Séance du 9 mars 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Questions orales sans débat (p. 2 ).
M. le président.

SIGNATURE ET RATIFICATION DE LA CHARTE EUROPÉENNE
DES LANGUES RÉGIONALES OU MINORITAIRES (p. 3 )

Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Pierre-Yvon Trémel.

MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES (p. 4 )

Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Jean-Jacques Robert.

NORMES DE SURFACE EN HÉBERGEMENT COLLECTIF
POUR PERSONNES ÂGÉES (p. 5 )

Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Jean-Claude Peyronnet.

CAMPAGNE DE DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN
EN ILE-DE-FRANCE (p. 6 )

Question de Mme Nicole Borvo. - M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville ; Mme Nicole Borvo.

SITUATION DE L'EMPLOI DANS LE CAMBRÉSIS (p. 7 )

Question de M. Jacques Legendre. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jacques Legendre.

POLITIQUE DES DÉCHETS ET VALORISATION BIOLOGIQUE (p. 8 )

Question de M. Serge Lepeltier. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Serge Lepeltier.

RÉHABILITATION DES ANCIENNES VOIES FERRÉES
EN TRAIN DE DÉCOUVERTE TOURISTIQUE (p. 9 )

Question de M. Bernard Fournier. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Bernard Fournier.

DÉVIATION DE LA RN 17 À LA CHAPELLE-EN-SERVAL (p. 10 )

Question de M. Alain Vasselle. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Alain Vasselle.

CONSTRUCTION DU CANAL À GRAND GABARIT
SEINE-NORD (p. 11 )

Question de M. Jean-Paul Delevoye. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-Paul Delevoye.

DOUBLE IMPOSITION DES PROPRIÉTAIRES BAILLEURS (p. 12 )

Question de M. Patrick Lassourd. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Patrick Lassourd.

MODE DE CALCUL DE LA CONTRIBUTION
AU FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES
D'ACTES TERRORISTES ET AUTRES INFRACTIONS (p. 13 )

Question de M. Bernard Joly. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Bernard Joly.

CONSTRUCTION DU BARRAGE DU RIZZANESE (p. 14 )

Question de M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Louis-Ferdinand de Rocca Serra.

ORGANISATION DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
À FRANCE TÉLÉCOM (p. 15 )

Question de M. Roland Courteau. - MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Roland Courteau.

PROJET « SOLEIL » (p. 16 )

Question de M. Charles Descours. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Charles Descours.

POLITIQUE FRANÇAISE
EN MATIÈRE DE DÉMINAGE CIVIL (p. 17 )

Question de M. Franck Sérusclat. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Franck Sérusclat.

APPLICATION EN FRANCE
DU CODE DE LA FAMILLE ALGÉRIEN (p. 18 )

Question de M. Michel Pelchat. - MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; Michel Pelchat.

Suspension et reprise de la séance (p. 19 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

4. Conférence des présidents (p. 20 ).

5. Lutte contre le dopage. - Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p. 21 ).
Discussion générale : M. James Bordas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mmes Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports ; Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale.
M. le président.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p. 22 )

MM. Serge Lagauche, Daniel Eckenspieller.
Adoption du projet de loi.

6. Respect des droits de l'enfant. - Adoption d'une proposition de loi (p. 23 ).
Discussion générale : Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; MM. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Serge Lagauche, Mme Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale.

Article additionnel avant l'article 1er (p. 24 )

Amendement n° 1 de la commission et sous-amendement n° 2 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre délégué, M. Serge Lagauche. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Articles 1er à 3. - Adoption (p. 25 )

Vote sur l'ensemble (p. 26 )

MM. Daniel Eckenspieller, Jacques Machet.
Adoption de la proposition de loi.

7. Transmission d'un projet de loi organique (p. 27 ).

8. Transmission d'un projet de loi (p. 28 ).

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 29 ).

10. Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 30 ).

11. Ordre du jour (p. 31 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le regret de faire part au Sénat du décès de notre ancien collègue Shérif Sid-Cara, qui fut sénateur d'Oran de 1946 à 1953.

3

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 451 de M. Bernard Plasait est retirée de l'ordre du jour de la présente séance, à la demande de son auteur.

SIGNATURE ET RATIFICATION
DE LA CHARTE EUROPÉENNE
DES LANGUES RÉGIONALES OU MINORITAIRES

M. le président. La parole est à M. Trémel, auteur de la question n° 402, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.

M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la signature et la ratification par la France de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, déjà signée par dix-huit Etats, et ratifiée par six d'entre eux.
Cette charte est l'outil indispensable à la sauvegarde et à la promotion des langues régionales en France et reste aujourd'hui le seul texte normatif assurant la survie de ces langues.
Le Premier ministre a rappelé à différentes reprises, en particulier devant le Conseil de l'Europe, que l'identité de l'Europe était fondée notamment sur son patrimoine linguistique et culturel et qu'à ce titre une attention toute particulière devait être portée aux langues et cultures régionales.
Le rapport qu'il a confié à M. Poignant a été rendu public le 1er juillet dernier. S'agissant de la charte, il y est notamment suggéré de demander une expertise juridique ayant pour objet de préciser les stipulations susceptibles d'être prises en compte au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle. Cette mission a été confiée à M. Guy Carcassonne. En effet, il y aurait, selon le Conseil d'Etat, dans son avis du 8 février 1997, non-conformité entre cette charte et notre Constitution, dans son article 2.
Or, M. Carcassonne a conclu dans son rapport que la charte n'était pas nécessairement incompatible avec l'article 2 de la Constitution.
Dès lors, je souhaite savoir, madame la ministre, au vu des rapports remis au Premier ministre, de quelle manière le Gouvernement compte faire avancer ce dossier.
Maintenant que la volonté politique semble exister au plus haut niveau de l'Etat, quand le Gouvernement compte-t-il procéder à la signature de la charte ?
Au-delà des obstacles juridiques, la France a-t-elle, oui ou non, la ferme volonté de tout mettre en oeuvre pour que la charte puisse être signée et ratifiée dans les meilleurs délais ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, dans un communiqué du 7 octobre dernier, le Premier ministre a indiqué sa détermination à faire en sorte que la charte européenne des langues régionales ou minoritaires puisse être signée et ratifiée par la France.
Ce choix revêt pour nous tous une dimension symbolique et politique forte. Il marque que le temps où l'unité nationale et la pluralité des cultures et des langues régionales paraissaient antagonistes est révolu. La démarche du Gouvernement est inspirée par le souci de montrer que les langues régionales appartiennent pleinement au patrimoine culturel de la nation et d'en mettre en valeur la richesse et la diversité.
Le Conseil d'Etat, interrogé par le précédent gouvernement, a rendu, le 24 septembre 1996, un avis faisant état de l'incomptabilité de certaines dispositions de la charte avec la Constitution. Toutefois, le Conseil d'Etat n'avait pas été sollicité pour procéder à un examen détaillé de la charte.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, le Premier ministre a confié à M. Guy Carcassonne, professeur de droit public, une expertise juridique pour préciser les engagements de la charte susceptibles d'être souscrits au regard des règles et principes à valeur constitutionnelle. En effet, pour ratifier la charte, il convient de choisir un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas sur les quatre-vingt-dix-huit que propose ce texte.
Au terme d'une analyse minutieuse, M. Guy Carcassonne conclua à la compatibilité de la charte avec la Constitution française, sous deux conditions.
La première condition porte sur le choix de ces trente-cinq mesures au minimum. Le professeur Carcassonne estime que quarante-six des dispositions de la charte sont compatibles avec la Constitution. S'agissant des articles 9 et 10 sur la justice et l'administration, pour lesquels le Conseil d'Etat avait émis de très vives réserves, un examen précis révèle que si, au lieu de considérer les articles dans leur entier, nous nous intéressons à l'examen de chacun des alinéas, comme la charte nous en laisse l'opportunité, il est possible d'en extraire plusieurs qui soient compatibles avec la Constitution.
La deuxième condition concerne la notion de « groupe pratiquant une langue régionale ou minoritaire », qui apparaît à plusieurs reprises tout au long de la charte. Pour lever tout risque d'inconstitutionnalité, il convient d'assortir la ratification d'une déclaration interprétative précisant que le terme de « groupe », chaque fois qu'il apparaît dans la charte, s'entend comme addition d'individus et non comme entité distincte de ceux qui la composent.
Dans le cadre des limites fixées par ces deux conditions que je viens d'évoquer rapidement devant vous, le Gouvernement procède actuellement à un travail interministériel avec tous les ministères concernés qui le conduira à opérer un choix définitif sur les engagements à souscrire. Ce travail est sur le point de se terminer.
J'ajoute, monsieur le sénateur, que, afin d'éclairer la décision du Gouvernement sur les langues qui seront retenues pour bénéficier des dispositions de la charte, le ministre de l'éducation nationale et moi-même avons confié au professeur Cerquiglini, directeur de l'Institut national de la langue française, la mission d'établir une liste des langues parlées sur le territoire de la République par les citoyens français. La France a une très grande richesse linguistique, et le rapport de M. Cerquiglini, fondé sur des critères strictement scientifiques, propose une très large liste, comprenant les langues de la France métropolitaine et celles de l'outre-mer.
La charte permet d'adapter les engagements souscrits à la situation particulière des différentes langues. Le travail interministériel va, là encore, permettre d'arrêter la position du Gouvernement sur ce point.
Pour ce qui me concerne, j'ai, dès mon entrée en fonctions, proposé qu'on puisse considérer les langues régionales ou minoritaires comme faisant partie du patrimoine linguistique, qui doit associer la langue française et les langues de France.
S'agissant de l'adaptation administrative, mais aussi de l'action menée par le ministère de la culture, j'ai fait, dans le cadre de l'application de la charte, un certain nombre de propositions qui permettraient de traiter les langues comme des éléments de notre patrimoine commun, au même titre que les monuments ou les archives.
Bien entendu, il convient aussi - la région dont vous venez, monsieur le sénateur, démontre que c'est possible - de soutenir la création dans les langues et les cultures régionales.
Nous sommes sur le point de terminer le travail interministériel. Il reviendra très bientôt au Premier ministre de trancher définitivement et d'annoncer la position du Gouvernement.
Monsieur le sénateur, nous sommes déterminés à mener à bien la signature de la charte européenne pour les langues régionales ou minoritaires. Le travail se poursuit, je le répète, parce que nous voulons soumettre un texte à la fois solide et fiable tant à la représentation nationale qu'à tous les mouvements et associations qui, depuis des années, attendent la signature de la charte.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Madame la ministre, je veux vous remercier des précisions et informations que vous venez de m'apporter. J'ai en effet pu constater que la volonté politique du Gouvernement et votre volonté propre étaient très grandes.
Les régions à forte identité, que les langues régionales y soient écrites ou parlées, réclament avec insistance la signature et la ratification de cette charte.
Pour ma part, je resterai très vigilant sur le travail qui est fait au sein du Gouvernement, en espérant que, très rapidement, la volonté politique se traduira en actes.

MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

M. le président. La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 422, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Celle-ci est excellement représentée aujourd'hui par M. Bartolone, ministre délégué à la ville.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le président, que Mme le ministre soit excellemment représentée par M. Bartolone, j'en conviens. Pour ma part, j'emploie une procédure inhabituelle, voire relativement exceptionnelle.
En effet, le 24 septembre dernier, avant que soit pris un décret en la matière, j'ai posé à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité une question écrite à laquelle elle a négligé de me répondre en temps voulu. J'ai donc, comme le règlement m'y autorise, face à cette attitude qui témoigne d'un certain mépris vis-à-vis de la représentation nationale, converti ma question écrite en question orale. Et voilà qu'aujourd'hui je découvre que Mme le ministre ne vient pas elle-même traiter avec moi de ce sujet, pourtant très important, des médicaments génériques !
Mais, dans mon malheur, je crois savoir, monsieur le ministre, que vous êtes médecin ! (M. le ministre marque son étonnement.) Je vais donc pouvoir parler des médicaments génériques avec quelqu'un qui, je l'espère, saura se faire mon interprète auprès du ministre concerné.
Au cas particulier, je veux évoquer une situation symbolique d'un état d'esprit.
Je suis assuré social ; je cotise pour ma femme, mes enfants, bref, ma famille. Mon employeur cotise aussi. J'acquiers donc des droits à une assurance maladie.
Je vais consulter mon médecin. Après m'avoir examiné, ce dernier me donne sa prescription, qui comporte le meilleur médicament, celui qu'il considère utile de m'administrer compte tenu de ma personnalité et de mon état de santé.
Je vais donc chez le pharmacien, qui, lui, est autorisé à changer ce médicament, à me donner à la place ce que l'on appelle un « médicament générique ».
Que devient, dans ces conditions, l'assuré cotisant que je suis ? Il n'est plus qu'un assujetti, livré à la volonté de prescription de l'Etat et du pharmacien ! Le médecin n'existe plus !
Je partage le souci d'économie qui anime le plus grand nombre s'agissant des prescriptions de médicaments. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que l'individu que je suis disparaisse. On devrait au moins me demander mon accord.
Je vais librement chez mon médecin, j'accepte sa prescription, je me rends chez le pharmacien qui me propose quelque chose d'équivalent à de meilleures conditions. Il devrait me demander si je suis d'accord. Ce n'est pas ce qui est prévu.
Une nouvelle fois, c'est là une attitude méprisante à l'égard de celui qui est malade et qui veut se faire soigner.
On trouvera sans doute de bonnes raisons pour m'expliquer, au nom du Gouvernement, et peut-être même au nom des gouvernements précédents, qui témoignaient du même état d'esprit - je vous mets à l'aise, monsieur le ministre ! - que c'est une bonne solution. Je ne peux pas le croire.
En effet, un nouveau décret est en préparation qui obligera les pharmaciens à délivrer 30 % de médicaments génériques. Cela signifie que nous passons de la prescription du médecin pour la santé au distributeur automatique, un distributeur hautement diplômé ; qui n'avait pas prévu pareille mésaventure.
D'où ma question, monsieur le ministre : pensez-vous tenir compte de l'avis du malade s'imaginant des ordonnances prescrites par le médecin et éventuellement modifiées par le pharmacien ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 instaure la faculté, pour les pharmaciens d'officine, de substituer au médicament prescrit un autre médicament appartenant au même groupe générique, ce dernier comprenant le médicament princeps et ses génériques.
Cette mesure importante a été adoptée en application du protocole que l'Etat a signé, en septembre dernier, avec la profession. Elle permettra d'accélérer le développement du médicament générique en France, dans le strict respect des exigences de santé publique.
Sachez en effet, monsieur le sénateur, que la définition des génériques est suffisamment stricte pour garantir la parfaite « substitualité » des médicaments considérés.
En revanche, il est exclu que le patient se voie délivrer un médicament autre que celui qui a été prescrit sans que son attention ait été appelée sur ce changement par le pharmacien.
Il est bien clair enfin que le patient pourra refuser cette opération. Mais le ministère de la santé compte sur les pharmaciens d'abord, mais aussi sur les médecins et sur l'industrie pharmaceutique pour expliquer à nos concitoyens que la substitution est sans incidence sur l'efficacité du traitement.
Ce dispositif prévoit, par ailleurs - simple rappel de la loi - que le prescripteur pourra, si la situation particulière du patient le justifie, s'opposer au changement de médicament.
En la circonstance, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics ont fait montre d'une particulière diligence. La loi a été publiée le 23 décembre dernier et ses textes d'application ont été soumis à une concertation auprès de l'ensemble des professionnels. Un protocole d'accord a d'ailleurs été conclu avec les pharmaciens et une disposition relative aux relations entre l'assurance maladie et les pharmaciens, ainsi qu'aux modes de rémunération de ces derniers, a été incluse dans le projet de loi adopté par le conseil des ministres la semaine dernière.
De plus, monsieur le sénateur, l'ensemble des mesures qui visent à informatiser les cabinets médicaux apporteront une aide précieuse aux médecins car ils connaîtront très précisément, au moment de rédiger leur ordonnance, l'ensemble des médicaments d'une gamme ; ils pourront ainsi prendre en compte la dimension économique de la santé dans leurs soins dispensés à leurs patients.
En l'occurrence, monsieur le sénateur, il est possible, au travers du dispositif arrêté par le Gouvernement, de bien soigner l'ensemble de nos concitoyens selon le principe que chacun a désormais en tête : la santé n'a pas de prix, mais elle a un coût.
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse soigneusement préparée, fondée sur des textes que je connaissais d'ailleurs.
Vous n'avez pas fait état du fait qu'il n'a pas été répondu à ma question écrite, que j'ai dû transformer - ce qui est désagréable à la fois pour le Gouvernement et pour moi - en question orale.
Ai-je bien entendu ce que vous avez dit ?... Le patient pourrait refuser la modification proposée par le pharmacien. Je ne crois pas que cela figure dans le texte qui a été publié depuis le dépôt de ma question. Puis-je être assuré de la qualité de cette réponse ? Est-elle opposable à tous ?
Vous, vous parlez de coût ; moi, je vous parle de l'homme qui cotise et qui s'assure, et qui ne veut pas être ignoré par les syndicats des différentes organisations professionnelles, par l'Etat, qui s'est arrogé aujourd'hui des pouvoirs, à cause, il est vrai, des déficits, et par les caisses de sécurité sociale, car, la carte Vitale aidant, l'homme deviendra un numéro, et je n'ai jamais aimé la mathématique appliquée à l'homme !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous présente mes excuses au nom de tous les gouvernements pour le retard apporté dans les réponses aux questions écrites. Sachez que le Premier ministre a demandé avec insistance à l'ensemble des membres de son gouvernement de répondre dans des délais satisfaisants.
Monsieur le sénateur, je vous ai apporté une précision quant à la possibilité pour le patient de refuser une modification de prescription proposée par le pharmacien.
Certes, nous ne sommes pas des numéros, mais l'objectif que nous devons viser les uns et les autres, actuellement, dans un pays qui est le deuxième au monde en ce qui concerne les dépenses de santé, c'est soigner convenablement l'ensemble de nos compatriotes en ayant un taux de remboursement qui soit beaucoup plus adéquat.
Le véritable problème, aujourd'hui, tient non pas tant au niveau de dépenses - nous sommes en deuxième position, juste derrière le Canada - mais plutôt à celui des remboursements, qui n'est pas encore suffisant.
Le Gouvernement doit donc se demander comment donner le plus de potentiel possible à la dépense pharmaceutique pour réussir à maintenir les équilibres et, peut-être, à améliorer les remboursements.

