Séance du 27 mai 1999
POLITIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE
EN MATIÈRE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Discussion d'une question orale avec débat
portant sur un sujet européen
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat, portant
sur un sujet européen, suivante :
M. Serge Lagauche interroge M. le ministre délégué à la coopération et à la
francophonie sur ce que doivent être, pour le xxie siècle, le rôle et les
objectifs d'une politique de l'Union européenne en matière d'aide au
développement.
Il lui demande comment les principes énoncés dans le traité de l'Union
européenne, à savoir le développement et la consolidation de la démocratie, le
développement économique et social, l'insertion des pays en développement dans
l'économie internationale et la lutte contre la pauvreté à l'échelle mondiale,
sont mis en oeuvre à travers cette politique.
Il lui demande quelles initiatives peuvent être envisagées pour renforcer
l'engagement de l'Union européenne au bénéfice du développement des pays les
plus pauvres.
La parole est à M. Lagauche, auteur de la question.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide au
développement recouvre un champ d'intervention très large pour l'Union
européenne, puisque les financements communautaires représentent le quart de
l'aide multilatérale au développement et se placent juste après la contribution
de l'Agence internationale pour le développement.
Aussi ma question portera-t-elle essentiellement sur la coopération entre
l'Union européenne et les soixante et onze pays d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, dits pays ACP, investis dans la convention de Lomé.
La raison en est simple : même si, depuis quelques années, la coopération avec
les pays d'Asie, d'Amérique latine, ou, plus encore, avec les pays
méditerranéens connaît une forte croissance, Lomé reste un cadre unique de
partenariat négocié et prévisible qu'il nous faut à tout prix moderniser face
aux nouvelles exigences du contexte économique mondial.
Cela conduit, d'ailleurs, à s'interroger sur la manière de concevoir Lomé V,
alors même que l'aide européenne se diversifie et doit répondre à un devoir de
solidarité envers d'autres régions du monde.
C'est un des éléments de réflexion soulevés par la renégociation de la
convention de Lomé, engagée depuis septembre 1998 et qui doit tenir compte du
nouveau cycle de négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce,
dont l'enjeu réside dans la définition d'un partenariat rénové, tirant toutes
les conséquences du bilan contrasté des conventions passées.
Quelles orientations devons-nous retenir pour un partenariat rénové ?
L'originalité de Lomé tient dans le lien, affirmé dès le début, entre aide et
commerce. Mais une trop grande importance a été accordée aux matières
premières, alors que le potentiel de développement fondé sur la seule
production et la seule vente de produits de base est limité.
Hormis pour la seule île Maurice, qui s'est diversifiée dans le textile, la
convention n'a pas constitué un levier de développement des activités de
transformation. De ce fait, la part des pays ACP dans le commerce mondial reste
inférieure à 1/10 000. La diversification des économies ACP devient une
nécessité.
L'environnement économique est bien différent de celui des années 1970 et des
premières conventions. Depuis le début de notre décennie, les flux de capitaux
privés ont explosé : désormais, le décollage d'un pays dépend, en grande
partie, de sa capacité à attirer les investissements.
Si la coopération centrée sur les Etats et les grandes entreprises a contribué
à la croissance des pays ACP, elle n'a pas permis de faire baisser de manière
significative la pauvreté. L'aide touche, au mieux, 10 % à 15 % de la
population. Aussi l'effort doit-il porter sur les PME, sur les très petites
entreprises des secteurs porteurs de développement et sur les micro-projets à
caractère social. Pourquoi ne pas généraliser un système de micro-crédit adapté
aux économies locales et aux besoins réels des populations. ?
L'objectif, aujourd'hui, ne doit-il pas être d'aider les Etats à développer un
environnement favorable à l'initiative privée et à une meilleure implication de
la société civile ? Peut-être devrons-nous nous orienter vers des programmes de
développement nationaux et non plus gouvernementaux, en concertation avec la
population civile ?
Mais pour cela, la formation des associations, des syndicats et des
représentants du secteur privé aux stratégies de développement doit être
renforcée, de même que l'information des populations sur leurs droits et sur
l'accessibilité aux instruments d'aide.
De même, les modalités de l'aide technique et de l'intervention des ONG ne
doivent-elles pas être repensées, pour instaurer un véritable dialogue entre
tous les partenaires des projets de développement ?
L'accent doit porter également sur le renforcement des services et des
infrastructures sociales de base, tout particulièrement des secteurs de la
santé et de l'éducation, afin de généraliser leur accès pour la population.
Il faut axer notre réflexion sur les conditions d'émergence d'un partenariat
rénové confortant la place de la contractualisation, afin de sortir de la
relation donateurs-bénéficiaires, génératrice d'une trop forte dépendance. Le
souci de l'efficacité doit prévaloir sur les nouvelles orientations de la
convention.
La paix et la sécurité sont les conditions
sine qua non
du succès de la
coopération. Or vingt des trente pays les plus pauvres connaissent des conflits
armés. La Commission européenne a donc proposé, le 19 mai dernier, de revoir sa
coopération avec les pays ACP impliqués dans des conflits armés et de définir
les circonstances précises dans lesquelles des mesures concrètes, comme le gel
de la coopération ou la suppression de l'aide au développement, devraient être
appliquées en réaction au déclenchement des hostilités.
Mais l'Europe ne doit-elle pas agir en amont etparticiper à la prévision des
crises, par exemple au travers de la création d'observatoires régionaux des
tensions, comme le préconisait M. Rocard dans un rapport au Parlement européen
en mars 1998 ?
Le volet politique de notre coopération avec les pays ACP ne se limite pas à
l'exigence de paix. Au contraire, l'exigence du respect des droits de l'homme
et des principes démocratiques fait partie intégrante de Lomé IV.
Ce volet politique doit répondre aussi au principe de responsabilisation :
l'Europe ne doit pas imposer ses propres valeurs de bonne gouvernance issues de
deux siècles de tradition démocratique, mais les pays ACP doivent pouvoir les
définir eux-mêmes.
Dans un souci d'efficacité accrue, la question de la conditionnalité de
l'aide, notamment en fonction des résultats, peut se poser, et donc
a
fortiori
celle des modalités de l'évaluation des résultats.
Assurément, il n'y a pas de progression parallèle des différents pays vers le
développement. Dans ce cas, ne conviendrait-il pas d'encourager et de relayer
les expériences porteuses, voire de miser davantage sur les pays engagés dans
une réelle stratégie industrielle, comme les pays à revenus intermédiaires, en
modulant la répartition des fonds si ces expériences peuvent servir de «
locomotive » pour les pays voisins ?
Outre les modalités mêmes d'instauration d'un partenariat rénové, l'enjeu
central de la nouvelle convention de Lomé réside dans l'actualisation du lien
commerce-développement et dans une réelle insertion des pays ACP dans une
économie mondiale plus solidaire.
Quels peuvent être, alors, les axes d'une politique de coopération commerciale
efficace ?
Le poids de la dette est un facteur aggravant de la situation des pays les
moins favorisés. L'endettement des pays les plus pauvres représente, en
moyenne, 4,5 fois la valeur annuelle de leurs exportations, alors que le ratio
moyen est inférieur à 2 pour l'ensemble du monde en développement. L'allégement
de leur dette n'est pas une solution, et son remboursement n'a plus de sens.
Prenons le cas du Mozambique : il consacre quatre fois plus de ressources au
service de la dette qu'aux dépenses de santé, alors même que plus de la moitié
de la population n'a pas accès à l'eau potable et que 190 000 enfants de moins
de cinq ans meurent chaque année.
L'annulation de la dette des pays les plus pauvres n'est même pas une question
de développement, c'est une question de survie. Seuls une croissance
démographique maîtrisée, un régime démocratique et le passage d'une production
primaire à une production industrielle sophistiquée peuvent autoriser un réel
développement à long terme.
A ce titre, il convient de saluer la proposition que défendra, au prochain G 8
à Cologne, en juin, notre ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, d'annuler pour trente ans le service de la dette des pays en voie
de développement.
En contrepartie, les sommes dégagées devront servir au développement, à
l'éducation et à une gestion publique transparente et rigoureuse.
Il est primordial que l'argent de la dette soit transféré directement au
bénéfice des populations, par exemple au travers de projets locaux, en
association avec les ONG.
Concernant le domaine commercial, la nouvelle convention devra mettre l'accent
sur le renforcement de la coopération sud-sud, ce qui contribuera à restreindre
la situation de dépendance des pays ACP à l'égard de leurs bailleurs de fonds.
L'île Maurice s'est déjà engagée dans cette voie envers Madagascar et le
Mozambique.
Il s'agit de promouvoir parallèlement la constitution de marchés intérieurs
porteurs d'avenir, dans un contexte économique où la taille des marchés
conditionne les investissements étrangers.
Dans cette perspective, le renforcement de l'intégration régionale pourrait
devenir la pierre angulaire du lien entre commerce et développement promu par
Lomé. C'est ce qu'a préconisé Dominique Bocquet dans son rapport remis au
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A terme, une réelle participation des pays ACP à l'économie mondiale passe par
la constitution de zones de libre-échange reconnaissant la spécificité des pays
ACP. L'intégration régionale et la constitution de véritables unions douanières
en sont les préalables.
Or, l'Union européenne aurait un rôle essentiel à jouer, au sein des bailleurs
de fonds, puisque sa compétence en matière d'intégration ne peut être mise en
cause.
Quant au système de préférences commerciales de Lomé, il est de plus en plus
remis en cause, et la question de son incompatibilité avec la perspective de
libéralisation du commerce reste en suspens. Nous l'avons bien vu, tout
dernièrement, avec ce qu'il convient d'appeler le conflit de la banane. De
plus, on assiste à une baisse du rôle des barrières tarifaires et à une
évolution vers des barrières non tarifaires, comme la normalisation. Comment,
alors, préparer, avec la zone ACP, la transition ?
La nouvelle convention de Lomé devra aboutir à une définition partagée d'une
véritable stratégie d'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale,
suffisamment progressive pour être équitable et solidaire, sachant qu'il ne
doit pas y avoir de modèle de développement unique et imposé. Le modèle
d'avenir des pays en développement ne doit pas et ne peut pas être la culture
de consommation à l'américaine.
Sur ce point, l'Union européenne a les moyens de tenir un rôle moteur, contre
les risques de l'ultra-libéralisme et en faveur de l'instauration de normes
sociales internationales indispensables à un progrès social partagé. L'octroi
d'avantages concrets aux pays qui respectent les normes sociales fondamentales
est une pratique courante du système de préférences généralisées mis en place
par l'Union européenne. Nous devrons nous attacher à ce que ce principe
devienne une norme dans les instances internationales.
Si l'aide communautaire au développement représente un élément consubstantiel
de la construction et de l'identité européenne, elle souffre d'un manque
d'identification et de spécificité par rapport à celle des autres bailleurs de
fonds.
L'Union européenne doit saisir l'occasion de la renégociation de la convention
de Lomé pour peser dans la définition d'une politique de développement, de
normes sociales et de solidarité dans le commerce international, et en
particulier, au sein de l'OMC, lors du round du millénaire.
Ce rôle moteur lui est déjà reconnu par les pays de l'ACP, qui voient, avec
l'instauration de la monnaie unique, l'Union européenne comme un partenaire
pouvant rivaliser avec les autres grandes puissances économiques et défendre
ses intérêts économiques et politiques propres sur la scène internationale.
Un premier pas a été franchi dans ce sens, le 10 mai dernier, lors de la
réunion informelle des Quinze pour la préparation des négociations du
millénaire de l'OMC, avec la volonté d'inscrire à l'agenda de ces négociations
le débat sur les liens du commerce avec la protection de l'environnement et des
normes sociales universelles.
