
Larché, évoquait « des droits proclamés, affirmés, mais qui doivent être
reconnus au quotidien » ? « C'est là, ajoutait-il, que l'effort du législateur
doit encore se manifester. »
N'est-ce pas ces jours-ci que paraît en librairie
Le Grand Livre des droits
de l'enfant ?
C'est dans ce contexte que le président de l'Assemblée nationale, après avoir
présidé lui-même une commission d'enquête parlementaire sur les droits de
l'enfant, a présenté une proposition de loi tendant à instituer un médiateur
des enfants, assortie, si l'on peut dire, d'une proposition de loi organique
visant à prévoir son inéligibilité.
Cette proposition de loi a été adoptée, après quelques modifications, par
l'Assemblée nationale.
La commission des lois du Sénat s'est souciée, pour sa part, d'apporter au
dispositif qui nous vient du Palais-Bourbon, à la veille du dixième
anniversaire de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, des
aménagements de nature à en hâter la mise en oeuvre et à en accroître
l'efficacité.
Cette préoccupation, au demeurant, le président de l'Assemblée nationale la
partage : ne déclarait-il pas dans un entretien paru avant-hier dans le journal
Le Monde
: « Cette initiative est prioritaire. (...) Il serait
souhaitable de pouvoir la mettre en application sans attendre la réforme
d'ensemble du droit de la famille » ?
Aussi bien, partageant ce souci de célérité, la commission des lois vous
propose d'inscrire cette création dans la loi de référence de 1973, relative à
la médiation institutionnelle.
Le médiateur de la République a acquis, au fil des ans, une autorité que
personne, aujourd'hui, ne songe à lui consacrer. Il dispose d'une
administration qualifiée, bénéficiant de l'expérience de plusieurs
décennies.
C'est pourquoi, plutôt que de créer une nouvelle autorité indépendante, il
vous est proposé de placer le médiateur des enfants auprès du médiateur de la
République et d'assurer en quelque sorte ainsi l'unité de la médiation
institutionnelle.
Que personne ne s'y trompe. Il s'agit non pas de faire du médiateur des
enfants, personnalité « clairement identifiable », pour reprendre vos propres
termes, madame la ministre, une autorité de second rang, mais bien, je le
répète, de répondre à une double préoccupation de célérité dans la mise en
place et d'efficacité dans l'application.
Placer le médiateur des enfants auprès de la médiature de la République permet
de le rendre directement opérationnel. Le fait qu'il soit, tout comme le
médiateur de la République, nommé solennellement en conseil des ministres et,
secondairement, qu'il ne puisse, pas plus que le médiateur de la République,
briguer un mandat local dont il ne serait pas détenteur lors de son entrée en
fonctions le manifeste assez clairement.
Par ailleurs, contrairement, au médiateur de la République, dont la saisine
est subordonnée à l'intervention d'un parlementaire, le médiateur des enfants,
là encore « clairement identifiable », pourra être saisi directement par les
mineurs « intéressés » - la commission a cru indispensable l'ajout de ce
qualificatif - ou leurs représentants légaux.
Ce sera là une seconde exception au filtre parlementaire de la médiation,
s'ajoutant à celle qu'a déjà acceptée le Sénat au bénéfice d'un homologue
étranger du médiateur de la République.
Cette saisine directe du médiateur des enfants n'exclut d'ailleurs nullement
qu'un mineur puisse s'adresser à un parlementaire qui sera susceptible de
saisir le médiateur de la République.
Le médiateur des enfants bénéficiera, de surcroît, d'une faculté d'autosaisine
qui confortera son autorité.
Eviter au médiateur toute confusion de compétences et doter sans plus tarder
cette personnalité éminente des moyens de fonctionnement lui permettant de
remplir sa mission, tel est l'objectif poursuivi - que personne ne s'y trompe -
par la commission des lois.
Est-il besoin d'ajouter qu'au moment où s'élève un concert de protestations -
justifiées - contre la multiplication et la lourdeur des textes, toute
simplification est bienvenue dès lors qu'elle n'altère en rien - et tel est
bien le cas - l'intention du ou des auteurs d'un projet ou d'une proposition de
loi ?
C'est d'ailleurs dans cet esprit que, s'agissant des relations entre l'un et
l'autre médiateurs, la formule proposée à votre approbation, mes chers
collègues, privilégie la souplesse en considérant que la répartition des
réclamations entre les deux médiateurs, dans la mesure même où ces derniers
appartiendront à une institution unique, relèvera d'une pratique interne à la
médiature.
Les exemples de cette fâcheuse compétition de compétences, dont
l'administration française, vous le savez, madame le ministre, semble avoir le
secret, sont en effet trop nombreux pour que la commission vous propose
d'inscrire dans la loi des dispositions trop précises, susceptibles d'entraver
l'action de l'institution.
Telles sont, mes chers collègues, les idées directrices qui ont guidé la
commission des lois dans l'examen attentif auquel elle a procédé d'une
proposition dont elle a tenu à souligner à quel point elle lui apparaissait
bienvenue.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention
internationale sur les droits de l'enfant, dont nous célébrerons dans quelques
jours le dixième anniversaire, a réalisé une véritable révolution dans la
conception même des droits de l'enfant.
Si, en 1959, la déclaration des droits de l'enfant avait amorcé cette
reconnaissance en rappelant que l'enfant est un être humain qui réclame une
protection de par sa vulnérabilité et sa dépendance, la convention de New York
a définitivement gravé le cadre de ses droits, aussi bien civiques et
économiques que sociaux et culturels.
Doté d'un véritable statut juridique autonome, l'enfant devient une personne à
part entière. Sa parole doit être entendue sans qu'elle ait nécessairement à
passer par le filtre de ses géniteurs.
C'est bien évidemment dans ce cadre qu'il nous faut replacer la proposition de
loi qui nous est présentée aujourd'hui.
En 1991, le Conseil de l'Europe recommandait aux Etats de nommer un médiateur
spécial pour les enfants, qui pourrait les informer de leurs droits, les
conseiller, intervenir et, éventuellement, ester en justice en leur nom.
La commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant, présidée par
Laurent Fabius, a inscrit parmi les quarante propositions qu'elle a remises en
mai dernier l'instauration d'un médiateur des enfants. S'appuyant sur les
expériences norvégienne, suédoise et wallonne, cette commission a dessiné les
contours de la mission d'un médiateur des enfants.
Issue de ces travaux, la présente proposition de loi, dont les auteurs sont
MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret, institue un médiateur des enfants,
autorité indépendante chargée de promouvoir les droits de l'enfant, de recevoir
les réclamations des mineurs, de les traiter et de proposer des améliorations
législatives.
Dans un sondage réalisé à la demande du journal
Le Monde
et de l'UNICEF
- vous l'avez rappelé, madame la ministre - 91 % des adultes interrogés se
prononcent en faveur d'une telle mesure. Ce plébiscite - 91 % ! - traduit à la
fois une extrême réactivité à la notion des droits de l'enfant mais aussi la
demande qui se fait de plus en plus jour chez nos concitoyens d'une véritable
médiation.
Cette culture de la médiation, qui nous était autrefois étrangère, est entrée
peu à peu dans notre vie sociale pour résoudre les conflits : je pense
notamment à la médiation pénale promue par Mme la garde des sceaux dans le
cadre de la réforme de la justice et au travail remarquable réalisé depuis 1994
par la médiatrice chargée de la question du port du voile à l'école.
Le médiateur des enfants sera tout d'abord chargé de promouvoir les droits de
l'enfant, car le premier droit de l'enfant, c'est de savoir qu'il a des
droits.
Le sondage paru dans
Le Monde
nous fournit à cet égard une information
intéressante : 60 % des personnes interrogées avouent ignorer l'existence de la
convention de New York. C'est manifestement au médiateur des enfants que
reviendra cette tâche d'information essentielle !
Il ne s'agira pas de convaincre de l'existence des droits de l'enfant : notre
culture a subi sur ce point une évolution majeure et il ne fait plus de doute
que les enfants ont des droits. Mais tout se passe encore comme si ces droits
n'étaient qu'une concession, comme s'ils n'avaient qu'une valeur déclaratoire
et n'étaient pas susceptibles de pouvoir être exercés pleinement et
concrètement.
Le médiateur des enfants sera la preuve vivante que ces droits existent, qu'on
peut les invoquer et les faire appliquer.
Je ne doute pas, madame la ministre, que le médiateur sera relayé dans cette
tâche par le personnel enseignant, déjà mobilisé pour l'enseignement de la
citoyenneté à l'école. On ne peut rêver, en effet, meilleure introduction à la
citoyenneté !
C'est en comprenant et en exerçant ses droits que l'enfant devient citoyen.
C'est en exprimant ses souhaits, ses revendications, c'est en dénonçant
l'injustice que l'enfant apprend la démocratie.
La liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de réunion,
inscrites aux articles 12, 13 et 15 de la convention de New York, ont ainsi
trouvé cette année en France une application concrète dans la charte sur la
démocratie lycéenne, dans laquelle il est prévu que ces libertés pourront
s'exercer pleinement au lycée, grâce, notamment, à l'institution d'un conseil
de la vie lycéenne dans chaque établissement.
C'est en permettant aux enfants et aux adolescents de construire ensemble des
règles de vie commune que nous leur préparons un meilleur avenir.
L'initiative prise l'année dernière par un collectif d'adolescents autour du
manifeste « Stop la violence ! » est révélatrice : elle montre que les
adolescents sont une force de proposition et peuvent mettre en place des
mécanismes citoyens valables pour l'ensemble de la société.
Promoteur des droits de l'enfant, le médiateur sera également chargé de
proposer des modifications législatives et réglementaires lorsqu'il lui
apparaîtra que leur application aboutit à des situations inéquitables.
Le groupe socialiste a souhaité élargir cette compétence en permettant au
médiateur des enfants de suggérer des mesures nouvelles et non plus seulement
correctrices.
Cette faculté devrait permettre au médiateur des enfants de jouer un rôle
d'impulsion dans la transcription en droit interne de la convention de New
York.
Un certain nombre d'initiatives ont été prises depuis l'adhésion de la France
à la convention internationale des droits de l'enfant, notamment au regard de
l'article 12, qui dispose que l'enfant doit avoir la possibilité d'être entendu
dans toute procédure judiciaire le concernant : institution du juge des
enfants, possibilité pour le mineur d'être entendu par le juge, reconnaissance
pour l'enfant âgé de plus de treize ans du droit à donner son accord pour
procéder à un changement de nom.
Le rapport de Mme Dekeuwer Desfossez, qui devrait servir de support à la
réforme du droit de la famille, propose de compléter cette mise en conformité
en supprimant le critère de discernement et d'affirmer la possibilité d'une
audition de l'enfant quel que soit son âge.
La réforme du droit de la famille devra mettre notre législation en adéquation
avec un certain nombre d'autres dispositions contenues dans la convention de
New York. Je pense notamment au problème difficile de la connaissance des
origines, droit reconnu par l'article 7 de la convention mais inapplicable en
France tant que notre pays organisera le secret autour de l'origine, tant qu'il
ne modifiera pas les textes relatifs à l'accouchement sous X et tant qu'il
autorisera la demande de secret sur l'identité des parents lors de
l'abandon.
Je pense aussi au droit de l'enfant, reconnu à l'article 9, d'avoir deux
parents et de conserver, quels que soient les aléas du couple, des relations
personnelles avec chacun d'entre eux. Cela passe par une meilleure organisation
de l'autorité parentale.
D'autres champs restent à explorer, des questions doivent être posées.
Peut-être reviendra-t-il au médiateur de les soulever.
Comment concilier, par exemple, la libre disposition de son corps avec le code
de déontologie médicale et les dispositions de la loi relative à l'interruption
volontaire de grossesse ? Les jeunes filles sont libres, en droit, de mener à
terme leur grossesse sans l'autorisation de leurs parents ; en revanche, elles
ne peuvent pas, en droit, décider seules de l'interrompre.
Sans revenir sur le conflit qui oppose la Cour de cassation au Conseil d'Etat,
il m'apparaît souhaitable que tous les efforts législatifs soient faits dans le
sens d'une mise en conformité complète de notre législation.
La France fait partie des quatre-vingt-onze pays qui ont ratifié cette
convention. Patrie des droits de l'homme, économiquement très avancée, elle ne
peut s'autoriser trop de réserves et doit montrer la voie.
La troisième mission du médiateur, sans doute celle qui requerra toute son
énergie - et la nôtre également lors de ce débat - sera d'instruire les
réclamations qui lui seront directement adressées par les mineurs ou par leurs
représentants légaux lorsque ceux-ci estimeront que les administrations de
l'Etat, les collectivités publiques ou territoriales ou tout autre organisme
investi d'une mission de service public n'auront pas respecté les droits de
l'enfant. La réclamation pourra également dénoncer un dysfonctionnement du
service public.
Il est également prévu que le médiateur des enfants pourra s'autosaisir.
L'objectif de cette proposition de loi est de donner la parole à l'enfant :
l'absence de filtre parlementaire et la dispense d'effectuer des démarches
préalables sont une manière de faciliter cette prise de parole par l'enfant.
Encore faut-il que celui-ci ait véritablement l'impression de s'adresser à une
autorité faite à sa mesure, à une autorité qui lui soit spécifique, qu'il
puisse reconnaître facilement.
Vous proposez, monsieur le rapporteur, au nom de la commission des lois, de
placer le médiateur des enfants auprès du médiateur de la République, parce
que, dites-vous, vous êtes favorable à l'unité de la médiation
institutionnelle.
Mais, si la fonction est comparable, la nature même de l'institution est
différente. Ce n'est pas la fonction qui diffère, c'est le public ! Et, parce
que ce public est différent, les domaines d'intervention le seront forcément,
et la manière d'intervenir également.
Il nous faut donc créer deux institutions, sans crainte d'un conflit de
compétences, les articles 5 et 6 de la proposition de loi permettant par
ailleurs une organisation intelligente et le transfert de dossiers lorsque la
réclamation relève manifestement de l'« autre » médiateur.
Je comprends vos réserves sur le plan pratique, et vos efforts pour que la
mise en place de la réforme soit plus efficace et plus rapide sont louables.
Mais, contrairement à ce que vous semblez croire, la simplification que vous
opérez altère l'intention des auteurs de la proposition de loi, intention qui
est, je le répète une nouvelle fois, de faciliter la prise de parole autonome
par l'enfant lui-même.