NORMES DE SURFACE
EN HÉBERGEMENT COLLECTIF POUR PERSONNES ÂGÉES

M. le président. La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 436, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question concerne les affaires sociales, éventuellement le logement, en tout cas les normes de surface en hébergement collectif pour les personnes âgées. Elle est importante, dans la mesure où les conditions d'accueil des personnes âgées dans les établissements constituent pour nombre d'entre nous une préoccupation forte.
L'humanisation des locaux passe souvent par leur rénovation.
Pour mener à bien cette rénovation, nous sommes quelquefois amenés à recourir à des programmes lourds. Aussi importe-t-il de clarifier la réglementation qui leur est applicable.
Pour l'instant, de grandes incertitudes pèsent sur la notion de surface minimale. En principe, il n'existe pas, me semble-t-il, de norme obligatoire concernant cette surface. Toutefois, un certain nombre de gestionnaires d'établissement ont malgré tout recours à cette notion, et ils y sont invités par deux documents ; d'une part, une circulaire de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNATVS, du 24 juillet 1997, qui exclut du financement préférentiel les chambres d'une surface inférieure à vingt mètres carrés - il s'agit d'une simple mesure concernant le financement - d'autre part, un projet d'arrêté, dont nous avons eu connaissance, puis dans le cadre de la tarification pour la prestation spécifique dépendance, qui fixe le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle tripartite prévu dans le cadre de la réforme de la tarification des établissements et qui fait état de recommandations en matière de surface, qu'il s'agisse de constructions neuves ou de rénovations lourdes.
Dans les deux cas, les gestionnaires sont incités à demander des rénovations très lourdes, qui peuvent s'apparenter à de véritables reconstructions.
C'est là que se pose un problème et qu'il conviendrait de clarifier les choses.
Aussi, je me permets, monsieur le ministre, de vous poser plusieurs questions.
Premièrement, sera-t-il possible de conventionner durablement avec des établissements dont la surface des chambres sera comprise entre seize et vingt mètres carrés, comme il est prévu de le faire pour la rénovation ?
Deuxièmement, qu'entend-on précisément « par rénovation lourde » ?
Troisièmement, peut-on parler d'humanisation s'agissant de chambres dont la surface serait inférieure à vingt mètres carrés ? Sans doute, mais encore faudrait-il le préciser.
Enfin, quatrièmement, est-il acceptable de faire référence au concept de l'accréditation applicable aux établissements hospitaliers, comme le font certains gestionnaires, alors que nous sommes vraiment dans le sanitaire ?
Si j'insiste sur cet aspect des choses, c'est parce que, derrière tout cela, deux orientations me semblent importantes.
La première est qu'il est difficilement acceptable que des établissements en bon état ayant vingt ans, quelquefois vingt-cinq ans, soient totalement « désossés », si vous me permettez d'employer cette expression, c'est-à-dire que l'on procède à une rénovation en touchant au gros-oeuvre pour agrandir la surface des chambres, ce qui entraîne une augmentation considérable du prix de journée, difficilement supportable, notamment par la collectivité locale mais surtout par l'usager.
Seconde orientation : l'humanisation, comme certains le font ou croient avoir réussi à le faire, n'est pas qu'une simple question de surface ; l'essentiel, c'est la qualité de l'accueil et, me semble-t-il, la prise en charge par les personnels de l'établissement de la personne âgée.
Telles sont, monsieur le ministre, les questions auxquelles j'aimerais que vous m'apportiez une réponse au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, l'amélioration de la qualité de l'accueil et de la prise en charge des personnes âgées en établissement constitue un enjeu important pour les pouvoirs publics.
Ainsi, dans le cadre de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, dont les textes d'application devraient être prochainement publiés, les structures ne pourront accueillir des personnes âgées dépendantes que si elles ont passé une convention tripartite prévue à l'article 23-I de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997.
Cette convention doit respecter un cahier des charges qui, d'une part, définit les conditions de fonctionnement, tant au plan financier qu'au plan de la qualité de la prise en charge des résidents et, d'autre part, précise les objectifs d'évolution de l'établissement et les modalités de son évaluation.
En signant cette convention, les partenaires conventionnels - le préfet du département, le président du conseil général et l'établissement - s'engagent dans une démarche de qualité, garantissant à toute personne âgée dépendante accueillie les meilleures conditions de vie, d'accompagnement et de soins. Ces objectifs sont négociés sur la base des recommandations fixées par le cahier des charges précité, dont le contenu doit être prochainement arrêté par la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre de l'intérieur.
S'agissant des recommandations relatives à la qualité de vie des résidents, l'accent est mis sur la nécessité de ne pas négliger la qualité des espaces et, notamment, l'espace privatif. Ce logement doit pouvoir être personnalisé. Il doit être accessible et permettre une circulation aisée des personnes, ce qui requiert une surface suffisante.
A ce titre, la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, a fixé, en octobre 1997, à vingt mètres carrés la surface minimale des chambres des structures financées au titre de sa politique immobilière. C'est effectivement vers cet objectif qu'il convient de tendre pour répondre aux exigences de notre temps.
Dans cette perspective, le cahier des charges précité recommande pour les constructions neuves une surface minimale des logements individuels comprise entre dix-huit et vingt-deux mètres carrés.
Cette recommandation s'applique également aux opérations de rénovation lourde.
Pour les établissements existants, cette surface minimale est fixée entre seize et vingt mètres carrés, étant entendu que certaines structures se situent en deçà de cette référence. Il s'agit d'une situation transitoire, tenant compte des contraintes du moment et de la nécessité d'accompagner dans le temps les évolutions nécessaires en matière d'amélioration de la qualité de vie des résidents. Ainsi, les conventions tripartites fixent pour chaque établissement des objectifs d'évolution et les moyens nécessaires à son adaptation, afin d'atteindre graduellement - sur une période de cinq ans - les objectifs arrêtés par les partenaires conventionnels.
Bien évidemment, la question des surfaces ne constitue qu'un des éléments du projet d'établissement. L'adaptation des structures aux besoins et aux attentes des personnes âgées et de leurs familles doit relever d'une démarche de projet de vie et concerner tous les aspects de l'institution, à savoir le mode d'accueil et de prise en charge adapté à l'état de santé des résidents et, en particulier, la prise en charge spécifique des personnes âgées souffrant de détérioration intellectuelle, la formation du personnel, l'animation et la vie sociale, le cadre de vie et les réponses architecturales adaptés à la qualité d'usage des résidents, de leurs proches, des personnels, l'ouverture de la structure sur l'extérieur, l'intégration dans la ville, le bourg ou le quartier, l'intégration de la structure à l'environnement local et son inscription dans le réseau gérontologique local.
Nous veillons à ce que l'ensemble de ces discussions essentielles soient prises en compte dans les conventions entre les partenaires concernés.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse, dont je vous remercie. Cependant, elle ne me satisfait qu'à moitié.
Certes, une série de recommandations assez lourdes sont souhaitées par le Gouvernement, ce que je comprends. Ce sont d'ailleurs celles des élus et des usagers. Malgré tout, dans toutes les discussions qui sont en cours, il faut prendre en compte deux éléments, qui ne devraient pas être contradictoires : d'une part, la qualité des soins dispensés aux résidents, qui est indispensable pour la qualité de vie à laquelle ces derniers ont droit et, d'autre part, le coût.
Je me permets d'insister sur ce second aspect des choses. Il ne faut pas oublier, notamment pour la prestation spécifique dépendance, que c'est l'usager qui paie une large part et que, dans bien des cas, on atteint des prix de journée extrêmement élevés.
Monsieur le ministre, à l'occasion de cette phase transitoire, au cours de laquelle la tarification n'est pas encore arrêtée, où le décret n'est pas encore promulgué et où le cahier des charges peut encore être discuté, je souhaite qu'une période de négociation soit ouverte, certes avec les gestionnaires d'établissement, mais en priorité avec les élus et les usagers. Il est important, en effet, de parvenir, après une discussion approfondie qui portera à la fois sur les normes et sur l'encadrement en personnel, à concilier ces notions de qualité et de coût qui sont absolument indispensables.

CAMPAGNE DE DÉPISTAGE DU CANCER DU SEIN
EN ILE-DE-FRANCE

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 417, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, le cancer du sein est un fléau qui cause, chaque année, le décès d'un nombre de femmes que l'on estime entre 10 000 et 11 000. En Ile-de-France, le nombre de décès consécutifs à un cancer du sein est de 1 900, ce qui est particulièrement élevé par rapport à la moyenne des autres régions.
Un diagnostic précoce permet des traitements efficaces et, dans la plupart des cas, la guérison ou, à tout le moins, des traitements conservateurs.
Les opérations de dépistage de masse, menées dans plusieurs régions françaises et financées par les départements et les caisses d'assurance maladie, ont déjà fait la preuve de leur efficacité. Ainsi, les études réalisées par le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, le CREDES, montrent que là où des campagnes de dépistage systématique et gratuit ont été lancées la mortalité due au cancer du sein a reculé de manière substantielle.
Depuis 1989, la CNAM a lancé un programme national de dépistage de masse du cancer du sein et, depuis 1994, tous les ministres de la santé successifs, dont M. Kouchner lui-même, ont prôné la généralisation de ce dépistage de masse, ce dont je me réjouis. La loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'ailleurs des crédits à cet effet, crédit que nous avons votés.
C'est là une raison de plus pour que Paris ne reste pas l'un des seuls départements d'Ile-de-France à ne rien faire en ce domaine. Aujourd'hui, on y dénombre 212 000 femmes âgées de cinquante à soixante-neuf ans susceptibles de bénéficier d'un tel dépistage.
Ces raisons ont amené mes amis du groupe communiste du Conseil de Paris à déposer, lors du débat budgétaire de la ville, un amendement visant à dégager les fonds nécessaires pour financer une telle mesure. Au cours des débats, cet amendement a été transformé en voeu - qui pourrait bien rester un voeu pieux ! - que ce dépistage ait lieu.
Par ailleurs, mon ami Henri Malberg, président du groupe communiste à l'Hôtel de Ville, a attiré l'attention du secrétaire d'Etat à la santé et de l'action sociale sur cette question, compte tenu de l'urgence et de l'opportunité qu'il y a à lancer une telle campagne à Paris.
Comme eux, je vous demande de nous faire savoir dans quels délais raisonnables la CNAM sera en mesure de débloquer les fonds réservés à ce type d'action et d'empêcher d'éventuels blocages du côté du département de Paris.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la campagne de dépistage du cancer du sein.
La loi de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 1998, par son article 20, introduit dans le code de la santé publique l'article L. 55, intitulé : « Lutte contre les maladies aux conséquences mortelles évitables », donc en premier lieu les cancers. Il s'agit d'un véritable changement dans la philosophie des programmes de dépistage.
Enfin, on ne finance plus seulement les soins, on finance aussi les actions de prévention sur tout le territoire. Dans ce cadre précis, les examens et les tests de dépistage seront pris en charge à 100 % afin de lever les obstacles financiers qui imposent un moindre suivi aux personnes socialement les plus vulnérables.
Pour assurer la mise en place de ce dispositif a été installé, le 16 décembre 1998, le comité national de prévention prévu dans la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la Caisse nationale d'assurance maladie. Le comité, dont l'objectif est de renforcer la cohérence et la coordination des actions de lutte contre les situations préjudiciables à la santé, a inscrit les dépistages des cancers, en particulier du cancer du sein, dans ses axes de travail prioritaires.
Pour assurer la qualité de ces programmes, par arrêté du 23 décembre 1998, ont été créées des cellules techniques chargées d'établir des cahiers des charges auxquels devront être adaptés chacun des programmes de dépistage. La cellule technique chargée du dépistage du cancer du sein a été réunie une fois, le 11 janvier 1999.
Depuis dix ans, des programmes pilotes sont expérimentés sur la base du volontariat. Mais ces programmes ne touchent qu'une fraction de la population française. Leur organisation laisse persister des dépistages spontanés qui ne respectent pas les critères de qualité garantissant leur fiabilité.
Le nouveau dispositif devrait permettre de généraliser progressivement le dépistage des cancers en impliquant, à terme, l'ensemble des professionnels. Il a été conçu pour assurer l'égalité d'accès à ces programmes sur tout le territoire.
Dans les semaines qui viennent, un certain nombre d'autres mesures seront prises, dont une rencontre nationale des différents responsables régionaux des programmes de dépistage du cancer du sein.
L'ensemble de ces mesures permettra, cette année, la mise en oeuvre effective de ces programmes dans toutes les régions.
Vous le voyez, l'Etat et l'assurance maladie augmentent sensiblement, par ce nouveau dispositif, leur contribution à la mise en place d'un moyen de dépistage généralisé permettant de suivre l'ensemble des femmes concernées.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
La question du dépistage du cancer est indiscutablement mieux prise en compte en France, je suis tout à fait d'accord avec vous, et je constate que des campagnes pilotes ont été menées d'ores et déjà dans vingt-neuf départements français.
Si j'ai posé cette question orale, c'est parce que je suis navrée de constater qu'à Paris chacun des deux partenaires se renvoie la balle et qu'on n'agit pas en fonction des besoins qui s'imposent.
Le département rejette la responsabilité du dépistage sur la caisse primaire d'assurance maladie, laquelle semble vouloir s'appuyer sur le manque d'engagement du département de Paris pour ne pas prendre d'initiative.
En effet, l'article L. 55 du code de la santé publique, introduit par le projet de loi de financement de sécurité sociale de cette année, a jeté les fondements de l'organisation du dépistage en s'appuyant sur les recommandations de la Conférence nationale de la santé de 1997.
Dans l'intérêt des Parisiennes, et plus globalement dans celui de la population, il est urgent que l'Etat, le département et les citoyennes, en particulier celles qui sont impliquées dans le monde associatif, travaillent en faveur de l'application du dépistage de masse, qui est le moyen le plus efficace d'apporter des solutions. Car, pour réussir à sensibiliser les femmes qui ne consultent pas actuellement, il est indispensable de travailler avec les associations, en particulier les associations féminines et celles qui luttent contre les exclusions.
Je souhaite que le département de Paris cesse d'être à la traîne et que les responsables soient priés de mettre en oeuvre une campagne de dépistage et les moyens nécessaires à une telle campagne.
M. Philippe de Gaulle. N'importe quoi ! Dommage que je ne puisse intervenir !

