Séance du 22 juin 1999






PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire consécutif à une déclaration du Gouvernement.
Dans la suite du débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le rapport du Gouvernement qui sert de base à notre débat d'aujourd'hui met au premier rang des orientations budgétaires l'objectif « d'assurer le financement des priorités du Gouvernement tout en stabilisant les dépenses de l'Etat » et « en cherchant à dépenser mieux ».
Lors du débat d'orientation budgétaire de l'an dernier, un certain nombre d'entre nous, dont j'étais, avaient insisté sur la nécessité de contenir la dépense publique et d'améliorer son efficacité. Ils avaient plaidé pour une réflexion sur la notion même de priorité et sur sa traduction budgétaire. Nous ne pouvons que nous féliciter d'avoir été apparemment entendus, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous ne pouvons que vous féliciter de nous avoir apparemment rejoints.
Nous voudrions cependant être sûrs que vous aurez les moyens d'atteindre cet objectif. Nous avons, à cet égard, quelques inquiétudes.
Ce qui peut alimenter notre scepticisme, c'est l'attitude de certains ministères qui ne sont pas parmi les moins dépensiers. Je citerai quelques exemples à cet égard.
Je prendrai comme exemple le cas du ministère de l'éducation nationale, qui - mon propos n'étonnera sans doute personne - ne paraît pas spontanément manifester le souci de dépenser mieux.
La commission d'enquête, sur la gestion des emplois, des crédits et des personnels de l'éducation nationale, constituée par le Sénat et par laquelle vous avez été auditionné, monsieur le secrétaire d'Etat, a constaté que l'autorisation budgétaire était en partie vidée de son sens et qu'une sorte d'« alchimie mystérieuse », pour reprendre une expression employée par l'un des membres de cette commission, permettait de dépasser assez largement, sur le terrain, le nombre d'emplois budgétaires votés chaque année en loi de finances.
Au total, force est de reconnaître que la gestion des personnels de l'éducation nationale n'est pas transparente, qu'elle n'a pas pris en compte la rente démographique engendrée par la baisse régulière du nombre des élèves et qu'elle se traduit, à terme, par une consolidation coûteuse de personnels précaires qui ne sont pas toujours utilisés au mieux des intérêts de la mission d'éducation.
Je ne rappellerai que deux chiffres : le budget de l'enseignement scolaire s'élève à près de 300 milliards de francs et ses crédits ont augmenté de 113 milliards de francs en dix ans !
Les ministres chargés de l'éducation proposent régulièrement des mesures et des réformes, car il faut bien avancer. Mais force est de constater que le coût de ces mesures et de ces réformes a été rarement évalué et que leur financement a été rarement clairement dégagé.
J'illustrerai mon propos par quelques exemples.
A la rentrée 1997, le Gouvernement fraîchement constitué décide, pour des raisons sociales évidentes que l'on peut comprendre, le réemploi massif de 26 700 maîtres auxiliaires rémunérés sur des crédits d'heures, et ce sans fournir la moindre précision sur les modalités du financement. Ce réemploi a été financé par la transformation de quelque 90 000 heures supplémentaires, ce dont le Parlement n'a été informé que lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, c'est à dire a posteriori .
Mon deuxième exemple porte sur le rétablissement du pouvoir d'achat des professeurs bénéficiant d'heures supplémentaires. Voilà un cas concret ! Le ministre de l'éducation nationale, M. Claude Allègre, a décidé ce rétablissement afin de mettre un terme au tollé qu'il avait provoqué par un décret tendant à réduire la rémunération des « heures supplémentaires année », selon la terminologie du ministère de l'éducation nationale.
Interrogé par mes soins dans le cadre de la commission d'enquête - cette audition était publique, et je ne trahis donc rien - le ministre n'a pas paru en mesure de préciser le coût et les modalités de financement du rétablissement de ce pouvoir d'achat. C'est par la presse, le 15 avril 1999, que nous avons appris les modalités de la compensation retenue et l'affectation de 390 millions de francs. Avouez que c'est faire assez peu de cas du Parlement !
Mon troisième exemple vise la réforme du collège : cette « réforme » - mais peut-on parler de réforme, s'agissant des mesures présentées ? On peut en douter, mais là n'est pas mon propos d'aujourd'hui - a été annoncée à la suite d'un rapport.
Il a été indiqué, toujours par voie de presse, que 320 millions de francs seraient consacrés à la remise à niveau des élèves et à l'aide individualisée, soit 80 millions de francs pour le dernier trimestre de 1999 et 240 millions de francs pour l'année 2000 : ces mesures seront-elles financées à moyens constants par redéploiement ou s'agira-t-il de mesures nouvelles qui apparaîtront clairement dans le prochain « bleu » budgétaire ? Pour le moment, le Parlement n'en sait rien !
Pour ma part, il me semble, monsieur le secrétaire d'Etat - je tiens à le dire ici, même si ce propos n'est pas forcément très populaire - qu'un aménagement raisonnable des obligations de service des enseignants et un assouplissement des règles qui les concernent aboutiraient à régler un certain nombre de problèmes et permettraient de réaliser des économies substantielles. Mais je ne suis pas persuadé que cette option, qui serait courageuse, soit celle qui sera retenue par le ministre de l'éducation nationale.
Ce même ministre a annoncé, le 23 mars dernier, une hausse de 10 % des postes ouverts au concours de recrutement dans l'enseignement primaire et, le 14 avril dernier, une batterie de mesures nouvelles d'un montant de 900 millions de francs en année pleine : augmentation du pourcentage des enseignants promus à la « hors classe », rétablissement du pouvoir d'achat des heures supplémentaires, création de 7 900 heures supplémentaires pour mettre en place l'aide individualisée prévue dans la réforme des lycées.
Il convient d'y ajouter, pour faire bonne mesure, 800 millions de francs annoncés pour financer la nouvelle étape du plan social étudiant.
Nous avons donc, monsieur le secrétaire d'Etat, des raisons de craindre que l'objectif de stabilisation des dépenses publiques n'ait valeur que d'affichage.
Il ne me paraît pas normal que, dans certains cas, nous ne disposions pas des informations indispensables pour apprécier le bien-fondé de l'emploi proposé des crédits.
Je voudrais en donner un exemple, choisi lui aussi parmi les budgets soumis à l'avis de la commission des affaires culturelles : c'est celui des crédits d'intervention du ministère de la culture consacrés aux spectacles.
Cette année, deux réformes importantes, et qui pourraient être en elles-mêmes positives, sont intervenues dans ce secteur : d'une part, la déconcentration des décisions est devenue une réalité ; d'autre part, il a été créé une direction unique de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle.
La mise en place de ces réformes aurait dû exiger une information accrue du Parlement. Nous avons au contraire constaté que l'on avait, dans le même temps, modifié la nomenclature budgétaire pour regrouper les crédits sur des articles et des chapitres à l'intitulé aussi ambitieux que peu explicite. On nous demandait, par exemple, d'attribuer plus de deux milliards de francs - rien que cela ! - « au développement culturel et aux spectacles », sans plus de précision. Et nous n'avions pas idée de la répartition de ces crédits, qui ne devait d'ailleurs être décidée qu'en début d'exercice.
Comment, dans ces conditions, s'assurer que ces crédits seraient « mieux » dépensés, et même qu'ils seraient tout simplement « bien » dépensés ?
Enfin, j'ai noté avec intérêt, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission des finances du Sénat souhaitait avoir des précisions sur les « contrats de gestion » qui seraient désormais passés entre le ministère des finances, que vous représentez ici, et les ministères dits « dépensiers ». Je m'associe à l'interrogation de la commission des finances ; avouerai-je que je crains un peu que ces contrats n'aient essentiellement pour objet de renouveler des pratiques anciennes et peu respectueuses elles aussi - mais dans un sens inverse - de l'autorisation budgétaire ? Je veux, bien sûr, parler du gel ou de l'annulation des crédits, dont M. le rapporteur général a dit tout à l'heure quelques mots.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si vous êtes réellement disposé à maîtriser la dépense publique, informez mieux le Parlement ! Mettez-le en position d'assurer la première mission qui est la sienne, celle de voter le budget de la nation et de lever l'impôt !
Ce faisant, vous obtiendrez plusieurs résultats. D'abord, vous assurerez une meilleure gestion budgétaire ; ensuite, et par contrecoup, vous accroîtrez l'efficacité des politiques que vous définissez, tout en permettant l'allégement des charges qui pèsent sur les contribuables et sur les entreprises, en augmentant, par là même, l'efficacité économique ; enfin - et ce n'est pas la moindre des choses - vous rendrez à la démocratie parlementaire tout son sens.
Telle n'est pas, je le crains, l'intention profonde du Gouvernement, malgré ses déclarations. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me réjouis que les débats d'orientation budgétaire, inaugurés en 1996 sur l'initiative de M. Arthuis, aient trouvé leur place dans les procédures normales et régulières d'élaboration des projets de loi de finances. Je crois toutefois que nous devons aller plus loin et poursuivre notre réflexion pour donner au Parlement toute la place qui doit lui revenir en matière budgétaire, afin que son rôle mais aussi ses votes, soient pleinement respectés et mieux traduits dans les faits.
M'exprimant à cet instant en qualité de président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je n'évoquerai que très brièvement les grands équilibres du prochain budget de l'Etat, celui de l'an 2000.
La stabilisation annoncée, en volume, des dépenses de l'Etat, qui devraient n'augmenter l'an prochain qu'au rythme attendu de l'inflation, apparaît, de prime abord, vertueuse. Certains commentateurs y ont même vu - quel hommage ! - le retour au choix de rigueur budgétaire de 1997. Mais, au-delà des apparences, les orientations de la politique budgétaire du Gouvernement demeurent à mes yeux triplement préoccupantes.
D'abord - et c'est le plus important - la réduction globale des dépenses publiques reste indispensable. Nous n'avons donc pas d'autre choix que de programmer, par la diminution de ces dépenses, la baisse des prélèvements obligatoires, qui demeurent très excessifs et que l'Europe, de toute façon, nous contraindra à harmoniser.
Ensuite, les prévisions gouvernementales de croissance reposent, par-delà les turbulences de ce début d'année 1999, sur des hypothèses qui peuvent paraître trop optimistes : la France pourra-t-elle, en particulier, compter sur la réaccélération de la croissance si l'activité de certains de nos voisins, à commencer par l'Allemagne et l'Italie, reste faible et si le ralentissement, comme beaucoup l'annoncent, atteint les Etats-Unis ?
Enfin, cette politique économique et financière n'est pas accompagnée des vraies réformes structurelles dont notre pays a impérativement besoin ; nous devons réfléchir, dans une économie globalisée, à ce que doivent être les missions de l'Etat dans les prochaines décennies ; nous devons repenser notre fiscalité en conséquence, sans perdre de vue, bien entendu, l'exigence prioritaire de l'emploi.
Je pense, sur tous ces points, refléter l'opinion d'une large majorité de notre assemblée. Je crois aussi rejoindre la position de notre excellente commission des finances en soulignant, dans le cadre que je viens de définir, l'indispensable préservation des crédits des ministères régaliens. En effet, il s'agit là de garantir les missions fondamentales de l'Etat que sont la sécurité et la justice, mais aussi, bien sûr, la diplomatie et la défense. Ce sont là les vraies missions de l'Etat, alors même que c'est précisément l'absence de maîtrise des dépenses de fonctionnement qui réduit nos capacités d'investissement militaire et contraint fortement les crédits consacrés à ces missions régaliennes.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères. S'agissant, précisément, des crédits militaires, j'espère d'abord que vous nous assurerez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le projet de budget de la défense pour l'an 2000 sera bien conforme aux conclusions de la revue des programmes effectuée l'an dernier et pleinement cohérent avec la loi de programmation 1997-2002.
Il ne s'agit d'ailleurs que de la confirmation de la stabilisation, jusqu'en 2002, des crédits d'équipement militaire, réaffirmée l'année dernière après la très malheureuse « encoche » de 1998, et je ne peux que redire aujourd'hui à cette tribune que l'équilibre ambitieux mais fragile sur lequel repose la loi de programmation pourrait être rompu par toute nouvelle réduction des crédits militaires : cela compromettrait non seulement l'exécution satisfaisante de la programmation, mais aussi et surtout la réforme d'ensemble de notre système de défense engagée par le Président de la République en 1996, qui est fondée sur la professionnalisation de nos forces et dont la crise au Kosovo vient encore d'illustrer le bien-fondé.
Il importe, en outre, que les masses budgétaires inscrites en loi de finances ne soient pas détournées de leur objet. Cela impose une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d'Etat, d'apporter une solution adaptée au financement des opérations extérieures.
La question est déjà lourdement posée pour 1999, puisque le surcoût de ces opérations atteindra près de 6 milliards de francs, dont environ 4 milliards de francs pour le conflit du Kosovo. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, les conditions dans lesquelles ces opérations, qui relèvent à l'évidence d'opérations extérieures « exceptionnelles », seront effectivement financées cette année ?
Mais nous savons d'ores et déjà qu'une question comparable - même si nous pouvons l'espérer de moindre ampleur - se posera en l'an 2000, ne serait-ce qu'en raison des opérations de longue durée engagées dans l'ex-Yougoslavie. N'est-il pas, dès lors, indispensable de prévoir enfin, dès la construction du budget, une enveloppe substantielle, véritablement réaliste, pour financer ces opérations au lieu et place des provisions actuelles, qui ne sont rien d'autre que symboliques ?
Je n'ajouterai, en ce qui concerne le budget de la défense, qu'une brève observation pour me féliciter de la mise en oeuvre accrue des commandes pluriannuelles, dont je n'ai cessé de souligner la nécessité tant elles sont indispensables au bon déroulement des programmes d'armement. Mais pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des précisions sur les montants ainsi engagés ? Pouvez-vous également nous indiquer les raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont semblé freiner la concrétisation de ces commandes globales ?
Je conclurai, monsieur le président, mes chers collègues, en soulignant une nouvelle fois la préoccupation de notre commission des affaires étrangères quant à l'évolution des crédits consacrés par notre pays à son action extérieure et, en premier lieu, au ministère des affaires étrangères, qui a désormais intégré nos actions de coopération.
Si le Quai d'Orsay est supposé bénéficier d'un traitement particulier, il ne figure toujours pas parmi les priorités budgétaires du Gouvernement et sa part n'a cessé de régresser, depuis de longues années, dans les budgets de l'Etat.
Deux sujets me paraissent aujourd'hui particulièrement inquiétants.
Le premier concerne l'érosion des effectifs, évolution qui n'est pas contestable en soit à condition de ne pas remettre en cause des missions qui, je le répète, figurent au coeur des missions de l'Etat.
Le ministère des affaires étrangères n'est pas suspect d'avoir échappé aux efforts nécessaires en la matière puisque ses effectifs ont diminué plus vite que ceux de toutes les autres administrations civiles régaliennes : moins 8 % depuis 1993.
Surtout, la poursuite de ce processus, dont nous avons déjà, les uns et les autres, constaté certaines conséquences dans des postes diplomatiques ou consulaires comme au sein de l'administration centrale, ne me paraît plus compatible avec l'ampleur actuelle de notre présence à l'étranger. Elle risque même de remettre en cause des activités essentielles : faut-il, par exemple, risquer de compromettre l'indispensable maîtrise des flux migratoires en confiant, de plus en plus fréquemment, les services des visas à des recrutés locaux ?
Ma seconde préoccupation concerne les conséquences budgétaires de la réforme de la coopération. Je ne reviendrai pas sur le sujet, car tel n'est pas l'objet de notre débat. Je crois cependant qu'il y aurait un risque réel à vouloir engranger dès aujourd'hui les gains de productivité attendus de cette fusion. Ceux-ci ne pourront être dégagés que progressivement, après l'intégration des réseaux de la coopération et lorsque la nouvelle organisation ministérielle sera stabilisée, faute de quoi cette réforme délicate pourrait être fragilisée, voire sérieusement compromise, et les bénéfices qui en sont attendus, y compris sur le plan financier, risqueraient de disparaître avec elle.
Je souhaiterais enfin, avant de quitter cette tribune, demander au Gouvernement de réfléchir, grâce à une coopération - qui doit bien être possible - entre les ministères des finances et des affaires étrangères, aux modalités de réalisation de deux objectifs : d'une part, l'établissement d'éléments de programmation du budget du Quai d'Orsay dans des domaines comme l'évolution de la carte diplomatique et consulaire ou celle des effectifs ; d'autre part, une évolution coordonnée de l'ensemble des implantations françaises à l'étranger, y compris, bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, des administrations économiques et financières.
Soyez en tout cas assuré que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées continuera de veiller avec vigilance à ce que notre pays dispose des moyens indispensables à son rôle et à son ambition dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes.
Dans la suite de notre débat, la parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat de ce soir a pour objet de définir l'orientation des budgets de la France pour la période 2000-2002, c'est-à-dire non seulement la dernière année du présent siècle mais aussi les deux premières années du prochain millénaire.
Or, il est un événement majeur dont on n'a pas encore parlé depuis le début de ce débat et qui va marquer ces trois années, étant entendu que trois ans, c'est maintenant une période très longue dans un monde où l'ensemble du capital des connaissances double tous les dix ans. Cet événement majeur, c'est la montée en puissance exponentielle d'une nouvelle économie s'appuyant sur l'immatériel.
Certains pourraient penser que cette réflexion sur la nouvelle économie n'a pas à être insérée dans un débat d'orientation budgétaire. Tout au contraire, permettez-moi de dire que ce débat, qui nous permet d'éclairer les prochaines années, devrait être un moment privilégié pour réfléchir aux fermes orientations qui doivent être prises par la France dès les prochains mois pour lui permettre d'entrer dans l'avenir.
En effet, si nous observons avec objectivité la situation actuelle de la France, et même de l'Europe, alors que nous sommes sur le seuil de cette nouvelle économie, nous constatons que cette situation est préoccupante : si la France est très présente dans l'économie de marché reposant sur la demande, que ce soit dans le nucléaire, le spatial, l'aéronautique, et occupe une place honorable dans des secteurs industriels qui ont longtemps dépendu de la commande publique, il faut noter que notre pays, et même l'Europe, sont absents des grands accords de fusion et de partenariat qui constitueront le socle de cette nouvelle économie.
Il suffit de rappeler que les capitalisations de cinq entreprises, Microsoft, Intel, Cisco, Dell et Compaq, qui sont toutes américaines, qui n'existaient pas il y a trente ans et qui font partie de ce socle du futur, pèsent, à elles seules, 900 milliards de dollars, c'est-à-dire, aussi lourd que la Bourse de Paris tout entière.
Alors que les ingénieurs et les techniciens français sont les cadres de recherche les plus appréciés et les plus nombreux parmi les chercheurs d'origine étrangère dans les entreprises américaines de haute technologie, surtout dans la Silicon Valley, nous constatons que les Français sont de plus en plus nombreux à quitter notre pays pour aller s'installer sous d'autres cieux qui semblent plus favorables à l'initiative et à l'aventure.
Ainsi, selon les derniers chiffres communiqués par le ministère des affaires étrangères, quelque 233 000 Français sont installés aux Etats-Unis, dont 52 000 dans le seul ressort du consulat de France de Los Angeles.
Certes, vous pourrez dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce chiffre est négligeable par rapport à la population française. Mais quand on sait que ces jeunes qui nous quittent sont souvent des personnes entreprenantes qui vont créer sous d'autres cieux leur entreprise, on peut imaginer les dizaines de milliers d'emplois qui auraient pu être créés en France s'ils étaient restés parmi nous.
Aussi, au-delà des progrès sensibles, qu'il faut saluer, réalisés ces derniers mois dans le domaine du capital-risque, il est très urgent, la prochaine discussion budgétaire étant la borne ultime, de mettre en place une procédure stable et séduisante de stock-options, qui seules pourront permettre aux créateurs d'entreprises de haute technologie de retenir et de rémunérer les esprits brillants qui actuellement nous quittent.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. René Trégouët. Par ailleurs, il est indispensable que nous sachions reconnaître le rôle positif qui peut être joué par les business angels, les « investisseurs providentiels », comme nous les avons élégamment baptisés à la commission des finances.
Or, là aussi, un petit saignement a tendance à se transformer en hémorragie.
Le caractère confiscatoire qu'a pris l'ISF - chacun d'entre nous porte sa part de responsabilité dans le développement d'une telle situation - aurait incité les détenteurs de grandes fortunes à délocaliser de France plus de 600 milliards de francs d'actifs ces deux dernières années.
Un article de fond paru dans un journal économique sérieux a même précisé que ces 600 milliards de francs auraient rapporté plus à la France chaque année que l'ensemble des sommes publiques qui sont mobilisées pour le RMI.
Sachons laisser prendre des risques à ceux qui ont les moyens financiers de le faire, car, bientôt, ce ne sera plus l'heure d'apporter des fonds publics pour alimenter le capital-risque en France.
Toujours dans les grands choix budgétaires, il faut mettre en place, sans tarder, les fonds de pension, qui permettraient de mieux préparer l'avenir dans un pays qui, inexorablement, va vieillir, mais aussi de recapitaliser nos entreprises, en particulier les entreprises de haute technologie.
Cela éviterait que les fonds de pension anglo-saxons, essentiellement américains, ne détiennent, avec tous les risques inhérents, près de 40 % du capital des principales entreprises françaises.
Avec l'arrivée des nouvelles technologies de l'information, l'entreprise est conduite à réinventer son organisation et son fonctionnement en vue d'optimiser l'exploitation de son capital informationnel. En d'autres termes, elle devra restructurer l'ensemble de son système de pilotage autour du flux d'information. Cette mutation de l'organisation concerne toute la chaîne de valeurs de l'entreprise : le marketing, la vente, la paiement, la logistique, l'après-vente.
Cette évolution passera par l'externalisation systématique des fonctions qui ne sont pas entièrement dédiées aux clients.
Le débat qui s'est ouvert en France sur les 35 heures est certainement un facteur d'accélération de la refonte de l'organisation de l'entreprise française. Toutefois, le résultat réel obtenu, quand toutes les scories soulevées par la passion se seront posées, sera, à mon avis, très loin de l'objectif fixé initialement par le Gouvernement.
Ce serait tout de même un curieux clin d'oeil de l'histoire que ce soit un gouvernement de gauche qui ait accéléré le recul du salariat en France, salariat qui repose sur un contrat de travail, comme vient de brillamment le démontrer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en passant le bac dans un grand journal économique, il y a quelques heures !
Mais, si l'on veut préparer l'avenir, d'autres grandes priorités doivent être respectées par le budget de la France.
Nous savons que le mal profond dont souffre notre pays, mais aussi l'Europe, est le chômage. Il n'est pas possible que près de trois millions de Français restent sans emploi.
Or, que constatons-nous de l'autre côté de l'Atlantique ? Le taux de chômage aux Etats-Unis vient de tomber à 4,2 % de la population active, un niveau inconnu depuis vingt-neuf ans, qui vient après une période de croissance à un rythme élevé d'environ 3 % par an ininterrompu depuis neuf ans.
Par ailleurs, nous venons d'apprendre que les entreprises s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information ont créé 1 200 000 emplois aux Etats-Unis en 1998, ce qui représente tout simplement 40 % du total américain des créations d'emplois l'an dernier.
Il faut donc que la France chausse sans retard des bottes de sept lieues pour rattraper son retard. Pour cela, il faut non seulement améliorer l'environnement des entreprises de haute technologie, comme je l'ai dit il y a quelques instants, mais aussi réorienter d'urgence les priorités budgétaires pour préparer les Français à exercer les métiers de l'avenir.
Pour bien me faire comprendre en cet instant, il me paraît nécessaire de préciser la nature de ces métiers.
Pour exercer ces métiers du futur, il faudra avoir la possibilité d'ajouter du savoir à un signal. Cette seule définition doit nous permettre de dégager deux grandes priorités pour la France, deux priorités que nous devons donc retrouver dans le budget.
Il faut tout entreprendre pour améliorer l'acquisition de savoirs et de compétences par les Français si nous voulons les voir entrer avec détermination dans la concurrence implacable que va ouvrir la mondialisation.
Par ailleurs, le budget de la France va devoir réserver une priorité absolue - il en va de l'aménagement du territoire, et donc de l'équilibre de notre pays - à la dissémination d'un signal de qualité large bande sur l'ensemble du territoire.