M. le président.
La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne.
M. Michel Barnier,
président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule à mon
propos, je veux dire combien notre délégation tient à la discussion de ces
questions européennes et à la régularité de leur inscription en séance
publique.
A cet égard, je remercie la conférence des présidents, dont vous faites
partie, monsieur le président, de son attention et de sa vigilance pour que, de
temps en temps, trois fois par an - ce n'est pas considérable, s'agissant de
l'Europe ! - nous puissions faire le point avec le Gouvernement sur un sujet
particulier.
Je me félicite, par ailleurs, que, pour la première fois, la minorité du Sénat
ait pu être invitée à déposer, elle aussi, ainsi que je l'avais souhaité, une
question.
Enfin, je remercie notre collègue M. Lagauche d'avoir choisi, avec son groupe,
un sujet réellement important, un sujet dont on parle assez peu lorsqu'on
évoque l'Europe, alors qu'il mobilise pourtant beaucoup d'énergie, de
l'enthousiasme, souvent, et, en tout cas, beaucoup d'argent.
Nous avons là, avec l'aide au développement, à mener une véritable réflexion,
au sens philosophique du terme, sur un sujet que nous abordons, me semble-t-il,
trop rarement dans nos assemblées parlementaires.
On ne peut, pourtant, accuser la France d'être indifférente au sort des pays
les plus déshérités puisqu'elle est le deuxième contributeur mondial pour la
coopération et l'aide au développement.
La même volonté anime l'Union et ses Etats membres : en 1997, ils ont engagé
ensemble, soit au titre de l'aide européenne gérée par la Commission et la
Banque européenne d'investissement, la BEI, soit au titre des programmes
d'assistance bilatérale, 24 milliards d'euros environ pour promouvoir le
développement de ces pays. Cet effort représente bien plus de la moitié de
l'aide publique mondiale reçue par les pays bénéficiaires, contre 13 % environ
pour les Etats-Unis et 19 % pour le Japon.
L'aide européenne en matière de coopération au développement prend de
multiples formes, qui dépassent largement le simple versement de soutiens
financiers. Je citerai notamment l'assistance humanitaire, menée par l'office
européen d'aide humanitaire, l'ECHO, et l'aide alimentaire, pour laquelle une
nouvelle convention prévoit un objectif annuel de fourniture minimale de 10
millions de tonnes de céréales.
Cette aide, on la trouve aussi dans le système des préférences tarifaires
généralisées, qui accorde aux pays en voie de développement l'accès au marché
européen sans droits de douane.
On la voit encore dans le cofinancement de projets multiples ou dans les
opérations de coopération décentralisées conduites dans ces pays démunis, et
dont je dirai tout à l'heure, en conclusion, un mot particulier.
Enfin, les initiatives prennent la forme d'accords régionaux dans toutes les
régions du globe : Méditerranée et Moyen-Orient, Asie et Amérique latine, pays
d'Europe centrale, nouveaux Etats indépendants et, surtout, pays de la zone
ACP.
Voilà vingt-cinq ans que les relations de partenariat entre l'Union et les
pays ACP sont régies par la convention de Lomé, dont M. Lagauche vient de
parler. Depuis le 1er juin 1998, date de l'adhésion de l'Afrique du Sud,
soixante et onze pays en développement sont membres de cette convention.
C'est sur ce point, si vous me le permettez, monsieur le ministre, que
j'aimerais centrer mon propos, d'abord parce que cet accord mobilise plus de la
moitié des fonds européens consacrés à l'aide au développement et qu'il peut
légitimement constituer un modèle de référence pour les opérations de
coopération, ensuite parce que le volet IV de cette convention doit expirer en
février 2000 et que sa renégociation, qui est déjà engagée, sera difficile.
Cette échéance prochaine constitue une occasion de réfléchir ensemble à ce que
doivent être, demain, les relations entre l'Europe et les pays ACP. Le contexte
de 1975, qui avait présidé à l'élaboration de la première convention de Lomé, a
subi des bouleversements dans le monde entier, et d'une ampleur telle qu'un
renouvellement du cadre s'impose pour poursuivre le partenariat.
Je citerai notamment la situation géostratégique, qui s'est trouvée
profondément modifiée par l'effondrement du bloc soviétique, la globalisation
de l'économie et la révolution technologique et informatique, qui ont accru les
écarts de développement et qui risquent d'exlure de l'évolution mondiale les
pays les plus pauvres, l'accroissement de la population et le renforcement de
situations d'extrême pauvreté, à l'origine de conséquences tragiques en termes
de détresse humaine, d'instabilité politique, de conflits potentiels et de
trafics en tout genre.
Pour tous ces motifs, nous sommes conscients de l'importance qu'il y a à
poursuivre l'aide publique au développement et à ne pas céder à la tentation de
remettre en cause sa légitimité au vu des résultats des actions passées.
Le Conseil développement, qui s'est précisément tenu la semaine dernière -
vous nous en direz peut-être un mot tout à l'heure, monsieur le ministre - a
été l'occasion d'entamer un exercice d'évaluation sur l'efficacité de
l'ensemble des programmes.
Si le bilan reste mitigé dans certaines zones, notamment en Méditerranée, ce
qui préoccupe réellement le Sénat, il n'est pas négligeable pour ce qui
concerne les régions ACP.
Ce souci de renforcer notre solidarité vis-à-vis des plus pauvres recueille
d'ailleurs un large soutien des citoyens européen.
La même volonté a été affichée par les Etats membres lorsque le Conseil a
donné mandat à la Commission, à la fin du mois de juin 1998, de procéder à
l'ouverture des négociations avec les pays ACP.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, l'état d'avancement de
cette négociation depuis son ouverture à Bruxelles, en septembre 1998, et la
tenue du sommet de Dakar de février dernier ?
Nous avions pris connaissance des propositions initiales de la Commission,
notamment à travers le
Livre vert sur l'avenir des relations UE-ACP,
qu'elle a récemment publié. Elles s'articulent autour de trois axes : le
dialogue politique, la coopération économique et commerciale, et l'appui au
développement. Cette démarche globale, qui n'est pas sans rappeler, d'ailleurs,
celle qui a été conduite dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen,
affiche, me semble-t-il, une cohérence convaincante.
Je suis, pour ma part, favorable à l'établissement d'un cadre commun à tous
les pays ACP, permettant le développement de solidarités entre eux, mais je
souhaite également que l'on puisse tenir compte des spécificités de chacun afin
de pouvoir faire, chaque fois que cela est nécessaire, du « sur mesure » pour
accroître l'efficacité du dispositif d'ensemble.
Nous sommes, par ailleurs, soucieux que l'objectif d'organiser le dialogue
politique ne conduise pas à une certaine déresponsabilisation de nos
partenaires. Il me paraît nécessaire de respecter la démarche politique de
chacun, dans le cadre, bien sûr, d'un corpus commun incluant la protection des
droits de l'homme - le droit à un environnement le plus sain possible en fait
partie - l'affirmation de l'Etat de droit et la sainte gestion des affaires
publiques.
Le second volet, relatif aux aspects commerciaux, n'est pas davantage exempt
d'interrogations.
Jusqu'à présent, la coopération commerciale se limitait - ce n'était pas
négligeable, j'en conviens - à l'instauration d'un régime préférentiel. Je
crois savoir que l'objet des négociations actuelles est d'aller au-delà et de
créer un environnement positif pour l'ensemble des domaines liés aux
échanges.
Si je souscris à cette volonté, je m'inquiète d'observer que les flux
d'investissements privés dans la zone ACP sont quasi nuls. Or, il s'agit là
d'une indication fiable du potentiel de développement.
Comment peut-on, monsieur le ministre, donner à ces parties déshéritées du
monde la crédibilité nécessaire pour qu'elles deviennent attractives pour
l'investissement privé ? Soyez assuré que nous mesurons la difficulté de cette
entreprise. Nous la rencontrons également - c'est une autre préoccupation du
Sénat - dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on sous-estime le temps qui sera
nécessaire au « décollage » de ces économies souvent sinistrées.
Nous avons lu que la Commission envisageait une libéralisation progressive des
échanges à partir de 2005 et l'instauration de zones régionales de
libre-échange à partir de 2015.
Appuyer le développement régional est une chose excellente pour accompagner
l'intégration de ces pays dans l'économie mondiale ; rappeler que
l'instauration d'un système dérogatoire en matière d'échanges n'est qu'une
phase intermédiaire et non un but en soi me paraît également la bonne manière
de responsabiliser nos partenaires ; mais je reste assez dubitatif, pour ne pas
dire inquiet, sur la durée des délais affichés, qui ne me semble pas tenir
compte de la situation d'extrême fragilité des économies concernées.
J'ai notamment en tête l'exemple d'un des quatre pays les plus pauvres du
monde, Haïti, que je connais bien pour y soutenir une coopération. Si l'on
ouvre toutes les portes de ce pays misérable, son économie, déjà extrêmement
fragile, ne le supportera pas.
Quel est, sur ce sujet, le sentiment du Gouvernement, s'agissant notamment du
calendrier proposé ?
Enfin, je ne voudrais pas achever ce rapide panorama sans aborder certains
aspects financiers.
Trois points me semblent devoir être clarifiés.
Premièrement, comment envisage-t-on de traiter le problème récurrent de la
dette des pays pauvres, que M. Lagauche a bien fait d'évoquer ?
Deuxièmement, que doit-il advenir des systèmes Stabex, système de
stabilisation des recettes d'exportation, et Sysmin, qui, jusqu'à présent,
préservent les pays ACP contre une chute des recettes d'exportation des
produits de base, et auxquels ils sont, vous le savez, très attachés ?
La Commission propose de substituer à ces mécanismes un nouveau dispositif.
Qu'en est-il exactement, monsieur le ministre, et quelle est la position du
Gouvernement français à cet égard ?
Troisièmement, quelle doit être la nature des aides communautaires ? Faut-il
financer des projets ou apporter des contributions aux budgets nationaux ? Quel
contrôle peut-on exercer sur le bon usage des fonds versés ? Comment
responsabiliser les bénéficiaires des dotations européennes tout en
garantissant à l'argent public européen la meilleure efficacité ?
Si je puis exprimer un sentiment personnel, je crois que, parmi les nombreux
objectifs de la coopération en matière de développement, la priorité doit être
accordée à la lutte contre la pauvreté, à celle qui fait écrire aux sociologues
que la véritable détresse, aujourd'hui, est celle de la femme d'Afrique
subsaharienne. L'ampleur des problèmes justifie qu'on appréhende cette pauvreté
sous tous ses aspects - économiques et sociaux - sous l'angle de la santé, de
l'environnement, de l'éducation et de la formation.
Quels sont les moyens envisagés, monsieur le ministre, pour éviter - chez nous
en France mais aussi à travers le budget européen - une dispersion trop grande
de l'aide européenne qui conduirait à une sorte de saupoudrage sans efficacité
des deniers publics distribués ? Ne faudrait-il pas envisager une meilleure
articulation des rôles entre l'action communautaire et l'intervention
bilatérale pour valoriser les crédits disponibles ?
Je voudrais, monsieur le ministre, avant de conclure, aborder deux sujets qui
m'ont toujours préoccupé.
Le premier est une idée que j'ai déjà évoquée en commission des affaires
étrangères, devant le ministre de la défense et devant le ministre des affaires
étrangères, et dont je voudrais vous faire part.
Je crois que, sous l'impulsion de la France, l'Union européenne devrait se
doter d'une force permanente d'intervention humanitaire, et non pas improvisée,
comme on a encore pu le voir au début de la guerre du Kosovo pour accueillir
les réfugiés au Monténégro, en Macédoine ou en Albanie.