SITUATION DE L'EMPLOI DANS LE CAMBRÉSIS

M. le président. La parole est à M. Legendre, auteur de la question n° 446, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c'est un appel à l'aide qu'il faut aujourd'hui se résoudre à lancer ici, au nom d'un arrondissement, d'un bassin d'emploi depuis longtemps touché. Comptant près de 17 % de chômeurs depuis des années, celui-ci voit maintenant l'une de ses entreprises les plus importantes, qui plus est centenaire, la Verrerie de Masnières, menacée de perdre encore 173 postes de travail.
Madame le ministre, la préoccupation des verriers les conduit, bien entendu, à s'adresser tout d'abord plutôt à votre collègue Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité pour que la situation de cette entreprise soit examinée, analysée de près et que le plan social indispensable soit le plus favorable possible aux travailleurs.
Au-delà de ce problème, il est nécessaire de créer de nouveaux emplois industriels et tertiaires dans ce bassin d'emploi qui souffre depuis longtemps. A la demande de ces populations, adressée aux responsables successifs, de traitement particulier de leurs difficultés, la réponse n'a pas été jusqu'ici à la hauteur de l'enjeu.
Nous ne pouvons pas continuer à supporter un tel taux de chômage. Jusqu'à présent, quand la DATAR ou Nord - Pas-de-Calais Développement a des opportunités d'emplois, ceux-ci sont proposés de manière indifférenciée à tous les bassins d'emploi de la région, sans tenir compte du caractère particulier des difficultés que nous rencontrons.
Le résultat est là : nous n'avons pas vu jusqu'ici, malgré les déclarations apaisantes qui ont été formulées à différentes reprises, se concrétiser les créations d'emplois industriels et tertiaires indispensables pour redonner à ce bassin d'emploi le sentiment qu'il est partie prenante du développement et qu'il a un avenir.
Voilà pourquoi aujourd'hui, madame le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, je tenais à attirer particulièrement votre attention sur nos difficultés et à demander que des mesures de discrimination positive soient enfin prises pour un bassin d'emploi très touché, et depuis longtemps, par le chômage.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la suppression de 173 emplois sur 761 à la Verrerie deMasnières s'inscrit dans la situation difficile de l'arrondissement. Elle tient à l'insuffisance des performances de cette entreprise : faiblesse des investissements, dialogue social perturbé, problèmes de qualité dans un marché du flaconnage en surcapacité et en cours de concentration. La crise russe a aggravé conjoncturellement les pertes en 1998.
La direction départementale du travail et de l'emploi rencontrera la direction de l'entreprise demain, 10 mars, pour connaître ses propositions et formuler éventuellement de nouvelles pistes d'action.
Le Cambrésis souffre depuis plusieurs années d'une situation économique difficile due à la reconversion des secteurs qui ont fait son essor, à savoir le textile, la sidérurgie-métallurgie, l'agriculture.
L'Etat, comme la région et le département, porte une attention permanente à cet arrondissement, notamment par des projets d'implantation au travers de la structure commune Nord - Pas-de-Calais Développement, qui a présenté vingt-trois dossiers en 1996, trente et un en 1997 et quarante-cinq en 1998.
L'arrondissement de Cambrai fait l'objet de plusieurs mesures visant à renforcer son attrait.
Je citerai ainsi le dispositif d'aides à l'implantation, notamment la prime d'aménagement du territoire à taux majoré - 25 % - et les fonds publics d'aide à la reconversion, d'origine européenne et nationale. Pour ce qui est de l'équipement, je rappellerai notamment la desserte par les autoroutes A 2 et A 26, ce qui, au passage, relativise le discours sur le « désenclavement ». Je citerai encore l'accompagnement en matière de formation, notamment par l'implantation d'une antenne universitaire.
Ces efforts n'ont toutefois pas suffi à redresser, à ce jour, cette situation difficile, marquée par les problèmes en matière de création d'emplois et de structure industrielle, dont témoigne la Verrerie de Masnières.
Au titre de l'aménagement du territoire, l'Etat poursuivra ses efforts en prolongeant le dispositif de prime d'aménagement du territoire, en proposant l'arrondissement au bénéfice des fonds structurels - objectif 2 - compte tenu des critères retenus pour la réforme des fonds dans le cadre d'Agenda 2000, sans renoncer à une position de grande fermeté pour un classement équitable vis-à-vis des secteurs européens dans une stricte analogie. L'Etat renforcera de surcroît l'action de prospection de Nord - Pas-de-Calais Développement.
En revanche, les délocalisations d'administrations ou d'établissements publics, difficiles à mettre en oeuvre, concernant des emplois très différents de l'industrie, ne semblent pas constituer la réponse la plus pertinente en structure comme en délais ou en capacité d'entraînement.
Ces mesures prendront tout leur sens avec une mobilisation accrue des collectivités territoriales et des acteurs locaux dans une démarche conjointe d'agglomération ou de pays s'attachant, notamment, à renforcer la formation, la création d'activité, les initiatives culturelles et un développement économique plus attentif à l'emploi et à la qualité de l'environnement, à Cambrai comme dans le secteur rural.
M. Jacques Legendre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre. Madame le ministre, si j'ai lancé tout à l'heure une sorte d'appel à l'aide, cela n'empêche pas, bien évidemment, les acteurs locaux de se mobiliser, ce qu'ils font depuis longtemps. Nous avons d'ailleurs le sentiment d'avoir été pionniers en la matière en faisant le choix, dès 1992, de la communauté de villes pour assurer la solidarité entre les agglomérations et donc en instituant une taxe professionnelle unique au service du développement économique, ce qui, vous le savez, n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre.
Vous avez dit, madame le ministre, que de nombreux dossiers ont été proposés à l'arrondissement. C'est bien ce que j'avançais : ils ont été proposés à ce bassin d'emploi comme à de très nombreux autres, mais ce qui compte, ce n'est pas tant les dossiers proposés que les dossiers ayant abouti. Or nous avons constaté que souvent ils n'aboutissent pas, sans doute parce que nous ne bénéficions pas des mêmes atouts que les arrondissements voisins.
Vous avez parlé de désenclavement. Nous savons bien, madame le ministre, que nous sommes sur un carrefour autoroutier, qui est, en effet, intéressant et sur lequel nous nous appuyons. Mais comment ne pas ressentir un sentiment de marginalisation quand, alors que nous connaissons les difficultés que je viens d'évoquer, nous apprenons, comme ce fut le cas vendredi, que la SNCF s'apprête tout simplement à supprimer notre desserte TGV ? Je me permets donc également d'appeler votre attention sur ce point, madame le ministre. La SNCF est un agent important de l'aménagement du territoire et il n'est pas question pour nous d'être l'une des rares villes moyennes de la région Nord - Pas-de-Calais non desservie par le TGV. Cela accroîtrait nos difficultés, en particulier dans la mesure où nous souhaitons contribuer au redéveloppement de l'emploi tertiaire.
J'ai donc voulu aujourd'hui vous sensibiliser particulièrement, madame le ministre, sur la situation d'un arrondissement d'une région aussi importante que le Nord - Pas-de-Calais, qui, depuis des années, supporte un taux de chômage de près de 17%, qui ne peut supporter durablement d'être marginalisé et d'éprouver un tel sentiment d'abandon.
Les acteurs locaux sont déterminés et mobilisés, soyez-en sûre, mais nous avons besoin d'une attention particulière des pouvoirs publics comme de la région. (Applaudissements sur les travées du RPR.)

