Séance du 22 juin 1999
DIVERSES MESURES D'URGENCE
RELATIVES À LA CHASSE
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 408,
1998-1999) de Mme Anne Heinis, fait au nom de la commission des affaires
économiques et du Plan sur la proposition de loi (n° 394 rectifié, 1998-1999)
de MM. Roland du Luart, Gérard Larcher, Philippe Adnot, Jean Bernard, Jean
Bizet, Paul Blanc, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Gérard César, Michel
Charasse, Gérard Cornu, Jean-Patrick Courtois, Désiré Debavelaere, Jean-Paul
Delevoye, Fernand Demilly, Michel Doublet, Philippe François, Alain Joyandet,
Mme Anne Heinis, MM. Pierre Lefebvre, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand,
Guy Lemaire, Pierre Martin, Jacques Oudin, Xavier Pintat, Ladislas Poniatowski,
Henri de Raincourt, Henri Revol, Michel Souplet, Martial Taugourdeau, Jacques
Valade et Alain Vasselle portant diverses mesures d'urgence relatives à la
chasse.
Mes chers collègues, je tiens à remercier Mme le ministre de sa présence dans
cet hémicycle à l'heure tardive où nous allons aborder l'ordre du jour
complémentaire.
Presque à l'heure du gabion, puisque le jour se lèvera ce matin à cinq heures
quarante-neuf, nous allons, comme l'a décidé la conférence des présidents,
examiner un texte important motivé par l'urgence, à quelques semaines de
l'ouverture, pour une organisation harmonieuse et une bonne gestion de la
chasse dans nombre de nos départements et pour éviter d'inutiles tensions.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne Heinis,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années,
la réglementation relative à l'organisation de la chasse en France fait l'objet
de multiples contestations sur des thèmes très divers. Je crois qu'il est temps
de s'interroger sur les raisons de ces contestations qui sont le fruit
d'incompréhensions mutuelles et dégénèrent malheureusement en conflits, alors
que, dans le passé, l'exercice de la chasse ne posait pas de problème majeur :
la chasse faisait partie de la vie du monde rural avec ses spécificités
locales.
La transformation de la société française qui, de profondément rurale, est
devenue majoritairement urbaine, s'est traduite par des évolutions culturelles
contrastées en matière de gestion des espaces naturels.
D'un côté, les urbains se sont éloignés d'un art de vivre et de traditions
anciennes modelés par le contact quotidien avec la nature, même s'ils
manifestent une soif nouvelle et parfois candide de retour à la nature, ou à ce
qu'ils pensent être la nature. D'où le succès d'un certain mouvement écologique
qui appréhende la gestion des espaces naturels de façon idéologique et à partir
de positions radicales faisant fi d'une réelle connaissance du terrain ou, au
contraire, privilégiant abusivement tel aspect particulier.
De l'autre côté, le monde rural, lui, vit concrètement chaque jour ce combat
qu'est la gestion de la nature.
Il est bien évident que, dans ce domaine, comme dans tous les autres, il faut
des règles du jeu pour réguler les activités et les évolutions, et ne pas
oublier que c'est la nature qui est faite pour l'homme, et non le contraire.
Les espaces dits « naturels » ne sont pas ceux d'hier et seront
immanquablement différents à l'avenir. Tous en sont usagers et doivent pouvoir
y vivre sinon en parfaite harmonie - ne faisons pas d'angélisme - mais en
tolérant au moins les activités qui ne sont pas de leur goût, à condition, bien
sûr, qu'elles s'exercent dans le respect d'une gestion équilibrée, donc durable
de ces espaces, de leur flore et de leur faune.
C'est évidemment aux responsables politiques qu'il revient d'organiser cette
gestion en évitant autant que faire se peut d'amplifier les affrontements
stériles et les surenchères partisanes.
A cet égard, je souhaiterais, madame le ministre, que vous cessiez d'opposer
systématiquement défenseurs de la nature et chasseurs et que vous admettiez un
jour que les seconds sont viscéralement parmi les premiers.
J'en veux pour preuve la gestion des zones humides et de superbes espaces
d'habitat des oiseaux d'eau, dont certains sont mis en réserve, qui se fait
naturellement par les chasseurs sans peser sur les finances publiques.
Si la chasse disparaît, nos écologistes citadins ne manqueront pas de réclamer
à cor et à cri la survie de ces zones et l'embauche de fonctionnaires pour
assurer cette conservation aux frais du contribuable. Ce peut être l'objectif
de certains, mais ce n'est certes pas le mien.
C'est bien dans un esprit de compromis et d'apaisement que mes collègues
Roland du Luart et Gérard Larcher ont déposé une proposition de loi portant
diverses mesures d'urgence relatives à la chasse, reprise et cosignée par une
trentaine de collègues de toutes appartenances politiques.
En effet, deux décisions de justice récentes fragilisent la réglementation et
pourraient avoir des graves conséquences dès la prochaine saison.
Le premier problème concerne la chasse de nuit ou à la passée du gibier
d'eau.
Dans un arrêt du 7 avril dernier, le Conseil d'Etat a annulé pour excès de
pouvoir une instruction du 31 juillet 1996 de l'Office national de la chasse,
en ce qu'elle organisait un régime de tolérance s'agissant de ces modes de
chasse, reprenant en fait les pratiques coutumières existantes.
Quelle était la situation antérieure à cet arrêt ? Alors que, depuis 1790,
l'abolition des privilèges avait donné le droit de chasser à tous, en tous
lieux et en tout temps, le code rural, dans sa rédaction de 1844, énonce une
prohibition générale de la chasse de nuit, essentiellement pour des raisons de
sécurité et de lutte contre le braconnage de nuit, notamment s'agissant du
grand gibier.
Mais, déjà, la loi du 3 mai 1844 prévoyait que les préfets pouvaient prendre
des arrêtés pour déterminer l'époque de la chasse aux oiseaux de passage et le
temps pendant lequel il serait permis de chasser le gibier d'eau dans les
marais, les étangs, les fleuves et les rivières. Cela ne date donc pas
d'aujourd'hui !
Il y avait là indiscutablement une ouverture à certaines dérogations, d'autant
que les travaux préparatoires de cette loi montraient clairement que le
législateur était favorable à certaines chasses de nuit pratiquées dans
certains départements, car elles ne présentaient aucun danger. A l'époque,
l'objectif de la sécurité primait !
L'administration, à travers la réglementation élaborée par l'Office national
de la chasse, a encadré la pratique de la chasse de nuit ou à la passée depuis
longtemps. La dernière circulaire en date est celle du 31 juillet 1996, qui
admet, pour la chasse à la passée, une période de deux heures avant le lever du
soleil et de deux heures après son coucher.
Quant à la chasse de nuit à la hutte, au hutteau, à la tonne ou au gabion,
c'est-à-dire à partir de postes fixes, elle est reconnue comme constituant un
usage local, et autorisée à ce titre dans quarante-deux départements
métropolitains. En 1981, l'administration a procédé au recensement des
installations concernées sur le domaine terrestre, et en a comptabilisé plus de
8 000.
En fait, la décision du Conseil d'Etat du 27 avril dernier ne condamne pas la
chasse de nuit. S'appuyant sur l'interdiction générale posée à l'article L.
224-4 du code rural, elle rappelle que, compte tenu de la hiérarchie des
normes, une circulaire administrative ne peut instaurer de restrictions à
l'application d'un principe défini au niveau législatif et elle annule pour
excès de pouvoir l'instruction de l'Office national de la chasse.
En revanche, rien n'interdit au législateur d'assortir un principe d'un
certain nombre d'exceptions ou de dérogations. C'est d'ailleurs chose
courante.
C'est bien l'objet de l'article 1er de la proposition de loi, qui va modifier
l'article concerné du code rural.
Il s'agit donc, en fait, d'une validation législative de modes de chasse
traditionnels qui ne peuvent être brutalement supprimés sous peine de troubles
graves dans les départements où ils ont toujours été pratiqués.
Qu'en est-il au niveau européen ?
Dans le principe, la plupart des Etats interdisent la chasse de nuit, mais un
certain nombre d'entre eux prévoient des dérogations, notamment pour le gibier
d'eau, avec des modalités diverses. Je citerai ainsi l'Autriche, la Belgique,
l'Espagne, la Finlande, l'Irlande et le Royaume-Uni.
Quant à la fameuse directive « oiseaux » de 1979, elle ne contient aucune
disposition spécifique relative à la chasse de nuit, sauf dans l'annexe 4, où
elle interdit un certain nombre de procédés, comme les éclairages, lorsque la
chasse de nuit est pratiquée, ce qui, a
contrario
, autorise celle-ci.
M. Roland du Luart.
Très bien !
Mme Anne Heinis,
rapporteur.
Nénamoins, il faut savoir que la Commission européenne a une
position restrictive d'ensemble à l'encontre de la chasse de nuit en se fondant
sur le critère de la non-sélectivité, c'est-à-dire de l'impossiblilité
d'identifier avec certitude le gibier tiré.
Cette prise de position globale de la Commission ne me paraît cependant pas
conforme à la directive, qui énonce certes le principe général de protection
des oiseaux sauvages, mais énumère, dans son annexe 2, les espèces chassables,
reconnaissant
de facto
la compétence du chasseur pour les identifier, ce
qui paraît évident.
A cet égard, il faut souligner qu'en matière de gibier d'eau, il s'agit
réellement d'une chasse de spécialistes, lesquels, après avoir observé les
silhouettes et le vol, très caractéristiques selon les espèces, entendu leur
chant, effectuent un tir posé, ce qui laisse tout le temps d'identifier le
gibier. C'est dire que le critère de sélectivité est ici pleinement
respecté.
Pour en revenir aux principes et être clair en ce qui concerne la
réglementation européenne, il n'y a pas d'interdiction générale de la chasse de
nuit. En revanche, il convient de respecter l'objectif de la directive, à
savoir la régulation équilibrée et la conservation suffisante des espèces, et
je veux tout particulièrement insister sur le fait que cet objectif a été
constamment présent à notre esprit dans l'élaboration de ce texte.
Le deuxième problème à résoudre est d'un autre ordre. Il provient de la remise
en cause de la loi Verdeille du 10 juillet 1964 par l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme du 29 avril 1999.
Je rappelle que la loi Verdeille impose, au sein de la commune ou au niveau
intercommunal, le regroupement des terres pour la constitution d'une
association de type loi de 1901, mais dotée de certaines prérogatives de
puissance publique pour gérer le territoire de chasse ainsi constitué, le but
visé étant d'assurer une meilleure gestion du capital cynégétique et une bonne
conservation de la faune sauvage, ce qui ne peut se faire dans des territoires
trop fractionnés.
Les associations communales de chasse agréées, ou ACCA, ainsi constituées ne
l'ont été de façon obligatoire que dans vingt-neuf départements métropolitains,
de façon facultative dans une trentaine d'autres, et se situent en majorité
dans les régions du Sud-Ouest, où les propriétés sont très morcelées.
Elles ont subi de vivres critiques, au nom du principe d'égalité devant la
loi, en raison de diverses mesures discriminatoires, notamment du fait que les
propriétaires soient soumis ou non à l'obligation de faire apport de leurs
terres selon la superficie de ces dernières, et aussi en l'absence totale de
distinction entre propriétaires chasseurs ou non chasseurs.
Un volumineux contentieux s'est développé devant les juridictions tant
administratives que civiles, faisant apparaître de grandes divergences de
positions.
Une fois les voies de recours internes épuisées, des requêtes ont été
introduites devant la Cour européenne des droits de l'homme, en 1994 et
1996.
Dans son arrêt rendu le 27 avril dernier, la Cour a considéré que
l'application de la loi Verdeille, en imposant aux petits propriétaires non
chasseurs de faire apport de leurs terres à une ACCA, portait atteinte de façon
disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d'association eu égard à
l'intérêt général poursuivi.
L'article 2 de la proposition de loi vise donc à modifier certaines
dispositions de la loi Verdeille.
En effet, les conclusions de la Cour européenne des droits de l'homme
n'annulent pas les dispositions de la loi du 10 juillet 1964, mais, en
pratique, elles en rendent l'application quasiment impossible. Toute
contestation portée devant les tribunaux bénéficiera, bien sûr, de ces
conclusions, ce qui risque de susciter localement de graves conflits dès la
prochaine saison de chasse.
Il importe donc de proposer un dispositif qui prenne en compte les aspirations
légitimes des non-chasseurs, tout en évitant une remise en cause généralisée du
principe de l'apport de terrains institué par la loi Verdeille, qui aboutirait
inévitablement à la multiplication de petits territoires de chasse, ce qui, on
le sait, est néfaste.
En conséquence, l'article 2 de la proposition de loi crée un droit
d'opposition pour les propriétaires hostiles à la chasse en complétant
l'article L. 222-10 du code rural.
Madame le ministre, mes chers collègues, je suis convaincue de la nécessité
d'adopter un dispositif législatif propre à assurer un déroulement harmonieux
de la prochaine saison de chasse, dans le respect des décisions rendues tant
par le Conseil d'Etat que par la Cour européenne des droits de l'homme.
Nous reviendrons de façon plus détaillée sur le dispositif proposé lors de la
discussion des articles, mais j'observerai en conclusion que cette proposition
de loi, élaborée avant les élections européennes, va dans le sens d'une réelle
demande de la France rurale.
Il est clair que le score réalisé par la liste « Chasse, pêche, nature et
tradition » n'est pas la seule expression des chasseurs. Il signifie qu'une
fraction de gens de plus en plus importante refuse les diktats idéologiques
quels qu'ils soient, et le fait savoir par le moyen démocratique du vote.
Ils ne demandent pas, contrairement à certains, la disparition d'éventuels
adversaires ou le triomphe de leurs seules idées, ils demandent simplement
qu'un juste équilibre soit trouvé qui permette à chacun de vivre comme il
l'entend, pourvu, bien sûr, que ce ne soit pas contraire à l'intérêt général et
à certains grands objectifs auxquels, d'ailleurs, ils souscrivent.
C'est l'objet même de cette proposition de loi. Mais n'oublions pas, madame le
ministre, qu'elle nécessitera ensuite, comme les précédentes, une négociation
claire et bien conduite avec la Commission européenne, ce que nous attendons
toujours !
Une inquiétude monte ; sachons écouter le message avant que la situation ne
devienne gravement conflictuelle et incontrôlable ! Sinon, la chasse n'aura été
que le révélateur d'un malaise plus profond et plus vaste qui pourrait, à
terme, gagner d'autres secteurs.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous
allons donc, à une heure fort avancée de la nuit, traiter de chasse de nuit,
puisque c'est l'un des deux sujets évoqués dans la proposition de loi qui vient
en discussion.
Vous cherchez avec celle-ci à répondre à la situation créée par deux décisions
rendues récemment, l'une par le Conseil d'Etat, l'autre par la Cour européenne
des droits de l'homme.
Je ne conteste pas la nécessité de régler ces problèmes, mais il me semble que
la méthode que vous proposez ne permettra pas de le faire de façon durable,
comme j'aurai l'occasion de l'exposer ultérieurement.
Le premier article de cette proposition de loi traite de la chasse de nuit et
vise à la légaliser.
Fort ancienne, l'interdiction de cette pratique prend racine dans la grande
ordonnance des Eaux et forêts de 1669. Elle a été reprise dans la loi du 3 mai
1844 sur la police de la chasse, puis dans le code rural. C'est donc une
vieille tradition française issue de la monarchie et reprise dans le droit
républicain. En annulant la circulaire de l'Office national de la chasse du 31
juillet 1996, le Conseil d'Etat n'a fait que rappeler cette évidence.
Je m'étonne donc que certains des membres de votre assemblée, qui affichent
par ailleurs un profond attachement aux traditions, soient subitement enclins à
jeter aux orties l'une d'entre elles, ancrée depuis plus de trois siècles. Je
constate d'ailleurs que l'un des candidats aux élections européennes, qui vient
d'être élu au Parlement européen, tient la proposition de loi aujourd'hui
discutée pour un « scandale », et les parlementaires qui l'ont proposée comme
se « moquant des électeurs ».