Je crains que votre proposition, monsieur le rapporteur, ne procède d'une
certaine réticence à voir l'enfant prendre dans la cité une place importante,
et surtout autonome.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Pas du tout !
Mme Dinah Derycke.
Lorsque vous placez le médiateur des enfants auprès du médiateur de la
République, vous lui refusez, en quelque sorte, toute émancipation, vous le
placez un peu sous tutelle, parce que, pour vous, le droit des enfants devrait
découler du droit de tous.
Prôner l'unité et l'homogénéité revient à mettre entre parenthèses
l'importance d'une telle institution et la spécificité du public concerné.
C'est parce qu'il convient de repousser les limites toujours inconscientes
mises par les adultes - tous les adultes, quels qu'ils soient - à l'expression
et aux droits des enfants que le groupe socialiste a souhaité élargir la
mission du médiateur des enfants à la sphère privée, c'est-à-dire aux rapports
entre les enfants et les personnes physiques ou les personnes morales de droit
privé non investies d'une mission de service public, et aménager cette nouvelle
compétence.
L'objectif est d'affirmer la compétence universelle du médiateur des enfants
dans la défense et la promotion de leurs droits afin de rendre sa mission la
plus efficace possible et d'appliquer concrètement certaines dispositions de la
convention de New York.
En effet, si la plus grande partie des enfants sont accueillis puis scolarisés
dans des établissements relevant du service public, un certain nombre d'entre
eux le sont dans des établissements privés, crèches privées ou crèches
d'entreprises, écoles privées, écoles hors contrat, professionnelles ou non,
vous l'avez rappelé, madame la ministre.
Par ailleurs, un grand nombre des activités parascolaires sont dispensées par
des personnes morales de droit privé. C'est ainsi qu'une proposition de loi
actuellement en navette vise à mieux garantir les droits du jeune sportif,
notamment en cas de transfert d'un club à l'autre. L'intervention d'un
médiateur dans ce domaine pourrait être déterminante pour régler ce genre de
conflits !
Cette intervention pourrait également être fort utile pour les violations des
droits du mineur dans le monde du travail, car il n'est pas évident à un jeune
travailleur de moins de dix-huit ans de saisir la juridiction prud'homale ou de
demander l'intervention d'un inspecteur du travail. Or, nous le savons, les
droits des mineurs au travail sont souvent violés.
Il nous est donc apparu important de rendre la compétence du médiateur
universelle : les droits de l'enfant peuvent être méconnus et bafoués aussi
bien dans le privé que dans le public.
Il s'agit moins, mes chers collègues, de calquer l'institution du médiateur
des enfants sur celle du Médiateur de la République et de risquer, par là même,
de réduire son champ d'intervention que de répondre à l'objectif que nous nous
sommes fixé : promouvoir et défendre en tous lieux les droits de l'enfant.
L'instauration d'un médiateur des enfants fera naître une dynamique qui se
diffusera dans la sphère privée et dans nos politiques publiques, et nous nous
en félicitons.
Toutefois, si notre assemblée retenait les propositions de la commission, nous
ne pourrions voter le texte en l'état. En effet, le médiateur des enfants ne
fera naître cette dynamique hautement souhaitable qu'à la condition d'être
visible, connu et reconnu : cela passe par l'affirmation de son autonomie et
l'attribution des pouvoirs les plus larges possibles.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le jugement
que je porte sur la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui est
contrasté.
Si le principe de la création d'un médiateur des enfants me paraît excellent,
les modalités retenues me laissent perplexe, et je crains que les modifications
proposées par la commission des lois du Sénat qui constituent certes des
améliorations, ne permettent pas de remédier au principal défaut de la
proposition de loi, à savoir un manque d'ambition dans la définition des
missions du médiateur des enfants.
Je remercie la commission des lois et son rapporteur, notre excellent collègue
Christian Bonnet, de donner une compétence supplémentaire au médiateur de la
République en lui rattachant le médiateur des enfants. Cependant, je ne suis
pas sûr que cette louable intention représente la meilleure voie pour aboutir à
un projet consensuel entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Or, sur un tel
texte, qui ne constitue pas un sujet d'affrontement politique, je souhaite très
vivement que nous aboutissions à un accord entre nos deux assemblées.
Dans cet esprit, je ne voterai pas le texte tel qu'il a été modifié par la
commission, et je n'aurais, du reste, pas voté non plus la proposition de loi
initiale.
Je voudrais, en quelques minutes, esquisser devant vous, mes chers collègues,
ce qui pourrait devenir la base d'un texte transactionnel attribuant des
compétences plus larges au médiateur des enfants.
Je n'insisterai pas sur le caractère très positif de la création d'un
médiateur des enfants. Je dirai simplement que la tendance de fond qui consiste
à mieux prendre en compte et à mieux défendre les droits de l'enfant n'a pas
encore permis de parvenir, dans notre pays, à une situation satisfaisante. La
situation de l'enfant reste fragile, dans les pays pauvres comme dans notre
société, disait très justement hier soir le Président de la République.
De nombreux exemples nous montrent en particulier que la parole de l'enfant
n'est pas assez écoutée dans notre pays. C'est précisément la raison pour
laquelle la création d'un médiateur - je préfère de beaucoup pour ma part le
titre de « défenseur des enfants » - répond à une vraie demande sociale.
La question qu'il faut alors se poser est la suivante : à quoi doit servir un
défenseur des enfants ? La réponse des auteurs de la proposition de loi est
d'assigner à ce défenseur une mission d'intercession dans les litiges qui
peuvent opposer les enfants aux administrations, aux collectivités
territoriales et aux autres organismes chargés de gérer un service public.
Il est clair que les rédacteurs du texte se sont, sur ce point, directement
inspirés de la loi de 1973 créant le Médiateur de la République. J'y vois deux
inconvénients principaux.
En premier lieu, la compétence du défenseur des enfants est limitée à ce que
j'appellerai, dans un souci de simplification, la « sphère publique ». Or, on
peut se demander si c'est bien là qu'existe le principal déficit de médiation
dont peuvent souffrir les enfants. N'est-ce pas, au contraire, dans la « sphère
privée », c'est-à-dire dans les rapports des enfants avec les personnes
privées, physiques ou morales, que prennent naissance nombre de litiges
concernant les enfants ?
En second lieu, la limitation du champ de compétence du défenseur des enfants
aux réclamations relatives à un organisme public ou assimilé place ce médiateur
spécialisé en concurrence directe avec le « généraliste » qu'est le médiateur
de la République, et crée donc une situation particulièrement confuse. En
effet, les enfants ou leurs parents auront le choix entre deux médiateurs dont
les doctrines et les pratiques d'intervention ne seront pas harmonisées ni
coordonnées.
Par ailleurs, on peut se demander s'il est bien cohérent de créer de toutes
pièces, auprès du défenseur des enfants, une structure de médiation
institutionnelle qui existe déjà à la médiature de la République.
La solution prévue par la proposition de loi pour résoudre ce problème de
chevauchement de compétences est tout à fait inopérante, puisque le champ de
compétence du défenseur des enfants consitue un sous-ensemble de celui du
médiateur de la République. La commission des lois propose de régler cette
difficulté majeure en rattachant le défenseur des enfants au médiateur de la
République.
Certes, cette solution a le mérite de la simplicité et de la clarté, mais elle
ne permet pas, par définition, de remédier au caractère quelque peu étriqué de
la définition des compétences du défenseur des enfants. On pourrait inverser
les termes du raisonnement et faire valoir que l'autonomie du défenseur des
enfants ne peut se justifier que s'il se voit attribuer une mission
suffisamment différente de celle du médiateur de la République. Ainsi, j'ai
déjà évoqué la possibilité d'un élargissement du domaine d'intervention du
défenseur des enfants aux litiges de droit privé.
Cela étant, je crois qu'il faut aller encore au-delà et ne pas confiner le
défenseur des enfants dans une fonction d'intercession individuelle. Il y a
lieu de noter que les défenseurs pour enfants existant à l'étranger, notamment
en Norvège, en Suède et en Wallonie, sont toujours investis d'une large mission
de défense et de promotion collectives des droits des enfants, le médiateur
suédois étant même incompétent pour connaître des cas individuels. Les
dispositions relatives à la promotion collective des droits de l'enfant et aux
actions d'information sur ces droits prévus à l'article 4 de la proposition de
loi me paraissent, à cet égard, trop générales et trop imprécises.
Après avoir réfléchi à ces questions, à la lumière de mon expérience passée
avenue d'Iéna et après avoir recueilli l'avis autorisé de Bernard Stasi, actuel
médiateur de la République, j'estime que les deux orientations que je viens de
décrire - élargissement du domaine de l'intercession individuelle et
développement de la promotion collective des droits de l'enfant - pourraient
être mises en oeuvre dans les conditions suivantes.
Tout d'abord, le défenseur des enfants serait compétent pour recevoir toutes
les réclamations individuelles émanant d'enfants. Celles de ces réclamations
qui concerneraient une administration ou un service public seraient ensuite
transmises au médiateur de la République pour qu'il les instruise : le
défenseur des enfants serait informé du résultat de cette instruction et le
communiquerait à l'enfant concerné ou à ses parents.
Dans un tel dispositif, le défenseur des enfants, qui présente l'avantage de
pouvoir être saisi directement et sans que le requérant ait eu à effectuer des
démarches préalables auprès de l'organisme concerné, jouerait en quelque sorte
le rôle de « filtre » qui est celui des parlementaires dans la procédure de
saisine du médiateur de la République.
De plus, le schéma proposé préserverait l'unité de la médiation
institutionnelle, puisque toutes les démarches relatives à cette médiation
resteraient effectuées par les services du médiateur de la République, et
permettrait d'éviter le gaspillage qui résulterait de la constitution, auprès
du défenseur des enfants, d'équipes faisant strictement le même travail que les
collaborateurs du médiateur de la République. En revanche, lorsque le litige
soumis au défenseur des enfants concerne une personne physique ou morale de
droit privé, non investie d'une mission de service public, le défenseur des
enfants effectuera lui-même les médiations qu'il jugera nécessaires.
La médiation de droit privé ainsi mise en place constitue, au fond, un nouveau
métier à inventer. Cependant, si l'environnement juridique est différent, la
démarche à suivre ne l'est pas : il s'agira de prendre contact avec la personne
physique ou morale mise en cause par l'enfant, d'obtenir d'elle tous les
éclaircissements nécessaires et de parvenir, par la persuasion, à un règlement
raisonnable et équilibré du conflit.
Il est certes possible, mes chers collègues, de se montrer pessimiste sur les
chances de succès de telles médiations dans la sphère privée. Je souhaite
néanmoins insister sur le fait que le défenseur des enfants ne sera pas plus
démuni vis-à-vis de ses interlocuteurs que ne l'était le médiateur de la
République après sa création en 1973. Mon prédécesseur, M. Antoine Pinay, avait
« essuyé les plâtres » de la médiature et rencontré quelques difficultés au
début de sa mission, mais celles-ci se sont aplanies au fil des années.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler que, sauf dans des cas très particuliers,
le médiateur de la République est également privé de tout pouvoir de coercition
sur les administrations et les services publics et qu'il ne peut compter que
sur sa force de conviction, laquelle est grande mais a tout de même ses
limites.
(M. le rapporteur sourit.)
Par ailleurs, il paraîtrait intéressant que le défenseur des enfants joue un
rôle d'orientation et de coordination dans le domaine de la protection de
l'enfance maltraitée.
Pour éviter tout malentendu, je précise tout de suite qu'il ne s'agit pas,
dans mon esprit, de remettre en cause les prérogatives actuelles de la
protection judiciaire de la jeunesse, des services de l'aide sociale à
l'enfance des conseils généraux et, bien sûr, des services de l'éducation
nationale.
En revanche, je souhaite par exemple que soit rattaché au défenseur des
enfants le service national d'écoute téléphonique de l'enfance maltraitée qui
gère le numéro vert « Allo enfance maltraitée ».
Ce rattachement me paraît constituer un bon moyen de remplir la coquille vide
que serait la mission d'un défenseur des enfants autonome. Il aurait également
pour grand avantage de permettre à celui-ci de disposer d'emblée d'un personnel
spécialement formé à l'écoute, voire au décryptage de la parole de l'enfant.
Ce rattachement n'aurait pas de conséquences sur les responsabilités
opérationnelles de la justice et des conseils généraux en matière de protection
de l'enfance maltraitée, puisque ce service, cofinancé par l'Etat et les
départements, joue un simple rôle d'orientation dans le traitement des plaintes
dont il est saisi.
On pourrait objecter à cette idée qu'il n'est pas sain de jouer au « meccano
institutionnel » en modifiant le rattachement d'un tel organisme. Je rappelle
cependant au Sénat qu'il a déjà recouru avec bonheur à un tel procédé. Dans un
domaine évidemment très différent, nous avons en effet choisi, à une certaine
époque, de donner de la substance à l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments en lui rattachant le Centre national d'études vétérinaires et
alimentaires, et ce rattachement, après avoir, dans un premier temps, provoqué
d'importants remous, a finalement été bien accepté par toutes les parties
intéressées.
S'agissant de la défense collective des droits des enfants, il me paraîtrait
opportun d'élargir le pouvoir de proposer des réformes conféré par la
proposition de loi au défenseur des enfants.
En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale permet seulement au
défenseur des enfants de proposer la modification des dispositions législatives
ou réglementaires relatives aux droits de l'enfant lorsque leur application
aboutit à des situations inéquitables. Or les éventuelles atteintes au droit de
l'enfant ne découlent pas seulement de l'application des textes relatifs
auxdits droits. Il me semblerait donc utile que le défenseur des enfants puisse
proposer la modification des dispositions législatives ou réglementaires de
toute nature, dès lors que leur application place un enfant dans une situation
inéquitable.
Il conviendrait également d'étendre ce pouvoir de proposition aux textes qui
portent atteinte aux droits de l'enfant.
J'estime en effet souhaitable de se référer aussi souvent que possible à cette
notion de droits de l'enfant, afin de conforter les avancées juridiques
considérables résultant de la convention internationale relative aux droits de
l'enfant du 20 novembre 1989, dite « convention de New York ».