POLITIQUE DES DÉCHETS ET VALORISATION BIOLOGIQUE

M. le président. La parole est à M. Lepeltier, auteur de la question n° 453, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Lepeltier. Voilà quelques mois, vous avez annoncé, madame la ministre, que certaines inflexions ou réorientations seraient données à la politique des déchets en vue, d'une part, de réduire, notamment par le tri, la quantité de déchets à la source et, d'autre part, de valoriser ces déchets.
S'agissant de l'accent qui a été mis sur la filière de la valorisation agricole et du compostage, je souhaiterais, madame la ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur la contradiction qui existe - elle pourrait, à terme, bloquer totalement le système - entre l'objectif que vous affichez, qui est, je le crois, parfaitement louable, utile et intéressant, et les multiples incertitudes qui pèsent, en pratique, sur l'utilisation des composts.
Je veux parler d'abord de la défiance manifeste d'un certain nombre de parties prenantes de la filière alimentaire, qu'il s'agisse du monde agricole lui-même, d'opérateurs agroalimentaires, de distributeurs, mais aussi des consommateurs, qui, très légitimement, sont de plus en plus exigeants sur la qualité des produits qui leur sont proposés. L'exemple de l'épandage des boues de stations d'épuration me paraît significatif et se rapproche des problèmes que l'agriculture peut rencontrer avec les composts.
Ainsi, le renforcement de l'encadrement réglementaire, avec, d'une part, le décret du 8 décembre 1997 et, d'autre part, l'arrêté du 8 janvier 1998, n'a pas permis, au moins dans un premier temps, de lever toutes les interrogations et vous a conduit, au début de l'année dernière, à mettre en place, conjointement avec le ministre chargé de l'agriculture, le comité national sur les boues.
La confiance dans le traitement biologique des déchets et dans l'utilisation de fertilisants issus de ce traitement est au coeur du débat.
Lors de votre communication au conseil des ministres du 26 août dernier, vous avez évoqué, madame la ministre, la mise en place d'un cadre technique et réglementaire rénové pour la valorisation biologique des déchets, ainsi que votre souci de l'information. Je souhaiterais donc, aujourd'hui, que vous nous précisiez vos intentions à ce sujet.
Comment pensez-vous revaloriser, en quelque sorte, l'image même des composts ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour faire évoluer les normes techniques et sécuriser l'ensemble des partenaires concernés ?
Cependant, de nouvelles normes techniques ne risquent-elles pas, par ailleurs, de rendre obsolètes de nombreux et récents systèmes de traitement des déchets, pour lesquels de gros investissements ont été réalisés ?
Comment une collectivité locale, une entreprise, peuvent-elles être assurées de pouvoir, à long terme, valoriser leurs composts ? Si elles n'ont pas cette assurance, comment peuvent-elles développer un concept de valorisation agricole ?
Pouvez-vous enfin, madame la ministre, nous apporter des garanties sur l'indispensable transparence qui doit prévaloir en ces domaines et les mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre pour renforcer les débouchés, comme l'attribution de labels aux composts de qualité ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, la question de la valorisation biologique des déchets et de la sécurité alimentaire des produits issus de l'agriculture est primordiale. La promotion de la valorisation des déchets en agriculture qu'il faut mener ne peut se faire que dans le strict respect des conditions de sécurité alimentaire. Cela implique de rompre avec l'image ancienne des composts urbains qui recouvraient des produits de qualité variable, parfois franchement mauvaise.
Il convient de rappeler que la mise sur le marché des composts en agriculture est soumise aux conditions et critères définis par la loi du 13 juillet 1979 sur le contrôle des matières fertilisantes : critères d'innocuité à l'égard de l'homme, des animaux et de l'environnement et critères d'efficacité.
Plusieurs initiatives ont été prises tant pour assurer la qualité des produits que pour promouvoir une valorisation saine des déchets en agriculture.
Un groupe de travail visant aux conditions d'homologation de matières fertilisantes à base de produits résiduaires propose de définir des critères homogènes et applicables à toutes les matières fertilisantes. Ces critères portent tant sur les apports maximaux en éléments organiques que sur la présence d'agents biologiques.
La révision, en 1999, de la norme en vigueur - NFU 44051 - s'appuiera, en toute logique, sur les travaux de ce groupe et reprendra les mêmes valeurs limites.
Ces initiatives doivent s'accompagner de la promotion de démarches « Qualité » appliquées aux filières de valorisation biologique des déchets. C'est ainsi que les aides financières de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, aux investissements et opérations de compostage sont assujetties à la mise en place d'un club « Qualité » associant utilisateurs et producteurs de matières organiques. Des dispositifs incitatifs sont à l'étude, visant à soutenir l'établissement de plans d'action « Qualité » pendant les premières années de montée en puissance des installations de compostage.
Enfin, l'ADEME participe à plusieurs programmes de recherche qui feront progresser la connaissance scientifique dans ce domaine : programme européen QUALORG, programme AGREDE - agriculture, épandages de déchets et environnement - de l'Institut national de la recherche agronomique.
L'ensemble de ces initiatives permettra, à terme, la mise en place des filières de valorisation biologique, de haute qualité environnementale, qui devront assurer la redéfinition des critères de qualité d'un produit, le respect de ces critères et une traçabilité des opérations de collecte, de traitement et d'épandage. Le véritable défi consiste non pas seulement à assurer l'innocuité, mais aussi à reconquérir la confiance des agriculteurs et des industries agroalimentaires, par la démonstration de l'efficacité agronomique des produits.
J'ai le sentiment que s'exprime depuis de nombreux mois une opposition idéologique aux matières fertilisantes valorisant des déchets, quelles que soient les qualités de ces matières par ailleurs. Je souhaite que l'on établisse, en partenariat avec toutes les parties concernées, les experts, les consommateurs, la profession agricole, la grande distribution, les associations de protection de l'environnement,... une norme « produit » qui soit seulement édictée en fonction de critères de risques et de qualité, quelle que soit l'origine de ces matières fertilisantes, et non pas sous le coup de telle ou telle crainte passionnelle, voire intentionnelle. Il nous faut travailler avec sérieux, avec rigueur scientifique, dans la transparence pour arriver à une solution satisfaisante pour tous et notamment pour tous les élus qui développent un effort tout particulier, qu'il s'agisse du compostage des déchets ménagers ou de l'épuration des eaux, qui s'assurent de la qualité des boues produites dans leur station et qui s'étonnent, souvent à juste titre, de l'existence de telles craintes, rarement adossées à de véritables arguments scientifiques.
M. Serge Lepeltier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, qui répond à la crainte des élus locaux.
Je voudrais simplement, vous rejoignant tout à fait sur ce point, insister sur le fait que nous pâtissons quelquefois de l'image ancienne des composts urbains. Or les collectivités locales ont fait, depuis maintenant de nombreuses années, et font actuellement de gros efforts en la matière.
Vous avez évoqué une opposition d'ordre idéologique. Nous devons essayer de faire en sorte, les uns et les autres, qu'elle soit dépassée parce que, sur le terrain, comme je le disais dans mon propos, le côté passionnel qui est mis dans l'appréciation du problème bloque complètement le système.
Je voudrais insister sur l'urgence des mesures à prendre et, vous l'avez dit, sur les critères homogènes à trouver. Nous devons en effet travailler sur des critères homogènes. Mais ce qui serait encore plus important, ce serait de donner des garanties à long terme aux collectivités locales et aux agriculteurs. Nous entendons souvent exprimer la crainte suivante : « Comment puis-je épandre sur mon terrain des résidus de boues de station d'épuration ou des composts alors que la réglementation risque, dans deux ou trois ans, de changer, rendant impossible la commercialisation de mes propres produits agricoles ? »
Je suis moi-même, en tant que maire, confronté à cette situation puisque, pour les boues provenant de ma station d'épuration, je suis dans l'impossibilité, alors que je respecte la loi, d'établir des plans d'épandage, qui pourraient me permettre de valoriser mon produit, qui est conforme aux normes.

RÉHABILITATION DES ANCIENNES VOIES FERRÉES
EN TRAIN DE DÉCOUVERTE TOURISTIQUE

M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 445, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, des communes du Livradois et du Forez, aux confins des trois départements que sont la Loire, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme, se sont engagées à développer leur potentiel touristique en réhabilitant d'anciennes voies ferrées et en les affectant à un « train de la découverte ».
L'association AGRIVAP, créée en 1979, exploite le tronçon Courpière-Sembadel de l'ancienne ligne Pont-de-Dore-Darsac. Cette association s'est vu confier par un syndicat intercommunal à vocation unique, un SIVU, l'exploitation du trafic de marchandises sur la section Arlanc-Courpière, d'une part, et le train touristique sur la section Courpière-Sembadel, d'autre part.
Les voitures mises en circulation témoignent du patrimoine ferroviaire français : il s'agit d'un autorail panoramique anciennement affecté au service du Cévenol, d'un autorail dit « Picasso », ainsi que d'une locomotive à vapeur.
Le chiffre d'affaires moyen d'AGRIVAP avoisine 1,8 million de francs par an.
Le développement de la clientèle et l'intérêt des élus ont conduit à envisager le raccordement du tronçon Sembadel-Estivareilles : cette ligne parcourt, sur trente-quatre kilomètres, les hauts plateaux foréziens à une altitude supérieure à neuf cents mètres et fut définitivement désaffectée en 1987.
L'idée d'une exploitation aux fins de tourisme s'est alors immédiatement fait jour, pour aboutir à un déclassement de la ligne en 1996. Cette section permettrait à terme de mettre en place un parcours touristique reliant les deux sites majeurs du patrimoine : Saint-Bonnet-le-Château et La Chaise-Dieu.
Cet équipement est vital pour le Haut-Forez, dont le patrimoine touristique est méconnu et qui doit à tout prix développer une politique résolument volontaire en matière d'aménagement du territoire et d'animation.
Les élus et les associations se heurtent à des difficultés administratives et financières sur lesquelles je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous prononciez.
Nous nous trouvons en effet face à un blocage sérieux : si le service des domaines a donné une estimation raisonnable de l'infrastructure, permettant aux communes d'acquérir les terrains, la direction régionale de Clermont-Ferrand de la SNCF exige, quant à elle, un prix disproportionné pour la superstructure. En effet, alors que pour le tronçon Puy-Guillaume-Courty, long de douze kilomètres, le lot a été adjugé aux environs de 100 000 francs - soit à peu près 8 000 francs du kilomètre - RFF, Réseau ferré de France, demande plus de 20 000 francs du kilomètre pour le tronçon Sembadel-Estivareilles.
La totalité de la transaction représenterait au total une charge de près de 900 000 francs pour les communes. Cette charge absolument insupportable met évidemment en cause la poursuite du projet.
Aussi, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser s'il est possible à Réseau ferré de France de donner à bail aux collectivités les superstructures ferroviaires déclassées. Cette solution permettrait aux communes ou aux syndicats intercommunaux de poursuivre leurs efforts. A moins que vous n'entendiez appuyer la démarche des élus et associations pour ramener les prétentions de RFF à un niveau raisonnable s'agissant du tronçon que j'ai évoqué.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, le prix de cession demandé par Réseau ferré de France pour le tronçon de ligne Sembadel-Estivareilles a été fixé sur la base de l'estimation du service des domaines, soit 400 000 francs pour la plate-forme et 706 000 francs pour la voie.
Une réfaction de 200 000 francs a été consentie pour tenir compte de la remise en état nécessaire de certains ouvrages d'art, ce qui porte effectivement le prix à 900 000 francs environ.
Vous comparez ce prix de cession à celui qui a été demandé pour la section Puy-Guillaume-Courty. J'ai donc demandé à RFF des explications.
Le matériel de voie de la section de ligne Sembadel-Estivareilles est d'un prix plus élevé que celui de la section Puy-Guillaume - Courty, car le matériel de voie de cette ligne est noyé dans une végétation abondante, avec des traverses irrécupérables et des frais de dépose très importants.
Pour en revenir au tronçon de voie qui vous préoccupe, RFF se doit aussi, vous le comprenez, d'être attentif à la valorisation de son patrimoine. Bien entendu, cela ne l'empêche pas d'être sensible au souci des communes concernées de maintenir, voire de développer une activité ferroviaire touristique dans leur région.
Je peux donc vous annoncer que RFF est prêt à étudier avec ces communes des modalités de paiement leur permettant d'étaler dans le temps leur charge financière. Je suis bien conscient que cela ne règle pas entièrement le problème que vous posez, mais cela devrait tout de même faciliter la recherche d'une solution plus satisfaisante pour tout le monde.
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, je ne vous cacherai pas que je suis quelque peu déçu par votre réponse.
En effet, les communes concernés sont de petites communes rurales extrêmement pauvres. Aussi, faute d'un geste de RFF ou d'une démarche de votre part permettant d'aboutir à un prix beaucoup plus raisonnable, ce projet ne pourra malheureusement pas voir le jour : c'est un tronçon qui sera laissé à l'abandon. En effet, un simple étalement dans le temps ne résoudra pas le problème. Ce serait fort dommage au regard du développement touristique de ce magnifique site, qu'un certain nombre d'entre vous connaissent, mes chers collègues, et plus généralement du développement économique d'un secteur en voie de désertification gravissime.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me permets de solliciter à nouveau votre appui pour faire en sorte que ce dossier soit mené à bonne fin.
M. le président. Monsieur le ministre, vous voici à nouveau questionné. Le train de la Rhune fait des bénéfices ! Ne pourrait-il pas en aller de même avec le projet évoqué par M. Fournier ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur Fournier, je comprends bien la difficulté à laquelle peuvent être confrontées les collectivités, mais je vous demande d'intégrer aussi dans votre analyse la nécessité absolue pour le propriétaire du patrimoine concerné, c'est-à-dire RFF, de faire en sorte qu'il ne soit pas dévalorisé.
Il me semble que la possibilité d'un étalement des charges financières ouvre en même temps des voies nouvelles de discussion ; celle-ci pourra éventuellement s'élargir à la question de l'ensemble de la dépense. C'est dans cet esprit que je vous demande d'interpréter la réponse que je vous ai apportée.