Pour justifier une telle légalisation de la chasse de nuit, les auteurs de
cette proposition de loi arguent du fait que divers pays de l'Union européenne
pratiqueraient cette chasse. Une analyse de la situation dans les pays
mentionnés à l'appui de leur thèse montre que la réalité est tout autre.
En Autriche, la chasse de nuit est interdite. Cependant, dans certaines
provinces, comme le Burgenland et le Niederosterreich, le gibier d'eau peut
être tiré de soixante à quatre-vingt-dix minutes après le coucher et avant le
lever du soleil.
En Belgique, la chasse de nuit est interdite dans les trois régions. Le tir
des oies bernaches et du canard colvert est autorisé soixante minutes après le
coucher et avant le lever du soleil en Flandre. Le tir du canard colvert l'est
également en Wallonie pendant trente minutes après le coucher et avant le lever
du soleil, pour peu qu'une lettre recommandée ait été adressée préalablement au
responsable cynégétique administratif du territoire concerné.
En Espagne, la chasse de nuit est interdite. La législation nationale permet
aux provinces d'autoriser la chasse aux oiseaux d'eau au maximum une heure
après le coucher du soleil ou avant son lever. Il y a deux exceptions : la
chasse au gibier d'eau est autorisée les nuits de pleine lune, deux jours par
mois dans le delta de l'Ebre et sept jours par mois dans l'Albufera.
En Finlande, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite, mais elle ne
se pratique pas. De plus, la loi sur la chasse exige l'identification préalable
du gibier, ce qui n'est pas possible de nuit.
En Irlande, la chasse de nuit est interdite. Quelques gibiers d'eau peuvent
être tirés soixante minutes après le coucher et avant le lever du soleil.
Au Royaume-Uni, la chasse de nuit n'est pas formellement interdite, car elle
ne se pratique pas. En revanche, l'usage des appelants de toutes sortes est
prohibé.
La chasse de nuit est donc en principe interdite dans la plupart des pays de
l'Union européenne, et cette interdiction ne connaît que des exceptions
limitées qui ne vont jamais aussi loin que ce que prévoit la proposition de loi
que nous examinons aujourd'hui.
Il convient d'examiner quels sont les modes de chasse concernés en France pour
la chasse au gibier d'eau.
La chasse à la passée peut intéresser le plus grand nombre de chasseurs de
gibier d'eau sur certains territoires. Elle concerne essentiellement la chasse
aux canards lorsque ceux-ci rejoignent, à la tombée de la nuit, leurs lieux de
gagnage et, le matin, lorsqu'ils en reviennent. Mais elle peut également
concerner, outre les « becs plats », des sauvaginiers, les oies, les foulques
et plus rarement les limicoles.
Ce type de chasse ne se pratique évidemment pas la nuit mais uniquement au
crépuscule et à l'aube.
La chasse au trou ou à la cache vise essentiellement la chasse des limicoles.
Le chasseur, après avoir choisi un endroit favorable, creuse une dépression et
bâtit un rempart avec du sable et des débris véhiculés par la mer ou creuse un
trou plus profond pour se dissimuler. Elle recouvre les chasses aux hutteaux,
dont je vous parlerai dans quelques instants.
La battue n'est pratiquée que pour les foulques et quelquefois pour le
colvert. C'est un mode de chasse diurne.
Le rabat est pratiqué pour les bécassines, les vanneaux et les pluviers. C'est
aussi un mode de chasse diurne.
La chasse à la botte, à l'approche ou devant soi est particulièrement prisée
pour les limicoles et les canards. C'est une chasse à la découverte faite en
longeant les vasières, le littoral ou dans les marais de l'intérieur. Elle est
exclusivement diurne.
La chasse au hutteau recouvre une grande variété d'installations fixes, mais
rarement permanentes.
Afin de simplifier, je regrouperai sous ce terme les hutteaux « debout » et
les hutteaux « assis ». Ils sont également appelés « tente », « guette » sur
l'île de Ré, « pioutade » dans le Midi, « bosse » en Brière, « agachon » en
Camargue, « parge » ou « caisse » ailleurs, ce qui valide d'ailleurs, madame,
vos remarques sur le caractère traditionnel de ces pratiques.
Ces installations consistent, notamment, en une caisse verticale enterrée ou
bien un petit édifice en planches dissimulé par des buttes de terre, de vase ou
de végétaux, un tonneau enfoncé dans le sol, une tente d'affût spécialement
construite pour la chasse, un simple filet de camouflage ou une toile tendue
entre quatre piquets. Leur hauteur est celle qui permet la dissimulation du
corps d'un homme assis. L'installation doit avoir quatre côtés et comporter des
meurtrières. L'emplacement du hutteau est primordial, mais quelquefois le
gibier est attiré par des appelants, des formes, des appeaux ou tout simplement
par le chasseur, qui imite le cri ou le sifflement de l'oiseau. C'est un mode
de chasse diurne, mais ces installations peuvent être utilisées pour la chasse
à la passée.
A la toile ou hutteau couché, le chasseur est couché dans un trou qu'il a
creusé et qui est recouvert d'une toile. Le fond du trou est recouvert de
paille. La « calorge », en Vendée, qui est un tuyau enterré dans lequel se
glisse le chasseur, peut être rattaché à ce type de chasse, qui est également
une chasse diurne. Contrairement à la réglementation sur le domaine public
maritime, ce dispositif est utilisé pour la chasse de nuit.
Le cercueil est un hutteau mobile. Le chasseur est couché dans une boîte en
bois étanche, en contreplaqué marine, recouverte de fibre de carbone. Cette
boîte, qui a la forme d'un cerceuil, est transportée sur la vasière à l'endroit
propice, grâce à deux roues légères, le plus près possible du flot, mais pas
trop. Ce cercueil est alors semi-enterré. Il peut contenir une ou deux
personnes. Certains, au mépris de la tradition, y incorporent un chauffage à la
tête et aux pieds. Différents autres types de hutteaux mobiles sont utilisés.
Ils sont utilisés pour la chasse diurne, mais aussi, contrairement à la
réglementation sur le domaine public maritime, pour la chasse de nuit.
La hutte ou le gabion sont des installations fixes et permanentes. Ce sont des
abris généralement souterrains utilisés pour la chasse de nuit. Ils sont plus
ou moins sophistiqués et peuvent comporter des coins cuisine, des couchettes,
un chauffage, un réfrigérateur, etc. Ils peuvent comporter plusieurs étages,
notamment pour parer aux problèmes d'inondation, être montés sur pilotis ou
être flottants.
La tonne c'est le gabion du Sud-Ouest. Cette installation doit son nom à
l'utilisation des grandes futailles du bordelais, qui sont utilisées pour
servir d'affût. Les tonnes sont également utilisées pour la chasse de nuit.
Le chasse au cheval : en fait, il s'agit d'une jument, car, comme vous le
savez, les femelles sont plus calmes et raisonnées que les mâles.
(Sourires.)
Un sénateur du RPR.
Cela dépend !
M. Jean-Louis Carrère.
En général !
M. le président.
Tout dépend de l'intervention du vétérinaire, madame le ministre.
(Rires.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On ne peut
pas dire qu'elles ne sont pas calmes !
Le gibier, familiarisé avec le bétail, ne porte pas attention à une jument qui
se déplace. Il suffit donc au chasseur de se dissimuler derrière l'animal
spécialement dressé pour pouvoir approcher le gibier. Cette chasse diurne est
encore pratiquée dans les barthes de l'Adour.
Le malonage : dans certaines régions, les sauvaginiers utilisent, en
complément de leurs appelants, un canard dressé, totalement libre de ses
mouvements, qui est lâché au moment propice pour ramener ses congénères
sauvages à portée de fusil. Ce canard s'appelle le « malon » dans les pays de
la Loire ou, dans le midi, le « verdaou ».
Le badinage : pour attirer les canards, certains utilisent un chien de couleur
rousse ressemblant à un canard qu'ils laissent divaguer. Les canards sauvages,
curieux, excités, finissent par se rapprocher du chasseur.
La chasse en bateau plat : on utilise des bateaux bas sur l'eau, pour passer
inaperçu, d'un faible tirant d'eau. Ils sont mus à la rame pour se déplacer
sans bruit. Le plus connu est le punt, mais il existe de nombreux autres types
selon les régions : le négachien, le nageret, la rabalade, le négafol ou
noie-chiens. C'est un moyen d'approche des canards utilisé de jour.
La clavée est une sorte de battue diurne organisée par vingt ou trente
chasseurs, dont les barques, disposées en fer à cheval, poussent des foulques
vers des haies où les attendent des chasseurs postés.
La billebaude en barque : un chien explore les berges d'une rivière, alors que
son maître est sur une barque. Le chien a deux fonctions : lever le gibier et
le ramener. C'est un mode de chasse diurne et qui se pratique essentiellement
lors des crues, en particulier près de chez moi, dans le Doubs.
Au pédalo : l'utilisation de cet engin permet d'approcher les oiseaux. Le
chasseur, en acte de chasse, est couché sur le dos et nom sur le ventre comme
dans le punt. C'est une chasse pratiquée le jour dans le bassin d'Arcachon.
La dérive au canot : le chasseur utilise un petit canot qu'il laisse dériver
dans les chenaux à marée montante. Cela permet d'approcher les canards et les
limicoles qui stationnent le long des rives. C'est une chasse diurne.
La barque-hutte : le chasseur plante des piquets entre lesquels il place une
embarcation. Il se couche dans cette barque recouverte d'une toile de
camouflage. C'est une chasse diurne que l'on pratique dans le centre de la
France, notamment en Brenne.
A la perche : il s'agit d'une chasse diurne pratiquée dans les marais à
roselières. Deux ou trois chasseurs sont dans une barque. L'un d'eux, placé à
l'arrière, manie une longue perche que l'on appelle quelquefois « bourde » sur
certains rivages de la Loire. Cette perche permet de faire progresser
l'embarcation en silence. C'est un mode de chasse utilisé pour les canards, les
oies et les limicoles, notamment lorsque le temps est brumeux.
Cet exposé vous a peut-être paru long
(Sourires),
mais il me semblait indispensable que votre assemblée ait
une vue la plus large et la plus juste possible de la diversité des modes de
chasse au gibier d'eau dans notre pays.
M. Roland du Luart.
On commence à les connaître !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'en ai
probablement oublié quelques-uns. C'est avec plaisir que je recevrai de votre
part des informations complémentaires.
Je suis certaine que vous admirez l'ingéniosité des chasseurs qui ont
développé, au cours des siècles, de telles méthodes. Vous partagerez mon
souhait de tout faire pour que cette diversité soit préservée.
Il doit cependant rester à l'esprit de chacun que le maintien de ces
traditions n'est possible qu'à une seule condition : qu'il reste du gibier !
Cela dépend du maintien de milieux naturels de qualité et de prélèvements
raisonnables, qui ne mettent pas en danger la pérennité des espèces.
Un autre intérêt de cette présentation est de vous montrer que la plupart des
modes de chasse au gibier d'eau se pratiquent le jour, au crépuscule ou à
l'aube. La chasse de nuit ne représente qu'une très faible part de la chasse au
gibier d'eau.
J'en viens maintenant à l'historique de la chasse au gibier d'eau en France et
à la situation de nos jours.
L'ordonnance de Colbert qui institue, en 1682, les inscrits maritimes leur
donne l'autorisation de chasser sur le domaine public maritime. C'est ainsi que
va naître la chasse populaire au gibier d'eau. Elle se pratiquait alors
essentiellement en hiver, lorsque la pêche n'était pas possible. C'était une
source importante de nourriture durant cette saison. La chasse était à cette
époque une activité de subsistance.
Pour chasser, les inscrits maritimes utilisaient leurs filets de pêche qu'ils
tendaient le long du littoral à marée basse et les oiseaux se prenaient en
suivant la marée montante. Cette chasse avait lieu la nuit, et certains récits
font état de captures très importantes, déjà parfois jugées excessives. Il
convient de rappeler qu'à cette époque les milieux naturels étaient de
meilleure qualité et abritaient une faune plus abondante et plus diversifiée
qu'aujourd'hui.
La Révolution française autorisera brièvement tous les Français à chasser
toutes les espèces, et donc le gibier d'eau, en tout temps. L'anarchie
cynégétique qui se développe alors conduit l'Assemblée nationale à voter une
loi sur la chasse le 30 avril 1790. Elle donne à « tout propriétaire ou
possesseur la faculté de chasser ou faire chasser, en tout temps, sur ses lacs
et étangs », en son article 13.
En 1844, le Parlement français discute d'un projet de loi, qui deviendra la
base de notre code rural. Cette loi interdit la chasse de nuit - j'y reviendrai
dans quelques instants.
La chasse à la hutte, à la tonne ou au gabion remonte, semble-t-il, au milieu
du xixe siècle, dans quelques rares zones côtières. Elle était circonscrite au
littoral picard et bas-normand, au bassin d'Arcachon et à l'estuaire de la
Gironde.
Une grande figure de la chasse au gibier d'eau, le comte de Valicour, qui
disait disposer de preuves nombreuses de l'ancienneté de ce type de chasse, n'a
cependant jamais rien écrit de substantiel sur ce sujet. Curieusement, ses
successeurs n'ont pas non plus cherché à attester l'ancrage ancien de ces
pratiques, qui reste donc encore bien mystérieux.
Un fait est certain : jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le
phénomène reste très limité. Il commence à se développer avec, notamment,
l'accroissement de l'utilisation de l'automobile.
Ainsi, lorsque l'on examine les photographies aériennes de la baie de Somme,
que je tiens à votre disposition, on constate que le nombre de huttes entre
1939 et maintenant reste stable sur la petite molière du sud. En revanche, sur
celle de l'embouchure, il n'y a pas une seule hutte en 1939, il y en a une
vingtaine en 1961 et près d'une centaine en 1997.
Dans le Pas-de-Calais, le nombre de huttes sur le domaine public maritime a
été multiplié par quatre entre 1961 et 1994 à Oye-Plage, passant de 8 à 33, et
par deux à Marck, passant de 38 à 74.
Jusqu'aux années quatre-vingt, la chasse à la hutte n'était pratiquée que dans
une quinzaine de départements.
Une nouvelle accélération du développement des huttes est apparue au cours des
dix dernières années. Dans un marais de l'ouest de la France, un recensement
effectué en 1970 n'indique aucune hutte. En 1985, il y en avait 45 et,
aujourd'hui, il y en a entre 100 et 150. Ce phénomène est observé dans la
plupart des zones de marais en France.
Dans de nombreux départements de l'intérieur, la chasse à la hutte apparaît
avec la fin de l'exploitation des gravières. Bien qu'illégale, elle bénéficie
d'une certaine passivité des pouvoirs publics, qui ont laissé s'installer et se
développer rapidement cette pratique.
Où est la tradition dans tout cela ?
On assiste au déroulement d'un phénomène classique d'extension d'un mode de
chasse très limité au départ et dont l'impact est faible du fait de sa rareté.
Il s'étend, sous la couverture d'une « tradition », pour atteindre un niveau
inquiétant.
Et puis, la tradition ne justifie pas tout ! De nombreuses chasses vraiment
traditionnelles ont été interdites, à la demande des chasseurs eux-mêmes, parce
qu'elles avaient des effets dévastateurs. Je pense à la chasse aux alouettes au
miroir, à la chasse à la bécasse à la croûle. Et il y en a bien d'autres !
Avant d'autoriser ou de maintenir tel ou tel mode de chasse, il faut se
demander s'il est acceptable au regard de la protection des espèces, s'il est
compatible avec l'évolution des milieux.
