Séance du 17 mars 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Pacte civil de solidarité.
- Discussion d'une proposition de loi (p.
1
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Philippe
Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mme le garde des sceaux, M. le président de la commission des lois.
MM. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Bernard Seillier,
Mmes Nicole Borvo, Dinah Derycke, M. Jean-Jacques Hyest, Mme Anne Heinis, MM.
Yvan Collin, Hubert Haenel, Robert Bret, Bertrand Delanoë, Jean-Louis Lorrain,
Jean-Claude Carle. -Renvoi de la suite de la discussion.
3.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
2
).
4.
Transmission d'un projet de loi
(p.
3
).
5.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
4
).
6.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
5
).
7.
Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
6
).
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
7
).
9.
Ordre du jour
(p.
8
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures dix.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Discussion d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 108,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence,
relative au pacte civil de solidarité. [Rapport n° 258 (1998-1999) et avis n°
261 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez à examiner aujourd'hui, en
première lecture, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité,
adoptée par l'Assemblée nationale le 9 décembre dernier.
Ce texte est l'aboutissement d'un travail de réflexion entamé voilà dix ans,
époque à laquelle la première proposition de loi sur cette question a été
élaborée. Depuis, onze textes ont été déposés sur le bureau des assemblées,
sans compter ceux qui ont été à l'origine directe de la proposition de loi
votée par l'Assemblée nationale.
Cette volonté, réaffirmée par le Parlement à travers le temps, traduit une
réalité sociologique profonde : la nécessité de mettre un terme à la
quasi-ignorance législative de la vie de couple hors mariage.
Certes, le concubinage apparaît depuis quelques années dans certains textes,
mais de manière limitée, éparse et désordonnée.
Ce stade doit être aujourd'hui dépassé : il s'agit là d'un constat que peu de
personnes réfutent actuellement, et j'ai plaisir à souligner que la commission
des lois du Sénat s'est d'ailleurs elle-même prononcée en faveur d'une réforme
législative.
Il me paraît tout d'abord souhaitable, pour la clarté des débats qui vont
s'ouvrir, à l'exemple de M. Gélard qui s'est très largement expliqué sur ce
point dans son rapport, de rappeler globalement les motifs de cette réforme.
Ce rappel me paraît d'autant plus nécessaire qu'il conditionne, à mes yeux,
l'orientation qui doit être donnée à la réforme entreprise. La commission des
lois du Sénat et le Gouvernement divergent sur ce point. Aussi, je veux
préciser les raisons pour lesquelles, afin de répondre réellement à l'attente
des couples non mariés, la solution du pacte civil de solidarité me paraît la
meilleure. Cela fera l'objet du deuxième point de mon intervention.
Enfin, je ne crois pas que le dispositif proposé par la commission des lois du
Sénat permette de répondre aux besoins exprimés ; je m'expliquerai également à
ce sujet.
S'agissant d'abord de la nécessité de procéder à une réforme, le droit doit-il
précéder ou suivre l'évolution des mentalités et des comportements ? Ce n'est
pas la réponse à cette question qui doit guider notre action, car il est clair
que, de toute façon, le droit ne peut être durablement en décalage avec les
faits.
Or les faits sont tout à fait parlants. Aujourd'hui, un couple sur six vit
hors mariage, soit près de 5 millions de personnes. La cohabitation hors
mariage concerne tous les âges de la vie : il existe des cohabitations
juvéniles, des cohabitations entre adultes, ou encore des cohabitations
choisies par des personnes plus âgées, parfois au lendemain d'une crise
familiale douloureuse. Ainsi, aujourd'hui, la vie de couple hors mariage
concerne toutes les personnes, à tous les âges et dans tous les milieux. Elle
peut être passagère ou durable.
Or, actuellement, le droit positif ne prend en compte que de façon très
ponctuelle ces nouveaux modes de vie.
Pour les couples hétérosexuels, des dispositions législatives, essentiellement
en matière sociale et de logement, ont été adoptées. La jurisprudence, elle, ne
s'est attachée qu'à la rupture de la vie commune.
Quant aux couples homosexuels, ils sont pratiquement ignorés par le droit,
sauf rares exceptions, que je veux tout de même mentionner ici, comme la
qualité d'ayant droit à charge en matière d'assurance maladie, après une
certaine durée de cohabitation. Les décisions de la Cour de cassation de 1989
et 1997 refusent d'englober dans la notion de concubinage les relations entre
homosexuels. En l'état du droit positif, je constate qu'aucun texte n'était
susceptible de conduire la juridiction suprême à modifier sa jurisprudence et à
reconnaître le concubinage homosexuel, en tout cas avant le dépôt de la
proposition de loi relative au PACS.
Or, comme il arrive bien souvent, ce sont les situations marginales, parce
qu'elles concentrent en elles les difficultés et les injustices les plus
grandes, qui ont révélé l'inadaptation de notre droit. Ce sont bien les
homosexuels et le drame qu'ils ont traversé au cours des années de
contamination transfusionnelle du sida qui ont fait émerger les insuffisances -
je dirai même l'inhumanité involontaire - de notre droit.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Qu'un des partenaires du couple décède, l'autre pourra
se voir chasser du logement commun ; que le premier veuille, au-delà de la
mort, protéger financièrement le second, celui-ci se verra taxer comme un
simple étranger ; que le survivant désire organiser les obsèques de son
compagnon et y assister, les textes en vigueur ne peuvent satisfaire cet
élémentaire devoir de mémoire. Ces drames-là, nombre de couple hétérosexuels et
homosexuels les ont vécus et les vivent encore.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais au-delà de ces drames, il y a la vie quotidienne.
Il y a la communauté de ceux et celles qui partagent le même toit, qui, chaque
jour, organisent leur cohabitation et s'engagent à cette fin parce que les
relations qu'ils entretiennent, loin de traduire des désirs épisodiques, sont
la manifestation d'une volonté de construire une vie commune stable et
durable.
Pourquoi ces couples, quel qu'en soit le sexe, ne pourraient-ils se voir
appliquer un droit qui traduise leurs préoccupations quotidiennes ? Pourquoi,
exemple parmi d'autres, ne pas les soumettre au régime fiscal de l'imposition
commune ? Pourquoi, autre exemple, ne pas prévoir une solidarité dans les
dettes ménagères ? Le PACS répond, je crois, à ces préoccupations d'ordre moral
et matériel.
M. Jean-Jacques Hyest.
Non !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je vais maintenant vous dire pourquoi le pacte civil de
solidarité me semble être une réponse adaptée aux questions que je viens de
rappeler et qui se posent à près de 5 millions de nos concitoyens.
Le mérite de ce texte est, d'abord, d'apporter une réponse globale à la
cohabitation hors mariage sans considération du sexe des partenaires, j'insiste
sur ce point.
Je voudrais, à cet égard, saluer l'oeuvre de M. Robert Badinter qui, en sa
qualité de garde des sceaux, a eu un rôle décisif dans la suppression des
discriminations pénales - car elles existaient au début des années quatre-vingt
- à l'égard des homosexuels.
Aujourd'hui, il était nécessaire d'aller plus loin et de supprimer cette
discrimination dans le droit civil.
Le comportement sexuel entre adultes ne peut fonder un régime juridique
particulier pour tout ce qui est étranger au mariage et à la filiation, j'y
reviendrai tout à l'heure. Selon moi, seuls le mariage et la filiation imposent
en effet la différence des sexes.
La commission des lois du Sénat manifeste également dans son rapport le
souhait d'éliminer du concubinage ces discriminations sexuelles.
J'approuve, je tiens à le dire, le principe de cette démarche, même si les
propositions faites, et j'aurai l'occasion d'y revenir, me semblent poser
problème.
Mais cette seule reconnaissance du concubinage ne prend pas en compte
globalement et suffisamment la situation du couple non marié.
J'ai souvent entendu, au cours des mois passés - des propositions de loi ont
d'ailleurs été déposées en ce sens - qu'une solution concrète était la
meilleure, qu'il suffisait d'adopter dans la loi de finances quelques
mécanismes fiscaux ou d'étendre dans un DMOS certaines prestations sociales.
Cette conception d'une législation minimale, éclatée, en même temps qu'étalée
dans le temps et sans aucune visibilité me paraît hypocrite. On ne le légifère
pas en catimini sur une question touchant près de cinq millions de nos
concitoyens.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
On ne légifère pas davantage pour prendre en compte une
situation comme le concubinage sans l'assortir d'un minimum de règles propres à
satisfaire les préoccupations légitimes de ceux qui la vivent.
Des mesures complémentaires et coordonnées s'imposent pour traduire la volonté
de ces couples de s'inscrire dans l'avenir. Ils ont droit à autre chose qu'une
reconnaissance
a posteriori
d'une simple situation de fait. C'est
pourquoi la proposition de loi de l'Assemblée nationale sur le pacte civil de
solidarité, à laquelle le Gouvernement s'est rallié, me paraît constituer la
meilleure réponse.
J'en viens au choix du pacte civil de solidarité.
Avant de retracer devant vous l'économie du texte, ce qui me semble
nécessaire, je souhaite revenir sur les termes du débat tels qu'ils ont été
posés au cours de ces derniers mois par tous ceux qui ont étudié la question :
universitaires, chercheurs, associations ou praticiens.
M. Louis de Broissia.
Et les parents !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Différentes options étaient possibles, c'est vrai, et
nous les avons examinées, bien entendu, avant que le Gouvernement décide
d'approuver la proposition de loi relative au PACS.
Je n'insisterai pas sur le souhait d'un petit nombre de voir accorder aux
couples homosexuels soit le mariage, soit un régime calqué sur celui-ci,
éventuellement ouvert aussi aux concubins hétérosexuels. Le Gouvernement, vous
le savez, a immédiatement manifesté son opposition à une telle perspective car
le mariage, c'est l'union entre un homme et une femme ; c'est l'institution qui
articule la différence des sexes.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
Merci, messieurs !
M. Alain Gournac.
Vive la famille !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Absolument !
Le mariage, c'est une institution qui constitue un élément essentiel de
structuration des rapports sociaux ; c'est une institution plébiscitée par 24
millions de nos concitoyens.
(Applaudissements sur plusieurs travées
socialistes.)
Je suis heureuse de constater que les applaudissements
émanent de toutes les travées.
(Applaudissements sur les travées socialistes
et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen ;
exclamations sur les travées du RPR.)
Comme je l'ai très clairement affirmé à diverses reprises, il ne saurait être
question de décalquer le mariage, car ce serait lui porter atteinte. Légiférer
sur l'union libre impose donc que cette législation se différencie résolument
de celle qui régit le mariage.
A l'opposé, une autre voie pouvait consister à prévoir l'aménagement
conventionnel de la gestion des biens de personnes qui cohabitent. Cette
conception était intéressante car elle répond aux aspects strictement
matériels.
Or ce que demandent les concubins qui souhaitent ne pas en rester à l'union
libre, car il est fort concevable, et c'est heureux, que certains concubins
veulent en rester là,...
MM. Jean Chérioux et Henri de Richemont.
Qu'ils se marient !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... ce n'est pas seulement un instrument juridique de
gestion matérielle de leurs biens qui ne concernerait que leurs seuls rapports
mutuels, ce qu'ils peuvent d'ores et déjà faire, mais c'est pouvoir disposer
d'un corps de règles opposables aux tiers et tendant à organiser la vie commune
dans tous les aspects de la réalité quotidienne,...
M. Henri de Richemont.
C'est un sous-mariage !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... dettes ménagères, fiscalité, couverture sociale,
logement, congés...
M. Henri de Richemont.
On va supprimer le mariage !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Messieurs les sénateurs, vous aurez le loisir, tout à
l'heure, d'exprimer vos oppositions à mes propos. Aussi peut-être aurez-vous la
courtoisie de me laisser, moi qui suis si souvent avec vous et qui trouve tant
d'intérêt à nos débats, achever mon intervention.
(Applaudissements sur les
travées socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain
et citoyen ; exclamations sur les travées du RPR.)
Il a aussi été proposé de reconnaître par la loi la nature de simple situation
de fait, quel que soit le sexe des partenaires, du concubinage.
Il y a, me semble-t-il, deux aspects distincts dans cette proposition, qui,
elle aussi, a son intérêt.
D'abord, existe le souci de reconnaître le concubinage homosexuel et de mettre
ainsi un terme à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle maintient
cette discrimination. C'est là, une démarche qui me paraît positive en ce
qu'elle parachève la politique de non-discrimination menée depuis le début des
années quatre-vingt.
Mais il est un second aspect dans cette thèse auquel je ne peux souscrire, à
savoir faire produire à une situation de fait des effets juridiques comparables
à ceux qui sont engendrés par un engagement de volonté.
Certes, tous les couples non mariés seraient ainsi pris en compte par le droit
et on ne créerait pas deux catégories de concubins, ceux qui adhèrent au PACS
et ceux qui n'y adhèrent pas.
Mais, pour moi, faire produire les mêmes effets à une situation de fait
résultant d'un accord de volontés purement privé, au jour le jour, et à une
situation fondée sur un engagement clairement affirmé, et vis-à-vis de la
société, revient à dénier la valeur de cet engagement.
M. Henri Weber.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Or, il me semble socialement souhaitable de valoriser
l'engagement de volonté dans l'organisation de la vie commune. Il s'agit d'un
facteur de stabilité et, par la même, d'un moyen d'éviter l'exclusion
qu'engendre l'isolement.
Je crois, enfin, que la crainte de voir certains couples hésiter à
entreprendre une démarche de reconnaissance juridique est largement fonction de
la complexité ou non de celle-ci. C'est pourquoi l'établissement du pacte civil
de solidarité se veut simple, commode, rapide et sans frais. Il s'agit d'un
simple contrat qui peut être sous seing privé et qui donne lieu à
enregistrement au greffe du tribunal d'instance du lieu de la résidence des
intéressés. Je rappelle qu'il y a 473 tribunaux d'instance sur le territoire,
soit, en moyenne, quatre à six par département. Il s'agit donc d'un lieu proche
des citoyens.
A cet égard, les inquiétudes de la commission des lois envers un mécanisme de
déclaration qu'elle juge complexe ne me semblent pas fondées. Nous aurons sans
doute l'occasion d'y revenir au cours du débat. J'ajoute qu'il a été prévu de
dégager les moyens propres à permettre un fonctionnement satisfaisant de ce
dispositif. Contrairement à la commission, je crois qu'il y a place entre la
situation de fait que constitue le concubinage - je le répète : je suis
d'accord pour que nous levions les discriminations qui en résultent - et
l'institution que représente le mariage - il nous faut évidemment le préserver
car il est le fondement même de notre société - pour un engagement juridique
intermédiaire de la vie en commun.
Cet encadrement est nécessaire parce que, comme je l'ai indiqué, il valorise
un mode de vie reposant sur la solidarité et constitue un facteur de paix
sociale et d'économie des coûts.
(Exclamations sur certaines travées du
RPR.)
Il est nécessaire parce qu'il répond à une attente réelle de nos
concitoyens, comme le révèlent les enquêtes d'opinion qui lui sont largement
favorables. Il n'est pas possible, lorsque tant de personnes sont
potentiellement concernées, de se contenter d'affirmer que la loi ne peut rien
créer entre l'union libre et la vie de couple marié.
Le PACS s'adresse à ceux qui, de toute façon, ne seraient pas mariés, soit
qu'ils ne le puissent pas parce qu'ils sont homosexuels, soit qu'ils ne le
veuillent pas.
M. Henri de Richemont.
Ceux-là ne sont pas demandeurs !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ceux qui veulent se marier se marieront ; quant aux
autres, qui ne veulent ou ne peuvent se marier, le législateur leur offre une
possibilité supplémentaire. Rien ne leur fait obligation de recourir à cette
possibilité. Mais s'ils souhaitent mieux organiser leur vie commune et être
plus protégés que dans le concubinage, ils pourront signer un pacte civil de
solidarité.
Qu'est-ce que le PACS ?
M. Henri de Richemont.
C'est un couple homosexuel !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En effet, on en parle beaucoup mais, finalement, peu de
personnes savent de quoi il s'agit.
(Protestations sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Je ne parle
pas, bien sûr, de ceux qui siègent dans cet hémicycle
(Ah ! sur les mêmes
travées)
où on est toujours bien informé.
Le pacte civil de solidarité est un contrat conclu entre deux personnes de
sexe différent ou de même sexe pour organiser leur vie commune.
M. Henri de Richemont.
Et les fratries ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'y viens !
Destiné à régir les relations du couple lui-même, entre ses membres comme à
l'égard des tiers, le pacte civil de solidarité est - je le redis ici, comme
je l'ai dit nettement devant la commission des lois - étranger au droit de la
famille auquel il ne porte aucune atteinte.
J'en arrive au champ d'application et au contenu du PACS.
Parce que le pacte civil de solidarité s'adresse avant tout à des couples qui
entendent partager non seulement une communauté de toit mais aussi une
communauté de lit, le texte voté par l'Assemblée nationale comporte certaines
prohibitions tenant à l'interdiction de l'inceste ou au non-respect du devoir
de fidélité dans le mariage.
Mais il est non moins clair qu'aucun contrôle sur les modalités de vie des
intéressés ne saurait être opéré sous peine de violation de la vie privée qui,
comme vous le savez, est heureusement protégée dans notre droit. Il pourra donc
y avoir des situations, vraisemblablement en nombre limité, où le pacte civil
de solidarité sera conclu entre des personnes que n'unit aucun rapport
charnel.
Je ne crois pas que cette extension à dire vrai inéluctable à des personnes
n'ayant pas de rapports charnels mais vivant néanmoins en couple présente un
inconvénient particulier dès lors que les intéressés se plient aux droits et
obligations du pacte et ne sont liés par aucun autre mécanisme juridique
susceptible d'interférer avec le premier.
Le dispositif mis en oeuvre est essentiellement pragmatique en ce qu'il
recouvre les aspects principaux de la cohabitation, et je tiens, à cet égard, à
être claire puisque la commission des lois a manifesté, dans son rapport, une
certaine perplexité : oui, le pacte civil de solidarité implique une résidence
commune.
C'est ainsi que seront concernés les actes de la vie courante avec, au premier
chef, les dépenses ménagères, le logement, y compris son sort en cas de
dissolution du couple, le sort des biens acquis au cours de la vie commune,
l'imposition sur le revenu, les modalités d'exercice des congés payés, les
affectations géographiques dans la fonction publique ou encore les congés
exceptionnels pour événements affectifs. Je vous ai donné là la liste des
droits auxquels ouvre le PACS.
Ce panorama ne me paraît porteur d'aucune idéologie susceptible de justifier
un rejet en bloc du texte.
Bien sûr, des aménagements sont possibles. D'ailleurs, des amendements ont été
déposés en ce sens. La proposition de loi est certainement perfectible, comme
le sont d'ailleurs tous les textes. Au demeurant, le Sénat apporte
traditionnellement aux textes qui lui sont soumis des améliorations toujours
extrêmement bienvenues.
(Exclamations sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont.
Il faut en tenir compte !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
C'est ce que nous allons faire !
M. Jean Chérioux.
C'est la sagesse du Sénat !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je compte sur le jeu des navettes entre les deux
chambres pour remédier aux imprécisions qui pourraient subsister.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé.
Soyez sérieux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais je dis aussi qu'aucune des dispositions - je dis
bien « aucune » ! - votées par l'Assemblée nationale n'est, en son principe,
critiquable.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Aucune ne porte atteinte au
mariage.
M. Henri de Richemont.
Si !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Aucune ne constitue une faveur sans contrepartie.
M. Henri de Richemont.
Si !
M. le président.
Monsieur de Richemont, je vous prie de répondre à l'appel à la courtoisie
lancé tout à l'heure par Mme la ministre, et donc de ne pas l'interrompre !
M. Henri Weber.
Rendormez-vous !
(Rires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Si les signataires d'un pacte bénéficient de certains
droits économiques et sociaux, ce n'est généralement qu'après une certaine
durée de cohabitation attestant de la réalité de la vie commune et en
contrepartie d'obligations : le régime des dettes de la vie courante et celui
de la solidarité ; quant à la gestion des biens acquis en indivision au cours
du pacte civil de solidarité, elle est soumise aux règles de l'indivision et,
par voie de conséquence, à la codécision.
Je ne puis, sur ce dernier point, partager l'analyse de la commission des
lois, qui est particulièrement critique sur l'indivision. Si celle-ci est une
situation subie, elle peut être aussi, depuis 1976, un régime organisé qui
traduit la communauté d'intérêt et la solidarité d'engagement de ses membres.
De nombreux concubins, d'ailleurs, achètent déjà la plupart de leurs biens en
indivision.
Les difficultés apparaissent, en général, lors de la séparation, car le
caractère indivis peut être alors contesté. Je crois que la réponse apportée
par le PACS est bonne, dans la mesure où elle tient compte, notamment pour les
meubles courants, de la réalité de la communauté de vie.
Cela étant, je tiens à rappeler que les partenaires du pacte civil de
solidarité ont la possibilité, conformément à la liberté contractuelle, de
déroger à l'indivision. Si les intéressés souhaitent préserver des règles de
gestion personnelle, ils pourront le faire.
Ce mécanisme ne me semble donc nullement contraire aux préoccupations de la
commission, axées vers l'aménagement conventionnel de la vie du couple.
D'ailleurs, certains contrats types établis par des notaires prévoient déjà que
seront en indivision, par moitié, les meubles se trouvant dans l'appartement
indivis des concubins.
En réalité, les critiques du fonctionnement du PACS que fait la commission
sont secondaires en comparaison de son opposition de principe à l'existence
même du PACS.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah non ! C'est l'inverse !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le pacte civil de solidarité, comme je l'ai dit, donne
lieu à déclaration au greffe du tribunal d'instance. La commission des lois du
Sénat considère, quant à elle, qu'un simple échange de consentement suffit à
ceux qui voudraient organiser leur vie commune et refuse, proposant la
suppression de l'article 1er de la proposition de loi, qu'il puisse y avoir une
officialisation de cet engagement.
M. Henri Weber.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne partage pas cette analyse, et ce pour deux
raisons.
Tout d'abord, l'organisation conventionnelle de la vie commune doit, pour
engendrer des droits et des obligations, avoir date certaine, c'est-à-dire être
susceptible de contestation par les tiers. Or, les mécanismes propres à
conduire à ce résultat sont en nombre restreint et, à défaut d'enregistrement
administratif, il n'y a guère que le recours à un acte notarié qui puisse
satisfaire à cette exigence, hélas ! avec le coût qu'il représente.
Ensuite, il me paraît naturel que, à partir du moment où l'autorité
administrative confère un certain nombre de droits procédant de la puissance
publique, elle puisse exiger de réceptionner l'acte générateur de ceux-ci.
Que les choses soient claires. La déclaration au greffe est donc, me
semble-t-il, la meilleure solution : elle est gratuite et elle est proche des
gens ; elle est aussi sans rapport aucun avec la solennité de la célébration du
mariage. En revanche, elle constate que, ce jour-là, les deux personnes
signataires du PACS ont voulu s'engager, dans la durée, aux yeux de la société.
C'est une bonne chose, je crois.
Parce que le pacte civil de solidarité engendre un certain nombre de droits
subordonnés notamment à une durée déterminée de vie commune, comme en matière
fiscale, il importe qu'aucune contestation ne puisse être élevée quant à la
date de conclusion du pacte en évitant, par ailleurs, toute démarche superflue
aux intéressés. La déclaration au greffe du tribunal d'instance répond
pleinement à cette préoccupation.
Reste, pour conclure sur ce point, la question importante de la rupture du
pacte.
J'ai entendu des critiques qualifiant la rupture du PACS de répudiation. Il
s'agit là d'un reproche facile et infondé.
M. Henri de Raincourt.
Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Quand un concubin s'en va et quitte l'autre sans
prévenir, du jour au lendemain, parle-t-on de répudiation ?
M. Henri de Raincourt.
Il s'en va, ce n'est pas pareil !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ce concubin est célibataire. Le signataire d'un PACS
l'est aussi, car il est engagé dans un lien de nature non pas institutionnelle
mais contractuelle.
Que propose le texte qui vous est soumis ? Le droit de rompre une convention à
durée indéterminée étant un principe du droit des contrats qu'il n'a pas paru
judicieux de remettre en cause, le texte prévoit, hors le cas où les exigences
constitutionnelles imposent une solution différente, une information préalable
à la rupture.
C'est une garantie supplémentaire qui est ainsi donnée à chaque partenaire du
pacte. Cela n'a rien d'une répudiation, c'est à l'inverse une sécurité
supplémentaire par rapport au concubinage.
M. Jean Chérioux.
C'est une répudiation quand même !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Tels sont les traits caractéristiques du pacte civil de
solidarité qui, comme vous le constatez, diverge profondément du mariage et
n'interfère en aucune manière avec le droit de la famille.