De ce point de vue, le défenseur des enfants devrait non seulement exercer une
action « correctrice », c'est-à-dire visant à modifier les textes français ne
respectant pas complètement les prescriptions de la convention de New York,
mais également jouer un rôle d'« impulsion positive » dans la transcription en
droit interne de celles de ces stipulations qui sont dépourvues d'effet
direct.
Il me paraîtrait également intéressant que les observations de ce défenseur
soient jointes au rapport sur l'application de la convention de New York que le
Gouvernement français doit présenter chaque année au Parlement pour le 20
novembre, date de la journée mondiale des droits de l'enfant.
Le défenseur pourrait ainsi porter un regard critique sur les mesures que les
pouvoirs publics ont prises - ou se sont abstenus de prendre - pour garantir la
pleine application de ladite convention.
A cet égard, je me réjouis que la commision des lois ait choisi de se référer
aux droits de l'enfant reconnus par un engagement international régulièrement
ratifié ou approuvé, sans distinguer entre les engagements ayant un effet
direct et ceux qui n'en n'ont pas.
En effet, cette distinction qui figure dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale aurait été très difficile à mettre en oeuvre pour plusieurs
raisons.
Premièrement, la notion d'effet direct ne s'apprécie généralement pas au plan
du traité lui-même, mais à celui de chacune de ses stipulations.
Deuxièmement, il peut exister des divergences d'appréciation entre les
juridictions suprêmes de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire sur le
caractère auto-exécutoire de telle ou telle stipulation d'un traité.
Troisièmement, une large partie de la doctrine estime que les dispositions
d'une convention internationale dépourvues d'effet direct ne sont pas pour
autant privées de toute portée juridique, de sorte que, même si elles ne créent
pas directement de droits dont un particulier peut se prévaloir, elles peuvent
cependant être invoquées à l'encontre d'une disposition réglementaire qui leur
serait contraire.
Je résumerai mon propos, mes chers collègues, en disant qu'il me paraît
possible d'enrichir considérablement le rôle confié au défenseur des enfants
par la proposition de loi. Je souhaitais vous faire part de mes réflexions sur
ce sujet en espérant que la présente lecture et surtout les lectures
ultérieures de ce texte permettront de progresser dans ce sens.
Il serait en effet tout à fait regrettable que le défenseur des enfants, qui
répond à mes yeux à un réel besoin social, soit perçu, faute d'une réflexion
préalable suffisamment approfondie, comme un « gadget institutionnel », et je
suis persuadé que nous parviendrons, en collaboration avec l'Assemblée
nationale, à conjurer ce risque.
Nous aurons ainsi permis de faire réellement avancer la cause des droits de
l'enfant, ce qui est, j'en suis sûr, notre objectif sur toutes les travées des
deux assemblées.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je serai bref
car beaucoup de choses ont déjà été dites, que je partage, notamment le
bien-fondé du médiateur des enfants. Je trouve, en effet, que partout dans le
monde, en France notamment, les enfants méritent de voir leurs droits défendus,
assurés et garantis.
Cela dit, je ferai quelques remarques sur le texte qui nous est présenté et je
porterai un jugement sur les propositions de la commission.
Un médiateur des enfants paraît une bonne chose mais, une fois de plus, nous
allons créer une autorité administrative indépendante. Nous avons une fâcheuse
tendance, à l'heure actuelle, pour résoudre les problèmes, à multiplier ces
autorités. Certaines, bien sûr, sont nécessaires, mais est-il bien utile, en
l'espèce, d'en créer une nouvelle alors qu'il en existe une, à savoir le
médiateur de la République, et que nous sommes face à des tâches de médiation
?
Aujourd'hui, nous créons le médiateur des enfants. C'est une première. Demain,
faudra-t-il créer le médiateur des apprentis, le médiateur des militaires, le
médiateur de l'enseignement supérieur, le médiateur des hôpitaux, etc. ? C'est
d'ailleurs, à mon avis, une voie normale et naturelle.
Nous devons donc réfléchir, peut être de façon plus approfondie, à la place
que doit tenir à l'avenir dans le fonctionnement de nos institutions la
médiation face à la décision de justice.
Mme Derycke a évoqué tout à l'heure la médiation pénale, bien qu'elle soit
d'une autre nature que la médiation dont il est question. Il est vrai que notre
pays a pris un certain retard en matière de médiation par rapport aux Etats
scandinaves, par rapport à la Grande-Bretagne, à l'Allemagne, pays où la
médiation est une pratique courante préliminaire, en règle générale, à tout
jugement.
Il serait bon, madame le ministre, de saisir Mme le garde des sceaux de ce
problème afin d'engager une réflexion approfondie au sein du Gouvernement quant
au rôle futur de la médiation dans nos rapports sociaux, et d'envisager
éventuellement le dépôt d'un projet de loi à ce sujet.
Ma deuxième remarque a trait à la lisibilité.
Ainsi que le rappelait tout à l'heure notre collègue M. Pelletier, il n'a pas
été facile au premier médiateur de la République de s'imposer. Maintenant, il
s'agit d'une institution confirmée, d'une institution reconnue que nos
concitoyens savent utiliser : ils viennent dans nos permanences pour nous
demander de saisir le médiateur de la République.
Cela a été long et vous avez rappelé, mon cher collègue, les difficultés qu'a
rencontrées le médiateur de la République à ses débuts lorsqu'il n'avait autour
de lui qu'une poignée de collaborateurs rapidement submergés sous le nombre des
plaintes et des demandes qui affluaient.
Aujourd'hui, nous disposons d'un réseau cohérent, notamment avec les
médiateurs départementaux qui jouent un rôle tout à fait remarquable.
Je ne souhaite pas au médiateur des enfants d'éprouver les mêmes difficultés
que celles qu'a connues le médiateur de la République à ses débuts : recherche
de locaux d'accueil et de collaborateurs indispensables. D'ailleurs, la
proposition de notre excellent rapporteur, vise justement à régler tous ces
problèmes en installant d'emblée le médiateur des enfants dans les locaux du
médiateur de la République et en lui permettant de bénéficier de son
personnel.
La lisibilité est fondamentale. Nos concitoyens aiment les lois claires et les
institutions transparentes, et je ne peux que les approuver. Comment
pourraient-ils s'y retrouver s'il y a deux médiateurs - un Médiateur de la
République et un médiateur des enfants - deux administrations et deux locaux
différents ? Je vous ai dit que nous n'en sommes qu'aux prémices ; il y aura
demain d'autres médiateurs spécialisés parce qu'ils seront nécessaires et parce
que cela participe de l'évolution normale de nos sociétés.
C'est la raison pour laquelle, d'un strict point de vue de la lisibilité, il
me paraît nécessaire de rattacher le médiateur des enfants au médiateur de la
République.
Mais j'irai maintenant un peu plus loin, et je m'adresse à vous, madame le
ministre. Ce texte est incomplet car il y manque une analyse préalable. Certes,
il part d'un très bon sentiment, que nous partageons tous, mais où se trouve
l'étude qui recenserait les recours éventuels des enfants auprès de ce
médiateur ? Dans quels domaines l'enfant va-t-il agir, va-t-il se sentir lésé
dans ses droits ?
J'ai essayé de réfléchir à la question. J'ai eu beaucoup de mal ;
heureusement, certains collègues m'ont aidé.
Tout d'abord, un secteur évident où, à mon avis, les recours des enfants
s'exerceront est celui de l'éducation nationale. Ce n'est pas la peine de
parler du public ou du privé, les établissements privés qui collaborent au
grand service public de l'éducation nationale sous forme de contrats sont
naturellement visés.
Dans cette optique, que deviendront non seulement le médiateur de l'éducation
nationale mais aussi les médiateurs des rectorats ? A quoi serviront-ils ?
Et puis - allons un peu plus loin - dans cette tâche de l'éducation nationale,
je crois qu'une mission s'imposera très vite, dès que la loi sera publiée,
celle de rendre obligatoire, le plus tôt possible auprès des enfants,
l'enseignement de l'institution du médiateur. Il faudra donc mobiliser les
enseignants à cette mission qui sera d'expliquer aux enfants ce qu'est le
médiateur des enfants, à quoi il servira, comment il sera saisi et ce qu'il
pourra faire pour régler les problèmes. C'est ici qu'un aspect pervers des
choses risque d'apparaître, et c'est la raison pour laquelle, madame le
ministre, je vous demande d'attacher une grande importance à mon propos. En
effet, les demandes des enfants adressées au médiateur, en matière d'éducation
nationale, risquent très vite de se transformer en dénonciations d'un certain
nombre d'enseignants. Et là, il faudra prévoir les réactions du corps
enseignant, associer les syndicats à cette démarche et faire en sorte qu'il ne
s'agisse pas d'une évaluation déguisée des enseignants par le biais de la
médiation. C'est un problème important, me semble-t-il, que je soulève ici et
auquel il va falloir réfléchir.
Le second recours au médiateur concernera, me semble-t-il, les placements
d'enfants : un enfant pourra se plaindre de la famille d'accueil dans laquelle
on l'aura placé, voire des conditions dans lesquelles il ressent son placement
auprès d'une association, ou d'une cellule, chargée d'accueillir les enfants en
difficulté ou en détresse.
Là encore, le même risque que celui que je viens de souligner peut apparaître.
Là encore il faudra associer tout à la fois les éducateurs, les foyers
d'accueil, les parents d'accueil à ce genre de démarche, faute de quoi ils
risquent de se sentir eux-mêmes menacés.
En effet - et c'est là le problème de notre société - nous connaissons les
droits des enfants dans la convention de New York, nous les partageons, nous
les acceptons et nous sommes prêts à les défendre mais, en contrepartie, quand
a-t-on énoncé les devoirs des uns et des autres à l'égard des enfants - je veux
parler des devoirs des parents, de ceux des éducateurs, de ceux qui accueillent
un apprenti, ou encore des devoirs d'un patron qui accueille un jeune mineur. A
quel moment a-t-on fixé et établi ces devoirs ? L'on ne peut pas défendre des
droits si en face on n'énonce pas des devoirs.
En outre - nous en avons discuté -, s'il existe des droits des enfants, que
nous sommes tous, bien sûr, prêts à défendre, n'y a-t-il pas aussi des devoirs
des enfants ? Le système éducatif ne doit-il pas aussi apprendre à l'enfant un
certain nombre de comportements ? Et là, on ne va pas créer un médiateur pour
défendre les droits des éducateurs menacés par les droits excessifs des
enfants.
Nous sommes donc là en présence de toute une logique qui m'interpelle : si je
me rallie à la proposition de notre rapporteur, je m'interroge toutefois sur le
point de savoir si nous avons mesuré toutes les conséquences de la création de
cette nouvelle institution. Je m'interroge sur les relations entre cette
institution et le système juridique et juridictionnel. Je m'interroge sur la
compatibilité d'un certain nombre de recours qui seront admis et sur d'autres
qui ne le seront pas. C'est ainsi que l'enfant ne pourra pas se plaindre auprès
du médiateur du fait que le juge aura attribué la garde au père plutôt qu'à la
mère - ou inversement - car ce sera une décision de justice.
J'en reviens enfin à ce que je disais tout à l'heure. Nous sommes entrés dans
une période de mutation de nos rapports sociaux qui nous impose d'intégrer le
phénomène de la médiation beaucoup plus largement que nous ne l'avons fait
jusqu'à maintenant.
Ce phénomène de la médiation, nous ne pourrons l'intégrer comme les sociétés
scandinaves qu'à la condition que nos mentalités et nos structures changent.
Or, nos mentalités et nos structures ne changeront que dans la mesure où
l'école nous aidera à les faire changer.
Ces remarques, qui ne sont en réalité que des interrogations, m'incitent à me
rallier intégralement au texte soutenu par la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous est
proposé aujourd'hui d'approuver une proposition de loi adoptée il y a
maintenant un an par l'Assemblée nationale. Reprenant une suggestion de la
commission parlementaire relative à la situation des droits de l'enfant en
France, cette proposition de loi vise à créer un médiateur des enfants.
Calquée sur le modèle du médiateur de la République, cette institution aura
pour mission de défendre et de faire prospérer les droits de l'enfant, en
particulier à l'égard des administrations.
Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même, nous
approuvons sans réserve une telle démarche, qui va dans le sens des évolutions
contemporaines en faveur des droits des enfants. Ces évolutions délaissent,
fort heureusement, de plus en plus l'image de l'enfant « objet de droits » au
profit d'une appréhension plus positive et plus dynamique de l'enfant a « sujet
de droits ».
L'enfant est aujourd'hui à la fois un « sujet de protection », pour reprendre
le terme de la sociologue Irène Théry, mais aussi un « citoyen en devenir »
auquel il convient de donner les moyens d'être acteur de son autonomisation.
Cette double perception de l'enfant trouve son expression dans les
modifications législatives de la dernière décennie. Ces nouvelles dispositions
ont en effet progressivement consacré la possibilité pour l'enfant de faire
entendre sa voix dans les procédures le concernant, qu'il s'agisse de
l'autorité parentale, avec la loi de juillet 1987, du placement en détention
provisoire, avec les lois de juillet 1987 et de 1989, ou de l'enregistrement
télévisuel du témoignage d'un enfant abusé sexuellement, avec la loi de juin
1998. Nous espérons que cette évolution se poursuivra.
Le rapport de Mme Dekeuwer-Defossez sur la rénovation du droit de la famille
ouvre sur ce point de nouvelles perspectives, en suggérant notamment que
l'enfant soit, par principe, entendu dans les procédures de divorce. Nous
espérons que la prochaine refonte du droit de la famille amplifiera ce
mouvement et consacrera une meilleure prise en compte des intérêts de
l'enfant.
La Convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 20
novembre 1989, a manqué de façon forte le début de la prise en compte
législative de cette nouvelle perception de l'« enfant citoyen ».
A l'occasion du dixième anniversaire de cette convention, nous pouvons revenir
sur les objectifs annoncés, mais aussi sur les efforts qui restent encore à
faire pour les atteindre. En effet, la conquête des droits de l'enfant, y
compris en France, est loin d'être achevée.
Nous pouvons ainsi constater que les réalités de la vie ne correspondent pas
toujours aux droits proclamés. On peut bien entendu citer la maltraitance dont
souffrent des milliers d'enfants et le triste record que détient la France pour
les suicides des jeunes. Mais force est également de constater que l'égalité
des chances devant le système éducatif reste fréquemment théorique, qu'un tiers
des enfants ne part jamais en vacances et que tous n'ont pas un accès
satisfaisant aux services de soins.