J'ai déjà constaté cette forme d'intervention un peu dispersée, désordonnée,
chacun de son côté, au lieu d'agir ensemble, par exemple lors de catastrophes
naturelles ou d'inondations en Amérique centrale, ou pour lutter contre les
famines en Afrique.
En concertation avec les organisations non gouvernementales, dont c'est la
mission, mais avec l'appui de crédits publics, et peut-être de forces
militaires spécialisées et affectées à cet objectif, je pense que l'Union
européenne devrait se doter d'une force permanente d'intervention humanitaire
mixte - civile et militaire - pour répondre plus rapidement et plus
efficacement, et surtout ensemble, à toute demande.
Ce n'est ni l'argent ni la bonne volonté qui manquent, nous le savons bien,
dans chacun de nos Etats ; nous fait défaut une réponse politiquement lisible,
qui serait celle de l'Union européenne, en cas de catastrophe humanitaire ou
naturelle.
Sur ce premier sujet, monsieur le ministre, je resterai mobilisé.
Le second sujet - je voudrais vous faire une suggestion, comme je l'ai faite,
par un courrier récent, au ministre des affaires étrangères et au ministre
chargé des affaires européennes - concerne l'Europe au sens large, au-delà de
l'Union, la Grande Europe.
Je pense que le Gouvernement français - je sais que vous y êtes
particulièrement attentif - devrait davantage mobiliser, mettre en perspective
les différentes initiatives de coopération décentralisée et mieux en tenir
compte.
J'ai récemment suggéré, s'agissant de l'Europe, que nos ambassadeurs dans ces
pays soient invités par le Gouvernement à réunir tous les ans, ou tous les deux
ans, les responsables de collectivités locales françaises - régions,
départements ou communes - qui mènent des actions de coopération décentralisée
dans les pays où ils représentent la France.
Pour avoir visité nombre de ces pays européens, je me suis aperçu que des
collectivités, - des régions, des départements et des communes - conduisent des
coopérations décentralisées depuis plusieurs années, investissent des sommes
importantes, beaucoup d'énergie et entreprennent de nombreuses expertises, mais
que chacun agit dans son coin, et que l'ambassade sur place connaît à peine la
liste précise des collectivités coopérant sur le territoire du pays où elle est
chargée de représenter les intérêts français.
Au fond, il y aurait un grand intérêt pour vous, monsieur le ministre, sans
pour autant intégrer tout le monde dans le même moule, à regrouper tous ces
efforts, à les mettre en perspective, à donner un effet de levier collectif à
ces initiatives.
Ma suggestion serait que, s'agissant des pays en développement, vous preniez,
vous aussi, l'initiative d'inviter nos ambassadeurs à réunir une fois par an ou
une fois tout les deux ans les présidents des collectivités qui agissent sur le
terrain.
Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes des préoccupations qui sont les
nôtres et les miennes pour une négociation, celle de Lomé, à laquelle nous
attachons la plus grande importance et dont nous souhaitons qu'elle puisse
aboutir, sous votre impulsion, dans les meilleurs délais.
Pour finir, je saluerai le travail effectué par notre collègue député, Yves
Tavernier, qui vient de rendre public le rapport consacré à la coopération
française au développement, établi à la demande du Premier ministre. Je
souscris à l'une de ses propositions tendant à demander l'organisation d'un
débat annuel au Parlement sur ces questions qui nous tiennent à coeur, comme en
témoigne l'inscription de cette question orale européenne à l'ordre du jour des
débats du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qui aider,
de quelle manière et à quelles conditions ? Cette problématique est
particulièrement complexe car les acteurs sont multiples et les intérêts
parfois divergents.
Abordons tout d'abord la question de la destination géographique de l'aide :
qui l'Europe doit-elle aider en priorité ?
Au cours de ces dernières années, la part des financements accordés aux pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique a diminué régulièrement au sein de
l'enveloppe globale des concours extérieurs européens. Le Sud est aujourd'hui
concurrencé par l'Est, l'Afrique par l'Asie, le Pacifique par la
Méditerranée.
Alors, qui aider aujourd'hui en priorité ?
Les Européens apportent des réponses divergentes à cette question. Pour
l'Allemagne, par exemple, la priorité politique et financière doit désormais
porter sur l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale. La France,
pour sa part, souhaite préserver ses relations privilégiées avec les pays
d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, tout en en développant de nouvelles
autour de la Méditérranée.
Le groupe des Républicains et Indépendants accorde la plus grande attention à
cette question. Il considère en effet comme essentiel que l'Europe ne délaisse
pas certaines régions du monde avec lesquelles nous avons, nous Français, des
liens historiques et culturels. Je pense en particulier à l'Afrique
francophone.
La France devra faire preuve de conviction sur ce point, mais aussi de
fermeté. Soyez assuré, monsieur le ministre, que nous observerons la manière
dont vous défendrez cette ambition française sur le plan européen.
Enfin, je ne peux parler de la répartition géographique de l'aide au
développement sans aborder la question du Kosovo qu'évoquait le président de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Michel Barnier.
Le futur plan Marshall pour les Balkans aura nécessairement un impact
budgétaire indirect sur les autres programmes de développement de l'Union
européenne. Reste à savoir lequel en souffrira le plus. Nous devrons également
être vigilants sur ce point.
Je souhaiterais maintenant évoquer les modalités de l'aide au
développement.
L'efficacité des dispositifs est aujourd'hui contestée. Il semble que la
question de la mesure de cette efficacité ait été abordée vendredi dernier,
lors du Conseil des ministres européens chargés du développement.
Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur
ce point important pour les contribuables français.
Je veux, pour ma part, insister sur la cohérence des différentes formes
d'aide. La France, comme ses partenaires européens, superpose trois niveaux de
coopération : bilatéral, européen et multilatéral. Officiellement
complémentaires, ces trois niveaux ont, en réalité, trop souvent tendance à se
chevaucher.
Cette mauvaise articulation est particulièrement sensible entre les aides
communautaires et bilatérales, comme l'ont souligné nombre de rapports
parlementaires. Il est donc important de trouver des solutions qui permettent
d'améliorer la cohérence des dispositifs.
A ce sujet, je m'interroge sur la manière dont le principe de subsidiarité
pourrait être appliqué à l'aide au développement. Le Gouvernement pourrait
peut-être nous donner des informations sur ce point, qui semble, lui aussi,
avoir été abordé vendredi dernier.
Par ailleurs, je tiens à souligner que l'Etat n'est pas le seul partenaire de
l'aide publique au développement. L'apport de l'aide décentralisée est
important quantitativement et, surtout, qualitativement.
Les collectivités locales disposent de compétences très concrètes et peuvent
jouer un rôle essentiel dans de nombreux domaines, en particulier dans celui de
la décentralisation dans les pays en voie de développement.
Que se passera-t-il demain ? La nouvelle convention de Lomé devra-t-elle être
compatible avec l'OMC ? Le système des préférences commerciales sera-t-il
intégré dans le
round
du millénaire ? L'aide au développement
sera-t-elle négociable ? Telles sont des questions auxquelles la France et
l'Europe devront répondre.
Je conclurai en abordant le problème de la transparence de l'aide au
développement.
L'Union européenne manque de moyens et elle a eu souvent recours à des
intermédiaires, qu'il s'agisse d'Etats, d'organisations non gouvernementales ou
même de cabinets privés. Des dysfonctionnements graves ont déjà été constatés
au sein de l'Office humanitaire de la Communauté européenne. Un « scandale » de
ce type en matière d'aide au développement serait naturellement - vous
l'imaginez bien - catastrophique.
Je demande donc au Gouvernement de veiller à ce que l'Union européenne assure
un contrôle très strict des programmes qu'elle met en oeuvre.
Cette transparence s'impose aussi sur le terrain. Il s'agit là d'un problème
délicat qui fait partie de la problématique de la coopération, car il suppose
certains progrès démocratiques et la mise en place d'une forme d'« Etat de
droit » qui n'existe pas dans de nombreux pays.
La mise sous condition de l'aide au développement semble avoir été mal perçue
par certains des pays qui participent aux négociations de la nouvelle
convention de Lomé.
Je souhaite que vous nous précisiez, monsieur le ministre, où en sont les
travaux sur la notion de « bonne gestion des affaires publiques »,
c'est-à-dire, notamment, la gestion transparente de l'aide au développement.
Nous vivons aujourd'hui une période de transition particulièrement
mouvementée. L'effort d'aide des pays de l'OCDE est tombé à 0,22 % de leur PNB
en 1997. Une partie de l'opinion publique remet en question l'utilité réelle
d'une aide dont l'image est détériorée par certaines affaires et la persistance
de conflits violents.
Cela doit inciter la France et l'Europe à répondre clairement aux questions
qui se posent : qui aider, de quelle manière et à quelles conditions ? Tel est
l'enjeu aujourd'hui pour l'aide au développement.
Monsieur le ministre, je vous remercie des réponses et de l'éclairage que vous
nous apporterez sur ce dossier si important.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aide au
développement est aussi vieille finalement que la formation de l'Europe
puisque, dès sa fondation, en 1957, par la signature du Traité de Rome, la
Communauté européenne a démontré une volonté constante d'ouverture vers les
autres entités géographiques et économiques de la planète.
C'est ainsi notamment qu'elle a affiché sa détermination à accorder son
soutien aux populations les plus démunies.
En quarante ans et plus, l'échiquier mondial a subi toutefois de profonds
bouleversements. Les relations internationales et diplomatiques ont connu des
mutations capitales, dont l'accession à l'indépendance de pays vivant, à
l'époque, des prémices de la construction européenne, dans l'espace colonial
européen.
En dépit de ces changements, qui ont souvent une incidence, ou même plusieurs,
les uns sur les autres, la Communauté européenne a su s'adapter à ces nouvelles
donnes.
Aujourd'hui, l'Union européenne occupe donc les tout premiers rangs de la
scène internationale à bien des égards.
Malgré les pressions croissantes qui s'exercent sur les budgets publics
aujourd'hui, l'Union et ses Etats membres occupent une place centrale sur le
plan des efforts accomplis à l'échelle mondiale pour promouvoir l'aide et le
développement dans le Sud, bien sûr, le tiers-monde et dans les pays d'Europe
centrale et orientale.
Pour compléter les chiffres cités par M. Barnier, je dirai que les Quinze
financent aujourd'hui 50 % de l'aide publique totale consacrée au
développement, contre environ 20 % pour les Etats-Unis et 18 % pour le
Japon.
L'Union européenne constitue également un marché vital pour les pays en
développement puisqu'elle absorbe plus de 20 % des exportations du Sud et du
tiers monde par exemple.
Au fil des ans, l'Union européenne est devenue, sous l'influence notable de la
France, une référence en matière de coopération au développement et de défense
des droits de l'homme.
En effet, à côté de son rôle politique, l'Union européenne, et je crois qu'il
est indispensable de le rappeler, est et reste le principal donneur en Afrique,
dans les pays du bassin méditerranéen, en Asie et dans les pays d'Europe
centrale et orientale. Elle participe également de façon active à la politique
d'aide au développement dans les autres parties du monde, en Amérique, dans les
Caraïbes et dans le Pacifique. Les Français de l'étranger, que j'ai l'honneur
de représenter au Sénat, en sont d'ailleurs tous les jours les témoins sur le
terrain.
Pour l'Union européenne, aide au développement rime avec droits de l'homme et
démocratie, et c'est une bonne chose.
En effet, l'Union et les Etats membres ont défini des principes qui ont été
cautionnés par le traité de Maastricht. Parmi les objectifs assignés à la
politique étrangère et de sécurité commune figure « le développement et le
renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que le respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
S'agissant plus particulièrement de la coopération au développement, il est
stipulé que « la politique de la Communauté dans ce domaine contribue à
l'objectif général de développement et de consolidation de la démocratie et de
l'Etat de droit, ainsi qu'à l'objectif du respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ».