Je crains que, au-delà de la tradition, l'on ne défende, en réalité, des
intérêts particuliers. Dans les zones de chasse vraiment traditionnelle, chaque
chasseur avait sa hutte ou son gabion qu'il partageait avec ses amis. Mais
après guerre s'est développée la location des installations, qui sont ainsi
devenues des « canes aux oeufs d'or ». C'est un aspect sur lequel on est resté
toujours très discret. Il explique peut-être la vigueur des réactions lorsqu'il
s'agit de vouloir réglementer en la matière.
Une « nuit » pour toute la saison se loue entre 5 000 francs et 10 000 francs
sur les huttes de l'arrière littoral du Pas-de-Calais. Les « bonnes » huttes
sur le littoral de ce même département se louent jusqu'à 2 000 francs pour une
seule nuit. Dans l'ouest de la France, certains considèrent qu'une hutte
rapporte plus qu'une vache !
Certains chasseurs s'opposent d'ailleurs à la chasse de nuit.
M. J.-R. B., de la Somme, m'a écrit, le 7 juin dernier : « Je suis chasseur et
socialiste. Cependant, je n'apprécie guère la chasse à la hutte. En effet,
j'estime que les oiseaux viennent se reposer la nuit. De ce fait, il est un peu
cruel de tirer sur du gibier au repos. C'est mon point de vue, et je conçois
que l'on ne soit pas d'accord avec moi. Ce que j'ai le plus apprécié, à la
hutte, c'est son repas convivial et ses discussions, la nuit, à refaire le
monde. »
La situation sur le domaine public maritime est à examiner.
Les huttes et les gabions ont été installés, à l'origine, surtout sur le
domaine public maritime. Sur ce territoire, la plus parfaite liberté en matière
cynégétique a existé pendant des siècles. Les inscrits maritimes n'avaient pas
besoin de permis de chasser. Le statut des installations était indéterminé.
C'est la raison pour laquelle le législateur a finalement adopté une loi en
1968 pour réglementer la chasse sur le domaine public maritime. Cette loi
permet essentiellement l'application du code rural sur le domaine public
maritime. Elle a donné lieu à un décret créant les associations de chasse
maritime et établissant le premier réseau de réserves de chasse sur le
littoral.
Il en résulte, entre autres, un cahier des charges pour la location par l'Etat
du droit de chasse sur le domaine public maritime. Il détermine, notamment, des
conditions particulières pour les huttes et les gabions.
J'ai noté avec surprise que ce cahier des charges comporte une clause relative
aux hutteaux mobiles. En 1978, cette clause était ainsi rédigée : « L'affût à
partir de hutteaux peut se pratiquer de la passée du matin à la passée du soir
». En clair, le cahier des charges interdisait donc la chasse de nuit au
hutteau.
Mais, en 1996, cette clause a été remplacée par « les conditions d'exercice de
la chasse à l'affût, à partir de hutteaux mobiles, seront précisées par le
cahier des clauses particulières ». Cette clause permettait donc,
subrepticement, d'autoriser la chasse de nuit au hutteau.
La loi du 3 mai 1844, qui interdit la chasse de nuit, est toujours en vigueur
aujourd'hui.
La consultation des débats qui ont précédé et accompagné le vote de cette loi
est passionnantte.
La Chambre des députés, comme la Chambre des pairs, ont considéré qu'il
existait deux types de gibier pour lesquels il est difficile de légiférer au
niveau national. Ce sont le gibier d'eau et le gibier de passage que l'on
appelle aujourd'hui migrateur. Ils ont donc décidé que la réglementation de ces
chasses serait établie par les préfets. Pour mémoire, je vous rappelle que le
pouvoir de réglementer ces chasses a été transféré au ministre chargé de la
chasse par une ordonnance de 1941.
Les parlementaires ont cependant décidé d'établir un cadre minimal. C'est dans
ce cadre que figure l'interdiction de la chasse de nuit.
Le gouvernement de l'époque avait proposé qu'un règlement d'administration
publique détermine dans quel cas et sous quelles conditions la chasse serait
permise de nuit. La Chambre des pairs, vos prédécesseurs en sorte, s'est montré
plus exigeante et décida que la chasse ne pouvait jamais être permise la
nuit.
Ultérieurement, la Chambre des députés décida que la chasse ne pouvait être
pratiquée que le jour.
Il est intéressant de constater que plusieurs interventions traitent de la
chasse à l'affût lors de la passée. L'Assemblée des pairs comme la Chambre des
députés reconnurent que la chasse à la passée était licite dans la mesure où
elle se pratiquait avant la nuit.
A l'interpellation du marquis de Boissy, le rapporteur de la loi à la Chambre
des pairs répondait : « La commission a entendu prohiber d'une manière absolue
la chasse pendant la nuit ; mais elle a compris que très souvent la chasse à
l'affût avait lieu dans un temps très rapproché de la nuit, soit le matin, soit
le soir, mais qui n'est pas la nuit. Vouloir aller plus loin et définir ce
qu'est la nuit a paru impossible à la commission. Elle a cru qu'il fallait, en
posant le principe de l'interdiction de la chasse pendant la nuit, laisser les
appréciations de fait aux tribunaux, c'est ce qui se pratique dans toutes les
matières de fait et notamment dans tous les cas où la circonstance de nuit est
considérée comme aggravante. »
La comparaison entre le rapport de votre commission et celui du rapporteur de
la loi de 1844 me laisse penser qu'on reprend, aujourd'hui, le même débat que
voilà 155 ans.
Votre rapporteur indique que les travaux préparatoires de la loi de 1844
montrent clairement que le législateur était favorable à l'autorisation de
certaines chasses de nuit pratiquées dans plusieurs départements. Nous n'avons
pas la même lecture.
L'un des arguments avancés est que la loi de 1844 prévoit que « les préfets
des départements, sur avis des conseil généraux, prendront des arrêtés pour
déterminer : l'époque de la chasse des oiseaux de passage, le temps pendant
lequel il sera permis de chasser le gibier d'eau dans les marais, sur les
étangs, les fleuves et rivières ».
Si les juristes avaient considéré qu'un arrêté préfectoral pouvait autoriser
la chasse de nuit à la hutte, cela aurait été fait depuis longtemps !
La raison est simple. Il est clair, à la lecture des débats, que le
législateur a utilisé le mot « temps » à la place du mot « période » pour
éviter la répétition du mot qui figure à l'alinéa précédent.
Tous les traités de droit de la chasse indiquent que la chasse de nuit est
interdite mais que, dans certains départements, elle bénéficie d'une
tolérance.
La lecture du projet alors présenté par le gouvernement conforte cette
analyse. Ce projet comportait un paragraphe prévoyant que des ordonnances
royales détermineraient les conditions pour la chasse de nuit, disposition
repoussée par les deux chambres, et un deuxième paragraphe qui prévoyait que
des ordonnances royales détermineraient « également » le temps où la chasse au
gibier d'eau est permise. Enfin, les déclarations des députés et des pairs sont
sans ambiguïté sur la volonté d'une interdiction de la chasse de nuit.
Je vous lis un extrait du rapport de l'une des commissions du Parlement
d'alors : « La loi de 1790 donnait à tout propriétaire ou possesseur la faculté
de chasser, en toute saison, sur ses lacs et étangs. La loi nouvelle ne lui
permet cette chasse que pendant le temps qui sera déterminé par le préfet. » Il
est donc sans ambiguïté que le mot « temps » est employé avec le sens de «
saison ».
Enfin, l'analyse juridique du texte démontre que si le préfet pouvait prendre
un arrêté déterminant les heures où la chasse est autorisée, la période définie
ne pouvait en aucun cas comprendre la nuit.
Depuis ces débats, aucun texte n'a jamais mentionné la chasse de nuit en tant
que telle. Mais, et cela n'est pas l'un des moindres paradoxes de la
réglementation cynégétique, certaines dispositions permettent la chasse à la
hutte, à la tonne ou au gabion dont on sait qu'elle doit être nocturne pour
garantir de beaux tableaux de chasse.
Depuis des lustres, le ministre chargé de la chasse, le Conseil supérieur de
la chasse, puis l'Office national de la chasse ont publié des circulaires
concernant la chasse de nuit. Je me limiterai à un passé récent car il se fait
tard et je souhaiterais finir avant la passée du matin.
Le 7 juillet 1977, la direction de la protection de la nature du ministère de
la culture et de l'environnement demandait à l'Office national de la chasse de
ne pas verbaliser les chasseurs qui pratiquaient leur activité à la passée dans
les deux heures avant le lever du soleil ou les deux heures après son coucher
pour la chasse à la botte ou dans les hutteaux mobiles.
Cette instruction s'appliquait aux actes de chasse à partir des tonnes, huttes
ou gabions lorsque l'emploi de ceux-ci était constant dans une région et
faisait partie des usages locaux.
Le 27 avril 1982, une nouvelle lettre de la direction de la protection de la
nature à l'Office national de la chasse constatant les difficultés
d'application de la précédente circulaire, demandait à ce que « soit rappelé
aux gardes qu'il leur appartient, comme le veut la loi, d'apprécier le moment
où la nuit est faite selon les circonstances et de consigner dans leurs
procès-verbaux les éléments d'appréciation correspondants à l'attention du juge
».
Cette lettre indiquait également que la chasse de nuit à la hutte n'était
tolérée que dans 16 départements côtiers en vertu d'anciens usages et qu'il
n'était donc pas possible d'étendre cette tolérance à quelque autre département
que ce soit, notamment de l'intérieur des terres.
Le 26 avril 1986, le directeur de l'Office national de la chasse rappelait la
circulaire de 1977 et donnait une liste des départements où la chasse à la
hutte et au gabion est constante et fait partie des usages locaux. Cette liste
comportait 42 départements, dont certains de haute montagne.
Je n'ai pas encore compris comment on était passé de 16 départements à 42
entre 1982 et 1986, et personne n'a pu m'expliquer cette explosion subite de
traditions ancestrales de chasse nocturne au gibier d'eau. Il est vrai qu'à
cette époque le président de l'Office national de la chasse était également
président de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, mais il me
paraît invraisemblable qu'il y ait une corrélation.
Enfin, le 31 juillet 1996, le directeur de l'Office national de la chasse
diffusait une circulaire reprenant des éléments similaires à ceux qui étaient
contenus dans les précédentes circulaires.
Dans son arrêt du 7 avril 1999, le Conseil d'Etat a statué sur un recours
déposé, je tiens à le rappeler, le 21 janvier 1997, soit bien avant mon
arrivée. Il a constaté que le code rural était sans ambiguïté : la chasse de
nuit est interdite par l'article L. 228-5 du code rural. Il a constaté qu'« en
prescrivant aux agents de l'Office national de la chasse de ne relever les
infractions ... que dans la période en deçà des deux heures avant le lever du
soleil et au-delà des heures après le coucher du soleil - heure légale -
l'instruction méconnaît l'interdiction légale de la chasse de nuit ». Il a, en
conséquence, annulé ces dispositions dans la circulaire.
Les commentaires de cet arrêt par
La Sauvagine
du mois de juin 1999,
bulletin de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau, sont
éloquents. Le rédacteur en chef écrit en effet : « La chasse à la passée est
dorénavant interdite ?
« Faux ! Ce qui est interdit, c'est la chasse à la passée dès l'instant qu'il
fait nuit. Problème : la définition du jour et de la nuit est à la libre
appréciation des agents verbalisateurs et des juges.
« Par temps couvert, il fait nuit parfois 30 minutes après le coucher du
soleil. Par temps clair, on distingue déjà très bien une heure avant le
lever.
« La chasse de nuit à la hutte est interdite ? Vrai ! Elle est interdite par
le code rural, et le Conseil d'Etat ne pouvait donc pas dire autre chose ! La
chasse de nuit est seulement une tolérance qui, jusqu'à ce jour, permettait de
chasser de nuit dans 42 départements. »
J'en viens maintenant, monsieur le président, aux problèmes posés par la
chasse de nuit.
S'agissant de la passée, peu de personnes contestent ce mode de chasse et ce
n'est pas l'intention du Gouvernement de la remettre en cause. Reste à
déterminer à partir de quelle heure et jusqu'à quelle heure elle peut se
pratiquer.
En 1844, un long débat a eu lieu sur ce sujet, aussi bien à l'Assemblée qu'à
la Chambre des pairs. Devant la difficulté de déterminer ce qu'était un acte de
chasse de nuit, il avait été décidé de s'en remettre aux juges. La
jurisprudence s'est établie petit à petit et, comme le rappelle justement votre
rapporteur, il est actuellement considéré que « la nuit doit s'entendre du
temps quotidien pendant lequel la clarté est insuffisante pour permettre de
distinguer la forme et la couleur des objets ».
Je ne suis pas persuadée qu'il soit nécessaire d'établir une norme à ce sujet,
et la décision prise par vos prédécesseurs me semble être la meilleure.
Comme je vous l'ai montré au début de mon intervention, les pays européens
autorisent la chasse à la passée pour une période qui varie de 30 minutes à une
heure et demie après le coucher du soleil, et une période identique avant le
lever du soleil.
Des travaux scientifiques ont mis en évidence qu'une pression de chasse forte
décale les horaires des vols crépusculaires des canards vers des heures aussi
obscures que possible.
Des chasseurs interprètent ce décalage des horaires de vol des canards vers
des heures plus obscures comme une capacité d'adaptation des oiseaux aux
pressions de dérangement qu'ils subissent. Ils ont raison. Mais le coût de
cette adaptation est une moindre capacité des oiseaux à stocker l'énergie
nécessaire à la poursuite de leur cycle annuel, l'effet ultime portant sur le
succès de la reproduction.
Le chasseur d'aujourd'hui, soucieux de la pérennité du gibier, doit se limiter
et la limite d'une heure après et une heure avant le lever du soleil est un bon
compromis.
Je pense donc qu'il est raisonnable, comme c'est actuellement le cas dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, de n'autoriser la
chasse au crépuscule et à l'aube qu'une heure après et avant le coucher et le
lever du soleil.
S'agissant de la chasse de nuit, la situation est différente. Cette chasse est
interdite depuis 1669 dans les bois et forêts et, de façon indiscutable,
partout, depuis 1844.
J'ai été surprise de l'apprendre. J'ai cherché à comprendre pourquoi, depuis
plus de 150 ans, alors que le Parlement a adopté un nombre de lois
impressionnant sur la chasse, personne n'avait songé jusqu'ici à remettre en
cause cette disposition, dont tout un chacun savait qu'elle était régulièrement
violée.
Pourquoi les chasseurs, qui, durant ces 150 ans, ont présenté de nombreuses
demandes de modification de la législation cynégétique, n'ont-ils jamais estimé
prioritaire de clarifier une telle situation ?
Pourquoi, en 150 ans, aucun gouvernement, de droite, de gauche et du centre,
n'a-t-il jamais proposé de modifier cet article du code rural ?
J'ai rapidement compris que les vrais chasseurs ne souhaitaient pas une telle
mesure et que celle-ci n'était demandée que pour une minorité d'entre eux.
J'ai eu l'occasion de consulter les déclarations de M. Gaston Tesson, qui,
pendant près de 20 ans, a présidé la fédération des chasseurs de Vendée et
s'est opposé fermement à ce que cette pratique s'étende à son département.
Aujourd'hui, la chasse de nuit en Vendée n'est ni autorisée ni pratiquée. On
peut donc se poser la question de savoir pourquoi la Vendée figure cependant
sur la liste des départements où l'on déclare sans rougir qu'il s'agit d'une
tradition.
J'ai cherché les raisons pour lesquelles le Parlement, les gouvernements, les
responsables de la chasse n'ont pas, durant 150 ans, modifié une telle loi. Je
vais vous les donner.
La première est l'identification ; c'est d'ailleurs l'argument fondamental de
la Commission européenne. Tout un chacun comprendra que si, la nuit, tous les
chats sont gris, bien des oiseaux se ressemblent. Ce n'est pas une boutade.