La misère économique, on le sait, laisse de nombreux enfants à la lisière de
la société et de l'accès aux droits. S'agissant plus précisément de la médecine
scolaire, comme vous le savez peut-être, les médecins scolaires sont
aujourd'hui en grève pour réclamer des postes supplémentaires. Comment peut-on
fêter en grande pompe la convention des droits de l'enfant et accepter
parallèlement qu'il n'y ait seulement qu'un médecin scolaire pour 7 000 élèves
?
Par ailleurs, il convient de noter que la proposition de créer une institution
indépendante chargée des droits de l'enfant a la faveur d'une large majorité
des Français. Ainsi, selon un sondage UNICEF-
Le Monde
, publié ce
week-end, que vous avez cité, madame la ministre, 91 % des adultes sont
favorables à la création d'une telle institution qui serait susceptible de
suggérer des modifications législatives en faveur des jeunes.
Deux questions se posent cependant quant à la création d'un médiateur des
enfants.
En premier lieu, on peut se demander en quoi la médiation institutionnelle
peut contribuer à concrétiser et pérenniser les principes énoncés dans la
convention internationale des droits de l'enfant.
Ce mode alternatif de règlement des conflits n'est certes pas familier à notre
tradition juridique. Néanmoins, la France s'y est ralliée de bon coeur, d'abord
dans les relations entre l'administration et les administrés et, plus
récemment, dans le domaine pénal ou social.
Dans le domaine des droits de l'enfant, il me semble que la médiation a un
rôle particulier à jouer.
D'abord, au regard de son objet même, « mettre d'accord, concilier, voire
réconcilier des personnes », la médiation contribue à « pacifier » les
relations sociales. Cette dimension nous apparaît essentielle, comme le
soulignait mon collègue M. Bernard Birsinger à l'Assemblée nationale. Les
enfants pourront ainsi faire « l'apprentissage d'une dimension importante de la
citoyenneté, le refus de l'arbitraire, le refus d'une violence faite par la
collectivité à un individu ou un groupe d'individus » par des voies autres que
conflictuelles.
Ensuite, le médiateur peut être un bon vecteur de changement des mentalités.
L'une des missions qui lui incombera sera en effet d'assurer la promotion des
droits de l'enfant et d'organiser des actions d'information.
Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que certains pays européens se sont déjà
dotés de cette institution afin d'assurer une meilleure défense des droits de
l'enfant.
Dans cet esprit, nous étions invités par le Conseil de l'Europe à adopter une
telle démarche. La résolution n° 1121 en date du 1er février 1990 incitait en
effet les Etats membres à « nommer un médiateur spécial pour les enfants, qui
pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et
éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom ». La proposition de
créer une institution chargée spécifiquement des droits de l'enfant semblait
ainsi recueillir la plus grande unanimité.
Pourtant, dès lors qu'il s'est agi de la « mettre en musique », des
divergences profondes sont apparues, de même que des interrogations sur
l'opportunité de mettre en place une médiation spécifique aux enfants.
En fin de compte, deux conceptions radicalement différentes dans leur principe
et leurs conclusions s'affrontent. Elles ne sont que la reprise d'un débat de
fond qui s'était déjà exprimé lors de la signature de la convention, en
1989.
Pour les uns, la question des droits de l'enfant ne doit pas être séparée « du
tout » que constitue celle des droits de l'homme. Les droits des enfants ne
sont qu'un des aspects des droits de l'homme et ils ne doivent pas faire
l'objet d'un traitement spécifique.
Telle est la position de la commission des lois du Sénat, qui se réclame de la
commission consultative des droits de l'homme. Tout en affichant une adhésion
au principe du médiateur des enfants, la commission nous propose... de ne pas
en créer ! L'institution qu'elle vise n'aurait de médiateur des enfants que le
nom, puisque, organiquement rattachée au médiateur de la République, elle
n'aurait pas d'autonomie propre.
Pour les autres, dont nous sommes, la question des droits de l'enfant relève
d'une problématique spécifique. Il convient, pour l'appréhender, de mettre en
place une institution spécialement et exclusivement chargée de cette question,
un véritable « porte-parole » des enfants dans lequel ils sont susceptibles de
se reconnaître.
C'est à cette condition, croyons-nous, qu'ils pourront se sentir réellement «
citoyens » en devenir, car écoutés et relayés. Cette dimension essentielle
serait opportunément renforcée par une ouverture de la saisine aux associations
créées par et pour les enfants. Nous pensons en particulier aux associations de
lycéens et de collégiens. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements en ce
sens.
Cette approche nous semble confortée par le sondage publié dans
Le
Monde
qui nous montre combien les enfants ont une approche spécifique de
leurs droits, différente, en décalage avec celle de leurs parents.
Reste à demander si, comme l'ont soutenu certains, le « défenseur des enfants
» - M. le président Fabius nous suggère de le nommer ainsi pour éviter toute
confusion - ne risque pas d'entrer en concurrence avec le médiateur de la
République.
D'une part, médiateur des enfants et médiateur de la République opéreront dans
des champs d'actions différents : les enfants pour l'un, les adultes pour
l'autre ! D'autre part, des passerelles, des modes d'information réciproques
ont été prévus pour prévenir des saisines concurrentes. Les médiateurs se
communiqueront les réclamations qui entreraient dans le domaine de l'autre. De
plus, le médiateur des enfants informera le médiateur de la République des
dysfonctions constatées.
Les deux médiateurs ont donc vocation à être complémentaires et non
concurrents !
En proposant de rattacher le médiateur des enfants au médiateur de la
République, la commission des lois dénature complètement l'esprit du texte.
Sous prétexte de « faciliter et hâter sa création », elle nous propose en
réalité de la brader. Vous comprendrez, au vu de ces observations, que les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se prononceront contre
les propositions de la commission. Nous choisissons au contraire de soutenir le
texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale.
Je souhaiterais enfin exprimer le voeu que le médiateur des enfants contribue
effectivement à une meilleure application de la convention de New York. Cela a
été rendu possible grâce à une proposition de M. Bernard Birsinger à
l'Assemblée nationale, par une référence directe à ce texte majeur.
La jurisprudence de la Cour de cassation, qui refuse, sans distinction aucune,
le caractère auto-exécutoire des dispositions de cette convention, est tout à
fait dommageable à l'extension des droits des enfants.
Mme Claire Brisset, membre de l'UNICEF, nous expliquait pourtant, il y a un
an, que, grâce à la convention de New York, les enfants sortaient enfin du
ghetto où les avaient confinés des siècles de « minorité ». Nous sommes
certainement nombreux à partager ce point de vue.
Avec cette proposition de loi relative au médiateur des enfants, nous avons
aujourd'hui, mes chers collègues, la responsabilité de mettre en place un
dispositif qui y contribuera, à condition de ne pas le dénaturer comme le
propose la commission des lois. C'est en tout cas ce que nos concitoyens
attendent.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?
...
La discussion générale commune est close.
PROPOSITION DE LOI
M. le président.
Nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi instituant
un médiateur des enfants.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Il est institué un médiateur des enfants, autorité
indépendante.
« Celui-ci reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs
représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les
collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une
mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant consacrés
par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou
approuvé, ayant un effet direct.
« Il reçoit en outre, selon les mêmes modalités, toute réclamation
individuelle concernant un organisme visé à l'alinéa précédent avec lequel
l'enfant est en rapport et qui n'a pas fonctionné conformément à la mission de
service public qu'il doit assurer.
« Lorsqu'il a été saisi par l'enfant mineur lui-même, il peut, s'il le juge
utile, en informer son représentant légal.
« Le médiateur des enfants est en droit de s'autosaisir sur des sujets qui lui
apparaîtraient comme des atteintes aux droits des enfants tels que définis par
les lois de la République et les engagements internationaux de la France comme
la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre
1989. »
Sur cet article, je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Bonnet, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Il est inséré, après l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973
instituant un médiateur de la République, un article 16 ainsi rédigé :
«
Art. 16. -
Un médiateur des enfants, placé auprès du médiateur de la
République, reçoit les réclamations individuelles de mineurs intéressés ou de
leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les
collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une
mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant reconnu par
la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ou
n'ont pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'ils doivent
assurer. »
Par amendement n° 19, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article
:
« Le médiateur des enfants, autorité indépendante, est chargé de défendre et
de promouvoir les droits de l'enfant, consacrés par la loi ou par un engagement
international régulièrement ratifié ou approuvé. »
Par amendement n° 20, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de remplacer les deuxième et troisième alinéas de
l'article 1er par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le médiateur des enfants reçoit les réclamations individuelles d'enfants
mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment qu'une personne publique
ou privée n'a pas respecté les droits de l'enfant défini à l'alinéa
précédent.
« Lorsqu'une réclamation mettant en cause une personne physique ou une
personne morale de droit privé non visée à l'alinéa précédent lui paraît
justifiée, le médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui
paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à
la personne concernée toute solution permettant de régler en droit ou en équité
la situation de l'enfant mineur intéressé par la réclamation.
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants que les conditions de
fonctionnement de la personne morale de droit privé concernée par la
réclamation portent atteinte aux droits de l'enfant, il peut proposer toutes
mesures qu'il estime de nature à remédier à la situation. »
Par amendement n° 16, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa de l'article 1er, après les mots
: « réclamations individuelles », d'insérer les mots : « et collectives ».
Par amendement n° 17, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent de compléter
in fine
l'article 1er par un alinéa
ainsi rédigé :
« Les réclamations peuvent être présentées au médiateur des enfants par des
associations défendant les droits de l'enfant. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
A l'article 1er, et cela ne saurait être une surprise même
pour ceux qui n'appartiennent pas à la commission des lois mais qui ont
participé à ce débat, la commission propose d'insérer, après l'article 15 de la
loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République, un article 16
dont le début est ainsi libellé : « Un médiateur des enfants, placé auprès du
médiateur de la République, reçoit les réclamations individuelles de mineurs
intéressés... ».
La commission a beaucoup tenu, comme je l'ai souligné lors de la discussion
générale, à cette référence aux « mineurs intéressés ».
Par ailleurs, comme je l'ai exposé dans mon rapport, elle considère que le
médiateur des enfants a un champ de compétences très semblable à celui du
médiateur de la République et que faire de ces deux médiateurs deux autorités
indépendantes distinctes ne peut que susciter des difficultés d'application,
les demandeurs ne sachant à quel médiateur s'adresser.
Le médiateur des enfants bénéficierait ainsi de l'autorité qui est aujourd'hui
reconnue par tous au médiateur de la République, des services compétents déjà
en place et de moyens de fonctionnement lui permettant de remplir sa mission.
Si ces dispositions étaient adoptées, la proposition serait appliquée avec plus
de célérité et l'unité de la médiation institutionnelle serait confortée.
Incidemment, je rappelle en outre que la mention de « tout autre organisme
investi d'une mission de service public » inclut les personnes morales de droit
privé.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter les amendements n°s 19 et 20.
Mme Dinah Derycke.
Ces deux amendements sont dans la logique de l'exposé que j'ai fait lors de la
discussion générale.
L'amendement n° 19 tend à donner une définition générale de la mission du
médiateur des enfants.
Les droits des enfants consacrés par des stipulations conventionnelles
dépourvues d'effet direct ne sont pas pour autant privés de toute portée
normative et doivent pouvoir être invoqués par les personnes concernées.
L'affirmation de deux autorités indépendantes relève, pour nous, de la
symbolique et permet une identification plus visible du « médiateur des enfants
» ou, comme vous l'avez dit, monsieur Pelletier, du « défenseur des enfants »,
et une appropriation plus facile par les enfants.
L'amendement n° 20 vise à élargir la mission du médiateur des enfants à la
sphère privée. Je n'y reviendrai pas, m'étant déjà expliquée sur ce point lors
de la discussion générale. Nous pensons effectivement que la sphère publique ne
suffira pas, les problèmes des enfants procédant essentiellement de la sphère
privée.
M. le président.
La parole est à Mme Térrade, pour présenter les amendements n°s 16 et 17.
Mme Odette Terrade.
Ces amendements reprennent les propositions qu'avait faites, à l'Assemblée
nationale, Bernard Birsinger lors de l'examen de cette proposition de loi.
Ils visent, pour l'amendement n° 16, à élargir le droit de saisine du
médiateur par les enfants à des réclamations collectives et, pour l'amendement
n° 17, à faire reconnaître un droit de saisine par des associations de défense
des droits de l'enfant.
Il ne s'agit nullement de remettre en cause le principe de la saisine
personnelle du médiateur par le mineur, qui nous semble, bien au contraire,
tout à fait fondamentale.
Nous considérons néanmoins que celle-ci n'est pas forcément exclusive d'une
saisine de type collectif, notamment celles qui sont portées par des
associations créées par et pour les enfants.
On lui a opposé la « logique » du système : la saisine collective, a-t-on dit,
irait à l'encontre de la responsabilisation de l'enfant voulue par la
proposition de loi qui a insisté particulièrement sur l'aspect « personnel » de
la réclamation. Bien contraire ! suis-je tentée de dire.
En effet, l'apprentissage de la citoyenneté passe également par l'action
collective. Toute plaide dans ce sens : tant la convention de New York
elle-même, qui consacre dans son article 15 la liberté d'association, que notre
droit civil, qui reconnaît en effet la possibilité pour un mineur d'être membre
d'une association, d'en être élu au conseil d'administration, voire, la
jurisprudence n'est pas bien établie sur ce point, d'y assumer des fonctions de
direction.
C'est ainsi que le droit d'association apparaît comme un élément fondamental
de la « pré-majorité » de l'enfant. Si l'on souhaite appréhender l'enfant
mineur comme « un citoyen en devenir », il faut réserver une place particulière
à la participation associative : elle est en effet un élément déterminant de la
participation aux affaires de la cité.
La refuser reviendrait au contraire à décourager, sinon à nier, l'action
fondamentale menée par les associations de lycéens ou de collégiens pour faire
entendre leur voix.
Il nous semble, de surcroît, que l'ouverture de la saisine aux associations va
dans le sens des objectifs de la proposition de loi, à savoir promouvoir et
défendre les droits des enfants.
