Séance du 29 juin 1999
M. le président. La parole est à M. Pastor, auteur de la question n° 461, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la secrétaire d'Etat, ma question concerne les conséquences des litiges relatifs au respect de la fermeture hebdomadaire d'un jour qui opposent les artisans boulangers traditionnels aux entreprises commerciales ou industrielles exploitant des terminaux de cuisson.
En application d'arrêtés préfectoraux eux-mêmes pris en vertu de l'article L. 221-17 du code du travail, les artisans boulangers sont tenus de respecter l'obligation de fermer un jour par semaine. Face au non-respect de cette consigne par les exploitants des terminaux de cuisson, bon nombre de fédérations représentatives d'artisans boulangers ont porté l'affaire devant la justice.
Il en ressort aujourd'hui une jurisprudence abondante et souvent contradictoire. Pour le Tarn, par exemple, l'arrêté préfectoral a été déclaré valable pour les seuls boulangers : la loi votée en juin 1998 ayant empêché - et c'est heureux - la confusion entre les boulangers artisanaux et les exploitants de terminaux de cuisson, on ne peut donc appliquer à ces derniers les règles relatives aux artisans boulangers.
Je vous demande de bien vouloir me faire part de votre sentiment sur cette question, ainsi que des mesures que vous comptez prendre dans ce domaine afin de mettre tout le monde sur un même pied d'égalité.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, la question de la distribution au bon moment d'un bon pain nécessite une réponse très technique.
Sur le fondement de l'article L. 221-17 du code du travail, le préfet peut imposer, à la demande des organisations professionnelles d'employeurs et de salariés, un jour de fermeture hebdomadaire à l'ensemble des établissements de la profession pendant toute la durée du repos des personnels salariés. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par un accord préalable pris à la majorité des représentants de la profession concernée.
Si l'arrêté de fermeture s'impose à tous les établissements de la profession, y compris à ceux qui n'emploient pas de personnel salarié, il ne peut avoir de portée au-delà de l'accord professionnel. Le champ d'application de l'arrêté est nécessairement circonscrit par le périmètre de la profession, qui exprime sa volonté au travers de la majorité de sa représentation.
La diversification des modes de distribution, que vous avez fort justement soulignée, monsieur le sénateur, a soulevé la question de l'interprétation qu'il convenait de donner à la « profession » au sens de l'article L. 221-17 du code du travail.
Les tribunaux judiciaires et administratifs ont tranché sur ce point, en soutenant que la profession se définit non pas par le mode de distribution, mais par l'identité du bien ou du service offert à la clientèle.
En application de cette jurisprudence, l'accord préalable sur les modalités du repos hebdomadaire doit s'accompagner de la consultation de tous les distributeurs d'un même produit de consommation. La volonté de la majorité des distributeurs concernés est alors prise en compte par l'arrêté préfectoral, qui donne force obligatoire à l'accord.
La loi n° 98-405 du 25 mai 1998 déterminant les conditions juridiques de l'exercice de la profession d'artisan boulanger ne paraît pas de nature à modifier la jurisprudence précitée. Nous en avions d'ailleurs parlé au cours des débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de cette loi. En effet, l'objet de ce texte est de permettre l'information du consommateur sur la qualité du pain mis en vente par un professionnel. Il ne peut avoir d'effet sur le terrain social en réduisant la portée de l'article L. 221-17 du code du travail, qui doit permettre de réaliser une concurrence équilibrée entre le plus grand nombre de professionnels, indépendamment du mode de fabrication et de la forme de distribution du produit, condition propre au respect par les employeurs de l'obligation de donner un repos hebdomadaire à leur personnel. C'est pourquoi nous nous trouvons devant une question aussi compliquée.
M. Raymond Courrière. C'est en effet bien compliqué !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Lors de la discussion de la loi du 25 mai 1998, la question du non-respect des arrêtés préfectoraux de fermeture hebdomadaire par certains distributeurs de pain avait été longuement abordée. Je me suis engagée à rappeler aux préfets la volonté du Gouvernement de veiller aux conditions d'une concurrence équilibrée entre les différents distributeurs de pain, par une stricte application des arrêtés de fermeture intervenus dans cette profession.
A la suite de cet engagement, une circulaire a été adressée à tous les préfets de France. Elle a rencontré des difficultés de mise en oeuvre dans plusieurs départements, ce qui nous a conduits à prendre des mesures un peu plus vigoureuses.
C'est pourquoi j'ai décidé d'approfondir la concertation avec les différents acteurs professionnels, afin d'établir un document explicatif qui permettra notamment d'aboutir à une meilleure maîtrise de la conciliation préalable à la prise de l'arrêté de fermeture.
Cela étant, monsieur le sénateur, les entorses au droit et aux accords professionnels ne sont pas forcément le fait de distributeurs qui ne seraient pas artisans boulangers. C'est pourquoi nous avons rencontré tant de difficultés à régler ces problèmes.
Par conséquent, je vous rejoins pour souhaiter que l'on puisse régler dans de bonnes conditions ce qui est en réalité un problème d'application par le préfet d'accords professionnels et de volonté du Gouvernement et du Parlement. Je crois donc qu'il faut rouvrir une bonne négociation professionnelle...
M. Raymond Courrière. Il faut des règles plus simples !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... et le document qui sera distribué permettra de réaffirmer le contenu de la charte du boulanger telle que nous l'avions définie ici. Les règles doivent être clairement exprimées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
M. Raymond Courrière. C'est trop compliqué !
M. Jean-Marc Pastor. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. Elle ouvre un chantier, celui du débat, celui de l'échange.
La mise en place de la charte, dont le principe avait été évoqué en juin 1998, me semble un élément très important. En effet, on s'est rendu compte, au cours des douze derniers mois, que bon nombre de départements éprouvaient toute une série de difficultés pour mettre en application - et, surtout, en harmonisation - la législation en vigueur, qui prévoit surtout, en fait, des mesures sociales.
Au-delà des circulaires et des directives données aux préfets, il faut organiser une concertation et consulter les intéressés. Vous vous y employez, et je vous en remercie.
PARUTION DES DÉCRETS D'APPLICATION
DE LA LOI SUR L'AIR ET BIOCARBURANTS