J'ai consulté plusieurs spécialistes et tous m'ont confirmé que
l'identification de certains oiseaux la nuit est très difficile. Même un
ornithologiste confirmé peut aisément se tromper. En 1844, cet élément avait
peu d'importance puisque toutes les espèces étaient chassables. Mais,
aujourd'hui, de nombreuses espèces d'oiseaux sont protégées. Cette protection
n'est effective que si le risque de confusion est aussi réduit que possible.
La deuxième raison, qui était la préoccupation principale de vos
prédécesseurs, est la sécurité des gardes chargés de faire appliquer la
réglementation. La nuit, le risque est trop grand pour ces agents d'être
agressés en toute impunité.
Je citerai la circulaire des ministres de l'intérieur et de la justice du 9
mai 1844, qui commentait la loi récemment votée. L'article 9 « interdit la plus
dangereuse de toutes les chasses, la chasse de nuit, qui a été la cause de tant
de meurtres et de crimes contre les personnes ».
Le contrôle de la chasse à la hutte ou au gabion est indispensable. Les
infractions le plus souvent relevées sont la chasse sans permis, le tir
d'espèces protégées ou l'utilisation de magnétophones. Si les contrôles doivent
être réalisés de nuit, vous imaginez les difficultés pour les gardes de
circuler dans un marais ou une vasière. Leur simple arrivée dans un milieu
ouvert, où il est difficile de se dissimuler, déclenche l'alerte et la fuite
des oiseaux. Or le contrôle du permis de chasse, du tir d'espèces protégées ou
de l'usage du magnétophone nécessite d'être sur place au moment de
l'infraction. Autant dire que le contrôle de la chasse de nuit dans les marais
et les vasières est impossible.
La troisième raison est d'ordre biologique. Les oiseaux doivent disposer d'un
moment de tranquillité pour se nourrir et se reposer. S'ils sont chassés le
jour et la nuit, ils sont continuellement soumis au dérangement et ne peuvent
pas suffisamment s'alimenter et se reposer. Cela devient particulièrement
important en fin d'hiver, quand les oiseaux doivent stocker des réserves en vue
de la reproduction. L'impact sur la physiologie des oiseaux d'eau déjà relevé à
propos du décalage des horaires de déplacement s'en trouve aggravé.
Il faut maintenant ajouter une quatrième raison. La directive européenne sur
la protection des oiseaux n'interdit pas expressément la chasse de nuit.
Cependant, la Commission européenne a engagé une procédure d'infraction à
l'encontre de la France suite à la circulaire de l'Office national de la chasse
de 1996. Elle est désormais sans objet compte tenu de l'annulation par le
Conseil d'Etat des dispositions contestées. Il est probable que la proposition
de loi, si elle était adoptée, donnerait lieu à une nouvelle procédure
contentieuse. La Commission européenne a d'ailleurs clairement fait savoir à
mon ministère qu'une légalisation de la chasse de nuit l'inciterait à rouvrir
le dossier qu'elle s'apprêtait à clore après l'arrêt du Conseil d'Etat.
Il est probable que la Cour de justice des communautés considérerait que la
protection complète dont doivent bénéficier les espèces protégées, en
application de l'article 5 de la directive, et les espèces dont la chasse n'est
pas simultanément ouverte, en application de l'article 7, ne serait pas assurée
lors de la chasse nocturne.
Une position analogue à celle qui a été prise par la Cour en 1994 sur
l'échelonnement des dates de chasse aux oiseaux migrateurs est à craindre. La
chasse de nuit ne pourrait être admise que là et quand les autorités
apporteront la preuve de son innocuité pour les autres espèces d'oiseaux,
preuve qui ne pourra, en pratique, jamais être apportée.
De même, l'utilisation d'une dérogation sur la base de l'article 9 de la
directive serait contestée, et probablement condamnée par la Cour.
Je vous cite enfin la réponse faite par la Commission à une question écrite
d'un député européen en 1992 : « Selon la législation française, le permis de
chasse n'autorise pas à chasser la nuit et des sanctions sont prévues pour les
contrevenants.
« La Commission n'a pas connaissance d'une autorisation explicite ou implicite
accordée par le ministère de l'environnement à la chasse de nuit. Une telle
autorisation serait, bien sûr, en contradiction avec la législation nationale
en vigueur (...). La pratique de la chasse de nuit, en raison de son absence de
sélectivité, n'est en principe pas compatible avec les objectifs de régulation
équilibrée et de conservation des espèces d'oiseaux visées par la directive.
« La Commission ne voit pas la nécessité d'engager une action spécifique pour
l'interdiction totale de la chasse de nuit, puisqu'il serait en principe
contraire aux objectifs de la directive que les Etats membres autorisent une
telle pratique. »
Enfin, l'accroissement du nombre de huttes provoque le creusement des mares
attenantes, qui se multiplient. Cela n'est pas sans perturber profondément les
systèmes hydrauliques, au point que les services de l'Etat, comme ceux de
Charente-Maritime, tentent, mais en vain, de réglementer l'installation de
nouvelles huttes.
En conclusion, en ce qui concerne la chasse pratiquée au coucher et au lever
du soleil, le Gouvernement pense qu'elle pourrait effectivement être autorisée
à l'image de ce qui se fait déjà en d'autres pays européens.
En France, le législateur en avait déjà admis le principe en 1844. Il ressort
des débats de l'époque qu'il considérait que, compte tenu de la difficulté de
définir la nuit, il convenait, tout en maintenant le principe de l'interdiction
de la chasse de nuit, de laisser la chasse s'exercer une heure après le coucher
et avant le lever du soleil.
Le second article de la proposition de loi fait suite à l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme concernant la loi Verdeille. Cet article
répond à deux des trois griefs soulevés par la Cour à l'encontre de la France :
l'atteinte au droit de propriété des non-chasseurs et l'atteinte à la liberté
d'association. Il ne répond cependant pas au grief sur la discrimination entre
petits et grands propriétaires, qu'ils soient ou non-chasseurs, ce qui est
pourtant évoqué dans l'exposé des motifs de la proposition de loi.
Le Gouvernement va devoir prochainement répondre au conseil des ministres du
Conseil de l'Europe de la bonne application de l'arrêt de la Cour européenne.
Il salue donc l'intention positive du Sénat de sortir du contentieux engagé il
y a cinq ans. Il souhaite cependant une formulation différente.
Il est bon de rappeler l'origine de ce contentieux.
Gillon et de Villepin écrivaient en 1851 : « La nuit du 4 août 1789 passa sur
le régime féodal : et ce fut, comme on l'a dit depuis pour les droits et
devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou
personnelle et à la servitude réelle,... ce fut... la nuit éternelle !
« L'Assemblée nationale en prononça l'abolition.
« Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes fut pareillement
aboli, et l'Assemblée nationale décréta que tout propriétaire avait le droit de
détruire et faire détruire seulement sur ses possessions toutes espèces de
gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites
relativement à la sûreté publique. C'est l'une des dispositions de l'article 3
de la loi du 4 août 1789. Par une seconde disposition, elle prononça la
suppression de toutes les capitaineries, même royales, et de toutes réserves de
chasse, sous quelque dénomination que ce fût, et déclara qu'elle pourvoirait,
par des moyens compatibles avec le respect dû à la propriété et à la liberté, à
la conservation des plaisirs du roi.
« Puis, par un sublime élan de généreuse humanité, reportant une dernière fois
ses regards sur le passé, et comme pour effacer jusqu'au cruel souvenir d'une
législation qui avait trop duré, l'Assemblée nationale chargea son président de
demander au roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de
chasse, l'élargissement des prisonniers alors détenus et l'abolition des
procédures existantes à cet égard.
« Au point de vue de la chasse, l'oeuvre de l'Assemblée nationale paraissait
accomplie. Le droit naturel, concilié avec le respect dû à la propriété civile,
venait de prévaloir de nouveau dans nos lois ; et la France constitutionnelle
n'avait rien à envier à la législation romaine.
« C'était trop pour notre temps, c'était trop surtout à une époque où la
réaction populaire se croyait en droit d'exercer une sorte de représailles
contre la féodalité vaincue.
« Le décret du 4 août 1789, les abus auxquels il donna naissance imposèrent à
l'Assemblée nationale une mission nouvelle. »
L'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs faisait
remarquer en 1989, citant le maire de Montargis, que les pires excès étaient
alors commis. Le premier magistrat de cette ville, lors d'une réunion du
conseil municipal du 28 octobre 1789, constatait que « les campagnes sont
désolées et dévastées par le nombre prodigieux de chasseurs et de chiens, qui
produisent les plus grands dommages partout ». La passion de la chasse
redécouverte devenait donc plus dévastatrice que le gibier tant accusé dans les
cahiers de doléances. Les paysans finissaient parfois même par négliger la
culture de la terre pour assouvir des désirs si longtemps réprimés. Au début de
l'an III, un certain Collot, fonctionnaire à Charleville, écrivait à la
Convention : « Le plaisir de la chasse est devenu généralement, pour les gens
des campagnes surtout, une passion dominante. Il est beaucoup de villages où
nombre d'habitants ont totalement abandonné leurs états pour se livrer
complètement au braconnage. »
Comme le relate encore l'Union nationale des fédérations départementales des
chasseurs, un certain Poitevin, dans un mémoire adressé au Conseil des
Cinq-Cents, se plaignait amèrement des troubles causés par les chasseurs : «
L'habitude malheureusement est généralement contractée de regarder les lois
comme illusoires, attendu qu'il n'en est presqu'aucune qui soit ponctuellement
exécutée. Il n'existe peut-être pas un seul canton dans la République où des
hommes sans propriétés ne chassent journellement sur celles des autres, ou même
ceux qui ont des propriétés ne chassent indistinctement sur les domaines de
leurs voisins comme sur les leurs. »
Face à cette situation, le pouvoir révolutionnaire resta un temps impuissant.
Le décret du 11 août 1789 s'en était tenu à n'autoriser la chasse qu'aux seuls
propriétaires et laissait à des lois de police ultérieures la faculté de
réglementer son exercice.
Comme l'écrivaient Gillon et Villepin, précédemment cités : « Sublime rôle que
celui d'une assemblée qui, au milieu des oscillations qui succèdent à un grand
ébranlement politique, déracine d'une main d'injustes privilèges et de l'autre
affermit les droits de tous, en protégeant la propriété qui en est le fondement
!
« Telle fut l'origine de la loi du 30 avril 1790 rendue d'urgence.
« Le préambule de cette loi porte :
« L'Assemblée nationale, considérant que, par son décret du 4 août 1789, le
droit exclusif de la chasse est aboli, et le droit rendu à tout propriétaire de
détruire ou faire détruire, sur ses possessions seulement, toute espèce de
gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites
relativement à la sûreté publique ;
« Mais que, par un abus répréhensible de cette disposition, la chasse est
devenue une source de désordres qui, s'ils se prolongeaient davantage,
pourraient devenir funestes aux récoltes, dont il est si instant d'assurer la
conservation, a, par provision, et en attendant que l'ordre de ses travaux lui
permette de plus grands développements sur cette matière, décrété ce qui
suit...
« On abusait de son droit, on ne respectait pas le droit d'autrui ; la loi du
30 avril 1790 sanctionna par une peine la défense de chasser sur le terrain
d'autrui.
« La chasse était permise en tout temps, aux termes du décret du 4 août 1789 ;
l'Assemblée nationale crut devoir protéger les récoltes, en autorisant chaque
département à fixer pour l'avenir le temps dans lequel la chasse serait
permise.
« Cette même assemblée édicta, en l'article 1er de la loi, qu'« il est défendu
à toutes personnes de chasser en quelque temps et quelque manière que ce soit
sur le terrain d'autrui, sans son consentement ».
Cette disposition sera reprise dans l'article 1er de la loi du 3 mai 1844 sur
la police de la chasse, qui dispose que : « nul n'aura la faculté de chasser
sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants
droit ».
Que faut-il entendre par les ayants droit ?
Sous ce terme il faut comprendre l'usufruitier, l'emphythéote et
l'antichrésiste. Mais il est vrai que cette question, fort controversée, a
donné lieu à de longs débats.
Le code rural dans sa partie législative, dans l'article L. 222-1, reprendra
le principe élaboré par la Révolution française sous une formulation quasi
identique à celle de la loi du 3 mai 1844 : « Nul n'a la faculté de chasser sur
la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants
droit. »
La loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations
communales ou intercommunales de chasse agréées, loi due à l'initiative du
sénateur socialiste Fernand Verdeille, va déroger à l'ancien principe
républicain. Elle va permettre la chasse chez autrui sans son consentement s'il
est petit propriétaire.
C'est pour le moins paradoxal de la part d'un élu dont la philosophie
politique aurait dû plutôt favoriser les propriétaires que les capitalistes
dotés de vastes domaines.
En effet cette loi, en son article 3, édicte que, pour être recevable,
l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse doit porter
sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt
hectares. Ce minimum est abaissé, pour la chasse au gibier d'eau, à trois
hectares pour les marais non asséchés et à un hectare pour les étangs ; cette
superficie est réduite à cinquante ares pour les étangs dans lesquels, au 1er
septembre 1963, existaient des installations fixes, huttes et gabions.
Ce minimum est également réduit à un hectare sur les terrains où existaient,
au 1er septembre 1963, des postes fixes destinés à la chasse aux colombidés. Il
est porté à 100 hectares pour les terrains situés en montagne au-dessus de la
limite de la végétation forestière. Des arrêtés pris, par département, dans des
conditions prévues au premier alinéa de l'article 2, pourront augmenter les
superficies minimales ainsi définies. Les augmentations ne pourront excéder le
double des minima fixés.
L'intention était louable : il s'agissait de contraindre les chasseurs à
regrouper leurs territoires de chasse, à instituer des réserves de chasse dans
chaque commune et à gérer collectivement le gibier là où, bien souvent, régnait
auparavant une aimable anarchie. Cette loi les obligeait à adhérer à une
association communale ou intercommunale chargée de cette gestion collective. En
termes purement cynégétiques, la loi Verdeille peut donc être, lorsqu'elle est
bien appliquée, une bonne loi d'organisation de la chasse. Je l'ai d'ailleurs
dit à plusieurs reprises.
La loi Verdeille devait rencontrer l'opposition de ceux qui ne souhaitaient
pas que s'exerce chez eux un loisir qu'ils ne pratiquaient pas eux-mêmes.
Des députés comme MM. Xavier Deniau et Pierre Ruais ne manquèrent pas de le
faire remarquer lors de la première lecture, le 9 juin 1964. Ils se faisaient
alors les porte-parole des petits propriétaires injustement contraints à subir
chez eux une chasse non désirée sans d'ailleurs, pour autant, être des
opposants à ce loisir.
Comme le disait Xavier Deniau, « même si vous n'êtes pas chasseur, vous
subirez la règle. On ne vous demandera pas si vous entendez chasser ou non. Un
certain nombre de gens pourront venir chasser dans votre propriété, auxquels
vous pourrez vous mêler ou non, selon que vous détiendrez ou non un permis de
chasse. (...) Vous aurez donc, dans une même région, côte à côte, un grand
propriétaire qui louera sa chasse à un prix élevé à des sociétés parisiennes et
son voisin, propriétaire d'un petit terrain, qui n'aura plus le droit de
chasser sur ses terres, à moins que ce ne soit en compagnie d'autres chasseurs
qu'on lui aura imposés ». Pierre Ruais ajoutait : « Le projet de loi tel qu'il
nous est soumis n'intéresse pas seulement les chasseurs. Cependant, il a été
élaboré et défendu uniquement dans l'optique de la chasse, en particulier dans
l'intérêt des chasseurs.