L'Union accorde une grande priorité aux mesures incitatives d'encouragement
aux processus de transition démocratique, à la consolidation de la démocratie
et au respect des droits fondamentaux de l'homme dans les pays en
développement. L'Union s'engage ainsi à faire du lien entre les droits de
l'homme, la démocratie et le développement un axe majeur de sa politique en
matière de coopération avec les Etats tiers.
Dès lors, quelle place tient notre pays dans la politique d'aide au
développement ?
Tout d'abord, signalons que la France est le deuxième donateur mondial pour la
coopération en faveur du développement. En 1997, notre pays a dégagé plus de 37
milliards de francs d'aides, soit 0,45 % de son produit national brut.
Sa contribution à la coopération internationale est la plus importante des
pays occidentaux. Précédée par le Japon, elle devance tous les pays de l'Union
européenne et même les Etats-Unis qui, contrairement aux idées reçues, ne
sacrifient que 0,08 % de leur PNB à une cause qui mériterait beaucoup plus.
En outre, rappelons que la France est le quatrième actionnaire de la Banque
mondiale et du Fonds monétaire international et le premier contributeur du
Fonds européen de développement, contribuant au quart de son budget.
Rappelons aussi que la France a toujours eu traditionnellement une politique
de coopération généreuse, car notre histoire et notre passé de puissance
coloniale nous ont donné des responsabilités et permis de tisser des relations
privilégiées avec toutes les anciennes colonies.
Monsieur le ministre, pour prendre un exemple concret d'aide au développement
et de coopération de l'Union européenne, vous me permettrez de parler
aujourd'hui de son rôle dans le processus de paix et de son assistance au
Proche-Orient, car l'aide au développement est là fortement liée au rôle
politique.
Actuellement, l'Europe ne joue pas dans le processus de paix un rôle à la
mesure de son intervention économique, qui fait d'elle le premier bailleur de
fonds de la région, ou même de son intervention politique, car, contrairement
aux idées reçues, si l'Europe tient tout de même un rôle politique dans ce
conflit, elle a beaucoup de difficultés à l'affirmer.
Depuis la déclaration de Venise de 1980, l'Union européenne plaide en faveur
de l'organisation d'une conférence internationale pour la paix au
Proche-Orient, fondée sur les principes de la conférence de Madrid.
Cette conférence constituait la première ébauche de solution juste et durable
du conflit israélo-arabe. Elle a permis notamment d'établir quatre axes de
négociations bilatérales entre Israël et l'OLP, la Jordanie, la Syrie et le
Liban, ainsi que d'organiser cinq groupes de travail sur le contrôle des
armements, les réfugiés, l'eau, l'environnement et le développement économique
régional.
La conférence de Madrid n'a certes pas donné de résultats concrets immédiats,
comme chacun le sait, mais elle a permis une série de réunions bilatérales et
multilatérales.
La désignation d'un ambassadeur au poste d'envoyé spécial pour le processus de
paix était une chose importante, tout comme le programme de formation des
agents de sécurité de l'Autorité palestinienne à la lutte contre le terrorisme.
Ce sont là deux actions menées dans le cadre de la politique étrangère et de
sécurité commune.
La contribution totale de l'Union européenne au processus de paix s'élèverait
à 11 milliards de francs pour la période 1993-1998.
Pour l'Union européenne, donc, la logique du processus de paix est nourrie par
l'idée que le commerce et la coopération sous-tendent la paix parce que le
développement économique palestinien est la meilleure garantie de sécurité à
long terme pour Israël.
Cette hypothèse est la justification de l'aide financière massive apportée par
l'Union européenne à la consolidation du processus de paix.
Aujourd'hui, certes, les feux de l'actualité sont tournés vers le Kosovo, mais
le Proche-Orient reste un sujet très sensible. Le sort du processus de paix
dépend beaucoup du développement économique des territoires palestiniens.
Le 4 mai dernier, l'Autorité palestinienne annonçait le report de la
proclamation d'un Etat palestinien et, le 17 mai, Ehud Barak remportait les
élections et devenait le nouveau Premier ministre israélien.
Quels signes, pour quel changement ou pour quel espoir ? Quel rôle l'Europe
peut-elle jouer ?
Ehud Barak sait qu'il devra mettre en oeuvre le mémorandum de Wye Plantation,
suspendu par Benyamin Netanyahu le 23 octobre dernier. Mais quel sera le statut
définitif des territoires palestiniens ? Y aura-t-il ou non un vrai Etat
palestinien ? Sera-t-il maître de ses frontières ? Jouira-t-il d'une continuité
territoriale ?
Dans ce contexte, rempli d'incertitudes et de problèmes non réglés, l'Union
européenne se doit de continuer à jouer son rôle de principal bailleur de fonds
des territoires palestiniens.
Dans les mois à venir, il est indispensable qu'elle occupe, outre ce rôle de
principal donateur, celui de partenaire politique, car l'aide au développement
est, là, lié, à la politique.
Le 20 mai 1998, le président Chirac et le président Moubarak avaient lancé un
appel pour la paix dans lequel ils proposaient une conférence des pays résolus
à sauver la paix. Si Ehud Barak ne procède pas à l'application de l'accord de
Wye River, il est important que cette initiative retrouve toute sa place.
Notre pays doit travailler à favoriser la paix au Proche-Orient par
l'intermédiaire de l'Union européenne. En effet, les Palestiniens considèrent
la France comme leur principal allié européen.
Il faut donc que l'Union européenne parvienne à imposer la présence qui lui
incombe face aux Etats-Unis, qui cherchent toujours à marquer la progression de
leur influence dans cette région du monde.
Pour terminer, monsieur le ministre, vous me permettrez de vous poser quelques
questions relatives à l'avenir de l'aide au développement de l'Union
européenne.
Selon vous, comment renforcer les moyens permettant d'accroître l'efficacité
de la coopération ? Cela passe-t-il par une meilleure coordination de l'aide
?
Qu'en est-il des problèmes - les orateurs précédents ont insisté sur ce point
- rencontrés lors du dernier conseil développement dans les négociations avec
les pays ACP au sujet de la future convention de Lomé ?
Comment parvenir aussi à la formulation plus précise des orientations
stratégiques ?
Enfin, monsieur le ministre, à l'aube du xxie siècle, est-il nécessaire de
redéfinir le rôle de la coopération pour le développement ? Des réformes
doivent-elles être envisagées sur le plan national comme sur le plan européen
?
A ce sujet, on attend toujours, monsieur le ministre, une déclaration
politique générale sur l'aide au développement de l'Union européenne.
Telles sont, monsieur le ministre, nos interrogations sur la politique de
l'Union européenne en matière d'aide au développement. Je vous remercie des
réponses que vous voudrez bien apporter, car nous pensons que ce dont souffre
le plus l'Union européenne en ce domaine, c'est du manque de clarté et de
transparence.
La gestion paraît confuse et les objectifs restent méconnus du grand public.
Il est vrai que les compétences sont réparties entre plusieurs commissaires et
que cela ne facilite pas les choses. Nous savons que le président de la
Commission, M. Prodi, a bien l'intention d'en tirer les conséquences.
Les citoyens des Quinze soutiendraient certainement volontiers cette politique
européenne d'aide au développement pour peu qu'on la leur explique, qu'on les
informe, qu'ils sachent à quoi elle est bonne et, ne nous le cachons pas, à
quoi servent leurs deniers.
Si nos concitoyens ont le droit d'être informés, notre devoir de
parlementaire, monsieur le ministre, est de vous le rappeler.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Union
européenne, en phase de mutation profonde, tend à définir les nouvelles
priorités de son action politique concrète en matière d'aide au développement,
en particulier dans le cadre de la renégociation de la convention de Lomé,
appelée Lomé V.
Cette convention organise, depuis 1975, la coopération entre l'Union
européenne et ses partenaires privilégiés d'Afrique, des Caraïbes et du
Pacifique, les pays ACP. Ce sont désormais quinze pays européens et soixante et
onze pays du Sud qui sont concernés. Il s'agit donc d'un accord Nord-Sud sans
équivalent au monde.
Les nouveaux accords de la convention de Lomé V commenceront en l'an 2000 et
couvriront la période 2005-2015.
Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une réforme globale de la coopération
française pour rendre plus efficace notre politique de coopération
internationale.
Vous souhaitez, monsieur le ministre, contrairement à ceux qui espéraient sa
mort, maintenir l'« esprit de Lomé » et l'engagement commun pour le
développement et la lutte contre la pauvreté.
Dans l'actuelle négociation de Lomé V, le Gouvernement propose - dans le cadre
de l'Union européenne - la mise en place de zones de libre-échange et
l'introduction du concept de « bonne gouvernance », c'est-à-dire de bonne
gestion des affaires publiques, comme précondition à un accord de
coopération.
L'ensemble repose sur le maintien du principal instrument financier de la
convention de Lomé, le Fonds européen de développement, le FED, ainsi que sur
les prêts de la Banque européenne d'investissement, la BEI, sur des protocoles
spéciaux permettant l'exportation vers l'Europe de contingents déterminés de
bananes, de sucre et de rhum des pays ACP à des prix garantis. Mais le récent
conflit de la banane souligné les difficultés.
Enfin, le Gouvernement soutient l'idée de la prévention des conflits et du
respect des droits de l'homme, qui tient une place importante dans la
convention de Lomé.
Au plan national, en matière de politique de coopération, une zone de
solidarité prioritaire a été déterminée. Il s'agit non pas d'une liste de pays,
mais d'une logique d'intervention concernant les pays les plus pauvres, à
faibles revenus, n'ayant pas accès aux marchés des capitaux. Dans ces pays de
l'Afrique, de la péninsule indochinoise, du Maghreb, du Liban et de la
Palestine, la France peut intervenir grâce à l'Agence française d'aide au
développement, mais sans obligation ni continuité de l'effort.
Après cette rapide présentation, je formulerai maintenant quelques
remarques.
Dans un premier temps, comme d'autres orateurs, nous ne pouvons faire
abstraction de l'importance de l'aide publique au développement telle qu'elle
se mesure dans les pays membres de l'Union européenne.
Premier constat, et non le moindre ; la réduction assez sensible de cette aide
dans le produit intérieur brut des pays de l'Union.
Notre pays n'échappe pas à cette orientation, puisque l'aide publique au
développement ne représentait que 0,45 % du produit intérieur brut en 97.
Pourtant, ce montant est presque honorable au regard de ce que font les autres
pays de l'Union, puisque l'Allemagne verse 0, 28% de son PIB et l'Italie, 0,11
%.
Dans la zone OCDE, on observe d'ailleurs que, si les pays nordiques et les
Pays-Bas demeurent fidèles à leurs principes déjà anciens de générosité, ce
sont les Etats-Unis qui apportent la contribution la plus faible, avec un
pourcentage de 0,08 % de leur produit intérieur brut. Ainsi, en valeur absolue,
l'aide publique américaine s'avère aujourd'hui inférieure à celle qui est
apportée par notre pays.
On ne peut que s'interroger sur les orientations qui ont conduit les
différents pays les plus industrialisés, en particulier ceux du G 7, à reculer
l'application d'un principe établi par l'ONU, qui tendait à fixer à 0,7 % du
PIB des pays riches le montant de l'aide publique nécessaire au développement
des pays du Sud.
La France peut, nous semble-t-il, sensibiliser les pays de cette zone à
accroître leur contribution et convaincre les opinions publiques des intérêts
mutuels de cette coopération.