M. Gérard Cornu.
C'est un sous-mariage !
M. Bernard Murat.
C'est un mariage
bis
!
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le pacte civil de solidarité est neutre - j'insiste sur
ce point - au regard du droit du mariage et du droit de la famille.
Force est évidemment de constater que c'est sur ce point que les adversaires
du pacte civil de solidarité contestent l'analyse que je viens de présenter.
M. Jean Chérioux.
C'est leur droit !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Bien sûr !
Je viens de vous rappeler, voilà quelques instants, pourquoi ce pacte ne
constituait pas un mariage
bis :
il n'y a pas de célébration par
l'autorité publique ; c'est non pas une institution, mais un contrat ; il n'y a
pas de devoir de fidélité ; il n'y a pas, en ce qui concerne les biens,
d'organisation d'un régime qui s'apparenterait à un régime matrimonial ; il n'y
a pas d'organisation judiciaire des conséquences de la rupture ; il n'y a pas
de droit successoral.
M. Bernard Murat.
A quoi cela sert-il alors ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le pacte civil de solidarité n'a pas davantage
d'incidence sur le droit de la famille. Le pacte civil de solidarité, c'est le
droit du couple, pas celui des parents, encore moins celui des enfants.
La famille comporte une dimension temporelle, procréative, que ne comporte pas
le pacte civil de solidarité.
Un sénateur de l'Union centriste.
Ça, c'est sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Celui-ci n'interdit ni ne confère aucun des droits
attachés à la famille et à la descendance qu'elle inclut.
Le pacte civil de solidarité est neutre au regard du droit de la filiation,
de l'adoption, de la procréation médicalement assistée et de l'autorité
parentale. Il n'en modifie pas les règles : la procréation médicalement
assistée est interdite aux homosexuels tout comme l'adoption conjointe est
interdite à deux concubins. Le pacte civil de solidarité ne lèvera nullement
ces interdictions. Il ne constituera pas davantage un facteur susceptible
d'influer sur l'exercice de l'autorité parentale qui est subordonné au seul
intérêt de l'enfant. Il ne permettra pas de substituer le nom du partenaire à
celui qui est porté par l'enfant.
Et c'est parce que le pacte civil de solidarité est volontairement neutre au
regard du droit de la famille qu'il est traité en dehors des travaux du groupe,
installé à la Chancellerie, qui est chargé, depuis l'été dernier, de réfléchir
aux solutions nécessaires du droit de la famille et de me faire des
propositions. Il s'agit là, en effet, de deux chantiers distincts.
J'ai demandé au groupe de travail sur le droit de la famille de centrer sa
réflexion sur l'enfant, c'est-à-dire sur la stabilité de sa filiation, sur
l'égalité de ses droits et sur la permanence de son statut au-delà de la
recomposition du couple de ses parents. Je crois que l'enfant a droit à cette
stabilité, indépendamment de l'instabilité éventuelle du couple de ses
parents.
M. Louis de Broissia.
Bravo ! Mais il fallait commencer par lui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Parce que la vie de l'enfant est indépendante des
vicissitudes du comportement de ses père et mère, le pacte civil de solidarité
ne peut, par essence, avoir une quelconque incidence sur la filiation et la
parentalité. La réponse du droit de la famille viendra à son heure, elle est
d'ailleurs programmée.
Que n'aurait-on d'ailleurs reproché au Gouvernement si les deux sujets, PACS
et famille, avaient été traités ensemble ? Je n'ose l'imaginer, quand j'entends
certaines réflexions.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il fallait commencer par la famille !
M. Louis de Broissia.
D'abord la famille et l'enfant !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'en terminerai par les observations qu'appellent de ma
part les propositions de la commission des lois du Sénat.
Je ne reviendrai pas sur le choix qu'elle a opéré s'agissant du texte de
l'Assemblée nationale. Je m'en suis déjà expliquée : je ne peux accepter que le
PACS soit purement et simplement supprimé.
Je voudrais en revanche indiquer les raisons pour lesquelles je ne peux
adhérer sans réserves au dispositif que, par ailleurs, la commission des lois
vous propose d'adopter.
M. Jean-Patrick Courtois.
Il est pourtant bon !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ces propositions comportent trois volets : d'abord, la
définition du concubinage en temps que situation de fait ; ensuite, la
possibilité pour les concubins de passer un contrat pour régler leurs relations
matrimoniales et organiser leur vie commune ; enfin, des dispositions
fiscales.
Pour supprimer toute discrimination dans une situation de fait jusqu'ici
définie par la jurisprudence comme étant la cohabitation stable et durable
entre deux personnes, ayant l'apparence du mariage, et donc entre un homme et
une femme, la commission des lois a prévu de définir le concubinage comme « le
fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par les liens du
mariage ».
Je constate, tout d'abord, que la suppression de la discrimination en
considération du sexe des partenaires n'est pas proposée.
M. Gérard Braun.
Cela ne sert à rien !
M. Jean Chérioux.
Non, en effet !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous savez très bien que ce gouvernement et, au-delà,
l'ensemble des parlementaires de la majorité plurielle ont toujours été opposés
à toute discrimination en considération du sexe, dès lors que le mariage et la
filiation ne sont pas en cause.
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas le problème !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Quant au but poursuivi, nous sommes non seulement
d'accord, mais nous avons toujours été précurseurs
(Murmures sur les travées du RPR.)...
M. Jean Chérioux.
Il n'y a pas de quoi s'en vanter !
M. Henri de Richemont.
Pas précurseurs, destructeurs !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... je le rappelais tout à l'heure en citant M.
Badinter, et c'est le débat sur le PACS qui a conduit à cette prise de
conscience généralisée du caractère intolérable de ces discriminations.
Quant à la forme, je voudrais rappeler que la jurisprudence s'appuie, pour
définir le concubinage, sur des critères objectifs tels que la cohabitation, la
continuité des relations et leur notoriété, trois éléments qui sont absents de
la définition proposée par votre commission des lois.
Mais, indépendamment de cette définition imparfaite, la question essentielle
qui se pose est, à mes yeux, celle des effets que votre commission des lois y
attache.
Certes, votre commission permet, sous réserve - j'y insiste - de l'adoption
d'un amendement visant expressément le refus de la discrimination en raison du
sexe des deux partenaires, au concubin homosexuel de bénéficier des droits du
concubin hétérosexuel. Ce sont des droits en matière sociale, avec la
reconnaissance de la qualité d'ayant droit pour la personne à charge, en
matière de logement, avec le transfert ou la continuité du bail en cas de décès
du locataire ou d'abandon du logement - mais seulement après un an de
cohabitation - ou encore en matière de congés pour cause de décès d'un des
membres du couple.
En revanche, en supprimant le pacte civil de solidarité, votre commission
exclut, alors même que les concubins auraient par convention organisé leur vie
commune, le bénéfice d'un certain nombre de mesures pourtant propres à
faciliter la cohabitation. En effet, il faut se rendre compte - j'y insiste -
que le PACS apporte un plus par rapport à la reconnaissance des droits
aujourd'hui admis pour les concubins !
Il en est ainsi du refus de prendre en compte le concubinage au titre de la
législation sur la mutation géographique des fonctionnaires, de la période des
congés payés, ou encore du bénéfice de l'attribution préférentielle du bien
indivis.
Mais, surtout, en supprimant le pacte civil de solidarité, votre commission
exclut les concubins du bénéfice de la déclaration commune pour l'impôt sur le
revenu, refusant ainsi de reconnaître dans le concubinage un foyer fiscal, et
elle n'accorde à ses membres aucun tarif préférentiel en matière de droits de
mutation à titre gratuit.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, et du
RPR.)
M. Henri de Richemont.
Heureusement ! C'était le but : tout pour la famille.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ainsi, les principales difficultés auxquelles sont
confrontés les couples non mariés et que le drame du sida a révélées,
s'agissant principalement des homosexuels, persisteront. Le concubin
coindivisaire devra quitter le logement et, si l'un des membres du couple veut
faire bénéficier l'autre d'un legs, celui-ci sera taxé comme un étranger,...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Avec un abattement spécifique !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... au taux de 60 %.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est inexact !
M. Henri de Richemont.
Ce n'est pas vrai ! Vous n'avez pas lu le rapport !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que le
PACS apporte en plus par rapport à la reconnaissance du statut de
concubinage.
Votre commission estime pouvoir répondre à ces objections en permettant,
d'abord, au partenaire qui dispose de ressources inférieures au RMI d'être
déclaré à la charge de l'autre pour l'impôt sur le revenu et de faire
bénéficier celui-ci d'une demi-part supplémentaire de quotient familial ; en
instituant, ensuite, un « legs électif » avec abattement de 300 000 francs ; en
relevant, enfin, à 1 million de francs le seuil permettant, en cas de clause de
tontine, de bénéficier des droits de mutation à titre onéreux.
Permettez-moi de le dire, je crois cette démarche mal ciblée. Les droits ainsi
proposés sont insuffisants pour les couples qui s'engagent dans un véritable
projet de vie commune. Ils me semblent, en revanche, injustifiés pour ceux qui,
ayant fait le choix de vivre en union libre, n'entendent pas se soumettre à un
encadrement juridique.
Est-il juste, je vous le demande, que la compagne d'un cadre supérieur qui
reste à la maison pour élever leur enfant unique compte une demi-part alors que
celle qui va travailler et gagne à peine plus que le SMIC ne puisse bénéficier
de l'imposition commune ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Nous pouvons vous donnez des exemples en sens
contraire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Voilà la situation qui serait créée si l'on adoptait la
proposition de votre commission de loi et, moi, je ne souhaite pas que nous
favorisions ce type de situation.
M. Jean Chérioux.
Personne ne les empêche de se marier ! Ainsi, il n'y aura pas d'injustice !
M. Henri Weber.
Mais s'ils ne veulent pas ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme je l'ai déjà indiqué, il ne me paraît ni cohérent
ni juste de traiter pareillement ceux qui manifestent clairement la volonté
d'organiser leur cohabitation dans la durée et ceux qui le ne font pas.
A cet égard, je ne peux que constater que votre commission des lois, après
avoir différencié le concubinage, situation de fait, et le contrat que les
partenaires d'un couple non mariés peuvent passer, n'en tire aucune
conséquence.
Il ne s'agit d'ailleurs pas là de la seule critique qu'appellent les
dispositions proposées en matière contractuelle, car - et c'est pour moi le
plus important - en permettant à des concubins de conclure un contrat pour
régler librement, en tout ou partie, leurs relations patrimoniales et
d'organiser leur vie commune, votre commission n'apporte aucune limite aux
choix susceptibles d'être opérés. Ainsi, si vous suivez votre commission des
lois, vous autoriserez par la loi des concubins, dont l'un pourrait être engagé
par ailleurs dans le mariage, à adopter des dispositifs patrimoniaux non
limités.
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Non !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comment seront réglés les conflits entre cette
convention autorisée par le législateur et les règles des régimes matrimoniaux
?
Je rappelle que le choix de l'organisation de la vie commune est encadré dans
la proposition de loi de l'Assemblée nationale : il n'y a pas de quasi-régime
matrimonial et, sauf disposition contraire de l'acte d'acquisition, les biens
sont présumés soumis au régime de l'indivision. Une femme mariée ne peut
conclure un PACS avec son compagnon.
(Exclamations sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
Quel paradoxe !
(Protestations sur les mêmes travées.)
En refusant le
pacte civil de solidarité au nom de la défense du mariage, votre commission
propose un dispositif qui lui porte indirectement mais clairement atteinte.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est tout à fait faux ! Nous le démontrerons !
M. Hilaire Flandre.
Il ne suffit pas d'affirmer les choses pour qu'elles deviennent vérité !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous aurons tout le débat pour nous expliquer,
rassurez-vous !
M. Jean-Patrick Courtois.
Lisez le rapport !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Reste un dernier aspect que je souhaiterais aborder au
terme de mes propos, celui du dispositif préconisé par votre commission pour
resserrer, et je reprends son expression, « les liens de solidarité ».
Certes, la cohabitation entre collatéraux proches constitue un fait
sociologique suffisamment répandu pour que le droit prenne en compte ces liens
familiaux et tire les conséquences de cette communauté de vie. C'est d'ailleurs
déjà le cas en matière de droit successoral. Aussi m'est-il apparu opportun
qu'une réflexion générale soit entreprise sur l'amélioration de la situation
des frères et soeurs, notamment sur le plan fiscal.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et voilà !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai saisi sur ce point mes collègues des finances et
du budget...
M. Jean-Claude Gaudin.
Alors, nous sommes sauvés !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et il me semble plus sage d'attendre le résultat
des études que nous avons engagées sur cette question pour prendre
définitivement position.
Quoi qu'il en soit, s'agissant des collatéraux proches, frères et soeurs,
oncles ou tantes, neveux et nièces, votre commission propose de prendre en
compte, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, les sommes que l'un verserait
à l'autre à titre alimentaire et qui seraient inférieures au RMI, à la
condition que la déduction n'excède pas l'équivalent d'une demi-part. Elle
prévoit en outre, pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, un
abattement de 150 000 francs pour les legs consentis par l'un au bénéfice de
l'autre en cas de cohabitation d'au moins un an avant le décès.
Permettez-moi de m'étonner à nouveau devant de tels choix.
La proposition de loi sur le pacte civil de solidarité a trait à la vie de
couple et ne constitue pas un support adapté pour discuter de la solidarité
entre collatéraux proches, sauf à obscurcir une question déjà délicate. Je le
redis une nouvelle fois : le pacte civil de solidarité et la famille font
l'objet de deux débats distincts.
J'ajoute que je suis encore plus surprise de voir votre commission étendre
certains dispositifs fiscaux préférentiels, comme le legs électif ou la clause
de tontine, à des personnes que n'unirait aucune parenté, aucun lien affectif
ni même aucune communauté de vie et de résidence. Je ne vois pas en quoi ces
mesures participent d'une législation de solidarité sociale.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas vrai !
M. Henri de Richemont.
Vous n'avez pas lu le rapport !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Parce que cela traite de
l'habitation principale !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nos divergences, vous le constatez, sont grandes. Je le
regrette !
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous aussi !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Toutefois, que de progrès ont été accomplis depuis
l'ouverture de ce débat à l'Assemblée nationale !
M. Henri Weber.
En effet !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Plus personne aujourd'hui ne remet en cause la réalité
du concubinage homosexuel et l'égalité des droits des concubins est affirmée
dès lors que le mariage et la filiation ne sont pas en cause,...
M. Henri Weber.
De la discussion naît la lumière !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... nous discutons seulement de la manière de traduire
en droit cette attente. Je considère qu'il s'agit là d'un acquis considérable
du débat qui a été mené jusqu'ici sur le pacte civil de solidarité.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Je rappelle que le débat sur le pacte civil de solidarité a été l'occasion
d'affirmer des valeurs...
M. Henri de Richemont.
Quelles valeurs ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... aussi fortes que la solidarité et l'engagement dans
la durée.
Ces valeurs doivent trouver leur place dans notre droit au-delà de la simple
reconnaissance de l'union libre. C'est tout le sens de la proposition du
PACS.
Le pacte civil de solidarité ne perturbe pas notre droit, il ne le menace pas,
il ne le déforme pas, il n'en détruit pas les principes.
M. Henri de Richemont.
Il le sape !
M. Louis de Broissia.
Il le mine !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il ouvre une voie supplémentaire dans l'édifice
juridique qui est le nôtre, une voie vers plus de solidarité et de justice.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Assurément,
madame la ministre, j'aurais presque pu signer la première partie de votre
exposé.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
« Presque » !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous nous accordons, en effet, sur le fait de société.
En revanche, nos avis sont totalement opposés...
M. Alain Gournac.
« Totalement » !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... sur l'analyse et sur les conclusions qu'il convient
d'émettre.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Ce n'est pas un scoop !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sur
le pacte civil de solidarité pose en effet de vrais problèmes, mais elle y
apporte de très mauvaises solutions.
Comme vous l'avez dit en introduction de votre exposé, le devoir du
législateur est d'adapter les textes juridiques aux réalités et à l'existence
de certains faits qui comportent des conséquences.
La jurisprudence de la Cour de cassation concernant notamment la transmission
du droit au bail et niant l'existence d'un concubinage devait être changée, car
elle est source de discriminations.
Je regrette cependant que le travail accompli à l'Assemblée nationale découle
d'une proposition de loi et non pas d'un projet de loi : s'il s'était agi d'un
projet de loi, ce texte serait passé par le filtre du Conseil d'Etat,...
M. René-Georges Laurin.
Eh oui !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... lequel aurait sans doute effectué, avec l'intelligence
qu'on lui connaît, des recherches et des études plus approfondies, ce qui n'a
pas été le cas en l'espèce.
Bien sûr, vous nous dites que cette affaire remonte à plus de dix ans, et
chacun sait que le premier inspirateur de ce texte est l'un de nos collègues,
M. Mélenchon. Mais il n'y a pas eu, dans cette affaire, de concertation
préalable, d'études, de statistiques, de chiffrage de l'opération. Quant aux
auditions menées par nos collègues de la commission des lois de l'Assemblée
nationale, elles se sont limitées au strict minimum.
Nous avons tenté de combler ces lacunes en faisant un travail en profondeur.
Notre rapport ne comporte-t-il pas plus de 310 pages ?
Face à cette situation, fallait-il inventer le pacte civil de solidarité, qui
soulève, nous allons le voir, bien plus de problèmes qu'il n'en résout ?
Les choix offerts à la commission des lois et à son rapporteur étaient
simples. Ils étaient au nombre de quatre.
Le premier choix consistait à rejeter purement et simplement le PACS parce
qu'il aurait été en complète contradiction avec les conceptions et les valeurs
que partagerait la majorité sénatoriale.
Mais, vous le savez, quelle que soit la façon de penser de la majorité
sénatoriale, il n'est pas dans la tradition de la Haute Assemblée d'esquiver
les difficultés et d'abandonner son rôle de législateur.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Le deuxième choix était d'approuver le texte tel qu'adopté
par l'Assemblée nationale, le rendant dès lors inamendable et laissant les
députés avec, sur les bras, un texte qui est actuellement, madame la ministre,
totalement inapplicable, source de difficultés presque insurmontables et, il
faut le dire - nous n'avons pas soulevé cet aspect jusqu'à maintenant - quelque
peu contraire à la Constitution.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jacques Peyrat.
Très juste !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Le troisième choix consistait à réécrire complètement le
texte en essayant de le corriger et en tentant, un peu à l'instar du Pr Hauser,
de trouver une solution contractuelle juridiquement acceptable. Mais c'était
alors entrer dans une logique que nous tenterons ultérieurement de démontrer
comme étant inadaptée et perverse.
Le quatrième choix - c'est la solution à laquelle nous nous sommes finalement
attachés - consistait à trouver une solution nouvelle, dynamique et permettant
de résoudre la quasi-totalité des problèmes et des questions posés par
l'Assemblée nationale sans pour autant créer de nouvelles discriminations ou de
nouvelles inégalités.
La proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale est apparue,
après plus de quatre-vingts auditions publiques ou du rapporteur, madame la
ministre, comme indéfendable, inamendable, dangereuse, en un mot,
incorrigible.
Le PACS se présente en effet comme un contrat de droit privé, mais il est
totalement dérogatoire à toutes les règles du droit des contrats en ce qui
concerne le consentement, la capacité, les obligations et les causes de
dénonciation.
Il est totalement dérogatoire également au droit des contrats en ce qui
concerne ses effets. Il crée en effet au profit des cocontractants des droits
et prérogatives exorbitants par rapport aux autres catégories de citoyens : les
concubins, les célibataires, voire, dans certains cas, les gens mariés.
On crée ainsi des discriminations et des inégalités nouvelles, et l'on peut,
précisément, s'interroger sur la constitutionnalité de ces inégalités.
Mais le pacte civil de solidarité - vous l'avez voulu ainsi - n'est pas
seulement un contrat. Tout en voulant se démarquer du mariage, il institue, en
fait, quoi qu'on en dise, un sous-mariage, en recherchant, avec l'inscription
aux greffes, une certaine solennité et en instituant des règles proches du
mariage sur le régime de l'aptitude à contracter, sur l'imposition commune,
voire sur l'attribution préférentielle.
C'est toutefois un sous-mariage masqué et apparemment désexualisé. Le PACS
s'adresse à tous : homosexuels, hétérosexuels, personnes qui veulent vivre
ensemble sans lien sexuel.
Dès lors, toute tentative d'améliorer le texte va se heurter à une double
difficulté insurmontable : soit on se rapproche de plus en plus de
l'institution du mariage et on démontre alors que le PACS est un sous-mariage ;
soit le PACS redevient un contrat comme les autres, mais on ne saurait alors
justifier les avantages dont il est actuellement assorti.
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En fait, il n'y a pas de place, dans notre droit, entre le
concubinage et le mariage, sauf à remettre en cause tout notre système de
droits personnels et familiaux, et ce alors que, vous l'avez dit vous-même,
madame la ministre, on attend les conclusions du groupe de travail dirigé par
Mme Dekeuwer-Defossez pour voir comment évolueront l'ensemble des problèmes du
droit de la famille et de la filiation. Voilà pourquoi il m'apparaît que l'on
n'a pas choisi le bon moment pour adopter ce texte concernant, justement, le
problème de la cohabitation. Sans doute aurait-il fallu attendre les résultats
de la mission.
Venons-en au PACS. Que de difficultés, que de problèmes, que d'insécurités
juridiques !
Un système d'inscription au greffe du tribunal d'instance, d'une réelle
complexité, qui n'est pas financé - aucune étude chiffrée préliminaire sur son
coût et sur son financement n'a été menée - qui ne donne, en fait, madame la
ministre, contrairement à ce que vous avez dit, aucune date certaine, en raison
des délais d'acheminement d'un greffe à un autre des dépôts de déclaration de
PACS, qui ne prévoit pas la publicité à l'égard des tiers, qui n'apporte, en
réalité, aucune garantie quant aux vices du consentement ou quant à la licéité
du contrat.
Un contrat qui, contrairement à ce que vous avez dit, là encore, ne comporte
aucune obligation réelle ; un contrat qui sera à géométrie variable, qui, dans
l'état actuel du texte, n'impose aucun domicile commun, qui instaure un régime
des biens, l'indivision, qui soulève nombre de difficultés d'application et
quantité de risques de contentieux, tout particulièrement en ce qui concerne
ceux qui seront commerçants, exploitants agricoles, artisans ou qui exerceront
une profession libérale ; un contrat qui multiplie les possibilités de fraude
de toutes sortes, sans garantie réelle ni pour les tiers ni pour l'Etat ; un
contrat qui peut favoriser l'enrichissement sans cause, l'évasion fiscale ou le
détournement des droits des héritiers directs.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Enfin, une dénonciation unilatérale qui n'existe évidemment
pas dans le mariage, ni dans le droit général des contrats, et qui ne donnera
pratiquement lieu à aucun dédommagement de la partie lésée, et ce tout
simplement, parce que le PACS ne comporte, pour ses signataires, aucune
obligation.
Je n'insiste pas plus longuement sur le contenu des diverses dispositions.
Tout cela figure dans mon rapport écrit, et j'y reviendrai, en tant que de
besoin, lors de l'examen des amendements.
Le choix que nous avons fait, dès lors, est simple. Seules subsistent, en
dehors des célibataires, deux situations : les gens mariés et les concubins,
alors que le PACS crée quatre situations, à savoir les gens mariés, les «
PACSés », les concubins hétérosexuels et les concubins homosexuels, qui
continueront d'être régis par les règles actuelles découlant de la
jurisprudence de la Cour de cassation.
En outre, nous avons voulu combler quelques lacunes du code civil. Nous avons
d'abord voulu mettre l'article 9 du code civil en conformité avec la convention
européenne des droits de l'homme.
Ensuite, nous avons tout de même souhaité donner une définition du mariage
dans le code civil, qui bizarrement, en effet, n'en contient aucune.
(Rires
et murmures sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
Par conséquent, il était peut-être nécessaire de rappeler, comme l'a dit Mme la
ministre tout à l'heure, le caractère hétérosexuel du mariage.
Enfin, nous avons tenu à donner, dans le code civil, au chapitre des droits de
la personne - car cela concerne la personne - une définition du concubinage qui
permette d'assimiler totalement les couples homosexuels aux couples
hétérosexuels dans ce domaine, et donc d'inverser la jurisprudence de la Cour
de cassation.
Et si jamais la rédaction que nous allons adopter s'avère trop légère, madame
la ministre, nous pourrons toujours, nous fondant sur nos débats, intervenir,
dans l'intérêt de la loi, auprès de la Cour de cassation pour exiger que le
texte que nous avons rédigé soit appliqué dans l'esprit qui a été le nôtre.