« Il ne tient pas spécialement compte des droits fondamentaux de tous ceux qui
ne sont pas chasseurs. (...) Quand on examine le projet de loi sous l'angle de
ceux qui ne sont pas chasseurs, on s'aperçoit qu'il a cette conséquence
fâcheuse qu'un petit propriétaire, à l'encontre d'un propriétaire de vingt
hectares ou plus, ne peut utiliser son terrain à tel usage qui lui plaît, même
si cet usage ne nuit en rien au voisin ou même à des sociétés de chasse. »
En conséquence, M. Deniau, auquel se joignait M. Charié, déposait un
amendement ainsi rédigé : « Tout propriétaire a droit, sur simple déclaration
adressée au préfet et pour la durée qui lui conviendra, de faire classer
"réserve" le terrain, de quelque superficie qu'il soit, lui appartenant, qu'il
soit ou non enclavé dans le domaine d'autrui, s'interdisant par là, à lui-même
ou à quiconque, d'y chasser. » Cet amendement était repoussé par l'Assemblée
nationale par 221 voix contre 211. Nous en payons aujourd'hui les conséquences
au travers de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 29 avril
dernier.
Le 29 juin 1964, dans cette enceinte, M. Jean de Bagneux reprenait à son
compte les arguments des députés Charié, Deniau et Ruais. Il demandait au
ministre de l'agriculture que les décrets d'application de la loi tiennent
compte du légitime souci des petits propriétaires non chasseurs, ce qui ne
s'est pas fait.
La loi Verdeille, qui concerne maintenant près de 10 000 communes réparties
dans près de soixante-dix départements, s'est mise en place progressivement,
sans heurts, dans la majorité des cas.
En effet, lorsque les responsables des associations communales de chasse
agréées étaient de bonne volonté, les propriétaires non-chasseurs ont obtenu
que leurs terrains soient placés en réserve de chasse.
Mais il faut bien aussi convenir que certains responsables se font fait un
malin plaisir d'imposer la chasse sur le territoire de non-chasseurs. Je suis
d'ailleurs saisie d'un nombre croissant de protestations de ruraux qui se
plaignent du comportement de certains chasseurs. Ainsi, tout récemment, le
directeur départemental de l'agriculture et de la forêt d'un département de
l'ouest de la France faisait-il état de conflits de plus en plus fréquents
entre chasseurs et non-chasseurs. Les premiers font preuve de comportements
agressifs à l'égard des seconds et certains présidents d'ACCA - associations
communales de chasse agréées - plutôt que de rechercher par la concertation des
solutions amiables s'arc-boutent sur des considérations procédurières. Ils
bloquent les demandes de retrait des ACCA auxquels ont droit les propriétaires
qui ont procédé, dans le cadre de regroupement des terres autour des sièges
d'exploitation agricole, à la constitution de territoires de vingt à trente
hectares d'un seul tenant.
Je tiens à vous citer deux lettres reçues d'autres régions de France,
représentatives de l'ensemble du courrier reçu.
M. G. vit en Ariège, où il s'est installé sur une petite exploitation agricole
de dix-huit hectares, il y a une dizaine d'années, après un licenciement dû à
la fermeture de l'entreprise qui l'employait.
« L'investissement à peine commencé, écrit-il, les chasseurs voyaient d'un
mauvais oeil ce projet les privant d'un territoire de chasse. Nous avons subi
de violentes menaces, un de mes chiens fut abattu, des tirs d'intimidation nous
furent adressés ainsi que des menaces de mort verbales. J'ai bien essayé de
résister, de me défendre un peu face à cette hostilité. Vivant constamment dans
la crainte d'un mauvais coup, mon épouse, mes enfants, et moi-même avons décidé
sous la contrainte de vendre à perte notre propriété. »
M. C... habite la Lozère. Il m'écrit : « J'ai soixante-treize ans et une
retraite d'exploitant agricole (...). Dans ma commune, il a été créée une ACCA,
il y a une dizaine d'années. A l'époque les créateurs de cette association ont
fait signer les propriétaires terriens pour leur demander de leur céder les
droits de chasse sur leurs terres. La majorité des propriétaires ont signé un
contrat de six ans renouvelable par tacite reconduction. Aujourd'hui, nous
sommes neuf propriétaires représentant environ 130 hectares d'un seul tenant
qui demandons le retrait du droit de chasse à l'ACCA. Le président de cette
association nous le refuse, invoquant la loi Verdeille qui, d'après lui, est
faite pour les chasseurs et non pour les propriétaires. »
Pour s'être opposés physiquement ou intellectuellement à la chasse ou « par
erreur », des non-chasseurs ont même été tués chez eux : Cosimo Lipartiti dans
le Var en 1984, Claude Monod dans les Alpes-de-Haute-Provence en 1990, Pierre
Leschera dans les Alpes-Maritimes en 1991.
C'est pourquoi, depuis le début des années quatre-vingt, des associations de
protection de la nature ou de non-chasseurs ont demandé l'instauration d'un
droit de gîte dont le projet allait être soutenu par deux de mes prédécesseurs
M. Brice Lalonde et Mme Ségolène Royal. L'intransigeance des instances
cynégétiques allait bloquer toute possibilité d'évolution de la situation et
conduire à une saisine de la Cour européenne des droits de l'homme.
J'ai pu le mesurer moi-même. J'ai dit au congrès des fédérations
départementales de chasseurs le 22 juillet 1997 que, si la loi Verdeille était
une bonne loi cynégétique, elle n'en posait pas moins un problème à ceux qui ne
partagent pas la passion de la chasse et doivent accepter l'exercice de la
chasse chez eux. Il s'agissait de l'un des aspects des rapports conflictuels
entre chasseurs et non-chasseurs.
A mes yeux, la seule issue à cette situation était - et est toujours - la
concertation et le respect.
A lire le courrier reçu depuis que j'ai en charge la chasse comme ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, j'ai l'impression que ce
message n'a pas été entendu.
Il n'était donc pas étonnant que, après avoir épuisé les possibilités de
recours devant les juridictions françaises, dix petits propriétaires fonciers
et agriculteurs non chasseurs de Dordogne et de la Creuse aient introduit des
requêtes devant la Commission européenne des droits de l'homme en avril 1994 et
avril 1995. Cette commission, qui prépare le travail de la Cour européenne des
droits de l'homme, déclarait recevables les requêtes et adoptait en octobre et
décembre 1997 trois rapports établissant que l'application de la loi Verdeille
conduisait effectivement à une violation de la Convention européenne des droits
de l'homme sur les point suivants : l'obligation faite aux propriétaires
d'apporter le droit de chasse à une association communale de chasse agréée se
révèle une ingérence disproportionnée dans leur droit de propriété, dès lors
qu'elle ne prévoit aucune indemnisation des propriétaires non chasseurs ; la
différence de traitement entre les grandes propriétés - qui peuvent échapper à
l'adhésion à une association communale de chasse agréée - et les petites qui
sont obligées d'adhérer est discriminatoire ; enfin, l'obligation faite par la
loi de contraindre un individu d'adhérer à une association dont il ne partage
pas les buts, voire dont les buts sont contraires à ses convictions, porte
atteinte à la substance même du droit à la liberté d'association.
C'est à une large majorité de ses membres que la Commission s'est prononcée
sur ces griefs. La suite logique a été une demande introductive d'instance
invitant la Cour à se prononcer sur les violations qu'elle a relevées.
Afin de donner satisfaction au monde cynégétique français très attaché à la
loi Verdeille, y compris dans ses aspects les plus extrêmes, la stratégie de la
France a été de défendre devant la Cour européenne des droits de l'homme la loi
Verdeille en l'état. Mes efforts, tout comme ceux de mon collègue ministre des
affaires étrangères, pour que l'on fasse connaître à la Cour, afin d'éviter une
condamnation, notre intention d'amender la loi Verdeille, n'ont pas été
couronnés de succès. Le résultat, vous le connaissez.
Par douze voix contre cinq, la Cour a jugé qu'il y avait violation de
l'article 1er du protocole n° 1 quant à l'atteinte au droit de propriété des
requérants en ce qu'ils étaient obligés de supporter tous les ans sur leurs
fonds la présence d'hommes en armes et de chiens de chasse et qu'il n'y avait
pas de compensation dans la loi Verdeille au profit des propriétaires non
chasseurs. Tout en relevant que les buts recherchés par la loi de 1964 étaient
légitimes, la Cour considère qu'obliger les petits propriétaires à faire apport
de leur droit de chasse sur leurs terrains pour que des tiers en fassent un
usage totalement contraire à leurs convictions se révèle une charge démesurée
qui ne se justifie pas sous l'angle du second alinéa de l'article 1er du
protocole n° 1. Il y a donc violation de cette disposition.
Par quatorze voix contre trois, la Cour a jugé qu'il y avait violation de
l'article 1er du protocole, combiné avec l'article 14 de la Convention. En
effet, la Cour a considéré que la France n'a pas pu expliquer de manière
convaincante comment l'intérêt général pouvait être servi par l'obligation
faite aux seuls petits propriétaires de faire apport de leur droit de chasse
sur leurs terrains.
Dans la mesure où la différence de traitement opérée entre les grands et les
petits propriétaires a pour conséquence de réserver seulement aux premiers la
faculté d'affecter leur terrain à un usage conforme à leur choix de conscience,
elle constitue une discrimination fondée sur la fortune foncière au sens de
l'article 14 de la Convention. Il y a donc violation de l'article 1er du
protocole n° 1, combiné avec l'article 14 de la Convention.
Par seize voix contre une, la Cour a jugé qu'il y avait violation de l'article
11 combiné avec l'article 14 de la Convention. La Cour estime que la France n'a
avancé aucune justification objective et raisonnable de la différence de
traitement contestée, qui oblige les petits propriétaires à être membres des
associations communales de chasse agréées et permet aux grands propriétaires
d'échapper à cette affiliation obligatoire, qu'ils exercent leur droit de
chasse exclusif sur leur propriété ou qu'ils préfèrent, en raison de leurs
convictions, affecter celle-ci à l'instauration d'un refuge ou d'une réserve
naturelle. En conclusion, il y a violation de l'article 11 combiné avec
l'article 14 de la Convention.
Enfin, la Cour, après avoir pris note du fait que les requérants ne
demandaient rien au titre des frais et dépens, ayant été représentés
gratuitement devant les organes de la Convention, a rejeté leur demande en
réparation du préjudice matériel allégué, faute de justificatifs. En revanche,
statuant en équité, la Cour a accordé à chacun des requérants la somme de 30
000 francs pour dommage moral.
A la suite de cet arrêt, le Gouvernement a fait savoir le jour même qu'il
prendrait les dispositions utiles pour respecter celui-ci : il s'agira non
seulement de verser les indemnités allouées aux requérants, mais également de
préparer les aménagements à apporter à la loi Verdeille. Elle devra, à
l'avenir, mieux répondre aux principes relatifs à la protection du droit de
propriété et à la liberté d'association, tels qu'interprétés par la Cour
européenne des droits de l'homme.
La proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse
répond partiellement à deux des trois grands griefs retenus par la Cour
européenne des droits de l'homme à l'encontre de la France, à savoir ceux qui
concernent l'atteinte au droit de propriété et à la liberté d'association, mais
elle ne répond pas au grief relatif à la discrimination entre petits et grands
propriétaires, qu'ils soient ou non chasseurs, ce qui est pourtant évoqué dans
l'exposé de cette loi.
N'y lit-on pas, à propos de l'arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme : « Cet arrêt, qui est d'application immédiate, est d'ores et déjà
considéré comme permettant à tous les propriétaires fonciers - chasseurs ou
non-chasseurs - de retirer leur fond du territoire de l'ACCA » ?
Il convient donc d'aller jusqu'au bout de la logique initiée par cette
remarque. La France va devoir, en effet, dans un proche avenir, justifier, face
au conseil des ministres du Conseil de l'Europe, de mesures mettant en
conformité sa législation avec les conclusions de la Cour européenne des droits
de l'homme.
Afin que soient évaluées toutes les conséquences de l'arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme, j'ai demandé au Conseil d'Etat de nommer l'un
de ses membres pour présider un groupe de travail. Ce groupe rassemblera des
représentants des ministères et des établissements publics concernés et pourra
associer à ses travaux des élus et des représentants des organisations et des
associations partie prenante aux débats sur les modalités d'exercice de la
chasse.
A mon avis, sur cet aspect de la chasse comme dans d'autres domaines, il n'y
aura pas, sans compromis, de solution durable aux conflits, entretenus
quelquefois artificiellement pour des raisons politiciennes, entre les
chasseurs, les non-chasseurs et les protecteurs de la nature.
Un peu à l'image de ce qu'avaient entamé, à la fin des années soixante-dix,
l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et
France-Nature-Environnement, j'ai tenté à plusieurs reprises de recréer les
conditions du dialogue.
Durant l'été 1997, un déjeuner était programmé sur mon initiative entre
l'Union nationale des fédérations départementales des chasseurs et
France-Nature-Environnement, comme je l'avais annoncé, le 22 juillet 1997, au
congrès des présidents de fédérations départementales de chasseurs.
Quelques jours avant ce déjeuner, le président de l'Union adressait aux
présidents de fédérations une lettre circulaire leur faisant part de ses
profondes réserves sur la relance de la procédure Natura 2000, à laquelle
tenaient beaucoup les associations de protection de la nature. Le déjeuner a du
être annulé.
En avril 1998, après que j'ai mis en place un groupe de réflexion sur la
chasse aux oiseaux migrateurs, les protecteurs de la nature,
France-Nature-Environnement et la ligue pour la protection des oiseaux, étaient
prêts, comme les chasseurs de l'Association nationale pour une chasse
écologiquement responsable, à s'engager dans un compromis sur les dates
d'ouverture et à aller le plaider auprès de la Commission européenne.
L'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs et
l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau ont refusé cette main
tendue. Les contentieux ont donc recommencé.
Une nouvelle tentative a été lancée en février dernier par mon cabinet en
liaison avec celui du Premier ministre. Il s'agit de faire dresser un bilan des
connaissances actuelles sur la reproduction et la migration des oiseaux par un
groupe scientifique animé par le professeur Lefeuvre. Ce groupe est composé de
membres du CNRS, de l'Académie des sciences, du Muséum national d'histoire
naturelle, des universités et de l'Office national de la chasse.
A l'issue de ce bilan, il sera proposé aux chasseurs et aux protecteurs
d'élaborer un compromis compatible avec la directive « Oiseaux », et donc
acceptable par la Commission européenne, sur les dates d'ouverture et de
fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs. Ce compromis permettra au
Gouvernement d'aller négocier avec la Commission les modalités de chasse aux
migrateurs permettant d'éviter une condamnation de la France par la Cour de
justice des communauté européennes.
Je constate, par ailleurs, que mon directeur de cabinet et plusieurs membres
de ce cabinet ainsi que la direction de la nature et des paysages ont consacré
et consacrent, en concertation avec les chasseurs et les non-chasseurs, les
parlementaires et les responsables cynégétiques, bien plus de temps à trouver
des solutions de compromis qu'ils n'en passent avec toute autre catégorie
d'usagers de la nature.
Je constate également qu'année après année des lois relatives à la chasse sont
votées « d'urgence » et « à titre provisoire » sans souci de cohérence et
qu'elles conduisent à un édifice branlant, rafistolé au gré des humeurs du
moment et source de conflits et de contentieux sans fin malgré les déclarations
de leurs auteurs.
Le 30 juin 1994, votre assemblée discutait d'une proposition de loi relative
aux dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs dont l'une des
finalités était, si l'on se rapporte par exemple aux interventions de MM. de
Catuelan ou Lacour, de mettre fin à des conflits multiples d'interprétation de
la directive « Oiseaux » et d'anticiper sa modification.
Cette directive - faut-il le rappeler encore ? - a été promue par la France,
adoptée à l'unanimité et signée par le président de votre commission des
affaires économiques et du Plan qui était, à l'époque, ministre des affaires
étrangères et président du Conseil des ministres européens.