Ma deuxième remarque porte sur la mise en place de zones de libre-échange.
C'est le choix de la politique européenne avec les critères du marché de l'OMC,
du FMI et de la Banque mondiale, c'est-à-dire une conception reposant sur la
mise en concurrence de partenaires aux développements inégaux. C'est, en fait,
la reconnaissance de la loi du plus fort dans les échanges mondiaux.
Les capitaux privés recherchent en effet les pays où les taux de croissance,
les taux d'investissement et les taux d'épargne sont déjà élevés. Il s'agit
donc de rechercher les placements rentables. Il y a là une logique
contradictoire avec celle qui tend à corriger les inégalités en répondant à la
satisfaction des besoins humains, en particulier ceux des domaines
alimentaires, de la santé et de l'éducation. Loin de réduire la pauvreté, cette
logique du libre-échange l'accroît.
Ma troisième remarque porte sur le concept de « bonne gouvernance ». Cette
nouvelle donnée signifie théoriquement une bonne gestion des affaires publiques
fondée sur un souci de transparence et de lutte contre toutes sortes de
corruptions. Un manquement à ces principes entraînerait la suspension de l'aide
accordée.
Si le but affiché, comme le signale un ancien directeur général du
développement de la Commission européenne, est de « gérer de façon responsable
et transparente les ressources d'un pays en faveur du développement de ce pays
et de la société », la définition est claire. Mais les applications nécessitent
à notre avis une grande prudence.
Evitons de brandir en tout premier lieu l'idée de sanction au détriment du
souci de développement. Méfions-nous de toute présentation flatteuse de façade,
qu'elle soit de nature démocratique ou économique. Enfin, gardons-nous du rôle
de donneur de leçons. Dans nos propres pays, il existe en effet, nous le savons
bien, des dysfonctionnements qui perdurent. Avant d'être exigeants envers les
autres, soyons-le pour nous-mêmes.
Un autre point sur lequel nous pourrions réfléchir est le suivi politique des
sommes investies. J'illustrerai mon propos par l'exemple des fonds versés par
l'Union européenne pour le développement de l'économie palestinienne.
Il s'agit là d'une très bonne décision. Mais, une fois les sommes votées et
versées, il n'y a plus aucune vigilance quant à l'efficacité de leur
utilisation.
Ainsi, l'aéroport de Gaza a été construit en grande partie avec des fonds
européens. Il devait servir à faciliter les contacts entre la Palestine et le
monde. Pourtant, son fonctionnement est pratiquement bloqué du fait de
l'attitude intransigeante du gouvernement de M. Netanyahou. Cette situation
n'est pas tolérable.
On pourrait multiplier les exemples. Ainsi, l'Union européenne a investi dans
des zones industrielles palestiniennes, mais le transport est aux mains des
Israéliens, qui bloquent, là encore, toute circulation des camions et
conteneurs et interdisent de fait les exportations de produits palestiniens.
Quant au port de Gaza, bien que prévu par les accords internationaux, il est
encore au point mort du fait de cette même attitude.
La France doit prendre très au sérieux cet aspect de la question et obtenir
des autres pays européens plus de vigilance sur le devenir des sommes
investies. Il en va de la crédibilité politique et économique de notre pays
comme de celle de l'Union européenne.
Enfin, loin de mettre fin, comme certains le souhaiteraient, aux critères de
la convention de Lomé, il s'agit d'en préserver et d'en enrichir les acquis
positifs. Nous devons respecter l'esprit de partenariat. Cela signifie
l'amélioration de l'action des deux partenaires dans le sens d'une véritable
cogestion s'agissant de la définition des objectifs, des étapes de la
programmation et des évaluations communes des résultats.
Au lieu de reproduire l'approche actuelle des prêts d'ajustement structurels,
les PAS, dont une étude parue dans les
Cahiers de la Banque européenne
d'investissement
démontrent « l'absence quasi-totale de preuves
économétriques permettant d'affirmer que les PAS ont dès à présent entrainé une
amélioration des résultats économiques des pays ACP », une autre démarche est à
promouvoir. Elle pourrait être fondée sur l'établissement de programmes avec le
pays concerné, voire ses populations, qui connaissent le mieux les réalités
socio-économiques du terrain.
Ensuite, on pourrait fixer, par la négociation, des engagements clés,
notamment financiers, et suivre paritairement le respect de leurs
applications.
Enfin, pour sécuriser la relation entre l'Union européenne et les pays
concernés par l'aide au développement, nous devons sortir de l'instabilité
générale due aux conséquences de la volatilité des capitaux privés, de la
libéralisation du commerce, de l'imprévisibilité des cours des matières
premières et des attitudes changeantes de certains pays face à leurs
contributions financières. Pourquoi ne pas budgétiser le Fonds européen de
développement, afin de doter la convention de ressources propres la protégeant
des variations multiples, politiques et budgétaires de tel ou tel Etat de
l'Union ?
L'analyse concrète de la politique de coopération internationale de notre pays
et de celle de l'Union européenne pose une fois de plus le problème de la
qualité des termes de l'échange. Nous estimons nécessaire que notre pays joue
un rôle spécifique dans la définition de la politique d'aide au développement,
rôle que sa place et son histoire lui permettent.
Nous devons peser sur la qualité de la future convention de Lomé V, notamment
lors de la prochaine étape de discussion au mois de juillet, sans oublier la
question assez récurrente de la dette des pays en voie de développement, dont
l'annulation serait susceptible d'aider au redressement économique des pays
débiteurs.
A cet égard, l'exemple déjà cité du Mozambique est très révélateur. Ce pays
affecte au remboursement de sa dette des sommes qui sont quatre fois
supérieures à celles qui sont consacrées à la santé de sa population.
Ce sont là quelques observations et propositions que je comptais présenter au
nom de mon groupe sur la question qui nous intéresse aujourd'hui. Sur ce
terrain aussi, la réorientation progressiste de la construction européenne est
d'une grande actualité.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Je voudrais profiter de l'excellente question de notre collègue pour
interroger M. le ministre sur trois points.
Monsieur le ministre, existe-t-il une coordination active entre la coopération
lancée dans le domaine du développement par l'Union européenne, les
coopérations bilatérales des pays membres et aussi - pourquoi pas ? - les
institutions de Bretton Woods ?
Dans le domaine de l'aide publique au développement, nous savons tous qu'il
nous reste un travail immense à faire et la coordination entre les différentes
coopérations me paraît indispensable si nous voulons parvenir à une meilleure
efficacité.
Où en est la coordination entre les coopérations bilatérales, spécialement au
sein de l'Union européenne ?
Voilà quelques années, nous avions pris l'initiative d'une coopération
franco-allemande qui paraissait assez intéressante. Aujourd'hui, il semblerait
qu'on soit plus attaché à une coopération franco-britannique. Je ne sais pas si
cela est très bon, dans la mesure où nous avons souvent les mêmes intérêts avec
ce pays, ce qui risque de faire un peu désordre sur le terrain ! Il y a aussi
la coopération avec le Portugal - pays très présent en Afrique - avec
l'Espagne, avec la Belgique et d'autres encore.
Avec la question suivante, je rejoins un certain nombre de mes collègues,
spécialement M. Barnier : où en est la préparation de la prochaine convention
de Lomé, qui doit débuter en principe en l'an 2000, c'est-à-dire très bientôt
?
Quelles sont les méthodes mises en place par la Commission pour cette
préparation ?
A quels pays cette cinquième convention va-t-elle s'adresser ?
Allons-nous conserver les soixante-dix pays ACP traditionnels et habituels ou
bien allons-nous élargir le cercle ? Je pense qu'il ne faut peut-être pas aller
trop loin, car les fonds de l'Union européenne ne sont pas inépuisables !
Je sais que les discussions financières ne sont pas entamées, mais la France
a-t-elle une idée de la somme dont devrait disposer le nouveau Fonds européen
de développement pour fonctionner à peu près correctement ? Je rappelle qu'il
disposais de 10,8 milliards d'écus entre 1990 et 1995 et qu'il a 12,9 milliards
d'écus pour la période allant de 1995 à 2000 d'écus. Je pense qu'il faudrait
augmenter le niveau de ce fonds pour la cinquième convention.
N'oublions pas non plus que les dispositions ultralibérales qui régissent
aujourd'hui le commerce international sont très mauvaises pour les pays en voie
de développement. Dans la future convention de Lomé, il faudrait donc que des
mesures financières soient prises pour venir en aide à ces pays dans ce
domaine.
Il faut également veiller, me semble-t-il, à ce que la part réservée au
cofinancement des projets à l'origine desquels se trouvent les ONG ou les
collectivités locales soit en nette augmentation dans le prochain fonds. Il
s'agit là, en effet, d'une bonne coopération, car c'est une coopération de
terrain, de proximité, qui sert directement les populations.
Enfin, monsieur le ministre, qu'en est-il des accords par produits ?
Voilà douze ou quinze ans, un certain nombre de produits - le café, le cacao
et d'autres - ont fait l'objet d'accords par produit. Pendant des décennies, le
prix des principales productions des pays en voie de développement est demeuré
relativement élevé, car tous ces pays producteurs étaient liés d'une façon
contractuelle et s'entendaient pour limiter la production.
La situation était satisfaisante jusqu'au moment où certains pays qui ne
produisaient ni café ni cacao se sont mis à en produire en grande quantité.
C'est notamment le cas d'un pays du sud-est asiatique qui, en trois ou quatre
ans, a produit de 300 000 à 400 000 tonnes de cacao, avec l'aide de la Banque
mondiale. Cela a provoqué une chute des prix sur le marché, lesquels, jusqu'à
maintenant, ne sont pas encore revenus à un niveau acceptable.
Monsieur le ministre, vous paraît-il possible, peut-être au niveau de l'Union
européenne, de prévoir de nouveau des accords par produit qui réuniraient
l'ensemble des pays producteurs d'une matière agricole ?
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le ministre, l'excellente question de M. Lagauche me donne l'occasion
de présenter trois observations sur des sujets qui préoccupent la commission
des finances du Sénat chaque fois que nous examinons votre budget.
Tout d'abord, c'est la France, on le sait, qui est à l'origine de
l'intervention européenne en matière de développement - ce sont notamment les
conventions de Lomé. C'est elle qui, spécialement depuis 1995, dans des
circonstances dont nous avons gardé le souvenir, contribue le plus à la caisse
commune en la matière, puisque nous payons le quart, et même plus, des
contributions, ce qui va bien au-delà de notre part normale à l'intérieur des
ressurces européennes.
Or, monsieur le ministre, je vous l'ai souvent dit et écrit, sur le terrain,
la participation française à l'aide européenne est totalement passée sous
silence par les intervenants européens. Les pays bénéficiaires ignorent
totalement qui paie et qui fait quoi, et notre participation n'est pratiquement
jamais relevée ou soulignée publiquement par nos représentants sur place. Cela
n'est pas normal.
Lorsque, dans un pays, on vous explique avec un grand sourire que, grâce à la
coopération japonaise, on a pu construire un pont coûtant 20 millions de
francs, alors qu'on passe complètement sous silence le fait que, pour un projet
voisin en construction financé par l'Union européenne, la France a investi 50
millions ou 60 millions de francs, cela ne fait pas vraiment plaisir, monsieur
le ministre !
J'en viens à ma deuxième observation. Par manque de coordination ou refus de
concertation de la part de l'Europe, certaines actions européennes, notamment
dans notre champ traditionnel, vont parfois directement à l'encontre de nos
objectifs bilatéraux, quand elles ne les rendent pas impossibles en les faisant
échouer ! Pourquoi ne pas imposer enfin une concertation entre les responsables
européens et les pays qui pratiquent l'aide bilatérale, notamment la France, de
façon que, avec notre argent, on ne cherche pas à faire échouer notre propre
action bilatérale, ce qui est quand même un peu fort ?