Dès lors, les concubins homosexuels et les concubins hétérosexuels
bénéficieront des mêmes droits que ceux que la loi, les règlements ou la
jurisprudence leur ont jusqu'à maintenant accordés, et rien de plus.
Quant aux gens mariés, nous les avons, justement, exclus de ce dispositif pour
éviter les détournements que vous avez évoqués
in fine
. La crainte que
vous avez manifestée est donc sans fondement, les amendements que nous avons
adoptés permettant de régler le problème.
S'agissant des avantages fiscaux et financiers, nous avons voulu, là encore,
éviter toute discrimination, toute inégalité.
J'ai démontré, tout à l'heure, que les PACSés n'ont aucune obligation
spécifique. La seule obligation imposée par la loi est l'aide mutuelle
matérielle. Quelle en est la portée ? Nulle !
Qu'il y ait solidarité des dettes à l'égard des tiers, soit ! Mais à condition
que les tiers sachent l'existence de ce PACS. Or, ils ne le connaissent pas.
Vous avez dit qu'il y avait une sécurité en ce qui concerne la dénonciation du
PACS, qui est conçu pour la durée. Je me demande comment on peut concevoir un
contrat sur la durée quand ce contrat peut être dénoncé à tout moment !
Vous avez dit aussi qu'il y avait le préavis par exploit d'huissier. A cet
égard, permettez-moi de faire un peu d'humour.
Où va-t-on envoyer l'exploit d'huissier lorsque celui qui était lié à vous par
un PACS avec vous a quitté le domicile commun ? A son dernier domicile connu,
c'est-à-dire chez vous !
(Rires sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Il ne sera donc pas possible de le joindre, il aura disparu. Ainsi,
on va lancer un exploit d'huissier qui n'aboutira nulle part.
Dans ces conditions, quelqu'un aura dénoncé le PACS et l'autre ne le saura
pas, sauf pour lui à consulter le greffe du tribunal de son lieu de naissance.
Mais avouez que ce n'est pas donné à tout le monde d'aller consulter tous les
jours le greffe du tribunal de son lieu de naissance !
(Sourires sur les
mêmes travées.)
Je ferme cette parenthèse teintée d'humour.
Les avantages fiscaux, nous avons donc voulu, pour éviter toute
discrimination, toute inégalité, que tous nos concitoyens puissent en
bénéficier.
Je n'insiste pas plus longuement sur ce point, M. le rapporteur pour avis de
la commission des finances devant expliquer l'armature des propositions qui
émanent de sa commission.
A ce propos, je veux saluer l'excellente et amicale coordination entre nos
deux commissions sur ce texte.
En conclusion, madame la ministre, je pense que la commission des lois et la
commission des finances du Sénat ont accompli un travail constructif,
juridiquement incontestable, sans porter, à l'égard de qui que ce soit, le
moindre jugement moral,...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... sans s'occuper, car cela ne concerne pas le législateur,
de ce qui relève exclusivement des choix de la vie privée.
Nous avons, avec le texte que nous présentons aujourd'hui, tenté de régler
tous les problèmes, réels, qui avaient été soulevés lors du débat à l'Assemblée
nationale et qui entraînaient des discriminations et des inégalités.
Nous n'avons pas, comme l'Assemblée nationale, créé une monstruosité juridique
qui ne peut trouver sa place entre l'institution républicaine du mariage et le
droit général des contrats.
Permettez-moi, madame la ministre, d'achever mon intervention en vous disant
qu'il y a - on a beaucoup utilisé ce terme au cours des semaines qui viennent
de s'écouler - deux façons d'être « ringard ».
La première, c'est de ne rien vouloir changer, par peur du changement ; la
seconde, la plus générale quand on utilise le terme de « ringardise », c'est de
proposer des solutions tellement inadaptées que le changement va se révéler
impossible.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Dominique Braye.
Les ringards ne sont pas ceux qu'on croit !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Dans cette affaire, la modernité, pour une fois, se trouve au
Sénat,...
Plusieurs sénateurs du RPR.
Pourquoi « pour une fois » ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et la ringardise ailleurs.
(Vifs applaudissements sur
les mêmes travées.)
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Estier.
Et représentant de la modernité !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur Estier, ne lancez pas
l'anathème avant d'avoir entendu ; ce serait un mauvais exemple que vous
donneriez !
(Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la
commission des finances ne pouvait manifestement rester absente de ce débat, et
ce au moins pour deux raisons.
En premier lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale transforme
considérablement la fiscalité des personnes, notamment en ce que l'on opère une
extension importante de l'imposition commune et en ce que l'on accroît très
sensiblement le champ d'application du quotient familial.
En second lieu, la commission des finances, gardienne des équilibres de nos
finances publiques, ne peut pas ne pas constater que ce dispositif est
apparemment très coûteux, et observer que les deux assemblées du Parlement ne
disposent d'aucune vraie évaluation.
Nous avons travaillé sur ce sujet, nous y reviendrons certainement dans le
cours du débat, mais je me pose véritablement la question, madame le ministre,
de la conformité de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale à
l'ordonnance organique sur les lois de finances qui dispose, au quatrième
alinéa de son article 1er : « Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou
réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne
peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces
charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions
fixées par la présence ordonnance. »
Nous en sommes bien loin, et nous le montrerons tout au long de ce débat.
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Mais la commission des finances, comme la
commission des lois, saluant l'excellente et amicale atmosphère qui a présidé à
nos travaux communs, a abordé le sujet dont il s'agit sans aucun
a priori,
ni moral ni idéologique. Le seul parti pris que nous revendiquions, au même
titre que nos collègues de la commission des lois, c'est celui du réalisme.
Les uns et les autres, nous avons des convictions morales, religieuses, qui
peuvent être diverses et qui nous différencient à l'extérieur de cet hémicycle,
mais la commission des finances comme la commission des lois ont considéré une
nouvelle fois que, dans la République où nous vivons, République reposant sur
le principe de l'universalisme, République laïque, l'Etat n'a pas « à soulever
le toit de la maison » pour savoir comment on y vit !
Nous avons voulu respecter cette vision traditionnelle de la République et
nous inscrire dans le réalisme en veillant à respecter toutes les prises de
position, notamment de caractère moral ou religieux, qui n'ont pas lieu
d'interférer directement sur nos travaux, mais que nous nous devons d'écouter
avec une grande attention.
Ce parti pris de réalisme, comment s'exprime-t-il ou, plus exactement, sur
quels éléments porte-t-il ?
En premier lieu, les moeurs étant ce qu'elles sont, nous observons aujourd'hui
que la famille est à géométrie variable, qu'elle n'est plus ce qu'elle était
autrefois. Nous pouvons, selon nos orientations, le déplorer ou nous en
réjouir, mais c'est un fait.
Néanmoins, la famille, en tant que réalité sociale, en tant qu'institution,
nous semble avoir, dans la société actuelle, une responsabilité sociale
croissante. Notre société a de plus en plus besoin de solidarité, notre société
est divisée en un nombre de plus en plus grand d'individualismes, elle est
traversée de tensions, elle rencontre de nombreux risques et la famille est un
élément fondamental de réduction de ces tensions et de ces risques par
l'exercice de solidarités naturelles, qui sont les premières.
En deuxième lieu, ce réalisme nous conduit à observer que, jusqu'ici, d'une
manière ou d'une autre, le droit fiscal de la famille s'est déterminé à partir
du critère de l'intérêt social, c'est-à-dire de l'intérêt des enfants. C'est à
partir de là que notre édifice législatif, certes composite, s'est construit
et, au nom du réalisme, notre commission des finances doit se placer dans cette
logique.
De quoi ont besoin les enfants ? Ils ont besoin, d'abord, d'un cadre stable.
Ils ont besoin d'affection, de sécurité. Il leur faut être guidés, orientés. Et
si l'Etat a une mission, c'est bien de leur permettre d'accéder à l'égalité des
chances.
Pour ce faire, il nous semble, au nom du réalisme, que nous devons privilégier
les liens naturels, équilibrés, durables, pérennes, qui sont de nature à
assurer l'épanouissement des enfants dans la société d'aujourd'hui.
(M.
Machet applaudit.)
Le réalisme conduit à observer que notre société compte aujourd'hui cinq fois
plus de couples mariés que d'autres. Il convient, mes chers collègues, de
prendre garde à ne pas oublier cet élément. Il ne faudrait pas que, par une
sorte de déformation médiatique et parce que les couples heureux n'ont pas
d'histoire, l'on cesse de considérer le mariage comme un modèle de référence ;
il ne faudrait pas que l'on se détourne des valeurs de fidélité et d'entraide
qui le sous-tendent et que notre société a aujourd'hui le plus grand intérêt à
préserver et à mettre en valeur.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et sur certaines
travées de l'Union centriste.)
Enfin, mes chers collègues, toujours au nom du réalisme, nous
reconnaissons ce qui est. Nous savons qu'il existe d'autres situations de fait
que le mariage, qu'elles ne peuvent pas être ignorées et que les intérêts
légitimes des personnes placées dans ces situations doivent être pris en compte
par le législateur. C'est ce à quoi nous nous sommes employés par les
propositions qui sont formulées et sur lesquelles la Haute Assemblée aura à se
prononcer.
Ainsi, madame le ministre, et toujours avec ce seul parti pris du réalisme que
nous revendiquons, nous observons - et la commission des finances a une analyse
strictement conforme à celle de la commission des lois - que le PACS est à la
fois inopportun, inutile et dangereux.
Ce pacte est inopportun car il introduit une confusion des valeurs, notamment
en ce qu'il aboutit à nier
de facto
, que vous le vouliez ou non, la
fonction centrale du mariage dans la société.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
M. Gélard en a fait la démonstration de manière
très argumentée. Quelles que soient les précautions oratoires que vous prenez,
madame le ministre, ce pacte est ou sera un sous-mariage.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Ce pacte est inopportun car il conduit à des
situations juridiques confuses, parfois inacceptables, liées à la faculté de
renvoyer le partenaire à tout moment. C'est la répudiation qui vous inspirait
tout à l'heure, par avance, madame le ministre, une réponse qui ne peut pas
nous paraître convaincante.
Enfin, le pacte est inopportun car il n'est pas porteur d'équité.
De notre point de vue, je parle au nom de la commission des finances, il offre
en effet de multiples possibilités d'optimisation fiscale. Mais nous
reviendrons sur ce point au cours de la discussion des articles.
(Mme Borvo
proteste.)
Je voudrais que nos collègues, avec objectivité, lisent les développements
consacrés à ce point aux pages 20 à 23 du rapport que j'ai eu l'honneur de
déposer et regardent le tableau faisant apparaître les avantages fiscaux
correspondant aux mesures votées à l'Assemblée nationale pour un couple avec un
seul revenu et sans enfant.
Madame le ministre, est-il équitable qu'avec un revenu net de 500 000 francs
on puisse bénéficier d'un avantage grâce à l'imposition commune et au jeu
conjugué de la décote de 56 524 francs ? A qui ferez-vous croire, madame le
ministre, que cette dérive qui est permise par votre texte...
M. Michel Caldaguès.
Encouragée !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... correspond à une vision d'équité et de
solidarité ? Que vous le vouliez ou non, il faudra corriger cet aspect du
texte, madame le ministre...
M. Jean Chéroux.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... d'autant que nous savons bien, au sein de la
commission des finances, avec quel soin, parfois excessif, le Gouvernement et
votre collègue M. Christian Sautter s'efforcent de pourchasser toutes les plus
petites niches d'optimisation.
M. Jean Chérioux.
Là, c'est pour la gauche caviar !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Quant à l'inutilité de ce PACS, je n'insisterai
pas, mais je répondrai à la suite de M. Patrice Gélard qu'il laisse de côté, et
pour ainsi dire hors-la-loi, tous les couples en union libre qui refuseront le
formalisme du pacte comme ils refusent, à tort ou à raison - mais c'est leur
affaire ! - le formalisme du mariage.
Mme Nicole Borvo.
C'est leur affaire !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Enfin, la plupart des avantages proposés par le
PACS peuvent, de notre point de vue - et nous pensons pouvoir le démontrer dans
le débat - être apportés par des aménagements ponctuels de notre
législation.
Enfin, madame le ministre, le pacte est dangereux car, pas plus qu'on ne fait
de la bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait de bonnes lois avec
de bonnes intentions.
Nous ne suspectons pas vos intentions...
Mme Nicole Borvo.
Nous sommes rassurés !
M. Philippe Marini,
raporteur pour avis.
... mais nous constatons que ce texte est marqué,
inéluctablement, fatalement, d'un signe moins : c'est moins d'engagement, moins
de contrainte, moins de protection.
Pour notre part, nous inscrivant dans une autre démarche, nous proposons un
certain nombre de mesures concrètes qui vont dans le sens de plus de liberté,
plus de solidarité et plus de simplicité.
La simplicité, notre législation en a bien besoin. Or, si l'on voulait tenir
compte de toutes les objections, qui étaient très justifiées, de notre
commission des lois et en se fondant sur le texte voté à l'Assemblée nationale,
on assisterait à la création d'une véritable « usine à gaz » juridique, qui ne
perdrait pas son caractère de « sous-mariage » et qui ne répondrait pas, loin
s'en faut, à tous les problèmes posés.
En ce qui nous concerne, pendant que la commission des lois réfléchissait à
des retouches au code civil, nous avons donc tâché de travailler les
dispositions de notre compétence, c'est-à-dire d'envisager des retouches au
code général des impôts.
Nous l'avons fait en voulant respecter la vie privée, en affirmant le droit
des citoyens à disposer, dans le respect du code civil, d'une fraction de leurs
biens pour en faire profiter une personne de leur choix. Nous l'avons fait
aussi pour encourager toutes les formes de solidarité, notamment en prévoyant
la possibilité de rattachement au foyer fiscal d'une personne sans ressources,
indépendamment des liens de parenté. Nous l'avons fait, enfin, en préconisant
une meilleure prise en compte sur le plan fiscal de l'aide que les parents
apportent aux jeunes générations et, plus généralement, une meilleure prise en
compte des besoins des familles.
C'est ce qui nous a conduits, mes chers collègues, aux différentes
propositions qui sont résumées en tête du rapport de la commission des
finances, propositions qui tiennent compte de l'évolution des moeurs et de la
société d'aujourd'hui.
Cette société est une société où l'on a de plus en plus besoin de solidarité.
Nous voulons que ces nouveaux besoins de solidarité soient pris en compte par
la législation fiscale. Qu'est-ce que cela signifie pour nous en matière
d'impôt sur le revenu ?
Nous souhaitons un abattement général de 25 000 francs pour toute personne
majeure à faibles ressources, accueillie au foyer du contribuable. C'est
inciter à la solidarité privée et, pour nous, la solidarité privée est plus
importante que la solidarité d'Etat, organisée de l'extérieur et d'en haut.
Nous proposons également une possibilité de déduction d'une pension
alimentaire pour les collatéraux à faibles ressources - frère, soeur, oncle,
tante, nièce, neveu - dans la limite, là aussi, de 25 000 francs, afin de tenir
compte, ce qui nous paraît important, de l'existence des fratries.
Le second domaine de nos propositions concerne les droits de mutation.
Oui, nous sommes favorables à un abattement de 250 000 francs pour une seule
personne, indépendamment de tout lien familial, car nous voulons reconnaître un
espace de liberté testamentaire dans les limites du code civil et là où le
barème actuel des droits de succession est proprement prohibitif et
spoliateur.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Et voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
En matière de droits de mutation, nous avons en
outre retrouvé ce vieux régime juridique de la tontine, ou de l'acquisition en
commun de la résidence principale, que vous avez, madame le ministre, abordé, à
notre avis, un peu vite tout à l'heure. Mais nous en reparlerons. Nous estimons
que c'est une bonne solution - elle a d'ailleurs fait ses preuves - pour
permettre la transmission d'une résidence principale sans appliquer le tarif
des droits de mutation à titre gratuit, du moins à concurrence d'une franchise
de 750 000 francs.
M. Jacques Mahéas.
Les droits, c'est nous qui les avons baissés !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Enfin, pour bien marquer notre intention d'intégrer
toutes ces mesures dans une politique de la famille - que, certes, nous ne
concevons pas comme vous ! - nous avons ajouté deux dispositions.
Nous voudrions - cela nous semble relever du simple bon sens - que soient pris
en compte parmi les personnes rattachables au foyer fiscal d'un contribuable
les enfants à la recherche d'un emploi, au même titre que les enfants étudiants
des mêmes âges.
M. Jean Chérioux.
Voilà qui est social !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur pour avis, s'il vous plaît, rapprochez-vous de votre
conclusion, parce que vous avez déjà largement dépassé le temps du rapporteur
au fond !
M. Alain Gournac.
Mais c'est très intéressant !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je vous remercie de me le rappeler, monsieur le
président. Je conclus donc.
En matière de fiscalité de la famille, nous espérons qu'une unanimité ou du
moins un large consensus se fera sur nos propositions.
Madame le ministre, nous avons vraiment la conviction que, s'il y a des
approches doctrinales sur ce dossier du pacte civil de solidarité, elles ne
sont pas de notre côté,...
M. Alain Gournac.
Oh non !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
... elles sont du vôtre !
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Nous avons vraiment eu le sentiment que la manière
de présenter les choses a été conditionnée par de petits groupes de pression et
que l'on a incité l'Assemblée nationale à légiférer sous la contrainte
médiatique, en quelque sorte, de ces groupes.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Louis de Broissia.
La contrainte d'intégristes !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il est de notre honneur, de l'honneur des
parlementaires que nous sommes, de regarder les choses au fond et de trouver
des solutions réalistes, sans nous laisser impressionner par quelque
conditionnement que ce soit. C'est le voeu que je forme au nom de la commission
des finances.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Madame le
garde des sceaux, vous êtes déjà parfaitement éclairée sur les raisons
profondes, qui vous ont été exposées de manière remarquable par nos amis
Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois, et Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, pour lesquelles nous avons
jugé que le PACS était inacceptable.
Vous avez compris également qu'il n'était pas question pour nous d'adopter une
attitude négative.
Mme Hélène Luc.
Elle n'est pas très positive !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous vous êtes félicitée d'une
certaine évolution que vous auriez constatée dans les opinions et les états
d'esprit qui auraient présidé à ce débat. Vous pouvez vous en féliciter, mais
vous ne devez pas vous étonner de l'attitude du Sénat.
En effet, notre rôle - celui que nous entendons remplir, que nous savons
remplir - consiste à considérer ce qui est, ce qui doit être fait, ce qui peut
être fait, tout en conservant pour l'essentiel les institutions et les valeurs
auxquelles nous sommes attachés.
Le débat que nous venons de commencer aurait pu être singulièrement difficile.
Il l'eût effectivement été si nous l'avions abordé dans le climat qui a présidé
à l'élaboration de ce texte à l'Assemblée nationale, où les passions se sont
déchaînées de part et d'autre, où des absentéismes inattendus se sont
manifestés lors de la première délibération. S'agit-il d'actes manqués ? Je ne
sais si nous pouvons les qualifier ainsi.
Il l'eût aussi été si nous avions abordé ce débat comme un débat politique,
si nous avions accepté de nous laisser entraîner par l'enchaînement des
passions auxquelles on peut sans doute légitimement céder dans certaines
circonstances. Mais rien n'aurait entamé notre volonté de ne pas aborder ce
débat de cette façon, même le degré préoccupant que les passions peuvent
atteindre dans certains cas, lorsque l'on voit le représentant d'une
association, dont nul n'a jamais contesté le droit à une expression normale, en
venir à menacer publiquement un parlementaire...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Drôles de pressions !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... de dénoncer son comportement
sexuel. C'est une attitude intolérable !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Terroriste !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Nous avons même lu cette menace dans
la presse, et elle n'est sans doute que le résultat de ces pressions de tous
ordres auxquelles l'Assemblée nationale - et cela a été largement et très
utilement rappelé - du fait d'une minorité qui s'est qualifiée d'agissante, a
été soumise pour parvenir au résultat que nous savons.
Pour nous éloigner de ce climat, pour parvenir à un jugement qui ne soit pas
inspiré par des considérations d'ordre strictement politique, il a suffi aux
deux commissions du Sénat de s'en tenir à ce qui constitue leur attitude
habituelle.
Nos démarches ont donc obéi à trois obligations, et nous nous sommes efforcés,
dans le même temps, de satisfaire à trois devoirs qui s'imposaient à nous : un
devoir d'écoute, un devoir de réalisme et un devoir de stabilité juridique.
En ce qui concerne tout d'abord le devoir d'écoute, il a été procédé à plus de
quatre-vingts auditions publiques, au sein de la commission ou effectuées par
nos rapporteurs, au contraire de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, où
il n'y en a eu aucune en commission.
Nous avons entendu des déclarations successives ; nous avons ressenti des
aspirations contradictoires, mais nous avions comme préoccupation fondamentale
- encore une fois, c'est notre climat de travail habituel - de les tenir toutes
pour également respectables.
Quelques-unes de ces demandes et aspirations, exprimées toujours avec une
sincérité évidente et auxquelles nous ne pouvions rester insensibles, ont
peut-être provoqué chez certains d'entre nous une certaine évolution de la
conception qu'ils avaient des problèmes posés.
S'agissant du devoir de réalisme, nous avons pris en compte la structure de la
société, son évolution. Nous savons bien que les unions libres sont plus
nombreuses qu'autrefois. Mais encore faudrait-il se livrer à une analyse plus
fine que celle qui consiste à fournir des chiffres représentant de grandes
masses pour comprendre véritablement le principe et la pérennité de l'union
libre.
Nous savons aussi que les enfants nés hors mariage sont plus nombreux
qu'autrefois.
M. Jacques Mahéas.
Ils sont 40 % !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mais, en analysant plus finement ce
chiffre, nous nous apercevons que ce sont très souvent les premiers enfants qui
sont nés dans ces conditions, beaucoup moins souvent les deuxièmes et très
rarement les troisièmes. Il faut donc, sous les chiffres bruts, s'efforcer de
saisir la réalité.
Par contrecoup, on peut toujours considérer que, si 2 millions de personnes
vivent en concubinage, le reste de la population se marie et que le mariage -
nous l'avons dit et j'y reviendrai - reste donc une institution fondamentale de
notre société.
Enfin, il faut en parler - c'est une évolution - des hommes et des femmes
n'hésitent plus à dire ce qu'est leur partenariat fondé sur une relation
homosexuelle : ce choix ne relève que du droit de chacun. Nous n'avons jamais
eu l'intention - pour ma part, je ne l'accepterai pas et la très grande
majorité de la commission ne l'a pas accepté non plus - de porter sur ces
comportements un jugement d'ordre moral. Nous nous le sommes même strictement
interdit : ce n'est pas l'affaire du législateur, cela ne relève pas du domaine
de la loi.
Toutefois, constater une évolution ne signifie pas que celle-ci doit être
encouragée. Elle doit peut-être être reconnue, et des conséquences peuvent en
être tirées dès lors qu'elles obéissent aux principes généraux de notre
droit.
M Jacques Mahéas.
Il faut légiférer.
M. Jacques Larché.,
président de la commission des lois.
Il reste l'essentiel, la famille,
dont nous avons dit et dont nous entendons redire, chaque fois que ce sera
nécessaire, qu'elle constitue un fondement essentiel de notre organisation
sociale.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Plus notre société se trouve en
situation de trouble, plus elle rencontre, en matière de comportements
individuels, des difficultés de tous ordres et, nous le savons, plus la famille
primaire, ou quelquefois ce que l'on appelle la famille recomposée, constitue
un lieu de paix, un lieu de refuge, dans tous les cas, une situation de droit à
laquelle nous n'entendons en aucune manière qu'il soit porté atteinte.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.).
Enfin, s'agissant du devoir de stabilité juridique, nous avons pleine
conscience de ce que doit être un ordre juridique. La règle de droit est faite
pour aider la société à vivre, mais elle peut y parvenir sans pour autant
porter directement ou indirectement atteinte aux institutions qui assurent,
précisément, la pérennité de l'ordre social auquel nous sommes attachés.
Dans cet ordre d'idée, le PACS nous est apparu à tout le moins juridiquement
inapplicable et, sous forme de boutade, mon excellent ami Patrice Gélard a dit
que la plus mauvaise plaisanterie que l'on aurait pu faire à l'Assemblée
nationale et au Gouvernement eût été de voter ce texte en termes conformes et
de le livrer à la pâture des avocats, qui, sur le ton de la plaisanterie
également, nous ont indiqué qu'ils voyaient là quelques sources de contentieux
qu'ils accueilleraient avec un certain plaisir.
M. Jean Chérioux.
Et les notaires !
M. Alain Lambert.
Moins !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'en prends note
!
(Sourires.)
Tous les juristes que nous avons auditionnés, quelle que soit la catégorie
qu'ils représentent nous ont affirmé que ce texte à tout le moins le moins les
plongeait - la formule est élégante - dans une perplixité profonde.