Autant il est nécessaire aujourd'hui, à une entreprise de disposer de l'énergie éléctrique ou du téléphone pour pouvoir s'installer, autant il lui sera nécessaire, dans très peu d'années - elles se comptent sur les doigts des deux mains - d'accéder à un signal de grande qualité pour entrer dans la compétition mondiale.
Or, il en coûtera des dizaines de milliards de francs d'investissements si nous voulons que ces métiers du futur puissent être exercés non seulement à La Défense ou dans le coeur de nos grandes villes, mais aussi dans toutes nos villes, dans tous nos villages de France. Il y va de l'avenir de notre pays, au travers de l'emploi de l'avenir. Il est donc très important que, très rapidement, ces nécessités trouvent leur traduction dans le budget de la France.
Pour conclure, je dirai qu'il est important que nous ressentions tous, en cet instant, combien sera difficile le combat qui s'engage.
Nous entrons dans une nouvelle société marquée par un véritable choc de civilisation, lui-même provoqué par la mondialisation. Or, cette société de l'information, où va-t-elle trouver sa valeur ?
L'information, chacun d'entre nous devra pouvoir en disposer. Par « chacun d'entre nous », j'entends chaque habitant de cette terre, car ce sera le minerai de demain.
Ne recommençons pas l'erreur du passé, ne faisons pas en sorte que seuls certains nantis, ou certaines nations nanties, puissent disposer de ce minerai de base. Battons-nous pour faire en sorte que chacun, sur cette terre, puisse en disposer. C'est ainsi que nous pourrons renforcer la paix.
Cet accès gratuit à l'information n'est toutefois pas une valeur solvable en soi. C'est une fois que l'on ajoute du savoir, de la compétence et surtout de l'expérience à cette information qu'on la transforme en produit cessible à valeur ajoutée, en produit marchand. Et ce produit marchand, ce sera la connaissance, connaissance qui sera la matière la plus diffusée sur notre terre.
Et s'il y a une partie du monde - c'est sur ce point que j'en terminerai - où il y a beaucoup d'expérience, et donc beaucoup d'expertise, car quand on ajoute de l'expérience à la connaissance elle se transforme en expertise, où il y a, par conséquent, un socle multiséculaire d'expertise, c'est bien la France !
Or, actuellement, nous n'exploitons pas du tout cette chance, alors que, demain, le combat sera celui des contenus et le vainqueur celui qui donnera de la valeur à l'ensemble de cette future société de l'information.
Toutes ces priorités, monsieur le secrétaire d'Etat, doivent donc se retrouver dans le budget sans tarder, car ce sont elles qui détermineront le destin de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire pour l'an 2000 est marqué par une situation assez paradoxale sur le plan économique et sur celui des comptes publics.
S'agissant de ces derniers, il est en effet indéniable qu'ils se sont assez nettement améliorés, quand bien même la quotité élevée du déficit du compte de l'Etat se traduit concrètement par une augmentation du poids et du service de la dette publique et par une réduction de la marge budgétaire.
Cette situation obère d'ailleurs, en tant que telle, toute orientation politique nouvelle, d'autant que nous sommes aujourd'hui largement placés dans le cadre d'une interdépendance des politiques économiques et budgétaires des pays de l'Union européenne, dont on notera qu'elle persiste à souffrir de la prétendue indépendance de la Banque centrale européenne, outil dont il est chaque jour évident que la privatisation est un obstacle à la réalisation même de certains objectifs du traité de Rome.
S'agissant de la situation économique et sociale générale, on ne peut manquer de souligner qu'elle présente aujourd'hui des caractéristiques inédites et préoccupantes, mais qui conduisent à la réflexion.
Parmi ces caractéristiques, relevons par exemple le niveau exceptionnellement faible de l'inflation - on peut d'ailleurs parler, à propos de nombreux secteurs, de « déflation sous-jacente » - reflet de la modification profonde de la formation des prix.
Nous entrons là dans le cadre que nous connaissons bien désormais : les coûts de production sont en réduction sensible, du fait notamment des gains de productivité dégagés de par les avancées technologiques et, singulièrement, par l'abaissement progressif et relatif de la part des salaires dans la valeur ajouté.
Des données ont été rappelées tout à l'heure dans la discussion du projet de loi de règlement définitif du budget de 1997 par mon collègue M. Thierry Foucaud. Je les souligne à nouveau.
La part des salaires dans la valeur ajoutée est tombée, en 1997, à moins de 60 %, niveau jamais atteint depuis 1970, tandis que l'excédent brut d'exploitation est aujourd'hui supérieur à 1 400 milliards de francs et que le niveau des dividendes versés a dépassé pour la première fois 500 milliards de francs.
Nous sommes donc confrontés à un étrange paradoxe - peut-être est-ce le paradoxe français ? - où les comptes publics, toujours en déficit et pour des montants élevés, voisinent avec des comptes des entreprises privées particulièrement florissants sans que cette situation se traduise d'ailleurs en termes de création d'emplois et donc, en fin de compte, en amélioration des comptes publics.
Il nous semble donc ici clairement illusoire de laisser penser que seule une gestion judicieuse et rigoureuse des engagements budgétaires, c'est-à-dire souvent une stagnation voire une réduction de la dépense publique, puisse suffire à améliorer la situation des comptes publics, qui dépendent d'ailleurs aujourd'hui de la qualité de la croissance en termes d'emplois et de salaires. Augmenter les salaires, c'est accroître la consommation, les recettes par l'impôt sur le revenu, la croissance et l'emploi. Monsieur le secrétaire d'Etat, une croissance entre 2,7 % et 3 % ne se décrète pas. Elle se gagne et vous le savez !
De fait, de notre point de vue, il y a une nouvelle interrogation : quelle orientation doit-on effectivement faire prendre à la politique budgétaire de l'Etat en matière tant de recettes que de dépenses publiques pour que l'action publique conduise à améliorer la qualité de la croissance ?
Des clarifications s'imposent en matière de recettes et de dépenses.
De 1994 à 1998, les recettes ont augmenté de 15 %. A quoi ont-elles servi ? En grande partie, elles ont servi à réduire les déficits. Les dépenses en matière d'éducation, de logement, de santé sont toujours considérées comme des dépenses passives, consommatrices de crédit. Ne devraient-elles pas enfin être reconnues comme des dépenses actives car génératrices d'investissements, d'emplois et de recettes ? La dépense ne doit pas être considérée comme renonçante, mais plutôt comme conquérante. Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une orientation nouvelle que nous vous proposons.
Nous estimons donc que, tant du point de vue de la réforme fiscale que de la réforme du financement de la protection sociale, la réflexion doit aller de pair avec l'analyse de la portée de l'action publique quant au potentiel de croissance et de création d'emploi.
On ne doit pas non plus perdre de vue l'accrochage de la politique budgétaire de notre pays dans l'ensemble de la pratique des gouvernements de l'Union européenne.
A ce propos, nous pensons que cet accrochage ne peut être conçu uniquement comme une sorte de passage obligé ou apparaître comme un gage de bonne gestion. Nous pensons en particulier que notre pays doit jouer un rôle déterminant dans la définition d'un certain nombre de priorités.
J'en veux pour preuve le débat que nous avons eu récemment, et uniquement en commission des finances - ce qui limite la portée de cet échange aux lecteurs assidus du Bulletin des commissions du Sénat et illustre le caractère quelque peu formaliste de l'article 88-4 de la Constitution - sur la taxation des produits financiers dans les pays de l'Union européenne.
Certains des pays de l'Union européenne, dont les gouvernements sont pourtant totalement ou partiellement classés « à gauche », continuent en effet de s'interroger sur la validité d'une harmonisation en ces matières, alors même qu'il s'avère indispensable de lutter à la fois contre une concurrence fiscale en général préjudiciable à l'emploi et contre une assez évidente iniquité fiscale qui pénalise le travail et favorise abusivement le capital.
De la même manière, la France doit, à notre sens, et au moment même où se déroulent les négociations de Lomé-V, prendre l'initiative de mesures pertinentes en matière de taxation des mouvements spéculatifs, mesures que des millions de pétitionnaires ont d'ailleurs encore fait valoir en cette fin de semaine.
La mise en oeuvre d'une nouvelle politique de développement économique et social des pays du sud s'avère plus qu'indispensable, et elle doit faire partie des visées de la démarche internationale de notre pays.
Le débat sur la place de notre pays dans le concert européen ne peut cependant nous faire oublier les exigences du débat intérieur sur la réforme fiscale et les politiques publiques.
En ces matières, nous avons goûté, ces dernières années, aux « joies » de la rigueur, une rigueur qui ne nous a pas épargné les dérapages incontrôlés, d'autant qu'elle n'a pas été équitablement partagée.
Il y a un lien entre situation des comptes publics et développement économique, et il importe donc, de notre point de vue, que la mobilisation des fonds publics serve effectivement à favoriser ce dernier.
Cela m'amène évidemment à dire que nous ne sommes pas totalement convaincus du bien-fondé d'une orientation selon laquelle le redéploiement de crédits et la recherche opiniâtre des économies de gestion seraient la condition nécessaire et suffisante à une utilisation judicieuse de la ressource publique.
Les perspectives ouvertes en la matière sont assez claires : il s'agit en particulier de limiter à 1 % en volume la progression des dépenses publiques d'ici à 2002.
Notons ici que cette progression s'intègre dans un cadre où un certain nombre de dépenses sont appelées à croître. On citera ainsi les incidences des accords salariaux dans la fonction publique, les effets budgétaires des négociations sur la réduction du temps de travail - même si les créations d'emplois associées à cette réduction du temps de travail peuvent avoir en retour un effet positif sur l'équilibre des dépenses publiques - ou encore la poursuite de la mise en oeuvre de certaines dispositions, comme la loi de programmation relative à la justice ou la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ce qui amène à constater qu'un certain nombre de dépenses peuvent être réduites dans les prochaines années pour tenir le cadre, et ce dès la loi de finances pour 2000.
Réduction des déficits ne signifie pas réduction de l'endettement. Le pacte de stabilité est plus illusoire que jamais. Pour notre part, nous estimons qu'il est illusoire de penser qu'une gestion plus serrée des effectifs n'est pas nécessairement un gage d'efficacité dans l'action des services publics.
On sait que certains ministères risquent en effet d'être mis à contribution pour « rendre » des postes à ceux qui seraient amenés à en créer.
Cela a cependant un certain nombre de défauts, notamment celui de mettre en question le droit à la mobilité des agents du secteur public et l'indispensable renouvellement des équipes et des cadres.
De surcroît, la question de la présence des services publics sur le terrain et de l'efficacité de leur action se pose évidemment. Cette question est sensible, notamment dans des domaines comme la sécurité publique, le fisc et le recouvrement des impôts, l'encadrement scolaire et la formation.
Comme le secteur public doit encore gérer une forme de précarité, toujours présente et qu'il convient de réduire et de faire disparaître, vous conviendrez que nous n'adhérions pas tout à fait à l'orientation fixée.
La satisfaction du comptable devant la réduction du déficit public ne peut, ne doit jamais, à notre sens, faire oublier l'approche du gestionnaire, attentif à la satisfaction des besoins collectifs exprimés par le corps social.
Nous sommes partisans d'une politique de dépense publique ambitieuse, productrice de croissance et d'emploi, répondant aux besoins de la population et donc plus audacieuse que celle qui nous est aujourd'hui proposée.
Cette orientation vaut évidemment pour la dépense publique en faveur de l'emploi, élément décisif de la politique d'intervention publique, dont la croissance exponentielle ces dernières années constitue d'ailleurs, selon nous, un paramètre correctif de la quotité du déficit public telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Cette politique pour l'emploi est, de manière fondamentale, consacrée à la prise en charge des cotisations sociales normalement dues par les entreprises, notamment dans le cadre de la ristourne dégressive sur les bas salaires ou encore de celle qui est désormais induite par la mise en oeuvre des accords de réduction du temps de travail.
Nous n'avons jamais été convaincus par la pertinence de ce choix, d'autant que, je l'ai rappelé, la situation des entreprises dans notre pays ne présentait pas la caractéristique d'être financièrement difficile.
On pourra, par exemple, toujours noter qu'en 1997 la croissance des dividendes distribués par les entreprises privées a été supérieure, en valeur absolue, et non pas seulement en valeur relative, à celle de la masse salariale, comme pour souligner les réalités auxquelles nous sommes confrontés.
Une question fondamentale se pose à notre avis : celle de l'accès au crédit des entreprises, singulièrement des plus petites.
Même si la baisse des taux d'intérêt et le désendettement ont réduit la part du prélèvement sur la valeur ajoutée opéré par les établissements financiers, il n'en demeure pas moins que ces taux demeurent largement supérieurs à la croissance réelle et que nombre de petites entreprises continuent à souffrir de cette situation.
Le moment est venu, de notre point de vue, de s'interroger sur l'opportunité de matérialiser l'aide publique à l'emploi, sous la forme d'une stratégie de bonification d'intérêts, dont les effets de levier sont, selon toute vraisemblance, les éléments de mesure en notre possession le prouvent, autrement plus productifs de développement économique et social et donc de création d'emplois qu'une stratégie d'allégement des cotisations sociales qui ne fait qu'accompagner un mouvement de fiscalisation de la protection sociale et de déresponsabilisation des entreprises vis-à-vis de la collectivité, sans retour véritable au bénéfice de celle-ci.
Nous avons adopté cette position lors du débat sur le financement de la protection sociale pour l'année 1999, ou encore lors de la discussion du projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière, et nous estimons qu'elle a toute son acuité, monsieur le secrétaire d'Etat, notamment au moment où se pose la question de la modification structurelle du financement de la protection sociale et de la nouvelle définition de la contribution effective des entreprises à ce financement.
Persévérer dans la seule démarche de l'allégement des cotisations sociales présente en effet le risque essentiel de favoriser une détérioration globale des conditions de rémunération des salariés du secteur privé, faite de non-reconnaissance des qualifications acquises et de précarité.
La même démarche critique vaut évidemment pour l'ensemble de la dépense publique, qui est souvent, selon nous, assez abusivement globalisée.
Nous ne croyons pas, par exemple, au caractère excessif de la dépense publique pour l'éducation, celle-ci demeurant un investissement de la collectivité nationale sur la longue durée et au bénéfice de sa jeunesse.
Restreindre aujourd'hui la dépense publique pour l'éducation, c'est engendrer demain de nouveaux coûts pour la collectivité en matière d'insertion, de traitement social du chômage et c'est prolonger l'exclusion et la fracture sociales.
Notre pays, en cette matière, a d'ores et déjà gaspillé trop de potentiels et de capacités pour continuer dans la voie d'une conception malthusienne de son système éducatif.
On en voit d'ailleurs les conséquences quand on constate la misère des services d'intervention socio-éducative auprès de ceux de nos jeunes qui sont sortis de la « normalité ».
Ce débat sur la dépense publique est un débat crucial, d'autant que notre pays a, en matière d'intervention publique, une tradition qui lui est propre au regard de ses partenaires de l'Union européenne, tradition qui nous met notamment à l'abri du travail des enfants tel qu'il se pratique en Grande-Bretagne ou en Espagne.
Il est évidemment inséparable du débat sur la réforme fiscale et, à ce propos, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, plusieurs écoles se côtoient.
Pour notre part, nous estimons que ce débat n'est pas enfermé dans le cadre étroit du taux des prélèvements obligatoires qui devrait baisser de manière régulière et inexorable pour se voir décerner un label de bonne gestion.
Il doit se mesurer autour de deux axes essentiels : d'une part, la part relative des impôts et taxes dans l'alimentation des comptes publics, et notamment la qualité redistributrice de ces impôts et taxes ; d'autre part, la pertinence et l'efficacité des prélèvements en termes d'emploi et de croissance.
Nous pensons donc, en particulier, que la réforme fiscale doit recouvrer clairement une volonté de réduction des droits indirects, à commencer par la taxe sur la valeur ajoutée, et une amélioration du rendement des impôts directs, fondée notamment sur une assiette plus large de l'impôt progressif.
Je veux le souligner ici à nouveau, il ne nous paraît pas satisfaisant que l'assiette de la contribution sociale généralisée ait été largement étendue et que ce principe n'ait pas été mis en pratique pour l'impôt progressif.
C'est pourtant important au moment où l'on indique vouloir réduire les prélèvements pesant sur le travail.
S'agissant de la réforme de la fiscalité, nous serons donc particulièrement attentifs aux mesures inscrites par le texte de la loi de finances initiale pour 2000 et je me dois de vous dire que nous ne nous contenterons pas uniquement de mesures de caractère symbolique ou à effet d'affichage.
Il convient, à notre sens, de faire en sorte que cette dernière loi de finances du siècle soit une nouvelle étape dans la mise en oeuvre de changements structurels profonds et justes au bénéfice des Français et du pays.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les observations que je voulais présenter dans ce débat d'orientation budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aujourd'hui se présente à nous cet exercice annuel essentiel qu'est le débat d'orientation budgétaire. Pour habituel qu'il soit maintenant, ce débat n'en est pas pour autant inutile.
Il permet, à mon sens, de dresser tout d'abord un large bilan des choix effectués et des résultats obtenus en matière économique sur l'année en cours.
Je m'y attacherai de façon non exhaustive dans mon intervention, en soulignant les quelques éléments qui m'apparaissent fondateurs dans l'orientation prise dans ce domaine par les pouvoirs publics.
De plus, le débat d'orientation budgétaire est, peut-être plus que d'autres encore, l'occasion d'un échange empreint d'émulation et d'enseignement des lignes de partage idéologique - osons le mot, monsieur le rapporteur général - qui traversent nos rangs. Dans le respect de l'identité politique de chacun, il permet, dans notre assemblée, de débattre de nos différences.
Enfin, un tel débat a naturellement vocation à tracer les axes qui détermineront les politiques budgétaire et fiscale de notre pays pour l'année à venir.
L'expérience a montré que le Gouvernement ne restait pas sourd aux sollicitations des parlementaires dans la préparation de son budget. Je suis convaincu que, cette année encore, les débats, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, permettront des apports pertinents propres à aider le Gouvernement dans la lourde tâche qui lui incombe. Je ne doute pas, pour ma part, que vous saurez retirer le meilleur de nos échanges pour le bien de la communauté nationale.
Je rappelais, voilà quelques minutes, l'intérêt d'effectuer un bilan à mi-parcours des conditions et des résultats économiques. Je souhaite, bien au-delà d'une simple et stérile autosatisfaction, vous livrer les réflexions et les leçons que nous dicte la situation économique de notre pays.
La croissance, tout d'abord, a retrouvé un rythme de progression satisfaisant malgré le léger fléchissement qu'elle a subi au premier trimestre 1999 qui ne saurait augurer un inversement de tendance en la matière.
Cependant, la croissance n'est rien sans la confiance. Vous n'êtes pas sans savoir que l'investissement des entreprises, notamment des PME, est aujourd'hui en hausse notable, comme celui des ménages. Cette tendance laisse penser qu'un ressaut positif sera enregistré dès le prochain semestre.
La volonté du Gouvernement d'aller vers une meilleure et plus juste redistribution des fruits de la croissance a conduit à un renforcement du pouvoir d'achat des ménages. Alors que la hausse de ce pouvoir d'achat était d'environ 1,4 % entre 1993 et 1995 et de 3 % entre 1995 et 1997, elle est aujourd'hui de 5,2 %.
En ce qui concerne la dette et les déficits publics, les résultats sont tout aussi encourageants. Ainsi, pour la première fois depuis vingt ans, le ratio dette/PIB va décroître. De même, alors que les déficits publics atteignaient près de 5,6 % en 1993 et restaient sur une pente entre 3,5 % et 3,7 % en 1997, ils ont été ramenés en deçà de la barre des 3 % en 1998 pour atteindre en 1999 un niveau encore inférieur à l'objectif initial de 2,3 %.
Les prélèvements obligatoires avaient progressé par rapport au PIB de 0,6 %, voire de 1,2 % entre 1993 et 1996. Depuis 1997, leur niveau a été stabilisé. De ce point de vue-là encore, les mesures ont été engagées pour que les objectifs d'une nécessaire redistribution soient respectés.
Mais c'est surtout dans le domaine de l'emploi que doit se situer notre plus grande ambition. La bataille est loin d'être gagnée, mais les résultats enregistrés n'en sont pas moins satisfaisants. En juin 1997, la France comptait un taux de chômage de 12,6 % par rapport à sa population active. Ce taux a été ramené à 11,4 % en avril dernier alors que, dans le même temps, la population active croissait fortement. Au total, ce sont près de 480 000 emplois qui ont été créés entre 1997 et 1998.
Ainsi, l'économie française a, de ce point de vue encore, largement rattrapé son retard et peut-être même pris quelques longueurs d'avance sur ses principaux partenaires européens : l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni. Pour ce faire - et en cela j'en reviens à la notion de confiance - nous avons bénéficié d'un apport important dû à une relance de la demande intérieure.
Il est aujourd'hui indéniable que la décrue du chômage en France est presque ininterrompue depuis juin 1997. Jusqu'à présent, les jeunes ont largement profité de cette embellie. Il nous faut continuer dans cette voie pour que chacun retrouve sa juste place dans notre société.
Les objectifs budgétaires de notre pays, tels qu'ils sont énoncés dans le programme pluriannuel transmis à la Commission européenne, doivent permettre de progresser dans la voie d'une croissance maîtrisée des dépenses, d'une réduction du poids de la dette, d'une diminution des prélèvements obligatoires et d'une meilleure redistribution.
Ainsi quantifiés, les choix du Gouvernement me semblent raisonnables dans le sens où ils n'empruntent ni le chemin timoré d'une gestion trop rigoureuse, ni les sentiers hasardeux d'une dilapidation des produits de la croissance retrouvée.
Le budget 2000 est en accord avec ces objectifs. S'il semble difficile de prévoir précisément les marges de manoeuvre budgétaires qui dépendront du niveau de croissance, dont on ne connaîtra valablement l'estimation qu'à la fin du mois d'août, il est toutefois possible de poser quelques jalons.
Ainsi, nous nous félicitons du fait que le Gouvernement ait choisi, pour sa politique budgétaire, de fixer un objectif de dépenses plutôt qu'un objectif de déficit, et qu'une augmentation des dépenses soit prévue à hauteur de 0 % en volume.
Au stade où nous sommes, il nous est possible de réfléchir aux outils nous permettant de poursuivre une réforme fiscale équilibrée et respectueuse tout à la fois des équilibres nationaux et des obligations de redistribution.
Je me permettrai tout d'abord d'énoncer quelques principes qui, s'ils paraissent évidents, méritent toutefois d'être rappelés.
Premier principe : l'impôt n'est pas, par nature, un mauvais outil. Il sert à financer l'offre de services publics et la redistribution des richesses auxquelles les Français sont si attachés. La baisse de l'impôt ne peut donc se faire sur la seule base de théories économiques ou de politiques dogmatiques ; il faut garder à l'esprit les principes fondateurs du fonctionnement de notre société.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vive l'impôt !
M. Bernard Angels. C'est une différence qui existe entre nous et à laquelle je faisais allusion en introduction.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sûrement !
M. Bernard Angels. Nous l'avons souvent dit, et je me permets de le rappeler, l'impôt est la contrepartie des diverses prestations offertes par les pouvoirs publics. Dans ce domaine, des efforts sont indéniablement à faire. Une société moderne et responsable n'est pas nécessairement une société dans laquelle on paie peu d'impôts ; c'est une société dans laquelle chaque citoyen a conscience que sa contribution personnelle est utilisée de la façon la plus efficace pour l'intérêt général.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le rapport qualité-prix est mauvais !
M. Bernard Angels. C'est donc avant tout de l'amélioration de la dépense publique qu'il doit être question.
Deuxième principe : l'outil fiscal n'est pas immuable. Si l'impôt n'est pas contestable en son principe, il peut être contesté dans son application.
En cela, notre législation fiscale n'est pas exempte de défauts. Elle peut et doit être réformée pour participer, de la manière la plus juste, à la redistribution des richesses et au travail de relance de l'économie. Cependant, gardons-nous d'engager des mesures radicales dans la précipitation. Réformer n'est pas renverser et nous devons faire preuve - encore plus peut-être dans ce domaine si sensible auprès de nos concitoyens - de responsabilité et de mesure pour poursuivre l'effort de justice sociale en réformant, sans les déséquilibrer, nos structures et nos pratiques.
