Séance du 29 juin 1999
M. le président. « Art. 34 bis. - Par dérogation à l'article L. 474 du code de la santé publique, peuvent accomplir des actes d'assistance auprès d'un praticien au cours d'une intervention chirurgicale les personnels aides-opératoires et aides-instrumentistes exerçant cette activité professionnelle depuis une durée au moins égale à six ans avant la publication de la présente loi, et ayant satisfait, avant le 31 décembre 2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
« L'épreuve de vérification des connaissances est destinée à autoriser exclusivement l'exercice des activités professionnelles d'aides-opératoires et aides-instrumentistes.
« Tout employeur de personnel aide-opératoire ou aide-instrumentiste est tenu de proposer à ces personnels un plan de formation intégré dans le temps de travail, aboutissant à son maintien au sein de l'établissement, dans des conditions et des délais définis par décret. »
Par amendement n° 59, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après les mots : « ayant satisfait », de rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article : « , avant le 31 décembre 2000, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ».
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Nous sommes parvenus aux dispositions qui concernent les aides-opératoires. L'amendement n° 59 rétablit le texte adopté par le Sénat en première lecture. Nous avions alors défini une date limite pour que les personnes concernées par ces dispositions, qui bénéficient d'un statut dérogatoire, puissent faire valoir leurs compétences, leur expérience professionnelle. Mais nous avions considéré que, à partir du moment où elles peuvent apporter la preuve de ces compétences, il est nécessaire d'établir une date butoir qui ne soit pas trop éloignée.
Nous avions retenu la date du 31 décembre 2000, et nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont suivi la démarche du Sénat, ont prorogé le délai de deux années supplémentaires, ce qui nous paraît excessif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis défavorable à ce raccourcissement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 59.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement qui vise, si j'ai bien compris, les aides-opératoires, est extrêmement important. Il faut savoir, mais M. Huriet en a bien conscience, que l'amendement qu'il propose permettra non seulement de donner certainement satisfaction au personnel infirmier et au personnel qui intervient dans les blocs opératoires, mais également de s'assurer de la compétence professionnelle des intervenants.
De nombreux exemples ont été cités par des professionnels de santé, notamment des syndicats d'infirmiers, du recrutement, dans des cliniques privées, de personnels qui n'avaient pas reçu la formation initiale nécessaire pour intervenir, personnels qui sont rénumérés dans des conditions qui ne correspondent pas au niveau de qualification qui devrait être exigé.
Laisser croire que nous allions régulariser la situation d'un certain nombre d'agents qui interviennent dans les blocs opératoires sans nous préoccuper préalablement de leur qualification professionnelle par le passage d'épreuves a provoqué une très vive réaction de ces professionnels de santé.
Il m'apparaît donc absolument essentiel, pour des raisons de santé publique et dans l'intérêt des patients qui sont opérés dans ces cliniques ou dans des établissements hospitaliers, de s'assurer que les agents qui interviennent possèdent toutes les qualités requises et, surtout, la qualification professionnelle indispensable.
Si, par l'amendement de M. Huriet, on joue à la fois sur le délai et sur les exigences de qualification professionnelle, bien entendu, je ne peux qu'y être favorable.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Je voudrais que M. le secrétaire d'Etat m'explique sa position.
Je rappelle l'historique de cet amendement. Après avoir été déposé à l'Assemblée nationale en première lecture par un député socialiste et un député RPR, tous deux, me semble-t-il, originaires du Rhône, cet amendement a été adopté contre l'avis du Gouvernement.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis donc cohérent !
M. Charles Descours. M. le secrétaire d'Etat est tellement cohérent que, dans la mesure où notre rapporteur propose de limiter à 2000 la date à laquelle on peut passer des examens, le voilà qui, après s'être opposé à cet amendement, dans un laxisme extraordinaire, accepte que la disposition en question soit prorogée jusqu'en 2002.
Monsieur le secrétaire d'Etat, peut-être n'ai-je pas l'esprit très clair en cette heure matinale, mais je ne comprends pas comment vous pouvez vous prononcer contre un amendement en première lecture au motif qu'il faut défendre les infirmiers diplômés d'Etat en charge des soins en bloc opératoire et, aujourd'hui, refuser cet amendement relativement contraignant qui fixe à l'an 2000 la date limite jusqu'à laquelle les personnels peuvent subir les épreuves alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale est hyperlaxiste dans la mesure où il étend la période jusqu'à l'année 2002.
Donc, entre votre position en première lecture à l'Assemblée nationale et celle que vous adoptez aujourd'hui au Sénat, j'avoue que je ne comprends pas du tout.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vais vous expliquer !
M. François Autain. Il est contre !
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, expliquez-nous pourquoi vous n'acceptez pas l'amendement n° 59 de M. le rapporteur.