M. Althapé, avec beaucoup de clairvoyance, constatait, quant à lui, qu'« une
fermeture échelonnée de la chasse aux gibiers d'eau et aux oiseaux de passage
ne correspond pas à une bonne gestion de ces espèces non menacées. De plus,
cette fermeture échelonnée générerait de nombreux conflits et des recours qui,
une fois de plus, créeraient un climat insupportable ».
Il ne croyait pas si bien dire puisque le vote de la loi du 15 juillet 1994 a
conduit à la multiplication de contentieux ; trente-sept arrêtés préfectoraux
pris en vertu de cette loi ont été attaqués, vingt-trois ont été annulés, et la
Commission européenne a saisi la Cour de justice des Communautés européennes
pour infraction à la directive « Oiseaux ».
De même, la fixation de dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier
d'eau, selon des modalités qui seront reprises dans la loi du 3 juillet 1998,
avait conduit le Conseil d'Etat à casser quatre-ving-sept des quatre-vingt-neuf
arrêtés signés par mes prédécesseurs.
Quant aux suites de la loi du 3 juillet 1998, elles sont similaires. Les
tribunaux administratifs ont annulé dix-sept arrêtés préfectoraux pris en
fonction des dates de fermeture fixées par cette loi, mais la cour d'appel de
Bordeaux vient de casser ces jugements concernant trois départements. Les
tribunaux administratifs ont rejeté douze recours et ne se sont pas prononcés
sur le fond pour quatre départements. Quant à la Commission européenne, elle a
saisi la Cour de justice des Communautés européennes, le 5 février 1999, à
propos de la loi du 3 juillet 1998.
Contrairement à ce qui a été rapporté, çà et là, dans la presse cynégétique,
je tiens à préciser que je n'ai pas répondu subrepticement, en août 1998, à la
Commission européenne, ce qui « aurait » entraîné la saisine de la Cour de
justice. La raison en est simple ; jamais un ministre ne répond directement à
la Commission européenne.
Les réponses de la France relatives aux mises en demeure ou aux avis motivés
sont préparées par le secrétariat général du comité interministériel pour les
questions de coopération économique européenne, le SGCI, placé auprès du
Premier ministre, sur la base des éléments techniques communiqués par les
ministères compétents. Elles sont ensuite transmises à la représentation
permanente de la France auprès des institutions européennes à Bruxelles, qui
les transmet, à son tour, à la direction générale compétente de la Commission
européenne.
Quant aux documents rédigés dans les affaires devant la Cour de justice ou le
tribunal de première instance, ils sont, là encore, rédigés lors de réunions
interministérielles au SGCI. Les ministères compétents apportent leur expertise
sur les éléments techniques indispensables à la rédaction, par le ministère des
affaires étrangères, du document finalisé comme le mémoire en intervention, le
recours ou la plaidoirie.
Le document avalisé par l'ensemble des départements ministériels est ensuite
transmis au greffe de la Cour ou du tribunal par le ministère des affaires
étrangères.
La confusion la plus totale règne donc encore, et les contentieux que le
Parlement disait vouloir éteindre avec la loi du 3 juillet 1998 ont redémarré
de plus belle. Ils concernent jusqu'à présent les dates de fermeture, mais il
faut s'attendre, dans les prochains mois, à un ou à des arrêts du Conseil
d'Etat sur les dates d'ouverture. Cela montre que les lois dites « provisoires
», bricolées à la hâte, ne résolvent pas les problèmes posés.
Sur la proposition de loi elle-même, quelle cohérence y a-t-il entre le
premier et le second article ? Quel rapport y a-t-il entre la chasse de nuit et
la loi sur les associations communales de chasse agréées ?
Je partage tout à fait les conclusions de votre commission sur le fait qu'une
loi d'orientation sur l'organisation générale de la chasse en France est
devenue nécessaire. C'est pourquoi le Gouvernement a l'intention de mettre
rapidement en chantier une loi qui traitera des différents aspects de la
chasse, intégrant aussi bien les questions qui touchent aux associations de
chasseurs et à la garderie que celles qui concernent les périodes et les
modalités de la chasse.
Trois chantiers ont déjà été ouverts : celui sur les fédérations et la
garderie à la suite du rapport de l'inspecteur général Cailleteau, celui sur
les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs avec le travail du groupe animé
par le professeur Lefeuvre, enfin, celui qui aura pour mission de tirer les
conclusions de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, dont j'ai
parlé tout à l'heure.
C'est pourquoi je vous rejoins, madame le rapporteur, lorsque vous écrivez : «
Le vote d'une loi d'orientation sur l'organisation générale de la chasse en
France apparaît désormais indispensable. Elle aura pour objectif de dégager, à
partir d'un consensus entre tous les partenaires concernés - chasseurs,
protecteurs et usagers de la nature - un corps de principes rénové réglementant
l'exercice de la chasse. »
C'est également pourquoi je ne vous comprends plus lorsque vous soutenez une
proposition de loi qui ne résulte ni des travaux de réflexions engagés ni de ce
consensus que vous appelez de tous vos voeux.
C'est également pourquoi le Gouvernement ne peut accepter la proposition de
loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.
Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre patience.
M. le président.
La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'heure
matinale de nos débats ne se prêtant guère à des morceaux d'éloquence, je serai
bref, tout en m'efforçant de rester dans le cadre de notre proposition de loi.
Le rapport très précis et très rigoureux de notre collègue Anne Heinis me
conforte dans cet objectif. Je présenterai simplement trois remarques.
Première remarque : les propositions issues de réflexions conduites au sein du
groupe d'études « chasse et pêche » que j'ai l'honneur de présider sont fondées
sur le souci permanent d'une bonne gestion cynégétique et non sur un quelconque
laisser-aller. Certes, si le dialogue s'était engagé plus souvent avec votre
ministère, les choses n'en seraient pas là, madame le ministre.
Pour le gibier d'eau, nous revendiquons et la déclaration des installations
fixes et la tenue d'un carnet de prélèvement. Ces mesures viennent en
complément des plans de gestion, dont nous avons voté le principe l'année
dernière, mais qui, à ma connaissance, n'ont connu jusqu'à présent aucune
traduction réglementaire, en dépit de nos appels répétés depuis le 15 janvier
1998.
Deuxième remarque : les deux articles soumis à l'appréciation de la Haute
Assemblée visent simplement à régler des situations urgentes et à ouvrir la
voie à une réflexion d'ensemble, que nous conduirons au sein de notre groupe
d'études.
Nos propositions ne sont toutefois ni improvisées ni superflues. Ni
improvisées, car nous avons procédé à de nombreuses auditions. Ni superflues,
car elles visent à répondre à des préoccupations très concrètes, dans
l'urgence, à défaut de réponse du ministère de l'environnement aux problèmes
posés actuellement aux chasseurs de France. Je demande donc au Sénat de bien
vouloir les approuver et, si je ne rêve pas, au Gouvernement d'inscrire
d'urgence à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le texte qui résultera de
nos travaux.
Troisième remarque : ces propositions ont été présentées bien avant le 13 juin
dernier et ne sauraient donc être analysées à travers une quelconque grille
d'interprétation partisane. Tous les groupes du Sénat, par l'intermédiaire de
certains de leurs membres, ont été associés à la préparation de cette
proposition de loi, excellement rapportée ensuite par Mme Heinis, au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan. C'est donc la représentation
nationale qui s'exprimera et je récuse par avance la caricature commode du «
groupe de pression », qui ne manquera pas d'être faite.
Mes chers collègues, et je conclurai sur ce point en respectant mon engagement
de brièveté, qui contrastera avec l'orateur précédent
(Sourires),
soyons
fiers, transparents et résolus en votant cette proposition de loi. Fiers de
faire prévaloir le bon sens de la gestion cynégétique. Transparents, parce que
tous les éléments techniques et juridiques du dossier sont portés à la
connaissance de nos concitoyens. Résolus à ne pas nous plier à des modes ou à
un sectarisme peint en vert, mais prêts à rechercher en permanence le difficile
équilibre entre la tradition et la modernité. Et je suis certain, mes chers
collègues, qu'à l'issue de nos débats nous voterons, unanimes, la proposition
de loi qui est présentée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai tenu à
m'exprimer dans ce débat sur la chasse et plus précisément sur la proposition
de loi rapportée par notre collègue Mme Anne Heinis pour au moins trois
raisons.
La première, c'est que je ne suis pas chasseur ! Voilà au moins une
particularité qui pourrait nous rassembler, madame la ministre, et me permettre
de vous faire partager plus aisément mon analyse, ne pouvant être taxé ni de
passion ni de sectarisme à l'égard d'une activité que j'appréhende à la fois
comme citoyen et comme biologiste.
En tant que citoyen, je considère que la chasse s'apparente à un espace de
liberté qui, en fonction des différentes régions françaises, a acquis une vraie
dimension culturelle. Au fil des siècles, nos traditions et nos coutumes ont
façonné la France d'aujourd'hui et toute restriction d'une activité qui ne met
en péril ni l'autorité de l'Etat ni celle de nos écosystèmes est, selon moi,
une erreur fondamentale.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Jean Bizet.
Cet espace de liberté, c'est aussi la lisibilité d'une société qui ne souhaite
ni l'uniformité, ni le poids et la contrainte de lois inutiles qui, comme le
soulignait Montesquieu, affaiblissent celles qui sont nécessaires. Je crains
qu'en voulant restreindre cet espace de liberté vous ne preniez une lourde
responsabilité : heurter une opinion publique qui estime, à juste titre, qu'il
y a dans ce pays d'autres préoccupations et d'autres enjeux.
Passionné de biologie et d'écologie au sens de respect des biotopes et des
écosystèmes, je pense, madame la ministre, et c'est là ma deuxième raison, que
vous vous faites une idée erronée de la chasse. La chasse ne se borne pas au
seul acte de tuer. Bien plus, elle permet de gérer un équilibre entre la faune
et la flore d'un écosystème.
De même que la jachère n'a jamais constitué un élément positif pour la
protection et l'évolution de l'environnement, l'interdiction de la chasse
déséquilibrera tôt ou tard les écosystèmes de nos régions françaises.
M. Roland Courteau.
C'est exact !
M. Jean Bizet.
Je côtoie régulièrement les chasseurs de la baie du Mont-Saint-Michel et je
connais le souci qui est le leur de gérer les populations d'oiseaux migrateurs
qui séjournent chaque année dans cette région particulière. L'étude et le
comptage de ces animaux est une de leurs activités majeures et, année après
année, leur préoccupation est d'assurer la pérennité de l'existence et du
passage de ceux-ci.
Tout aussi paradoxal que cela puisse paraître, la chasse est une activité
indissociable de la connaissance, de la protection et de la pérennité du monde
animal et de son environnement.
De même que je n'ai pu partager votre analyse de l'aménagement du territoire
faisant des espaces ruraux des espaces à « ménager », et non à aménager,
recevant leur richesse des territoires urbains de proximité, je crains qu'une
vision restrictive et, avouons-le, trop étroite de la chasse ne coupe davantage
encore ces 80 % de la population française, celle qui est urbanisée, de ses
vraies valeurs et de ses racines et ne contribue pas en fait à protéger la
faune. En effet, en l'absence d'une intervention humaine, une espèce prédatrice
entraînera inévitablement, à terme, un déséquilibre de l'écosystème et mettra
en danger la pérennité de celui-ci.
M. Roland Courteau.
Tout à fait !
M. Jean Bizet.
On ne peut aborder ces sujets spécifiques que sont la chasse, l'environnement,
voire l'aménagement du territoire, sans au préalable voir, écouter, comprendre
la problématique de ceux qui vivent le territoire au quotidien.
La proposition de loi qui vous est soumise et que j'ai cosignée est le reflet
d'une recherche d'un meilleur équilibre et d'un profond souci de respecter les
traditions, d'une part, et le droit de propriété, d'autre part.
Les traditions : à travers la chasse à la passée et la chasse de nuit au
gibier d'eau dans quarante-deux départements où cette pratique est inscrite
depuis plusieurs siècles et, à ma connaissance, n'a pas entraîné la disparition
de ces espèces animales.
Le droit de propriété : puisque, dans les territoires de chasse gérés en
application de la loi Verdeille par les associations communales de chasse
agréées, les petits propriétaires hostiles à la chasse pourraient interdire
toute action de chasse sur leurs terrains.
Madame la ministre, j'ignore si j'ai pu vous convaincre mais, connaissant vos
prises de position sur ce sujet depuis des années, je crains que non. Alors,
permettez-moi une dernière réflexion.
Les Français sont de plus en plus désabusés par la politique. Les dernières
élections l'ont clairement démontré puisque plus de la moitié d'entre eux ont
refusé de voter et 7 % environ ont émis un vote blanc ou nul. Pourquoi ? Tout
simplement, selon moi, parce que la classe politique ne les fait plus rêver.
Si demain, en plus, vous les privez de la liberté de vivre leur passion, alors
même que cette passion, je le répète, ne met en péril ni l'autorité de l'Etat
ni l'équilibre des écosystèmes, vous prendrez le risque de faire de cette
société celle des interdits : interdit de pratiquer une chasse ancestrale,
celle de la chasse à la passée et de la chasse au gabion ; interdit de
travailler plus de trente-cinq heures, orientation majeure d'un gouvernement en
totale rupture avec les autres pays industrialisés ; interdit de faire du
profit, la fiscalité étant là pour décourager les industries ou les individus
les plus dynamiques ou entreprenants. Je pourrais continuer la liste... Elle
est longue.
M. Roland Courteau.
On s'égare !
M. Jean Bizet.
Madame la ministre, regardez l'histoire, elle est pleine d'enseignements. Ces
sociétés d'interdits n'ont jamais été synonymes de progrès et de richesses, et
je ne pense pas que cela soit l'objectif du Gouvernement, sauf à nous le dire
très clairement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère.
Madame la ministre, vous avez indiqué dans votre conclusion que vous étiez
très attachée à la préservation des espèces et des espaces. Le groupe auquel
j'ai l'honneur d'appartenir et moi-même, nous y sommes, nous aussi, très
attachés.
J'ai beaucoup apprécié votre intervention très fouillée. Si j'avais quelque
compétence - mais comme je n'en ai pas, je ne me livrerai pas à ce jeu -
répondant à un article d'un quotidien récent, je conseillerais au Premier
ministre de continuer à vous confier ce ministère. Vous devez absolument y
rester tant sont importantes et impressionnantes les compétences que vous y
avez acquises.
(Mme le ministre sourit.)
Je me bornerai à vous dire que, si vous le souhaitez, je vous donnerai des
éléments encore plus pertinents, jusqu'à la race des chevaux qui permettent la
chasse au canard et à la sauvagine dans les barthes de l'Adour. Je vous
indiquerai aussi la marque des cercueils et un certain nombre de détails qui
pourront encore améliorer l'aspect performant et documenté d'une telle
intervention, dont j'ai apprécié la conclusion.
Oui, madame la ministre, les membres de mon groupe et moi-même souhaitons de
tout coeur qu'un grand débat sur la chasse et une loi globale, après une longue
concertation avec toutes les associations concernées, puissent mettre un terme
à toutes les tracasseries dont nous sommes victimes depuis de nombreuses
années.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Roland du Luart.
Je suis tout à fait d'accord !
M. Jean-Louis Carrère.
Votre arrivée au Gouvernement n'est certes pas le déclencheur exclusif de
toutes ces tracasseries. Il y en avait avant ; il y en a depuis. Se sont-elles
accrues ? Je vous laisse juge.
Ce que je constate, c'est que les éléments majeurs qui nous conduisent
aujourd'hui à examiner cette proposition de loi sont intervenus, si ma mémoire
est bonne, le 7 avril pour l'un, et le 29 avril pour l'autre. Un certain nombre
de problèmes que nous connaissons en matière d'arrêts, de tribunaux
administratifs, de dates d'ouverture, de dates de fermeture sont plus anciens.
Je suis étonné que le Gouvernement n'ait pas mis à profit cette période pour
faire de la concertation et travailler afin que ce texte de loi puisse régler
les problèmes avant l'ouverture de la saison de chasse 1999-2000.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Jean-Louis Carrère.