Les principes fondateurs d'une réforme fiscale sont de deux ordres : « Comment tenir compte des capacités contributives de chacun ? » ; « Comment intégrer cette réforme dans une politique de relance sociale ou économique ? »
Dans ce cadre, il nous apparaît tout à fait positif que le Gouvernement ait choisi d'accorder le bénéfice des prochaines réductions d'impôts aux ménages plutôt qu'aux entreprises, et ce pour plusieurs raisons.
En revanche, il nous apparaît indispensable que ces avantages soient accordés l'année prochaine, quelles que soient les hypothèses de croissance qu'arrêtera le Gouvernement. Celles-ci doivent conditionner l'ampleur de ces mesures, mais en aucun cas leur existence. Il y va de la cohésion sociale et du renforcement de la demande intérieure.
Cette orientation en faveur des ménages doit être engagée.
Tout d'abord, vous conviendrez, mes chers collègues, que, dans le budget de 1999, des mesures avaient été prises en faveur des entreprises. Elles ont permis, par des actions structurelles fortes, leur développement et elles sont budgétées pour 2000. La réforme de la taxe professionnelle, la suppression de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés sont autant d'engagements qui prouvent l'attachement du Gouvernement et de la majorité au renforcement des capacités de production des entreprises.
Il convient de noter par ailleurs qu'une baisse des cotisations patronales est prévue dans le cadre de la mise en place des 35 heures. L'ensemble de ces mesures me paraît déjà tout à fait ambitieux pour une seule et même année.
D'autre part, ainsi que vous l'avez sûrement déjà relevé, les mesures prises en faveur des ménages ne sont pas sans effet sur les entreprises. Une relance du pouvoir d'achat influence favorablement consommation et croissance, deux variables dont l'évolution positive profite largement aux entreprises.
Enfin, il est important de donner des gages sérieux aux Français qui ont participé avec courage et détermination à l'effort de relance. La baisse des prélèvements obligatoires ne doit pas se limiter à un simple partage des bénéfices de la croissance. Elle doit aussi et surtout être la marque d'une confiance retrouvée, d'un climat apaisé et d'une plus grande justice sociale au profit de nos concitoyens les plus en difficulté.
Après cette rapide définition des objectifs et de la méthode, il convient de nous attarder aux choix qu'ils imposent.
Deux chantiers nous semblent prioritaires pour l'année à venir : la poursuite de l'effort de simplification et la recherche d'une plus grande justice en matière fiscale.
Une réforme fiscale ne doit pas se mesurer seulement à l'aune de son rendement mais aussi, ainsi que je l'ai déjà énoncé, en tenant compte de sa perception par le contribuable. En cela, un travail approfondi de simplification des mesures déclaratives est nécessaire.
Il semble qu'une réflexion soit engagée par le Gouvernement dans ce sens dans le domaine de la fiscalité de l'épargne. Trop de régimes dérogatoires subsistent et une démarche dans la voie de l'unification ne peut être qu'une initiative pleine de sens.
De même, la concertation menée par le Gouvernement concernant la « déclaration expresse » de l'impôt sur le revenu me paraît tout à fait intéressante. Je ne suis pas sûr que nous soyons déjà en mesure d'effectuer un prélèvement à la source pour cet impôt mais, en tout état de cause, nous devons favoriser toutes les initiatives en ce sens.
Ainsi, toute mesure visant à simplifier l'impôt des contribuables dont les revenus sont déclarés par des tiers mérite d'être mise en oeuvre.
En ce qui concerne la simplification de l'impôt sur le revenu, vous me permettrez, monsieur le ministre, d'évoquer ici une mesure qui, si elle est ponctuelle, n'en est pas moins nécessaire compte tenu du mécontentement manifesté sur le sujet voilà quelques mois. C'est, vous l'aurez compris, au droit de bail que je fais ici référence.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Double imposition !
M. Bernard Angels. Je ne reviendrai pas sur le débat de fond, d'autant que le sujet fait encore l'objet, à l'heure actuelle, d'une réflexion au sein du Gouvernement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On l'avait mis en garde !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, nous l'avions dit !
M. Bernard Angels. Je profite simplement de l'occasion que m'offre votre présence en notre assemblée, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour avancer quelques éléments de réflexion sur cette question. Il nous paraît en effet primordial qu'une rupture de bail donne lieu à un crédit d'impôt, et ce dans tous les cas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Heureuse conversion !
M. Bernard Angels. Je souhaite que la concertation engagée dans ce sens aboutisse à la définition de modalités administratives appropriées à un traitement rapide de ce dossier.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il aurait suffi de nous écouter !
M. Bernard Angels. Par exemple, pourquoi ne pas imaginer, dès aujourd'hui, un remboursement étalé sur une période de cinq ans ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi pas ?
M. Bernard Angels. Je soumets cette proposition à votre réflexion.
Dans le même ordre d'idée, je désirais vous interroger, monsieur le ministre, sur l'extension du régime du microfoncier ; j'ai cru comprendre qu'elle faisait l'objet d'une réflexion au sein de votre ministère.
Le deuxième chantier auquel nous devons porter la plus grande attention, c'est celui de la recherche d'une plus grande justice fiscale.
Des impôts plus justes, ce sont non pas forcément des impôts moins élevés mais souvent des impôts mieux répartis.
De ce point de vue, je reste sceptique quant aux retombées économiques du dispositif dit de la loi Pons, dont la refonte me semble piétiner à l'heure actuelle. Je suis toujours fermement persuadé que les départements et les territoires d'outre-mer auraient tout à gagner d'un dispositif de même ampleur, mais n'entraînant pas pour autant les effets d'aubaine qui sont constatés aujourd'hui et dont les bénéficiaires ne sont que rarememt les contribuables qui devraient en profiter au premier chef.
D'une manière plus générale, il convient, à mon sens, de s'interroger sur la pertinence du maintien d'un certain nombre de niches fiscales qui perdurent dans l'impôt sur le revenu.
Certains évoquent la possibilité d'élargir l'assiette pour abaisser les taux du barème. Cette piste n'est pas à écarter - je n'ai pas d' a priori - mais elle ne doit pas masquer d'autres voies tout aussi intéressantes, telle qu'une meilleure répartition des dépenses fiscales à masses constantes.
A ce propos, il pourrait s'avérer, à mon sens, tout à fait utile de réfléchir à la transformation de certaines réductions d'impôt en crédits d'impôt. Cette mesure, déjà appliquée pour les travaux dans l'immobilier, a montré toute sa pertinence. Nous pourrions réfléchir à un élargissement de ce type de dispositif à d'autres dépenses de nature plus sociale, comme les frais de garde d'enfants.
Traditionnellement, nous avons toujours recommandé une diminution de la TVA plutôt que de l'impôt sur le revenu. Ce postulat repose sur le triple constat que les impôts indirects sont inéquitables car proportionnels et, de plus, trop élevés en regard des impôts directs, eux-mêmes plus justes puisque progressifs.
De plus, une baisse de l'impôt sur le revenu ne touche qu'environ un foyer français sur deux.
Cependant, si l'on consent à rembourser aux contribuables non imposables un montant susceptible de compenser le manque à gagner de l'avantage accordé aux foyers imposables, l'allégement fiscal ainsi offert a le mérite de se trouver plafonné quel que soit le revenu du contribuable et d'être accordé à tous.
Cette remarque m'offre une occasion d'évoquer la question d'un taux réduit de TVA sur les travaux immobiliers.
Sans préjuger les discussions qui se déroulent au niveau européen, je voudrais rappeler que, si les hausses de TVA sont toujours répercutées à plein sur le consommateur, les baisses le sont de manière parfois plus variable.
Il ne faut donc pas, à mon avis, s'interdire de réfléchir à des mesures intéressant directement le consommateur. Le crédit d'impôt se révèle être à cette fin une solution tout à fait intéressante en matière d'imposition sur le revenu.
Avant de conclure, je souhairerais évoquer deux sujets qui, à mon sens, seront au centre des préoccupations dans les années à venir et sur lesquels il convient de réfléchir dès à présent.
La première de ces préoccupations concerne la protection de l'environnement et du cadre de vie.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. L'écotaxe !
M. Bernard Angels. Dans ce cadre, il me semble essentiel que l'« écotaxe », effectivement, construite sur l'idée du pollueur payeur, soit rapidement mise en place.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Un impôt nouveau !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore un impôt !
M. Bernard Angels. Je souhaiterais que, sur ce dossier, notre réflexion soit la plus large possible. Il s'agit non plus seulement de trouver les moyens de financer telle charge nouvelle mais aussi d'établir un système suffisamment dissuasif pour freiner des comportements dangereux pour la collectivité. Cette position s'impose à l'ensemble des pollutions et implique ainsi, par exemple, que des dispositions concernant la sécurité alimentaire soient également développées.
Enfin, il me serait impossible de clore cette intervention sans aborder, même rapidement, le volet européen.
Nous nous devons d'être réellement volontaristes en matière fiscale. Je ne citerai que trois dossiers que nous devrons voir aboutir le plus rapidement possible.
En premier lieu, il est nécessaire de tout faire pour voir adopter la directive sur l'épargne récemment reportée, à mon grand regret. Nous restons, en outre, persuadés que l'adoption de la règle de la majorité qualifiée constituerait, dans le cas où une telle harmonisation ne pourrait voir le jour, une réponse institutionnelle propre à favoriser sa mise en place.
En second lieu, il est important que s'engage au sein de l'Union un large débat sur la taxation de l'épargne financière à caractère spéculatif. Largement débattu dans notre pays, ce dossier doit rapidement trouver une réponse à l'échelle européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne suffira pas !
M. Bernard Angels. Une telle réflexion, pour être équilibrée, doit s'appuyer sur des modalités de taxation « à la sortie » au niveau des plus-values constatées.
Enfin, la lutte contre le dumping fiscal européen me paraît devoir être rapidement étudiée. Une telle démarche, largement sollicitée par les entreprises, ne saurait, en effet, être repoussée sans risque à un calendrier trop lointain.
Pour conclure, mes chers collègues, il me paraît nécessaire de décliner notre réflexion à partir de trois principes.
L'esprit de responsabilité, tout d'abord, doit nous prémunir des excès et des a priori que nous sommes tous enclins parfois à faire primer sur l'intérêt général pour parvenir à cerner les mesures les plus adaptées au bien de la collectivité nationale.
Le respect des convictions et des valeurs - deuxième principe - offre les conditions d'un échange toujours renouvelé. C'est sans exclusive et l'esprit ouvert que nous parviendrons à créer une dynamique à la hauteur de l'attente des Français.
L'ambition, enfin, d'offrir à nos concitoyens les conditions d'une plus grande justice sociale doit nous pousser, en nous appuyant sur les résultats acquis et le travail engagé depuis deux ans, à rechercher de nouvelles voies vers le progrès social et la redistribution des richesses.
A tous ces niveaux, je ne doute pas que nous saurons, mes chers collègues, prendre la mesure, dans nos débats, des enjeux qui s'offrent à notre pays, et que le Gouvernement suivra, lui aussi, cette voie pour la définition du budget de l'an 2000. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'ensemble des orateurs qui se sont exprimés, en sus du président de la commission des finances et du rapporteur général, représentant tous les groupes de la Haute Assemblée, il m'a semblé possible de faire une première réponse aux orateurs qui ont exposé leur position, pour ensuite, à la fin du débat, répondre aux autres orateurs ; cette manière de procéder a déjà été utilisée dans le passé.
Je répondrai pour ma part plus directement à M. le rapporteur général et à M. le président de la commission des finances, réservant à M. Christian Sautter le soin de répondre aux autres présidents de commission, ainsi qu'aux deux orateurs des deux groupes dont aucun membre n'est président de commission.
Ce débat me semble bien engagé ; chacun ayant fait valoir ses positions en les argumentant.
Evidemment, tout cela n'est pas exempt de piques d'un côté et d'autre, mais c'est la tradition parlementaire, et personne ne saurait s'en plaindre.
Toutefois, au-delà des piques qu'ils lancent, nombreux sont ceux qui se sont plu à reconnaître tel ou tel point avancé par le Gouvernement ; je veux les en remercier.
Lorsque M. Marini donne acte au Gouvernement d'avoir une croissance plus forte que les grands pays européens, il ne fait que constater une réalité. Il ne pourrait donc pas prétendre le contraire. Cependant, la réalité a parfois été contestée dans les hémicycles parlementaires. Chacun trouve donc un certain plaisir à constater que cette réalité s'affirme avec tant de force qu'il n'est pas possible de prétendre le contraire.
En revanche, je suis moins d'accord avec la thèse défendue par M. le rapporteur général, selon laquelle la diminution du déficit - là aussi, il serait difficile de prétendre le contraire - ne repose que sur la croissance, alors que tel ne devrait pas être le cas. Je me suis exprimé sur ce point dans mon intervention liminaire, me doutant avec une sagacité sans pareille que ce point serait évoqué soit par M. le rapporteur général, soit par M. le président de la commission des finances. Je n'ai pas été déçu. Je veux donc y revenir brièvement.
Certes, le déficit diminue - et nous pouvons nous en réjouir - mais il y aurait matière à critique si cette baisse ne reposait que sur la croissance. Tous les calculs sur la réduction des déficits structurels montrent qu'il n'en est rien. Certes, la définition de ces déficits prête à interprétation selon les économistes. Des chiffres différents peuvent être obtenus. Le FMI, par exemple, n'a pas exactement la même appréciation du déficit structurel que l'OCDE ou la direction de la prévision en France.
Mais quelle que soit la définition retenue - j'évoquais tout à l'heure les chiffres du FMI mais j'aurais pu prendre ceux de l'OCDE ; ils ne se situent pas exactement au même niveau, mais la hiérarchie reste la même - chacune met clairement en évidence le fait que nous avons un déficit structurel plus important que les autres pays européens - c'est le produit de l'histoire, je ne ferai pas de partage - mais que la réduction de ce déficit est aussi aujourd'hui la plus forte.
Chacun devrait se réjouir qu'au-delà de la réduction du déficit qui découle de la conjoncture, c'est-à-dire d'une phase de cycle dans laquelle la croissance revient et où les recettes sont fortes, nous avons, hors effet de la croissance, la plus importante réduction du déficit structurel des pays pris en compte par le FMI. Celui-ci l'évalue à 0,5 % ; d'autres l'établissent à 0,4 %, voire à 0,35 %. Dans tous les cas de figure, cette réalité n'est pas contestée : le déficit structurel en France baisse de façon significative, et cette diminution est sensiblement plus forte que la moyenne européenne.
Le deuxième point sur lequel je veux revenir concerne l'inflation et les contrats de gestion. En effet, le Gouvernement a commis une erreur. Dans la loi de finances de 1999, il a prévu un taux d'inflation qui s'est révélé trop pessimiste. Ce taux semble aujourd'hui devoir être plus faible. Peut-être remontera-t-il d'ici à la fin de l'année, auquel cas le Gouvernement finirait par avoir raison.
A priori , même si certains signes montrent une légère remontée du taux d'inflation, nous en sommes à un taux de l'ordre de 0,4 %. Celui-ci atteindra peut-être 0,5 % ou 0,6 % mais il sera sans doute moins élevé que celui que nous avions prévu, M. Christian Sautter et moi-même, au mois d'août dernier.
Dans ces conditions, que convient-il de faire ? J'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet à plusieurs reprises devant le Sénat et tout à l'heure encore. La politique budgétaire que le Gouvernement veut mettre en oeuvre repose sur le principe d'un objectif de croissance en volume intangible pour 1999 qui a été fixé à 1 %.
Dans ces conditions, il faut bien se mettre en situation de respecter l'objectif en volume. Par conséquent, les crédits ayant été calculés par rapport à un objectif en valeur surévalué, puisque l'inflation a été a priori surévaluée, il faut mettre de côté, dans ces fameux contrats de gestion passés avec les ministères, certaines sommes. Cette opération ne constitue pas un gel au sens où il ne s'agit pas d'un dépassement de la dépense budgétaire par rapport aux sommes qui ont été prévues et votées par les assemblées. En effet, qu'est-ce que le gel des dépenses ? Lorsqu'on s'aperçoit que les recettes ne sont pas au rendez-vous ou que les dépenses explosent et qu'on veut respecter le déficit prévu, alors on gèle les dépenses avant de procéder éventuellement à leur annulation. Or ce n'est pas cela qui est en cause.
Le problème est de dépenser non pas les crédits que vous avez votés, mais des crédits inférieurs à ceux que vous avez votés. Mais comme nul ne sait quel sera le taux d'inflation à la fin de l'année, il ne faut pas non plus prendre aujourd'hui des décisions qui seraient irréversibles, d'où une technique nouvelle qui a été mise en place sous le nom de « contrats de gestion » et qui consiste à voir, ministère par ministère, chapitre par chapitre, et parfois même au sein des articles, les articles qui sont concernés par cette surestimation du taux de l'inflation et ceux qui ne le sont pas.
Par exemple, dans certains ministères les crédits d'intervention ou de fonctionnement sont importants. Or, ce sont des crédits surévalués puisque l'estimation du taux de l'inflation a été surévaluée. Dans ces ministères-là, il convient de procéder à une correction. Aussi, je répondrai à M. le rapporteur général qui m'a demandé quels ministères étaient concernés que tous le sont dans des proportions variables en fonction des postes sur lesquels l'inflation joue.
Par conséquent, la surestimation du taux de l'inflation a conduit le Parlement, qui a suivi la proposition du Gouvernement, à retenir des crédits trop élevés. Je ne doute pas que les services du Sénat, si précis et si efficaces traditionnellement, sauront reconstituer facilement les postes et les lignes budgétaires concernés.
Mais si l'inflation remonte d'ici à la fin de l'année, ces sommes seront restituées aux ministères pour que, en fin de compte, la dépense réelle ait bel et bien augmenté de 1 %, comme le Gouvernement s'y est engagé.
Vous avez ensuite déclaré, monsieur le rapporteur général, que les gouvernements précédents - sans doute pensiez-vous aux deux gouvernements précédents - avaient eu bien du mal à réduire le déficit, et en ne touchant nullement d'ailleurs au déficit structurel qui, lui, est resté en l'état, parce qu'ils devaient faire face à une mauvaise conjoncture. Comme si l'on devait considérer que la conjoncture est un élément totalement extérieur à la politique du Gouvernement ! Si tel est le cas, il faut arrêter toute politique économique. La mauvaise conjoncture était peut-être due à des événements internationaux, mais aussi à la politique menée par le Gouvernement.
C'est si vrai que les résultats en matière de conjoncture en France ont été, de 1993 à 1997, inférieurs à la moyenne européenne, ce qui prouve qu'il était possible de faire mieux puisque les autres pays ont réussi avec une conjoncture internationale qui était, pour eux, la même que pour nous.
Symétriquement, quand je me réfère, ce que vous faites sans doute comme moi, aux débats qui se tiennent aujourd'hui au Parlement italien ou au Parlement allemand, je constate que l'opposition dit au gouvernement de M. D'Alema, en Italie, ou à celui de M. Schroder, en Allemagne : « Regardez les Français ; ne nous dites pas que la conjoncture est mauvaise ; elle est la même pour tout le monde. » Ce sont vos amis qui sont dans l'opposition dans ces pays.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont vos amis qui ne sont peut-être pas très bons !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Peut-être, mais vous reconnaissez et je vous en remercie, monsieur le rapporteur général, que les amis de nos amis, c'est-à-dire nous-mêmes, sont plutôt bons.
Vous avez ensuite abordé, monsieur le rapporteur général, le problème des collectivités locales. Si le taux des prélèvements obligatoires par rapport au PIB a été stabilisé, dites-vous - et, effectivement, il n'a pas baissé, j'y reviendrai tout à l'heure - c'est grâce aux collectivités locales.
Mais, de manière habile, vous avez laissé entendre dans votre discours que cette stabilisation était imputable aux décisions des collectivités locales. Comme si celles-ci, prises d'une vertu subite, avaient décidé de faire baisser la pression fiscale qu'elles contrôlent !
La réalité est bien évidemment complètement différente. C'est en effet grâce à la baisse de la pression fiscale au titre des collectivités locales que le taux de prélèvements obligatoires a été stabilisé. Mais cette diminution des prélèvements est due non pas à l'initiative des collectivités locales mais à la baisse des droits de mutation pour les régions. Si nous constatons, à la concurrence de 0,2 point de PIB, une baisse de la pression fiscale des collectivités locales, c'est donc bien grâce à l'initiative du Gouvernement, même si elle est enregistrée au niveau de ces dernières.
Il ne faudrait donc pas retirer à César ce qui lui appartient, et en l'occurrence au Gouvernement, ce qu'il a mis en oeuvre, à savoir la stabilisation des prélèvements obligatoires. Celle-ci peut être considérée comme un objectif encore insuffisant ; mais elle est préférable à la hausse. Elle est bien le fruit de la politique qui a été mise en place par le Gouvernement et par sa majorité même si elle s'inscrit dans les comptes des collectivités locales.
Cette stabilisation est-elle une bonne chose ? Personne ne peut être opposé à une baisse ; nous le disons d'ailleurs tous, jour après jour. L'objectif est bien d'arriver à une baisse du taux des prélèvements obligatoires. Mais reconnaissez quand même - vous êtes beau joueur ; vous allez en convenir -, que la stabilité des prélèvements obligatoires est préférable à une hausse de ceux-ci.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est moins bien qu'une baisse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La baisse, c'est mieux que la stabilité.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est moins bien que la baisse. Voilà, nous parvenons à tomber d'accord sur un point. Nous allons mettre 20 sur 20 au gouvernement qui procède à une baisse des prélèvements obligatoires, 10 sur 20 à celui qui les stabilise et un zéro pointé à celui qui les augmente. Voilà une proposition honnête.
Reportons-nous aux années passées. Le Gouvernement en place qui, depuis deux ans, stabilise ces prélèvements n'obtiendra que 10, soit juste la moyenne, je suis d'accord avec vous. Je constate toutefois aussi que les deux gouvernements précédents ont été à l'origine d'une hausse des prélèvements obligatoires de 0,5 point par an, soit 2 points en quatre ans. C'est bien vous qui avez décerné les zéros pointés.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Que s'est-il passé avant ces deux gouvernements ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les prélèvements obligatoires étaient restés stables. Ils avaient même légèrement baissé quand M. Bérégovoy occupait les fonctions que j'ai l'honneur d'assumer aujourd'hui.
Vous avez jugé bon - chacun le sait ; c'est un secret de polichinelle - d'augmenter la TVA pour mettre en oeuvre deux réformes. La première était celle de la baisse de l'impôt sur le revenu, qui a été amorcée. Mais l'augmentation de la TVA pour baisser l'impôt sur le revenu n'a a priori pas d'effet sur les prélèvements obligatoires. La seconde réforme était la baisse des charges, à savoir la fameuse ristourne Juppé. On peut en penser ce qu'on veut. Mais, là aussi, l'augmentation de la TVA pour baisser les charges ne devrait pas avoir d'effet sur les prélèvements obligatoires. Cette opération est neutre. Si les prélèvements obligatoires ont augmenté de deux points pendant cette période, c'est bien parce qu'il s'est passé autre chose.
Lorsqu'on dit que le gouvernement en place de 1993 à 1997 a augmenté, par la hausse de la TVA, les prélèvements obligatoires. On vous fait, en fait, un cadeau. En effet, il a augmenté les prélèvements obligatoires, mais cela ne provenait même pas de la hausse de la TVA puisqu'elle a été utilisée pour baisser d'autres impôts. Par conséquent, vous avez augmenté deux fois les prélèvements obligatoires pendant cette période. En effet, quand on regarde la courbe - vous la connaissez comme moi car elle figure dans tous les ouvrages - on s'aperçoit que les prélèvements obligatoires ont augmenté, de 1993 à 1997, d'une manière que la France a peu connue.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La dynamique des recettes n'était pas la même.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Eh oui ! parce que la croissance n'était pas au rendez-vous et que la politique économique n'était pas adaptée. On en revient toujours à la même chose.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes trop manichéen.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toujours est-il que nous avons stabilisé les prélèvements obligatoires. Ce n'est certes pas suffisant, et j'admets tout à fait votre critique.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tout allait bien en 1992 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non ! tout n'allait pas bien en 1992. La preuve en est que les Français, en 1993, ont souhaité changer de gouvernement. Mais tout allait encore moins bien en 1997 puiqu'ils ont de nouveau voulu changer de gouvernement.