Troisième observation, monsieur le ministre : je sais parfaitement - et nous
le savons tous - qui arrête, au niveau européen, le montant global des fonds
européens destinés à l'aide au développement - il s'agit du Conseil des
ministres, voire du Conseil européen en 1995 - et pour cause, puisqu'on est
bien obligé de solliciter une décision auprès de ceux qui paient, donc qui
portent la responsabilité de l'impôt dans les Etats membres ! En revanche, je
n'ai jamais pu savoir qui décidait la répartition des crédits entre les Etats
et, au sein des Etats, entre les projets.
En France, nous avons un système que le ministre connaît bien, puisque c'est
lui qui préside le comité directeur du fonds d'aide et de coopération, le FAC.
Jacques Pelletier, qui a été ministre de la coopération, s'en souvient aussi et
d'autres collègues sans doute également. Nous n'engageons pas un franc en
matière de coopération sur les crédits du FAC sans que les choses passent par
l'intermédiaire du comité directeur du FAC. En tout cas, comité directeur ou
pas, c'est le ministre qui décide.
Quel est, en Europe, le ministre qui décide des interventions européennes en
la matière ? Personne ! C'est la DG VIII. Le Conseil des ministres de la
coopération, ou assimilé, ne se prononce pratiquement jamais sur la répartition
des crédits entre l'Etat et, à l'intérieur des Etats, entre les projets.
Quand il m'arrive d'effectuer des contrôles sur place et sur pièce pour notre
assemblée, au nom de la commission des finances, on me dit que l'Europe
pourrait donner tant, mais que l'on ne sait pas qui va décider. Le Hollandais
qui est ici au fond de l'Afrique ? Le bureaucrate Belge qui est au fond d'un
couloir de la DG VIII ? Tout cela, à leur guise ?
Enfin, qui contrôle et surveille l'exécution des programmes, la rapidité des
engagements, l'efficacité des interventions ? Personne, sauf les fonctionnaires
qui font eux-mêmes marcher la machine. C'est ce qui explique que, alors que
nous avons nous-mêmes des programmes bilatéraux qui ne sont pas toujours d'une
rapidité extraordinaire, en Europe, c'est pire. Le moindre financement européen
met deux, trois ou quatre fois plus de temps qu'un financement bilatéral. En
fait, l'Europe engage très lentement et ne décaisse pratiquement jamais, tant
et si bien que, en matière de fonds européens, c'est le contribuable français
en partie, en tout cas le contribuable européen, et les pays pauvres qui
assurent la trésorerie du budget communautaire puisque les fonds sont appelés
lorsque le budget est voté, même si les crédits ne sont pas dépensés. C'est une
pratique de trésorerie que nos collègues gestionnaires de collectivités locales
connaissent bien.
Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre opinion sur toutes ces
questions, peut-être pas tout de suite puisque certains points peuvent
nécessiter des réponses techniques élaborées, d'autant que, en raison d'une
obligation à la commission des finances fixée à midi, je ne vais pouvoir rester
pour vous écouter. Je lirai votre réponse au
Journal officiel
si vous la
faites aujourd'hui. Sinon, je comprendrai que vous préfériez la faire par écrit
et ne m'en froisserai pas. C'est d'ailleurs plutôt vous qui pourriez être
froissé du fait que je ne puisse écouter votre réponse. Croyez que cette
entorse à la courtoisie me chagrine beaucoup.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames et messieurs les sénateurs, laissez-moi vous dire, tout
d'abord, combien je suis heureux de parler avec vous de l'aide au développement
dans sa dimension européenne. Comme l'a fait M. Michel Barnier, je tiens à
remercier M. Serge Lagauche de l'intérêt de sa question et du débat qu'elle
permet de susciter.
Vous l'avez tous rappelé : l'Europe est désormais le premier contributeur
mondial en matière d'aide publique au développement. Or, voilà que cette aide
publique au développement est elle-même interpellée, sa légitimité et son
identité mêmes étant remises en cause. Son efficacité est constestée dès lors
que la marginalisation de nombreux pays s'accentue en dépit de l'aide qui leur
est apportée.
L'aide publique a introduit, par ailleurs, une interdépendance qui parfois
aggrave encore les difficultés des pays en développement, dans la mesure où les
pays développés soulèvent, avec raison d'ailleurs, la question du respect des
normes sociales et environnementales.
Ce débat, vous l'avez souligné, intervient à un moment particulier : nous
sommes au coeur de la renégociation des accords de Lomé, lien privilégié et
tout à fait exemplaire de la relation entre l'Union européenne et les pays
ACP.
Monsieur Barnier, vous avez eu raison de rappeler que, entre le contexte dans
lequel se sont conclus les premiers accords de Lomé et le contexte actuel, les
situations ont considérablement changé sur le plan géopolitique : la
globalisation de l'économie a beaucoup progressé, l'irruption des nouvelles
technologies de communication est intervenue. J'ajouterai que l'Union
européenne dans sa dimension politique n'existait pas alors, pas plus que
l'organisation mondiale du commerce, au moins dans sa forme actuelle, ce qui
renvoie à un dialogue nécessairement difficile et indispensable avec cette
dernière.
Enfin, j'observe que, dans quinze jours, il y aura des élections européennes.
Il n'était pas inintéressant non plus de parler de l'Europe à cette
occasion.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est vrai !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je voudrais, avant de répondre aux questions qui m'ont
été posées, en particulier aux questions portant sur l'état d'avancement de la
renégociation des accords de Lomé, rappeler les principes qui nous guident et
les positions que nous défendons dans les enceintes européennes, mais insister
aussi sur la nécessité d'une meilleure efficacité et donc d'une meilleure
coordination de l'aide européenne, y compris et M. Charasse avait raison d'y
insister, la coordination entre l'aide multilatérale européenne et l'aide
bilatérale de la France. Des progrès en ce domaine restent à faire pour donner
plus de cohérence à l'ensemble.
Les principes qui guident notre action en matière de développement sont en
réalité au coeur des accords de Lomé. Ils ont été rappelés par M. Lagauche :
concentrer nos actions vers les populations les plus défavorisées ; répondre
aux aspirations démocratiques et s'attacher au respect des droits de l'homme ;
enfin aider à l'insertion des pays en développement dans l'économie
mondiale.
Sur le premier point - la concentration de l'aide - qui renvoie à la question
de savoir vers quels pays diriger notre aide, je rappelle qu'un débat a déjà eu
lieu lorsqu'il a été question de renégocier les accords de Lomé sur le
périmètre des pays ACP.
Certains auraient aimé que la relation privilégiée de l'Europe ne vale qu'avec
les seuls pays les moins avancés, les PMA. La France, vous le savez, a préféré
préserver, d'abord parce qu'il y a quelques raisons historiques à cela, une
cohérence géographique, et, pour éviter les « peaux de léopard », qui rendent
très difficiles les intégrations régionales, elle a souhaité que des ensembles
géographiques cohérents soient pris en considération.
Faut-il rappeler enfin que la définition de la zone de solidarité prioritaire
de la France, arrêtée par le CICID - comité interministériel de la coopération
internationale et du développement - au début de cette année, a permis de mieux
préciser les pays avec lesquels la France entend avoir une coopération en
matière de développement ?
S'agissant de l'ambition démocratique, vous vous interrogez sur le problème de
la conditionnalité de l'aide. Mme Bidard-Reydet ou M. Barnier ont souligné à
cet égard le besoin de prendre en compte les situations des uns et des autres
tout en ne cédant pas sur un bloc commun de valeurs.
Sur ce point important, je souhaite formuler quelques commentaires.
Le traité instituant la Communauté européenne accorde, en matière de
coopération et de développement, une place fondamentale à la promotion des
droits de l'homme, de l'état de droit et de la démocratie. Il était naturel que
la convention de Lomé identifie ces éléments comme essentiels. En cas de
violation de ces éléments dits essentiels, vous connaissez la sanction : la
suspension partielle ou la non-exécution des accords de coopération, en
application de l'article 366
bis
.
Cette question est de nouveau au coeur de la renégociation des accords : les
pays ACP souhaiteraient d'ailleurs se voir reconnaître un droit de regard sur
les décisions de l'Union européenne et appréhendent la notion de « bonne
gouvernance », comme le soulignait Mme Bidard-Reydet. La France et l'Union
européenne n'entendent pas transiger : on ne peut se priver d'une capacité de
réaction lorsque les valeurs qui guident la construction européenne sont
bafouées. Mais la France n'envisage pas la discussion politique avec les ACP
sous un angle exclusivement coercitif.
C'est dans le cadre d'un dialogue politique soutenu et continu qu'il faut
engager une démarche destinée à faire progresser les droits de l'homme et
l'état de droit en évitant évidemment les situations de blocage.
Je ferai observer que, en cas de suspension des coopérations d'Etat à Etat,
nous préservons les coopérations qui servent directement les populations
civiles, afin d'éviter qu'elles ne soient victimes de ces ruptures dans le
respect de la règle démocratique.
Evoquant les droits de l'homme, je voudrais souligner l'importance que nous
entendons accorder aussi aux droits sociaux, et pas seulement aux libertés
publiques. A l'appui de mon propos, je prendrai l'exemple d'un pays sinon
candidat, en tout cas observateur aujourd'hui s'agissant de la renégociation
des accords de Lomé, je veux parler de Cuba. Nous savons que, sur le plan des
libertés publiques, des progrès restent à faire ; en revanche, nous lui faisons
volontiers crédit des droits sociaux qui sont souvent mieux respectés que dans
beaucoup d'autres pays, en développement ou non.
S'agissant de l'insertion dans l'économie mondiale, vous avez presque tous
souligné la nécessité de lier commerce et aide au développement. C'est bien là
l'originalité de la démarche européenne, contrairement à la démarche américaine
du
trade but not aid
.
Vous avez souhaité voir précisé le rôle que jouent la France et l'Union
européenne au sein de l'OMC pour les pays en voie de développement. Vous savez
que l'OMC prépare la prochaine conférence ministérielle de Seattle qui se
tiendra en novembre et en décembre de cette année et qui décidera de
l'opportunité de lancer ou non un nouveau cycle de négociations commerciales
multilatérales. A la demande de l'Union européenne, et de la France en
particulier, les programmes des pays en voie de développement et des pays les
moins avancés y seront tout spécialement pris en compte.
L'Union européenne considère qu'il faut privilégier l'accès aux marchés des
pays développés, sans nier les difficultés que cette ambition peut représenter,
notamment en ce qui concerne l'accès de certaines productions agricoles. Je ne
doute pas, d'ailleurs, que, à l'occasion du sommet de Rio qui va se tenir dans
quelques jours et qui sera l'occasion d'un dialogue entre l'Europe et les pays
d'Amérique latine, cette question de l'ouverture du marché européen aux
productions agricoles occupera, sinon en séance, du moins dans les couloirs,
une place importante.
L'Union souhaite aussi que l'assistance technique aux pays en voie de
développement, dans le domaine commercial, soit renforcée, notamment pour aider
ceux-ci à gérer les contentieux commerciaux éventuels. Pour l'instant, ils sont
totalement démunis et en situation de faiblesse par rapport aux pays
développés, qui, eux, disposent d'armées de juristes ou d'experts.
MM. Barnier et Dupont m'ont interrogé sur le flux d'investissements privés
quasi nuls en direction des pays ACP ; M. Lagauche a rappelé la nécessité des
micro-crédits et du développement du secteur privé.
Les chiffres relatifs au flux d'investissements privés sont en effet un peu
désespérants, puisque l'Afrique subsaharienne recueille moins de 2 % des
investissements privés réalisés à l'échelle mondiale. C'est tout à fait
insuffisant.