Les députés ont d'ailleurs admis que si les enfants devaient être les
principaux acteurs de leurs droit, on pouvait néanmoins admettre qu'ils n'en
soient pas les seuls : c'est sur ce fondement qu'ils ont admis la possibilité
d'auto-saisine du médiateur.
L'ouverture de la saisine aux associations de défense des droits de l'enfant
est surtout, pensons-nous, de nature à créer des relais fondamentaux entre le
terrain et l'institutionnel ; elle pourrait en effet jouer un double rôle : un
rôle « d'alerte » du médiateur par les associations, un retour d'information
sur le terrain susceptible d'assurer une meilleure lecture, sinon une meilleure
application des nouveaux droits reconnus aux enfants.
En fin de compte, il nous a semblé que le refus d'une saisine collective
n'était pas insurmontable dans la mesure où il résidait moins dans une
opposition de principe que dans la crainte que le médiateur ne soit débordé par
des saisines dénuées de fondement.
Nous espérons vous avoir convaincus que le risque était moindre par rapport à
l'intérêt qu'une telle ouverture pourrait présenter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 19, 20, 16 et 17 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'amendement n° 19 est pour partie satisfait dans la mesure
où les droits de l'enfant peuvent être reconnus par des dispositions
internationales dépourvues d'effet direct, mais il est contraire à la position
de la commission s'agissant de l'indépendance de l'autorité qu'est le médiateur
des enfants. La commission est également défavorable à l'amendement n° 20. La
médiation concernant les litiges d'ordre privé existe déjà à travers notamment
toute une gamme de médiations civiles et pénales. Ces questions doivent,
semble-t-il, être réglées au plus près de ce qu'il est convenu d'appeler « le
terrain » et non pas par une autorité nationale. En outre, cette proposition de
Mme Derycke a été écartée dans le rapport de Mme Ledoux et aucun amendement en
ce sens n'a été repris en séance publique à l'Assemblée nationale.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 16 dans la mesure où
il est contraire à la position qu'elle a adoptée et selon laquelle la médiation
est demandée par un mineur qui est « intéressé », c'est-à-dire qu'il doit
exister un intérêt direct pour lui ou son représentant légal. Il s'agit au
demeurant d'une disposition qui a été repoussée à l'Assemblée nationale par la
commission et par le Gouvernement.
La commission est défavorable à l'amendement n° 17, qui est également
contraire à la position de la commission, selon laquelle la médiation est
demandée par un mineur intéressé, ayant directement intérêt à la chose.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1, 19, 20, 16 et 17
?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement ne peut pas être favorable à
l'amendement n° 1, parce qu'il revient à supprimer le caractère indépendant du
médiateur des enfants. Toutefois, connaissant le sérieux du travail de cette
commission et de son rapporteur, j'ai étudié de très près quels arguments
juridiques qui pouvaient me permettre, à mon tour, de convaincre à la fois la
commission et son rapporteur.
En réalité, il n'y a pas de concurrence entre les deux institutions. En effet,
elles ne s'adressent pas au même public, elles n'ont pas le même mode de
saisine et elles n'ont pas non plus les mêmes critères de compétence.
Tout d'abord, les enfants ne peuvent s'adresser qu'à un médiateur des enfants
car, pour la saisine du médiateur de la République, il est prévu des formalités
administratives préalables que ne peut accomplir un mineur dépourvu de capacité
juridique.
Ensuite, le mode de saisine est radicalement différent. Dans le cadre du
médiateur des enfants, il n'existe pas de filtre parlementaire ; la saisine est
directe.
De plus, le critère de compétence du médiateur des enfants est le non-respect
éventuel des droits de l'enfant. Il s'agit d'une spécificité propre au
médiateur des enfants, puisque le médiateur de la République n'agit qu'en cas
de dysfonctionnement du service public. En outre, il est prévu à l'alinéa 5 du
texte voté par l'Assemblée nationale que le médiateur des enfants peut
s'autosaisir en cas d'atteinte aux droits des enfants ; cette possibilité n'est
pas ouverte au médiateur de la République.
Enfin, si l'on veut inciter les enfants à prendre des initiatives pour faire
respecter leurs droits, il est, me semble-t-il, nécessaire que le médiateur des
enfants soit une institution à part, autonome, afin qu'elle soit facilement
identifiable et accessible.
S'agissant de l'argument, auquel je suis très sensible, relatif à l'efficacité
du dispositif, et tendant à faire en sorte que les deux institutions cohabitent
sous le même toit et partagent les mêmes services, cela ne doit pas aller
jusqu'à supprimer l'entière autonomie de cette institution. On pourrait très
bien prévoir en effet, dans un texte d'application, que les deux médiateurs
s'installent dans les mêmes locaux et disposent des mêmes services, ce qui
permettrait de coordonner leurs actions.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 19, 20, 16 et 17, qui sont
cohérents avec le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Pelletier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, je ne pourrai pas voter cet amendement,
non pas parce qu'il rattache le médiateur des enfants au médiateur de la
République, mais parce que le rattachement restreint les compétences du
médiateur des enfants à la sphère publique alors que, je le répète, le besoin
de médiation est plus grand encore dans la sphère privée. Cet amendement ne
permettrait donc pas de répondre aux besoins.
Notre collègue Gélard nous annonce une multiplication des médiateurs. Oui, je
le crois.
Prenons l'exemple de la Suède, pays où le premier ombudsman a été créé en 1806
; les Suédois ont une certaine pratique en la matière ! Il existe un médiateur
pour les militaires, un pour les enfants, et d'autre encore. J'ai étudié la
question d'assez près et je peux vous dire que cela fonctionne bien.
Peut-être un jour arriverons-nous à ce stade-là ; mais on n'y est pas encore,
étant donné que, pour l'instant, il ne s'agit que du médiateur des enfants.
Mme Odette Terrade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Notre volonté d'appréhender de la façon la plus large possible l'action du
médiateur des enfants nous conduira à approuver les amendements déposés par le
groupe socialiste, à savoir l'amendement n° 19, qui ouvre plus largement
l'invocation des dispositions internationales en ne les limitant pas à celles
qui ont un effet direct, et l'amendement n° 20, qui élargit le champ
d'intervention du médiateur des enfants à la sphère privée.
A l'inverse, vous le comprendrez, les sénateurs communistes sont évidemment
hostiles aux modifications proposées par la commission des lois, qui
restreignent considérablement, sinon annihilent, tout l'intérêt de la
proposition de loi, et voteront donc contre l'amendement n° 1.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
A l'instar de Mme Odette Terrade, je n'accepterai pas l'amendement n° 1
proposé par M. Christian Bonnet, au nom de la commission. Vous connaissez notre
position sur ce point.
En revanche, le groupe socialiste votera les amendements n°s 16 et 17 proposés
par le groupe communiste.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements n°s 19, 20,
16 et 17 n'ont plus d'objet.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le médiateur des enfants est nommé pour six ans par décret en
Conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant
l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions
définies par décret en Conseil d'Etat. Son mandat n'est pas renouvelable. »
Par amendement n° 2, M. Christian Bonnet, au nom de la commission, propose de
rédiger, comme suit le début de cet article :
« Après l'article 16 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est
inséré un article 17 ainsi rédigé :
«
Art. 17. -
Après avis du médiateur de la République, le médiateur des
enfants est nommé... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement, qui découle quelque peu de l'amendement n° 1,
prévoit que le médiateur des enfants est « nommé » en conseil des ministres -
nomination solennelle donc - mais après avis du médiateur de la République.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour
les mêmes raisons que précédemment, et parce que l'autonomie du médiateur des
enfants me paraît très importante.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous sommes évidemment contre cet amendement n° 2, puisque nous ne souhaitons
effectivement pas que le médiateur des enfants soit placé auprès du médiateur
de la République. Tout naturellement, nous ne souhaitons donc pas que ce
dernier donne son avis sur la nomination du médiateur des enfants.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le médiateur des
enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler
les difficultés dont il est saisi et recommande à l'organisme mis en cause
toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation de
l'enfant mineur, auteur de la réclamation.
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à
l'article 1er de la présente loi n'a pas respecté les droits de l'enfant
mineur, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de
nature à remédier à cette situation.
« Il peut porter à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires
susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que
prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait
recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une
procédure en cours.
« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou
réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations
inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes.
»
Par amendement n° 3, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le début de cet article :
« Après l'article 17 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est
inséré un article 18 ainsi rédigé :
«
Art. 18.
- Lorsqu'une réclamation... ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination tendant à une
simple insertion dans la loi de référence de 1973.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Défavorable par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement
Mme Dinah Derycke.
Le groupe socialiste vote contre.
Mme Odette Terrade.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Bonnet, au nom de la commission, propose à la fin du
premier alinéa de l'article 3, de remplacer les mots : « de l'enfant mineur,
auteur de la réclamation » par les mots : « du mineur concerné par la
réclamation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement de caractère rédactionnel s'explique par le
fait que le mineur peut être représenté par ses représentants légaux.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 5, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le deuxième alinéa de l'article 3 :
« Lorsqu'il apparaît au médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à
l'article 15 de la présente loi n'a pas respecté les droits de l'enfant, il
peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à
remédier à cette situation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination pour tenir compte
de l'insertion dans la loi de référence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Avis défavorable, par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
Mme Dinah Derycke.
Le groupe socialiste vote contre.
Mme Odette Terrade.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 6, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
le troisième alinéa de l'article 3.
Par amendement n° 21, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, au début de l'avant-dernier alinéa de l'article 3, de
remplacer les mots : « Il peut porter » par les mots : « Il porte ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'amendement n° 6 est un amendement purement formel.
Il a paru plus logique à la commission de transférer les dispositions du
troisième alinéa de l'article 3, qui ne présentent pas de lien direct avec les
autres alinéas de cet article, dans un article additionnel après l'article 3.
Nous allons donc les retrouver.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 21.
Mme Dinah Derycke.
Le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale donne au médiateur
des enfants la possibilité de porter à la connaissance de l'autorité judiciaire
les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative
telle qu'elle est prévue à l'article 375 du code civil, ou des informations
qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans
une procédure en cours.
Dans la mesure où il s'agit de situations où l'enfant est en danger, nous
proposons de transformer cette possibilité de saisir l'autorité judiciaire en
une obligation. En effet, aux termes de l'article 40 du code de procédure
pénale, toute autorité constituée est déjà tenue d'aviser sans délai le
procureur de la République lorsqu'elle a connaissance d'un crime ou d'un délit.
Par ailleurs, le président du conseil général, en application de l'article 69
du code de la famille et de l'aide sociale, doit aviser le juge des cas de
mauvais traitements à des enfants dont il a connaissance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 21 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'amendement n° 21 est satisfait par notre amendement n° 7,
qui tend à introduire un article additionnel après l'article 3 et que j'ai déjà
évoqué.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 6 et 21 ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement émet, par coordination, un avis
défavorable sur l'amendement n° 6 et un avis favorable sur l'amendement n°
21.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 22, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, après l'avant-dernier alinéa de l'article 3, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Le médiateur des enfants informe le président du conseil général compétent
des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide
sociale. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement prévoit que le médiateur des enfants devra également saisir le
président du conseil général des affaires susceptibles de justifier une
intervention de l'aide sociale à l'enfance.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je souhaite que Mme Derycke veuille bien retirer cet
amendement pour le transformer en sous-amendement à l'amendement n° 7 de la
commission.
M. le président.
Madame Derycke, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
Mme Dinah Derycke.
Pour l'heure, monsieur le président, je préfère maintenir mon amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, dans la mesure où l'amendement est maintenu, j'en
conclus que vous émettez un avis défavorable ? ...
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Oui, monsieur le président.
De toute façon, Mme Derycke conserve la faculté de déposer un sous-amendement
à l'amendement n° 7, qui recueillera alors un avis favorable de la
commission.
M. le président.
Personne ne demande le parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 23, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans le dernier alinéa de l'article 3, après les mots : «
législatives ou réglementaires », de remplacer les mots : « relatives aux
droits des enfants » par les mots : « porte atteinte aux droits de l'enfant
définis à l'article 1er et ».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement complète le pouvoir de proposition de réforme du médiateur des
enfants en l'autorisant à suggérer des mesures nouvelles, et non plus seulement
correctrices, pour que soient mieux respectés les droits de l'enfant, cette
faculté lui permettant de jouer le rôle d'impulsion dans la transcription en
droit interne de la convention de New York.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement est contraire à la position de la commission,
qui a en outre estimé qu'une telle disposition viendrait encore, si j'ose dire,
« rogner » les pouvoirs du Parlement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 24, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter l'article 3 par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également suggérer toute modification de textes législatifs ou
réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant,
notamment en transposant dans le droit interne les stipulation des engagements
internationaux visés à l'article 1er qui sont dépourvues d'effet direct. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement tend à compléter le pouvoir de proposition de réforme du
médiateur des enfants en l'autorisant à suggérer des mesures nouvelles et non
plus seulement correctrices.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 18 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est
inséré un article 19 ainsi rédigé :
«
Art. 19. -
Le médiateur des enfants porte à la connaissance de
l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure
d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou
toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un
mineur impliqué dans une procédure en cours ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement de coordination reproduit le dispositif qui
figurait au troisième alinéa de l'article 3, en le modifiant dans un sens qui
va tout à fait satisfaire Mme Derycke puisqu'il transforme en obligation la
faculté pour le médiateur des enfants de saisir l'autorité judiciaire lorsqu'un
mineur est en danger. Cette obligation s'impose d'ailleurs déjà au président du
conseil général, comme nombre d'entre nous le savent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cette obligation s'impose non seulement au président du
conseil général mais à toute personne qui a connaissance d'un danger pour un
enfant.
Par ailleurs, l'article 40 du code de procédure pénale fait obligation à toute
autorité constituée d'informer le procureur de la République de tout crime ou
délit et de lui adresser tous les renseignements utiles y afférents.
Nous avons beaucoup oeuvré, au sein de l'éducation nationale, pour que les
parquets soient systématiquement saisis des signalements.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Hommage vous en soit rendu !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, je dépose un sous-amendement à l'amendement n° 7, de
manière à y ajouter le texte de mon amendement n° 22.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 29, tendant à compléter le texte
proposé par l'amendement n° 7 pour l'article 19 de la loi n° 73-6 du 3 janvier
1973 par un alinéa ainsi rédigé :
« Le médiateur des enfants informe le président du conseil général compétent
des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide
sociale. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 29, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 7, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 3.