En tout cas, je constate, pour ma part, que les prélèvements obligatoires sont stabilisés depuis deux ans. M. Christian Sautter et moi-même avions déclaré qu'ils allaient baisser. Pourquoi n'ont-ils pas diminué ? Voilà une question qui mérite d'être éclaircie.
Le taux des prélèvements obligatoires, chacun le sait, est le rapport entre les prélèvements et le PIB. Les prélèvements ont-ils été supérieurs aux prévisions ? Cela permettrait d'expliquer qu'ils n'aient pas baissé et qu'ils soient restés stables. Non, ils ont été, presque au milliard près, équivalant à ceux qui étaient prévus.
Que s'est-il passé ? Le PIB a été plus faible que prévu. C'était une surprise puisque nous avions une croissance supérieure à nos prévisions. Certes, mais le PIB qui intervient dans le calcul de ce ratio est le PIB en valeur, inflation y compris. Or, l'inflation a été beaucoup plus faible que prévu. Le PIB a donc, lui aussi, été plus faible que prévu, même si, en volume, il avait plus augmenté qu'on ne l'espérait.
En conséquence, le ratio, par un effet purement arithmétique dû à une inflation qui - et c'est fort heureux - a pratiquement disparu, fait apparaître non pas une baisse, mais une stagnation du taux des prélèvements obligatoires. Tout cela est dû en grande partie à un effet comptable.
Si nous avions eu - certes, me direz-vous avec des « si » on ferait beaucoup de choses - l'inflation qui avait été prévue, ce qui aurait été moins bien - il est préférable d'avoir moins d'inflation - nous aurions alors eu une baisse des prélèvements obligatoires, selon les taux qui étaient prévus. Dans la réalité, cela ne change rien. Le Sénat doit être correctement informé sur ce point.
Si le taux est resté stable au lieu de baisser comme prévu, c'est parce que l'inflation n'est pas au rendez-vous. A quelque chose, malheur est bon, car une inflation réduite entraîne plus de pouvoir d'achat et sans doute plus de croissance et d'emplois.
J'en viens d'un mot à l'écotaxe et à la cotisation sociale sur les bénéfices qui sera mise en place.
Il s'agit de nouveau d'une mesure dont la logique, même si la mise en oeuvre et l'objectif ne sont pas les mêmes que ceux de M. Juppé, est de changer un prélèvement par un autre, d'opérer un prélèvement pour procéder à un allégement. Cela ne modifie en rien les prélèvements obligatoires, mais le gouvernement de M. Juppé estimait, à l'époque, que ce serait bon pour l'économie. Je pense que M. Juppé s'est trompé car prélever de la TVA pour alléger les charges a, certes, allégé ces dernières mais a aussi tué la croissance.
Nous opérons différemment. Nous voulons aussi alléger les charges sur le travail non qualifié, mais nous le finançons d'une autre manière. L'opération est globalement neutre. Nous prenons de l'argent d'un côté pour le redonner aux entreprises de l'autre, mais cela ne devrait pas nuire à la croissance. Cette écotaxe qui, par ailleurs, est souhaitable, est en train d'être décidée à l'échelon européen. De toute façon, elle existera ; par conséquent autant l'utiliser pour l'emploi.
Quant à la cotisation sociale, très modique, sur les bénéfices il a été démontré, en effet, au cours de l'année 1998 par exemple, qu'elle ne nuisait pas à la croissance. En effet, chacun devra se souvenir longtemps que la surtaxe de 15 %, mise en place en 1997 par le Gouvernement pour satisfaire aux contraintes de l'entrée dans l'euro, n'a visiblement pas nui à la croissance 1998 qui se révèle être la meilleure de la décennie et supérieure à ce que le Gouvernement avait prévu.
Dans ces conditions, nous voyons que si l'on doit trouver une ressource pour alléger un autre impôt ou une autre charge, en l'occurrence les charges sociales, c'est là un bon moyen, car cela ne nuit pas à la croissance. Nous continuons donc à le mettre en oeuvre. Il n'en demeure pas moins que la surtaxe de 1997 était temporaire et qu'elle disparaît en tant que surtaxe, ce qui, soit dit en passant, n'a pas été le cas de la surtaxe créée précédemment par M. Juppé. Elle disparaît, le Gouvernement tient donc sa parole.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle réapparaît aussitôt !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle disparaît pour 10 % ; elle va réapparaître pour beaucoup moins, mais elle ne va pas réapparaître sous forme d'une surtaxe IS, c'est un prélèvement pour financer une baisse de charges ; c'est un problème indépendant du précédent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sont les mêmes qui paient !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est d'ailleurs tellement indépendant que l'expertise que vous avez, et qui est grande, sait parfaitement que tous les organismes de comptabilité, d'audit internationaux veillent très sérieusement au fait de savoir si un impôt est temporaire ou ne l'est pas. En effet, s'il est temporaire, ils admettent que, dans les comptes des entreprises qu'ils sont amenés à vérifier et à certifier, celui-ci ne soit pas provisionné ; mais s'il n'est pas temporaire, alors il faut le provisionner.
En l'occurrence, pour la surtaxe de 10 % qui restait en place depuis le MUFF de 1997, ce sont plusieurs milliards de francs qui sont en cause pour l'ensemble de l'économie française. Or l'ensemble de ces organismes a reconnu que, en effet, la surtaxe était temporaire, qu'elle disparaissait, et ne fait absolument pas l'assimilation, qui est un peu grossière, de dire qu'elle disparaît d'un côté, mais que l'on organise quelque chose qui est aussi assis sur les bénéfices par ailleurs. Ce sont deux choses totalement différentes, et l'ensemble des comptables mondiaux l'a clairement reconnu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne faisons plus que des impôts temporaires !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est une solution, mais il faudra les supprimer régulièrement !
Monsieur le rapporteur général, je ne veux pas vous taquiner sur ce point, mais vous nous avez dit que vous ne voyez pas les impôts qui baissent. Si vous m'autorisez une petite facétie, je vous dirai que c'est la seconde fois que vous ne les voyez pas car, déjà, vous ne les avez pas votés et donc vous ne les avez pas vus quand on vous les a présentés. Vous avez voté contre et, évidemment, cela ne vous a pas laissé le souvenir fort d'avoir fait quelque chose pour faire baisser les impôts. Pourtant, c'est vrai de la taxe professionnelle ; simplement vous n'avez pas voté la baisse de la taxe professionnelle tel que le Gouvernement vous le proposait. C'est vrai aussi de l'abattement de 10 % pour les retraités, abattement que nous avons rétabli, mais que vous n'avez pas voté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non ! Vous avez voté, me semble-t-il, contre le relèvement de l'abattement pour pensions, puisque, globalement, vous avez voté contre le budget.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faut le dire comme cela !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, ce sont des arguments de conseil municipal !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit peut-être d'arguments de conseil municipal, mais ce sont des arguments que les Français entendent !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est bien pour cela qu'on les utilise en conseil municipal !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. D'ailleurs, je comprends mal que, dans cette assemblée, on dénigre à ce point les conseils municipaux, monsieur le sénateur ! (Sourires.) Mais puisque vous avez, comme moi, de l'affection et du respect pour les conseils municipaux, ayons le même respect pour les arguments qui y sont échangés.
J'en viens au service de la dette.
Le service de la dette baisse en effet, et c'est heureux. Il baisse pour deux raisons. Il baisse, parce que les taux d'intérêt baissent, et cela, encore une fois, est le résultat d'une politique menée dans l'ensemble de l'Europe, et pas seulement en France, qui fait que nous avons aujourd'hui, à l'exception du Japon, les taux d'intérêt les plus bas du monde. Evidemment, cela fait baisser le service de la dette. Mais ce n'est pas tombé du ciel. D'ailleurs, je ne dirai pas que la baisse des taux est le produit exclusif de l'action de ce gouvernement ; cela n'aurait pas de sens.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle a commencé en 1995 ! Il faut reconnaître les faits !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La baisse des taux a en effet commencé plus tôt et les autres gouvernements européens y ont aussi leur part. Reste que ce sont bien les politiques économiques qui font baisser les taux, cela ne tombe pas du ciel. Mais, outre la baisse des taux, il y a aussi la baisse du déficit. Pour le coup, la baisse du déficit que nous enregistrons cumulée avec la baisse des taux fait baisser le service de la dette. C'est d'ailleurs une des bonnes raisons pour lesquelles il faut continuer à baisser notre déficit.
Comme les taux baissent, le service de la dette diminue. C'est un problème indépendant ou différent du ratio dette/PIB dont nous avons déjà discuté. Il est très heureux que le service de la dette baisse car cela permet de dégager des marges de manoeuvre dans le budget. Tous ceux qui pensent que le budget doit être utilisé de façon active, que c'est un instrument de la politique économique, doivent se réjouir de ce que le service de la dette baisse. Seuls ceux qui considèrent que le budget ne doit pas être utilisé et dont le libéralisme voile les yeux au point qu'ils considèrent que l'Etat ne doit pas intervenir à travers son budget peuvent se satisfaire d'un service de la dette élevé.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous n'en sommes pas !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Donc, vous êtes moins libéraux que vous prétendez l'être devant vos électeurs ! (Sourires sur les travées socialistes.)
Vous avez fait, monsieur le rapporteur général, une longue liste des dépenses en vous demandant comment on allait les financer. On aura l'occasion d'en reparler au moment du budget. Je ferai juste deux remarques.
La première : vous avez raison, cette longue liste de dépenses existe. C'est la politique du Gouvernement. Mais elle existait aussi l'année dernière, pour des chiffres différents. Donc, cela montre la capacité de redéploiement qui est mise en oeuvre, année après année, pour supprimer des dépenses que l'on considère moins efficaces ou plus obsolètes puis pour financer des dépenses nouvelles.
Je vois dans la longue liste que vous avez donnée la contrepartie ou le symbole, la justification de l'effort de redéploiement très massif, de l'ordre de 30 milliards de francs par an, que fait le Gouvernement et qui lui permet en effet de financer ses priorités dans une enveloppe qui, globalement, n'augmente pas ; elle a augmenté de 1 % pour 1999, elle n'augmentera pas en l'an 2000.
Seconde remarque : en écoutant M. le rapporteur général, je sentais une sorte de démangeaison de sa part d'élaborer le budget à la place du Gouvernement. Il s'interrogeait : j'ai telle dépense, comment vais-je faire pour la financer ? Vous êtes le bienvenu, monsieur Marini. Mais avant, il faut gagner les élections. Ensuite, la porte vous est ouverte.
Tout ce que nous disons les uns et les autres, sans animosité, je crois, traduit en effet une différence de vision entre la majorité et l'opposition - c'est bien normal - sur ce qui n'est évidemment pas le seul objet de la politique gouvernementale mais qui est tout de même assez au coeur de toute politique du Gouvernement, à savoir la préparation du budget. Nous voyons bien là les lignes de clivage, que M. Christian Sautter a d'ailleurs rappelées à la tribune tout à l'heure. En effet, nous croyons à l'efficacité de l'action budgétaire. Toute dépense budgétaire n'est pas bonne évidemment, mais toute suppression d'une dépense budgétaire n'est pas bonne non plus en elle-même. Le problème, c'est de rendre l'utilisation de l'argent public la plus efficace possible, et cela justifie que des redéploiements massifs soient faits, mais cela ne justifie pas, par principe, que l'on dise qu'à partir du moment où on diminue la dépense publique le pays se porte mieux.
M. Lambert a repris certains de ces points, je n'y reviens donc pas. Je traiterai les points spécifiques qu'il a évoqués.
Le thème de la comptabilité patrimoniale est un sujet très important et très intéressant. Pour le moment, à ma connaissance - peut-être est-ce une erreur de ma part ? - seule la Nouvelle-Zélande dispose d'une comptabilité patrimoniale. Cela signifie non pas qu'on ne doive pas la faire, mais que c'est une lourde tâche qui a été entreprise par plusieurs gouvernements, qui se poursuit, qui ne sera pas terminée avant assez longtemps et dont les chiffres seront contestés eux-mêmes pendant assez longtemps avant de se stabiliser. Par conséquent, s'il faut faire l'exercice, c'est très intéressant, on ne peut pas dire non plus qu'on ne pourra rien savoir ou rien comprendre à ce qui se passe en l'absence de cette comptabilité. Cela fait des décennies qu'on ne l'a pas et, malheureusement, il faudra encore du temps avant qu'on ait une comptabilité patrimoniale qui tienne un peu la route.
En revanche, monsieur Lambert, je ne suis pas d'accord avec vous - et c'est une des difficultés de la comptabilité patrimoniale - lorsque vous dites, reprenant en cela la Cour des comptes - sans critiquer les magistrats de la Cour des comptes, je me permettrai d'être en désaccord avec eux - que, dans le budget, la part d'investissement décroît et la part de fonctionnement augmente ; cela repose sur une vision antédiluvienne de ce que sont le fonctionnement et l'investissement.
Cela fait trente ans que les économistes du capital humain mettent en avant le fait, reconnu par tous, que la formation du capital humain est au moins aussi importante comme investissement pour un pays que la formation du capital physique. Dans ces conditions, qu'est-ce qui, dans les dépenses d'éducation, dans les dépenses de santé, est, pour le pays, de la formation de capital ? C'est très difficile à mesurer. Mais on ne peut pas dire que toute la dépense d'éducation, pour un pays, est une dépense de fonctionnement et ne comprend en rien de l'investissement ; cela n'aurait aucun sens.
C'est toute la difficulté, de ce fait, de construire une comptabilité patrimoniale. Mais cette difficulté doit conduire à plus de réserve dans l'appréciation de ce qui est investissement et de ce qui est fonctionnement. Quand l'Etat achète des crayons-gommes, c'est clairement du fonctionnement. Lorsqu'il dépense dans l'éducation et la formation pour le pays, c'est tout de même clairement de l'investissement. Les concepts sont un peu plus sophistiqués aujourd'hui qu'ils ne l'étaient dans le passé. On ne peut donc pas aussi simplement que cela dire que ce qui est du titre V, c'est de l'investissement et que ce qui relève du titre III, c'est du fonctionnement. La réalité économique est tout de même un peu plus compliquée de nos jours.
Vous nous avez invités gentiment, monsieur le président Lambert, à nous référer au chef du gouvernement anglais et au chef du gouvernement allemand.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je les ai cités !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous les avez cités, mais en les saluant, pour avoir dit qu'il faut baisser les impôts. Nous le disons aussi. Mais ils le disent différemment. J'ai vu comme une perversité dans ce que vous avez dit. En effet, comme les dernières élections l'ont montré, leur discours ne leur a pas porté chance, vous voulez simplement que nous nous glissions sous les pieds la même peau de banane. Quitte à vous décevoir, monsieur le président Lambert, nous ne suivrons pas cette voie le Premier ministre a été clair sur ce point. Votre manoeuvre est éventée.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je constate qu'il y a plusieurs socialismes en Europe !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le socialisme, vous le trouvez bon quand il est à l'extérieur et mauvais quand il est en France, mais les Français sont d'un avis différent et je les en remercie.
Le Gouvernement, avez-vous dit - mais sans doute votre langue a-t-elle fourché -, n'a pas la volonté de freiner la dépense.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Cette volonté n'est pas forte, en tout cas !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Honnêtement, 0 % de croissance en volume, c'est rarement arrivé dans le passé. Dans les années quatre-ving dix, à mon avis, jamais, ou peut-être une fois, en 1997. C'était le gouvernement précédent qui l'avait voté comme cela, c'est nous qui l'avons exécuté : je partage les récompenses ! En 1998, 0 % de croissance en volume ; en 1999, 1 % ; en 2000, de nouveau 0 % en volume. Dire qu'un Gouvernement qui, sur trois budgets dont il est totalement responsable - 1998, 1999 et 2000 - a deux années à 0 % en volume et une année à 1 % en volume, alors que dans les années précédentes, quel que soit le Gouvernement, de gauche comme de droite, la croissance en volume des dépenses a été de l'ordre de 1,5 % à 2 %, dire, disais-je, que ce Gouvernement n'a aucune volonté de stabiliser les dépenses, honnêtement, vous y allez fort.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tous les discours ont porté sur la réhabilitation de la dépense ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La bonne dépense !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est là, je le disais tout à l'heure d'un mot, que nous avons un point d'opposition. La dépense peut être réhabilitée quand elle est efficace. Cela n'empêche pas de la stabiliser en montant total et de la rendre plus efficace. C'est tout ce que nous essayons de faire. J'ai le sentiment que l'appui que le budget du pays apporte à la croissance ne doit pas être si mauvais, sinon nous n'aurions pas les résultats de croissance que nous avons.
Je dirai d'ailleurs la même chose du système fiscal. Vous avez conclu par une belle envolée, monsieur Lambert, en disant que le meilleur système fiscal est celui qui privilégie l'emploi et que vous votez pour la fiscalité qui privilégie l'emploi. Très bien ! La fiscalité que nous avons mise en oeuvre depuis deux ans doit tout de même privilégier l'emploi, sinon on n'aurait pas créé 400 000 emplois marchands en un an et demi jusqu'à la fin de 1998, sans compter ceux qui ont été créés en 1999.
Par conséquent, quand on compare ces chiffres-là - je le disais tout à l'heure dans mon intervention liminaire - aux 20 000 emplois nets qui ont été créés pendant la législature précédente, c'est tout de même bien que, d'une manière ou d'une autre, la fiscalité qui a été mise en oeuvre, notamment la baisse de la taxe professionnelle, ne doit pas être trop défavorable à l'emploi, sinon nous ne pourrions pas obtenir ces résultats. Je discerne donc en réalité dans cette phrase une nouvelle fois votre soutien, que vous ne voulez pas avouer mais que vous ressentez au fond de vous, à la politique du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'il y avait moins de fiscalité, il y aurait plus d'emplois !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On ne sait pas, monsieur le rapporteur général, si avec moins de fiscalité il y aurait encore plus d'emplois, car on voit bien que le raisonnement butte au bout d'un certain temps. S'il n'y avait plus de fiscalité du tout et plus d'Etat du tout, il est probable qu'il n'y aurait plus d'emplois du tout.
M. Jacques Oudin. Ce n'est pas évident !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est à peu près évident. Nous avons aujourd'hui un très bon exemple de gouvernement sans Etat et sans fiscalité en Russie. Je ne pense pas que l'un d'entre vous propose de mettre en oeuvre en France la politique telle qu'elle se pratique à Moscou. Telle est pourtant bien la situation des Russes ! Même les auteurs, les intervenants, les universitaires les plus libéraux - bien plus libéraux que vous ne l'êtes vous tous ! - qui s'occupent aujourd'hui de la Russie n'ont qu'un souci : veiller à ce que l'Etat soit capable de lever les impôts qu'il doit lever, alors que pour des raisons diverses, notamment historiques, il n'est pas capable de le faire.
On voit donc bien que le raisonnement a des limites et que, par conséquent, on ne peut pas aussi simplement dire que moins il y a d'impôts, mieux on se porte.
Pour autant, il y en a trop et nous les baissons. Je suis sûr que vous nous aiderez à le faire en votant, dans le prochain projet de loi de finances, les mesures fiscales que nous vous proposerons. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne souhaite pas polémiquer, car cet échange est tout à fait spontané et convivial. Je voudrais simplement, pour la bonne compréhension du débat, monsieur le ministre, préciser trois points.
Tout d'abord, le Sénat a voté la réforme de la taxe professionnelle. Ce qu'il n'a pas adopté, ce sont les mesures d'accompagnement dont vous l'aviez assortie et il a transformé le mode de compensation aux budgets locaux pour passer à un système de dégrèvement pur et simple.
S'agissant du déficit structurel, n'entamons pas de querelle de chiffres. Je reprends simplement les données de la direction de la prévision selon lesquelles, de 1994 à 1997, la baisse du déficit structurel aurait été, en moyenne, de 0,8 point de PIB par an. Ce n'était donc pas nul !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la baisse du déficit total !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis 1997, cette donnée s'établit à 0,2 point de PIB par an, sous bénéfice de vérification. Mais nous pourrons confronter nos chiffres le cas échéant, puisque nous avons la même source.
En ce qui concerne la baisse des prélèvements obligatoires des collectivités territoriales, reprenons les chiffres, monsieur le ministre. En 1997, ces prélèvements représentaient 7,2 % du PIB alors que, en 1998, ils s'établissaient à 7 %. Ce passage de 7,2 % à 7 % s'est opéré - vous en conviendrez avec moi - avant la baisse de la taxe professionnelle, qui n'intervient qu'en 1999. Et en 1999, les prélèvements obligatoires des collectivités territoriales devraient représenter 6,9 % du PIB. L'incidence de la réforme de la taxe professionnelle est donc de 0,1 point sur 0,3 point de baisse totale des prélèvements obligatoires des collectivités territoriales.
Vous avez donc raison de dire, monsieur le ministre, que cette réforme a une incidence quant à cette baisse : mais elle n'en a une que pour un tiers ! Pour les deux tiers restants, ce sont bien les décisions prises par les assemblées locales qui jouent. Par conséquent, monsieur le ministre, sur ce point particulier, si je reconnais tout à fait votre argument pour un tiers, je souhaiterais que vous reconnaissiez le nôtre pour les deux tiers restants ! (Sourires.)
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et les droits de mutation ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant des droits de mutation, l'incidence n'intervient qu'en 1999 !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Non ! En 1998 !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je veux bien être bon prince en disant « moitié-moitié » : les décisions spontanées des collectivités territoriales, d'une part, les baisses engagées par le Gouvernement, d'autre part. Mais admettez, monsieur le ministre, que la vertu globale des collectivités territoriales rend service au Gouvernement !
M. le président. Dans la suite du débat d'orientation budgétaire, la parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'ici à quelques semaines seront rendus publics les derniers arbitrages budgétaires. Si certaines incertitudes internationales sont fort heureusement dissipées - je pense bien sûr à la fin de la guerre du Kosovo - il n'en reste pas moins que les perspectives de croissance pour l'an 2000 sont plus proches des 2 % que des 3 % annoncés. Comme l'ont noté très justement M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, il semble bien que la marge de manoeuvre financière pour le prochain budget soit plus réduite que prévue. L'embarras du Gouvernement concernant les éventuelles baisses d'impôts l'atteste. La prudence semble avoir pris le pas sur une euphorie un peu déplacée, alors que la France est l'un des pays européens les moins bien placés en termes de dépenses publiques et de déficits.
Hormis les deux documents transmis par le ministère des finances à l'occasion de ce débat, le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances de 1998 nous apporte des enseignements fort intéressants. A cet égard, deux sujets me paraissent particulièrement préoccupants : il s'agit de l'explosion de la dette publique et de la baisse des investissements publics.
J'examinerai tout d'abord la situation de la dette de l'Etat : ainsi, en 1998, malgré la baisse des taux d'intérêt, l'augmentation de la charge de la dette a atteint 4,4 % contre 0,4 % en 1997. La dette brute s'est accrue de 320 milliards de francs environ par rapport à l'année précédente, soit une hausse de 8,1 %. La France est le seul pays de l'Union européenne dont la dette publique, en proportion du PIB, a continué à augmenter en 1998. Or la conjoncture très favorable aurait dû être l'occasion de réduire la dette à condition de diminuer de façon significative les dépenses publiques, ce qui n'a pas été le cas malheureusement puisque ces dernières, en 1998, se sont accrues en francs constants, comme le note très justement la Cour des comptes.
La dette accumulée depuis 1989 - 4 900 milliards de francs environ - devient ainsi réellement insupportable. Elle atteint actuellement 200 000 francs par actif en France. Cela signifie que, si cette dette est financée à 6 %, il faudra, en 2001, pour payer les seuls intérêts de cette dette, prélever sur chaque Français actif 12 000 francs chaque année, ou encore 1 000 francs par mois.