Je m'étonne simplement au passage que l'Assemblée nationale, à laquelle, je
l'espère, les conseils de la Chancellerie n'ont pas manqué, ne se soit pas
aperçue, quoi que vous en ayez dit, madame, que le droit de l'indivision, qui
est minutieusement décrit par seize articles du code civil, est, dans la
plupart des cas, strictement inapplicable à l'indivision telle qu'elle est
envisagée par le PACS.
De telles contradictions ont conduit certains de nos collègues, de quelque
tendance qu'ils soient, à estimer - et nous partageons leur sentiment - qu'il
était pour le moins regrettable que le projet du Gouvernement soit, j'hésite à
employer ce terme, mais je le dis quand même, « camouflé » derrière une
proposition de loi à la rédaction de laquelle, nous le savons bien, il a
participé activement, et ce pour éviter et le passage devant le Conseil d'Etat,
dont on peut espérer que, pour une fois, il aurait donné un avis pertinent, et
le passage en conseil des ministres, ce qui aurait peut-être permis à toutes
les autorités de l'Etat de faire connaître leur sentiment sur un texte qui ne
mérite pas, malheureusement, une telle attention.
Le PACS nous est apparu comme une mesure contestable. Il n'y a dans notre
esprit et il ne doit y avoir dans l'esprit de quiconque la moindre ambiguïté :
nous ne voulons pas du PACS tel qu'il a été établi par l'Assemblée nationale et
tel que vous semblez, madame, vouloir le défendre. On vous a dit qu'il était
inamendable. Vous le savez bien d'ailleurs. Vous l'emporterez sans doute en
dernière lecture mais, au moins, l'opinion publique saura que, sans parti pris,
sans la moindre objection de principe, sans la moindre référence à une morale
qui n'a pas sa place dans un tel débat, le Sénat a entendu, et c'est son rôle,
mettre la société en garde...
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... contre une évolution qui
comporte en elle des risques et des dangers qui ont été parfaitement
exposés.
Il eût peut-être été plus simple, aux yeux de certains, de rejeter purement et
simplement le PACS.
On aurait pu emprunter à Staline la formule dont il s'est servi pour dire que
la NEP était terminée : « Au diable la NEP ! » Nous aurions pu dire, nous : «
Au diable le PACS ! ».
Nous avons décidé d'agir différemment car, si nous nous en étions tenus à
cette orientation, nous n'aurions pas rempli notre rôle de législateur.
Notre réflexion s'est orientée vers la recherche de solutions à des problèmes
concrets qui, indubitablement, se posent.
Ces problèmes quotidiens que peuvent rencontrer des hommes et des femmes, nous
nous sommes efforcés de les résoudre, et nous les avons résolus, grâce à ce
travail conjoint de la commission des lois et de la commission des finances, au
nom de principes et d'exigences auxquels nous demeurons attachés.
Ces principes, quels sont-ils ? Ils sont simples. Il s'agit de respecter la
liberté, d'établir les bases d'une solidarité et de se refuser enfin à toute
discrimination qui obéirait à des conceptions qui n'ont rien à voir dans notre
débat.
La liberté : chacun, s'il respecte la loi - et nous le disons de la manière la
plus explicite - peut vivre comme il l'entend et a droit au respect de tous
quant à la vie qu'il a choisie.
La solidarité ensuite : une vie commune entraîne des devoirs mutuels pour ceux
qui la mènent ensemble. Mais, là encore, c'est l'idée de liberté qui l'emporte,
puisque la relation qui s'établit ne découle pas d'une institution dont on
accepterait les règles.
Ceux qui font ce choix déterminent des obligations qui découlent de leur vie
commune.
La non-discrimination enfin : notre société doit se refuser à juger, à
imposer, à créer des règles spécifiques qui correspondraient à tel ou tel
comportement. Ce que nous déciderons, nous le déciderons pour tous, quels que
soient les choix personnels effectués.
Ces principes expliquent et éclairent, je crois, les choix que nous
proposons.
Pour parvenir à ce résultat, certains d'entre nous, quelles que soient les
travées sur lesquelles ils siègent, ont dû faire un effort. Est-il possible de
le constater et de s'interdire des propositions extrêmes qui ne
correspondraient à aucune nécessité ?
La qualité des rapports qui ont été présentés et qui ont été longuement et
honnêtement délibérés au sein de la commission des lois a puissamment concouru
à l'acceptation de ce qui est proposé.
Il n'est pas nécessaire de revenir en cet instant sur ce qui a été
parfaitement exposé par M. Patrice Gélard et par M. Philippe Marini. La
non-acceptation du PACS, pour nous, se double d'une attitude positive. Le
problème de la vie commune, quels que soient ceux qui vivent ensemble, se pose
nous proposons des solutions concrètes pour le résoudre.
Une fois de plus, et c'est notre honneur, le Sénat aura démontré qu'il est
capable, au-delà des exigences de tout genre, sans exclusive et dans la clarté
de ce qu'il choisit, de proposer les règles dont notre société a besoin pour se
maintenir, pour vivre et pour évoluer.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne veux pas laisser se poursuivre le débat sans
réagir à une remarque de M. le président de la commission. Nous savons qu'il y
a un désaccord profond sur le fond entre le Gouvernement,...
M. Alain Gournac.
C'est certain !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... qui défend la proposition de loi de l'Assemblée
nationale, et MM. Gélard, Marini et Larché.
Je ne répéterai pas ce que j'ai dit dans mon exposé mais je ne peux laisser
passer les propos qu'a tenus M. Jacques Larché sur ce qui aurait motivé le
choix fait par le Gouvernement d'accepter la proposition de loi présentée par
l'Assemblée nationale.
Selon M. Jacques Larché, le Gouvernement aurait « camouflé » ses intentions en
acceptant cette proposition de loi pour éviter un passage en Conseil d'Etat et
en conseil des ministres.
C'est faux, c'est un procès d'intention que je ne peux pas accepter.
Si le Gouvernement a accepté la proposition de loi de l'Assemblée nationale,
c'est parce que ce texte, en vérité, est issu d'une longue histoire
parlementaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Depuis dix ans, plusieurs propositions de loi sur le
même sujet ont été déposées, soit dans cette assemblée, soit à l'Assemblée
nationale,...
Mme Nicole Borvo.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... en provenance de tous les groupes de la majorité
plurielle, si mes souvenirs sont exacts : groupe socialiste, groupe communiste,
groupe Radical, Citoyen et Vert.
Il est apparu au Gouvernement qu'il n'était pas séant de faire abstraction de
cette histoire parlementaire et qu'il n'y avait aucune raison de penser
a
priori
qu'un texte d'origine parlementaire serait nécessairement mauvais,
mal rédigé. Au contraire, le Gouvernement a voulu témoigner sa confiance dans
l'iniative parlementaire.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Je veux bien convenir que ce texte - comme d'ailleurs la plupart de ceux qui
viennent en examen, même après leur passage devant le Conseil d'Etat et en
conseil des ministres - recèle quelques imperfections, qui pourront d'ailleurs
être corrigées. Le débat parlementaire est, là encore, utile, et j'ai dit que
je n'étais bien évidemment pas opposée aux améliorations de nature technique
qui pouvaient être apportées. J'ai moi-même plusieurs propositions à formuler
en ce sens.
En tout cas, je ne peux pas accepter que l'on fasse au Gouvernement un tel
procès d'intention, je tenais à le dire.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Madame le garde des sceaux, il ne
s'agit aucunement d'un procès d'intention, je n'ai fait qu'une simple
constatation.
M. Jacques Mahéas.
C'est une intention de procès !
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je n'ai fait que constater une
évidence, que vous ne voulez pas reconnaître.
Vous êtes vraiment très indulgente quand vous dites, sans vouloir bien sûr
critiquer un travail d'origine parlementaire, que le texte qui nous vient de
l'Assemblée nationale comporte quelques imperfections.
(M. Gournac s'exclame.)
Nous sommes en face d'une copie à laquelle je ne donnerai pas la note
qu'elle mérite,...
M. Josselin de Rohan.
Zéro !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Non, je ne dirai pas cela ! Je
l'assortirai de l'annotation : « Peut mieux faire ».
Vous savez très bien que, devant certaines difficultés, il a fallu remonter
rue de Varenne, que des réunions se sont tenues, sous l'égide du secrétaire
général du Gouvernement, ...
M. Alain Gournac.
Tiens, tiens !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... et que le texte qui avait été,
je ne dirai pas « refusé », mais qui avait fait l'objet d'un comportement
curieux, au cours d'une première lecture, de la part de nos collègues de
l'Assemblée nationale, a dû être repris en main.
Vous l'avez donc repris en main un peu tard. Vous n'avez pas voulu changer la
proposition en projet. Cela est bien commode pour vous ; pour nous aussi
d'ailleurs, car si nous était venu du Conseil d'Etat un texte dans un meilleur
état que celui qui nous est présenté actuellement, nous aurions peut-être été
gênés pour formuler nos critiques.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le garde des
sceaux, mes chers collègues, Carmen chante, avec Bizet :
« L'amour est enfant de bohème.
« Il n'a jamais connu de loi... »
Ce n'est pas le PACS qui lui donnera l'envie d'en connaître !
(Sourires.)
Le président Jacques Larché l'a indiqué, l'immense majorité des juristes
s'accorde pour dénoncer l'absence de qualité du texte.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Alain Gournac.
Exactement !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Certains parlent de
dégénérescence législative, d'autres d'hypocrisie,...
M. Jean Chérioux.
De tartufferie !
M. René-Pierre Signé.
Un peu de modération !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et vous avez vous-même
utilisé le mot, madame la ministre, d'autres encore de dangerosité
juridique.
M. Jacques Peyrat.
De médiocrité !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Le président Larché l'a dit
aussi, ce texte a sans doute soulevé trop de passions. Or les passions sont peu
propices à la sérénité du débat, sérénité à laquelle le Sénat, lui, ne manque
jamais.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Ce sont surtout des désaccords !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mais ce texte réussit tout de
même un tour de force, celui de ne convenir à personne !
Il n'offre pas aux homosexuels le statut qu'ils revendiquent, et il en propose
un aux hétérosexuels, qui n'en demandent pas !
(Rires sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
En vérité, nous ne savons pas trop comment qualifier ce dispositif, mais
en vous écoutant tout à l'heure, monsieur le président de la commission des
lois, je me disais que le vocable qui lui convenait le mieux, c'était celui d'«
anomalie ». Oui, au fond, le PACS est une anomalie !
(Nouveaux rires sur les
mêmes travées.)
Cela tient sans doute à sa genèse étrange. En effet, comment ne pas s'étonner
de l'absence d'un projet de loi qui aurait exprimé clairement les valeurs du
Gouvernement ? Et j'ai aimé ce passage de votre intervention, madame le garde
des sceaux, car le Sénat souhaite les entendre.
De plus, un texte présenté par le Gouvernement aurait bénéficié de l'utile
apport technique du Conseil d'Etat.
Il ne s'agit pas de vous faire un procès d'intention, madame le garde des
sceaux, mais il ressort simplement de la procédure suivie une impression
d'improvisation législative dans une matière où, soyons francs, elle n'est
absolument pas permise.
(Très bien ! sur les mêmes travées.)
Je souhaite, pour ma part, saisir l'opportunité de cette discussion générale
pour dire que la gravité mais aussi la complexité du sujet méritent que nous
l'abordions en fuyant toute hypocrisie, comme vous nous y avez invités, madame
le garde des sceaux, et en faisant preuve d'humilité.
Fuir l'hypocrisie, c'est d'abord marquer notre distance, notre indépendance
vis-à-vis de tous les conformismes.
M. Gélard a parlé tout à l'heure de « ringardise ». J'évoquerai, pour ma part,
le « conformisme traditionnel » qui est parfois tenté d'ignorer la réalité et
le tragique de certaines situations. Face à ce conformisme traditionnel, on
peut rappeler que l'amour, la fidélité, le secours, l'assistance, l'éducation
des enfants sont éventuellement mieux assurés par des couples de concubins que
par des couples mariés.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas le problème !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et puis, il y a le nouveau
conformisme, celui de la libération sexuelle, celui de la liberté des moeurs,
...
Mme Hélène Luc.
Vous, vous avez du mal à vous libérer !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... celui de l'effervescence
médiatique, qui pèse sur le débat et qui oppresse.
M. Jean Chérioux.
C'est du terrorisme intellectuel !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Face à ce conformisme-là, on
peut rappeler combien l'insécurité engendrée par la liberté absolue fait bien
peu de cas des victimes des ruptures. Je pense ici à l'enfant, aux enfants,
...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Pensons d'abord à eux !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... je pense aux plus
aimants.
Mais je me dis que tous ces champions de la liberté absolue sont, au fond,
plus prompts à vouloir libérer les moeurs que l'économie !
A tous les conformismes, qu'ils soient anciens ou nouveaux, on peut rappeler
que l'union de deux personnes qui veulent réussir leur vie, lui donner sens,
pour eux et pour la société, est d'abord une attitude, avant d'être une
institution ; c'est une volonté sans cesse renouvelée de vibre ensemble, que la
loi ne saura jamais diriger seule. Les institutions, selon l'adage, ne
sont-elles pas ce qu'en font les hommes et les femmes plus que ce qu'en disent
les textes ? Fuir l'hypocrisie, c'est aussi affirmer, quand on y croit, la
primauté juridique et sociale du mariage.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Que ceux qui n'y croient pas le
disent.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas le problème !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Pour ma part, j'affirme croire à
la primauté juridique et sociale du mariage.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Mariage républicain !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Fuir l'hypocrisie, mes chers
collègues, c'est dire : oui, le couple hétérosexuel existe en dehors du
mariage. C'est admettre que, dès lors que ce couple n'a pas choisi le statut du
mariage, il ne s'agit pas de lui en imposer un autre, au rabais.
Mme Nicole Borvo.
Qui l'impose ?
M. Claude Estier.
On n'impose rien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Fuir l'hypocrisie, c'est aussi
dire : oui, le couple homosexuel existe. Il ne s'agit pas de l'interdire, et
personne n'y songe ; il ne s'agit pas non plus de l'autoriser : il n'en a nul
besoin puisqu'il existe ! S'il s'agit de l'organiser, ce ne peut être
simplement l'oeuvre de la loi : ce doit être, aussi, l'oeuvre du contrat.
Fuir l'hypocrisie, c'est reconnaître qu'il ne nous faut légiférer que parce
que la jurisprudence de la Cour de cassation n'a pas permis l'extension des
effets juridiques du concubinage aux couples homosexuels qui le souhaitent et
que seule la loi est apte à faire d'une situation de fait une situation de
droit.
Mme Hélène Luc.
C'est vous qui êtes hypocrite !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Faire preuve d'hypocrisie ne
serait pas digne du Sénat, et le Sénat s'y refusera.
Mais il nous faut aussi, mes chers collègues, faire preuve d'humilité. En
effet, élaborer un droit commun du concubinage ou de l'union libre n'est pas
chose aisée. C'est même extraordinairement difficile, car le concubinage, au
fond, recouvre des situations humaines très diverses ; or il n'est pas simple
de régir des situations particulières par des dispositions communes et
générales.
C'est difficile aussi parce que c'est contradictoire et même paradoxal.
Il est effectivement contradictoire de vouloir appliquer des règles inspirées
du mariage à ceux qui, dans leur immense majorité, n'ont précisément pas
souhaité s'engager dans les liens du mariage.
Il est également paradoxal de vouloir enfermer dans un cadre juridique,
inévitablement contraignant, une situation qui repose, par définition, sur la
volonté de liberté des intéressés.
C'est difficile, en outre, reconnaissons-le, parce qu'il est sans doute
artificiel, un peu illusoire, contraire à la réalité d'assimiler juridiquement
les couples d'homosexuels aux couples hétérosexuels.
Alors, face à cette immense difficulté, le mieux sera, comme toujours,
l'ennemi du bien.
La meilleure loi, mes chers collègues, sera non celle que nous élaborerons
mais celle que les personnes concernées écriront elles-mêmes, dans le sens de
l'article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent
lieu de lois à ceux qui les ont faites. »
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Offrons-leur seulement le moyen
juridique de décider elles-mêmes des droits personnels et des rapports
patrimoniaux que font naître une communauté de vie.
Limitons notre oeuvre à ce que seule la loi peut dire, à savoir que les effets
juridiques du concubinage peuvent concerner un couple homosexuel.
Reste la question de la preuve et de la manière de l'organiser. La discussion
des articles, grâce au talent du rapporteur, devra nous permettre de trouver
les modalités qui offrent les meilleurs garanties, qui évitent les fraudes et
servent de support fiable aux dispositifs sociaux et fiscaux que Philippe
Marini a évoqués tout à l'heure et dont la création ou la consolidation sont
envisagées.
C'est l'occasion pour moi, me tournant vers le président Jacques Larché, de
souligner la qualité vraiment remarquable des travaux menés par la commission
des lois ; les auditions auxquelles elle a procédé ont été une source
d'informations inestimables pour la formation de notre pensée.
En résumé, mes chers collègues, fuyons l'hypocrisie, faisons preuve
d'humilité, veillons à servir la cause de ceux qui souffrent et à ne jamais
nous en servir.
Madame le garde de sceaux, le rendez-vous législatif que vous donnez au Sénat
ne vous décevra pas. Le Sénat, lieu de sagesse, sera fidèle à lui-même : il
sera pragmatique, proche de la réalité du terrain, proche des attentes et des
souffrances des Français...
Mme Hélène Luc.
Et conservateur quand même !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... que nous, sénateurs, en
notre qualité de maire ou d'élu local, connaissons bien sinon mieux que les
cabinets ministériels, mieux que les rédactions parisiennes d'où l'on observe
et commente la France, comme d'un laboratoire.
(Murmures sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est tout à fait ça !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mes chers collègues, parce que
nous tenons notre légitimité des milliers d'élus locaux qui sont à l'écoute
constante du pays, parce que, au contact des Français, dans nos communes, nous
avons appris comment accompagner les nécessaires mutations, parce que nous
sommes l'émanation de la France profonde, « ne gravons pas nos noms au bas de
n'importe quel parchemin ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes.
Groupe socialiste, 38 minutes.
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes.
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes.
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je
voudrais attirer très simplement votre attention sur ce qui me semble être la
portée exacte de la législation proposée par la commission des lois.
Plaçons-nous dans la perspective qui doit être la nôtre, celle du législateur
soucieux du bien de la société, que nous devons faire progresser vers un degré
plus avancé de justice sociale.
Celle-ci est bien notre première responsabilité. Elle consiste d'abord à
affirmer et à affermir les droits de la société dans le tout qu'elle forme.
C'est cela qu'on appelle traditionnellement le bien commun, simultanément bien
de chacun et bien de tous. Elle est en effet la seule et véritable protection
du faible. Nous le répétons depuis Aristote. L'homme étant un animal social et
un animal politique, il a besoin pour vivre d'une organisation sociale, d'une
organisation politique qui le protège contre les tentatives d'hégémonie
partisane de tout individu et de toute faction de la société.
Nous sommes là pour asseoir cette justice primordiale.
Or une certaine dérive conduit à une fragmentation progressive de la cohérence
de la société en autant de catégories particulières que de groupes venant
réclamer à l'Etat la consécration de leur légitimité particulière. La solution
normale de ce type de problème est la tolérance, qui, sans remettre en cause la
cohérence de l'ensemble, admet les particularismes mais sans les
institutionnaliser.
Pour organiser la société, nous avons avant tout besoin de réflexion juridique
et, particulièrement, sur le sujet que nous traitons aujourd'hui, de
philosophie, qui doit distinguer pour mieux unir sans confusion. Dans cette
oeuvre civilisatrice de la pensée et du droit, le législateur doit s'attacher
tout simplement à distinguer ce qui constitue une exigence intrinsèque,
c'est-à-dire nécessairement constitutive de cette société, et donc universelle,
de ce qui n'est que revendication d'un groupe particulier et qui ne saurait
donc être placé sur le même plan.
C'est ainsi que le couple homme-femme s'est imposé comme la seule réalité
concrète génératrice de la société et donc du lien social. La réflexion de
l'intelligence n'a pas eu à imaginer cette réalité : toute société humaine se
développe spontanément autour de la rencontre d'un homme et d'une femme. C'est
pourquoi il n'y a pas de définition du mariage dans le code civil : une telle
définition y serait en effet inutile.
Culturellement, au cours des siècles, cette réalité a pu se préciser de
manière plus consciente à partir des exigences du bien de l'enfant issu de
cette union, mais rien n'a été bouleversé dans cette reconnaissance du fait
primordial et exclusif qui est celui de l'union féconde de l'homme et de la
femme au sein de l'espèce humaine.
Pour la société que nous représentons dans sa globalité, le fait générateur
est la naissance de l'enfant, indépendamment du vouloir politique. C'est sur ce
fait, et sur lui seul, que s'est constituée la législation civile et sociale de
l'institution familiale.
La procréation, et elle seule, constitue un fait générateur d'une créance sur
la société. Cette créance, avec ses conséquences juridiques, financières et
fiscales, a été non pas un choix parmi d'autres possibles, mais une
reconnaissance nécessaire qui s'impose à tous.
Nous allons d'ailleurs en mesurer toute la force dans quelques années avec le
problème des retraites. Le principe de la répartition auquel nous sommes
attachés va nous rappeler la puissance de cette réalité. Les retraites d'une
génération sont payées par la génération suivante. C'est en vertu de ce fait
que des avantages financiers, juridiques et fiscaux sont accordés à la
famille.
L'ouverture d'avantages financiers et fiscaux à des groupements de personnes
qui n'ont aucune créance sur la société peut constituer un détournement de
fonds publics. L'Etat doit, certes, aider les individus à exister, parce qu'ils
constituent une valeur en eux-mêmes.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Mais ceux-ci doivent aussi aider la société à exister. C'est ainsi que se
légitime la prise en compte fiscale de la personne à charge.
Il serait gravement faux de penser que la société serait disponible pour être
juridiquement réorganisée selon le libéralisme de notre imagination ou la force
de pression de telle ou telle organisation particulière. Ce ne serait, en
l'occurrence, que grave injustice et facteur d'anarchie.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais quel réactionnaire !
M. Bernard Seillier.
L'Etat ne peut pas décider que l'essence de la famille et du mariage ne serait
que celle d'un groupement d'intérêts privés. C'est la filiation qui justifie et
sous-tend la législation civile et sociale du mariage et de la famille.
(M. Mélenchon s'exclame.)
Ce serait une prétention abusive, qui se
retournerait non seulement contre la société, mais également, à terme, n'en
doutons pas, contre ceux qui auraient cru être les bénéficiaires de son
élargissement, que de penser que cette législation serait disponible pour être
distribuée selon la logique du contrat privé. Ce n'est pas l'intérêt privé de
la famille qui fonde ses droits ; c'est sa contribution à l'intérêt public qui
fonde l'assistance dont elle bénéficie.
Dans de telles conditions, introduire le concubinage dans le code civil,
n'est-ce pas réinventer le mariage et préparer, sans le vouloir, la
substitution définitive du concubinage au mariage ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Quelle horreur !
M. Bernard Seillier.
Il faut reconnaître que l'extension des droits sociaux de la famille fondée
sur le mariage à la famille organisée autour d'une relation conjugale non
officialisée par le mariage civil fut une quasi-obligation pour l'Etat dès lors
qu'étaient nés des enfants, au nom même de la logique de l'intérêt général
longuement rappelée précédemment.
Certains se sont parfois scandalisés d'une telle extension au nom de
l'incohérence reprochée aux bénéficiaires de cette extension de droits. Ne
prétendaient-ils pas, en effet, se soustraire à l'engagement public de leur
union, tout en voulant bénéficier des droits de la famille ? Mais c'est bien
parce que le fond primait la forme que cette dissymétrie a été acceptée. C'est
en effet l'enfant qui est le véritable « officier de l'état civil de la famille
». C'est lui qui réclame aussi la pérennité des liens conjugaux de ses parents,
pour son propre bien, celui de son éducation, de sa liberté et de sa
responsabilité.
Mais, aujourd'hui, le problème nous est présenté de manière totalement
inversée. On nous dit que le concubinage n'étant pas le mariage, nous serions,
avec un couple de concubins, en présence d'une cellule en quelque sorte neutre,
primordiale, indifférenciée de la société, antérieure au mariage et ne risquant
pas de lui porter atteinte. Nous seraient alors épargnées les acrobaties
juridiques pour éviter que, pour les uns, le PACS ne soit une forme de mariage
ou, au contraire, pour faire en sorte que, pour les autres, il le soit.
La solution proposée pour la commission des lois tiendrait-elle du prodige ?