Par amendement n° 25, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Les organes dirigeants des personnes morales de droit privé faisant l'objet
d'une réclamation adressée au médiateur des enfants sont tenus d'autoriser les
personnels placés sous leur autorité à répondre à ses questions et
éventuellement à ses convocations. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous reprenons, par cet amendement, les dispositions figurant à l'article 12
de la proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par l'Assemblée
nationale, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par l'élargissement
de la mission du médiateur des enfants vis-à-vis des personnes physiques et des
personne morales de droit privé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission est défavorable à cette disposition qui est
contraire et à sa position et à l'objectif des auteurs de la proposition de
loi, lesquels ont souhaité limiter l'intervention du médiateur des enfants au
champ de la médiation institutionnelle.
J'ajoute que la formulation figurant à l'article 1er - « tout autre organisme
investi d'une mission de service public » - inclut les personnes morales de
droit privé.
M. Patrice Gélard.
Tout à fait !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il
convient en effet d'élargir le rôle du médiateur des enfants pour tenir compte
de tous les types de violence que les enfants peuvent subir. Or les enfants, ne
subissent pas des violences seulement dans les institutions publiques ou dans
des institutions privées chargées d'une mission de service public.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je l'ai dit ce matin en commission des lois, une proposition de loi, cela «
vit sa vie ». Voilà un an que celle-ci a été discutée à l'Assemblée nationale.
Entre-temps, les uns et les autres, nous avons beaucoup réfléchi sur toutes ces
questions. Dès lors, il me paraît normal que nous apportions aujourd'hui cette
nouvelle pierre, qui, je l'espère, sera reprise par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je tiens tout de même à le préciser : tout ce qui concerne
les violences relève du pénal et non de la médiation, que diantre !
M. Patrice Gélard.
Exactement !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par la commission et accepté par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 26, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Le médiateur des enfants peut demander aux organes dirigeants des personnes
morales de droit privé visées à l'article précédent de lui donner communication
de tout document ou dossier concernant l'affaire à propos de laquelle il fait
son enquête. Le caractère secret des pièces dont il demande communication ne
peut lui être opposé.
« En vue d'assurer le respect des oppositions relatives au secret
professionnel, il veille à ce qu'aucune mention permettant l'identification des
personnes dont le nom lui aurait été révélé ne soit faite dans les documents
publiés sous son autorité. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement a pour objet de reprendre certaines dispositions figurant à
l'article 12 de la proposition de loi telle qu'elle nous a été transmise par
l'Assemblée nationale, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par
l'élargissement de la mission du médiateur des enfants vis-à-vis des personnes
physiques et des personnes morales de droit privé.
Cet amendement s'inscrit dans la logique que j'ai défendue précédemment.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans la même logique, avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Le médiateur des enfants assure la promotion des droits de
l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect
effectif.
« Il présente, à l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant, au
Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il
établit le bilan de son activité. »
Par amendement n° 8, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le début de cet article.
« Après l'article 19 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée il est
inséré un article 20 ainsi rédigé :
«
Art. 20.
- Le médiateur des enfants assure... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Avis défavorable puisqu'il s'agit de la remise en cause
de l'indépendance du médiateur des enfants.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Viennent maintenant deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 9, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
le second alinéa de l'article 4.
Par amendement n° 27, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter l'article 4 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport est publié. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 9.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Dans la mesure où la commission des lois a proposé que le
médiateur des enfants soit placé auprès du médiateur de la République, ce que
le Sénat a bien voulu accepter, il paraît logique que le bilan d'activité du
médiateur des enfants s'inscrive dans le cadre du rapport annuel de ce
médiateur de la République. C'est donc un amendement de cohérence.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 27.
Mme Dinah Derycke.
Puisque nous souhaitons que le médiateur des enfants soit indépendant, nous
proposons que le rapport qu'il présente chaque année, à l'occasion de la
journée nationale des droits de l'enfant, au Président de la République et au
Parlement soit publié.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 9 et 27 ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 9 et
favorable à l'ammendement n° 27.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Bonnet, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase de l'article 14 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973
précitée est ainsi rédigée :
« Le médiateur de la République et le médiateur des enfants présentent au
Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel ils
établissent le bilan de leur activité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que les deux médiateurs, formant une
institution unique, remettent un rapport commun.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Avis défavorable, pour les raisons déjà invoquées.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 28, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article 76 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures
d'ordre social est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les observations émises par le médiateur des enfants insiitué par la loi n°
du sont jointes en annexe de ce rapport. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Par cet amendement, nous proposons que le médiateur des enfants émette un avis
sur le rapport annuel relatif à l'application de la convention de New York, que
le Gouvernement doit présenter au Parlement avant le 20 novembre, journée
internationale des droits de l'enfant.
Le médiateur des enfants pourra ainsi formuler en toute indépendance son
appréciation sur la manière dont l'exécutif met en oeuvre le traité qui
constitue le socle juridique de la protection des droits de l'enfant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
De deux choses l'une : ou bien cet avis fait double emploi
avec le rapport, ou bien on sous-entend que le rapport est incomplet.
En tout état de cause, je voudrais prendre la liberté d'interroger le
Gouvernement sur le nombre de rapports qui ont été déposés depuis 1993. En
effet, aux termes d'une loi de 1993, le Gouvernement doit présenter un rapport
au Parlement avant le 20 novembre, journée internationale des droits de
l'enfant. Or, à ma connaissance, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, aucun
rapport n'a été déposé.
M. Emmanuel Hamel.
Aucun !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Compte tenu de l'information que m'apporte M. Bonnet,
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Vous battez votre coulpe !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le médiateur des enfants transmet au médiateur de la République
les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.
« Il informe le médiateur de la République, tous les trimestres, des
dysfonctionnements des organismes visés au deuxième alinéa de l'article 1er
dont il a eu connaissance. »
Par amendement n° 11, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
L'article 5, qui ne figurait pas dans la proposition de loi
initiale, dispose que le médiateur des enfants transmet au médiateur de la
République les réclamations relevant de sa compétence.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a eu le souci louable de
clarifier les relations entre les deux médiateurs, ceux-ci ayant un champ de
compétences identique. Cependant, nous avons proposé que les deux médiateurs
forment une institution unique. Dès lors, la pratique réglera avec la souplesse
nécessaire la question de la répartition des tâches entre les deux
médiateurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Défavorable, pour les raisons déjà invoquées.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Il est inséré, après l'article 7 de la loi n° 73-6 du 3 janvier
1973 instituant un médiateur de la République, un article 7-1 ainsi rédigé :
«
Art. 7-1
. - Le médiateur de la République transmet au médiateur des
enfants, institué par la loi n° du , les réclamations relevant de la
compétence de ce dernier. »
Par amendement n° 12, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination. En l'occurrence,
la réciprocité s'impose.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale mais, par amendement n°
18, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen
proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Le médiateur des enfants est assisté dans sa tâche par des délégués
départementaux selon des modalités définies par décret. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Cet amendement vise à rétablir un article qui figurait initialement dans la
proposition de loi déposée par MM. Fabius et Bret et que l'Assemblée nationale
a malheureusement choisi de ne pas retenir.
Nous déplorons d'autant plus la suppression de cet article qu'il s'agissait de
la seule disposition où était véritablement abordée la question des moyens du
médiateur des enfants.
Il était en effet prévu que le médiateur serait assisté dans sa mission par
des délégués répartis sur l'ensemble du territoire de la République sur une
base départementale.
Les raisons que l'on a avancées pour justifier cette suppression sont pour le
moins surprenantes : d'une part, il a été dit que l'article visait à instituer
quatre-vingt-dix neuf médiateurs pour enfants ou à créer une instance «
bureautique » ; d'autre part, on a estimé que ces dispositions avaient un
caractère réglementaire.
Ce qui est pour le moins curieux, c'est que cette organisation n'est que la
transposition de celle qui a été retenue pour le médiateur de la République :
cette pratique devrait être consacrée et légalisée par la loi relative aux
relations entre l'administration et les administrés.
Or nul ne s'est élevé pour opposer le caractère réglementaire de ces
dispositions, qui ont fait l'objet d'un accord dans les deux assemblées. De
même, on n'entend dire nulle part que la présence de délégués départementaux du
médiateur de la République dénaturerait l'institution : pour tout le monde, il
n'existe qu'un seul médiateur de la République, épaulé dans sa tâche par des
relais locaux.
Ces relais nous semblent d'autant plus essentiels qu'ils rentrent dans la
logique de la saisine directe par les enfants : elle va de pair avec les
exigences de proximité qui sont induites par ce mode de saisine.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir adopter cet amendement qui
tend à rétablir l'article 7.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Cette position rejoint celle qui a été exprimée, me semble-t-il, par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale.
J'ajoute que les délégués départementaux du médiateur de la République
recevront bientôt le soutien des « délégués de l'Etat, mis en place au plus
près de la population qui en a le plus besoin dans les quartiers de la
politique de la ville », si j'en crois la déclaration de M. Bartolone, ministre
délégué à la ville, faite à Givors le 5 novembre dernier, c'est-à-dire voilà
quatre jours.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En
effet, il faut laisser le soin, me semble-t-il, au médiateur des enfants de
définir lui-même les modalités d'exercice de ses missions. De plus, la taille
des départements est variée. Il faut donc laisser le médiateur des enfants
gérer lui-même l'organisation du dispositif.
M. le président.
L'amendement n° 18 est-il maintenu, madame Terrade ?
Mme Odette Terrade.
Je le maintiens, monsieur le président, car les moyens du médiateur des
enfants doivent être précisés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'article 7 demeure supprimé.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - La réclamation individuelle adressée au Médiateur des enfants
n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes.
»
Par amendement n° 13, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le début de cet article :
« Après l'article 20 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est
inséré un article 21 ainsi rédigé :
«
Art. 21. -
La réclamation individuelle... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Articles 9 à 11
M. le président.
« Art. 9. - L'article L. 194-1 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 194-1
. - Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de
la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat
de conseiller général s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur
nomination. » -
(Adopté.)
« Art. 10. - L'article L. 230-1 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 230-1
. - Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de
la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat
de conseiller municipal s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur
nomination. » -
(Adopté.)
« Art. 11. - Le cinquième alinéa de l'article L. 340 du code électoral est
ainsi rédigé :
« Pendant la durée de leurs fonctions, le médiateur de la République et le
médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller
régional s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »
-
(Adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Les dispositions du second alinéa de l'article 1er, de l'article
3, du second alinéa de l'article 9, des articles 10 à 13, de l'article 14
bis
et du troisième alinéa de l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3
janvier 1973 précitée sont applicables au médiateur des enfants. »
Par amendement n° 14, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Après l'article 21 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est
inséré un article 22 ainsi rédigé :
«
Art. 22. -
Les dispositions du second alinéa de l'article 9, du
premier alinéa de l'article 11 et de l'article 14
bis
de la présente loi
sont applicables au médiateur des enfants.
« A l'occasion des réclamations dont il est saisi, le médiateur des enfants
peut demander au médiateur de la République de faire application des
dispositions de l'article 10, du second alinéa de l'article 11 et des articles
12 et 13 de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'étendre
expressément au médiateur des enfants l'ensemble des pouvoirs du médiateur de
la République mentionnés à l'article 12. Le présent amendement tend donc à
n'étendre au médiateur des enfants que trois dispositions : l'information de ce
dernier sur les suites données à ses interventions et la possibilité de rendre
publiques ses recommandations - il s'agit du second alinéa de l'article 9 de la
loi de 1973 ; l'interdiction d'intervenir dans le domaine de compétences de
l'autorité judiciaire - c'est le premier alinéa de l'article 11 ; enfin,
l'interdiction d'utiliser le nom du médiateur des enfants à des fins
promotionnelles - il s'agit de l'article 14
bis.
L'air du temps aidant,
cette disposition n'est peut-être pas inutile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement. En effet, avec ces dispositions, on aboutit à une mise sous tutelle
définitive du médiateur des enfants, qui ne mérite même plus ce nom, monsieur
le rapporteur.
Ainsi sont abandonnées la référence à l'article 1er de la loi de 1973, qui
pose le principe d'une autorité administrative indépendante, ainsi que la
référence à l'article 3 de la même loi concernant l'immunité du médiateur à
l'occasion des opinions et des actes accomplis dans l'exercice de ses
fonctions.
Par ailleurs, vous subordonnez l'action du médiateur des enfants à
l'autorisation du médiateur de la République en ce qui concerne l'engagement
d'une procédure disciplinaire, la saisine d'une juridiction répressive d'une
plainte, l'obtention de la coopération des agents des administrations des corps
de contrôle, enfin le droit de se faire communiquer par ces administrations
tout document ou tout dossier traitant de l'affaire. Vous supprimez donc ces
quatre possibilités au médiateur des enfants qui, finalement, est privé de tout
moyen d'action.
En définitive, cela signifie que le médiateur des enfants ne jouit d'aucune
indépendance, ne dispose d'aucune garantie de nature à le protéger des risques
de poursuite et de condamnation dans l'exercice de ses fonctions puisque vous
lui retirez l'immunité.
Cela signifie également qu'il ne dispose d'aucun moyen autonome dans
l'instruction et le traitement des réclamations, puisque le médiateur de la
République peut lui refuser cette autorisation.
C'est véritablement une mise sous tutelle. Cet amendement vide donc le
dispositif de tout son contenu et il ne peut vraiment pas être accepté.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme Mme la ministre vient de l'indiquer, cet amendement vide la proposition
de loi de toute sa substance. Avec la mise sous tutelle, le médiateur des
enfants devient un médiateur
a minima.
Cette institution n'est donc plus
qu'un gadget inutile. Par conséquent, nous sommes résolument contre cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - Trois ans après la promulgation de la présente loi, il est
procédé à une évaluation de la mise en oeuvre de ses dispositions selon les
modalités prévues par l'article 6
quater
de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »
Par amendement n° 15, M. Bonnet, au nom de la commission, propose de supprimer
cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Cet amendement tend, je le rappelle, à supprimer l'article
13. En effet, la saisine de l'Office parlementaire d'évaluation de la
législation répond à une procédure tout à fait spécifique. Elle s'exerce sur
l'initiative du bureau de l'une ou de l'autre assemblée - l'Assemblée nationale
ou le Sénat - ou d'une commission spéciale ou permanente.