Ce qui m'impressionne, dans le mauvais sens, c'est la manière dont l'emprunteur, c'est-à-dire l'Etat, et donc le Gouvernement, traite cette dette ; cette dernière s'accroît d'année en année, et a augmenté de 8 % en francs courants. Dieu merci ! il y a les critères de Maastricht. Nous atteignons pratiquement 60 % du PIB en matière d'endettement. Il va donc bien falloir changer de comportement. C'est la dernière année autorisant ce type d'attitude.
En outre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut se préparer à rembourser un jour ; or ce jour est proche. Les Français doivent connaître la vérité. Si l'on appliquait à l'Etat les critères imposés par la réglementation bancaire aux emprunteurs, l'Etat serait en cessation de paiement, et ceux qui lui prêtent encore seraient poursuivis pour soutien abusif.
Si l'on imaginait de rembourser ce qui est dû aujourd'hui sur quinze ans, c'est plus de 300 milliards de francs par an en capital qu'il faudrait rembourser. Ce chiffre est tellement important que l'on ose à peine l'envisager. Pourtant, aucune autre issue n'est possible. Un jour, je le répète, il faudra rembourser.
On ne peut pas raisonnablement espérer qu'une inflation plus importante donnerait des moyens de rembourser en « monnaie de singe ». L'Etat n'a pas le droit de traiter ainsi les épargnants qui lui ont fait confiance. Et, en tout état de cause, la monnaie unique et la construction européenne rendent ce comportement inconcevable pour les toutes prochaines années.
Il faut donc accepter de reconnaître que l'on s'est trompé, que la politique suivie nous conduit droit dans le mur et qu'il faut en changer pour stabiliser l'endettement, puis commencer progressivement le remboursement, tout en amorçant le changement.
Nous sommes dans un débat d'orientation budgétaire. Eh bien, voici une orientation qu'il faut prendre : nous décidons qu'au cours de l'année 2000 nous cessons d'accroître l'endettement du pays pour stabiliser et pour réduire la charge de notre dette ! Que voilà un objectif d'orientation budgétaire !
La Cour des comptes indiquait qu'il faudrait un déficit égal à moins 1,7 % du PIB pour stabiliser et réduire la charge de notre dette. Nous n'en sommes malheureusement pas là... Vous prévoyez, monsieur le ministre, 2,3 % de déficit public en 1999. Le budget de l'Etat connaîtra stricto sensu un déficit plus élevé, égal à 2,7 % du PIB. La présentation faite par M. Strauss-Kahn, tout à l'heure, ne m'a pas convaincu. Je pense, pour ma part, que c'est une espèce d'artifice de présentation que d'inclure l'excédent des collectivités locales et, ce qui est sans doute très optimiste, celui des régimes sociaux. C'est ainsi que vous atteignez ce chiffre prévisionnel de 2,3 %.
Ce qui est aussi critiquable dans le problème de la dette, c'est son utilisation pour financer des dépenses de fonctionnement : cette année, près de 69 milliards de francs d'emprunts ont été ou seront contractés pour couvrir le déficit de fonctionnement de l'Etat. Ce n'est pas orthodoxe.
Parallèlement - et ce sera le second point de mon intervention - les crédits d'investissement de l'Etat sont en net retrait, d'année en année ; il est dommage à ce propos que nous ne disposions pas, comme lors du débat d'orientation budgétaire de 1996, de données comparatives sur l'évolution des dépenses d'investissement et de fonctionnement.
Un constat s'impose néanmoins. Hors remboursement de la dette, les crédits affectés à la fonction publique, qui ont progressé de 3 % par an en moyenne en 1997, en 1998 et en 1999 - c'est trop si l'on compare avec l'évolution des salaires dans le secteur privé et que l'on intègre dans le raisonnement les avantages autres du secteur public, notamment en matière de garanties d'emploi et de retraite - représentent désormais 50 % du budget général.
C'est beaucoup trop, et il est clair que la croissance constante de ces dépenses amène l'Etat à réduire son effort en matière d'investissement dans un secteur comme l'équipement et les transports. Comparativement, en effet, dans le budget de l'Etat, les dépenses civiles en capital ont baissé de 8,3 % en 1997 et de 2,1 % en 1998. On en voit, malheureusement, l'illustration dans le retard pris dans la réalisation des investissements nécessaires, tels les investissements routiers prévus dans les contrats de plan Etat-région. Je parle ici également au nom de plusieurs de mes collègues directement concernés par ce problème.
Phénomène général dans le secteur public, l'investissement se trouve plus ou moins sacrifié par rapport aux dépenses de fonctionnement et de personnel. Il s'agit là aussi, hélas ! d'une exception française, car la plupart des pays européens ont réussi à réduire leurs dépenses publiques sans toucher aux investissements publics.
Parallèlement, l'Etat laisse aux collectivités locales le soin d'essayer de compenser la baisse de ses investissements puisqu'elles assurent, elles, plus de 70 % de l'investissement public, soit 160 milliards de francs par an environ. Notons par ailleurs que, depuis 25 ans, l'endettement des communes représente toujours sensiblement 10 % du PIB tandis que celui de l'Etat est passé de 20 % à 60 % pendant la même période !
Vous me répondrez sans doute, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on doit intégrer les investissements prévus dans les comptes spéciaux du Trésor.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Eh oui !
M. Marcel Deneux. Chiche ! Mais soyons clairs : faut-il raisonner hors budget général, et le niveau des dépenses publiques s'en trouve alors sensiblement accru - ainsi, en 1997, la croissance des dépenses serait non pas de 1 % mais de 4 % au total - ou doit-on rester dans le cadre strict du budget général, comme c'est le cas dans le rapport gouvernemental sur l'état des finances publiques que nous venons de recevoir ?
Mais si l'Etat veut retrouver une véritable marge de manoeuvre financière, il lui faut s'attaquer de façon draconienne au problème des dépenses de fonctionnement : des économies sont possibles, comme l'ont démontré les précédents gouvernements. Justifier le niveau élevé de la dépense publique en France par la qualité de nos services publics n'est pas un argument suffisant. Ne sont en cause, dans cette affaire, ni la qualité du service ni la compétence et le niveau de formation de nos fonctionnaires, mais bien la productivité des services publics qui n'est pas bonne. De façon plus générale, je crois, comme M. Jean Arthuis, que le corollaire à toute politique de réduction du train de vie de l'Etat doit être l'application de nouvelles méthodes de gestion, calquées, dans la mesure du possible, sur celles qui sont appliquées dans le secteur privé.
Si la présentation des comptes de l'Etat était différente de l'actuelle et se rapprochait de la comptabilité des grandes collectivités publiques, avec une distinction bien faite entre fonctionnement et investissement, si elle évoluait progressivement vers une présentation proche du plan comptable des entreprises, nous disposerions alors d'un instrument de gestion indispensable qui n'existe pas aujourd'hui et qui vous manque, monsieur le secrétaire d'Etat.
La sphère publique, en France, a encore beaucoup à apprendre du monde de l'entreprise, ainsi que des exemples étrangers. Certains de nos voisins européens - je pense aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni - ont en effet montré l'exemple en matière de rigueur budgétaire, ces dernières années.
A nous d'en tirer les conséquences, à nous de ne pas nous enfermer dans une sorte de suffisance hexagonale et, au contraire, de nous enrichir, si je puis dire, de l'expérience de nos partenaires européens.
En conclusion, je tiens d'ores et déjà à remercier M. le ministre pour sa réponse, et M. le secrétaire d'Etat pour celle qu'il nous fera tout à l'heure, ainsi que M. le rapporteur général et les présidents des commissions permanentes pour leurs apports fort intéressants et constructifs à ce débat d'orientation budgétaire. Au-delà de cette discussion fort utile, nous jugerons le Gouvernement sur ses actes, sans a priori mais aussi sans complaisance, en espérant qu'il tiendra compte de certaines de nos remarques inspirées par le bon sens et le souci de l'intérêt général.
Dans une économie globalisée, la France n'a pas d'autre choix que de gérer mieux, que de gérer en fonction de notre situation réelle déterminée après une analyse objective, que de programmer la réduction des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires.
S'agissant plus particulièrement des impôts, il faut engager un plan de baisse sur plusieurs années, visant les impôts auxquels les Français sont particulièrement sensibles, comme la TVA ou l'impôt sur le revenu des personnes physiques : je vous laisse le choix à cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat !
En tout état de cause, voilà quelques propositions d'orientation budgétaire. Je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'elles retiennent votre attention. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j'interviens dans ce débat au nom du groupe des Républicains et Indépendants et, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, notre groupe ne s'est pas encore exprimé alors que ce débat est très largement engagé et que la plupart des autres groupes ont pu le faire. Il vous reviendra donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de répondre à nos interrogations.
Cette année - comme l'année dernière, d'ailleurs - j'exprimerai au début de mon propos ma déception sur la manière dont est organisé le débat d'orientation budgétaire et sur le contenu du document déposé par le Gouvernement à cette fin.
Je crains, monsieur le secrétaire d'Etat, que les débats sur les orientations budgétaires ne se déroulent mieux devant les collectivités locales que devant la représentation nationale. En effet, ce ne sont pas des options qui nous sont présentées, ce n'est pas à un débat que nous sommes invités : nous sommes confrontés à une pensée unique, à une vision unique de ce qui est la bonne et la seule politique conçue par le Gouvernement. Ce n'est pas ainsi, à mon sens, que l'on pourra organiser, année après année, un vrai débat sur l'évaluation des options prises en matière de dépenses de fiscalité et d'équilibre budgétaire.
Pour ma part, j'ai décidé de limiter aujourd'hui mon propos à la politique fiscale et, quand je dis « fiscale », ce n'est pas au sens anglais du terme, car la fiscal policy est l'exacte traduction de la politique budgétaire.
La politique fiscale est importante. Or, trop souvent, lors du débat d'orientation budgétaire, on nous demande d'attendre les vacances et, mieux encore, la discussion du projet de loi de finances. Et, si l'on examine ce qui concerne les impôts dans le document du Gouvernement, on ne trouve qu'une page et demie, dont une annexe raccrochée sans doute en cours de route au corps du texte.
Ainsi, la politique fiscale au sens précis du terme n'a pas sa place dans le document qui nous a été remis, alors qu'elle est essentielle.
L'an dernier, on nous avait dit que l'on verrait bien pendant l'été... Instruits par l'expérience, nous estimons, cette année encore plus que l'année dernière, que notre interrogation sur la politique fiscale est légitime et opportune !
Tout d'abord, du point de vue conjoncturel, le moment est venu - vous le dites souvent, monsieur le secrétaire d'Etat, en citant a contrario l'exemple de 1997 - de considérer qu'une politique fiscale peut être mise au service du soutien de la conjoncture. Mais, sur ce point, il y a quand même encore quelques incertitudes !
Ensuite, l'environnement européen évolue à très vive allure. Or la situation fiscale est un élément essentiel de la compétitivité. Aujourd'hui, les Britanniques, les Allemands et les Italiens font des réformes très audacieuses en la matière. D'autres pays, tels le Luxembourg et les Pays-Bas, offrent une situation fiscale extrêmement favorable aux investissements ou aux entreprises. L'environnement européen, sur le plan fiscal, nous incite donc à porter une attention toute particulière à la politique menée dans ce domaine.
Tout à l'heure, j'écoutais avec beaucoup d'attention M. Strauss-Kahn s'exprimer sur la politique fiscale, ainsi que, avant, lui notre collègue Bernard Angels. Selon eux, toute politique fiscale comporte trois objectifs : le rendement, la redistribution sociale et le dynamisme économique pour l'emploi et pour l'investissement. Mais ils oublient de dire que ces trois objectifs sont très souvent contradictoires et que tout le subtil dosage d'une politique fiscale consiste à mettre l'accent sur telle préoccupation plutôt que sur telle autre ! Or, aujourd'hui, nous estimons que le moment est venu de mettre l'accent plutôt sur le dynamisme économique, sur l'emploi, sur le dynamisme des investissements dans les réformes fiscales qui doivent être engagées et poursuivies.
La quatrième raison pour laquelle j'ai décidé aujourd'hui de ne parler que de fiscalité est que nous sommes là au coeur de la démocratie parlementaire : le Parlement a été institué pour voter les impôts. Dans ces conditions, on ne peut pas nous demander d'attendre l'été, ou, encore mieux, la discussion du projet de loi de finances, pour que nous soyons fixés sur les réformes fiscales.
A ce sujet, l'expérience de 1999 a été pour nous très frustrante. Le débat d'orientation budgétaire ne contenait, à la limite, rien du tout en matière fiscale : toutes les réformes ont été annoncées l'été dernier à la presse - mais pas aux parlementaires - et nous n'avons connu le détail des mesures que lorsqu'elles ont été inscrites dans le projet de loi de finances.
Nous apprenons aujourd'hui que le rendement fiscal a été, grâce à toutes ces mesures, à toutes ces réformes, exceptionnel. Donc, très légitimement, nous nous disons que le rôle du Parlement est très réduit en matière de fiscalité et nous nous interrogeons sur ce qui va se passer réellement en l'an 2000.
J'en arrive à la dernière partie de mon intervention, pour éviter d'utiliser la totalité du temps de parole qui a été attribué au groupe des Républicains et Indépendants.
Nos constats relèvent de quatre ordres.
Premièrement, et malgré les explications de M. Strauss-Kahn, nous affirmons qu'il n'y a pas de réduction réelle des prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr !
M. Jean-Philippe Lachenaud. On peut tourner cela dans tous les sens, nous reconnaissons et admirons à ce sujet la très grande habileté de M. le ministre, mais il y a en réalité une stabilisation à un niveau qui reste excessivement élevé, de quatre points supérieur à la moyenne européenne. L'effort de réduction des prélèvements obligatoires - on ne peut pas sortir de cette réalité arithmétique et mathématique ! - est reporté à 2001 ou à 2002, on ne sait pas trop : il n'y a pas, dans le projet pour l'an 2000, de réelle réduction des prélèvements obligatoires.
Deuxièmement, il y a encore des impôts nouveaux, on ne peut pas prétendre le contraire. Au demeurant, j'ai cru comprendre, au cours des six derniers mois, que Bercy n'était pas favorable à ces impôts nouveaux, mais qu'il a constaté que, puisqu'il fallait financer des mesures d'allégement sur les bas salaires, diminuer les cotisations sociales, financer les 35 heures, financer un certain nombre de mesures, mieux valait accepter des propositions d'impôts nouveaux, telles que l'écotaxe ou la contribution exceptionnelle sur les grosses entreprises, celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs. Les Français peuvent-ils réellement penser qu'une entreprise qui réalise plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires est une « grosse » entreprise et doit payer une contribution ? Non ! Franchement, à regarder le tissu économique français, on constate qu'une entreprise qui réalise 50 millions de francs de chiffre d'affaires n'est pas une grosse entreprise.
S'agissant de l'écotaxe et de cette contribution exceptionnelle, là aussi, on constate l'imagination un peu diabolique - il faut le reconnaître - de l'administration et du Gouvernement pour créer de nouveaux impôts. Cela étant, nous avons échappé à pis ! En effet, certaines idées - Mme Beaudeau ne rappelait-elle pas tout à l'heure certains projets ? - ont été, monsieur le secrétaire d'Etat, sagement écartées. Il en est ainsi de la taxe sur les mouvements, les transactions ou les spéculations mobilières : heureusement, vous ne vous êtes pas lancés dans cette aventure. Mais le dispositif de l'écotaxe vous réservera certainement de très grandes surprises ! Vous constaterez, en effet, que vos efforts de simplification fiscale vont être très contrecarrés par cette nouvelle taxe sur les consommations intermédiaires d'énergie entre entreprises.
On va aussi parvenir à cette situation paradoxale aux termes de laquelle certaines entreprises vont payer, à la fin de l'année 2000, un SMIC majoré, davantage de congés pour leurs employés, et plus d'impôts pour financer ces mesures. Ce sera véritablement une situation extraordinaire !
Notre conviction est totalement inverse : nous considérons que moins d'impôt crée de l'emploi. Mais, M. le ministre le rappelait tout à l'heure, vous ne partagez pas notre position. Je sais qu'un débat a lieu un débat parmi les économistes, mais notre conviction et l'expérience de nombreux pays étrangers le montrent, moins d'impôt crée de l'emploi.
Par ailleurs - et ce sera mon troisième constat - nous constatons une très grande incertitude en matière de TVA. Je ne suis pas de ceux qui prônent une baisse généralisée de la TVA. M. Strauss-Kahn nous attribuait d'ailleurs, tout à l'heure, la paternité de son augmentation en nous disant que nous avions maintenant beau jeu de proposer une baisse généralisée. Mais nous savons bien qu'aujourd'hui, la TVA ayant un rendement de près de 700 millions de francs, une telle baisse serait très difficile à mettre en oeuvre et compromettrait l'équilibre du budget.
C'est la raison qui me conduit à me livrer à un plaidoyer pour des baisses ciblées de TVA. Toutefois, là aussi, c'est le brouillard ! Tel jour, telle semaine, c'est la restauration alimentaire ; la semaine suivante, c'est la rénovation immobilière ; puis c'est le tour des aides aux personnes, ce qui est d'ailleurs nettement moins coûteux et ce qui explique sans doute que vous ayez une petite préférence pour ce dispositif dont l'effet économique, social et fiscal sera d'ailleurs à la hauteur du faible rendement de cet impôt, c'est-à-dire qu'il sera voisin de zéro.
Ce que je propose, c'est une expérimentation audacieuse. Ne renvoyez pas sur l'Europe ce qui est de la responsabilité du Gouvernement ! En fonction de l'article 28 de la directive de 1977, vous devez faire des propositions. Avec M. le président de la commission des finances, je vous interroge : quel sera le coût, quels seront les effets économiques de ces baisses ciblées de TVA ? Je ne sais pas si M. Lambert a reçu une réponse...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous avons prévu une audition de M. le ministre mardi prochain !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Nous aurons donc la réponse après le débat d'orientation budgétaire ! Cela me confirme dans mon sentiment : il faut expérimenter de manière audacieuse, et dans différents domaines techniques, des baisses ciblées de TVA.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, une occasion unique d'expérimenter, sur des secteurs à forte densité de main-d'oeuvre, de telles baisses, qui auront - je vous le dis - un effet important sur l'activité des entreprises concernées, que ce soit dans le secteur de la rénovation des immeubles ou dans celui de la restauration alimentaire.
Nous vous incitons donc à une réforme audacieuse et réaliste en matière de TVA. Afin d'obtenir une réponse de votre part, le groupe des Républicains et Indépendants a d'ailleurs déposé une proposition de loi tendant à la réduction ciblée de la TVA pour certaines catégories d'opérations.
Ma dernière observation - et, là aussi, j'exprime une certaine déception - concerne le statut fiscal de l'entrepreneur dynamique. Je rejoins ici les propos de notre collègue M. Trégouët. S'exprimant devant l'Assemblée générale des capital investors, M. Strauss-Kahn a indiqué qu'il présenterait à la représentation nationale une réforme audacieuse des entrepreneurs qui investissent, prennent des risques et créent des emplois. Dans ce domaine comme dans celui de la TVA, les intentions exprimées sont bonnes, mais nous attendons maintenant les textes et leur mise en oeuvre, car il est indispensable d'améliorer la situation de ceux qui investissent.
Trop d'impôt chasse l'entrepreneur. Moins d'impôt crée l'emploi. Telle est la piste que nous traçons, telles sont nos convictions. Nous savons aussi que, de manière réaliste, il faut prendre en compte le rendement et le coût de chacune des mesures prises et de chacune des réformes fiscales envisagées.
Dans ces conditions, il est indispensable de définir les orientations réelles de la politique fiscale et de fournir de plus grandes précisions au Parlement lors de ces rendez-vous importants que sont le débat d'orientation budgétaire et la discussion du projet de loi de finances. A défaut, c'est encore une nouvelle fois cette année, au cours de l'été, en lisant les journaux, que nous apprendrons quelle est la politique fiscale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous me permettrez d'abord de rappeler qu'il existe au Sénat un groupe du Rassemblement démocratique et social européen, qui n'a pas encore fait entendre sa voix puisque c'est M. Laffitte, tout à l'heure, et moi-même, maintenant, qui devons nous exprimer en son nom.
Comme M. Lachenaud, j'espère donc que vous direz à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qu'il ne peut réduire le Sénat à deux ou trois groupes.
Revenant au débat d'orientation budgétaire proprement dit, je veux, à mon tour, exprimer un certain nombre de critiques, de réserves et de souhaits relatifs à la politique économique et fiscale menée par le Gouvernement.
Concernant la conjoncture, un certain nombre d'indicateurs n'ont pas été évoqués qui laissent présager - peut-être me direz-vous l'inverse, tout à l'heure ! - un avenir moins radieux que celui qu'on a laissé entrevoir.
En premier lieu, l'activité industrielle a été sérieusement ralentie depuis 1998 du fait de la dégradation de l'environnement international. La crise financière asiatique et la stagnation du commerce mondial n'ont pas encore permis une reprise durable de l'investissement productif. La dégradation des conditions monétaires, associée à l'appréciation des monnaies européennes, a pesé sur l'activité industrielle de l'ensemble de la zone euro dès l'été 1998.
La demande des entreprises a également pâti d'une dégradation des anticipations des industriels en réaction au choc externe. La confiance des industriels s'est, semble-t-il, dégradée, alors que la demande des ménages se raffermissait.
En second lieu, le rythme actuel de réduction des déficits reste insuffisant pour stabiliser la part de la dette publique dans le PIB. M. le ministre et M. le rapporteur général y ont fait allusion très largement je n'y reviens pas.
En revanche, je souhaite revenir quelque instants, car nous n'avons pas eu de réponse, sur le problème de la prise en charge de certaines mesures gouvernementales qui risquent de coûter beaucoup plus cher que prévu.
Il a été très souvent fait allusion, ce soir, aux emplois-jeunes. Envisagez-vous d'inscrire dans le projet de budget pour 2000 des sommes équivalentes ou peut-être supérieures à celles qui figuraient dans le budget de 1999 ? Envisagez-vous d'étendre les emplois-jeunes au secteur privé, comme vous l'aviez initialement prévu ? Dans l'affirmative, en sera-t-il tenu compte dans le budget ?
Il a également été demandé à plusieurs reprises, notamment par M. le président de la commission des finances, si vous envisagiez d'étendre le système des 35 heures à la fonction publique, ce qui se traduirait nécessairement par un coût supplémentaire pour l'an 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'avenir nous dira si la création de nouveaux emplois publics et la diminution des gains de productivité imposée aux entreprises avec les 35 heures pourront faire fléchir la courbe toujours ascendante des dépenses de l'Etat. Partagez-vous mon inquiétude à cet égard ?
Enfin, en dépit de quelques signes de reprise de l'emploi, le taux de chômage français - à mon avis, cela n'a pas été suffisamment évoqué ce soir -, en particulier du chômage de longue durée, est supérieur à celui que l'on constate chez nos voisins européens.
Je suis de ceux qui pensent que les signes d'embellie sur l'emploi actuellement constatés en France sont très artificiels. Sur le plan européen, ils ne nous semblent pas placer la France dans une situation plus favorable que d'autres.
Les rigidités structurelles, le poids excessif de la fonction publique et des prélèvements obligatoires nuisent, de mon point de vue, à une véritable reprise de l'emploi correspondant à celle de la croissance.
Jusqu'à présent, le Gouvernement n'a pas su encourager, par des mesures concrètes, à la fois l'investissement durable et le partage du profit. Le dynamisme temporaire de la demande intérieure ne peut, à lui seul, constituer le moteur de la croissance ; il doit impérativement être accompagné de mesures fiscales.
S'agissant de la politique fiscale, déjà largement évoquée ce soir, je ne peux, comme mon collègue Jean-Philippe Lachenaud, vous suivre lorsque vous dites que les prélèvements obligatoires auraient légèrement baissé ou, tout au moins, se seraient stabilisés. La diminution ou la stabilité s'expliquent par des artifices comptables, les allégements de charges patronales compensées par l'Etat étant désormais considérés comme un transfert entre administrations, ce qui décompterait plus de 40 milliards de francs des cotisations sociales. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le poids de l'impôt sur le revenu est tel, aujourd'hui, qu'il réduit considérablement les capacités financières des familles et freine ostensiblement leur propension à consommer.