DÉVIATION DE LA RN 17 À LA CHAPELLE-EN-SERVAL

M. le président. La parole est à M. Vasselle, auteur de la question n° 439, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, ma question a trait à la déviation de la RN 17 à La Chapelle-en-Serval. C'est un dossier que vous connaissez bien et qui commence à prendre de l'âge... C'est pourquoi nous aimerions bien qu'il trouve sa solution dès 1999 ou, au plus tard, en 2000.
A plusieurs reprises, les responsables de la municipalité de La Chapelle-en-Serval, associés à ceux de la commune d'Orry-la-Ville, le conseil général de l'Oise, le conseil régional et de nombreux parlementaires ont appelé votre attention sur l'urgence qui s'attache à la construction de cette déviation.
Je me permets de vous rappeler que, sur cette route nationale, le trafic a augmenté de plus de 50 % entre 1992 et 1998. La vie devient impossible pour les habitants de La Chapelle-en-Serval et se posent de plus en plus de graves problèmes de sécurité. D'ailleurs, l'épouse du maire de cette commune est décédée à la suite d'un accident de la circulation qui s'est produit, sur cette route, à l'intérieur de l'agglomération. Si ces travaux avaient été effectués en temps voulu, sa vie aurait été épargnée ! Vous imaginez, monsieur le ministre, tout l'émoi que ce décès tragique a provoqué dans l'ensemble de la région et j'espère que vous allez enfin prendre en considération la nécessité de programmer d'urgence ce projet.
Avec le concours des différents partenaires, un tracé, dit « quatre-Est », a été arrêté après deux réunions présidées par le secrétaire général de la préfecture de l'Oise, les 4 et 11 mai 1994, c'est-à-dire voilà bientôt cinq ans.
Ce tracé a été confirmé par une fiche d'itinéraire signée par la direction départementale de l'équipement le 17 février 1995, ainsi que par une directive ministérielle au préfet de l'Oise en date du 14 juin 1996, directive demandant la réalisation d'études. Mais, à ce jour, la décision ministérielle n'est toujours pas appliquée, et cela bien que le tracé ait été confirmé par les ministres de l'équipement successifs, notamment par vous-même, monsieur le ministre, le 2 décembre 1997.
En 1999, il est question de nouvelles études. Pendant combien de temps va-t-on donc encore étudier, alors même que le tracé est arrêté ?
Je vous indique également que le conseil général de l'Oise a retenu cette déviation parmi ses priorités et qu'il a demandé au conseil régional de Picardie de l'intégrer parmi les opérations urgentes du futur contrat de plan. J'espère donc que vous pourrez nous confirmer l'inscription de ce projet dans le prochain contrat de plan.
En tout état de cause, j'aimerais bien connaître les éléments qui sont à l'origine du blocage de ce projet. D'après mes informations, il ne semble pas venir de votre ministère. Mais alors d'où vient-il ?
Mes deux questions sont donc les suivantes : premièrement, d'où vient le blocage ? Deuxièmement, quand la programmation des travaux sera-t-elle effective, permettant d'apaiser les populations du secteur et de faire oeuvre utile sur les plans départemental, régional et national ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, que la question que vous soulevez n'est pas nouvelle. Vous avez évoqué des discussions remontant à 1994, mais je crois savoir que le plan d'occupation des sols de la commune avait déjà prévu cette déviation en 1980 !
En tout cas, compte tenu de la densité du trafic supporté par la RN 17 dans la traversée de La Chapelle-en-Serval, créer une déviation est, à mes yeux, une nécessité incontestable.
Toutefois, avant d'envisager la programmation de cette opération dans le cadre de la négociation du prochain contrat de plan entre l'Etat et la région Picardie, qui est en cours d'élaboration, il faut décider du tracé de cette déviation. Un tracé par l'ouest figure dans le POS de la commune, mais diverses variantes par l'est ont fait l'objet d'études ultérieures. Aucun consensus ne s'est dégagé pour l'instant.
Afin qu'il soit possible de faire un choix sur des bases transparentes, j'ai demandé au préfet, le 5 mars dernier, de lancer une ultime concertation locale à partir d'un dossier donnant des éléments de comparaison entre toutes les variantes envisageables. Il s'agit non pas de faire traîner la résolution du problème, mais de pouvoir prendre une décision éclairée. Le préfet devant me rendre son rapport dans un délai de trois mois, elle devrait pouvoir intervenir rapidement : c'est au printemps que le tracé sera définitivement arrêté et que l'enquête publique pourra démarrer.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je prends acte de vos engagements concernant le prochain aboutissement de ce dossier. J'espère simplement que cette « ultime » réunion de concertation sera bien la dernière...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Moi aussi ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. ... et que vous procéderez aux arbitrages qu'appelleront les propositions qui vous seront faites.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Bien sûr !
M. Alain Vasselle. J'espère également qu'il n'y aura plus de blocages sur ce dossier. Je m'étais en effet laissé dire qu'il en existait du côté du ministère de l'environnement et de celui de l'agriculture.
Je considère donc aujourd'hui que ces blocages n'existent plus, que cette réunion qui se tiendra sous l'autorité du préfet doit vous permettre de prendre vos décisions au plus tard au printemps prochain, que cette opération aura bon rang dans le contrat de plan Etat-région et que vous veillerez, dans les négociations avec le président du conseil régional de Picardie, M. Charles Baur, à ce que cette opération fasse l'objet d'une programmation des crédits de paiement telle qu'elle puisse être engagée au plus tard en 2000.
Monsieur le ministre, les élus municipaux deLa Chapelle-en-Serval ainsi que ceux d'Orry-la-Ville sont présents dans les tribunes : ils vous ont entendu. Je veux croire que vous ne décevrez pas l'espoir que les déclarations que vous venez de faire à l'instant ont suscité.