Il ne paraît pas souhaitable d'imposer par la loi une saisine obligatoire de
l'office, qui constituerait, en quelque sorte, une injonction adressée au
législateur par lui-même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement. En effet, l'article 13 prévoit des dispositions utiles : il tend à
organiser l'évaluation du dispositif mis en place pour, éventuellement,
proposer des améliorations tendant à en accroître l'efficacité.
Monsieur le président, avec votre permission, puisqu'il s'agit du dernier
amendement, je souhaite en profiter pour exprimer mes regrets que le Sénat,
avec les votes qu'il a émis, ait finalement un peu « tué dans l'oeuf » cette
institution du médiateur des enfants.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Nullement !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Il a maintenu le nom pour faire croire que le médiateur
des enfants existe, mais il a privé cette institution de toute possibilité
d'action. En définitive, ce qui me frappe, c'est que le Sénat a peur de la voix
de l'enfant
(M. le rapporteur s'exclame)
... de la prise de parole de
l'enfant.
M. Emmanuel Hamel.
Comment pouvez-vous dire cela, madame la ministre ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je voudrais également, à cette occasion, répondre à M.
Gélard. J'ai été très étonnée d'entendre les propos qu'il a tenus.
Non, monsieur Gélard, l'éducation nationale n'a pas peur de la prise de parole
de l'enfant dans le système scolaire ! Précisément, j'organise cette prise de
parole de l'enfant !
Non, l'éducation nationale n'accepte plus la loi du silence lorsque les droits
des enfants sont bafoués, lorsque des violences sont commises par des adultes
sur les enfants.
Oui, il est bon que les enfants soient entendus, et ils le sont en respectant,
justement, la présomption d'innocence de tous les adultes à l'égard desquels
les enfants prennent la parole.
Nous n'avons pas peur de cette prise de parole des enfants !
Nous n'avons pas peur de la présence d'un médiateur des enfants qui, en effet,
recevra la parole de ceux-ci tant dans le système scolaire que dans les
familles d'accueil. Combien y a-t-il d'enfants victimes de sévices dans
certaines familles d'accueil, dans certaines institutions ? Croyez-moi, là
aussi, la loi du silence doit être levée.
C'est la raison pour laquelle je regrette que, sur un sujet comme celui-là, il
ne puisse y avoir accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat - mais ce
texte fera l'objet d'une deuxième lecture - afin que, au tournant du siècle
prochain, la parole des enfants soit, enfin, écoutée, reconnue et respectée.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Pelletier.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 13 est supprimé.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je voudrais redire une fois encore que les cas de
maltraitance et de violence relèvent non pas de la médiation mais du pénal.
M. Jacques Pelletier.
Ce peut être les deux !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Par ailleurs, M. Strauss-Kahn - dont je déplore, tout comme
M. Chevènement, la démission - un jour où il avait été accusé, en quelque
sorte, à cette tribune, de négliger les intérêts de la famille, avait eu cette
répartie qui avait fait sourire le Sénat : « Moi, adversaire de la famille ?
J'en ai fondé trois ! »
Eh bien ! madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que le Sénat est
indifférent aux droits des enfants ou qu'il s'en désintéresse : pour ma part,
j'en ai eu six !
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Fischer pour explication de vote.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'issue de
la discussion de la proposition de loi tendant à instituer un médiateur des
enfants, nous voudrions, au nom du groupe communiste républicain et citoyen,
exprimer notre grande déception.
Il nous était proposé de créer un porte-parole des enfants en qui ils
pourraient se reconnaître, qu'ils pourraient s'approprier réellement : il
aurait été « leur » médiateur.
Il leur est refusé par la majorité sénatoriale. Celle-ci a adopté, en effet,
la position de la commission qui, en rattachant l'institution au médiateur de
la République, lui refuse, en fin de compte, son autonomie : le médiateur des
enfants restera un « mineur » sous tutelle, une autorité de second rang, comme
nous le disait Mme la ministre tout à l'heure.
Nous le déplorons fortement. L'apprentissage de la citoyenneté et de
l'autonomie par les enfants nécessite que l'on entende leur voix en tant que
telle, dans sa spécificité, et non au travers du prisme des adultes.
Ma collègue Dinah Derycke rappelait que, si la fonction du médiateur de la
République et celle du médiateur des enfants sont comparables, leur nature et
le public qu'elles concernent sont fondamentalement différents.
Faute de prendre cette dimension en compte, nous risquons de créer une
institution « mort-née ». Le texte a été vidé de sa substance.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte ainsi
modifié par la majorité sénatoriale.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Toute mesure de défense des droits de l'enfant est non seulement un acte à
large portée symbolique, mais également et surtout un geste politiquement
fort.
Depuis plusieurs années déjà, la protection des enfants est un impératif qui
se trouve au coeur des préoccupations des élus. De nombreuses initiatives, à
l'échelon tant national qu'international, traduisent la prise en compte de
cette impérieuse exigence.
En matière de droit civil ou pénal, dans le domaine de l'éducation ou plus
généralement du social, les droits des enfants ont reçu une consécration
législative dans notre pays, la plupart du temps dans le consensus et la
responsabilité.
Mais la France a également contracté des obligations internationales,
notamment la convention internationale de New York relative aux droits de
l'enfant, entrée en vigueur chez nous le 6 septembre 1990. Le texte qui
consacre la création d'un médiateur des enfants apparaît dans le droit-fil des
initiatives prises depuis l'adhésion de la France à cette convention. Il répond
également à la recommandation du Conseil de l'Europe de février 1990, à la
résolution du Parlement européen du 8 juillet 1992 relative à la Charte
européenne des droits de l'enfant et, bien sûr, aux conclusions d'une
commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Cette institution, sorte de porte-parole de l'enfant dans ses réclamations
face à l'administration, n'est pas nouvelle en Europe puisque la Norvège, la
Suède, la Wallonie et la ville de Madrid la connaissent déjà. Elle consacre
également la culture de la médiation, encore peu développée dans notre pays
malgré les bons résultats qu'elle obtient chez nos voisins. Cette solution
s'imposait donc.
Nous partageons les conclusions du rapporteur, M. Christian Bonnet, dont je
salue ici le travail, qui vise à préserver l'unité de la médiation
institutionnelle. Dès lors, nous devons faire en sorte que le médiateur des
enfants puisse mener à bien sa difficile mais essentielle mission avec autorité
et indépendance.
Pour ces raisons, le groupe de l'Union centriste et moi-même voterons cet
important texte.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme mon collègue du groupe communiste républicain et citoyen, je suis déçue.
Je suis même un peu triste de voir cette belle idée qu'est la création d'un
défenseur indépendant des droits de l'enfant à ce point dénaturée, vidée de
toute substance, étouffée dans l'oeuf, comme Mme la ministre l'a souligné à
juste titre.
Pourtant, au vu des déclarations des uns et des autres - et il n'y a aucune
raison de mettre en cause la bonne volonté de chacun - tout incitait à
l'adoption d'un texte de compromis avec l'Assemblée nationale. Or, ce soir,
nous sommes revenus à la case départ.
Je crois qu'il est toujours possible d'améliorer un texte à condition, bien
sûr, d'en partager au moins l'idée générale, l'architecture générale, ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui.
J'espère que d'ici à l'examen de ce texte en deuxième lecture au Sénat, nous
aurons avancé dans la voie du compromis. Je serais vraiment très fière que,
dans ce domaine aussi, la France soit à la tête des pays, s'agissant de défense
des droits de l'enfant. Il serait tout de même temps que la patrie des droits
de l'homme se dote de ce type d'institution.
M. le président.
La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet.
Comme mes collègues du groupe du RPR, je voterai le texte et suivrai donc
l'excellent rapporteur de la commission des lois.
Cependant, madame le ministre, c'est moins du médiateur des enfants que je
souhaite vous parler que d'un aspect de la protection de l'enfant, dont vous
venez, voilà quelques instants, de nous entretenir très largement et d'une
façon bien féminine et très sensible. Vous avez déclaré que votre ministère
avait créé 1 350 postes sur plusieurs années. Or, sauf erreur de ma part, il
semble que, pour des questions d'économie, vous n'ayez créé cette année que dix
postes de médecin scolaire. C'est, vous en conviendrez, très peu.
Je n'aurai pas l'outrecuidance de vous rappeler l'importance du rôle de ces
médecins. Ils réalisent parfois la seule visite médicale annuelle que l'enfant,
dans certains milieux, connaisse entre trois et dix ou douze ans. Or, je l'ai
remarqué, vous êtes également sensible à ce sujet. Outre le dépistage précoce
de malformations ou de maladies graves, le médecin scolaire est celui qui peut
détecter très tôt les maux qui affectent dangereusement notre époque : la
maltraitance sous toutes ses formes, les abus sexuels, etc.
On compte un médecin scolaire pour neuf mille enfants, me semble-t-il. Je ne
veux pas que l'on sacrifie sur l'autel des économies la santé des générations
futures. Aussi, je souhaite que le nombre de médecins scolaires soit accru de
façon sensible. C'est la meilleure protection que l'on puisse apporter aux
enfants, en tout cas la plus efficace.
(MM. Jacques Machet et Jean Arthuis
applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Madame le ministre, mes chers collègues, comment ne pas avoir été sensible à
l'argumentation qui a été développée par les orateurs de l'opposition
sénatoriale, et parfois même ébranlé ? Mais si grande est l'expérience du
rapporteur de la commission des lois, si noble, nous le savons tous, est
toujours son inspiration que je ne veux pas douter que la proposition de loi,
tel qu'amendée sur l'initiative de la commission des lois du Sénat, est un
progrès dans cette voie si fondamentale, si nécessaire de la promotion des
droits de l'enfant. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte ainsi
modifié.
Je saisis l'occasion de ce vote pour rendre hommage à l'initiative du
président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, dans son combat pour la
protection des droits de l'enfant et leur promotion dans notre pays, la
France.
(MM. Jacques Machet et Jean Arthuis applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, mes chers collègues, je voterai contre le texte qui
nous est proposé. Je l'ai dit tout à l'heure dans la discussion générale
commune et je le répète : je ne souhaite pas que les compétences du médiateur
des enfants soient confinées à la sphère publique. Or le rattachement du
médiateur des enfants au médiateur de la République va dans ce sens. S'agissant
des enfants, j'estime en effet que les réclamations qui toucheront le secteur
privé seront plus nombreuses que celles qui concerneront le secteur public.
Je le répète : je souhaite que le médiateur des enfants transmette les
réclamations qu'il reçoit sur un dysfonctionnement de l'administration ou des
services publics au médiateur de la République qui les étudiera. Ainsi, il n'y
aura pas de doublon, pas de dualité entre le médiateur des enfants et le
médiateur de la République.
Il est important que le texte retourne à l'Assemblée nationale. J'espère que
celle-ci aménagera le texte qu'elle avait voté initialement et que nous
pourrons, en deuxième lecture, trouver un terrain d'entente. En effet, comme je
l'ai dit tout à l'heure, ce texte, qui n'est pas un texte politique, doit faire
l'objet d'un consensus entre les deux chambres du Parlement.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je ne peux laisser passer, sans les relever, certaines
accusations concernant la position de la commisssion des lois et aux termes
desquelles il s'agirait d'un texte mort-né, tué dans l'oeuf.
Je serais tenté de dire à Mme Derycke, dont chacun au sein de la commission
des lois admire l'intelligence et la vivacité d'esprit, que son indignation est
quelque peu différée. En effet, lors de l'examen de la proposition de loi en
commission, après avoir entendu mes propositions, elle a demandé très
légitimement, comme M. Bret, à étudier celles-ci et elle n'a pas fait à ce
moment un procès d'intention. Je sais combien est nette et droite son
intention, mais elle n'a pas le droit de mettre en cause l'intention de la
commission des lois, dont j'ai rapporté la position.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
La santé scolaire constitue l'une de mes préoccupations
constantes. Je considère qu'un enfant doit être en bonne santé pour bien
travailler à l'école, et qu'il doit aussi manger à sa faim. C'est pour cela que
j'ai créé le fonds social pour les cantines, qui a permis de faire revenir dans
les restaurants scolaires des enfants qui en étaient écartés.
Je vous confirme qu'en trois rentrées scolaires j'ai créé 1 350 emplois de
médecin scolaire, d'infirmière scolaire et d'assistante sociale, qui
contribuent, dans les établissements scolaires, à la bonne santé de
l'enfant.
Pour la prochaine rentrée, et donc dans le projet de loi de finances que vous
examinerez bientôt, il est prévu de créer 220 postes de médecin et d'infirmière
scolaires : 110 postes d'infirmière, 10 postes de médecin à temps plein et 100
postes de médecin associé, qui seront affectés prioritairement, mais pas
exclusivement, dans les zones d'éducation prioritaires. En effet, je considère
que l'articulation entre la médecine de quartier et la médecine scolaire est
aussi quelque chose d'important pour prendre en compte la globalité de l'enfant
dans sa famille. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, comme l'a dit votre
excellent rapporteur, on peut faire de l'humour dans cette assemblée, c'est
tout de même un peu mieux que les quatorze postes de médecin scolaire que le
gouvernement que vous souteniez avait créés en quatre ans.
(Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique de la proposition de loi
organique relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants.
«
Article unique. -
L'article LO 130-1 du code électoral est ainsi
rédigé :
«
Art. LO 130-1
. - Le médiateur de la République et le médiateur des
enfants sont inéligibles dans toutes les circonscriptions. »
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La commission souhaite que ce texte soit adopté en l'état.
M. le président.
Je pense, madame le ministre, que cela est de nature à vous réjouir.
(Mme
le ministre fait un signe d'assentiment.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
13:
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 310 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
11
FAIT PERSONNEL
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, je souhaite dire à M. le rapporteur que je n'ai mis en
cause ni ses intentions ni celles de la commission. J'ai dit simplement que, en
dépit des bonnes intentions - « partagées sur toutes les travées de la Haute
Assemblée, ai-je même pris la précaution d'indiquer le travail de la commission
avait abouti à vider de sa substance la présente proposition de loi. J'ai même
été jusqu'à dire que j'espérais, compte tenu des bonnes intentions des uns et
des autres, que nous parviendrions à trouver un compromis à l'issue des
différentes lectures.