On aurait l'état de concubinage reconnu par le code civil, indépendamment de
l'identité sexuelle des individus, et sans aucun inconvénient puisqu'il ne
s'agirait pas du mariage, nous dit-on. Mais justement si, et c'est là que
réside, me semble-t-il, le risque d'une véritable mystification.
Le concubinage est bien, en effet, un mariage, dans le fond, même s'il se
soustrait volontairement aux formalités du mariage. Ses conséquences évolutives
en termes de droits l'ont déjà suffisamment prouvé dans le passé. En inscrivant
le concubinage dans le code civil, le mariage ne se différencie plus du
concubinage que par l'intervention de l'officier de l'état civil. C'est, en
quelque sorte, une différence de classe dans le luxe de la cérémonie.
Simultanément, le concubinage ne distinguant pas selon le sexe, on instituerait
indirectement ce qu'on affirmait ne pas vouloir, à savoir le mariage des
homosexuels.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ah ! Ah !
M. Bernard Seillier.
Telle est, je le crains, la réalité ! L'accepter serait une faute grave contre
la famille et un mauvais service rendu aux homosexuels eux-mêmes. En effet,
qu'est-ce qui peut justifier cette quête pathétique des homosexuels à l'égard
du mariage, sinon le besoin de reconnaissance de leur situation impossible ?
Contrairement à ce dont ils peuvent rêver, rien ne pourra jamais les
satisfaire sur ce plan. Ils désirent une institution qui banalise leur relation
vis-à-vis de l'extérieur, sans différence avec le mariage, pour dissiper leur
sentiment d'exclusion et, simultanément, une institution qui souligne leur
spécificité homosexuelle pour satisfaire leur besoin d'identité et de
revendication de leur différence.
Reconnaissons bien simplement qu'il s'agit d'une chimère. Sa poursuite
conduira inéluctablement à revendiquer la disposition de toutes les
caractéristiques de la famille au titre de la similitude - adoption,
procréation médicale - et à réclamer en même temps la publicité de
l'homosexualité au titre de la différenciation.
Ne nous engageons pas dans une voie qui, par sa dialectique propre, conduirait
l'Etat dans des domaines où il ne veut pas s'engager.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à être très vigilants sur
ce qui risque d'être une fausse solution au problème qui nous est posé.
Certains ont pu penser un moment qu'une meilleure organisation du concubinage
pouvait constituer un substitut astucieux au monstre juridique qui nous est
offert avec le PACS, et que M. Gélard, rapporteur, a excellemment démonté. Je
suis sceptique. Toute tentative d'apporter une solution à un problème
structurellement insoluble ne ferait que précipiter la société vers un
accroissement de ses pathologies, déjà mesurables au travers de la drogue, des
suicides et des tranquillisants.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oh là ! Doucement !
M. Bernard Seillier.
Traitons les questions matérielles qui peuvent exister par les moyens
contractuels du droit privé. Mais ne touchons pas au code civil, qui ne peut
connaître que les couples potentiellement procréateurs, c'est-à-dire toujours
dans la perspective qui légitime cette reconnaissance et qui est la paternité
et la maternité. Sinon nous commettrions, en croyant améliorer la situation des
couples homosexuels - problème hélas ! insoluble, au plan du code civil - la
plus considérable injustice sociale qu'un Etat puisse perpétrer, puisqu'elle
revient à nier la source même de son existence.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la
proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil
de solidarité a déjà fait couler beaucoup d'encre et donné lieu à de nombreuses
outrances. Ici, le ton est courtois, mais les outrances demeurent.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Pour ma part, je souhaiterais
plus de sérénité, sur le fond comme sur la forme.
Permettez-moi de me référer au principe fondateur de la Déclaration
universelle des droits de l'homme : « Considérant que la reconnaissance de la
dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits
égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de
la paix dans le monde ; ». Elle n'a que cinquante ans, mais cinquante ans déjà
!
La société évolue, les besoins se modifient. Des aspirations nouvelles
s'expriment : elles sont génératrices de droits nouveaux. La République n'a pas
le droit de s'immiscer dans la vie privée des citoyens. En revanche, elle a
l'obligation d'accorder à tous sa protection et de permettre à chacun de
bénéficier d'un maximum de liberté, à condition que celle-ci n'entrave point
celle des autres.
Ces dernières années, les associations homosexuelles ont revendiqué un statut
juridique. Les « années sida » ont fait apparaître la précarité des malades,
l'injustice subie par les survivants en cas de décès. Bien loin d'une image «
communautariste », comme il leur a été parfois reproché, les gays et les
lesbiennes se sont mobilisés pour que l'ensemble des couples disposent des
mêmes droits.
C'est dans cet esprit que diverses composantes de la gauche ont travaillé
puisque plusieurs propositions de loi ont été déposées. Bien que différentes,
elles avaient toutes le double objectif de mettre un terme à une discrimination
civile après une discrimination pénale, liée à l'orientation sexuelle - ce en
conformité, je le précise avec les recommandations du Parlement européen - et
de le faire sans traiter les homosexuels comme une catégorie « à part ».
Pour notre part, nous avions proposé la reconnaissance des couples de fait,
quel que soit leur sexe. Or le débat a abouti au choix du contrat, plutôt que
celui du constat d'une situation de fait, le contrat exprimant clairement la
volonté de deux personnes de s'engager dans une union stable, comme vous l'avez
excellemment expliqué, madame la garde des sceaux.
Certains ont tenté, depuis plusieurs mois, de diaboliser le PACS. Il serait le
cheval de Troie derrière lequel des hordes d'irresponsables mettraient à mal
l'un des piliers de notre société, la famille,
D'autres crient à l'imbroglio juridique, jusqu'à la limite de la mauvaise foi.
Je me demandais, en écoutant M. Gélard, comment l'on faisait pour retrouver un
mari ou une femme mariée disparu sans laisser d'adresse.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Ce n'est pas la même chose !
Mme Nicole Borvo.
Encore une fois, la famille à bon dos, et ce n'est pas nouveau ! On peut se
référer aux débats sur le droit de vote des femmes, sur la contraceptions, sur
l'IVG, sur le code pénal. Ce sont toujours les mêmes qui refusent de voir que
notre société est en mouvement.
M. Jacques Larché,
président de la commission de lois.
Mais pas du tout !
Mme Nicole Borvo.
La « famille » ! Ici, vous n'avez que ce mot-là à la bouche !
Mais rappelez-vous que votre conception de la famille et votre souci des
enfants, qui fondent la famille, ne vous empêchent nullement de proposer de
diminuer le montant de l'allocation de parent isolé. Il y a famille et famille
!
La famille telle qu'elle est, avec ses évolutions, nous aurons l'occasion d'en
reparler. Aujourd'hui, il s'agit du couple.
Quant à l'imbroglio juridique, il est toujours utilisé dans le même sens ; on
l'a vu avec la parité.
Le législateur doit se soucier en permanence de créer le droit correspondant
aux évolutions de la société et accessible aux citoyens - ce qui, hélas ! n'est
pas toujours le cas - plutôt que de se servir du droit pour refuser les
évolutions de la société.
En votant ce texte, allons-nous attenter à la liberté de quinconque ?
Allons-nous obliger ceux qui sont actuellement simples concubins à signer un
PACS ?
Allons-nous imposer ce nouveau droit à l'ensemble des couples, y compris
mariés ? Non ! En revanche, et cela a été dit et répété, nous allons permettre
à des couples qui ne veulent ou ne peuvent se marier d'avoir enfin une
protection et des droits, ce qui leur était dénié jusqu'à présent.
En votant le PACS, la société française s'achemine-t-elle vers l'effondrement
de ses institutions fondamentales, de la famille ? Assurément non ! Pour s'en
convaincre, il suffit de regarder du côté des pays qui ont déjà adopté des
législations similaires. On continue d'y vivre, de s'y marier ou non, d'y avoir
des enfants ou non, aujourd'hui comme hier.
Nous avons pris beaucoup de retard !
C'est vrai, le débat sur le PACS est un grand débat de société, pour l'égalité
des droits et la reconnaissance des différences, en somme pour le respect de la
dignité humaine. Nous avons pu constater que deux Français sur trois y sont
favorables et neuf jeunes sur dix.
Pour que la loi que nous voterons constitue une avancée dans ce sens, il faut
qu'elle réponde à une double condition : qu'elle ouvre des droits réels aux
couples non mariés et que le couple homosexuel y soit explicitement reconnu.
Mon ami Robert Bret interviendra sur le contenu de ce texte. En l'état actuel
de votre contre-projet, ni l'une ni l'autre de ces conditions ne sont
satisfaites.
A l'Assemblée nationale, la droite a utilisé toutes les manoeuvres pour
discréditer le projet et le débat, pour affoler l'opinion. Vous êtes en échec
et vous tentez encore une ultime manoeuvre au Sénat, disons-le sans hypocrisie
!
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
Mme Dinah Dericke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le «
PACS », se « PACSer », être « PACSé » : en quelques mois, nos concitoyens ont
enrichi la langue française d'un nouveau mot, qu'ils conjuguent allégrement.
M. Hilaire Flandre.
Quel enrichissement !
Mme Dinah Derycke.
Cette appropriation démontre qu'ils acceptent largement ce nouveau droit !
Ils sont aujourd'hui quatre à cinq millions à vivre en couple sans être
mariés, soit parce qu'ils ne peuvent pas se marier, soit parce qu'ils ne le
souhaitent pas. Mais cette « cohabitation » ne leur donne que de très rares
droits. Le PACS leur ouvrira la possibilité d'en acquérir avec, c'est bien
normal, des contreparties.
Quant à la jurisprudence, si elle accorde quelques droits à ces couples, elle
est discriminatoire puisqu'elle exclut les couples homosexuels. Cette
discrimination ne doit pas perdurer. Elle est contraire à notre histoire
commune et à notre philosophie.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
L'épidémie du sida a révélé au grand public les drames vécus par les personnes
qui perdent leur compagnon. Elle a mis en lumière l'homophobie latente de la
société, qui existait encore, avec son lot quotidien d'insultes, de brimades,
voire de violences physiques.
Avant le sida, l'homosexualité était taboue, elle se vivait dans le silence,
voire dans la honte. Avec le sida, elle est venue sur le devant de la scène,
mais dans toute sa banalité. Non, les homosexuels ne sont pas en marge de la
société ; oui, ils y participent par leur travail, ils paient leurs
cotisations, ils paient leurs impôts, ils effectuent leurs devoirs de citoyen.
Comme tout le monde, les homosexuels s'aiment, d'un amour ni honteux ni
ridicule, comme tout le monde ils forment des couples et des projets d'avenir.
Telle est la réalité. La société doit l'accepter et la reconnaître.
Cela est important pour les jeunes homosexuels qui, découvrant leur sexualité,
ne peuvent l'assumer. Cela est important pour les parents, qui souffrent de
voir leur enfant rejeté, méprisé. Cela est important pour les associations
d'homosexuels et de parents d'homosexuels, qui revendiquent plus de justice et
plus de dignité. Nous devons les entendre.
M. Yvon Collin.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Le texte que nous examinons a pour finalité de reconnaître les couples
homosexuels, de les doter d'un cadre juridique leur permettant de se situer
solennellement dans notre société. Mais il n'est pas question d'exclure les
autres couples de cette nouvelle avancée ; ce serait créer une nouvelle
discrimination, cette fois à l'égard des couples hétérosexuels.
Le PACS sera donc proposé à tous les couples non mariés, quel que soit leur
sexe, parce qu'il nous faut rompre définitivement avec la logique d'exclusion
qui a trop longtemps prévalu.
Il s'agit d'enregistrer un engagement mutuel d'amour et de solidarité qui va
au-delà des seules considérations pécuniaires et de la simple relation
sexuelle. Ce faisant, le PACS ouvre à tous un nouvel espace de liberté, un
choix supplémentaire pour organiser une vie commune.
C'est ainsi que les couples hétérosexuels pourront soit se marier, soit
contracter un pacte civil de solidarité, soit vivre en union libre. Les couples
homosexuels pourront choisir entre ces deux dernières solutions.
En effet, la présente proposition de loi ne traite en aucune façon du mariage.
Le mariage est une institution. Il établit le lien avec la famille d'origine et
celle qui est en devenir, dont il constitue le cadre juridique protecteur. Pour
ces raisons il n'est proposé qu'aux couples hétérosexuels.
Le PACS - faut-il le rappeler ? - ne concerne pas la famille. Il ne permet pas
aux couples homosexuels d'accéder à la procréation médicalement assistée et ne
leur ouvre pas un droit à l'adoption. Les auteurs de la proposition de loi
l'ont dit clairement ; Mme la garde des sceaux s'y est engagée tout à l'heure
encore, au nom du Gouvernement ; le groupe socialiste du Sénat partage ces
options et assume ce choix.
Toute autre interprétation du texte ne relève que de l'affabulation ou du
fantasme, à moins qu'il ne s'agisse d'une tentative de manipulation de
l'opinion publique.
En tout état de cause, la campagne insidieuse qui se développe sur ce thème
s'appuie sur des relents d'homophobie qu'elle contribue ainsi à conforter.
Alors, répétons-le : le PACS est un contrat de droit privé entre deux
personnes de sexe différent ou de même sexe, qui décident librement d'organiser
leur vie de couple. Ce contrat est enregistré, donc officialisé. Il emporte des
droits, en particulier fiscaux et sociaux, mais aussi diverses obligations.
L'officialisation de ce contrat vaut reconnaissance sociale du couple ainsi
formé. En effet, les objectifs du PACS ne sont pas uniquement d'ordre matériel.
Le croire serait porter un regard de mépris sur les hommes et les femmes,
hétérosexuels ou homosexuels, qui attendent cette réforme. Ce que veulent ces
personnes, c'est bien former un couple, et non une paire ou un duo. C'est
pourquoi il ne doit pas concerner les fratries, dont les problèmes réels
devront trouver leur solution dans la prochaine réforme globale du droit de la
famille.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
A cet égard, je tiens à dire à mes collègues de droite qu'ils n'ont pas le
monopole de la famille ; ils n'en sont pas propriétaires.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Nous avons nous-mêmes une famille, nous l'aimons, nous la défendons et nous
entendons la protéger.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Raymond Courrière.
Nous n'avons pas de leçon à recevoir !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Qu'il s'agisse de la famille ou
de la morale, nul n'en a l'exclusivité !
(M. Machet applaudit.)
Mme Dinah Derycke.
Nous en sommes d'accord. Aussi, ne nous faites pas sans cesse le procès d'être
« anti-famille ».
M. Raymond Courrière.
Dire qu'il y a, d'un côté, ceux qui défendent la famille et, de l'autre, ceux
qui ne la défendent pas, c'est un peu fort !
Mme Dinah Derycke.
En se « pacsant », chaque partenaire signifiera à l'autre, et à la société
tout entière, qu'il entend partager un projet de vie, que, lié à l'autre par un
sentiment amoureux, il veut aussi le protéger, prendre sa part des joies et des
peines, l'accompagner et en être solidaire.
Le lien social ainsi créé, la solidarité effective, la cohésion sociale
renforcée justifient que l'Etat encourage ce contrat par des mesures concrètes.
C'est à ce titre qu'il consent des avantages matériels et c'est pour cette
raison qu'il doit faciliter la vie des couples ainsi formés.
Comme tout contrat librement consenti, le PACS peut être rompu par l'un ou par
l'autre des partenaires, ou conjointement, mais - et c'est l'originalité par
rapport au concubinage - afin de protéger les intérêts de chacun et, surtout,
du plus faible, la rupture ne produit d'effets que passé un délai fixé à trois
mois.
Cela ne s'apparente en rien à une répudiation. Il s'agit, tout en respectant
la liberté de chaque partenaire, de laisser le temps de résoudre les problèmes
matériels qui accompagnent toujours une séparation. En cas de litige, le juge
sera, bien sûr, amené à trancher.
On le constate : le PACS n'est pas, pour le couple, la voie facile, la voie
royale, que certains décrivent pour laisser croire que ce cadre autorisera des
tricheries et des fraudes de toutes sortes.
Enfin, il restera des couples qui, toujours unis par un lien non encore
dissous, n'auront d'autre choix que le concubinage.
D'autres préféreront l'union libre à un engagement stable et durable. Leur
décision, quelles que soient leurs raisons personnelles, familiales ou
religieuses, est respectable.
La liberté étant l'essence même de cette union, elle peut bien entendu être
rompue à tout moment par la volonté d'un seul partenaire, et ce sans délai ni
formalité. Elle n'oblige à aucune solidarité, même pour les dettes ménagères.
Telles sont quelques différences notables avec le PACS.
Pour autant, on ne peut continuer à laisser ces couples dans une situation de
non-droit. C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé un amendement relatif
au concubinage, qui mettra également un terme à la jurisprudence
discriminatoire de la Cour de cassation.
Je veux maintenant examiner la proposition de M. le rapporteur de la
commission des lois.
J'entends bien, monsieur le rapporteur, que votre proposition est un difficile
compromis entre les diverses positions de la majorité sénatoriale et je ne
doute pas de la difficulté de votre tâche.
Je suis simplement surprise que, attaché, comme vous prétendez l'être, à
l'institution du mariage, vous ne craigniez pas de réécrire, à la sauvette,
l'article 144 du code civil. Cette proposition singulière n'est pas neutre et
l'on peut y lire, en filigrane, votre peur de voir un jour institué le mariage
des homosexuels. Vous savez très bien que notre texte ne le permet pas et nous
pouvons mesurer votre tolérance de l'homosexualité à l'aune de votre
défiance.
Nous n'accepterons pas de traiter du mariage dans un texte qui ne le concerne
nullement, d'autant que la réforme du droit de la famille est actuellement à
l'étude. Le mariage ne mérite pas d'être traité aussi cavalièrement.
M. Claude Estier.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Vous nous proposez de définir le concubinage dans le code civil et de
l'étendre aux couples homosexuels. Vous nous le proposez mais vous ne l'écrivez
pas de façon explicite. On pouvait croire à un oubli, mais ce matin, en
commission des lois, les masques sont tombés.
M. Jacques Mahéas.
Eh oui !
Mme Dinah Derycke.
Vous avez rejeté plusieurs amendements qui visaient à inscrire en toutes
lettres que le concubinage s'appréciait sans distinction de sexe.
MM. Jacques Mahéas et Claude Estier.
Voilà !
Mme Dinah Derycke.
Sur ce chemin, bien entendu, il est hors de question que nous vous
suivions.
D'une part, il n'est pas certain que votre formulation prudente et prude
cassera définitivement la jurisprudence discriminatoire de la Cour de
cassation. J'aurais même tendance à croire qu'elle renforcera cette
jurisprudence. D'autre part, vous refusez de reconnaître officiellement le
couple homosexuel. Vous ne lui offrez qu'une reconnaissance rampante. En
refusant de nommer ces couples, vous les rejetez à nouveau, vous les niez, et
les quelques droits sociaux que vous leur concédez ne sauraient nullement les
satisfaire.
Mais n'avez-vous donc pas compris que, en l'occurrence, il n'est pas
uniquement question d'argent ? Il est question d'amour, ce sentiment qui permet
aux hommes et aux femmes de se transcender, un sentiment qui est propre à
l'humanité. Je crois qu'en fait vous l'avez compris, monsieur le rapporteur,
mais que vous refusez de l'entendre.
Vous supprimez donc purement et simplement le PACS. Vous n'avez pas de mots
suffisamment sévères pour fustiger la proposition de loi et ses dispositions.
Pour la condamner, vous décrétez qu'elle n'est pas amendable ! Auriez-vous si
peu de foi en vos capacités et en celles de nos collègues de la commission des
lois, dont beaucoup sont d'éminents juristes ? Comme dit le proverbe : « Quand
on veut tuer son chien... », vous connaissez la suite.
En réalité, vous ne voulez pas du PACS. Vous n'en avez jamais voulu, mais
après le débat sur la parité vous avez craint que, une fois de plus, on vous
traite d'archaïques. Alors, vous avez choisi, avec une certaine subtilité, une
position minimale, qui, vous l'espériez, vous dédouanerait de toute accusation
d'homophobie et de conservatisme.
M. Robert Bret.
Et c'est raté !
Mme Dinah Derycke.
Aujourd'hui, c'est un fait, de plus en plus de personnes vivent en couple hors
mariage, quel que soit leur sexe. Vous en prenez acte, vous ajoutez quelques
ingrédients fiscaux, qui, disons-le au passage, concernent l'ensemble des
contribuables, et le tour est joué !
Pour notre part, nous nous sommes mis modestement au travail. Nous avons
auditionné des professionnels du droit, des représentants d'associations, et
nous avons entendu leurs remarques.
Ensemble, et en liaison avec les ministères concernés, nous sommes convenus
que le texte était perfectible, et nous ferons, au cours de la discussion, de
nombreuses propositions pour l'améliorer et l'enrichir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, « les
peuples démocratiques aiment l'égalité dans tous les temps, mais il est
certaines époques où ils poussent jusqu'au délire la passion qu'ils ressentent
pour elle ». Certains m'objecteront qu'il s'agit d'un auteur conservateur, mais
cette analyse de Tocqueville pourrait servir utilement d'introduction au débat
qui nous conduit aujourd'hui à examiner le texte relatif au pacte civil de
solidarité.
Passion et délire ne sont certes pas la manière habituelle du Sénat d'aborder
les problèmes, fussent-ils de société - je me réjouis que l'on puisse entendre
tous les avis sur ce sujet, en respectant la conscience et l'opinion de chacun
- et dans les relations entre les personnes, mieux vaut la raison et la
responsabilité que les approximations, notamment juridiques.
Nous devons toujours nous interroger sur le rôle du législateur face aux
évolutions de la société, vieux débat, s'il en est. Le législateur doit-il,
comme certains le pensent, se contenter d'accompagner ces évolutions, la loi
n'étant que la traduction juridique des moeurs de nos concitoyens, ou veiller à
préserver les valeurs fondamentales, qui ne sauraient céder devant la pression
de qui que ce soit ?
Cela dépasse largement le débat tronqué, et parfois caricatural, compte tenu
de toutes ses péripéties, qui a occupé l'Assemblée nationale pendant ces
dernières semaines, parce qu'il partait, selon moi, de prémisses faussées...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous songez sans doute à Mme Boutin !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mon propos n'est pas personnalisé !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il pourrait l'être !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce débat, qui partait de prémisses faussées, disais-je, a abouti à créer un
monstre juridique, ce que nous ont révélé, grâce aux auditions indispensables
auxquelles a procédé la commission des lois, la plupart des spécialistes,
qu'ils soient juristes, sociologues ou philosophes.
S'il est vrai, madame le garde des sceaux, qu'il y a eu beaucoup de
propositions de loi, il faut cependant reconnaître qu'au départ ce n'était pas
du tout le pacte civil de solidarité qui était envisagé : il faut être bien
clair à cet égard ! Certains voulaient institutionnaliser - j'insiste sur ce
terme - les relations homosexuelles en donnant toutes les apparences et les
conséquences du mariage civil. D'ailleurs, pourquoi avoir prévu, à un moment,
d'aller à la mairie, sinon pour reconnaître et institutionnaliser les relations
homosexuelles ?
En fait, on s'est rendu compte que c'était aller trop loin, et cette
revendication a été noyée dans un dispositif juridique que j'ai toujours du mal
à qualifier.
Le rapporteur de la commission de lois, le rapporteur pour avis de la
commission des finances et beaucoup d'autres orateurs ont démontré les défauts
majeurs de ce pacte civil de solidarité, dont vous avez vous-même reconnu,
madame le garde des sceaux, les imperfections. Dans votre échange avec M. le
président de la commission des lois du Sénat, vous avez naturellement défendu
l'initiative parlementaire - et qui ne saurait s'en féliciter ? - mais vous
avez également dit un certain nombre de choses sur les insuffisances du texte.
Or, je constate avec étonnement que le Gouvernement n'a déposé aucun amendement
sur le texte.
Je considère donc, pour ma part, que le Gouvernement n'a pas pris ses
responsabilités dans ce domaine, ce qui est d'ailleurs étrange. En effet, nous
avons bien eu conscience que le Gouvernement oscillait entre, d'une part, le
souci de faire plaisir à une partie de sa majorité, en voulant remplir des
promesses électorales à mon sens imprudentes, et, d'autre part, la prise de
conscience de l'impossibilité juridique de faire appliquer ce texte, qui est à
la base de tout projet.
Madame le garde des sceaux, même si je considère, comme vous, qu'il n'est pas
question de mêler le droit de la famille à ce dont nous délibérons aujourd'hui,
j'aurais préféré, pour ma part, que l'on commence par parler du droit de la
famille qui, comme chacun le sait, dans notre société, nécessite des
évolutions, pour s'occuper ultérieurement de ce qui nous préoccupe
aujourd'hui.