Je crains que l'on n'ait été préoccupé par d'autres enjeux, que je respecte et
qui m'ont occupé moi aussi.
M. Ladislas Poniatowski.
C'est bien vu !
M. Jean-Louis Carrère.
Mais, dans le même temps, sachez qu'ici, au Sénat, de nombreux groupes, mais
je ne m'exprimerai qu'au nom du mien, sont disponibles pour cette concertation
dans le sens que vous avez indiqué, madame la ministre : la pratique de
cultures et de traditions dans le respect et la protection des espèces. Nous y
sommes prêts quand vous le souhaiterez et nous y participerons. Si telle n'est
pas la méthode utilisée, nous débatrons comme le veulent les règles, à notre
place, et nous amenderons, si besoin est, le texte qui nous sera proposé, mais
je ne préjuge pas : peut-être le voterons-nous en l'état.
S'agissant de la présente proposition de loi que, à titre personnel, je n'ai
pas cosignée, madame la ministre, je la soutiens et pour des raisons simples.
D'abord, parce qu'elle n'a pas un caractère, comme vous le disiez, « bricolé »
et n'a pas vocation à perdurer. Elle vise à répondre à un objectif tout simple
: essayer de corriger une situation de non-droit ou, plus exactement, une
situation difficile au moment des différentes ouvertures, je veux parler de la
chasse de nuit et de la chasse au gibier d'eau. Certes, on peut trouver tous
les arguments et dire qu'en telle année on ne la pratiquait pas, qu'en telle
autre année on la pratiquait, que ce n'est pas une chasse traditionnelle ici,
que dans beaucoup de pays d'Europe on le la pratique pas.
Pour ma part, ce qui m'importe, c'est de rester dans les clous par rapport à
ce que vous nous proposiez et que j'approuve, à savoir les plans de gestion des
espèces, la protection des espèces, leur pérennisation. En l'occurrence, il me
semble que c'est tout à fait le cas, madame la ministre, puisqu'il y aura, par
installation, un carnet de comptage et de prélèvement, tout cela pourra être
soumis à une réelle gestion de l'espèce, en indiquant même, à la limite, des
quotas de prélèvement. En effet, les chasseurs ont évolué. Est-ce grâce à votre
influence ou à l'évolution des choses ? En tout cas, ils ont bien compris
qu'ils ne pourraient continuer à pratiquer ce qu'ils considèrent, pour les uns,
comme un élément de notre patrimoine culturel et, pour les autres, comme un
sport, un plaisir ou une passion, si les espèces disparaissent. De ce point de
vue, il n'existe donc aucune divergence entre nous. N'essayons pas d'en créer
là où il n'y en a pas !
En ce qui concerne les chasses de nuit, il faut, à mon avis, pendant un
certain temps, sous réserve qu'une réflexion soit menée avec les pratiquants de
ces chasses, voir comment celles-ci peuvent s'organiser sereinement. Dans
l'immédiat, il me paraît convenable de voter cette proposition de loi.
S'agissant des ACCA, je n'interprète pas le texte qui est soumis aujourd'hui
au Sénat tout à fait comme vous, madame la ministre. Je ne crois pas, en effet,
qu'il prolonge la discrimination entre les grands et les petits propriétaires.
Je pense justement que cette proposition de loi permet, quelle que soit la
dimension de la propriété, de faire respecter sa volonté de non-chasse.
M. Roland du Luart.
Exactement !
M. Jean-Louis Carrère.
Je ne comprends donc pas votre argument ; mais peut-être n'ai-je pas été assez
attentif à votre propos.
Par ailleurs, la mesure proposée est transitoire. Moi qui participe depuis
assez longtemps aux activités d'une ACCA, que j'ai présidée et dont je suis
vice-président maintenant, je sais que ces ACCA nous aident à régler des
problèmes qui vont se poser dès l'ouverture, et non pas au moment où nous
aurons voté un texte, dans un délai assez hypothétique. Cet article de la
proposition de loi me paraît donc bon.
Permettez-moi ce qui sera peut-être pour vous, madame la ministre, et pour mes
collègues une digression : je ne peux en effet quitter cette tribune sans que
le chasseur landais que je suis, très attaché à son terroir, à son patrimoine,
à ses traditions, à ses amis, mais aussi à ses électeurs
(Sourires)
, aux
amis de ses parents, qui étaient dans la Résistance, comme beaucoup de
républicains dans ce pays, vous ait indiqué les dommages causés non par le
classement du bruant ortolan en espèce protégée, mais par l'absence de suite de
ce classement.
Tout d'abord, pour que le débat soit clair entre nous, madame la ministre, si
tant est qu'il y ait débat entre nous, je voudrais dire que je ne suis
absolument pas convaincu de la légalité intangible de la directive n°
79/409/CEE. Si mes souvenirs et mes renseignements sont exacts, lorsque cette
directive a été prise, l'Europe n'avait pas de compétence en matière
d'environnement.
M. Roland Courteau.
C'est vrai !
M. Jean-Louis Carrère.
Cela mériterait peut-être d'être affiné. Dans le même temps, je ne suis pas
sûr, pour être tout à fait honnête, que, stratégiquement, il faille prendre le
risque, en faisant annuler cette directive, de la voir remplacer par une autre
qui pourrait être encore plus dangereuse. Tout cela mérite d'être étudié.
J'ai lu, comme beaucoup d'entre nous, cette directive. Je ne vous en
infligerai donc pas la lecture, bien que, pour votre part, vous nous ayez
infligé nombre de lectures
(Sourires)
que nous avions déjà faites,
madame le ministre,...
M. Roland du Luart.
Oui !
M. Jean-Louis Carrère.
... et peut-être même avant vous !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'en ai
encore pour la prochaine fois !
M. Jean-Louis Carrère.
Mais je l'accepte, et j'apprécie même : j'aime beaucoup l'humour, même s'il y
a des heures pour cela !
(Sourires.)
Madame la ministre, je souhaiterais connaître l'interprétation du Gouvernement
sur la rédaction de l'article 9 de cette fameuse directive.
J'en donne une lecture brève :
« Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe
pas d'autre solution satisfaisante pour les motifs ci-après :...
« C. - Pour permettre dans des conditions strictement contrôlées et de manière
sélective la capture, la détention ou tout autre exploitation judicieuse de
certains oiseaux en petite quantité. »
Quelle est l'interprétation du Gouvernement ? Est-ce le Gouvernement qui
déroge ou est-ce le Gouvernement qui demande dérogation ? En effet, le texte
précise bien que « les Etats membres peuvent déroger ». Si vous me dites que
c'est le Gouvernement qui déroge, madame la ministre, au nom des chasseurs
d'ortolans landais et au nom des Landais, je vous demande solennellement de
déroger.
Si vous me dites que le Gouvernement n'a qualité que pour demander dérogation,
toujours au nom des mêmes - je n'ai pas varié ! - je vous demande de demander
dérogation.
Et, pour ne pas allonger le débat, je vous dis avec beaucoup de solennité,
mais beaucoup de sincérité, madame la ministre, que, si rien n'est fait, en
respectant l'espèce, bien sûr - si l'espèce est en danger, les chasseurs
d'ortolans landais accepteront d'eux-mêmes de ne plus pratiquer cette chasse
tant que le danger subsistera - un coup mortel sera porté au coeur des Landes.
(Applaudissements.)
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Jean Bizet.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs mois, la pratique de la chasse fait l'objet d'attaques répétées qui
contribuent à polluer le débat national, que nous appelons de nos voeux, sur
l'avenir et les missions de la chasse dans notre pays.
Force est de constater, madame la ministre, qu'aujourd'hui ce débat se situe
dans une impasse du point de vue tant juridique que politique.
Concernant l'aspect politique, depuis la vaste manifestation nationale tenue à
Paris le 14 février 1998, la colère des chasseurs n'a cessé de grandir dans le
pays. Elle s'est exprimée, parfois de façon vive et exacerbée, et nous
réprouvons fermement les excès en la matière ; mais comment ne pas comprendre
le désarroi d'une population qui voit progressivement une partie de son
héritage culturel menacée par des décisions semblant tout à la fois
injustifiées et arbitraires ?
Mon ami Gérard Le Cam, dans le département des Côtes-d'Armor, et moi-même,
dans le département du Nord, avons pu mesurer, dans la période récente,
l'incompréhension d'une catégorie de nos concitoyens, pour l'essentiel ouvriers
et agriculteurs, que certains souhaitent, à grand renfort médiatique,
culpabiliser et diaboliser.
Le 13 juin dernier, cette colère s'est à nouveau exprimée de façon
retentissante et inattendue à ce niveau, par la voie des urnes.
Madame la ministre, au nom de mes collègues du groupe communiste républicain
et citoyen, je vous demande d'entendre enfin ce message fort afin que des
débordements, dont certains de vos amis ont été malheureusement la cible et les
victimes, ne se reproduisent plus.
Aussi est-il temps de renouer les fils du dialogue et de rompre avec une
politique de la « chaise vide » qui consiste à laisser aux tribunaux le soin de
se substituer à ce qui doit relever du choix politique.
Parmi les trop nombreux dossiers en souffrance, trois ont plus
particulièrement soulevé l'inquiétude des chasseurs et des élus représentant le
monde rural.
Le premier dossier porte sur la réactivation du contentieux juridique relatif
à l'application de la directive 79/409/CEE sur la conservation des oiseaux
sauvages. Un an après l'adoption par l'Assemblée nationale, dans les conditions
que l'on sait, de la loi sur les dates d'ouverture anticipée et de clôture de
la chasse aux oiseaux migrateurs, la France risque d'être bientôt condamnée par
la Cour de justice européenne.
Pourquoi, madame la ministre, ne pas avoir engagé, sur le plan communautaire,
une négociation sur la base d'une étude sérieuse et fournie en vue de réviser
ladite directive dont la légalité est juridiquement contestable ?
Ainsi, la loi française est jugée illégitime car non conforme à une
interprétation restrictive de cette directive, qui, elle-même, ne dispose pas
de bases légales, l'environnement - notre ami M. Carrère vient de le dire - ne
faisant pas partie, en 1979, du domaine de compétences de la Communauté
européenne, selon le traité de Rome.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est sûr !
M. Pierre Lefebvre.
Cette situation absurde n'a que trop duré !
Cependant, faut-il reprocher au Parlement d'avoir agi ou bien plutôt reprocher
au Gouvernement, à celui-ci comme à ceux qui l'ont précédé, d'être resté
inactif ?
Le deuxième dossier a trait à la chasse de nuit. Elle fait partie, quoi que
l'on dise, de nos pratiques traditionnelles, qui remontent à plusieurs
siècles.
Vous vous en souvenez sans doute, madame le rapporteur, j'avais déposé, avec
les membres de mon groupe, une proposition de loi qui réglait ce problème de la
chasse de nuit en lui apportant une base légale adéquate.
M. Jean-Louis Carrère.
C'est vrai !
M. Pierre Lefebvre.
Nous proposions, à l'instar de l'Union nationale de défense des chasses
traditionnelles, de compléter l'article L. 224-4 du code rural de la façon
suivante : « pour certaines espèces de gibier d'eau, la chasse de nuit et de
jour à la hutte, tonne, gabion, butteau ou tout autre moyen spécifique à chaque
département et déjà en usage, pourra être autorisée et réglementée pendant des
périodes de temps limité et en des lieux limitativement désignés ».
Si cet amendement avait été adopté à l'époque, que de désagréments nous
aurions pu alors éviter !
(M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Au lieu d'anticiper sur des contentieux en cours, nous voici dans la situation
ingrate de combler en urgence le vide juridique laissé par l'arrêt du 7 avril
1999 du Conseil d'Etat, annulant une instruction de l'Office national de la
chasse. Je rappelle en effet que les premiers recours contre cette instruction
ont été présentées dès janvier 1997 !
L'article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a donc
le mérite de mettre au clair notre législation qui interdisait la chasse de
nuit en vertu des articles L. 224-4 et L. 228-5 du code rural et, dans le même
temps, organisait une tolérance de la part des préfets, prévue par dérogation
posée à l'article 9 de la loi du 3 mai 1844, comme vous l'avez rappelé tout à
l'heure, madame la ministre.
Désormais, avec l'adoption de cette proposition de loi, l'exercice de la
chasse de nuit sera légale sous réserve d'une déclaration des installations
auprès de la mairie et de la tenue d'un carnet de prélèvement. Les chasseurs
qui pratiquent cette activité de longue date, et dont je connais la rigueur,
seront tout à fait disposés, j'en suis sûr, à se soumettre à ces contraintes
dans la mesure où elles leur garantissent la pérennité de nos coutumes et de
nos usages régionaux qui stucturent nombre de cultures locales et façonnent le
mode de vie de milliers de personnes.
Une telle disposition - Mme le rapporteur l'a d'ailleurs rappelé avec raison -
n'est, en outre, pas contraire à la réglementation communautaire dès lors que
l'équilibre cynégétique et la conservation des espèces est assurée.
Enfin, la troisième source de mécontentement des chasseurs, plus sérieuse à
mon sens, est la possible remise en cause de la loi du 10 juillet 1964, dite «
loi Verdeille ».
Je le dis sans esprit polémique : il est clair, à mes yeux, que les
pourfendeurs d'une loi qui honore notre pays, visent moins la reconnaissance,
certes légitime, d'un droit de non-chasse mais bien plutôt la remise en cause
pure et simple du droit de chasse issu de la Révolution française.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées socialistes.)
Cette loi a pourtant un double mérite, reconnu de tous, y compris de
vous-même, madame la ministre, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure.
Tout d'abord, elle garantit un exercice populaire et démocratique de la chasse
en facilitant l'accès des terrains aux chasseurs non propriétaires ; ainsi, la
loi Verdeille a créé une dissociation entre le droit de propriété réservé à
quelques-uns et le droit de chasse reconnu à tout un chacun. Ensuite, cette loi
permet une gestion cohérente et harmonieuse de la faune sauvage, grâce au
regroupement des parcelles dispersées entre les mains des différents
propriétaires. La constitution des territoires en ACCA a permis une politique
de la chasse rigoureuse qui profite aux propriétaires eux-mêmes, car ils sont
mieux protégés contre les espèces nuisibles.
Or, on oublie trop souvent que seuls les chasseurs prennent en charge le
financement des opérations d'entretien et de gestion des espèces et des
habitats naturels, alors que les propriétaires non chasseurs participent
gratuitement aux associations communales.
La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt rendu le 29 avril
dernier, a considéré que notre réglementation contrevenait au droit de
propriété, à la liberté d'association et créait, de surcroît, une
discrimination entre propriétaires, les propriétaires de terrains compris entre
20 hectares et 60 hectares étant autorisés à s'exclure des ACCA.
Vous citez, madame la ministre, la loi du 30 avril 1790 selon laquelle « il
est défendu à toute personne de chasser en quelque temps et quelque manière que
ce soit sur le terrain d'autrui sans son consentement ».
Faut-il préciser que cette interdiction est recevable dans la limite où
l'intérêt général exige d'y déroger ? Or c'est précisément le cas ! La gestion
de la faune sauvage sur un territoire intégré, au-delà des intérêts
particuliers, relève bel et bien de l'intérêt général.
En l'occurrence, il nous semble bien que le droit de chasser peut, dans ces
conditions, être considéré comme supérieur au droit de propriété.
S'agissant de la distinction faite selon la taille des propriétés, je serais
favorable, quant à moi, à un relèvement du seuil de 20 hectares, voire à sa
suppression afin d'assurer l'égalité de traitement des propriétaires vis-à-vis
des ACCA.
L'article 2 prévoit, pour l'heure - et de façon transitoire - une exception
supplémentaire à la constitution de terres en ACCA et reconnaît,
de
facto
, un droit de non-chasse tout en préservant la pleine application de
la loi Verdeille. C'est en ce sens que nous nous sommes ralliés à cette
proposition.