Quant à mon attitude en commission, je tiens à préciser à M. le rapporteur que
j'avais souhaité avoir le temps de la réflexion. Sans doute ne suis-je pas
aussi vive qu'il m'a fait l'honneur de le croire !
(Rires sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Je le regrette, mais c'est ainsi.
J'ajoute que les sénateurs socialistes ont pour habitude de travailler de
manière collective. Or, sur un tel sujet - nous ne savions pas ce que M. le
rapporteur nous dirait en commission, connaissant simplement son attachement à
la défense des droits des enfants - nous avons été un peu étonnés par les
propositions présentées, et avons considéré que nous allions examiner de plus
près ces dernières. Le travail collectif que nous effectuons au sein de notre
groupe nous a permis de décortiquer le texte et de constater que ce médiateur
ne serait à peu près rien, sinon un pâle personnage. Voilà ! Le travail au sein
d'une commission et d'un groupe politique est aussi un travail collectif.
12
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE
L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 5 novembre 1999, l'informant de l'adoption définitive des cinq
textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 802. - « Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord de coopération entre la Communauté européenne et le Royaume du
Cambodge » (adopté définitivement par les instances communautaires par décision
du Conseil du 4 octobre 1999).
N° E 1216. - « Proposition de décision du Conseil relative à l'acceptation
d'amendements à la convention pour la protection de la mer Méditerranée contre
la pollution et au protocole relatif à la prévention de la pollution par les
opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs (convention de
Barcelone) » (adopté définitivement par les instances communautaires par
décision du Conseil du 22 octobre 1999).
N° E 1221. - « Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du
protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique
en Méditerranée, ainsi qu'à l'acceptation des annexes audit protocole
(convention de Barcelone) » (adopté définitivement par les instances
communautaires par décision du Conseil du 22 octobre 1999).
N° E 1236. - « Proposition de directive du Conseil modifiant la directive
77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental
un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre »
(adopté définitivement par les instances communautaires par décision du Conseil
du 22 octobre 1999).
N° E 1309. - « Proposition de règlement du Conseil concernant une interdiction
de la fourniture à l'Indonésie de matériel susceptible d'être utilisé à des
fins de répression interne ou de terrorisme » (adopté définitivement par les
instances communautaires par décision du Conseil du 11 octobre 1999).
13
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 56, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.14
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest une proposition de loi organique tendant à
modifier la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice
de la République.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 61, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
15
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 5/99, section III,
Commission.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1267 (annexe 4) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide
macrofinancière supplémentaire à la Moldavie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1329 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil portant attribution d'une aide
macrofinancière supplémentaire à la Bulgarie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1330 et distribué.
16
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée
nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la
justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 57 et distribué. J'ai reçu de MM. Charles
Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle un rapport fait au nom de la
commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 40,
1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 58 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en
vue d'éviter des doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude
fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481,
1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 59 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le
projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars
1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et
à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en
matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 60 et distribué.
17
DÉPÔT RATTACHÉ POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL
DE LA SÉANCE DU 4 NOVEMBRE 1999
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu le 5 novembre 1998, de Mme Hélène Luc, MM.
Gérard Le Cam, Jack Ralite et des membres du groupe communiste républicain et
citoyen une proposition de résolution, présentée en application de l'article 73
bis
du règlement, sur la communication de la Commission européenne au
Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en
vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n°
E-1285).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 55, distribuée et
renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
18
RENVOI POUR AVIS
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (n° 56, 1999-2000) dont la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
19
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 10 novembre 1999, à seize heures quinze :
1. Discussion de la proposition de loi (n° 416, 1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère
de la justice, la procédure civile et le droit comptable.
Rapport (n° 57, 1999-2000) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
2. Discussion du projet de loi (n° 179, 1998-1999) modifiant le code pénal et
le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Rapport (n° 42, 1999-2000) de M. José Balarello, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 40, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 16 novembre 1999, à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du mardi 9 novembre 1999, le Sénat a nommé M. Jacques Donnay
membre de la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante
par M. Jean-Paul Bataille, décédé.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Titres exigés des médecins de prévention
640.
- 4 novembre 1999. -
M. Yann Gaillard
rappelle à
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
qu'un décret n° 82-453 du 28 mai 1982 a indiqué que les médecins candidats à
une fonction de médecin de prévention devaient être titulaires du certificat
d'études spéciales de médecine du travail. Toutefois, le décret précise que le
certificat n'est pas obligatoire pour le médecin se trouvant déjà en fonction
dans les administrations avant la date d'entrée en vigueur dudit décret.
Ensuite, un décret n° 95-680 du 9 mai 1995 a modifié le décret du 28 mai 1982
en reprenant exactement les mêmes articles. C'est-à-dire qu'il précise que les
dispositions en cause ne s'appliquent pas aux médecins se trouvant déjà en
fonction dans les administrations avant la date en vigueur du décret, soit en
conséquence le 9 mai 1995. Plus récemment, une loi n° 95-535 du 1er juillet
1998, dans son article 28, a repris les termes des décrets du 28 mai 1982 et du
9 mai 1995, mais en oubliant les dérogations. Elle précise qu'à titre
exceptionnel les docteurs en médecine exerçant en tant que médecin de
prévention ou médecin du travail pouvaient poursuivre leur activité à condition
de suivre un enseignement théorique sanctionné par des épreuves de contrôle.
Par circulaires, diverses autorités ministérielles ont indiqué que la loi du
1er juillet 1998 ne s'appliquait pas aux médecins recrutés avant le 9 mai 1995
- c'est-à-dire que ceux-ci pouvaient poursuivre leurs activités de médecin de
prévention ou du travail sans avoir à reprendre des études spéciales. Il lui
redemande donc, faute d'avoir obtenu une réponse lors de la séance de questions
orales sans débat du mardi 26 octobre dernier, de bien vouloir confirmer cette
interprétation qui a pour conséquence d'éviter à des médecins exerçant dans
l'administration des fonctions de médecin de prévention ou du travail depuis de
nombreuses années, de reprendre des études dans des conditions au demeurant mal
organisées dans les universités, en vue d'obtenir un certificat spécial qui
n'était nullement exigé au moment de leur prise de fonction.
Entretien des ouvrages d'art de franchissement de canaux
641.
- 4 novembre 1999. -
M. Serge Franchis
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur le problème de domanialité que posent les ouvrages de franchissement des
canaux. Depuis que VNF (Voies navigables de France) ne participe plus
financièrement à la réparation ou à la reconstruction des ponts, sauf cas
particuliers, certains de ces ouvrages présentent un état d'entretien alarmant.
En effet, la jurisprudence établit que les ponts appartiennent au même domaine
public que la voie portée et non à celui de la voie franchie. Cependant, il
était, jusqu'ici, de pratique courante de réserver au gestionnaire de la voie
routière la charge de l'entretien de la chaussée, censée préexistante au canal,
à l'exclusion de l'entretien de la superstructure des ponts, partie du domaine
public fluvial. Aucun transfert de domanialité n'ayant été opéré par la loi,
les collectivités territoriales devraient demeurer exonérées de l'obligation
d'entretien de ces ouvrages. Il lui demande s'il partage cette manière de voir
et s'il envisage d'intervenir incessamment à ce sujet qui fait d'ailleurs
l'objet d'une réflexion confiée au conseil général des ponts et chaussées.
Suppression des postes de correspondants locaux
des douanes et droits indirects
642.
- 4 novembre 1999. -
M. Raymond Soucaret
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la disparition des postes de correspondants locaux des douanes et des
droits indirects et sur ses conséquences financières. La tenue du poste de
correspondant local est généralement une charge d'emploi imposée par
l'administration au titre de l'exercice principal de débitant de tabacs. C'est
également une activité complémentaire à la tenue de librairie-journaux ou
encore de débits de boissons. Ces recettes locales forment un maillage
essentiel pour la présence de l'administration sur l'ensemble du territoire.
Alors qu'une majorité des correspondants locaux ont un faible niveau d'activité
et qu'un certain nombre d'entre eux ont été affectés par la suppression des
titres de mouvement sur les céréales, face à un faible niveau d'activité, il
leur est proposé une aide pécuniaire à la cessation d'activité. Cette aide a un
coût non négligeable, voire démesuré. Aussi, il lui demande les raisons de
cette politique de suppression des correspondants locaux très coûteuses, ainsi
que la suppression de cette dernière.
Conséquences du classement des foyers-logements
en « équipement recevant du public »
643.
- 4 novembre 1999. -
M. Bernard Murat
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur les conséquences du classement des foyers-logements en équipement recevant
du public (ERP). Dans un rapport rendu public fin mai et rédigé en commun par
les services du ministère de la solidarité et du ministère du logement, il est
prévu que les foyers-logements existants devront à l'avenir être classés en ERP
et donc réaliser les travaux de sécurité en conséquence. En outre, ce rapport
indique qu'il conviendra alors que les financements nécessaires à l'application
des nouveaux textes soient trouvés. D'autant que le ministère a laissé entendre
qu'une période de 6 à 7 ans serait donnée à ces établissements pour s'adapter.
D'une part, en ce qui concerne la mise en sécurité de ces établissements, il
note que ce rapport ne précise pas le type de classement en ERP : sont-ils
classés en ERP de type U ou en ERP de type tout public ? Il lui semble qu'une
distinction prenant en compte les personnes domiciliées dans ces
établissements, c'est-à-dire la destination du bâti, doit être envisagée sur ce
point. D'autre part, bien que favorable à cette mesure, il s'inquiète de ses
répercussions sur le budget des foyers-logements. Afin de ne pas alourdir le
prix des journées ainsi que la pression fiscale des collectivités, il lui
semble important que l'Etat s'engage financièrement dans cette démarche. C'est
pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, selon quelles
modalités son ministère entend classer les foyers-logements en ERP et, d'autre
part, si l'Etat envisage d'intervenir financièrement sur ce dossier, à quelle
hauteur et sous quel délai.
Immatriculation des vélomoteurs
644.
- 5 novembre 1999. -
M. René Marquès
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les nuisances sonores provoquées par les vélomoteurs. Dans de nombreuses
villes, les habitants se plaignent de ces nuisances sonores et regrettent
qu'aucune mesure ne soit prise pour sanctionner les conducteurs de ces
vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes et dépourvus de
plaque minéralogique. La plupart du temps, ces engins sont équipés de « kit »
permettant d'accroître leur vitesse dans des proportions très importantes. Les
forces de l'ordre éprouvent des difficultés, non seulement à les arrêter, mais
également à les verbaliser. De plus, les propriétaires de ces vélomoteurs, en
roulant à des vitesses prohibées, mettent leur sécurité en danger ainsi que
celle des piétons. Lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité
routière, un amendement avait prévu l'obligation d'immatriculation pour les
vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes. De caractère
réglementaire, cette disposition avait été supprimée. Or, elle répond à une
préoccupation importante de nombreuses personnes et de nombreux élus locaux,
incapables d'apporter des solutions à ce problème. Cette obligation
d'immatriculation permettrait de retrouver plus facilement les propriétaires de
ces engins et de les sanctionner. En conséquence, il lui demande de bien
vouloir lui indiquer ses intentions pour régler cette question de sécurité
routière.
Découpage des cantons
645.
- 8 novembre 1999. -
M. Alain Dufaut
appelle l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur les échos parus dans la presse concernant un éventuel redécoupage des
cantons avant les élections cantonales de 2001. En effet, il semblerait, à la
lecture de ces articles, que le gouvernement envisage de ne pas procéder à un
redécoupage global avant mars 2000, date butoir pour une telle opération selon
les dispositions de l'article 7 de la loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990,
interdisant tout redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année
précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées. Cette
décision serait motivée par une fiabilité insuffisante du contenu du
recensement des populations effectué cette année, ce qui semble pour le moins
curieux. Par ailleurs, cette rumeur ne manque pas de surprendre si l'on se
réfère à la réponse apportée par monsieur le ministre des relations avec le
Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat le mardi 15 juin
1999, lequel précisait : « s'agissant des cantons, le gouvernement étudiera
également les inégalités démographiques entre cantons confirmées ou révélées
par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil
d'Etat, conformément aux dispositions de l'article L. 3113-2 du code général
des collectivités locales, les inégalités de représentation les plus
importantes. » Le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2
juillet 1986, précisait que le découpage électoral doit être déterminé sur des
« bases essentiellement démographiques ». Même si ce principe général est
appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux afin d'assurer une
représentation des composantes territoriales du département, certaines
inégalités sont flagrantes. C'est le cas notamment pour le département de
Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075
habitants, et qui, selon les estimations tirées du recensement de cette année,
franchirait la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de
Vaucluse sont seulement au nombre de 24, dans un département pourtant
essentiellement rural. Par comparaison, le département des
Alpes-de-Hautes-Provence compte 30 conseillers généraux pour 130 888 habitants,
d'après les chiffres du recensement de 1990. Cet écart démographique
nécessiterait manifestement un redécoupage des cantons du département de
Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses
représentants. Pour toutes ces raisons, il s'interroge sur les véritables
motivations du gouvernement en la matière et lui demande, si ces rumeurs sont
confirmées, de reconsidérer sa position et de procéder à un redécoupage des
cantons dans les départements les plus sous-représentés en nombre de
conseillers généraux.
Indemnisation pour les victimes de l'hépatite C
contractée lors d'une transfusion
646.
- 8 novembre 1999. -
M. Jacques Pelletier
appelle l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur la situation des victimes de l'hépatite C contractée lors de transfusions
sanguines. Il lui indique le cas malheureux d'une personne de son département
qui, ayant subi plusieurs transfusions en 1986 suite à un accident de la
circulation, a découvert en 1990, à l'occasion d'une intervention chirurgicale,
qu'elle était porteuse du virus de l'hépatite C. Selon les experts qui se sont
penchés sur le dossier, il ne peut y avoir d'autre cause de contamination que
la transfusion. C'est pourquoi il lui demande si, comme pour les victimes du
sida et selon l'avis du Conseil d'Etat, une indemnisation des victimes de
l'hépatite C contractée lors d'une transfusion sanguine est prévue ?
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 9 novembre 1999
SCRUTIN (n° 13)
sur l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi organique,
adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du Médiateur des
enfants.
Nombre de votants : | 310 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Pour : | 310 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Paul Girod, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
96.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification et
conformes à la liste de scrutin ci-dessus.