CONSTRUCTION DU CANAL À GRAND GABARIT
SEINE-NORD

M. le président. La parole est à M. Delevoye, auteur de la question n° 431, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jean-Paul Delevoye. Ma question a trait au projet de canal à grand gabarit Seine-Nord.
Nous constatons aujourd'hui une dynamique de croissance du transport fluvial en France : reconquête des parts de marché - la part du transport fluvial a progressé de 10 % par rapport à 1997 - vitalité très importante des bassins à grand gabarit, diversification du fret et effort extraordinaire de modernisation de la flotte.
Dans le même temps, nous assistons au développement des échanges intracommunautaires de bassins.
Par ailleurs, le commissariat du Plan a clairement indiqué qu'à l'horizon 2015-2020 la France serait confrontée à un redoutable défi de saturation routière et vous-même, monsieur le ministre, avez déclaré lors de l'inauguration du barrage de Saint-Maurice : « Il importe que chacun prenne conscience que l'Etat a aujourd'hui pour les voies navigables une réelle ambition : faire grandir la part du fluvial dans l'ensemble des transports terrestres et, pour cela, donner des moyens plus importants et développer une politique active de soutien. »
Il nous faut vous en donner acte, monsieur le ministre, c'est sous votre autorité que, à la suite d'une déclaration solennelle, faite à Amiens, ont été entreprises toutes les études sur le tracé Seine-Nord, impliquant une réflexion sur l'élargissement à Seine-Est et mettant en perspective les trois objectifs suivants : développer la façade maritime, moderniser la flotte et soutenir les échanges intracommunautaires utilisant cette infrastructure.
Lancée en 1993, cette concertation est achevée depuis un an. Le rapport préfectoral a été rendu voilà plus d'un semestre. Le choix du faisceau de tracés devait intervenir avant la fin de l'année 1998.
Vous avez souhaité, monsieur le ministre, qu'il soit procédé à une actualisation des études économiques de la liaison Seine-Nord, en y incluant les conséquences de l'aménagement à grand gabarit de l'Oise-aval et du canal Dunkerque-Escaut. Cette actualisation devait être achevée le 18 décembre dernier ; vous l'avez confirmé à l'Assemblée nationale.
Enfin, des études techniques sont en cours de réalisation pour l'aménagement de l'Oise en aval de Compiègne.
Mais il va de soi que la décision ministérielle relative au faisceau de tracés n'est en aucun cas conditionnée par l'achèvement de ces diverses études, car le point de départ du futur canal Seine-Nord n'est absolument pas mis en cause.
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur le calendrier exact de votre décision et sur la réalité de votre détermination à choisir un faisceau de tracés pour le projet Seine-Nord. Nous souhaitons également connaître précisément les résultats des études économiques aujourd'hui actualisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, le projet de liaison Seine-Nord s'inscrit dans la politique plurimodale équilibrée que nous mettons en oeuvre et qui s'appuie, en particulier, sur une relance du transport par voie d'eau. Telle est bien ma volonté, je vous le confirme.
D'ailleurs, les crédits affectés à la modernisation de la voie d'eau ont progressé de 30 % depuis deux ans. Je ne me suis pas contenté de faire des déclarations ; j'ai fait en sorte qu'elles soient suivies d'actes.
C'est dans l'esprit du développement du transport fluvial que, depuis le début, j'aborde le projet Seine-Nord et que je souhaite le faire progresser.
Ce projet consiste à réaliser un nouveau canal à grand gabarit sur le tronçon central entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut et à améliorer les caractéristiques du canal Dunkerque-Escaut et de l'Oise-aval. Afin de préserver la logique du projet, il convient, en effet, de le prendre en compte dans sa globalité.
Selon les différents scénarios d'aménagement qui m'ont été remis, l'estimation du coût total du projet varie de 12 milliards de francs à 25 milliards de francs.
Compte tenu de l'ampleur de l'investissement, la rentabilité socio-économique du projet devait être étudiée de manière rigoureuse. Les analyses socio-économiques ont donc été complètement réactualisées, à partir d'une méthodologie adaptée au monde fluvial, en même temps qu'avait lieu la concertation sur le choix du tracé.
Je souhaite maintenant que ces acquis soient utilisés pour avoir une approche globale et intermodale de cette opération et élaborer un scénario réaliste d'aménagement.
A cette fin, j'ai confié au conseil général des Ponts et Chaussées une mission d'évaluation et de proposition qui portera principalement sur cinq points : l'expertise des études économiques confiées à Voies navigables de France ; l'analyse comparative des capacités de réponse des modes fluviaux et ferroviaires à l'évolution des trafics sur la zone concernée ; l'examen des conséquences du projet Seine-Nord sur la desserte terrestre des ports maritimes ; l'analyse des scénarios d'aménagement envisagés pour les trois tronçons ; enfin, la proposition d'un schéma global comportant des caractéristiques techniques cohérentes et un « phasage » réaliste des différentes parties.
J'attends les résultats de cette expertise, au printemps, pour préparer les décisions gouvernementales sur les futures étapes du projet, dans le cadre de l'élaboration du schéma de services de transports de marchandises et des prochains contrats de plan Etat-régions. Je suis déterminé, soyez-en sûr, monsieur le sénateur, à choisir un faisceau de tracés.
Vous êtes un gestionnaire suffisamment avisé pour admettre que l'ampleur financière de l'investissement nécessite des approches fiables et non contestables, sauf à mettre le projet en situation de fragilité, source de tous les échecs, ce que je ne veux absolument pas.
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre, votre réponse est à la fois suffisamment claire pour contenter les uns et suffisamment floue pour mécontenter les autres.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai dit : « au printemps ».
M. Jean-Paul Delevoye. En réalité, il ne faut plus multiplier les études sur ce type d'infrastructures. J'ai écouté avec un grand intérêt vos propos. Au printemps 1999, avez-vous dit, un rapport doit vous être remis. Il est essentiel qu'au cours du premier semestre de 1999 le Gouvernement indique clairement s'il conforte la politique qui est la vôtre et qui tend à favoriser la complémentarité des transports fluviaux, ferroviaires et routiers.
Monsieur le ministre, vous savez très bien que, s'agissant des investissements, la France dépense 125 000 francs par kilomètre de voie fluviale, les Pays-Bas 380 000 francs et l'Allemagne 570 000 francs.
Vous savez très bien aussi que le développement actuel du commerce international et l'exploitation de la containérisation provoqueront la saturation du corridor nord sur le plan routier.
Nous disposons d'une formidable façade maritime et la France peut nourrir une grande ambition quant à son développement. Le canal Seine-Nord, inscrit dans les schémas européens, peut constituer un atout pour le développement de nos façades portuaires Calais-Boulogne-Dunkerque et Rouen-Le Havre, qui sollicitent aujourd'hui votre soutien, monsieur le ministre, pour le projet « Le Havre 2000 ».
A l'heure actuelle, l'association de tronçons autoroutiers et de petits tronçons de voies fluviales interdit la modernisation de la batellerie française.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez demandé des études économiques de rentabilité. Il ne faudrait pas que les paramètres choisis par la France pour le calcul de cette rentabilité prédéterminent les conclusions de ces études.
Dans les paramètres retenus par l'Allemagne pour l'analyse de la rentabilité de la voie d'eau, le facteur temps est fortement minoré par rapport à la France. Il est vrai que, si vous comparez la rapidité du transport, la route est plus performante.
Si vous minorez l'aspect temps pour valoriser l'aspect écologique - protection de l'environnement et sécurité des transports - dans un certain nombre de domaines, tels les hydrocarbures ou les ordures ménagères, le taux de rentabilité est tout à fait différent.
Enfin, en Belgique, la rentabilité à long terme est prise en compte deux fois plus qu'en France.
Cela signifie que, selon les paramètres utilisés, les temps de retour sur investissement sont fondamentalement différents. A structure équivalente, certains projets sont rentables en Belgique et ne le sont pas en France.
Monsieur le ministre, notre pays a le formidable génie de faire en sorte que nos statistiques soient préorientées en fonction des décisions que certains veulent avantager par rapport à d'autres. Je compte donc sur votre sens de l'objectivité, sur votre honnêteté intellectuelle, afin que ce grand pays élabore le formidable projet - ce sera peut-être le grand projet du XXIe siècle ! - de raccorder le bassin de l'Europe du nord à celui de l'Europe centrale, ce qui lui permettra de disposer d'un transport moderne complémentaire entre la route, l'eau et le fer.
Nous attendons avec intérêt et impatience votre décision au cours du premier semestre de 1999.