La pression fiscale sur les entreprises, malgré les réformes annoncées en début d'année, demeure trop souvent confiscatoire et ralentit l'investissement dans des domaines aussi porteurs que ceux des nouvelles technologies et des prestations de services.
La fuite des cerveaux français à l'étranger, souvent d'ailleurs dans des pays anglo-saxons à dominante sociale-démocrate, où la fiscalité et la souplesse des structures sociales favorisent l'investissement, en est un exemple concret.
Nos concitoyens attendent une baisse globale et significative du total des prélèvements fiscaux. En période de croissance, vous le dites constamment, ils ne peuvent accepter d'être surtaxés alors que la conjoncture s'améliore.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que de grandes réformes fiscales soient mises en place. Elles semblent inéluctables si l'on veut maintenir en équilibre un tissu économique et social toujours fragile.
M. le ministre de l'économie et des finances a fait allusion, tout à l'heure, sous forme de boutade, aux récents résultats électoraux. Il a dit à M. le rapporteur général du budget : « Gagnez les élections, et vous préparerez le budget ! ».
Je voulais simplement dire que ces résultats électoraux, difficiles pour l'opposition, j'en conviens, mais conjoncturels, ne veulent pas dire approbation de la politique économique et sociale du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certainement pas !
M. André Vallet. Les grands problèmes restent devant vous : réduction de la dépense publique, et donc réduction des impôts, réforme de la fiscalité, atténuation de la dette, choix courageux pour, demain, continuer à verser les retraites, maîtrise des dépenses sociales.
M. Jean-Louis Carrère. Qu'auraient-ils dit s'ils avaient gagné ?
M. André Vallet. M. le ministre de l'économie et des finances a manifesté tout à l'heure beaucoup d'assurance. Je crains que cette assurance ne se transforme en inquiétude si vous persistez à ne pas répondre à ces angoissantes questions, angoissantes surtout pour l'ensemble des Français. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire nous offre l'occasion d'évoquer à la fois le présent et l'avenir : le présent, c'est, pour mon propos, l'évolution inquiétante des finances sociales ; l'avenir, c'est l'équilibre des régimes de retraite, mais aussi le développement de nos infrastructures et l'évolution de notre fiscalité écologique, que certains ont d'ailleurs déjà évoquée.
L'année dernière, nous avions critiqué la faible place que les finances sociales prenaient dans ce débat. Vous aviez alors déclaré, monsieur le secrétaire d'Etat : « Peut-être faudra-t-il qu'en 1999, dans le prochain débat d'orientation budgétaire, nous trouvions ensemble une façon de traiter plus directement la question de la sécurité sociale. »
Vous le faites, c'est vrai, mais par un seul chiffre, qui apparaît dans le document de présentation, où vous dites que les administrations de sécurité sociale offriront un excédent de 0,15 % du PIB en 2000. Ce chiffre, nous en contestons la présentation, qui nous paraît à la fois tronquée et erronée.
L'état des finances sociales n'est pas celui de l'excédent ; il est celui de la hausse des dépenses, de la hausse des prélèvements, de la subsistance du déficit. Bref, il s'agit d'une situation presque dramatique, dirai-je, d'absence de maîtrise de la dépense.
Je rappelle que les dépenses du régime général de la sécurité sociale augmenteront cette année de 3,2 %, quand la consommation des ménages augmentera de 2,7 %, la croissance de 2,2 % à 2,5 %, les dépenses de l'Etat de 1,5 % et l'inflation de 0,5 %.
Vous attendiez un excédent de sécurité sociale cette année. Vous aurez, à titre provisoire, 5 milliards de francs de déficit en 1999, entièrement imputables d'ailleurs aux dépenses d'assurance maladie, qui augmentent sur un rythme de 3,8 % par an.
Il est intéressant de constater le glissement de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, au cours des dernières années.
Lors de la première loi de financement de la sécurité sociale, l'ONDAM a été fixé pour 1997 à 1,7 % ; il a été réalisé à 1,5 %. Pour 1998, il a été fixé à 2,4 % - la commission des finances s'y était opposée - et il a été réalisé à 3,7 %. Pour 1999, il a été fixé à 2,6 % et nous constatons que les dépenses évoluent actuellement à un rythme d'un point supérieur, 3,8 %, dernière constatation de la commission des comptes, il y a trois semaines.
Il y a donc non seulement une croissance excessive, mais, de surcroît, depuis trois ans, une accélération de cette croissance, et c'est cela qu'il faut souligner.
Cette reprise, nous l'avons longuement commentée lors de la dernière réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale. L'équilibre prévu pour 1999 n'est, bien entendu, pas atteint puisque le déficit prévu pour la maladie est actuellement de 12 milliards de francs, et le déficit prévisible pour l'année compris entre 18 milliards et 20 milliards de francs. Mais cela, personne n'en a parlé !
Et que dire de l'avance du Trésor à l'ACOSS, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, monsieur le secrétaire d'Etat ? Je crois que, la semaine prochaine, vous serez obligé d'avancer 13 milliards de francs. Il est vrai que le plafond prévu par la loi de financement de la sécurité sociale est de 24 milliards de francs. Je crois toutefois que vous allez exploser à la fin de l'année et que le plafond sera dépassé. Bien entendu, la fin de l'année, c'est loin, mais nous nous retrouverons au débat budgétaire.
Parallèlement, les prélèvements en faveur des régimes sociaux croissent sans cesse. La part sociale des prélèvements obligatoires continue inexorablement de grimper. La CSG rapportera, l'an prochain, davantage que l'impôt sur le revenu. La couverture maladie universelle, dont nous avons traité ici même voilà quelque temps, est venue ajouter un prélèvement obligatoire supplémentaire qui ne voulait pas dire son nom, et c'est le Sénat qui a pointé son doigt dessus.
Je vous rappelle également la sous-évaluation manifeste du coût supplémentaire de la CMU, affiché par le Gouvernement à 1,7 milliard de francs. Nous l'avons estimé, ici au Sénat, à 10 milliards de francs. Assurément, cela ne va pas dans le bons sens, ni celui de la maîtrise des coûts ni celui de la maîtrise des prélèvements.
La conséquence de ces déficits vous est bien connue : ils n'iront pas gonfler le fonds de réserve pour les retraites. Ce sont des stocks de dettes qui vont être transférés à la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale. Celle-ci a déjà reçu 137 milliards de francs dans un premier temps, puis 87 milliards de francs. Actuellement, elle recevrait, à mon sens, entre 25 milliards et 35 milliards de francs, en cumulant les déficits de 1998 et de 1999. Ce sont des charges supplémentaires qui pèseront sur les générations futures.
Je rappelle que nous avions proposé, avec le président Alain Lambert, de clore la CADES à une échéance déterminée, ce qui nous aurait protégés de la facilité du transfert de la dette aux mains de nos enfants et de nos petits-enfants.
L'autre conséquence du déficit est, bien entendu, de priver les branches excédentaires du fruit de leurs efforts.
Je me demande si nous ne devrions pas, monsieur le secrétaire d'Etat, en venir à une autonomie complète de chaque branche pour remédier à cette facilité de l'affectation des excédents des uns au déficit des autres.
Alors, que deviennent vos prévisions d'excédents et votre engagement d'affecter au fonds de réserve pour les retraites les excédents sociaux ? Les seuls régimes en équilibre sont précisément ceux sur lesquels vous n'avez pas de prise : les retraites complémentaires et le chômage.
De plus, comment donner d'une main l'autonomie et refuser, de l'autre, de payer sa dette à l'AGIRC et à l'ARRCO ou vouloir ponctionner l'UNEDIC du fruit de ses efforts ?
Face à ces constats, qui contrastent avec vos prévisions optimistes, je ne peux que répéter ce que j'ai toujours affirmé en tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires sociales : nous réclamons d'abord et plus que jamais la clarté des comptes.
Dois-je rappeler que la dernière commission des comptes a déjà fait état de plus de 5 milliards de francs d'erreur dans les comptes ? Dois-je rappeler aussi qu'il n'existe toujours pas de compte consolidé de la protection sociale disponible rapidement ? Nous débattrons cet automne du financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 sans connaître les chiffres complets et exacts de 1998 !
La réforme comptable est donc une urgence ; la maîtrise des dépenses ne l'est pas moins.
Vous ne ferez pas l'économie d'une profonde réforme des régimes spéciaux de retraite, comme vous ne ferez pas l'économie d'une réforme plus profonde de l'assurance maladie.
Pour cette dernière, vous devrez répondre aux pistes intéressantes et courageuses ouvertes dans le plan stratégique de la Caisse nationale d'assurance maladie dans la droite ligne de la réforme mise en place par les ordonnances Juppé de 1996. Vous devrez aussi prendre des positions enfin claires sur le statut du fonds de réserve pour les retraites et sur ses ressources plutôt que de vous fonder sur d'hypothétiques excédents sociaux, qui risquent surtout de se transformer en charges effectives pour les générations futures.
En matière de finances sociales, l'heure n'est pas aux prévisions d'affectation d'excédents ; elle est, je le dis et je le répète, à la maîtrise des dépenses et des prélèvements.
La deuxième partie de mon propos concernera les infrastructures de transport. A cet égard, je formulerai quatre constats.
Premier constat : le rapporteur général et d'autres collègues l'ont dit, l'Etat privilégie les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement, notamment dans les infrastructures de transport.
J'ai entendu M. le ministre lorsqu'il a dit : « Une dépense d'investissement, on ne sait pas toujours trop ce que c'est, une dépense d'infrastructure, là, il n'y a pas d'ambiguïté, on sait. »
Et nous constatons que seules la Grande-Bretagne et la Grèce consacrent à l'heure actuelle moins que la France à leurs dépenses d'infrastructure ! Or, un pays qui sacrifie ces dernières compromet son développement et son avenir.
Deuxième constat : de par sa position géographique, la France se trouve au coeur des réseaux européens de transport, que ce soit la route, le fer ou d'autres modes de transport.
Troisième constat : une politique dynamique et cohérente d'infrastructure est tout à fait indispensable.
Une politique dynamique d'insfrastructure est nécessaire parce que la demande de transports s'accroît. Vous n'y pouvez rien ! En vingt ans, la demande de transports a augmenté de plus de 230 %, notamment pour la route, que ce soit d'ailleurs pour le fret ou pour les voyageurs. La mondialisation est là, la construction européenne également. L'ouverture des espaces et la mobilité croissante de nos sociétés poussent cette demande.
Une politique en matière d'infrastructure doit également être cohérente parce que vous ne pouvez pas sacrifier un mode de transport pour un autre.
Tous les modes de transport sont complémentaires par rapport aux distances desservies, au temps, à la valeur ajoutée des marchandises transportées. La route a pris une prépondérance, c'est vrai, en raison de ses qualités propres : la souplesse, la fiabilité, la capacité. De plus, la route ne se met pas en grève, c'est sa qualité primordiale.
Le fer est certes adapté à certains modes de transport : la traversée des zones difficiles, les Pyrénées, les Alpes ou la desserte des zones urbaines.
Les ports sont importants également, parce qu'une grande partie de notre commerce extérieur passe par eux. Pourtant, ils sont dans une situation difficile : en effet, monsieur le secrétaire d'Etat, la totalité du tonnage des ports français n'atteint pas celui d'Amsterdam et de Rotterdam réunis.
Pour illustrer mon propos, je citerai quelques chiffres éloquents : de 1990 à 1997, le trafic a augmenté de 75 % à Hambourg, de 105 % à Anvers, de 93 % à Zeebrugge, et seulement de 34 % au Havre, premier port français. Il a également augmenté de 158 % à Gênes, de 98 % à Barcelone et seulement de 7 % à Marseille.
Si l'évolution est aussi contrastée, c'est parce que la bataille des ports se gagne sur terre et que nous sommes en passe de perdre la bataille des infrastructures terrestres pour la desserte de nos ports. C'est tout simple ! C'est clair, mais c'est dramatique !
Le Gouvernement a décidé de ralentir le programme autoroutier. En Europe, nous occupions la neuvième place relative et la troisième en longueur de réseau. Or nous venons de rétrograder à la quatrième place, dépassés par l'Espagne, qui met en service 500 kilomètres d'autoroute par an.
Le Gouvernement pourrait dire : ce n'est pas grave ! nous allons développer les chemins de fer. Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'êtes pas en mesure de mener une politique ferroviaire ambitieuse, car vous n'en avez pas les moyens. Les contributions financières de l'Etat et des collectivités publiques au transport ferroviaire atteignent, en effet, des chiffres astronomiques. En 1997, il y a eu 57 milliards de francs de subventions, donc de déficit, dont 35 milliards de francs à la SNCF et 22 milliards de francs à Réseau ferré de France ; en 1998, les subventions s'élevaient à 62 milliards de francs, dont 37 milliards de francs à la SNCF et 25 milliards de francs à RFF ; il s'agit là d'une augmentation de 8,77 % des dépenses publiques.
Quatrième constat : à court terme, l'autoroute est la seule solution autofinançable de développement des infrastructures interurbaines et intereuropéennes, et vous êtes en train de réduire ce poste, voire de le supprimer.
Nous disposons d'un réseau concédé équilibré : 27 milliards de francs de recettes de péage, une croissance moyenne de 8 % à 10 % - quelles recettes augmentent de 8 % à 10 % ? - générant 8 milliards de francs de recettes d'impôts et de taxes diverses. Votre politique est abusivement restrictive et nous conduit à une impasse.
Notre réseau autoroutier était jusqu'à présent un modèle en Europe. Il présentait trois caractéristiques.
Tout d'abord, il mettait en application le principe de l'utilisateur-payeur et une tarification équitable ; les autorités européennes le reconnaissent.
Ensuite, il pouvait se développer sur la base d'un autofinancement équilibré, pour peu que les ponctions et les taxations ne le mettent pas en danger, 23 % des recettes vont en effet dans les caisses de l'Etat.
Enfin, il peut parfaitement répondre aux exigences européennes de transparence et de concurrence, pour peu que soit mis en place un système équitable de péréquation financière ; je m'en suis enquis auprès des autorités européennes, qui en sont parfaitement d'accord.
Je traiterai maintenant de la taxe générale sur les activités polluantes que le rapporteur général, ainsi que d'autres orateurs, ont évoquée. Quant à M. le ministre, il a été très bref sur ce sujet.
Le Sénat était opposé à la TGAP, dont le produit est affecté à l'ADEME. Le résultat est là : la TGAP a augmenté les recettes de l'Etat de 850 millions de francs à 1,2 milliard de francs et les taux des subventions versées aux collectivités territoriales sont passés de 50 % à 20 %. Résultat dramatique dans une situation confuse !
Vous avez pourtant maintenant l'intention d'étendre cette taxe au secteur de l'eau. Depuis un an, vos projets ont soulevé de profondes réticences, mais le Parlement est toujours dans l'ignorance des arbitrages et des choix que vous aurez effectués dans ce domaine.
Qu'en sera-t-il de la TGAP sur l'eau en l'an 2000 ? Nous ne le savons pas ! C'est dommage pour la fiabilité d'un débat d'orientation budgétaire, quels que soient vos choix. De plus, je ne suis pas certain qu'une surtaxation soit bénéfique à la croissance et à l'emploi. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi d'intervenir plus particulièrement sur les perspectives budgétaires pour les collectivités locales.
L'année qui vient de s'écouler a été marquée, notamment avec la loi de finances pour 1999, par des réformes importantes pour les finances locales.
L'instauration du pacte de croissance et de solidarité a permis aux collectivités territoriales d'améliorer légèrement leur revenu, mais la régularisation négative de l'évolution de la DGF sur la DCTP n'ayant pas été abandonnée, nous allons, cette année, du fait des règles instaurées par le pacte de stabilité, devoir amputer près d'un milliard de francs sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Les parlementaires communistes, fidèles à leur position, souhaitent évidemment la suppression de cette variable d'ajustement, d'autant que la DCTP va également être utilisée pour le financement de la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération.
Nous assistons donc à une multiplication des utilisations des dotations, sans qu'elles soient pour autant réalimentées.
Le montant des dotations alloué par commune sera, cette année, particulièrement incertain du fait de l'augmentation du nombre des bénéficiaires, notamment avec la création d'EPCI favorisée par la loi « Chevènement », et les résultats du recensement.
Nous pensons que le Gouvernement ne pourra réellement convaincre de la nécessité des réformes qu'il engage si les moyens alloués restent en deçà des besoins qu'elles génèrent. Bien sûr, la réforme de la taxe professionnelle avec la suppression progressive de la part salaire est une bonne chose. Pourtant, maintes et maintes fois, les choix politiques en faveur de l'emploi ont conduit à allouer des aides aux entreprises, qui n'ont malheureusement jamais permis de résorber efficacement le chômage. Il est réellement urgent, selon nous, d'instaurer des contrôles efficaces pour mieux contrôler l'argent du contribuable attribué aux entreprises.
Ce constat est également celui des conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, qui pose la question : « Face aux grands groupes, quelle politique pour l'emploi et les territoires ? »
La suppression progressive de la part salaire de la taxe professionnelle génère des modifications substantielles dans les budgets communaux. Va-t-elle donner une impulsion favorable à l'emploi ?
Nous le souhaitions et le souhaitons toujours ! Malheureusement, nous ne voyons rien de réellement concret et nous sommes sceptiques.
Aussi espérons-nous que le rapport du Gouvernement, qui devrait être remis au Parlement d'ici à la fin du mois d'octobre prochain, soit particulièrement clair sur les répercussions de la réforme sur l'emploi. Nous souhaitons également que ce rapport soit l'occasion de mettre en lumière les richesses des entreprises, notamment leurs actifs financiers, ainsi que la progression de leurs actifs, durant cette année, selon l'importance de la part salaire dans la taxe professionnelle qu'elles ont à acquitter.
Cela permettra d'illustrer la manne que sont les spéculations financières pour les entreprises et le frein qu'elles représentent pour les créations d'emplois.
Cela permettra aussi de réagir contre les inégalités, notamment en aidant les PME et les PMI qui en ont bien besoin, même si elles l'ont déjà été.
Cela permettra enfin de favoriser les entreprises qui font le choix de la croissance réelle, de la production et de l'emploi.
Ce constat n'est plus uniquement le nôtre. Si, pendant de nombreuses années, nous avons été les seuls à dénoncer les sommes colossales que représentent les actifs financiers, nous notons avec satisfaction qu'aujourd'hui le mouvement ATTAC se développe et que, ici et là, fusent les prises de position.
M. Delevoye, par exemple, a, voilà un peu plus d'un an, dénoncé la sous-fiscalisation de la richesse financière. M. Fabius a préconisé, quant à lui, dans un article du 27 mai paru dans Le Monde, l'instauration d'une taxe de type Tobin. Ce débat prend de l'envergure, peut-être faudrait-il songer à y travailler plus assidûment.
Nous proposons pour notre part une taxe additionnelle sur les actifs financiers. La taxe professionnelle est assise uniquement sur les investissements, qui représentent, toutes entreprises confondues, 11 000 milliards de francs. Ces investissements ne représentent qu'un peu plus d'un quart des actifs des entreprises. Il reste donc 29 000 milliards de francs d'actifs financiers qui ne sont pas taxés du tout. En restant à ce statu quo, on favorise la spéculation financière.
Taxer le stock des actifs financiers des entreprises installées en France par exemple, à 0,3 % rapporterait 1 250 francs par habitant et serait, pensons-nous, facteur d'emploi, d'épanouissement et surtout de changement.
Ce serait un souffle nouveau pour permettre aux collectivités territoriales de mieux répondre aux besoins de leurs concitoyens.
Il faut désintoxiquer les entreprises qui font de l'argent avec l'argent. Il faut les inciter à l'investissement productif, ce qui favoriserait la création d'emplois.
Prélevée au niveau national, cette taxe sur les actifs financiers permettrait une solidarité financière accrue entre collectivités.
De nombreux projets gouvernementaux tendent à favoriser la péréquation et à assurer la solidarité des territoires. Oui, je pense que le Gouvernement a des ambitions dans le domaine de l'emploi. Cette volonté politique est une très bonne chose, mais il faut aussi veiller à la création de ressources nouvelles. Nous sommes ouverts à la discussion pour débattre de ces propositions, des autres propositions et bien sûr de celles qui portent sur la taxe Tobin.
Je voudrais également évoquer quelques instants la question de la fonction publique territoriale.
Vous le savez, les accords Zuccarelli ont prévu une revalorisation des salaires des fonctionnaires territoriaux. Cette revalorisation était nécessaire, compte tenu du gel des augmentations en 1996 et 1997 et de la réduction régulière de leur pouvoir d'achat. Cependant, aucune mesure financière n'a été assortie à cet accord pour aider les collectivités à l'assumer.
Il en va de même pour le passage souhaité aux 35 heures. L'Etat doit veiller à l'applicabilité financière ou, du moins, en créer les conditions. Aussi aimerions-nous que cette question ne soit pas abandonnée.
L'autre question relative à la fonction publique territoriale est la situation financière dramatique dans laquelle se trouve leur caisse de retraite : la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Du fait de la compensation et de la surcompensation, les perspectives financières de la CNRACL pour les trois années à venir font apparaître, dès 2000, un besoin de financement de 1,5 milliard de francs.
Nous demandons que les ponctions dans les caisses de la CNRACL soient arrêtées, sinon les cotisations seront augmentées et les répercussions sur les budgets locaux, et par conséquent sur la fiscalité locale, seront inévitables.
Dernière interrogation : qu'en est-il de la réforme de la taxe d'habitation et de la révision des bases cadastrales ? Quand pourrons-nous disposer des simulations et être informés des réformes envisagées et de leur calendrier ?
Nous sommes favorables à une adéquation plus fine entre des montants de taxe d'habitation et le revenu des contribuables. La prise en compte de la capacité contributive de chacun pour tous les impôts devrait être la règle. Aussi soutiendrons-nous cette réforme si les buts recherchés nous paraissent effectifs et si l'Etat ne fait pas peser le prix de la réforme sur les collectivités locales.
Pour conclure, je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous dire combien nous sommes disponibles pour être associés à la préparation de ce projet de loi de finances de ce tout début de siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'opposé de la politique précédente, qui conjuguait une insuffisante réduction des déficits, une augmentation trop rapide des dépenses, une croissance forte des prélèvements obligatoires, la politique budgétaire menée depuis 1997 allie réduction forte des déficits publics, maîtrise des dépenses et stabilisation des prélèvements.
L'enchaînement qui était réalisé avant juin 1997 allait en effet dans le mauvais sens. La purge fiscale sans précédent assenée à nos concitoyens et le blocage des salaires dégradaient la consommation et anémiaient donc la croissance, ce qui entraînait une hausse inéluctable de certaines dépenses budgétaires et de mauvaises rentrées de recettes, aggravées d'ailleurs par des aides fiscales inconsidérées et inutiles à certaines catégories. Les objectifs de réduction des déficits publics ne pouvaient donc être atteints sans contorsions comptables et nouvelles hausses d'impôts.
La politique conduite depuis 1997 apparaît au contraire des plus judicieuses. Le budget a permis d'accompagner la reprise de la croissance en rendant possible la hausse du pouvoir d'achat des fonctionnaires, en dégageant les financements nécessaires pour les emplois-jeunes, pour le logement social, pour l'éducation nationale, en stabilisant les prélèvements obligatoires et en commençant même à les réduire pour la majorité des Français ; je pense aux allégements sur la TVA, sur les droits de mutation, sur la taxe d'habitation et sur les dépenses d'entretien dans les logements.
En conséquence, la confiance est revenue. Le pouvoir d'achat des Français augmente fortement. La consommation atteint des sommets et le Gouvernement bénéficie de recettes fiscales suffisantes qui lui permettent d'obtenir de très bons résultats sur le plan budgétaire.
Depuis juin 1997 la réduction des déficits publics est plus forte en France qu'ailleurs : baisse réelle de 0,7 point de PIB en 1997, de 0,6 point en 1998 et de 0,6 point prévue en 1999. Dès cette année, le budget est en excédent primaire, ce qui permet de stabiliser le poids de la dette dans le PIB à 58,5 %. A une gestion comptable et à un cercle vicieux ont succédé une gestion dynamique et un cercle vertueux permettant d'obtenir une réduction des déficits par la croissance et la maîtrise des dépenses.