M. François Autain. Ils sont bien exigeants !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis très heureux d'avoir à expliquer à M. Descours pourquoi je suis contre cet amendement et pourquoi je suis cohérent.
Je suis contre parce que je suis contre la façon dont, tout en prenant à coeur les intérêts et la formation des aides-opératoires, on ne privilégie pas les diplômes obtenus par les infirmiers et qui doivent, pour des raisons de santé publique...
M. Charles Descours. Je suis d'accord sur ce point. Cela, je l'ai bien compris.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis cohérent : je suis en effet contre tous ces amendements qui, d'une certaine manière, noient ce poisson-là.
J'estime que la compétence, cela se mérite. Quand certains ont des diplômes, il faut en tenir compte.
J'ai proposé un dispositif qui visait à permettre aux aides-opératoires de devenir aides-soignants : un examen d'aide-soignant. Ces mesures me paraissaient cohérentes, mais elles n'ont pas été acceptées par l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que le problème se pose dans les établissements privés et non dans les établissements publics. Je réaffirme par ailleurs que je privilégie le savoir et la compétence.
J'aurais bien voulu que le devenir des aides-opératoires soit assuré grâce au diplôme d'aide-soignant. Cela n'a pas été possible ! Je suis donc contre l'amendement.
M. François Autain. C'est cohérent !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour être cohérent, vous avez la possibilité...
M. Charles Descours. Eh oui !
M. Claude Huriet, rapporteur. ... de proposer au Sénat, immédiatement, dans la foulée de votre intervention, un amendement de suppression de ces dispositions transitoires.
Vous venez de dire que vous souhaitiez, tout comme nous d'ailleurs, que soient reconnues les garanties que peut offrir l'acquisition de diplômes.
Avec le vote de cet amendement adopté par l'Assemblée nationale, nous avons renoué avec une pratique ancienne. Nous avons en effet déjà régularisé la situation des manipulateurs radios ayant acquis leur formation sur le tas.
Vous dites dès maintenant que vous n'êtes plus favorable à cette disposition. Vous êtes néanmoins d'accord pour prolonger de deux ans la période probatoire, en oubliant de considérer que les personnes dont les compétences doivent être évaluées sont censées avoir acquis une expérience professionnelle et n'ont donc pas à préparer des examens ou des concours. Il s'agit seulement de valider les connaissances, souvent plus pratiques que théoriques, qu'elles ont pu acquérir.
Il n'est pas envisageable, compte tenu de nos préoccupations communes en matière de sécurité sanitaire, de dire que ces dispositions transitoires pourront être prolongées pendant deux années.
Je relève donc une double contradiction dans la position que vous venez d'exprimer, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il n'aura pas échappé à des observateurs aussi attentifs des textes qui leur sont soumis que j'ai proposé à l'Assemblée nationale un dispositif qui aurait permis aux aides-opératoires de passer immédiatement le diplôme d'aide-soignant, grâce à des mesures prises par décret.
Ma proposition aurait permis de tout régler. Cependant, elle a été rejetée par l'Assemblée nationale, et je sais qu'elle le sera de nouveau.
Je suis donc cohérent en rejetant tout et en affirmant que, pour le moment, on n'a trouvé de solution ni sur le devenir de ces aides-opératoires, ni quant à l'élaboration de la réglementation qui me paraît convenir et qui doit assurer le plus de sécurité.
Les patients doivent être pris en charge au mieux par des personnels diplômés, par des infirmières, des infirmières de salle d'opération même. J'ai essayé, mais j'ai été battu !
M. Alain Vasselle. Alors, il faut suivre le Sénat !
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je suis loin d'être un spécialiste de ces questions, mais je crois comprendre que, du point de vue de la sécurité sanitaire, il est préférable de ne pas allonger les délais.
M. Alain Vasselle. Bien sûr !
M. Philippe Marini. Il est donc préférable de ne pas maintenir en bloc opératoire des personnes dont les compétences n'ont pas été vérifiées, c'est aussi simple que cela !
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour être conséquent avec la position que vous avez défendue à l'Assemblée nationale et que vous exprimez ici, il me semble qu'il serait logique d'appuyer l'initiative de la commission des affaires sociales et de vous rallier à son amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par le Gouvernement.
M. Serge Godard. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 60, M. Huriet, au nom de la commission des affaires sociales, propose dans le dernier alinéa de l'article 34 bis , de supprimer les mots : « , aboutissant à son maintien au sein de l'établissement, ».
La parole est à M. Huriet, rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Il s'agit de rétablir le texte adopté en première lecture.
L'amendement vise à supprimer les mots « aboutissant à son maintien au sein de l'établissement » pour une raison très précise que nous avons évoquée en première lecture et qui tient au statut des personnels dont nous discutons.
