Séance du 2 novembre 1999
M. le président. La parole est à M. Laffitte, auteur de la question n° 588, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question a pour objet d'attirer l'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - mais cela concerne l'ensemble du Gouvernement - sur la libéralisation de la cryptologie, qui facilite le développement du commerce électronique.
Le projet de loi relatif à la signature électronique présenté par Mme Guigou est fondamental et urgent. Or il n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour prioritaire du Sénat. Cette incertitude concernant les priorités affichées par le Gouvernement en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication est préoccupante.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions quant à la date à laquelle nous pourrons débattre de ce projet de loi, auquel le Sénat a l'intention d'adjoindre, sous la forme d'un amendement, une proposition de loi qui a été déposée par mes collègues René Trégouët et Guy Cabanel et par moi-même.
Ce texte tend à préciser qu'il appartient à l'administration de développer la messagerie électronique. Ainsi, tous les appels d'offres de l'Etat, des services publics et des collectivités locales devraient être lancés par voie de messagerie électronique.
Il vise également à mettre en place un corpus de logiciels libres, afin de favoriser la démocratisation des relations entre l'administration et la population. Ces logiciels libres sont, en effet, à la fois plus sûrs, moins chers et d'une dynamique qui permettra de développer, en France et en Europe, une véritable industrie du logiciel libre.
Un forum de discussion a été ouvert au Sénat sur ce point et il connaît un succès extraordinaire auprès des internautes : il a déjà donné lieu à près de huit cents réponses.
La communication est effectivement importante sur le plan non seulement français, mais également mondial. Nous saluons cette initiative, qui permet, notamment, d'éviter le monopole de fait de certaines grandes sociétés.
Le Gouvernement est-il prêt à soutenir cette proposition de loi et à inscrire rapidement à l'ordre du jour du Sénat le projet de loi de Mme Guigou ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, Christian Pierret aurait souhaité vous répondre lui-même ; mais il est retenu en province sur un site industriel. Cette question intéresse toutefois l'ensemble de la société et tous les membres du Gouvernement.
Vous connaissez bien ce sujet, sur lequel vous oeuvrez depuis longtemps et sur lequel vous avez incité le Sénat à beaucoup travailler, et ce à juste titre. Il s'agit, en effet, d'une question fondamentale, puisque la société de l'information annonce l'avènement d'une nouvelle civilisation.
Vous avez voulu attirer l'attention sur un certain nombre de points liés au développement et à la sécurisation du commerce électronique.
Tout d'abord, le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique lève des obstacles juridiques importants au développement des échanges dématérialisés : il reconnaît explicitement la valeur probante du document numérique et la signature électronique. Le Gouvernement présentera très prochainement ce texte au Parlement.
Par ailleurs, une réforme du code des marchés publics est en cours. Cette réforme prendra notamment en compte la nécessité de permettre la publication et la gestion par voie électronique des appels d'offres de l'Etat, des services publics et des collectivités locales.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est conscient du rôle que jouent les logiciels libres dans le développement d'Internet et du commerce électronique. Nous suivons avec attention les opportunités croissantes d'utilisation de ces outils par les acteurs tant publics que privés.
Enfin, vous évoquez la question importante de l'évolution de la réglementation de la cryptologie. Sur un réseau ouvert comme Internet, la confidentialité des échanges est effectivement un enjeu essentiel. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à utiliser des réseaux privés virtuels pour améliorer leur efficacité et leur compétitivité ; cette utilisation doit se faire dans des conditions optimales de sécurité.
Par ailleurs, il est indispensable de sécuriser les moyens de paiement sur Internet pour conforter la confiance de l'ensemble des acteurs, notamment les consommateurs, dans le commerce électronique. Les citoyens et les entreprises ont donc besoin de pouvoir utiliser facilement des outils de cryptologie.
Le Gouvernement a décidé, lors du comité interministériel pour la société de l'information du 19 janvier 1999, de mettre en oeuvre la liberté totale dans l'utilisation de la cryptologie en France. D'ores et déjà, en mars 1999, le seuil de la cryptologie dont l'utilisation est libre a été relevé, par décret, de 40 bits à 128 bits, niveau considéré par les experts comme assurant durablement une très grande sécurité.
Une seconde étape, d'ordre législatif, étendra cette liberté d'utilisation, en supprimant toute limitation tenant à la taille des clés employées, ainsi que les contraintes qui pèsent actuellement sur la gestion de ces clés par un « tiers de séquestre ». Les citoyens et les entreprises auront ainsi librement accès aux moyens de cryptologie disponibles sur le marché et pourront choisir la manière dont ils utilisent ces moyens.
Cette seconde étape sera réalisée avec la loi sur la société de l'information que le Premier ministre a demandé de préparer et qui sera présentée au Parlement l'an prochain. Ce texte constituera un grand rendez-vous entre le Gouvernement et le Parlement pour adapter l'ensemble de notre cadre législatif au développement de la société de l'information. Cette loi visera à la fois à clarifier la responsabilité des acteurs d'Internet, à assurer une plus large diffusion des infrastructures d'accès à Internet et à permettre la sécurité et la loyauté des transactions en ligne.
Un document d'orientation a été rendu public le 5 octobre 1999. Il est soumis à consultation publique, notamment au travers d'un forum de discussion ouvert sur le site Internet du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette procédure permettra à chacun de commenter et d'enrichir les propositions formulées par le Gouvernement.
Telles sont les quelques indications que je peux vous fournir en réponse à votre question, monsieur le sénateur.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse détaillée en ce qui concerne les propositions du Gouvernement, à la réserve près qu'aucune date précise n'a été donnée quant à l'inscription à l'ordre du jour du Sénat du projet de loi relatif à la signature électronique, ce que je regrette.
Vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que les temps de réaction dans le domaine de l'informatique sont très importants compte tenu de la rapidité nécessaire en matière de prise de décision sur le marché mondial.
Nos développeurs, nombreux et compétents, seront sans doute très satisfaits des propos que vous venez de tenir en ce qui concerne, notamment, l'usage de la cryptologie, mais ils le seront plus encore, me semble-t-il, si les dispositions annoncées sont mises en oeuvre le plus rapidement possible.
Des études sont en cours au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie comme au ministère de l'équipement, des transports et du logement, pour déterminer les conséquences pratiques d'une utilisation d'Internet et de la messagerie électronique en matière de marchés publics. On sait d'ores et déjà que, au ministère de l'équipement, des transports et du logement, et pour les seules dépenses de l'Etat, il s'agit de plusieurs milliards de francs d'économies. Les économies devraient être aussi importantes pour l'industrie. Il faut aussi compter avec la rapidité croissante qu'une modification du code des marchés publics pourrait introduire. Au surplus, si l'on ajoute tous les contrats passés par les collectivités locales, le chiffre des économies possibles peut facilement être doublé.
Au total, si l'on additionne les différents départements ministériels, y compris le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pouvons nous attendre à des économies potentielles d'une dizaine de milliards de francs. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, autant mettre en oeuvre ces mesures le plus tôt possible !
FONDS D'ALLÉGEMENT DES CHARGES
DES AGRICULTEURS (FAC)