Il ne faut pas se laisser impressionner par la question de savoir s'il faut
être moderne ou non, le reproche de conservatisme fait au Sénat n'étant - nous
le savons bien - qu'une manière de tenter d'étouffer un débat pourtant
fondamental pour l'avenir de notre société.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Le pacte civil de solidarité, objet juridique indéterminé, est-il un contrat ?
Est-il une institution ? Quels devoirs et quels droits implique-t-il ? Après la
mairie et la préfecture - on a trouvé que la préfecture n'était pas convenable,
car cela évoquait les demandes d'enregistrement en vue de l'immatriculation
d'un véhicule
(sourires)
- on s'est rabattu sur le greffe du tribunal
pour faire enregistrer un contrat dont personne n'a à vérifier s'il est
équilibré entre les deux partenaires. D'ailleurs, le texte fait référence non
pas à un contrat, mais à une déclaration. Peut-il y être mis fin sur
l'initiative d'un seul des intéressés ? Oui, d'après le texte adopté par
l'Assemblée nationale, alors que vous nous avez répondu par la négative, madame
le garde des sceaux. C'est contraire à tous les principes des contrats, et, si
l'on veut que le droit des contrats s'applique, les observations d'Alain
Lambert sont tout à fait pertinentes à cet égard.
En plus, il y a une grande insécurité juridique, l'absence d'obligation, ce
qui, bien sûr, n'a pas empêché de donner au PACS les avantages fiscaux et
successoraux s'apparentant à ceux du mariage et même, parfois, les dépassant,
ce qui est pour le moins paradoxal.
Par ailleurs, pourquoi créer un « statut » de l'union libre ou du concubinage,
ce qui n'est nullement réclamé par ceux qui ont choisi, par définition, ce type
d'union, ce qui ne veut pas dire que la situation de fait que constitue le
concubinage n'ait pas des conséquences juridiques que la jurisprudence a depuis
longtemps fixées ?
Enfin, le PACS crée de nouvelles inégalités, avec la bizarrerie qui a conduit
l'Assemblée nationale à étendre aux fratries les mesures fiscales et sociales
d'accompagnement du dispositif.
Inutile pour les couples vivants en union libre, inégalitaire et inapplicable,
le PACS, de surcroît, ne résout pas les situations des personnes du même sexe
ayant choisi une vie commune. Ultime paradoxe de ce projet mal ficelé ! Mais il
est avant tout symbolique aux yeux de ceux qui le défendent malgré tout, se
moquant comme d'une guigne de sa pertinence juridique, voulant laisser croire
que le refus du PACS est une condamnation morale de ceux qui vivent une
relation homosexuelle. C'est l'objectif poursuivi.
Nous n'avons pas à exalter ou à condamner ce qui touche à la responsabilité
individuelle et relève de la vie privée, mais avons à résoudre des problèmes
concrets, des situations parfois dramatiques, en veillant à la faisabilité des
solutions qui y sont apportées.
A cet égard, si la Cour de cassation avait eu la même approche que naguère le
ministre des affaires sociales, qui était à l'époque Mme Simone Veil, nous
n'aurions même pas eu ce débat et nous pourrions rejeter, sans nous préoccuper
du reste, le PACS, qui alors révélerait sa vraie nature.
En effet, si le code de la sécurité sociale permet la couverture sociale d'une
personne à charge, la Cour de cassation a jusqu'à présent rejeté l'assimilation
de la vie commune de deux personnes de même sexe au concubinage. Cela paraît
tout à fait injustifié, car reconnaître ces situations de fait ne nous paraît
de nature à remettre en cause ni le mariage ni le concubinage tel qu'il est
reconnu aujourd'hui.
C'est pourquoi les propositions de la commission des lois, qui peuvent poser
des problèmes de conscience grave à certains d'entre nous, paraissent réalistes
et juridiquement correctes, sans doute par opposition au « politiquement
correct ». En effet, elles ne visent à rien d'autre qu'à reconnaître des
situations de fait et à dépasser la jurisprudence restrictive de la Cour de
cassation. Un de nos éminents collègues rappelait d'ailleurs que ce dispositif
ôtait la plupart de ses justifications au PACS.
Le concubinage reste un choix de vie personnel, mais, étant un état de vie, il
ne peut pas ne pas avoir de conséquences en matière de droit. Cela ne change
rien et ne doit rien changer au droit de la famille, pas plus qu'à l'adoption
et aux règles fixées par la loi « bioéthique » en ce qui concerne la
procréation médicalement assistée.
Saluons l'effort fait pour régler les situations complexes, et non pour ériger
en modèle ce qui appartient à la vie privée. Bien entendu, les commentateurs
vont tenter de diviser les uns et les autres, alors qu'il ne s'agit dans
certains cas que de nuances juridiques. Certaines notions doivent-elles être
explicites ou implicites ? Nous aurons sans doute à y revenir le moment
venu.
Ce qui, en revanche, a été peu commenté - et c'est bien dommage - ce sont tous
les éléments patrimoniaux et fiscaux apportés par la commission des finances,
notamment en matière successorale. Ils visent à rétablir une égalité entre les
personnes, concubins ou frères et soeurs, sans remettre en cause bien entendu
les droits familiaux en matière de successions.
Je ne doute pas qu'on ne nous opposera pas des obstacles budgétaires, alors
qu'aucune étude d'impact financière n'a été faite pour le PACS, fiscalement
injuste et discriminatoire.
Mes collègues Jean-Louis Lorrain et Pierre Fauchon développeront l'analyse du
groupe de l'Union centriste sur les divers aspects de cette proposition de loi,
dont nous attendons encore la justification réelle.
Depuis 1792, et en dépit des obstacles, le mariage civil demeure l'institution
juste et nécessaire pour une société réellement humaine. A une époque où
l'individualisme, la solitude des êtres est dramatique, sans idéaliser la
famille, elle offre sans doute le cadre où l'épanouissement des personnes peut
être réalisé.
C'est aussi cela que nombre de nos concitoyens ont exprimé. Nous avons le
devoir de partager leurs inquiétudes devant la remise en cause indirecte de
l'institution qui doit demeurer la référence.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis que, en votre nom à tous, mes chers collègues, je
salue avec une particulière et vive sympathie.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, tout
d'abord, faute de temps, je veux remercier collectivement tous ceux dans la
pensée desquels j'ai puisé pour élaborer cette intervention.
Le projet du PACS, d'abord insatisfaisant, est devenu, à force de compromis
politiques, insaisissable, se présentant comme une sorte d'arrangement boîteux
entre le désir de reconnaissance institutionnelle et le désir de liberté
individuelle. C'est une solution non seulement confuse mais aussi perverse, qui
risque de créer beaucoup plus de situations problématiques qu'elle n'en
évitera.
A l'Assemblée nationale, aucune étude sérieuse sur les fondements juridiques
de ce texte n'a été faite, pas plus que sur ses conséquences sociales, fiscales
et économiques, contrairement à ce que vous affirmez, madame le garde des
sceaux, et je ne peux que souscrire aux propos remarquables du rapporteur de la
commission des lois, M. Gélard.
Le Sénat, quant à lui, a voulu réaliser un travail sérieux, à la fois humain
dans la prise en compte des solidarités indispensables et rigoureux sur le plan
juridique.
J'exprimerai toutefois un regret et un souhait qui en sont le corollaire.
Avec le PACS, le coût fiscal, au bénéfice de ceux qui refusent l'engagement,
la responsabilité, la périlleuse et grave aventure que représente la
constitution d'une famille, n'a pas été évalué,...
MM. Christian de La Malène et Jacques Peyrat.
C'est vrai !
Mme Anne Heinis.
... coût qu'il eût été intéressant de mettre en parallèle avec la baisse des
aides aux familles.
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Peut-être cela n'a-t-il pas été fait faute de temps, mais c'est navrant pour
un texte aussi important pour l'avenir de notre société.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
Mme Anne Heinis.
Le Sénat a refusé, à juste titre à mon sens, la reconnaissance
institutionnelle d'un choix de vie sexuelle ou d'une relation affective
n'impliquant aucune fonction dans la société.
Il faut chasser l'idée fausse selon laquelle l'ensemble des relations sociales
devraient être régies par le droit. En effet, faut-il ériger en institution ce
qui relève de la vie privée et concerne l'exercice de la liberté individuelle,
que l'on doit respecter tant qu'elle ne perturbe pas gravement l'ordre social
et la société ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Chaque être a son mystère intime qui nous échappe, mais l'on ne peut pas
passer du principe de l'égalité des individus à celui de l'égalité des
relations. Ce n'est pas du même ordre.
Si chaque personne est unique, elle est tout autant un être social qui ne peut
pas vivre sans les autres, c'est-à-dire sans liens sociaux.
M. Hubert Haenel.
Tout à fait !
Mme Anne Heinis.
Dans le PACS, ce qui est en cause, c'est l'application purement individualiste
des droits de l'homme et, en contrepartie, la méconnaissance des droits de la
société, qui a sa cohérence propre. Or le PACS porte atteinte à notre cohésion
sociale, en décomposant, par ses conséquences - c'est ce qui est important -
l'ensemble de notre droit civil, social et fiscal.
Qu'on le veuille ou non, au-delà de l'individu, il y a le couple ; mais
derrière le couple, il y a la famille et l'enfant, qui sont les grands oubliés
de ce texte.
M. Jacques Peyrat.
C'est vrai !
Mme Anne Heinis.
Ils le sont volontairement, puisque vous avez dit vous-même à Mme Sullerot,
madame le garde des sceaux, qu'il ne concernait pas la famille et qu'il n'y
avait pas de lien direct entre le PACS et l'enfant.
Or la première mission du législateur, c'est d'être au service non seulement
de l'intérêt général, qui concerne le bon fonctionnement de la société, mais
aussi du bien commun, légérement différent, qui, lui, concerne les personnes,
en particulier la protection et les droits des plus faibles.
Et qui est plus faible qu'un enfant ? Totalement dépendant à sa naissance et
incapable de survivre par lui-même pendant de longues années, qui a, plus que
l'enfant, besoin d'un milieu stable pendant une longue durée pour constituer et
développer sa personnalité ? Si le petit d'homme naît quasi achevé dans son
corps, il a besoin d'une matrice sociale pour éveiller et former son esprit.
(M. Jean Chérioux fait un signe d'assentiment.)
On est en dette infinie vis-à-vis de l'enfant,...
M. Hubert Haenel.
Ah oui !
Mme Anne Heinis.
... y compris en dette de sens, ce sens qui manque tellement à notre
époque,...
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
... obnubilée par le présent et l'immédiat, ce qui explique sans doute le
recours abusif aux sciences humaines et sociales qui sont loin, dans la
pratique, de nous proposer des lois intemporelles, puisqu'elles dépendent
justement de l'état de la société à un moment donné, alors qu'il eût fallu se
situer dans une perspective d'avenir, éclairée par quelques grandes valeurs
prioritaires.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Quelle inversion des valeurs et des priorités ! C'est par la famille et
l'enfant qu'il fallait commencer, car ce sont eux qui assurent l'avenir de
notre société, qui en sont la cellule de base.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Ensuite et seulement, seraient venus des textes relevant de la solidarité
humaine et de situations particulières.
Les sociétés bougent plus vite que les savoirs. Elles remodèlent les
institutions qui les définissent, et nous sommes affrontés à l'extraordinaire
bouleversement des moeurs de notre temps, dont il faut prendre acte.
En revanche, on ne peut pas légitimer ou institutionnaliser n'importe quel
type de comportement, au risque de saper les fondements de l'édifice social.
En effet, les faits ne sont pas en eux-mêmes fondateurs de droits, c'est la
volonté du législateur qui les transforme en droits et en devoirs, en prenant
en compte à la fois l'intérêt supérieur de l'individu, personne unique et
responsable, et celui de la société dans laquelle il vit, par définition
contingente dans le temps mais indissociable de son avenir.
C'est à ce titre que l'Etat, qui a la charge de l'avenir de la société, doit
intervenir, en particulier dans la question du mariage, du couple parental et
des enfants.
Une société qui ne s'intéresse pas à ses enfants prépare sa mort. L'Etat ne
peut pas rester neutre, il y va de sa survie.
La grande différence entre le mariage et le PACS, c'est que le mariage est une
institution qui met en jeu l'intérêt des tiers - en l'occurrence l'enfant - et
l'intérêt public, c'est un acte social et public, alors que le PACS, comme
l'union libre, par essence est libre et divers, dépendant uniquement de la
volonté individuelle des parties.
Dans le mariage, l'Etat demande aux personnes un engagement mutuel entre les
époux et un engagement vis-à-vis de leurs enfants présents ou à venir. En cas
d'échec, le divorce, qui est aussi un acte public, règle le partage des charges
et des responsabilités de chacun. En outre, il fonde, de façon absolue et sans
restriction, le délicat problème de la paternité, dont on connaît l'importance
pour la formation de la personnalité de l'enfant.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Les avantages matériels que l'Etat accorde aux gens qui fondent une famille
sont légitimés par le fait qu'il leur demande de s'engager à long terme.
Le PACS, en revanche, libère de l'engagement et de la responsabilité sans
priver des droits attenants, ce qui revient à légitimer l'irresponsabilité au
détriment des plus faibles, que ce soit dans le couple ou envers les
enfants.
Dans la mesure où l'union libre touche environ 5 millions de personnes, on
voit bien que, au nom de l'intérêt de l'enfant, l'appui de l'Etat doit être
donné aux couples parentaux, hors mariage ou non, afin de protéger les droits
respectifs des enfants et de leurs parents et, donc, l'avenir de ces
enfants.
Il est également important, pour le statut de l'enfant, que ses parents se
réfèrent à une loi extérieure à eux ; sinon, l'enfant devient un objet de
contrat, ce qui est une façon de nier qu'il est une personne. Il devient une
chose ! Or l'enfant n'appartient pas à ses parents, mais ces derniers en sont
responsables et ont des devoirs envers lui, en dehors, bien entendu, de l'amour
réciproque qu'ils se portent.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Le Sénat, conscient que le débat de fond avait été occulté au profit de
manipulations politiques et médiatiques, a pris ses responsabilités, et je
m'honore de cette position, que je partage.
Conscient également que l'évolution de la société engendrait des situations
nouvelles, il a cherché à proposer des solutions concrètes et pratiques, tout
en respectant la liberté individuelle mais sans bouleverser les fondements de
notre société, ce qui est une aventure plus que périlleuse.
Evoluer, c'est - dit-on - savoir s'adapter sans renier ses valeurs. Telle a
été la position du Sénat, que je soutiendrai de mon vote.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, parce qu'il
est un enjeu de société, le pacte civil de solidarité a suscité de nombreux
débats, de fortes polémiques, des positions nuancées, d'autres très radicales.
Mais ici, puisque nous sommes dans une assemblée dite « des sages », nous
devons honorer cette qualification et je fais confiance au président de séance
pour garantir à nos débats toute la sérénité qu'ils méritent.
M. Hubert Haenel.
C'est le cas !
M. Yvon Collin.
Nos ancêtres, de la Renaissance aux Lumières, ont progressivement substitué la
notion de « contrat social » à celle « d'ordre naturel ».
Ce processus, qui a trouvé son expression politique avec la Déclaration
universelle des droits de l'homme et du citoyen, s'est traduit, en matière de
moeurs, par le passage du mariage arrangé par les parents pour garantir la
stabilité du patrimoine au mariage d'amour, librement consenti mais aussi
librement résiliable.
Cette libération ne fut pas sans conséquences. Elle a fait apparaître de
nouvelles problématiques, telles que l'émancipation des femmes et des
homosexuels. Pour les femmes, les deux derniers siècles ont apporté, c'est
vrai, des avancées significatives, allant de la reconnaissance de la capacité
juridique à l'institution du divorce par consentement mutuel. Pour les couples
hétérosexuels non mariés, la prise en compte sociale et fiscale du concubinage
constituait à l'évidence un progrès.
S'agissant des couples hétérosexuels, tout reste à faire. Aujourd'hui,
l'homosexualité n'est plus un délit et, comme l'a rappelé justement Mme la
ministre, elle est heureusement sortie du code pénal. Mais la jurisprudence est
très restrictive pour les homosexuels et elle refuse pour ces derniers la
reconnaissance du concubinage.
C'est pourquoi, non seulement pour les homosexuels hommes et femmes mais aussi
pour tous les hétérosexuels qui ont tourné le dos au mariage pour une raison ou
pour une autre, il est nécessaire de légiférer, car ce vide juridique pénalise,
à l'évidence, ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas se marier.
Depuis une dizaine d'années, des hommes et des femmes de progrès travaillent
sur cette question. Enfin, l'occasion nous est donnée aujourd'hui d'épouser la
modernité, d'offrir un statut à deux millions et demi de couples.
A une époque, on se mariait jeune, on divorçait peu. Depuis, on peut divorcer,
se remarier, vivre en couple, avoir un enfant hors mariage sans que personne ne
vous jette l'opprobre.
L'acceptation de ces nouveaux modes de vie est à l'évidence un acquis.
Aujourd'hui, notre rôle est de donner un filet de sécurité aux projets de vie
commune hors mariage. Le PACS s'inscrit dans cette démarche. Et parce qu'il
répond à un besoin, parce qu'il bouscule tous les préjugés, parce qu'il
considère de façon égalitaire tous les individus quel que soit leur choix
affectif, le PACS recueille l'adhésion des radicaux de gauche.
En permettant le transfert du droit au bail, l'imposition commune, une
succession préférentielle et la qualité d'ayant droit pour l'assurance maladie,
le PACS offre un socle de garanties minimales. Bien sûr, on peut relever
certaines insuffisances, voire certaines imperfections dans ce texte, mais
l'essentiel, mes chers collègues, c'est qu'il engage un mouvement.
Comment pourrions-nous atteindre la perfection législative sur un sujet de
société aussi important, aussi difficile ? Le mariage, si parfait et si unique
aux yeux de certains, n'a jamais engendré, que je sache, un contentieux zéro !
Alors, donnons une chance au PACS, qui, à mon sens, ne menace ni le mariage ni
même la société.
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Yvon Collin.
Ceux qui parlent de « déconstruction de la société civile par l'Etat et sa loi
» raisonnent comme si la société était figée. Leur conservatisme est sans doute
inspiré par des sentiments plus religieux qu'humanistes.
(Protestations sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
Bien sûr !
M. Yvon Collin.
Pour quelques moralisateurs, l'Etat n'a pas la responsabilité de favoriser des
unions qui resteront stériles au sens propre car, pour ces anti-PACS, l'union,
la vraie, c'est-à-dire le mariage dans leur esprit, comporte bien entendu une
obligation de procréation, garante du maintien de l'espèce humaine et,
in
fine
, de la société civile.
Si le mariage avait pour seul but un devoir de filiation, les couples mariés
n'ayant pas d'enfant pour des raisons médicales seraient-ils pour autant «
illégitimes » ?
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Jacques Peyrat.
Ils sont malchanceux !
M. Yvon Collin.
Mes chers collègues, en réalité, ce type d'argument camoufle la peur des
nouveaux croisés de voir les homosexuels devenir des citoyens à part
entière.
M. René-Pierre Signé.
Oui !
M. Yvon Collin.
Le PACS permettra effectivement à ces derniers de vivre une situation de
couple plus confortable...
M. Jacques Peyrat.
Ah ça oui !
M. Yvon Collin.
... grâce à un cadre juridique adapté, leur donnant par la même occasion une
forme de reconnaissance.
Le mariage demeure approprié pour la majorité des couples, mais il constitue
un lien juridique inadapté aux yeux de milliers d'autres. C'est un fait ! Une
femme ou un homme déçus par l'expérience d'un divorce ou frappés par un deuil
peuvent souhaiter un nouveau type d'union.
Depuis la fin des années soixante-dix, le nombre de mariages a chuté de 30 %,
pendant que les naissances hors mariage se multipliaient. Ces chiffres ne
témoignent pas d'un rejet du souhait bien naturel de stabilité affective
puisque, dans le même temps, les unions libres se sont largement répandues. Ils
mettent toutefois en lumière une certaine méfiance à l'égard d'une institution
non démodée mais incompatible avec d'autres attentes bien compréhensibles.
A côté du mariage, seule possibilité actuellement, le PACS répond bien, à mon
sens, à l'apparition de nouveaux comportements. Le propre d'une démocratie
avancée est d'étendre le champ des libertés publiques quand le besoin s'en fait
sentir. En transformant des situations de fait en situations de droit, la loi
ne fera pas qu'institutionnaliser une réalité sociale, elle apportera la
dignité à tout individu, quels que soient son parcours affectif et ses
aspirations personnelles.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi
que sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte sur
le PACS a au moins un mérite que ses auteurs n'ont sans doute pas cherché :
c'est, au travers de problèmes pratiques concernant la reconnaissance du couple
homosexuel, de poser des questions autrement plus importantes sur des sujets
majeurs et fondamentaux que sont la vie, la procréation, le mariage, la
famille, les relations conjugales et parentales, les successions, la filiation
et, j'y reviendrai tout à l'heure, l'adoption.
Oui, le débat sur le PACS, mes chers collègues, est un grand débat de
société.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
M. Hubert Haenel.
S'il est vrai que notre société se doit de mieux intégrer les personnes
homosexuelles, qu'il soit clairement affirmé que, pour la construction de la
personne, et dès l'enfance, la famille suppose la différence sexuelle des
parents, l'image sinon la présence d'un homme et d'une femme.
M. Josselin de Rohan.
Très juste !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est exact !
M. Hubert Haenel.
A l'occasion de l'examen de ce texte, que ses auteurs l'aient voulu ou non,
ces questions de fond doivent être soulevées car, aux yeux d'un certain nombre
d'entre nous, elles sont d'ordre public, c'est-à-dire qu'on ne peut transiger
avec elles.
S'il est sans doute utile, comme l'a justement et excellemment fait dans le
débat notre collègue Patrice Gélard, de définir le mariage pour, après
l'adoption d'un PACS revu et corrigé, éviter toute équivoque, ambiguïté ou
confusion avec d'autres formes de la vie en couple, s'il est sans doute utile
de reconnaître juridiquement le concubinage, de « libéraliser » le legs et de
prévoir, comme vous le propose sobrement et avec sagesse Philippe Marini, des
mesures d'ordre fiscal correspondant à l'état des moeurs actuelles sans mettre
en cause les grands principes qui structurent notre société, il est, en
revanche, de notre responsabilité de nous poser, et de vous poser, madame le
ministre, les questions qui auraient dû être examinées en amont, dans le cadre
d'une procédure de réflexion, de concertation, d'avis et d'arbitrage que je
qualifierai d'Etat, procédure qui eût été préférable à ce que l'on est en train
de faire, c'est-à-dire légiférer à la hâte et, d'une certaine manière, à la
légère.
Il aurait fallu se donner un peu de temps pour imaginer et traiter en
responsables les conséquences à moyen et long terme qu'un tel texte ne manquera
pas de provoquer.
Quelles sont ces conséquences - et ma liste est loin d'être exhaustive ?
Le PACS n'est-il pas, dans une société déjà déboussolée, inutilement et
dangereusement source de nouvelles incohérences ?
(M. René-Pierre Signé
s'esclaffe.)
La société doit-elle reconnaître toutes les associations affectives qui
relèvent de l'expérience de chacun ?
Va-t-il de soi, madame la ministre, qu'un choix de vie sexuelle doive faire
l'objet d'une reconnaissance institutionnelle ?
Doit-on trouver normal que toute différence soit traitée comme une
discrimination et que ceux qui choisissent ou assument de vivre une différence
exigent en même temps que celle-ci soit neutralisée au nom de l'égalité ?
Peut-on accepter sans discussion l'innovation juridique qui consiste à
autoriser la rupture unilatérale d'un contrat sans aucune ou quasiment aucune
contrepartie ?
Peut-on instaurer à la veille du troisième millénaire une véritable
répudiation ?
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Jean-Marie Poirier.
Très bien !
M. Hubert Haenel.
Peut-on laisser des familles d'un nouveau type, qu'on appelle « homoparental
», se créer dans la clandestinité,...
M. Jean Chérioux.
C'est un retour en arrière !
M. Hubert Haenel.
... dans des formes diverses, que ce soit autour des enfants issus d'une
première union hétérosexuelle, de l'adoption, de l'insémination artificielle,
du recours à une mère porteuse ou d'un arrangement entre différents partenaires
?
Envisagez-vous, madame la ministre, de faire le point sur cette grave
question, afin d'en mesurer les conséquences exactes pour les enfants conçus et
élevés dans de telles conditions ?
M. Philippe Arnaud.
Très bien !
M. Hubert Haenel.
Ce ne sont pas des questions ringardes, mes chers collègues, des questions
inventées pour desservir la cause que vous défendez, madame la ministre,
puisque, par exemple, des psychanalistes, des magistrats, sociologues,
anthropologues, pédiatres, historiens et philosophes tels que Caroline
Eliacheff, Antoine Garapon, Nathalie Heinrich, Françoise Héritier et bien
d'autres se réclamant de la gauche posent publiquement ces questions que je
viens moi-même de poser.