Il est vrai que l'image qu'offre l'Afrique - elle présente heureusement
d'autres facettes - de pays en guerre et saturés de violences ne constitue
évidemment pas le meilleur atout pour attirer les capitaux.
Toutefois, les situations difficiles que connaissent certains pays occultent
les résultats souvent positifs, sur le plan de l'économie, d'un nombre
croissant d'autres pays, en particulier ceux de l'Afrique occidentale, où les
grands indicateurs économiques sont aujourd'hui devenus encourageants.
En tout cas, en ce qui nous concerne, nous nous efforçons de favoriser l'envoi
vers les pays en développement, singulièrement l'Afrique, de capitaux
privés.
Je rappelle que nous avons mis au point, en coopération alors avec le CNPF et
avec les investisseurs privés en Afrique noire, un site Internet, intitulé «
Investir en zone franc », qui, aujourd'hui, offre - ce qui est tout à fait
exemplaire - la meilleure banque de données relative aux réalités fiscales,
économiques et sociales qu'offre l'ensemble des pays africains aux
investisseurs privés français et autres.
Je vous rappelle également que l'un des trois axes du mandat de la
renégociation de Lomé concerne en particulier l'appui à l'essor du secteur
privé dans le processus de développement, ce qui renvoie à l'harmonisation et à
la stabilisation des règles sur les plans fiscal et judiciaire pour répondre au
besoin de sécurisation des investisseurs. L'OHDA, l'Organisation pour
l'harmonisation du droit des affaires, participe directement à cette action.
En ce qui concerne le micro-crédit, monsieur Lagauche, la commission avait
adopté, en 1997, une résolution soulignant l'importance du rôle joué par le
micro-crédit pour résoudre les problèmes de pauvreté. La France lui accorde
également une grande importance, estimant que la promotion de l'initiative
privée et des petites activités de proximité, notamment celles qui sont portées
par des communautés villageoises, par des groupes de femmes en particulier,
peut être aidée par ces crédits mieux adaptés.
La France considère que les bailleurs de fonds doivent faire porter leurs
efforts sur la création et le renforcement des institutions viables
financièrement, capables de procurer des services financiers de base au plus
grand nombre.
Nous sommes pour l'instant loin de compte.
Autre moyen que vous abordez également pour donner une nouvelle chance
économique à ces pays : l'annulation de la dette.
Vous le savez, l'amélioration des mécanismes de l'allégement de la dette des
pays du Sud les plus pauvres est envisagée. Le prochain sommet de Cologne, dans
le cadre du G7, sera d'ailleurs en partie consacré à ce sujet.
Des voix nombreuses s'élèvent, notamment du côté des ONG, pour critiquer
l'insuffisance des mesures de réduction de la dette prises jusqu'à présent.
L'initiative française, dont Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons fait la
présentation il y a quelques semaines, s'inscrit directement dans ce
mouvement.
Cette initiative met l'accent sur deux points sensibles : la question du
financement par les pays développés et l'utilisation par les pays bénéficiaires
des marges de manoeuvre ainsi dégagées.
Elle répond à une exigence de solidarité s'exprimant dans la durée :
l'annulation du service de la dette sur les créances d'aide publique au
développement, revendication ancienne des ONG, est prévue pour trente ans ;
c'est le temps d'une génération.
Elle fait aussi appel à un principe d'équité en réclamant un partage du
fardeau de nos partenaires non seulement dans l'annulation des créances
résiduelles, mais également dans la poursuite des financements des pays en
développement.
Certains orateurs ont, à juste titre, insisté sur l'insuffisance criante de
l'aide publique au développement apportée par certains pays, et non des moins
riches.
Si cette initiative d'allégement de la dette que nous proposons était mise en
oeuvre, le poids de cette mesure pour notre seul pays représenterait à peu près
2,5 milliards de dollars, soit une somme tout à fait considérable.
Nous souhaitons que ces mesures soient réservées avant tout aux pays
respectueux de la bonne gouvernance et de la gestion économique et sociale,
d'où la demande d'une sorte de période de probation, qui serait mise à profit
pour apprécier le comportement des pays considérés au regard de la bonne
gouvernance et du respect des droits de l'homme.
Nous voulons aussi que des mécanismes de suivi de l'utilisation des marges de
manoeuvre soient institués.
Monsieur Barnier, vous demandiez si l'on s'orientait plutôt vers des aides
budgétaires ou vers des aides par projet. En réalité, dès à présent, c'est une
sorte de mixage des deux que nous essayons de mettre en oeuvre.
Les appuis sous forme d'ajustements structurels sont des aides budgétaires
plus globales, ce qui ne nous dispense pas de donner la priorité à certains
projets dont nous débattons avec nos partenaires. C'est notamment à cela que
servent les commissions mixtes. Au terme d'un dialogue très serré avec nos
partenaires, avec leurs entreprises, leurs ONG ou leurs collectivités locales -
quand elles sont constituées - nous définissons des cibles prioritaires.
Je rappelle que, par ailleurs, l'Union européenne veille à ce que les créances
des pays ACP ne pèsent pas d'un poids excessif sur leur développement. Elle
consent, dans ce sens, des efforts très importants. L'Union européenne, vous le
savez, n'octroie plus que des dons, ce qui limite nécessairement le poids de la
dette communautaire dans ces pays. L'Union européenne est en transfert positif
vis-à-vis de tous les pays ACP ; cela signifie que ce qu'elle donne à ces pays
est d'un montant supérieur à celui des échéances que ces pays doivent acquitter
auprès d'elle.
S'agissant du niveau de l'aide, question abordée par M. Pelletier, et qui
renvoie à celle de la destination géographique de l'aide, évoquée par M.
Ambroise Dupont, je rappelle que, dans l'Agenda 2000, il est prévu de maintenir
le niveau en termes réels de la rubrique IV visant les actions extérieures de
l'Union, hors FED. On peut penser que c'est au moins à ce niveau-là que le FED
devrait se situer, tout en sachant que cela représente un poids assez lourd
pour le budget français puisque notre part est de 24,3 %, soit une part
sensiblement plus importante que les 18 % qui correspondent à notre
participation habituelle aux dépenses communautaires.
J'en viens aux initiatives visant à renforcer la cohérence et l'efficacité de
l'aide, sujet qu'ont particulièrement abordé M. Lagauche, M. Del Picchia et Mme
Bidard.
Vous avez raison, madame, messieurs les sénateurs : il faut évidemment essayer
de parler d'une seule voix. L'efficacité, la nôtre comme celle de l'Europe en
général, passe par un discours cohérent, concerté, sinon univoque.
Si, aujourd'hui, les débats sur le développement sont conduits avant tout au
sein du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, ou encore de
l'OMC, force est de constater que l'Europe accompagne plus qu'elle ne détermine
les décisions dans l'ensemble de ces institutions. Elle n'y exerce pas, en tout
cas, l'influence que justifieraient tant son poids économique que sa part dans
le financement de ces institutions.
C'est en ayant à l'esprit cette situation que j'ai lancé un appel avec mes
homologues allemande et britannique. Je pense qu'une dynamique est lancée.
A cet égard, nous souhaitons voir la francophonie constituer un relais pour
tenter de mieux affirmer notre existence dans ces enceintes.
A Monaco, voilà quelques semaines, s'est tenue pour la première fois une
conférence économique de la francophonie, à laquelle les ministres des finances
étaient conviés. Nous sommes tous convenus que, à la veille des grandes
rencontres comme l'assemblée du FMI ou de la Banque mondiale, ou la réunion de
l'OMC, les francophones, qui ont tout de même un certain nombre de choses en
commun, se réuniraient pour essayer de définir des positions identiques leur
permettant d'élargir leur influence dans ces différents organismes.
Sachant que M. Prodi est sur le point de proposer un nouvel organigramme de la
Commission, les ministres concernés ont suggéré, lors du dernier conseil
Développement, qu'un seul commissaire soit désormais chargé de toutes les
questions de développement. En outre, les directions générales suivant les
questions de développement seraient concentrées pour améliorer la rationalité
et la visibilité des politiques européennes en la matière.
A l'occasion de cette même réunion, nous avons proposé le dépôt d'un rapport
annuel sur la politique d'aide au développement de l'Union. Nous avons
également discuté des résultats d'une évaluation très importante des
instruments et programmes de développement de l'aide communautaire. Dans la
logique du rapport Tavernier, rendu voilà quelques mois, ce bilan met l'accent
sur la nécessaire complémentarité de nos actions.
Selon ces évaluations, l'aide ACP, en dépit des insuffisances et des
dysfonctionnements que nous connaissons, s'est révélée avoir la meilleure
efficacité des programmes communautaires.
J'aurai l'occasion de répondre plus complètement dans d'autres circonstances
aux questions qu'a posé M. Charasse, mais je suis très conscient du besoin de
consolider la présence européenne dans les pays en développement tout en
préservant, voire en améliorant la visibilité de la coopération bilatérale
française.
Cela renvoie à un problème de cohérence, mais aussi de dialogue entre les
représentants de la Communauté et nos postes diplomatiques. Force est de
reconnaître que, là encore, les questions de personne ont une incidence : dans
certaines capitales africaines, les choses se passent très bien, alors
qu'ailleurs elles se passent mal, voire très mal. Nous donnons d'ailleurs des
instructions à nos ambassadeurs pour qu'ils aient le souci de mieux coordonner
les interventions européennes et les nôtres.
Reste à savoir parfois mieux faire valoir ce que nous faisons.
J'observe que tout se passe, en quelque sorte, comme si un vieux fond de
culpabilité nous empêchait de faire connaître de manière aussi éclatante qu'il
le faudrait ce qu'est notre action dans ces pays. Nous devons essayer de
chasser ce sentiment de culpabilité, qui n'a pas lieu d'être. Ni nostalgie ni
culpabilité : telle est la règle qui doit nous guider dans ces pays, notamment
dans ceux avec lesquels nous avons eu autrefois des relations très étroites.
Je voudrais maintenant évoquer un dossier qui me tient à coeur mais qui n'a
pas été abordé ici aujourd'hui : le dossier « migrations et développement »,
que j'ai porté à Bruxelles.
Il nous semblait en effet impossible de parler d'aide au développement sans
avoir une politique commune en matière de migrations. En novembre 1997, j'ai
donc suggéré au conseil Développement une meilleure coordination des actions
menées sur ce thème.
Voilà quelques semaines, le 19 mars, s'est tenu à Paris un séminaire
réunissant des représentants de treize pays de l'Union européenne et un
représentant de la Commission. Cela a d'ailleurs été l'occasion de rappeler que
la convention de Lomé permet déjà de prendre en compte des aides au retour ;
pour les pays méditerranéens, la déclaration de Barcelone prévoit un
partenariat social, culturel, avec un chapitre sur l'immigration.
Les participants ont, en tout cas, marqué un intérêt pour le concept français
de codéveloppement et la nécessité d'inclure la question migratoire dans le
dialogue avec les pays en voie de développement. Un groupe de travail « asile
et migration » a été constitué. Il pourrait rendre ses conclusions lors du
sommet de Tempere, en Finlande ; c'est en effet la Finlande qui présidera aux
destinées de l'Europe au cours du deuxième semestre de cette année.
Autre sujet que nous voulons porter : la coopération décentralisée. Vous
l'avez évoqué, monsieur Barnier, et cela ne m'a pas surpris, connaissant vos
responsabilités locales et votre expérience d'élu.
Vous le savez, c'est un thème qui me tient également à coeur. Nous avons
décidé l'envoi d'une mission à Bruxelles pour porter ce dossier, parce que la
coopération décentralisée n'a pas la même signification dans tous les pays
membres. D'ores et déjà, nous sensibilisons nos partenaires à cette dimension
essentielle du développement.