Cet excellent enchaînement doit bien entendu se poursuivre au cours des prochaines années. Les évolutions sont d'ailleurs très encadrées par le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002.
Une nouveauté apparaît cependant dans la politique budgétaire : c'est le choix désormais d'un objectif de dépenses plutôt qu'un objectif de déficit. Les dépenses ne devront augmenter que de 1 % en volume sur la période 2000-2002, quelle que soit la conjoncture. Pour l'année prochaine, le choix est encore plus rigoureux puisqu'il y aura une stabilisation en volume des dépenses.
Des objectifs de déficit découlent de ces choix et des hypothèses de croissance. Ils sont bien calibrés et permettront une réduction de l'endettement public, tout en redonnant à la politique budgétaire son efficacité conjoncturelle. J'ajoute qu'ils me paraissent devoir être respectés, car la confiance des ménages repose aussi sur une bonne visibilité et une bonne compréhension de l'action menée. En revanche, il n'y a aucune raison d'accélérer le rythme prévu.
En effet, si des marges de manoeuvre supplémentaires sont dégagées, alors ce sont des allégements d'impôts qu'il faudrait envisager. Ces marges, nous ne le savons, seront faibles l'année prochaine du fait de la réduction du déficit budgétaire et des allégements d'impôts déjà programmés, en faveur des entreprises principalement. Elles dépendront en pratique de la croissance, qui sera certainement soutenue l'année prochaine, mais à un rythme encore difficile à cerner.
Néanmoins, je le redis, si les prévisions de croissance à l'automne permettent d'envisager quelques marges supplémentaires, le choix de la poursuite des allégements fiscaux envers les ménages devra être effectué afin de renforcer la dynamique de confiance.
La TVA est l'impôt le plus cité pour réaliser ces allégements d'impôts. Je pense, comme vous monsieur le secrétaire d'Etat, que des allégements de la taxe d'habitation seront plus efficaces et plus justes socialement ; j'y reviendrai.
Mon propos sera principalement centré sur les orientations budgétaires et fiscales concernant les collectivités locales.
Le budget pour 1999 était un budget de renouveau pour nos collectivités avec le lancement du contrat de solidarité et de croissance et le début d'une profonde réforme de la taxe professionnelle.
Le projet de budget pour l'an 2000 devrait être un budget de consolidation de ces deux profondes réformes qui vont se poursuivre, et de la réforme de l'intercommunalité, qui va être adoptée prochainement et dont les effets financiers seront consacrés dans la loi de finances pour 2000.
Il faut rappeler rapidement le contexte général.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales ont été prises dans un effet de ciseaux entre des dépenses de fonctionnement en croissance toujours rapide et des recettes de plus en plus malmenées, notamment en ce qui concerne les dotations de l'Etat.
Sous la précédente législature, les dotations de fonctionnement avaient stagné à plus 8,5 % et les dotations d'équipements avaient baissé fortement de 10,8 %. Les dotations « passives » avaient été largement ponctionnées alors que les allégements décidés par l'Etat étaient restés en place. Au total, les modifications d'indexation et les ponctions diverses avaient abouti à plus de 25 milliards de francs de pertes financières pour les collectivités locales sur la période. Comme leur gestion était demeurée fondamentalement saine, les collectivités locales avaient dû restreindre leurs efforts d'équipements - baisse en 1995 et en 1996 - et augmenter vivement la fiscalité locale ; les taux avaient augmenté deux fois plus vite entre 1992 et 1997 qu'entre 1987 et 1992.
Depuis, la situation s'est largement améliorée. On peut dire aujourd'hui que jamais les finances locales ne se sont aussi bien portées depuis au moins 10 ans. Elles dégagent une capacité de financement nettement positive, avec 28 milliards de francs en 1998. La baisse de l'inflation et des taux d'intérêt allège fortement la charge de leur dette : 6 % des recettes de fonctionnement aujourd'hui contre 11 % en 1993. La croissance économique dope leurs recettes fiscales. Les dotations de l'Etat évoluent maintenant positivement, puisque le contrat de croissance et de solidarité qui porte sur les années 1999 et 2001 permet une prise en compte de la croissance, et aucun mauvais coup n'a été réalisé.
Les collectivités locales ont donc repris le chemin de l'investissement - plus 7,2 % en 1998, plus 5 % cette année - et peuvent financer les dépenses nouvelles comme l'augmentation des traitements des fonctionnaires locaux ou l'embauche d'emplois-jeunes en 1999.
Elles peuvent également réduire la pression fiscale. Les augmentations de taux sont désormais très faibles : 1,3 % en 1997, 0,8 % en 1998. Notre rapporteur souligne d'ailleurs que la stabilisation des prélèvements obligatoires observée en France depuis 1997 provient de la réduction de la part des impôts locaux dans le PIB. Il veut ainsi démontrer que les prélèvements de l'Etat ne sont pas stabilisés. Je crois qu'il montre surtout, et M. le ministre l'a très bien dit tout à l'heure, les résultats positifs de la politique menée par le Gouvernement, tant du point de vue général que du point de vue des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, qui permettent désormais aux élus locaux de réduire les impôts.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est nécessaire que ces évolutions se poursuivent pour plusieurs raisons.
D'abord, la reprise de l'investissement doit continuer. Les collectivités locales réalisent 80 % des investissements publics et 12,5 % de l'ensemble des investissements de la nation. De plus, elles sont confrontées à de lourds besoins : entretien d'un patrimoine de 2 300 milliards de francs, programme de traitement des eaux imposé par les directives européennes, traitement des déchets ménagers, travaux de rénovation et de sécurité des locaux scolaires, investissements dans les transports, etc.
Ensuite, s'agissant de la pression fiscale, nous sommes arrivés, je le crois, à un plafond d'acceptation pour nos concitoyens, tout au moins avec nos impôts directs locaux, dont les assiettes sont archaïques et mal acceptées.
Enfin, que ce soit pour la lutte contre le chômage, pour les aides sociales, pour la rénovation des quartiers dégradés ou pour le maintien de l'activité en zone rurale, nos concitoyens demandent toujours plus à leurs élus locaux. Certaines particularités du vote de la semaine dernière me font d'ailleurs penser que la demande de prise en compte des préoccupations locales n'a pas été absente. Nos missions s'étendent par conséquent jour après jour, et c'est, je le pense, une bonne chose, car de nombreuses questions sont mieux traitées à l'échelon local.
Par conséquent, il faut assurer à nos collectivités locales les moyens financiers de leur missions. Il ne faut pas rééditer l'erreur du gouvernement Juppé, qui voyait essentiellement dans les finances locales un bon gisement d'économies budgétaires et avait oublié le formidable effet de levier exercé par les dépenses et les investissements locaux. Mais je sais que vous l'avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque les orientations positives définies dans le budget pour 1999 vont être consolidées dans le projet de budget 2000.
Première orientation positive : le contrat de croissance et de solidarité, qui se poursuivra, permettra une prise en compte de la croissance légèrement supérieure à l'année dernière, puisque l'indexation sera égale à la hausse des prix plus 25 % de la croissance. L'évolution de la DGF, du fait d'une régularisation 1998 fortement négative, pourrait cependant poser quelques problèmes, d'autant que la majoration de 500 millions de francs de la DSU sera confirmée. Il faudra regarder de près les différentes répartitions afin de s'assurer que les évolutions sont suffisantes pour toutes les collectivités.
Deuxième orientation positive : la recherche d'une plus grande péréquation financière. J'ai été très heureux de lire dans votre rapport, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette volonté d'accroître la péréquation financière est désormais celle du gouvernement. Là encore, c'est un changement notable par rapport au gouvernement précédent. L'effet péréquateur de la DGF devient en effet de plus en plus important : 11 milliards de francs en 1999, sur un montant de 109 milliards de francs. Le renforcement de la dotation de solidarité urbaine, mais aussi de la dotation de solidarité rurale, sera donc poursuivi.
Il faut également mentionner les effets péréquateurs des réformes intervenues sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle et sur la compensation de la suppression de la base salaires de la taxe professionnelle qui seront renforcés.
Permettez-moi une suggestion, monsieur le secrétaire d'Etat, pour renforcer encore la péréquation. Le retour dans le droit commun de la fiscalité locale de France Télécom demeure posé. Sa taxe professionnelle devrait, me semble-t-il, être attribuée progressivement au Fonds national de péréquation de la taxe professionelle, cela en sus de l'attribution déjà effectuée. Pour compenser les pertes financières pour l'Etat, le dispositif de compensation de l'allégement des bases de 16 % prévue par la loi de finances pour 1987 pourrait être réformé par la suppression de la compensation réalisée sur les bases qui n'existent plus, avec un dispositif de lissage sur la part compensation « perte de bases » du FNPTP.
La troisième orientation positive de ce budget 2000, c'est l'application de la loi sur l'intercommunalité, qui ouvre un champ extrêmement intéressant pour nos collectivités locales.
Le renforcement des dotations DGF pour les communautés d'agglomération, mais aussi pour les communautés de communes à taxe professionnelle unique, est un élément important qui est très apprécié par les acteurs locaux engagés dans l'intercommunalité de projet, qui devient de plus en plus indispensable pour structurer le développement local, renforcer les péréquations volontaires et accentuer les concertations. Cependant, là encore, il faudra ajuster le dispositif de financement dans quelques années.
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans évoquer plusieurs dossiers d'importance, même s'ils ne vous concernent pas toujours directement, monsieur le secrétaire d'Etat.
La taxe d'habitation, tout d'abord. C'est un impôt injuste : elle entraîne des différences injustifiées entre les contribuables locaux et elle est dégressive par rapport au revenu, malgré les mesures de personnalisation.
Si en valeur absolue les cotisations augmentent avec les ressources, en valeur relative elles frappent davantage les revenus moyens et modestes. En 1993, la valeur moyenne de cotisation par rapport au revenu était de 2,3 % pour les revenus annuels inférieurs à 150 000 francs alors qu'elle était de 0,9 % pour les revenus supérieurs à 500 000 francs.
Par conséquent, il faut réformer la taxe d'habitation et viser deux objectifs : la justice fiscale et l'allégement de cette taxe en faveur des ménages moyens et modestes.
La révision des valeurs locatives se heurte pourtant, semble-t-il, à des difficultés. Il est vrai que son application sans précaution soulève de graves problèmes qui ne peuvent être résolus, selon moi, que dans le cadre d'une réforme plus large permettant une réduction forte de cette taxe et donc une attribution aux collectivités locales de nouvelles recettes. Le renforcement et la simplification de la personnalisation de l'impôt constituent une autre voie que privilégient, je crois, vos services, monsieur le secrétaire d'Etat. Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissement sur les possibilités de réforme ?
La question de la CNRACL doit également être posée. Les difficultés financières de cette caisse vont croissant du fait de la surcompensation et de la dégradation naturelle du ratio démographique. Le rapport cotisants-retraités devrait en effet passer de 3,3 cotisants par retraité en 1995 à 1,4 en 2015. En 1997 et 1998, des réponses conjoncturelles ont été trouvées pour éviter le déficit. En 1999, avec une surcompensation estimée de 9,4 milliards de francs, le déficit serait de l'ordre de 1,7 milliard de francs.
Il est clair que la CNRACL ne peut plus supporter de tels niveaux de prélèvements. Il faut désormais une réponse structurelle pour éviter une hausse de la cotisation employeur comme en 1995. Cette réforme indispensable interviendra-t-elle cette année, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Je voudrais également évoquer les difficultés des trésoreries confrontées à un manque de personnel. La mise en place de l'instruction budgétaire et comptable M 14, avec des changements continuels de nomenclature, des logiciels, qu'il faut également souvent mettre à jour, occasionnent des retards, tant pour le paiement des factures des collectivités, ce qui pénalise les fournisseurs, que pour prendre en compte nos recettes. Bon nombre de compte de gestion n'ont pas été adressés à la fin du mois de mai comme le veut la réglementation et, par conséquent, des retards sont à envisager dans l'examen des comptes administratifs des collectivités.
Enfin, je voudrais également me faire une nouvelle fois l'écho de nombreux maires de petites communes au sujet de l'application de l'instruction M 14. La formule du budget annexe dans les petites communes est vraiment très compliquée et il est nécessaire de revenir sur cette question.
S'agissant des personnels, j'ai entendu précédemment M. le président de la commission des finances évoquer ces dépenses en tant que variables d'ajustement. M. le rapporteur général ajoute dans son rapport : « Il importe d'ancrer dans la durée la politique de réduction des effectifs de la fonction publique. »
Mais il est des secteurs - je viens d'indiquer celui de la trésorerie, par exemple - où le manque de personnel est patent. Il est d'ailleurs amusant, dans les assemblées locales, dans les conseils généraux, d'entendre les élus de l'opposition nationale réclamer sans cesse à cor et à cri des personnels supplémentaires dans les trésoreries, dans les services de la justice, de la police, de la gendarmerie, des affaires sociales, ou protester contre les redéploiements ou suppressions de postes dans les classes. On ne fait guère mieux dans l'art du double langage puisque ce qui est dénoncé dans les collectivités, sur le terrain, fait l'objet ici, aujourd'hui, d'une autre appréciation.
Mais, au-delà de ces remarques, en conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux que vous réitérer le soutien du groupe socialiste du Sénat, déjà exprimé par mon ami Bernard Angels, quant aux orientations proposées. Elles vont sans conteste dans le bon sens, celui de la confiance retrouvée, de la modernisation de la justice et de l'équité. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la politique de la croissance liée à l'innovation constituera l'essentiel de mon propos ; cela n'étonnera personne sur ces bancs, un peu clairsemés à cette heure.
L'innovation résulte de c'est la rencontre entre des inventeurs, des créateurs et le marché, c'est-à-dire ceux qui vont utiliser ces inventions ; c'est quelque chose de tout à fait capital. Je me réjouis donc que le Gouvernement ait pris l'initiative de proposer un texte spécifique que nous étudierons bientôt.
Le débat budgétaire se fonde sur la macro-économie.
Pour ma part, je m'intéresse beaucoup plus aux problèmes de micro-économie - car cette discipline s'intéresse à ceux qui créent - les entrepreneurs, les entreprises - et ceux qui fabriquent. La macroéconomie travaille sur les agrégats que l'on considère ensuite pour examiner les faits passés.
Ces agrégats, sur lesquels nous sommes bien obligés de raisonner puisqu'une politique budgétaire est essentiellement fonction d'un certain nombre de considérations d'ensemble témoignent du passé mais ils ne sont pas toujours suffisants. En effet nous avons constaté qu'il aurait fallu y intégrer, d'une certaine façon, les dépenses sociales puisque le taux des charges de 54 %, dont nous nous plaignons tous, que nous voudrions tous baisser, est pour une grande part lié à ces dépenses sociales qui sont plus difficiles à maîtriser, semble-t-il, que les impôts de l'Etat ou des collectivités locales et qui font que nombre de nos concitoyens considèrent qu'ils paient plus qu'avant parce qu'ils supportent plus de charges sociales, notamment par le biais de la CSG, qui touche finalement beaucoup de monde.
Comment orienter le budget de l'Etat de façon à mieux aider les acteurs qui gèrent l'essentiel de l'avenir de notre société ? Il est indispensable de procéder à des redéploiements en tenant compte de la véritable révolution de l'économie que nous sommes en train de vivre.
Aux Etats-Unis, 40 % des emplois créés sont directement liés à l'innovation et aux nouvelles technologies. Or ces 40 % ne comptent pas les emplois induits ; avec ceux-ci ce taux atteindrait 120 %. Parallèlement, ces emplois liés à l'innovation détruisent d'autres emplois.
Ce qui est essentiel, c'est que, comme nous sommes dans une économie mondialisée, ces emplois qui sont détruits ne le soient pas chez nous, au profit des Etats-Unis, du Canada, des pays nordiques ou du Japon, ce qui est le cas à l'heure actuelle. En effet, si, comme l'affirment de bons économistes, 350 000 emplois liés aux nouvelles technologies ont été créés, si nous constatons, comme l'a fait M. Dominique Strauss-Kahn, que 1 % ou 0,5 % du PIB en 1998 est dû au développement des nouvelles technologies, nous ne devons pas crier victoire, car nous aurions dû faire le triple, d'après certains excellents économistes.
Ainsi, les redéploiements sont nécessaires, mais de façon que le budget mette en place les conditions nécessaires pour que les nouvelles technologies puissent se développer.
Au demeurant, rappelons-nous que les Etats-Unis sont un pays très hétérogène : le nombre d'emplois créés est beaucoup plus important en Californie qu'en Alabama ou dans le Dakota du Nord. Bien entendu, la Californie n'est pas le seul endroit où se créent des emplois. Citons aussi la côte Est, l'Etat de Washington, les alentours de Boston et New York. L'hétérogénéité est fondamentale ; je voulais insister sur ce point.
L'Europe bénéficie aussi d'une hétérogénéité fondamentale. Certaines zones de la région parisienne, les alentours de Cambridge en Angleterre, de Munich en Bavière, de Stuttgart et de Berlin se développent particulièrement vite, mais pour d'autres le bilan est plutôt négatif, on peut citer Milan. Bref, certaines zones se développent très vite et d'autres pas du tout.
Cette hétérogénéité mérite réflexion. Pourquoi ce développement est-il très rapide dans certaines zones ? Je pense, pour ma part, qu'une concentration suffisante de recherche, d'enseignements de qualité et d'entreprises innovantes, grandes ou petites provoque la mise en place d'une véritable culture locale « entreprenariale ». Dès lors se produit un effet boule de neige parce que l'existence d'une microculture entreprenariale déclenche une volonté d'entreprendre beaucoup plus massive, beaucoup plus large. C'est ce qui, à mon avis, permet de générer un développement plus rapide en des lieux qui peuvent être variés. Cela peut se produire aussi bien à Grenoble qu'à Toulouse, en des lieux où existe déjà une certaine culture.
Les conséquences en matière budgétaire sont importantes. Rappelons d'abord que certaines zones connaissent des croissances de cinq à dix points. Il faut peut-être les étendre, en créer d'autres similaires en évitant de faire du saupoudrage, de la diffusion et que ces points d'excellence soient soumis à des contraintes qu'ils n'auraient pas ailleurs.
Les zones à forte croissance d'innovation sont celles où se trouvent les entreprises innovatrices. Bien évidemment, la loi de finances doit s'imprégner de micro-économie et prendre en compte la nécessité absolue de tout faire pour aider ceux qui créent, qui prennent des risques, qui construisent l'avenir, par une politique fiscale appropriée, par des stock-options, en particulier. J'espère d'ailleurs que ces derniers seront mis en place dans la prochaine loi de finances puisque, apparemment, le Gouvernement ne peut pas les instituer, pour des raisons de politique, que je peux comprendre, dans la loi sur l'innovation.
Il faut que cette politique fiscale aide les entrepreneurs à gagner éventuellement beaucoup d'argent qu'ils réinvestiront, engendrant par conséquent de nombreuses créations d'emplois. Après tout, il ne serait pas du tout anormal qu'ils soient traités comme certains sportifs de haut niveau. Sinon ils risquent d'écouter les sirènes qui les attirent vers les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne.
Il faut même que la loi de finances tienne compte de la nécessité d'attirer des compétences du monde entier. C'est possible, et je crois pouvoir l'affirmer plus que quiconque puisque, actuellement, à Sophia-Antipolis, dans ce qui était une garrigue il y a trente ans, on compte plus de 22 000 emplois, dont plus de la moitié sont des emplois de cadres, et qu'avec les emplois induits, d'après les calculs des chambres de commerce, cela fait à peu près 100 000 emplois, le tiers des cadres provenant de plus de cinquante pays.
Il faut aussi se souvenir que de tels pôles génèrent énormément de recettes fiscales et sociales. Sophia-Antipolis génère plus de 35 milliards de francs de chiffre d'affaires, c'est-à-dire, compte tenu des taux de prélèvement, près de 20 milliards de francs de recettes fiscales et sociales par an. Ce sont plus de 1 000 entreprises, dont la plupart sont des start up. C'est donc à mon avis des modèles de développements locaux qu'il conviendrait d'appuyer et de généraliser.
Comment peut-on faire ? Je vois trois thèmes majeurs à développer pour orienter une loi de finances vers un appui préférentiel à l'industrie de l'avenir, c'est-à-dire l'industrie de la matière grise qui, pour les pays à fort niveau de salaire, est certainement une solution préférable à beaucoup d'autres, en tout cas une solution prioritaire. Ainsi, dans la loi de finances, il faut prévoir les répartitions qui peuvent être nécessaires. Mais, avant de répartir de la richesse, il faut d'abord la créer. Or, dans le monde contemporain, c'est certainement beaucoup plus dans les zones à forte concentration de matière grise, donc à forte concentration de potentialité de développement d'industries de haute technologie, qu'on peut la créer.
Il faut d'abord une fiscalité pour les innovateurs et leurs appuis, qu'il s'agisse de business angels , ou investisseurs providentiels, pour reprendre la terminologie de la commission des finances du Sénat, des investisseurs de proximité, des investisseurs en fonds communs de placement dans l'innovation. Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste à faire. Bien entendu, j'insiste encore sur le système attractif des stock options , parce que c'est crucial.
Je constate qu'à Sophia-Antipolis, chaque semaine, des gens viennent faire leur marché, achètent des équipes et éventuellement des petites sociétés pour, à terme, les emmener ailleurs. Les gens se laissent finalement convaincre parce qu'au fond ils estiment, peut-être à tort, que gagner beaucoup d'argent n'est pas forcément déshonorant.
Deuxième thème : les recettes de privatisation.
A cet égard, je voudrais citer l'exemple de la Bavière, qui est très frappant. La Bavière a privatisé une grande partie de ses entreprises publiques, et dispose de 3 milliards d'euros, ce qui, pour un Land de la taille de la Bavière, n'est pas négligeable. Elle a décidé de réserver en totalité au développement de l'innovation ces 3 milliards d'euros. Elle développe des centres de transfert, des incubateurs, des minitechnopoles. Résultat : le taux de chômage y est deux fois plus faible que dans le reste de l'Allemagne. Les entreprises innovantes se multiplient grâce à l'effort d'amorçage public et privé. D'ici peu, nous verrons une nouvelle Silicon ou biotechnicon ou Valley européenne.
L'idée de mettre les recettes de privatisation à la disposition des secteurs innovants plutôt que de les placer dans le pot commun budgétaire ne serait peut-être pas si mauvaise. En tout cas, puisque cela fonctionne en Bavière, je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même en France. Il nous reste encore quelques sociétés à privatiser.
Pourquoi ne pas envisager le redéploiement des investissements d'un certain nombre de ministères avec une concentration des efforts sur les pôles d'excellence ? Je pense bien évidemment au ministère dont M. Allègre a la charge, à la partie de votre ministère qu'est consacrée l'industrie et tout particulièrement au ministère de la défense.
J'ai posé à M. Richard une question dans laquelle je lui faisais part de mon inquiétude face à la diminution régulière, depuis un certain nombre d'années, des dépenses de son ministère en matière de recherche, d'études et de développement, alors qu'il serait logique que ces dépenses augmentent. La technologie et la logistique constituent désormais la force principale des armées. Et l'actualité récente nous a malheureusement permis de constater qu'elles n'avaient pas atteint - en Europe en général et en France en particulier - leur niveau adéquat.
Par ailleurs, il ne s'agit pas uniquement des conséquences militaires. L'exemple des Etats-Unis et des réalisations du ministère américain de la défense en matière de technologies duales est très intéressant. En effet, les industries de haute technologie - je pense à Alcatel et à bien d'autres entreprises - sont désormais parfaitement capables de fabriquer des produits très sophistiqués qui seront probablement moins chers si elles les réalisent à la fois pour le domaine civil et pour le domaine militaire. Comme les applications militaires et civiles deviennent de toute façon de plus en plus voisines, y compris en matière d'observations terrestres, on pourrait créer de la richesse, des emplois et développer beaucoup d'activités.
Il faut, je le répète, éviter un saupoudrage et adopter une stratégie en faveur des zones de compétences. Ce serait une erreur d'adopter une stratégie très « égalitariste » qui finalement conduit à dépenser inutilement de l'argent. Alors qu'on admet très bien que des équipes de football passent de première en deuxième division non parce qu'elles sont mauvaises, mais parce que d'autres sont meilleures, je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas de même dans le domaine des industries de matière grise avec des équipes qui ne demandent qu'à se développer.