Mes chers collègues, se poser ces questions et tenter d'y répondre, serait-ce
illégitime ? La loi serait-elle à ce point dictée, imposée, le débat clos avant
même d'avoir commencé ?
Il y a ceux qui considèrent - j'en suis - qu'on ne pouvait pas continuer de se
voiler la face,...
M. René-Pierre Signé.
Ah !
M. Hubert Haenel.
... ceux qui, aujourd'hui, vous proposent non pas un texte contre celui qui
n'est pas officiellement celui du Gouvernement, mais un texte modifiant une
simple proposition d'initiative parlementaire qu'avant moi les présidents des
commissions, MM. Jacques Larché et Alain Lambert, ont fort justement qualifiée
d'insaisissable et dont Mme Heinis a fort justement dit tout à l'heure qu'elle
n'avait pas de sens.
Le fait d'être homosexuel n'est ni un délit moral, ni un délit juridique, ni
un délit politique. C'est tout simplement - beaucoup l'ont dit avant moi - un
fait de société sur lequel, à titre personnel, on est en droit de penser ce que
l'on veut, mais qu'en tant que législateur nous devons prendre en compte pour
contribuer à poser les problèmes légitimes, et seulement ceux-là, auxquels il
revient alors à l'Etat de trouver les solutions appropriées.
Ayons toujours à l'esprit ce principe : les dispositions civiles - état des
personnes - patrimoniales - droit de la propriété et des contrats - fiscales et
successorales dont « bénéficient » un homme et une femme unis par le mariage ne
se justifient que parce qu'elles sont sous-tendues par les notions de famille,
de transmission de la vie, d'éducation et de filiation.
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Hubert Haenel.
Or, pour aborder ces questions fondamentales, pour porter atteinte,
subrepticement, à quelques grands principes universels et fondateurs reconnus,
protégés même, par la Déclaration universelle des droits de l'homme, tels que
la famille, vous avez curieusement choisi la procédure la plus inadaptée, la
plus curieuse, à mes yeux la plus incohérente, source de tant d'ambiguïtés, et
donc de suspicion légitime.
Oui, la démarche entreprise par l'Assemblée nationale avec l'approbation du
Gouvernement est pour le moins inadaptée, curieuse, ambiguë et incohérente.
Les questions abordées dans ce texte sous prétexte de mettre fin à une
injustice, de légaliser une pratique, de reconnaître un état de fait, sont
tellement fondamentales, de l'avis de ceux qui sont contre, mais aussi de ceux
qui s'interrogent comme de ceux qui sont pour, qu'il s'agit, ni plus ni moins,
aux yeux de tous, autant qu'ils sont, de bouleverser des principes et des
valeurs fondatrices de notre société.
S'il s'agissait d'une promesse électorale considérée comme majeure, il fallait
tout simplement que le Gouvernement l'assume en présentant un projet de loi.
En suscitant, suivant ou soutenant la procédure d'une simple proposition de
loi, le Gouvernement voulait-il éviter - on peut se le demander -
l'indispensable réflexion sereine et objective à partir d'une expertise
pluraliste au niveau tant de la diversité politique que de celle des familles
de pensée, philosophiques et religieuses ?
Une concertation était aussi nécessaire avec les tenants d'une réforme, les
opposants et celles et ceux qui, encore aujourd'hui, ne demandent qu'à
comprendre et à évaluer les risques et les conséquences. En un mot, un vrai
débat public.
La procédure choisie a court-circuité, je le répète, la procédure d'Etat, qui
aurait permis de poser toutes les questions restées en suspens.
M. Jean Chérioux.
C'est une opération politicienne, c'est tout !
M. Hubert Haenel.
Cette procédure d'Etat, si nécessaire quand on manie de tels concepts, aurait
dû suivre les règles habituelles.
Le texte de l'Assemblée nationale, la charge émotionnelle qui l'entoure, chez
les uns comme chez les autres, les non-dits, peut-être même les mensonges de
certains, ou tout au moins l'hypocrisie, ouvrent la porte aux espoirs les plus
fous.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Hubert Haenel.
Nous porterions toutes et tous une lourde responsabilité si nous laissions
faire, sans rien dire, de peur du pilori médiatique, du terrorisme intellectuel
ambiant savamment orchestré.
M. Dominique Braye.
Bravo !
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Hubert Haenel.
Ces questions ne sont ni de gauche ni de droite ; ce sont tout simplement des
questions essentielles.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union
centriste.)
La voie n'est-elle pas libre - peut-être est-ce d'ailleurs ce qui est voulu,
mais inavoué - pour reconnaître demain, chez nous, toutes les formes d'union à
travers le monde ressemblant de près ou de loin au mariage ?
La reconnaissance de l'adoption par un couple homosexuel n'est-elle pas
implicitement inscrite dans ce texte ? Quelles garanties pouvez-vous nous
donner solennnellement, madame la ministre, qu'il n'en sera jamais ainsi ?
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Ce sera difficile !
M. Hubert Haenel.
Alors, devant toutes ces questions, ne cherchons pas non plus à concilier
l'inconciliable. Comme le proposent M. le rapporteur de la commission des lois,
le président et le rapporteur de la commission des finances, faisons tout
simplement un texte portant diverses dispositions concernant le concubinage, et
tenons-nous en à cette dimension du problème.
Après, peut-être, lorsque vous aurez réfléchi, consulté, que vous aurez mené
la nécessaire concertation, évalué les conséquences de ce texte d'une tout
autre nature, alors le Gouvernment, suivant une procédure d'Etat, sans biaiser
les cartes, sollicitera le Parlement.
M. Jean Chérioux.
Absolument !
M. Hubert Haenel.
Restons-en là ! Il y a encore trop de graves et essentielles questions
auxquelles il n'a pas été répondu parce que l'on n'a pas voulu ou pas pu,
répondre.
Madame la ministre, le fait de dire qu'à part quelques aménagements techniques
à l'étude par les services de la Chancellerie est bien le texte issu de
l'Assemblée nationale est, à mes yeux, révélateur et inquiétant.
S'opposer ainsi à toute véritable discussion au Sénat, reprendre tel quel le
texte voté par l'Assemblée nationale, à quelques exceptions près, sans tenir
compte de l'approche du Sénat réaliste et juste c'est démontrer que la
suspicion qui entoure l'attitude des promoteurs de ce texte et de ses soutiens
est fondée.
Par ailleurs, pourquoi se précipiter à adopter cette réforme, alors que, selon
vos propres dires vous l'avez déclaré au journal
La Croix
la
Chancellerie « planche » sur une vaste réforme du droit de la famille qui
sécurise le statut de l'enfant et réforme les droits du conjoint survivant ?
Pourquoi le PACS ne mériterait-il pas cette prudence, cette réflexion et cette
concertation, alors même que, à votre demande et à celle de Mme Aubry, Mme
Irène Théry, sociologue du droit et spécialiste de la famille et de la vie
privée, remettra à la mi-mai un rapport sur le couple, la filiation et la
parenté aujourd'hui ?
Peut-on renoncer aux débats sur ce sujet, alors qu'il s'agit de
bouleversements essentiels dans l'organisation des structures mêmes de la vie
sociale, alors que, fondamentalement, qu'on le veuille ou non, c'est tout
l'imaginaire et la symbolique de notre société qui sont remis en cause ?
Pouvez-vous, madame la ministre, pouvons-nous prendre cette responsabilité,
sous prétexte de ne pas vouloi se déjuger ou perdre la face, et emporter à
l'arraché le vote d'un texte mal perçu, mal ficelé, parce que mal conçu, parce
qu'ambigu, parce que plein de sous-entendus ?
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Hubert Haenel.
Il est encore temps, monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, de faire preuve du discernement nécessaire sur un sujet de cette
nature et de cette ampleur, et de revoir à fond la copie.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Dominique Braye.
Il est urgent d'attendre !
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le
pacte civil de solidarité non seulement s'adresse à des milliers de couples
hétérosexuels qui ne souhaitent pas se marier ou ne le souhaitent plus, mais
prend également en compte, n'en déplaise à certains, l'évolution de notre
société et l'ouverture de cette dernière sur une réalité : l'homosexualité
existe.
Le PACS, en reconnaissant le fait homosexuel, doit permettre à tout un chacun
d'avoir une vision prenant en compte la réalité des couples dans notre pays.
Ce pacte a pour objet principal de combattre toute forme de discrimination
envers une femme ou un homme du fait de ses choix sexuels.
Les homosexuels sont, aujourd'hui encore, victimes de discriminations fondées
sur les moeurs, que ce soit au travail, dans leur famille, lors de décisions de
justice concernant la garde des enfants après un divorce ou bien, tout
simplement, à travers le regard qu'une grande partie de la société porte sur
eux.
C'est pourquoi il est primordial d'aborder sereinement, sans hypocrisie et
sans homophobie, cette question de société et ce débat public inédit.
Nous souscrivons pleinement à vos propos, madame le garde des sceaux, lorsque
vous dites du PACS qu'il constitue « une avancée morale et sociale ».
Conférer des droits nouveaux et un statut aux couples non mariés est un défi
moderne que nous devons relever sans frilosité ni phobie.
Admettre, reconnaître le fait homosexuel doit, par ailleurs, aider les
familles, les amis, tous les proches des personnes homosexuelles à accepter
celles-ci en tant que telles, à porter sur elles un regard neuf.
Les parents d'enfants homosexuels - nous les avons rencontrés - attendent
beaucoup de ce projet. Ils sont en effet inquiets pour leurs enfants, chez
lesquels on note, aujourd'hui, une proportion importante de suicides. Les
préoccupations de ces parents sont légitimes : ils sont inquiets pour l'avenir
de leurs enfants, pour leur place dans la société, inquiets du regard que
portent sur eux les autres. Avec ce texte, nous ont-ils dit, ce sera terminé :
ils ne seront plus des zombies dans la société.
Ce nouveau statut, gage d'une moindre vulnérabilité et d'une meilleure
intégration, permettra une plus grande cohésion sociale.
Le contenu du texte, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, et que
nous soutenons avec conviction, constitue un pas vers plus d'égalité des droits
entre couples mariés ou non, homosexuels ou hétérosexuels.
C'est ainsi, par exemple, qu'il apporte des garanties sur le droit au bail,
qu'il étend la couverture sociale à un partenaire lié par un PACS, qu'il permet
une imposition commune, qu'il organise les droits de mutation.
Nous estimons toutefois que les dispositions contenues dans ce texte restent
perfectibles, tant sur les plans technique et juridique que sur le plan
politique.
Chacun s'accorde à dire que la rédaction actuelle de certains articles pose
problème, et nous l'admettons.
Cependant, n'est-il pas de notre devoir de législateur d'améliorer les textes
et d'effectuer toutes les corrections techniques et juridiques qui s'imposent
?
N'est-ce pas là une des qualités de la commission des lois ?
Contrairement à ce que prétendent le rapporteur et le président de la
commission des lois, ce n'était pas un travail impossible.
Nous estimons que d'autres améliorations, y compris de portée plus politique,
sont susceptibles d'être introduites dans le texte.
Je pense notamment aux délais requis pour l'obtention de droits nouveaux,
alors qu'ils n'y en a pas s'agissant des obligations, au lieu d'enregistrement
du PACS, à l'extension du champ d'intervention du pacte à d'autres mesures
sociales, à l'accès aux droits de mutation et, enfin, à la nationalité
française.
Bien évidemment, j'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet plus longuement et
dans le détail lors de la discussion des articles et des amendements.
Je voudrais évoquer à présent votre démarche, monsieur le rapporteur.
En présentant un contre-projet, le 10 mars dernier, vous refusiez tout débat
de fond sur la question de l'homosexualité.
M. Patrice Gélard
rapporteur.
Il règle tous les problèmes !
M. Robert Bret.
Tirant les leçons, d'une part, des comportements et des propos « outranciers »
et homophobes qui ont jalonné la première lecture du PACS à l'Assemblée
nationale et, d'autre part, de l'image de « ringarde » qui colle à la majorité
sénatoriale et qui a éclaté au grand jour lors du débat relatif à la parité
entre les hommes et les femmes en politique, vous tentez aujourd'hui de faire
croire à l'opinion publique que la droite sénatoriale n'est ni homophobe ni
ringarde comme on le pense.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard
rapporteur.
Ne sont pas ringards ceux qu'on croit, et ils vous l'ont
montré !
M. Josselin de Rohan.
Et vous alors ?
M. Robert Bret.
Vous ne voulez pas de ce texte et, bien que vous ayez fait des efforts pour
passer à l'offensive - je pense à la conférence de presse qui s'est tenue au
sortir des deux commissions chargées d'examiner le PACS - personne n'est dupe
de vos manoeuvres.
M. Dominique Braye.
C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Josselin de Rohan.
Démagogue !
M. Robert Bret.
Permettez-moi de rappeler certains faits.
Premièrement, il ne faut pas oublier - et nous ne l'oublions pas - que le
débat d'aujourd'hui aurait dû avoir lieu il y a un mois environ.
En désignant M. Patrice Gélard rapporteur du texte sur le PACS, le président
de la commission des lois, M. Jacques Larché, a fait le choix de retarder
l'examen de ce texte...
M. Dominique Braye.
C'est n'importe quoi ! Il a choisi quelqu'un de compétent, s'il en est.
M. Robert Bret.
En effet, M. Gélard a siégé à la Cour de justice de la République à partir du
9 février pour le procès du sang contaminé.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Me permettez-vous de vous
interrompre, monsieur Bret ?
M. Robert Bret.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation
de l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le sénateur, je veux vous
faire remarquer que ce que vous venez de dire quant au déroulement de la
procédure devant le Sénat est strictement inexact.
Le Sénat a disposé, ni plus ni moins, du temps dont a disposé l'Assemblée
nationale pour examiner ce texte. Par ailleurs - et peut-être est-ce là une
supériorité ? - l'examen devant le Sénat sera peut-être un peu plus rapide.
C'est ainsi que nous rattraperons, à notre manière, le retard que vous nous
reprochez.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Bret.
M. Robert Bret.
Par ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, vous avez beau
vous prévaloir d'avoir, au cours des auditions, reçu quatre-vingts personnes et
je ne sais combien d'associations, ce qui est vrai, et effectué un travail
sérieux...
M. Josselin de Rohan.
Cela vous gêne ?
M. Robert Bret.
Non ! Nous avons fait de même de notre côté, et nous avons participé à ces
réunions assidûment, contrairement à d'autres !
Bien que vous ayez procédé à de nombreuses auditions, disais-je, votre fil
conducteur, ainsi que le choix des personnes invitées, loin d'être anodins et
impartiaux, nous ont éclairés sur vos intentions, qui se révèlent
aujourd'hui.
M. Dominique Braye.
Les connaissez-vous vraiment ! Le Gouvernement aurait été bien inspiré de
procéder à de telles auditions !
M. le président.
Monsieur Bret, permettez-moi de vous interrompre.
Monsieur Braye,...
M. Dominique Braye.
Il y a des vérités qui sont dures à entendre !
M. le président.
... jusqu'à cet instant, nos débats ont été sereins et je vous invite à faire
en sorte qu'ils le restent.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Alors, que ces provocations cessent !
M. le président.
Je vous invite à poursuivre votre intervention, monsieur Bret.
M. Robert Bret.
Il faut savoir que les personnes que vous avez reçues étaient, à une grande
majorité, contre le texte instituant le PACS.
Tout au long des auditions, vous vous êtes efforcés de montrer l'homosexualité
comme une perversion, ou encore sous l'angle de la maladie, avec le sida,...
M. Josselin de Rohan.
Ce n'est pas possible !
M. Dominique Braye.
On ne peut pas laisser dire cela !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est une contre-vérité !
M. Robert Bret.
Je pense que les auteurs de ces déclarations se reconnaîtront. Vous me direz
si c'est vrai ou faux !
M. le président.
Monsieur Bret, pas de dialogue avec vos collègues, je vous prie. Veuillez
poursuivre votre intervention !
M. Robert Bret.
Certains n'hésitent pas à déclarer : « pourquoi, demain, ne pas légaliser la
pédophilie, par exemple ? », comme en témoigne la presse d'aujourd'hui. C'est
bien l'un de vous qui a fait cette déclaration !
(Murmures sur les travées
du RPR.)
Enfin, en posant des questions récurrentes concernant les couples homosexuels,
le droit à l'adoption et la procréation médicalement assistée, vous aviez pour
unique objectif de démontrer que ce que veut la communauté homosexuelle, au
travers du PACS, c'est obtenir le droit à l'adoption et la procréation
médicalement assistée...
M. Dominique Braye.
Entre autres !
M. Robert Bret.
... pour arriver à la conclusion que la famille, voire notre société - cela a
été dit voilà un instant par M. Haenel - était directement menacée si le PACS
venait à être adopté.
M. Josselin de Rohan.
Mme Guigou dit cela !
M. Robert Bret.
Or vous savez parfaitement que ce n'est pas le sujet, que le présent texte ne
traite pas de ces aspects et qu'enfin - Mme Guigou l'a clairement signifié
voilà encore un instant - la loi en cours d'élaboration n'ouvre pas de droits
nouveaux, ni pour l'adoption ni pour la procréation médicalement assistée.
En agitant ainsi des épouvantails, vous faussez volontairement le débat.
Ce que vous omettez de dire, là encore, c'est que, d'une part, l'adoption est
possible pour tout célibataire âgé de vingt-huit ans et, d'autre part,
l'homoparentalité existe déjà dans les faits à côté des familles
traditionnelles, des familles monoparentales, des familles recomposées, des
familles ayant recours à la PMA, des familles adoptives.
M. Dominique Braye.
Vous reconnaissez que vous voulez le généraliser ! Vous êtes démasqué !
M. Robert Bret.
C'est la réalité de notre société, monsieur Braye !
Il s'agit, pour partie, de couples homosexuels qui ont eu plusieurs enfants
issus d'une première union hétérosexuelle.
Quant à la procréation médicalement assistée, nous savons tous que si, en
France, elle est interdite aux homosexuels, ces derniers y ont d'ores et déjà
recours clandestinement, en allant en Belgique ou aux Pays-Bas.
Il est d'ailleurs à noter que les Pays-Bas s'apprêtent, dans un délai de deux
ans, à se doter d'une législation autorisant le mariage homosexuel et le droit
à l'adoption pour les homosexuels.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
C'est un modèle !
M. Robert Bret.
Je ne dis pas que c'est un modèle, mais c'est une réalité au moment où nous
construisons cette Europe.
M. Dominique Braye.
On n'y comprend rien !
M. Robert Bret.
Il ne faut donc pas jouer les hypocrites ni se voiler la face. Ne dites pas,
comme l'a fait M. le rapporteur, que vous avez évolué au fil des auditions. Non
! Vous avez campé sur vos positions et vous avez essayé de dégager en
touche.
Avec vos collègues de la majorité sénatoriale, vous avez donc décidé de mettre
en pièce le PACS, tout en évitant de faire, comme à l'Assemblée nationale, du «
boutinisme »
(Mmes et MM. les sénateurs du RPR se lèvent et applaudissent
Mme Boutin, présente dans les tribunes),
cachant votre homophobie derrière
un contre-projet, dans lequel nulle part ne figurent la référence à
l'homosexualité et encore moins la reconnaissance officielle tant attendue par
les intéressés.
Les amendements que vous nous proposez pour réécrire la présente proposition
de loi cachent mal vos véritables intentions.
Vous avez beau jeu d'affirmer haut et fort que vous créez, au sein du code
civil, un statut du concubinage, qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel, alors
qu'à aucun moment vous ne faites référence explicitement au sexe des
concubins,...
M. Dominique Braye.
Non ! C'est tout ce qui fait sa force !
M. Robert Bret.
... comme vous l'ont fait remarquer les sénateurs de la gauche au sein de la
commission des lois, mais aussi certains de nos collègues de droite.
M. Dominique Braye.
Nous ne sommes pas obsédés !
M. Robert Bret.
Vous avez même été jusqu'à refuser un sous-amendement qui précisait que « le
concubinage est le fait pour deux personnes, quel que soit leur sexe, de vivre
en couple sans être unies par les liens du mariage ».
M. Louis de Broissia.
Cela va de soi !
M. Robert Bret.
Nous maintenons, pour notre part, notre sous-amendement sur lequel nous
reviendrons au cours de l'examen des articles, car si nous sommes pour qu'une
loi relative au PACS soit votée, nous ne sommes pas contre l'idée d'inclure
dans celle-ci un statut du concubinage hétérosexuel ou homosexuel, à condition
de préciser « de sexe différent ou de même sexe ».
M. Dominique Braye.
C'est ce que propose le rapporteur !
Mme Nicole Borvo.
Mais non !
M. Robert Bret.
Il a refusé !
Il convient de noter, par ailleurs, que le fait d'instituer un statut du
concubinage seul ne règle pas grand chose, étant donné le nombre de textes
épars dans notre législation, s'agissant, notamment, du code du travail, du
code de la sécurité sociale, du code général des impôts et j'en passe, qu'il
aurait fallu également revoir -, ce que vous ne faites pas.
Le texte qui va émaner du Sénat, dont même l'intitulé est transformé, est très
en retrait par rapport à celui qui a été voté par les députés le 9 décembre
dernier, concernant l'imposition commune, les droits de mutation, les concubins
étrangers...
C'est un hors-sujet. Il s'agit d'un tout autre texte. Vos propositions ont le
goût du whisky, mais sont, en fait, du
Canada Dry.
Vous est-il si difficile, chers collègues de la majorité, d'admettre que la
société bouge, que les Français sont prêts à l'accepter, que la famille évolue
et n'a finalement que très peu de points communs avec l'image que vous en avez
et à laquelle vous vous accrochez désespérément ?
Vous refusez de prendre vos responsabilités.
Nous nous élevons, une fois de plus, avec détermination contre ces
propositions de la majorité sénatoriale qui vont à contre-courant de
l'évolution de notre société.
Sachez que le Sénat n'en sortira pas grandi ! Mais une fois n'est pas coutume
!
Ce n'est d'ailleurs pas étonnant de la part d'une assemblée qui, en 1981, a
refusé de voter la suppression du délit d'homosexualité.
Pour leur part, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen
proposeront, à l'occasion de l'examen des articles, certaines améliorations au
texte venant de l'Assemblée nationale mais combattront, en revanche, les
démarches d'arrière-garde de la majorité sénatoriale.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Delanoë.
M. Bertrand Delanoë.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque fois
que le législateur est appelé à traiter d'un grand sujet de société, la passion
et l'irrationnel s'invitent dans le débat. C'est un fait dont je tiens compte,
mais c'est avec les instruments de la raison que je souhaite m'exprimer.
Car le législateur doit veiller à adapter notre droit à l'évolution de la
société. Il n'est pas - et il n'a pas vocation à être - un directeur de
conscience.
Or ce qui me frappe depuis l'origine, c'est que ce débat ne porte pas toujours
sur le PACS tel qu'il est ; il porte plutôt sur le contenu virtuel que lui
donnent ses détracteurs.
C'est pourquoi s'expliquer sur la nature du socle philosophique qui porte ce
texte, c'est déjà progresser dans la compréhension d'une démarche moderne,
équilibrée et qui désigne surtout la liberté comme référence absolue.
Comme vous, j'ai entendu celles et ceux pour lesquels le pacte civil de
solidarité agrège une somme de menaces pour notre organisation collective. Le
31 janvier dernier, au-delà de certains slogans abjects, les manifestants
proclamaient : « si le PACS s'impose, la société explose » ou encore « pacte
d'agression contre la société ». Mais quelle explosion ? Quelle agression ?
Quelle destructuration sociale ?
Je veux tenter de répondre à de telles interrogations car, selon moi, il ne
peut être question de brutaliser les consciences.
Alors sans doute faut-il revenir encore une fois sur les circonstances qui ont
donné naissance au PACS. Parce que celui-ci a déjà une histoire, une histoire
qui fonde sa légitimité et démontre sa pertinence.
A l'origine, c'est le développement du sida qui a révélé à l'opinion la
tragédie vécue non exclusivement mais principalement par les homosexuels, lors
de l'apparition de cette pandémie. Les drames humains, la mort, la détresse et
l'isolement ont entraîné une prise de conscience de la société. De la
compassion sont nées une plus grande tolérance, puis la solidarité.
Pour cette raison, la revendication de nouveaux droits sociaux a pu trouver un
écho. Et peu à peu, celles et ceux qui y voyaient une aspiration juste,
nécessaire, adaptée à la diversité des cas, se sont associés à ce mouvement -
et, parmi eux, de nombreux couples hétérosexuels non mariés. L'ambition d'une
conquête sociale défendue à l'origine par une minorité s'est transformée en
dynamique collective pour une nouvelle liberté. L'Histoire montre bien
d'ailleurs que tout progrès, toute avancée, profitent à chacun, y compris à
ceux qui les ont combattus. Car le progrès est universel. La liberté est
contagieuse.
Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, le délit d'homosexualité est
resté inscrit dans notre code pénal jusqu'à décembre 1981. A l'époque, c'est
Robert Badinter qui, face à une opinion publique, certainement moins convaincue
qu'aujourd'hui, a eu la lucidité et le courage de proposer au Parlement la
suppression de cette disposition héritée du pétainisme. Je veux lui rendre
hommage pour cet acte majeur qui, en réalité, a rendu toute notre société plus
libre.
C'est inspiré par la même philosophie que je considère aujourd'hui ce texte,
auquel personne ne doit faire dire ce qu'il ne dit pas. Le PACS est un contrat
qui tire sa justification de la pratique sociale elle-même. Le PACS reconnaît
l'universalité du lien amoureux.
Mes chers collègues, j'ai entendu beaucoup parler tout à l'heure d'orientation
sexuelle. Ne parlez pas que d'orientation sexuelle. Il y a le lien amoureux, il
y a le droit à la tendresse et, tout simplement, la dignité de chacun.
Je le répète, le PACS reconnaît l'universalité du lien amoureux. Il crée des
droits et des devoirs entre deux personnes, qui les acceptent en conscience.
Par là-même, il est le symbole d'une société plus ouverte et plus mûre,
établissant un droit nouveau pour celles et ceux qui ne veulent ou ne peuvent
se marier. Comment ignorer qu'en France aujourd'hui, comme cela a été dit, 15 %
des personnes vivant en couple ne sont pas mariées, ce qui représente de 4 à 5
millions d'individus ? Au nom de quoi devrait-on refuser à ces personnes
l'accès à de meilleures conditions de vie, à une plus grande sécurité, mais
aussi à la reconnaissance du choix de vie qu'elles ont fait librement ?
Les arguments des tenants de l'ordre moral mêlent archaïsme et hypocrisie. Ce
sont les mêmes qui, il n'y a pas si longtemps, condamnaient le concubinage, le
divorce ou niaient la dignité des enfants naturels. Heureusement, le temps a
fait son oeuvre et la liberté finit toujours par rattraper ceux qui prétendent
l'ignorer.
Plus en avance sur eux, ou tout simplement plus humain, Victor Hugo, au xixe
siècle, proclamait : « La liberté d'aimer n'est pas moins sacrée que la liberté
de penser. Ce qu'on appelle aujourd'hui l'adultère est identique à ce qu'on
appelait autrefois l'hérésie. »
Dans un état laïc, la distinction doit être claire entre ce qui touche à la
conviction religieuse et ce qui organise la société. Chacun est libre de
déterminer les principes qui le guident dans sa vie spirituelle. Je respecte
profondément ce choix. Mais la collectivité ne peut s'incliner devant des
dogmes qui entrent parfois en collision avec les devoirs du législateur.
Par exemple, au nom de préceptes religieux, les pouvoirs publics devraient-ils
renoncer à encourager l'usage du préservatif, alors que celui-ci sauve tant de
vies ?
M. Jean-Marie Poirier.
Qu'est-ce que cela a à voir ?
MM. Adrien Gouteyron et Philippe Marini.
Vous confondez tout !
M. Henri de Raincourt.
Vous êtes hors sujet !
M. Bertrand Delanoë.
Pas du tout ! Cela a tout à fait à voir ! Je pense effectivement que nous
devons, en tant que législateurs, accompagner l'évolution du mode de vie de nos
concitoyens et que nous n'avons pas à la leur imposer au nom des principes, au
nom d'une spiritualité.
M. Jean-Marie Poirier.
Qu'est-ce que cela a à voir ?
M. Bertrand Delanoë.
Cela a tout à fait à voir et, en l'occurrence, j'ai l'impression que cela
venait même particulièrement bien !
Quant au mariage, il conserve son identité, son unicité, sa fonction sociale,
qui en fait le cadre privilégié pour unir les couples, fonder une famille,
élever ses enfants. L'institution du mariage n'est nullement atteinte, ni dans
son fondement ni dans sa noblesse, car le PACS ne se substitue pas au mariage :
il comble un vide.
Refuserons-nous ce progrès, cette liberté nouvelle qui étend le champ du droit
à la dignité, un acte de modernité qui, comme tel, engendre les doutes, génère
les fantasmes ? Comme la loi sur l'IVG, qui valut à Simone Veil d'affronter
avec courage l'obscurantisme, comme l'abolition de la peine de mort,...
M. Jean-Louis Lorrain.
Rien à voir !
M. Bertrand Delanoë.
... à son tour, le PACS traduit une avancée majeure qui suscite des
contestations, à cette différence près que, contrairement à l'IVG ou à
l'abolition de la peine de mort, il n'entraîne aucun choc frontal avec la
majorité de l'opinion publique. En fait, il adapte notre droit à une réalité
humaine et culturelle qui, manifestement, l'a précédé.
Avec sérénité, nous soutenons ce projet honorable parce qu'il renforce le lien
social et parce qu'il représente un progrès d'ordre philosophique.
Non, il ne peut être réduit à des considérations exclusivement financières ou
techniques. Oui, ce texte a également une portée symbolique....
M. Jean-Louis Lorrain.
Tiens !
M. Bertrand Delanoë.
... illustrant la profession de foi de Montesquieu, dont je veux faire le
dernier mot de mon intervention : « Ce n'est point le corps des lois que je
cherche, mais leur âme. »
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, si le débat
est constructif et si les acteurs développent une éthique du comportement, la
société s'enrichit et il enrichit les acteurs. Malheureusement, la violence du
discours évoluant dans l'alternative « archaïsme et modernité » ne mène qu'à
une stérilisation de la pensée.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain.
Une modernité faisant table rase de la mémoire et de l'héritage, ne révélant
que les moeurs de minorités fortes dont nous refusons l'exclusion, est
inacceptable.
Notre confrontation des idées devrait permettre de clarifier les valeurs de la
démocratie, à la veille du XXIe siècle.
M. Jacques Machet.
Tout à fait !
M. Jean-Louis Lorrain.
Mais, jusqu'à présent, nous avons surtout constaté un comportement binaire
opposant nature et culture, société et individu. A l'idéologie moderne
proposée, dont celle du PACS, il devient indécent de s'opposer sous peine de
procès en ringardisation.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un rapport de forces !
M. Jean-Louis Lorrain.
Plus sérieusement, peut-on encore à notre époque développer un savoir critique
? A-t-on encore la possibilité de s'interroger sur la normalisation de la
condition homosexuelle en particulier, en évoquant la différence des alliances
entre hétérosexuels ou homosexuels ?
M. Jacques Peyrat.
On en a brûlé pour moins que cela !
M. Jean-Louis Lorrain.
Derrière les adaptations juridiques, une reconnaissance de l'union libre qui
ne demande rien sinon d'être libre, se profilent des orientations dont je ne
peux accepter la complicité par les compromissions du moment.
La révolution anthropologique du mariage de deux individus du même sexe est
une demande que les arguties sur l'aménagement de l'union libre ne pourront
endiguer à long terme, il faut le savoir. Cela se situe dans le contexte du
développement du droit illimité de l'individu contre l'enfant. L'enfant n'est
ni sujet ni objet et il ne peut être inclus dans un contrat. Le PACS ne peut
offrir un cadre à la parentalité et délaisse donc l'enfant. On peut
s'interroger sur les progrès apportés au moins dans ce domaine.
« Il faut que l'institution familiale soit solennellement affirmée... Faire
attention à ne pas tout ramener à l'aspiration à la liberté individuelle. » Ce
sont vos paroles, madame, et vous avez raison. D'un point de vue pédagogique,
le PACS, par sa position centrifuge par rapport au mariage, est porteur de
dilution des repères. Le mariage a un coût : sa durée potentielle, les
contraintes de fidélité et de responsabilité. Le couple est uni non seulement
par sa sexualité et par son affectivité, mais aussi par la potentialité qu'il a
d'être créateur. Légitimité et droit sont les devoirs que porte la société.
Est-ce bien utile de vouloir donner une définition du mariage telle « l'union
d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil » ? Si cela
devait être le cas, je préférerais de loin considérer qu'il est la fondation de
la famille en tant qu'attente réfléchie de l'enfant et reconnaissance par les
époux de leur responsabilité.
Au PACS, nous associons parfois rapidement instabilité, possibilité d'abandon
brutal ; mais les acteurs souhaitent, en fait, droit et légitimité.
Nous sommes, et ce sans compassion, favorables aux adaptations financières,
fiscales et successorales visant à établir une stabilité dans le choix de vie
des individus et à lutter contre des souffrances ou toute forme d'exclusion.
Nous refusons la discrimination canalisant de part et d'autre des haines ;
mais la différence ne peut être neutralisée par des exigences d'égalité, en
particulier la reconnaissance symbolique.
Mon débat ne se situe pas dans un contexte de préjugés : ni homophobie ni
famille mythique dans l'orthodoxie des moeurs. L'ornière est dans la
précipitation de la gauche et les préventions de la droite.
Faut-il légitimer l'homosexualité ? Faut-il qu'un choix de vie fasse l'objet
de reconnaissance institutionnelle ? Ne pas reconnaître explicitement dans la
loi une relation entre humains, qu'elle soit sentimentale ou sexuelle,
n'implique pas qu'on la condamne. Si nous souhaitons permettre l'union libre,
c'est surtout dans le souci des droits des parents et de l'enfant.
Incidemment, certains veulent nous proposer une définition de l'union libre, à
savoir « une cohabitation stable et durable de deux personnes, quel que soit
leur sexe ». Mais qui peut décréter la stabilité d'une situation volontaire, à
tout moment réversible, relevant du domaine de la vie privée ?
Quant à l'identité sexuée des sujets, c'est une réalité forte créant le lien
social, mais doit-elle être incluse dans la loi ? Entre l'abstention pour
conservatisme et précipitation progressiste, il reste une marge à explorer.
Je refuse de participer à un équilibrisme juridique parlementaire qui vous
pare de vertus ; il s'illustre dans des propos du style : « on évolue au fil
des auditions », « on réfléchit depuis », « on modernise l'image du Sénat », «
on trouve une issue de secours ». Je n'accepte pas cette démarche. La
perception à géométrie variable des problèmes de société n'est pas acceptable,
car elle ne permet pas le débat de fond.
La dépénalisation de l'homosexualité était indispensable, mais sa
reconnaissance dans le code civil par la grande porte serait à mes yeux une
effraction symbolique susceptible d'en appeler d'autres. Nous ne voulons
néanmoins pas rester sans réponse.
La reconnaissance du concubinage grâce à la proposition de la commission des
lois est un acte fort. Sans affaiblir le mariage, qui reste porteur du couple,
sans introduire la sexualité, qui relève du domaine privé et de la liberté
individuelle, cette proposition de loi permet de répondre à une situation de
fait.
Nous pouvons aller plus loin. Nous proposons, avec Alain Lambert, avec Denis
Badré, avec qui nous avons beaucoup travaillé, que, quel que soit leur sexe,
deux personnes vivant en union libre puissent passer un contrat, par un acte
authentique ou sous seing privé, pour régler leurs relations pécuniaires,
patrimoniales et, ainsi, organiser leur vie. Nous souhaitons insérer cette
proposition non pas dans le livre du code civil consacré aux personnes, mais
dans celui qui traite notamment des contrats.
Le PACS, dans sa conception, soutient l'éclatement de l'organisation de notre
société.
M. Jacques Peyrat.
Voilà !
M. Jean-Louis Lorrain.
Notre démarche s'oppose aux inégalités engendrées entre individus PACSés et
couples en union libre. En fait, on consolide le lien social non pas en
ajoutant des bouts de ficelle à une corde, mais en renforçant sa trame.
M. Jacques Peyrat.
Absolument !
M. Jean-Louis Lorrain.
C'est une erreur, j'y insiste, de ne pas avoir saisi la commission des
affaires sociales du Sénat sur ce sujet.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain.
A l'approche juridique aseptisée, il manque une dimension humaine et
universelle.
M. Jacques Machet.
Oh oui !
M. Jean-Louis Lorrain.
Connaissant la ténacité des auteurs, à la reconnaissance de l'union libre va
s'ajouter un PACS techniquement amélioré, sinon, en l'état, il serait légal.
Personnellement, je refuse ses objectifs.
Cependant, l'évolution de la législation de plusieurs pays européens va donner
des arguments pour pointer notre retard, pour pointer notre frilosité. J'aurais
souhaité, plutôt que de donner dans la facilité et de nous soumettre à la
pression sociétale, que nous offrions à nos concitoyens l'ouverture de grands
chantiers.
Certains sont ouverts, nous dit-on, mais ils pourraient être prioritaires et
faire l'objet d'un débat...
M. Dominique Braye.
Mais bien sûr !
M. Jacques Peyrat.
Absolument !
M. Jean-Louis Lorrain.
... alors que c'est ce débat-là qui occupe la scène aujourd'hui.
Et l'un de ces grands chantiers, nous l'avons dit depuis longtemps, pourrait
être, par exemple, la redéfinition des droits et des devoirs liés à la
parentalité. Sur ce point, madame la ministre, nous nous rejoignons.
M. Louis de Broissia.
Nous attendons beaucoup sur ce point !
M. Jean-Louis Lorrain.
Notre pays subit alors qu'il devrait être créateur.
Madame la ministre, nous avons les mêmes outils, nous avons les mêmes
matériaux mais, malheureusement, nous n'avons pas les mêmes plans pour
construire une société d'avenir.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en parcourant
la presse ces derniers jours, je me suis demandé si l'examen de la proposition
de loi sur le PACS, au Sénat, aurait vraiment lieu.
En effet, quel pouvait bien être l'intérêt de notre discussion alors que,
selon un scénario désormais bien rodé, presque trop parfait, vos amis, madame
la ministre, annonçaient une fois de plus, avant le débat, quelle serait
l'attitude du Sénat ? Tout cela, sans doute, dans l'espoir vain de fustiger le
conservatisme de notre assemblée et de nous contraindre, par avance, à changer
notre vote sous la pression de l'opinion publique.
A pratiquer ainsi l'amalgame, à jouer avec les symboles, à faire du PACS
l'enjeu d'une querelle politicienne qui n'a pas lieu d'être, votre gouvernement
et votre majorité récoltent ce qu'ils ont semé : vous êtes parvenus à un
résultat inverse de celui que vous poursuiviez.
Ce texte qui devait justifier un débat tolérant tourne aujourd'hui à la
fracture : on ne peut pas être contre le PACS sans être traité d'homophobe ; on
ne peut pas être pour le mariage sans être suspecté de prêcher le retour à
l'ordre moral.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est exactement cela !
M. Jean-Claude Carle.
Ceux que vous vouliez faire bénéficier d'une reconnaissance sociale sont
aujourd'hui montrés du doigt, malgré eux.
Devant une telle confusion, je me pose la question : madame la ministre,
pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas osé présenter son propre projet de loi
sur le PACS ?
(Protestations sur les travées socialistes.)
Pourquoi
cette gêne à afficher clairement qu'il s'agit de légitimer l'homosexualité ?
Comment, enfin, expliquer que la majorité plurielle, à l'Assemblée nationale,
ait voté le texte qu'elle avait rejeté deux mois plus tôt ?
Simplement parce que, au fond d'eux-mêmes, nous le savons bien, nos collègues
socialistes et communistes ne sont pas vraiment d'accord avec ce projet...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais, jamais de la vie !
M. Jean-Claude Carle.
Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, ils le soutiennent plus par discipline
que par conviction.
M. Louis de Broissia.
Il suffit de les regarder pour s'en convaincre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous prenez vos désirs pour des réalités !
M. Jean-Claude Carle.
Face à cette attitude, le Sénat donne, aujourd'hui, la preuve de son
pragmatisme et de sa lucidité.
Il nous aurait été facile de voter contre le PACS parce qu'il nous était
proposé par votre majorité, voire d'adopter une question préalable.
Non, le Sénat accepte aujourd'hui le débat. C'est un vrai problème qui est
posé, et nous avons choisi de l'aborder sans concession ni complaisance.
Il nous aurait été facile de démonter entièrement ce texte pour le plaisir
mesquin de montrer que le Sénat existe. Au contraire, la commission des lois a
travaillé sérieusement pour proposer une solution qui, elle, a le mérite de
dire clairement les choses et d'être viable sur le plan juridique.
A titre personnel, je crois que ce débat ne peut s'appréhender sans une vision
d'ensemble du rôle et de la place de la famille dans notre société, car,
au-delà du cas spécifique des couples non mariés, c'est bien de vivre ensemble
qu'il s'agit.
En légitimant par une loi l'égalité entre couples homosexuels et
hétérosexuels, les auteurs de la proposition de loi privilégient l'égalité des
droits entre individus. L'individu devient sa propre essence et sa propre fin,
une sorte d'absolu.
Or ce n'est pas du principe d'égalité qu'il s'agit ici, c'est du droit à la
protection de la vie privée. De là mon inquiétude pour la cohésion sociale :
notre pays ne peut se résumer à l'addition de couples d'individus qui seraient
autant de petites sociétés privées à responsabilités limitées.
La loi n'a pas à légitimer des droits-créances et à donner satisfaction à des
besoins qui sont, en réalité, des désirs. Expression de la volonté générale,
elle doit, au contraire, favoriser un équilibre de vie en communauté en posant
certaines contraintes à nos libertés individuelles et en protégeant les plus
faibles d'entre nous, à commencer par l'enfant, dont nulle part il n'est
question dans le PACS.
A la différence des adultes qui ont décidé de vivre ensemble, l'enfant ne
choisit pas de venir au monde. Pour se construire, il a besoin d'un père et
d'une mère.
En instituant le mariage, le législateur n'a pas consacré l'hétérosexualité,
mais a reconnu les droits de l'enfant en favorisant l'union durable d'une femme
et d'un homme qui se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance, et
s'engagent par avance à assumer leur rôle de parents.
Hors du mariage, rien ne peut obliger un père à reconnaîre son enfant, tout
comme la mère peut refuser qu'il le fasse et priver son enfant du nom de son
père.
C'est toute la dimension laïque du mariage que rappelle le code civil. Cela
implique que le divorce est non pas décidé unilatéralement par un des
conjoints, mais prononcé par un juge afin d'éviter la répudiation au préjudice
du plus faible.
Je ne défends pas le mariage en soi. Je défends les droits de l'enfant,
totalement négligés dans ce débat. Les droits particuliers qu'ouvre le mariage
- notamment en matière fiscale - ne valent qu'en raison de l'engagement et des
devoirs contractés. Au nom de l'égalité, le PACS, lui, réclame les droits sans
les devoirs.
En mettant sur un même plan le mariage, qui protège les droits de l'enfant et
favorise le renouvellement des générations, et le PACS, contrat privé entre
deux individus, nous risquerions de nous engager dans une voie dangereuse.
Une chose est de permettre à des personnes qui ne peuvent pas se marier de
vivre ensemble. Elles ont droit à une égale dignité et à une égale
considération, et je respecte les liens qui les unissent. A cet égard, un
aménagement du droit en vigueur doit permettre d'adapter leur situation. C'est
ce que propose le Sénat.
Une autre est de jouer de la force symbolique de la loi pour
institutionnaliser une égalité entre couples hétérosexuels et homosexuels. Au
nom de l'égalité entre couples signataires d'un PACS, on voit mal comment,
demain, on pourrait refuser à deux hommes ou à deux femmes d'adopter des
enfants. Certaines associations le réclament. Les auteurs du PACS ont
d'ailleurs l'honnêteté d'admettre que la question se posera inéluctablement à
terme.
Dans une société où la morale personnelle est trop souvent absente, la loi
tient lieu de morale. Or, on voit le danger qu'il y aurait à multiplier les
droits en réponse à des revendications individuelles, risquant de tout
confondre et de mettre en péril les droits fondamentaux.
Si tout est fondamental, rien ne l'est plus : c'est le mariage, pivot de notre
société, qui deviendrait un mode de relation comme un autre ; c'est le droit à
l'enfant qui prendrait le pas sur les droits de l'enfant.
A mes yeux, la vitalité d'une société est de pouvoir s'appuyer sur des
structures intermédiaires assez fortes pour que la vie en communauté trouve son
équilibre sans recourir toujours à la loi.
Si la famille, communauté affective et éducative qui a résisté à toutes les
épreuves du temps, était mieux soutenue, aurions-nous besoin de légiférer de
manière confuse, comme le Gouvernement nous y invite ? Cette question
mériterait, elle aussi, d'être abordée dans un débat d'ensemble qui n'est pas
seulement celui du PACS.
Votre gouvernement et votre majorité ont voulu faire le choix de l'affichage
et du symbole. Manifestement, ce choix vous a échappé.
Je préfère, quant à moi, la solution concrète proposée par le Sénat, qui
refuse le PACS tout en mettant un terme aux discriminations dont peuvent être
l'objet les personnes en raison de leur mode de vie.
Il n'y a que la gauche pour penser que seuls l'Etat et la loi peuvent changer
la société.
Il n'y a que les socialistes pour vouloir garantir le bonheur des Français
malgré eux.
M. Dominique Braye.
C'est vrai ! Ils y croient encore !
M. Jean-Claude Carle.
Je pense, au contraire, que les Français ne nous ont pas attendus pour
évoluer. Aujourd'hui, c'est d'abord sur eux-mêmes et sur leur famille qu'ils
comptent pour assurer leur bonheur et leur avenir.
A votre différence, je crois que chacun a le droit de choisir librement son
mode de vie et que la réponse à des problèmes privés passe par des mesures
d'ordre privé.
L'Etat n'a pas à se mêler de la vie intime de nos concitoyens. Il doit
seulement créer les conditions favorables à leur épanouissement personnel, tout
en veillant à préserver la cohésion de notre société. C'est tout le mérite des
propositions du président Larché et du rapporteur, approuvées par la commission
des lois, de répondre à cette exigence.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à demain.
3
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi relatif au référé devant
les juridictions administratives.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 269, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
4
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses mesures relatives à
la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de
réseau de transport public de voyageurs.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 270, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
5
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean Faure une proposition de loi visant à permettre aux
communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles
ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité
sportive ou de loisirs.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 267, distribuée et renvoyée
à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
6
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Bernard Angels une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de
directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des
revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (n°
E-1105).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 271, distribuée et
renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une
commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
7
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant le royaume d'Espagne à adhérer
provisoirement à la convention établissant la commission inter-américaine du
thon tropical.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1229 et distribué.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur la proposition de résolution (n° 251, 1998-1999)
présentée en application de l'article 73
bis
du règlement par M. Michel
Barnier sur le projet de statut des députés au Parlement européen (n°
E-1209).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 268 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 18 mars 1999 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 108, 1998-1999),
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
Rapport (n° 258, 1998-1999) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 261, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de cette proposition
de loi n'est plus recevable.
Aucun amendement à cette proposition de loi n'est plus recevable.
A quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 22 mars 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 mars 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
Mme Dinah Derycke a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 39
(1998-1999), de Mme Hélène Luc, portant création d'une délégation aux droits
des femmes au Parlement.
Mme Dinah Derycke a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 119
(1998-1999), de Mme Danièle Pourtaud, tendant à compléter l'ordonnance n°
58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires pour créer une délégation aux droits des femmes et à l'égalité
des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Dinah Derycke a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 221
(1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la création de
délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes.
M. Jean-Patrick Courtois a été nommé rapporteur de la proposition de
résolution n° 263 (1998-1999), de M. Paul Masson, sur le projet de décision du
Conseil déterminant les bases juridiques pour l'acquis de Schengen qui a été
révisé à la suite de la réunion du groupe « Acquis de Schengen » des 14 et 15
mai (n° E 1219).
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Présentation des avis d'impôts locaux
492. - 17 mars 1999. - M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la lisibilité des avis d'imposition locale. Il lui rappelle que, si le Trésor public distingue bien la part de chaque collectivité locale - communes, département et région - dans l'avis d'imposition destiné aux contribuables, le montant à payer reste global. Il lui indique que cette unicité est souvent source de confusion de la part des usagers, puisque ceux-ci sont sensibles essentiellemet aux variations de la somme globale qu'ils auront à débourser. De ce fait, il lui indique que les communes sont souvent rendues responsables d'une éventuelle augmentation des impôts locaux qui n'est pas toujours de leur fait. Dès lors, il lui demande s'il ne serait pas envisageable d'individualiser les impôts locaux en adressant aux contribuables un formulaire à trois volets - un par collectivité territoriale, celui-ci indiquant sans ambiguïté la somme d'imposition décidées par chacune d'elles.