Puisque vous avez parlé des PECO et de la Baltique, je voudrais vous dire que
nous avons engagé une action pour la reconstruction dans les Balkans avec les
collectivités locales.
Lorsque je me suis rendu à Skopje et à Tirana, voilà quelques semaines, j'ai
tenu à me faire accompagner par vos collègues M. Jean Puech, président de
l'Assemblée des présidents de conseils généraux, et M. Jean-Paul Delevoye,
président de l'Association des maires de France. Croyez bien que c'est
désormais la règle que je souhaite voir appliquer partout.
Mardi, je suis allé à Stockholm où se tenait une rencontre destinée à examiner
les problèmes de reconstruction consécutifs au passage de l'ouragan Mitch et,
là encore, j'ai souhaité être accompagné non seulement par les ONG, qui ont
évidemment un rôle à jouer, mais également par un représentant des
collectivités départementales déjà impliquées dans l'aide que nous apportons au
pays de l'isthme d'Amérique centrale.
S'agissant de la coordination, dans les Balkans en particulier, monsieur
Barnier, il est normal que nous reconnaissions le Haut commissariat aux
réfugiés, le HCR, comme étant leader dans ce domaine. En dépit des difficultés
qu'il a rencontrées et des insuffisances que nous avons observées, la France
tient à rappeler que c'est au HCR d'être coordinateur.
Encore faut-il qu'il ait les moyens de remplir ses missions. L'appel aux
forces alliées au sein de l'OTAN a incontestablement permis de répondre aux
problèmes de logistique mais plus encore de sécurité que pose l'accueil des
réfugiés.
S'agissant de l'Europe, les PECO portent en germe la coordination que vous
espérez. Il faut sans doute aller plus loin, étant entendu que nombre de ces
actions reposent sur le volontariat et qu'il est toujours difficile de
concilier volontariat et bonne organisation ; cela implique évidemment des
contraintes qui, parfois, désarment les bonnes volontés, voire les élans de
générosité.
Toutefois, les moyens que nous avons mis en place à Skopje et à Tirana, avec
un personnel spécifique chargé de cette coordination, devraient donner plus
d'efficacité et de cohérence aux interventions des collectivités locales qui,
il faut le reconnaître, se sont, jusqu'à présent, exprimées un peu dans le
désordre.
Quant à votre idée d'impliquer mieux les ambassadeurs, de leur suggérer de
réunir les présidents des collectivités, j'y souscris bien volontiers. Je
rappelle que, l'an dernier, déjà, lors de la conférence des ambassadeurs qui, à
la fin du mois d'août, réunit tous nos diplomates, j'ai demandé qu'un atelier
soit consacré à la coopération décentralisée. Il n'a même pas pu y accueillir
tous ceux qui souhaitaient y participer !
Cela démontre l'intérêt des ambassadeurs pour ces questions et le besoin
qu'ils ont d'être mieux informés par les collectivités locales des initiatives
qu'elles conduisent dans ces différents pays.
J'ajoute que nous avons organisé, dans plusieurs villes françaises, des
rencontres centrées, chaque fois, sur un pays donné, et qui réunissaient
l'ensemble des collectivités locales françaises intervenant dans ledit pays.
Plusieurs pays en voie de développement étaient ainsi concernés. Cela a permis
aux collectivités françaises de confronter les formes de coopération qu'elles
entretiennent avec ces pays. Nous allons continuer dans cette direction.
Je précise, pour votre information, que, lundi prochain, sur l'invitation de
Jean-Pierre Chevènement, j'entretiendrai les préfets de la coopération
décentralisée. Il est indispensable que les préfets soient aussi impliqués dans
ces opérations.
Le temps est heureusement maintenant loin où la coopération décentralisée
était hors-la-loi, monsieur Barnier. Aujourd'hui, non seulement elle est
légitime, mais nous nous donnons les moyens de l'encourager. Dans le nouvel
organigramme des affaires étrangères, existe une mission de la coopération non
gouvernementale, qui est en particulier tournée vers les collectivités
locales.
Ce qui vaut pour les Balkans vaudra pour le cyclone Mitch et, plus
généralement, pour toutes les situations où une intervention de ce type est
sollicitée, surtout s'il s'agit de gérer le passage de l'action humanitaire à
l'aide au développement, ce qui constitue un point tout à fait essentiel.
J'en viens à la prévention des conflits.
Vous avez raison, monsieur Lagauche, sans paix, il n'y a pas de développement.
L'Union européenne attache une grande importance à la prévention des conflits,
l'appui que l'Europe accorde à l'OUA en témoigne. Lors du conseil Développement
du 21 mai dernier, nous avons adopté une résolution appelant à une meilleure
prise en compte de la problématique de l'accumulation et de la dissémination
des armes légères, autre grande question, vous le savez.
Cet intérêt de l'Union européenne répond à notre propre engagement dans la
prévention des conflits en Afrique, les fondements de la politique française en
matière de prévention des conflits étant à la fois la multilatéralisation,
c'est-à-dire l'action sous l'égide de l'OUA et des Nations unies, et la
régionalisation, c'est-à-dire la formation, sur une base régionale, des forces
armées ou de défense de ces pays pour les habituer à vivre ensemble aussi de
cette manière et prévenir ainsi également les conflits éventuels.
J'en arrive maintenant à l'état d'avancement des négociations de Lomé. C'était
la question centrale, elle a d'ailleurs été posée par tous, et je reconnais
avoir tourné un peu autour avant d'y venir, mais c'est que vous m'aviez aussi
beaucoup interrogé sur des sujets un peu périphériques !
Où en sommes-nous ? En juillet 1998, l'Union européenne a adopté le mandat de
négociation confié à la Commission. Le 30 septembre de la même année, les
négociations ont été officiellement ouvertes à Bruxelles. A la mi-février de
cette année, nous avons tenu la première conférence ministérielle de
négociation à Dakar ; sur les quatre volets en discussion, on peut considérer
que deux sont bien avancés, les volets politique et institutionnel, la bonne
gouvernance devant être intégrée comme l'un des éléments essentiels, donc
susceptible de sanctions, dans la future convention. Il faut évidemment en
définir les contours, il faut surtout éviter des divergences d'interprétation
car, derrière le mot, on peut mettre beaucoup de choses.
Le volet des stratégies de l'aide au développement peut être considéré
également comme faisant l'objet d'un accord. Il s'agit de la lutte contre la
pauvreté, de l'accès à la santé et à l'éducation, ainsi que de l'aide au
secteur privé.
En revanche, deux volets, il faut en convenir, progressent plus difficilement,
notamment le volet commercial, qui n'est pas le moindre. A cet égard deux
stratégies s'affrontent.
D'une part, une large majorité de pays européens, dont la France, je tiens à
le préciser, considèrent que les relations commerciales entre l'Europe et les
pays ACP doivent s'organiser dans le cadre de partenariats économiques
régionaux correspondant d'ailleurs très largement aux unions douanières qui se
mettent en place ou qui sont sur le point de se faire en Afrique, en
particulier.
Nous pensons, en effet, que cette étape régionale, qui pourra d'ailleurs
perdurer, est une manière d'intégrer progressivement ces pays dans le marché
mondial en évitant que les plus fragiles ne se trouvent d'un coup balayés par
une ouverture sans précaution aux grands vents de l'économie mondiale. En tout
cas, le mandat confié à la Commission correspond à cette vision d'une
organisation régionale support des accords commerciaux.
Ces accords pourraient être mis en place d'ici à 2005, et l'accès aux marchés,
de manière réciproque, pourrait intervenir sur une période plus longue,
probablement plus de dix ans, mais éventuellement sur des durées variables
selon le niveau de développement des régions dont je parlais à l'instant, étant
entendu que, pendant ce temps, nous accompagnerions cette ouverture des pays
ACP vers l'Europe.
Les pays ACP ne sont pas opposés à cette proposition, mais il faut convenir
que, pour l'instant, ils souhaiteraient allonger encore le calendrier et ne pas
débuter de tels accords avant 2010 : c'est l'un des points de la discussion
actuelle.
Si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord, les règles de l'OMC risquent de
nous rattraper, et le dossier de la banane, de ce point de vue, doit nous
alerter.
D'autre part - autre stratégie, autre thèse - les partisans d'un libre-échange
exacerbé souhaitent plutôt, aux termes des accords de l'OMC, un système de
préférence commerciale harmonisé et étendu à tous les pays en développement,
convenant toutefois qu'il faudrait prévoir un accès privilégié pour les pays
les moins avancés.
Cette seconde stratégie, nous la considérons comme peu appropriée à la réalité
de ces pays en développement. Nous ne sommes pas partisans, en tout cas pour
l'instant, d'une ouverture au monde sans filet de sécurité. Il faut donner du
temps au temps, pour permettre à ces pays de s'adapter aux contraintes d'un
commerce international nécessairement brutal.
Nous espérons en tout cas que tous les Européens sauront confirmer le mandat
donné à la Commission pour ne pas créer d'incertitudes, qui sont autant de
causes de retard dans la mise en oeuvre du calendrier.
Le second des volets plus difficiles à négocier concerne les instruments
financiers.
La France tente de convaincre à la fois les Européens et les pays ACP de la
nécessité de maintenir un STABEX et un SYSMIN, qui seraient bien sûr adaptés,
pour un meilleur fonctionnement, je le dis à M. Pelletier. Il est essentiel de
maintenir un revenu stable aux producteurs de denrées agricoles et de matières
premières, qui sont la base à la fois sociale et économique de ces pays.
Le mandat de l'Union européenne admet désormais le principe d'un mécanisme.
Cet acquis n'a cependant pas été si évident à obtenir, et la France était, au
départ, très isolée. Il reste que les pays ACP s'inquiètent encore des
modalités d'adaptation de ces instruments. Dans les mois à venir, nous devrons
y travailler dur.
En tout cas, ces points seront de nouveau évoqués lors de notre seconde
réunion ministérielle de négociation, qui aura lieu les 29 et 30 juillet, à
Bruxelles.
Toujours sur le calendrier, et pour que votre information soit complète, je
précise que la convention actuelle expire à la fin du mois de février 2000,
donc sous présidence portugaise. En cas de retard important - j'espère que ce
ne sera pas le cas - c'est alors sous la présidence française, qui débutera au
mois de juillet 2000, que nous devrions finaliser cette négociation.
M. Charasse m'a interrogé sur le FED. Je rappelle que la négociation sur son
renouvellement doit être finalisée à la même époque. On peut imaginer que les
procédures concernant le FED fassent l'objet, à cette occasion, d'une
discussion avec nos partenaires. Cependant, la construction européenne a sa
logique, celle du transfert de souveraineté, et c'est la Commission qui se voit
déléguée dans cette mission. Certes, les crédits du FED sont utilisés après
consultation des fonctionnaires des pays membres, mais les ministres ne sont
pas écartés de cette consultation, je tenais tout de même à le préciser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est de notre devoir, mais aussi de notre
intérêt, d'améliorer les actions conduites en direction des pays en voie de
développement, tant par la France que par l'Europe. Ces pays, je pense en
particulier à ceux d'Afrique, attendent de nous, Européens, que nous les
aidions à entrer dans le prochain siècle. Nos valeurs de solidarité nous
dictent de nous engager dans la voie d'une politique commune européenne de
coopération. La renégociation des accords de Lomé est une occasion privilégiée
de faire preuve d'imagination pour réactiver, reformuler, améliorer notre
action de solidarité avec le monde en développement.
Mais je ne doute pas que ces ambitions soient très largement partagées par les
membres de la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Le débat est clos.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.