Nous ne devons pas nous laisser bercer par l'idée que nous ne sommes pas si mauvais, que nous sommes bons, que nous accomplissons quelques progrès. Nous ne sommes pas assez bons si les autres sont meilleurs. Avec la mondialisation économique, la compétition intellectuelle est désormais si forte qu'il ne faut pas nous mettre des semelles de plomb ; il nous faut, au contraire, nous mettre en position de gagner les courses. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je commencerai par répondre aux présidents de commission qui se sont exprimés.
M. François-Poncet s'est réjoui que la croissance française soit, en 1998 comme en 1999, supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Italie. Il a établi un parallèle avec les Etats-Unis. Le Gouvernement pense, comme lui, que l'action concertée et la coordination des politiques économiques en Europe, en particulier au sein de l'Euro 11, doit permettre de réduire l'écart entre la croissance européenne et la croissance américaine qui d'ailleurs ne sera peut-être pas éternel.
M. François-Poncet a cité MM. Trichet, Schroder et Blair pour étayer deux de ses recommandations. La première visait à réduire la part excessive des dépenses publiques. Sans que le Gouvernement en tire une quelconque fierté, cette part diminue et passera de 56 % du produit intérieur brut en 1996 à 51 % en 2002. C'est d'ailleurs, me semble-t-il, le chiffre qu'il a cité.
Il convient de réduire la part relative de la dépense publique, mais en agissant par la croissance plutôt qu'en opérant des coupes claires. Par ailleurs, il importe que, dans ce mouvement de réduction relative, les priorités, sur lesquelles Mme Beaudeau et M. Angels ont fortement insisté, soient correctement financées.
M. François-Poncet a évoqué les réformes structurelles. Tout au long de ce débat, il est très clairement apparu que le Gouvernement prévoyait des réformes, notamment dans le domaine de la fiscalité mais aussi en faveur de l'emploi mais pas au détriment des salariés.
M. Delaneau a abordé la question de la sécurité sociale qui, selon lui, doit être traitée lors du débat d'orientation budgétaire. En effet, vous le savez, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie exerce une responsabilité générale sur toutes les finances publiques.
M. Delaneau a cité des chiffres qui mettent en reflet la situation actuelle de la sécurité sociale. Après un déficit du régime général de 67 milliards de francs en 1995, les 5 milliards de francs de déficit prévus pour 1999 - et l'année n'est pas terminée en la matière - démontrent que le Gouvernement, auquel j'ai l'honneur d'appartenir, a combattu courageusement le déficit de la sécurité sociale.
M. Delaneau a également évoqué la deuxième loi sur la réduction négociée du temps de travail. Il a contesté, me semble-t-il, le principe de neutralité, c'est-à-dire le fait que les ressources tant fiscales que sociales résultant des nouveaux emplois induits par ces accords donnent lieu à des prélèvements qui soient recyclés dans les entreprises ayant signé lesdits accords. Le Gouvernement, en la matière, a adopté une position équilibrée.
M. Gouteyron, qui a présidé une commission d'enquête sur l'éducation nationale, souhaite qu'on dépense mieux dans ce secteur. Il rejoint tout à fait le point de vue du Gouvernement. Tous les travaux qui sont réalisés tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat pour renforcer l'évaluation parlementaire vont, tout à fait me semble-t-il, dans la bonne direction.
S'agissant de l'éducation nationale, mon collège Claude Allègre a réduit la dimension de l'administration centrale et a rendu aux recteurs une capacité de gestion des postes d'enseignants qui est mieux exercée près des établissements scolaires qu'à Paris.
M. Gouteyron a souhaité, en outre, que le Parlement soit mieux informé. Les commissions d'enquête ont permis une telle information, tandis que les ministres répondent à toutes les questions d'actualité qui leur sont posées. Il ne me semble pas anormal qu'un certain nombre de décisions en matière de gestion soient prises en cours d'année, par exemple pour combler les vacances de postes.
Je m'adresserai maintenant à M. de Villepin, qui a bien voulu attendre, en dépit de l'heure tardive, que le Gouvernement lui réponde. J'y suis très sensible.
Vous souhaitez, monsieur de Villepin, que la dépense publique baisse, sauf dans le cas des budgets régaliens de la défense et des affaires étrangères. Je crois cependant que vous pensez, comme moi, que la volonté de dépenser mieux peut concerner tous les budgets, y compris les deux que vous avez mentionnés.
Je veux, d'abord, vous rassurer à propos du budget militaire, en vous disant que la revue des programmes militaires sera respectée, ainsi que la professionnalisation de nos armées. Je souligne, au passage, qu'il est exceptionnel qu'une loi de programmation militaire soit autant respectée que celle qui est en cours d'exécution. On a, en effet, constaté, dans le passé, des écarts croissants qu'on ne retrouve pas actuellement.
S'agissant des opérations extérieures, vous savez que la tradition est de les traiter dans le collectif budgétaire de fin d'année.
A propos du ministère des affaires étrangères, vous avez parlé des effectifs. Ce ministère a, en effet, contribué, entre 1991 et 1998 - ce n'est donc pas un phénomène récent - à rendre à la collectivité nationale, si je puis dire, 628 postes budgétaires. Il faut dire qu'en contrepartie ce ministère a procédé au recrutement de 1 100 collaborateurs locaux et que, si l'on compare avec nos homologues britanniques, dont la diplomatie n'est pas, je crois, de second rang, les effectifs de cette grande administration française ne sont pas vraiment différents de ce qu'ils sont outre-Manche.
Vous avez également évoqué la réforme de la coopération. Il s'agit bien là d'une réforme structurelle, profonde, telle que M. François-Poncet, qui connaît bien ce ministère, peut l'apprécier. Comme vous l'avez souligné, le plein effet de cette réforme n'apparaîtra qu'à moyen terme mais, dès l'an 2000, nous en percevrons quelques effets bénéfiques en termes de gestion.
Monsieur de Villepin, vos propositions sont excellentes, qui consistent à organiser une programmation, à moyen terme, de la carte diplomatique et consulaire et, avec la malice souriante que chacun vous connaît, vous y avez ajouté l'ensemble des établissements à l'étranger, y compris ceux d'autres ministères, en particulier ceux du ministère des finances.
M. Trégouët, avec des accents assez comparables à ceux de M. Laffitte, a évoqué la nouvelle économie de l'immatériel, qui est effectivement au coeur de ce débat d'orientation budgétaire.
Le budget est, en effet, un instrument pour soutenir la croissance et, comme M. Laffitte l'a rappelé, le développement des nouvelles technologies de l'information, de cet immatériel évoqué par M. Trégouët, a, selon des calculs évidemment fragiles, apporté un supplément de croissance de l'ordre de un demi-point par an. Il est vrai que la France avait pris quelque retard en la matière, mais je crois que ce retard se réduit peu à peu, peut-être trop lentement. A cet égard, le projet de loi sur l'innovation qui a été salué par la Haute Assemblée va, me semble-t-il, tout à fait dans le bon sens.
M. Trégouët, avec d'autres sénateurs, a regretté que les jeunes, et des jeunes de valeur, partent à l'étranger. Je dirai très simplement qu'il est bon que nos jeunes « doctorants » aillent se perfectionner à l'étranger. La vraie question est de faire en sorte qu'ils reviennent et je veux, pour relativiser cette situation qui n'a rien de dramatique, souligner qu'il y a actuellement, d'après un rapport du Conseil économique et social, 3 % de Français à l'étranger, contre 10 % d'Italiens, 15 % de Britanniques et 12 % de Suisses.
Il n'est donc pas possible d'être favorable à la mondialisation, comme certains sénateurs l'ont dit, et de vouloir que la population reste confinée dans nos frontières.
M. Trégouët a, comme M. Laffitte, évoqué les stock-options . Mais qui a si lourdement taxé les stock-options , sinon MM. Barrot et Arthuis ? Je tiens à préciser que le Gouvernement a rétabli un régime fiscal plus favorable pour les seules entreprises de moins de quinze ans, car ce sont ces entreprises naissantes qui sont les plus créatrices d'innovation, de richesses et d'emplois.
Enfin, grâce au Gouvernement français, une décision européenne a doublé les investissements de la Banque européenne d'investissement dans les réseaux d'information, ce qui permettra à nos entreprises de profiter pleinement de la révolution industrielle qui s'annonce.
Mme Beaudeau a plaidé avec vigueur et conviction en faveur du secteur public. Le Gouvernement partage pleinement la conviction qu'elle a si bien exprimée. J'en veux pour preuve le fait que notre ministre des transports a obtenu un délai pour la dérégulation, comme disent les spécialistes, c'est-à-dire la libéralisation du rail. Nous sommes favorables à la sauvegarde, au développement, à une plus grande efficacité du secteur public. Nous nous rejoignons pleinement sur ce point.
Madame Beaudeau, vous avez également souligné que la croissance ne se décrète pas ; elle se gagne. C'est une conviction forte qui s'oppose au laisser-faire de certaines doctrines libérales. Vous avez parlé de dépenses « conquérantes ». Il est possible d'être conquérant sans être trop massif. Nous pouvons donc nos rejoindre sur ce point.
Enfin - et vous avez beaucoup insisté sur cette question - vous avez souligné l'importance de lutter contre le dumping fiscal à l'échelon européen. A cet égard, je me tourne vers M. Angels, qui a déposé une proposition de résolution concernant la fiscalité européenne de l'épargne qui n'a pas été soutenue, monsieur le rapporteur général, par la commission des finances. Il s'agissait pourtant là d'un moyen concret de manifester la volonté quasi unanime du Sénat de lutter contre la fraude, l'évasion fiscale, voire les paradis fiscaux. Par conséquent, peut-être y aura-t-il l'occasion d'un rattrapage en la matière ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des finances a examiné cette question relative à la directive européenne sur la taxation de certains revenus de l'épargne. S'agissant de l'objectif, nous nous sommes prononcés, par une résolution, favorablement. Nous avons retenu une rédaction légèrement différente de celle qui était préconisée par notre collègue M. Angels, en particulier sur le taux minimal de cette taxation. En effet, nous préférons le fixer à 20 %, au lieu de 25 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est donc pas véritablement une différence stratégique qui nous sépare sur ce point. Je tenais à préciser la position de la commission des finances.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de soutenir ainsi, même avec quelques nuances, une proposition qui a été formulée par M. Angels.
Je reprends mon propos. De même, nous travaillons à un code de bonne conduite ayant pour objet d'éviter des pratiques fiscales qui ont comme conséquence artificielle le déplacement d'usines, de sièges sociaux ou de centres de recherche. Donc, madame Beaudeau, nous travaillons, et je suis heureux que le Sénat apporte son soutien à cet effort du Gouvernement.
La réduction des déficits n'est pas un objectif en soi, c'est simplement un moyen. Comme vous le savez, madame la sénatrice, les intérêts de la dette représentant 340 milliards de francs, c'est-à-dire l'équivalent de l'ensemble du budget de l'emploi et de la solidarité, ainsi que M. Dominique Strauss-Kahn l'a dit avant moi, il est important de baisser cette dépense qui profite à la rente pour accroître la dépense volontaire en faveur de l'emploi.
M. Angels a dressé un bilan impeccable de la politique menée par le Gouvernement dans le domaine économique et budgétaire, qu'il a ponctué par un certain nombre de phrases fortes dont il s'est fait une sorte de spécialité, telles que « la croissance n'est rien sans la confiance » ou « en ce qui concerne l'emploi, la bataille est loin d'être gagnée, mais les résultats enregistrés sont satisfaisants ».
Vous nous avez fourni, monsieur le sénateur, un précepte sage en matière de réforme fiscale : il faut réformer nos structures et nos pratiques sans les déséquilibrer. Vous avez fait un vaste panorama des réformes fiscales qui ont votre préférence, en insistant sur celles qui bénéficient aux ménages. Le Gouvernement entend bien votre message. Si nous avons les marges de manoeuvre nécessaires, nous irons dans la direction que vous souhaitez.
Vous avez parlé de la poursuite de l'effort de simplification. Je tiens à apporter une précision sur la fiscalité de l'épargne. Il est vrai que le conseil des impôts a produit récemment un rapport sur ce point, qui n'a pas pour objet d'unifier complètement la fiscalité de l'épargne, car, vous comme le Gouvernement, nous sommes attachés à ce que l'épargne populaire garde un statut particulier. Nous pourrons en reparler à l'occasion du prochain débat budgétaire.
La déclaration expresse, vous l'avez citée avec faveur. Vous avez mentionné le prélèvement à la source, qui soulève de multiples problèmes. S'agissant du droit de bail, le Gouvernement a, comme vous le savez, accepté au sujet du remboursement du trop-versé en ce qui concerne les seuls propriétaires-bailleurs qui interrompent leur location, de discuter avec les professionnels et de vous proposer une solution, me semble-t-il heureuse, dans le projet de budget pour l'an 2000. Vous faites la suggestion d'un remboursement sur cinq ans. C'est une idée qui sera versée à cette réflexion.
Vous avez parlé de la recherche d'une plus grande justice fiscale en citant la loi Pons. Nous en avons parlé lors de l'examen des projets de budget pour 1998 et 1999. Nous avons dit que nous allions stabiliser la loi Pons jusqu'au 31 décembre 2002. Evitons perpétuellement de modifier chaque année les dispositions fiscales, même si elles sont imparfaites. Ce serait en effet un facteur de trouble pour les investisseurs, qui sont nécessaires au développement des départements et territoires d'outre-mer.
Vous avez évoqué la TVA en revenant sur le point antérieur. En ce qui concerne l'écotaxe, vous avez apporté un soutien de principe à l'initiative européenne dont la France va partager la mise en place. Nous en reparlerons.
Vous avez évoqué un certain nombre de dossiers européens, et notamment la directive sur l'épargne dont j'ai déjà parlé en répondant à Mme Beaudeau. Vous avez aussi évoqué la taxe sur les mouvements financiers spéculatifs à l'échelle européenne. Ce sujet a du pour et du contre, si je puis dire, car le monde financier est désormais global. L'échelle française est certainement insuffisante et l'échelle européenne peut-être trop limitée. Ce serait au moins au niveau des pays de l'OCDE qu'il faudrait agir, et encore de nombreux paradis fiscaux resteraient-ils en dehors.
M. Deneux a parlé de l'« explosion » de la dette publique. Monsieur le sénateur, vous avez raison : entre 1991 et 1997, la dette publique rapportée au produit intérieur brut est passée de 30 % à un peu moins de 60 %. Concrètement, cela représente, par famille, 100 000 francs en 1993 et 200 000 francs en 1998. Il était important d'interrompre cette « explosion » de la dette publique ; c'est votre expression et non la mienne. Depuis 1997, nous approchons d'un plafond et pour la première fois, en l'an 2000, la dette reculera en pourcentage du produit intérieur brut.
Nous avons déjà débattu des crédits d'investissement. Toutes sources de financement confondues, les investissements civils de l'Etat, qui avaient baissé de 13 % entre 1993 et 1997, croîtront de 10 % entre 1997 et 1999.
En ce qui concerne les routes, sans entrer dans un débat trop pointu à cette heure avancée, je signalerai que nous avons ajouté des crédits de paiement pour rattraper les retards accumulés durant les années antérieures.
M. Lachenaud a déploré les conditions de ce débat d'orientation budgétaire. Il est normal que le Gouvernement présente sa vision et que la commission des finances ainsi que les sénateurs formulent leurs propres suggestions.
Je voudrais insister fortement sur un point : au mois de juillet 1998, lorsque nous avons annoncé des mesures fiscales, M. Strauss-Kahn et moi-même, nous sommes venus les présenter devant les commissions des finances des deux chambres du Parlement ; vous ne pouvez donc pas dire, même si vous vous êtes exprimé rapidement, que vous avez appris tout cela par la presse.
Vous avez parlé de l'environnement européen. Il est vrai que l'écotaxe est en train d'être mise en oeuvre par l'Italie, par la Grande-Bretagne et par l'Allemagne. Vous avez évoqué l'impôt sur le bénéfice des sociétés. Il faut regarder le taux, vous avez raison, mais aussi la base sur laquelle cet impôt est calculé. Nous sommes à l'initiative d'un travail européen pour comparer ce qui est comparable. Peut-être verra-t-on que, en France, l'impôt sur le bénéfice des sociétés n'est pas aussi décourageant que vous l'avez dit ?
J'ai déjà évoqué le code de bonne conduite et la retenue sur l'épargne anonyme.
Le seuil de 50 millions de francs de chiffre d'affaires est-il vraiment significatif, avez-vous dit ? Or 95 % des entreprises sont en dessous de ce seuil qui a été adopté en 1997 ; il est proposé de l'adapter en l'an 2000. Nous avons eu le souci de ménager les petites et moyennes entreprises.
Enfin, et je vous prie de m'excuser d'être un peu rapide dans ma réponse, vous avez développé un slogan : moins d'impôts égale plus d'emplois. C'est vrai que nous réduisons les impôts sur le travail : baisse de la taxe professionnelle et baisse des cotisations patronales. Si l'on regarde le passé, et l'esprit pragmatique que vous êtes le reconnaîtrait : il y a eu plus d'impôt à l'époque de M. Balladur et 78 000 chômeurs supplémentaires ; encore un point de prélèvements obligatoires sous le gouvernement de M. Juppé et 118 000 chômeurs de plus ; nous-mêmes, nous n'avons pas accru les prélèvements obligatoires et nous avons 262 000 chômeurs de moins. Je ne fais pas une corrélation aussi directe que celle que vous avez formulée, mais il y a tout de même un parallélisme intéressant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut baisser les prélèvements obligatoires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Un peu de patience, monsieur le rapporteur général !
En ce qui concerne les baisses de TVA ciblées, nous aurons l'occasion d'en parler prochainement au sein de la Haute Assemblée. Vous souhaitez que nous expérimentions. Je voudrais simplement dire, sans prolonger le débat, que, si la Commission de Bruxelles a accepté le principe d'expérimentation de baisses de TVA sur les activités à fort contenu de main-d'oeuvre, c'est grâce à la France qu'elle a pris cette initiatrice.
En ce qui concerne la conjoncture, je dirai à M. Vallet que, cet après-midi, j'étais au Conseil économique et social où les experts de cette assemblée pensent que nous sommes en train de sortir du trou d'air, tout en s'interrogeant sur le rythme de sortie. Monsieur le sénateur, vous avez parlé de l'industrie. Il y a aussi le bâtiment, les services, qui, dans notre pays, vont bien.
Vous avez évoqué, comme d'autres orateurs, les trente-cinq heures dans la fonction publique. La démarche du Gouvernement est claire en la matière. D'abord, un diagnostic : c'est un rapport très complet qui a été fait par M. Roché sur la durée annuelle du travail dans les différentes administrations : administration d'Etat, administrations locales, administration hospitalière, et à l'intérieur de chacune d'entre elles. Actuellement, mon collègue M. Emile Zuccarelli débat de la méthode pour voir comment progresser. C'est ensuite que les décisions viendront. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. Oudin a parlé de la sécurité sociale. J'ai déjà dit, tout à l'heure, à propos de l'intervention du président Delaneau, que le Gouvernement avait travaillé obstinément pour réduire le déficit du régime général de 67 milliards de francs en 1995 à 5 milliards de francs en 1999. Il a évoqué sur le mode un peu critique la couverture maladie universelle. Sachez que le Gouvernement auquel j'appartiens est fier de cette réforme qui touche au droit à la santé en permettant l'exercice non d'un droit formel à la santé, mais d'un droit réel à la santé.
En ce qui concerne les transports, je vois que, dans certains domaines, M. Oudin est partisan, lui aussi, de dépenser plus. Il a évoqué les ports. Le Gouvernement a lancé pour Le Havre un projet important appelé « Port 2000 ». Je crois que nous partageons avec lui le souci des infrastructures de transports.
En ce qui concerne la taxe générale sur les activités polluantes, j'ai déjà rappelé nos engagements internationaux. Les moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sont accrus : plus 500 millions de francs grâce à cette fameuse taxe générale sur les activités polluantes, plus 500 millions de francs en dotations budgétaires au titre de 1999. C'est dire que le Gouvernement a tenu ses engagements.
S'agissant de l'eau, une discussion est ouverte avec les présidents des agences de l'eau, dont la Haute Assemblée est certainement parfaitement informée.
M. Foucaud a concentré son intervention, très fouillée, sur les collectivités locales. Je ne crois pas que la réforme de la taxe professionnelle se soit traduite par une pénalisation des collectivités locales, puisque la compensation est intégrale. En termes d'emplois, les premiers résultats sont positifs. Sur les 78 000 emplois créés au premier trimestre, principalement dans les PME, une partie au moins doit être imputable à cette mesure. D'après un sondage réalisé à la demande du Conseil supérieur du notariat, c'est en raison de cette réforme de la taxe professionnelle que deux tiers des patrons de PME envisagent d'embaucher.
Je rappelle que le Gouvernement, pour bien marquer que cette réforme entre immédiatement en vigueur, a réduit les acomptes de taxe professionnelle qui devaient être versés le 15 juin.
Vous avez souhaité que la croissance réelle soit favorisée par rapport à la spéculation financière. Monsieur Foucaud, je ne vous ferai pas la liste de toutes les dispositions arrêtées dans le budget de 1999 qui vont exactement dans le sens que vous souhaitez !
Vous vous êtes inquiété, comme M. Sergent d'ailleurs, de l'avenir financier de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. C'est un sujet auquel le Gouvernement est très attentif et qu'il examine dans le cadre général des systèmes de retraite dont un diagnostic, de qualité, me semble-t-il, concerté en tout cas, a été fait par M. Charpin.
Vous avez évoqué la révision des bases de taxe d'habitation. De très nombreux travaux techniques effectués en la matière par nos soins montrent que, si l'on s'astreint à garder constant le produit de la taxe d'habitation pour une commune, certains contribuables voient leur taxe augmenter, alors que d'autres la voient baisser. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas forcément les contribuables aisés qui voient leur taxe d'habitation progresser et les contribuables modestes qui la voient diminuer. Ces simulations montrent bien que le véritable problème - M. Sergent l'a très bien expliqué - est plus la disparité des taux de fiscalité d'une commune à l'autre que les disparités de situation à l'intérieur de certaines communes. Nous continuons donc à travailler sur ce sujet délicat.
M. Sergent est intervenu de façon très convaincante sur les collectivités locales et sur l'intérêt de substituer à un pacte de stabilité parfaitement unilatéral et pénalisant pour les collectivités locales un contrat de croissance et de solidarité. Il a mentionné la volonté du Gouvernement de recourir de manière accrue à la péréquation.
Il a évoqué le dossier de la taxe professionnelle de France Télécom. Nous travaillons actuellement avec France Télécom pour déterminer la base, l'assiette en quelque sorte, de la taxe professionnelle qui serait payée par France Télécom. M. Sergent a présenté un certain nombre de suggestions pour aller au-delà de cette investigation. Le Gouvernement en tiendra évidemment compte.
En ce qui concerne la taxe d'habitation, qu'il a qualifiée de mesure injuste, je rappellerai que nous somme revenus sur une disposition de l'ancien gouvernement puisque 800 000 personnes ont vu leur taxe d'habitation diminuer. Le coût de cette disposition s'est élevé à 1 milliard de francs dans le budget de 1998 ; mais il s'agissait, à mon avis, d'une bonne dépense.
M. Sergent a également évoqué la comptabilité M 14. En accord avec M. Delevoye, président de l'association des maires de France, nous avons décidé de stabiliser la comptabilité M 14, qui a sans doute beaucoup troublé les élus locaux mais qui leur apportera, à terme, un outil de gestion leur permettant de réaliser de grands progrès.
Enfin, M. Laffitte a ouvert grand la fenêtre du xxie siècle ; il a félicité le Gouvernement de lancer une loi sur l'innovation et a souligné à quel point la concentration de pôles de recherche, d'enseignement de qualité et d'entrepreneurs peut créer un effet boule de neige. Telle est exactement la volonté du Gouvernement.
C'est donc sur cette note de confiance pour le xxie siècle que je conclurai cette intervention, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je constate que le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 446 et distribuée.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 23 juin 1999, à une heure cinquante, est reprise à une heure cinquante-cinq.)