Il démontre, de la part des organisations de chasseurs qui soutiennent notre
initiative au sein du groupe « Chasse et pêche » du Sénat, un geste d'ouverture
en direction des défenseurs de l'environnement.
Ce texte répond, je l'ai dit, à une situation d'urgence, de façon
transitoire.
M. Roland du Luart.
Très bien !
M. Pierre Lefebvre.
Il vous offre, madame la ministre, la possibilité d'engager une concertation
avec toutes les parties prenantes afin de trouver, d'ici à deux ans, une
solution raisonnable et satisfaisante pour tous.
Cette proposition de loi doit vous aider, madame la ministre, à recréer les
conditions du dialogue et de l'apaisement. Il n'est plus temps, en effet,
d'attiser les rancoeurs et les tensions entre chasseurs et anti-chasseurs, ce
qui ne profite d'ailleurs qu'aux extrémistes des deux camps.
Cette opposition est d'autant plus stérile et dépassée qu'elle n'est pas
justifiée ; car qui mieux que les chasseurs contribue, à l'heure actuelle, à
préserver les habitats naturels, à assurer le renouvellement des espèces et à
protéger les agriculteurs des espèces nuisibles ?
M. Gérard Le Cam.
Ce sont les vrais écologistes !
M. Pierre Lefebvre.
En vérité, la chasse possède, si elle est pratiquée selon les règles, une
vertu hautement écologique.
M. Ladislas Poniatowski.
Tout à fait !
M. Pierre Lefebvre.
Le danger est ailleurs ! Je souscris pleinement à l'avis de la commission
agricole du Parlement européen sur la directive 79/409 : « La chasse ne
constitue pas l'unique menace, ni même la menace majeure, pour les espèces en
danger de disparition. De fait, elle permet, à certains égards, qu'un secteur
au moins de la population locale soit activement intéressé à la conservation.
Le déclin d'une espèce s'explique peut-être davantage par des facteurs tels que
la disparition d'un habitat approprié, la pollution, les maladies,
l'insuffisance des ressources alimentaires ou d'autres facteurs
environnementaux. »
Pour l'heure, malgré les lacunes et les imperfections qui ont été soulignées,
je souscris aux objectifs de ce texte, dont j'ai accepté d'être le
cosignataire, car il a le mérite de combler un vide juridique dans l'immédiat
et de tracer le chemin de la pacification dans le respect de nos traditions, de
nos us et coutumes mais aussi de la nature.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc ce texte.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Madame la ministre, permettez-moi tout d'abord de vous dire très sérieusement
que je n'ai pas eu à faire appel à ma patience pour vous écouter tant j'ai
apprécié votre intervention. Elle était très fouillée et vous nous l'avez
présentée avec une réelle pédagogie. J'y ai appris des choses, et je ne dois
pas être le seul.
Quant à l'excellente intervention de notre collègue M. Jean-Louis Carrère,
elle suffirait à elle seule à exprimer ce que nous ressentons dans ce débat.
Pour ce qui me concerne, des raisons indépendantes de ma volonté ne m'ont pas
permis de faire figurer mon nom parmi les signataires de la proposition de loi
qui fait l'objet du débat qui nous réunit ce soir, mais j'y adhère sans
réserve. En effet, les deux décisions de justice rendues récemment ont jeté un
émoi très grand dans le monde de la chasse et il était urgent qu'un texte
législatif, fût-il de transition, ainsi que cela a été dit, soit voté afin que
la prochaine saison de chasse se déroule dans un climat plus serein.
On assiste actuellement à un très fort mouvement de protestation, de
mécontentement, qui est encore larvé mais qui, semaine après semaine, ne
manquera pas de s'amplifier et qui pourra se traduire à terme par des
affrontements regrettables. Je le dis avec beaucoup de calme, mais je crois que
nous sommes là pour échanger, pour débattre, et je suis habitué à ne pas
m'occuper de l'heure...
En réalité, on vient, aux yeux du monde de la chasse, de toucher brutalement à
ce qu'il est souvent convenu d'appeler une « tradition » - le terme a été très
utilisé ce soir - mais qui est avant tout, il ne faut jamais l'oublier, un
acquis de la Révolution française, un acquis populaire. Ainsi, dans de nombreux
départements - quarante-deux sont cités dans la proposition de loi - et
particulièrement dans celui que j'ai l'honneur de représenter, cette tradition
s'est développée au point de faire partie réellement de notre culture.
Notre société a, certes, évolué. Des sensibilités différentes, dans un monde
plus urbain, ont vu le jour, et c'est normal. Mais ces nouveaux comportements -
et cet aspect est important - ne sauraient en aucun cas se substituer sans
conséquence grave à ce que j'appelle un héritage culturel.
Voilà pourquoi l'élaboration et le vote d'une grande loi d'orientation pour la
chasse dans notre pays sont devenus prioritaires.
(M. Carrère
applaudit.)
Notre rôle, notre devoir, consiste non pas à engendrer ou à susciter des
oppositions entre les hommes, mais, au contraire, à trouver, dans le cadre
d'une discussion ouverte et honnête, un consensus qui est devenu aujourd'hui
urgent autant qu'indispensable.
La chasse au gibier d'eau est, aujourd'hui, pratiquée deux heures avant le
lever du soleil et deux heures après son coucher. Laissons les choses en l'état
pour l'heure ! Et faisons de même pour la chasse de nuit, qu'elle se déroule à
la tonne, à la hutte, au hutteau ou au gabion, là où elle s'exerce
actuellement.
Madame la ministre, les prélèvements dus à ces pratiques sont aujourd'hui, en
réalité, faibles. Il est d'ailleurs proposé d'instituer un carnet des
prélèvements, ce qui permettra à chacun de nous de mesurer l'exactitude de
cette affirmation, et je crois que c'est également important.
Vous avez évoqué par ailleurs le département que je représente, où nous nous
sommes d'ailleurs rencontrés récemment. Sachez que, en Charente-Maritime, nous
avons effectivement une ligue de protection des oiseaux, nous avons créé des
réserves pour les oiseaux dans nos marais, nous avons construit un observatoire
pour les enfants et pour les adultes, afin qu'il y ait matière à formation, à
éducation. Je crois que ces initiatives sont bonnes, et j'interviens ici non
pas en tant que chasseur - ma passion n'est pas si forte que cela - mais parce
que, face aux conflits larvés existants, il nous appartient de rechercher
ensemble le moyen d'éviter que des problèmes plus graves ne se posent dans nos
départements.
S'agissant des ACCA, visées par l'arrêt rendu le 29 avril dernier par la Cour
européenne des droits de l'homme, si la loi Verdeille est critiquable, elle
doit être aménagée. Il faut éviter, comme l'a précisé Mme Heinis dans son très
bon rapport, de provoquer l'éclatement des associations. En Charente-Maritime,
80 % du territoire sont ainsi couverts par les ACCA, qui jouent un rôle très
positif en matière de conservation de la faune et de gestion de l'espace.
Dans ces conditions, nous devons rechercher, dans un dialogue constructif, les
équilibres indispensables à l'élaboration de la loi d'orientation dont vous
avez parlé, madame la ministre. Je souhaite qu'elle vienne rapidement en
discussion au Sénat et à l'Assemblée nationale !
Pour l'heure, les raisons que je viens de donner me conduisent à voter le
texte qui est aujourd'hui soumis au Sénat.
(Applaudissements.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
On
pourrait, mesdames, messieurs les sénateurs, trouver votre unanimité émouvante.
Quant à moi, je la trouve étonnante : elle permet de rompre avec cent cinquante
ans de sagesse, de réécrire l'histoire au mépris des faits et de l'histoire
elle-même.
Je considère, pour ma part - et je m'en suis tenue aux faits, dans leur
nudité, dans leur crudité - que, si acquis de la Révolution française il y a en
matière de chasse, il faut les chercher du côté du respect du droit de
propriété et de l'interdiction de la chasse de nuit.
Etonnante, cette unanimité qui habille de l'aura de la tradition des us et
coutumes qui, loin d'être pérennes, sont parfois plus récents que la Fête de la
musique. Au demeurant, personne ici ne s'interroge sur la question de savoir si
la tradition mérite d'être constamment protégée. Je crois ainsi me souvenir que
nous avions longuement débattu de ce point lors de l'examen d'une autre
proposition de loi : nous nous étions interrogés alors sur l'intérêt qu'il y
avait à clouer des chouettes sur les portes des granges ou, comme c'était la
tradition dans certains endroits, de marier des jeunes filles à peine nubiles
ou de faire travailler des enfants. Mais nous n'allons pas reprendre cette
discussion !
Etonnante, également cette unanimité qui me permet, finalement, de constater,
puisque vous reconnaissez tous pratiquement qu'il ne s'agit pas de régler de
façon durable et cohérente les problèmes de la chasse, que vous cherchez avant
tout à répondre dans l'urgence et l'émotion à l'inquiétude suscitée par les
résultats des dernières élections européennes.
M. Pierre Lefebvre.
Mais non !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je le
constate, et vous le reconnaissez vous-même, il y aurait des problèmes dans le
monde rural. J'en conviens, mais je ne suis pas certaine que le fait de traiter
au coup par coup, point par point, un certain nombre de ces problèmes permette
de sortir durablement d'une situation aussi dégradée que celle que vous avez
décrite.
En revanche, je constate qu'il reste difficile d'échapper aux caricatures,
comme vous l'avez d'ailleurs souligné. Je crois avoir été d'une totale
correction : je m'en suis tenue aux faits et j'ai cherché à remonter à des
événements antérieurs pour illustrer les situations qui nous ont menés où nous
en sommes.
Or, les références à un sectarisme peint en vert dans la bouche de M. du
Luart, les références aux tracasseries subies par les chasseurs, aux
oppositions, aux sectarismes, etc. n'ont pas été rares.
Je vous mets au défi, madame, messieurs les sénateurs, de trouver une
intervention de ma part entre le vote de la loi de 1998 sur les dates
d'ouverture et de fermeture de la chasse aux migrateurs et l'article que j'ai
donné au journal
Sud-Ouest
, il y a à peu près un mois, pour essayer de
corriger de façon factuelle un certain nombre de désinformations colportées
dans les milieux de la chasse. A aucun moment, je ne me suis exprimée sur cette
question, considérant que le débat avait été tranché par les parlementaires
votant une loi, et je tiens à votre disposition un florilège de rumeurs, de
ragots, de caricatures qui ne sont, à mon avis, colportés que dans l'intérêt de
ceux qui les colportent et pas dans le mien, non plus que dans celui de la
chasse française.
Les traces de ces rumeurs et de ces ragots ont été perceptibles dans certaines
interventions puisque, apparemment, certains ont pris pour argent comptant un
certain nombre de formules provocatrices qui n'ont jamais été prononcées par un
membre de mon ministère ou par moi-même.
Cela me permet d'ailleurs de dire à M. Bizet, qui pense connaître mes prises
de position depuis des années sur cette question, qu'il est bien audacieux,
qu'il extrapole, qu'il interprète. En effet, je suis loin, depuis mon accession
aux responsabilités du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'aménagement, d'avoir tenu des propos anti-chasse.
Je me suis fixé comme objectif, depuis le mois de juin 1997, la restauration
d'un dialogue de qualité entre chasseurs et non-chasseurs, et je constate, une
fois de plus, que la question qui vous préoccupe en priorité est non pas le
règlement durable des problèmes de la chasse mais la mise en examen de la
ministre chargée de cette poltique. Je ne me prêterai pas à ce jeu. Je crois
que le moment est venu de revenir aux faits, et aux faits uniquement.
Puisque certains d'entre vous, notamment M. Lefebvre, ont évoqué les
débordements dont mes amis auraient fait les frais, je dirai que, s'il ne
s'agissait que de chamailleries de campagne électorale, que d'insultes sexistes
bombées sur les routes - j'en ai vu encore un exemplaire cet après-midi, qui a
été photographié sur une route de la Somme et qui ne fait pas tellement honneur
à celui qui l'a commise - ce ne serait pas grave. Mais il se trouve que des
gardes de l'ONC ont été et sont encore victimes de ces pratiques.
Je ne pense pas que vous cautionniez le bombage des voitures des gardes de
l'ONC dans la Somme avec le slogan « Chasse, pêche, nature et tradition ».
C'est pourtant cela la réalité dans le monde de la chasse aujourd'hui ! Les
violences sont assez singulièrement unilatérales - il faut bien le reconnaître
- et je ne pense pas que cela soit correct.
Je ne souhaite pas faire la politique de la chaise vide. Je souhaite redire
ici que la concertation, la pacification du monde de la chasse et la résolution
des conflits entre chasseurs et protecteurs de l'environnement supposent des
compromis de part et d'autre et que la menace, le ragot, l'intimidation n'ont
pas leur place dans un débat démocratique.
S'agissant des plans de gestion, monsieur Carrère, vous le savez fort bien,
car, en dépit de l'urgence, vous avez tout de même dû lire la loi du 3 juillet
1998, ils se limitent, tels que définis par cette loi, à vérifier
l'échelonnement des dates de fermeture pour les espèces en mauvais état de
conservation.
Si des plans de gestion n'ont pas été élaborés, c'est parce que la tâche est
extraordinairement lourde. Un travail important a été réalisé par mon ministère
au cours de l'été dernier pour voir comment on pourrait élaborer des plans de
gestion pour ces espèces en mauvais état de conservation. C'est un travail tout
à fait considérable, je le répète, car il faut, d'abord, prendre en compte
l'état de conservation de l'espèce et, ensuite, l'application des décisions à
prendre en fonction des dates de passage et des milieux dans lesquels ces
espèces se reposent ou séjournent.
M. Roland du Luart.
Associez les parlementaires à la gestion, ils vous aideront à trouver des
solutions !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Les
chasseurs et les protecteurs sont convenus de faire confiance à une équipe
pluraliste de scientifiques qui doit remettre un rapport permettant d'éclairer
nos décisions en la matière.
Mais, encore une fois, nous sommes très loin de pouvoir élaborer des plans de
gestion, espèce par espèce, comme nous le demande la Commission européenne.
D'ailleurs, l'une des difficultés que j'identifie, pour ma part, tient à
l'incapacité des chasseurs, et même des meilleurs d'entre eux, à identifier de
façon certaine les espèces en mauvais état de conservation et à tirer sans
déranger les autres, celles qui ne seraient pas chassables, au moment où on
légaliserait une chasse qui ne serait plus une chasse à l'aube ou au
crépuscule, mais une chasse de nuit.
Je ne suis pas très compétente en la matière, moins en tout cas que les moines
dont la vie est rythmée par ces alternances du temps. Je pense toutefois qu'il
y a des problèmes, et je le redis encore une fois : la reconnaissance d'une
chasse à l'aube ou au crépuscule, pourquoi pas ! La nuit, pas question !
Quant à l'ortolan, c'est bien parce que l'espèce est en mauvais état de
conservation qu'il n'a pas été possible de demander une dérogation. En effet,
cette demande doit établir que les prélèvements n'attentent pas au maintien de
l'espèce.
Je rappelle que l'ortolan est en déclin dans la majorité des pays européens,
qu'il est protégé dans l'ensemble de ces derniers et qu'une dérogation ne
pourra être demandée que lorsqu'aura été démontré son bon état de conservation,
ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cela ne peut d'ailleurs pas être imputé aux seuls chasseurs. On a redit assez
clairement qu'une partie des difficultés étaient aussi liées à la dégradation
des milieux et des conditions de vie d'un certain nombre de ces espèces.
Je n'ai pas l'intention d'occuper trop de votre temps, madame, messieurs,
puisque j'ai cru comprendre que, si certains avaient apprécié l'érudition de
mon discours, d'autres considéraient que cette érudition et cet humour devaient
être réservés à des heures diurnes. J'arrête donc là mon intervention, monsieur
le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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