Le plus souvent, ces personnels ne sont pas salariés d'un établissement. Le plus souvent, ils sont liés par un contrat de droit privé, plutôt à un chirurgien qu'à un établissement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je suis cohérent en refusant !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 60.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. N'ayant pas pu intervenir à nouveau sur l'amendement précédent, je ne peux pas résister à l'envie de porter à votre connaissance un extrait d'une lettre ouverte qui a été adressée à M. le Président de la République par l'Union nationale des associations des infirmiers des blocs opératoires diplômés d'Etat.
Cette lettre démontre l'enjeu de la situation et l'urgence de prendre des dispositions dans des délais rapides si l'on se soucie vraiment de la protection des patients qui sont appelés à être hospitalisés dans des établissements privés.
Selon cette lettre, certains chirurgiens emploient du personnel non qualifié - secrétaires, caissières de grande surface, garagistes ou licenciés de facultés de sociologie ou d'histoire... Ces personnes ne sont en aucun cas infirmières.
« Ces personnes n'ont aucune formation théorique ni pratique avant de pénétrer dans la salle d'opération. Elles doivent pourtant se laver les mains chirurgicalement, s'habiller de façon stérile, préparer la zone opératoire, placer des draps stériles autour de la plaie, utiliser des instruments et des ligatures sans rien savoir de l'asepsie, des problèmes d'infections nosocomiales, des matériaux et produits employés...
« Les infections nosocomiales tuent chaque année plus de Français que les accidents de la route et nous coûtent plus de 5 milliards de francs par année, sans compter la souffrance engendrée.
« Ces personnes n'ont aucune formation en technologies et techniques chirurgicales ni en anatomie, pourtant bien souvent elles préparent seules l'accès à l'organe lésé, lient les artères et les veines, utilisent des matériels à risques tels que les bistouris électriques ou autres, referment les muscles et la peau du patient... »
Je pourrais continuer cette citation, cette lettre est fort longue !
Monsieur le secrétaire d'Etat, après cela, on comprend tout à fait l'argumentation que vous avez développée tout à l'heure.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je vous en remercie.
M. Alain Vasselle. Mais si, comme l'ont dit tout à l'heure et M. Descours et M. Huriet, vous voulez vraiment faire oeuvre utile, appuyez la proposition du Sénat, monsieur le secrétaire d'Etat.
En effet, que va-t-il se passer, puisque vous n'avez pas réussi à convaincre l'Assemblée nationale ? Cette assemblée va reproduire son texte ! Essayez au moins de faire comprendre à l'Assemblée nationale que vous êtes prêt à aller dans le sens qu'elle souhaite, mais dans des délais qui soient raisonnables, afin de veiller à la santé publique et d'assurer la protection des patients. On ferait ainsi un pas dans la bonne direction, et ce dans l'intérêt des patients.
C'est la raison pour laquelle j'en appelle à votre bon sens...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'en appelle au vôtre !
M. Alain Vasselle. ... et à votre détermination, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que vous fassiez avancer la discussion sur ce texte dans le sens que vous propose la Haute Assemblée.
M. François Autain. C'est un appel à l'obstruction !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'en appelle à un peu de cohérence ! Pas de contradictions à trois minutes près !
M. François Autain. Bien sûr !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'est exactement l'argumentation que j'ai développée devant vous, avec beaucoup moins de talent que vous venez de le faire, monsieur Vasselle. C'est aussi ce que j'ai fait à l'Assemblée nationale, où j'ai dit que la situation me paraissait grave. Mais il y a toujours de justes raisons : il fallait s'intéresser aux 4 000 personnes qui travaillent...
Vous le savez, les choses se passent - M. Huriet vient de le dire - de gré à gré avec le chirurgien, parce que ces personnels coûtent moins cher : on les paie des clopinettes, si je peux me permettre cette expression !
Mais, face à vous, 180 000 infirmiers réclament le contraire ! Alors je me suis permis de développer exactement l'argumentation que vous venez de mettre à jour, et c'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de voter le contraire. Je l'ai fait à l'Assemblée nationale. Je l'ai fait ici. Je maintiens ma position : je n'ai rien contre les aides opératoires et je suis au contraire favorable à l'apprentissage.
Encore une fois, il s'agit là d'un sujet extrêmement grave, et je ne comprends pas qu'on n'ait pas voulu suivre ! Mais il ne faut pas exagérer. Je n'accable pas les aides-opératoires. Ils ont une technique et huit ou dix ans d'habitude. Ils ne sont donc pas en train de découvrir ce que vous avez énuméré ! En vérité, ils font peu de gestes.
Il était tout à fait légitime de prendre des diplômés tout en protégeant, comme je l'ai souhaité, le départ sur quelques années de ces 4 000 personnes. Monsieur Vasselle, j'étais d'accord avec ce que vous avez dit.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 34 bis , modifié.
(L'article 34 bis est adopté.)
Article 36 bis