DOUBLE IMPOSITION DES PROPRIÉTAIRES BAILLEURS

M. le président. La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 444, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, la question que je vous soumets aujourd'hui revêt non seulement un aspect fiscal, mais aussi - il me paraît très important de le souligner - un aspect moral.
Il n'est pas juste, en effet, que le nouveau dispositif sur le droit de bail, mis en place par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, aboutisse, pour les propriétaires bailleurs, à une double imposition des revenus perçus sur les neuf premiers mois de 1998.
Nous avons là un exemple flagrant de méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques inscrit à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Pourquoi une fraction de la population devrait-elle faire les frais d'une mesure maladroite et acquitter une deuxième fois un impôt déjà perçu ?
Je rappelle que l'article 12 de la loi de finances rectificative prévoit que la nouvelle « contribution représentative du droit de bail » et sa « contribution additionnelle », s'appliquent à compter du 1er janvier 1998. Il en résulte donc une superposition des bases d'imposition pour la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, pour laquelle le droit de bail et la taxe additionnelle ont déjà été acquittés.
Juridiquement, le contribuable ne devrait acquitter des droits qu'au titre des trois mois de 1998, c'est-à-dire d'octobre à décembre, pour lesquels il n'a payé ni droit de bail ni taxe additionnelle. Mais cette solution signifierait un manque à gagner pour l'Etat - celui-ci a été évalué par M. Mariani, rapporteur général, à 7 milliards de francs - qui préfère pénaliser injustement les bailleurs plutôt que d'ajuster le paiement au décalage de trésorerie.
Certes, le Gouvernement a mis en place le système de dégrèvement prévu par cet article 12. Je précise toutefois que ce dégrèvement au bénéfice des redevables, d'un montant égal aux droits acquittés durant les neuf premiers mois de 1998, ne s'appliquera qu'en cas de cessation ou d'interruption de la location pour une durée d'au moins neuf mois consécutifs.
Cette disposition très restrictive n'est pas du tout satisfaisante : d'une part, elle ne concernera qu'un petit nombre de bailleurs ; d'autre part, le remboursement n'interviendra que très longtemps - plusieurs années - après le paiement du droit de bail si le bailleur poursuit sa location sans cesser de louer pendant neuf mois consécutifs. Ce remboursement qu'il obtiendra alors ne sera pas revalorisé pour tenir compte du délai pendant lequel l'Etat a conservé indûment ces sommes.
A l'évidence, la double imposition effective n'aura pas, ou très peu, de compensation financière. Cela est d'autant plus inéquitable que le système s'applique aux seules personnes physiques. L'indemnisation des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés est prévue de manière beaucoup plus large et beaucoup plus juste par le même article.
Saisi par les élus de la majorité sénatoriale sur ce point, le Conseil constitutionnel a rendu, le 29 décembre 1998, une décision défavorable que j'estime très regrettable. Les arguments avancés, ainsi que les observations du Gouvernement, ne m'ont pas convaincu.
Le Gouvernement lui-même y reconnaît explicitement que « le passage à une période d'imposition correspondant à l'année civile donnera lieu, sur le plan théorique... » - quel euphémisme ! - « ... à une certaine superposition des périodes de référence pour les loyers perçus entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1998 ». Autant dire que les bailleurs sont taxés deux fois !
Il me semble anormal que des élus aient été obligés de saisir le Conseil constitutionnel pour dénoncer cette entorse avérée au principe de l'égalité devant les charges publiques. Le silence du Gouvernement sur les solutions à apporter à ce problème, dont il reconnaît par ailleurs l'existence, m'incite à vous alerter, monsieur le secrétaire d'Etat, au nom des nombreux bailleurs concernés.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir reprendre ce dossier, pour envisager la mise en place d'un mécanisme simple de remboursement progressif d'une créance d'impôt, à l'instar du dispositif institué lors de la suppression de la règle dite du « décalage d'un mois » en matière de TVA.
L'article 12 visait à simplifier les obligations déclaratives du droit de bail. L'échec est clair puisqu'il apparaît aussi inéquitable que complexe. Il est encore temps, monsieur le secrétaire d'Etat, de remédier à ce problème par la solution que je vous soumets.
C'est une question de justice fiscale, de justice tout court, de morale. L'intérêt du citoyen doit, en effet, prévaloir sur celui de l'Etat, qui ne peut impunément ponctionner des contribuables qui se sont déjà acquittés de leurs charges. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour mettre fin à cette injustice.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. MM. Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter, empêchés, m'ont demandé d'apporter un soin particulier aux précisions que je suis en mesure de vous donner, monsieur le sénateur.
L'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 supprime en effet le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail pour les loyers courus à compter du 1er octobre 1998. Il crée une contribution représentative du droit de bail et une contribution additionnelle à cette dernière, assise sur les loyers encaissés à compter du 1er janvier 1998.
Cette réforme répond à un objectif de simplification. A partir de 1999, les bailleurs n'auront plus à souscrire de déclaration spéciale, mais mentionnerait simplement sur leur déclaration de revenus le montant des loyers encaissés. Suivant qu'ils sont personnes physiques ou sociétés, le régime sera quelque peu différent ; c'est bien normal. Pour les personnes physiques, le montant des contributions dues figurera sur l'avis d'imposition à l'impôt sur le revenu. Pour les personnes morales, les contributions dues seront recouvrées selon les mêmes règles que celles qui sont prévues en matière d'impôt sur les sociétés. Grâce à cette simplification, plus de cinq millions de déclarations et autant de moyens de paiement seront supprimés. C'est, je pense, un objectif que partagent la Haute Assemblée et le Gouvernement.
Qu'en est-il de la « double imposition » - je vous cite - que vous avez évoquée voilà quelques instants ?
Jusqu'à présent, le droit de bail payé à compter du 1er octobre de l'année n portait sur les loyers courus entre le 1er octobre de l'année n -1 et le 30 septembre de l'année n. Désormais, le droit de bail acquitté au 15 septembre de l'année n sera calculé sur la base des loyers encaissés entre le 1er janvier de n -1 et le 31 décembre de n -1, tout comme l'impôt sur le revenu. C'est pour que les choses soient plus simples que les deux dates coïncideront ainsi.
La première année de mise en oeuvre de la réforme, en 1999, ce rattachement au mécanisme de l'impôt sur le revenu conduit à établir le droit au bail acquitté au 15 septembre 1999 sur la base des loyers perçus entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1998, alors que ces loyers ont déjà supporté - vous l'avez expliqué - le droit de bail acquitté à compter du 1er octobre 1998 pour la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998. Mais, en contrepartie, les contribuables n'auront pas à payer, en octobre 1999, le droit de bail qu'ils auraient dû acquitter, en l'absence de réforme, sur les loyers allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999. Le jeu des dates est compliqué mais, spécialiste de ces questions, monsieur le sénateur, vous suivez parfaitement, ainsi que vos collègues, mon raisonnement.
Je vais donc indiquer les cas dans lesquels la réforme est neutre, les cas pour lesquels elle est favorable aux contribuables et les cas, marginaux, où elle peut être défavorable.
La réforme est neutre lorsque le propriétaire bailleur n'interrompt pas la location de son bien, vous l'avez indiqué dans votre question. Elle est également neutre pour le locataire, dont la situation n'est pas modifiée. Elle est favorable pour les nouveaux bailleurs ne mettant en location leur bien qu'à compter du 1er janvier 1999, puisque, au lieu de payer le droit de bail à compter du 1er octobre 1999, ils ne l'acquitteront qu'au 15 septembre 2000. Elle est également favorable au bailleur lorsque le locataire est défaillant - cette situation est, hélas ! plus fréquente qu'on ne le pense - puisque désormais le droit de bail n'est dû que sur les loyers effectivement encaissés, et non sur les loyers prévus au bail.
En définitive, on voit bien que le droit au bail a été perçu une dernière fois en octobre 1998. La nouvelle contribution ne sera perçue qu'à compter d'octobre 1999, et elle portera sur douze mois de loyer, comme cela aurait été le cas à législation inchangée.
D'ailleurs, dans sa décision du 30 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a jugé que « le dispositif institué ne conduit pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles » et - retenez bien ces termes - qu'« il n'institue pas une double imposition ».
La réforme peut en revanche - troisième cas de figure - être défavorable en cas d'interruption de la location. C'est pourquoi la loi institue un dispositif de dégrèvement du droit de bail l'année qui suit celle de la cessation de la location du logement ou l'interruption de celle-ci pour une durée d'au moins neuf mois.
Tous les cas de figure sont prévus et, soyons clairs et fermes, il n'y a pas de double imposition.
Ce mécanisme de dégrèvement permet de concilier l'équité avec l'objectif de simplification que l'on cherche à atteindre par la réforme du droit de bail.
Je pense que vous avez satisfaction, monsieur le sénateur.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu les arguments que vous avez présentés.
Sur le plan administratif, il s'agit, je vous l'accorde, d'une simplification. Le fait que le droit de bail et la contribution additionnelle soient assis sur les loyers effectivement perçus, et non pas sur les loyers courus, et que l'on prenne comme période de référence l'année civile, au lieu d'une année un peu hybride, ne pose aucun problème.
Cependant, il ne faut pas tourner autour du pot. Qu'on le veuille ou non, l'exercice 1998 a fait l'objet d'une double imposition sur ses neuf premiers mois !
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué l'argumentation développée par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision, le Conseil précise : « Certes, le passage à une période d'imposition correspondant à l'année civile ou à l'exercice donnera lieu sur le plan théorique » - formulation véritablement très amusante ! - « à une certaine superposition des périodes de référence pour les loyers perçus entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1998. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, il était très facile, au titre de l'application de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, de prévoir un système dérogatoire pour l'année 1998, aux termes duquel n'auraient été imposés, au titre de cette nouvelle contribution, que les loyers perçus au cours du dernier trimestre de 1998. Les modalités que vous avez mises en oeuvre ont généré, pour l'Etat, une recette nouvelle de près de 7 milliards de francs. C'est pour cette raison-là que vous n'avez pas voulu revenir en arrière.
Certes, on peut toujours invoquer, comme le Conseil constitutionnel, des arguments juridiques, mais vous avez en face de vous des citoyens français, des propriétaires bailleurs dont nous tenons tous, vous et nous, notre légitimité, qui, avec leur bon sens, ne croient pas à vos arguments juridiques. Ce qu'ils perçoivent, c'est qu'ils paient deux fois la contribution.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le sénateur, et vous m'avez bien compris.
Je veux simplement vous redire que, pour 1998, la contrepartie de la réforme du système décidée et incluse dans la loi, c'est que les contribuables n'auront pas à payer, en octobre 1998, le droit de bail qu'ils auraient dû acquitter, en l'absence de réforme,...
M. Patrick Lassourd. Encore heureux !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... sur les loyers perçus du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999.
Une compensation est donc prévue, ce qui permet d'affirmer qu'il n'y a pas de double imposition pour un même contribuable, et le Conseil constitutionnel, même s'il a employé le mot « théorique » pour faciliter son raisonnement, l'a bien reconnu. C'est ce que je souhaitais démontrer avec la plus grande clarté possible, s'agissant d'un sujet qui est en effet assez complexe.

MODE DE CALCUL DE LA CONTRIBUTION
AU FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES TERRORISTES
ET AUTRES INFRACTIONS

M. le président. La parole est à M. Joly, auteur de la question n° 447, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Joly. Ma question est en effet adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mais je suis heureux que ce soit vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui soyez appelé à apporter une réponse, que j'espère positive, à ma requête.
Institué en 1986 pour permettre la réparation de préjudices subis par les victimes d'actes de terrorisme, le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, le FGTI, a étendu sa compétence en 1990. Ce fonds est alimenté, selon l'article 4 du décret n° 86-1111 du 15 octobre 1986, par une contribution assise sur les primes ou cotisations des contrats d'assurance. Elle est recouvrée par les entreprises d'assurance suivant les mêmes règles que la taxe sur les conventions d'assurance. En clair, c'est une taxe proportionnelle, ad valorem, qui frappe les encaissements. Ce mécanisme est inscrit dans divers articles du code général des impôts, dont je vous fais grâce de la lecture.
Or, dans les faits, la contribution au FGTI est un droit d'acte qui frappe chaque contrat et dont le tarif forfaitaire est fixé chaque année par arrêté ministériel et prélevé sur tous les contrats d'assurance couvrant les biens.
C'est plus qu'une contraction, il s'agit du non-respect, me semble-t-il, de dispositions opposables à tous.
Au-delà de ce point fondamental, il convient de souligner les effets dommageables d'une telle pratique.
A sa création, en 1986, cette contribution était de cinq francs ; cette année elle a été fixée à vingt francs. Une telle augmentation paraît dérisoire mais quand elle s'applique à des contrats dont les cotisations sont inférieures à trois cents francs, ce qui est le cas, par exemple, sur le risque « bris de glace », elle correspond à une majoration de près de 10 % ! De plus, elle fait double emploi, car elle s'applique également sur les contrats multirisques habitation.
Si les groupes d'assurances généralistes arrivent à compenser par un prélèvement unique, puisqu'ils offrent du multirisque, en revanche, les compagnies spécialisées sont gravement handicapées, car les contrats souscrits sont à nouveau soumis à contribution.
Pour prolonger ma réflexion sur l'inadéquation des modalités d'assiette et de recouvrement de la contribution au FGTI, je m'interroge sur le respect du droit communautaire, qui prescrit les taxes en cascade. Or ce prélèvement apparaît comme tel.
Peut-on espérer, monsieur le secrétaire d'Etat, un réexamen de la position du Gouvernement, qui peut toujours, dans les actes réglementaires, faire preuve d'évolution ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, la loi de 1986 créant le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, le FGTI, dispose que celui-ci est alimenté par une contribution assise sur tous les contrats de biens. Un décret du 15 octobre 1986 précise que cette contribution est recouvrée par les entreprises d'assurances sous les mêmes garanties et sanctions que la taxe sur les conventions d'assurance et que son taux est fixé chaque année par arrêté ministériel.
Le problème du caractère proportionnel ou forfaitaire de la contribution, qui est posé à juste titre, fait actuellement l'objet d'un examen par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il soulève, en fait, la question plus générale de l'équilibre financier du FGTI. En effet, la contribution, dont le montant était très faible lors de la création du fonds, lequel ne couvrait alors que les dommages causés par les attentats, a varié, selon les années, de 1 franc à 5 francs entre 1987 et 1990, date à laquelle le FGTI s'est vu transférer la charge des indemnisations allouées aux victimes d'infractions par les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions. La croissance des charges du fonds, à partir de cette date, a conduit à une augmentation régulière de la contribution, dont le montant atteint aujourd'hui 20 francs. Bien qu'élevée lorsqu'elle porte sur des contrats de faibles montants, la contribution ne permet pas de collecter les fonds suffisants - vous l'avez vous-même observé - pour faire face à la montée des charges afférentes au FGTI.
C'est la raison pour laquelle M. Dominique Strauss-Kahn a demandé à ses services d'entreprendre une réflexion sur les mesures à prendre pour assurer l'équilibre financier du FGTI dans les années à venir, dans l'intérêt des victimes. Le problème évoqué à juste titre par M. Joly fait partie de l'ensemble de cette réflexion, qui doit aboutir - il aura donc satisfaction, je l'espère - l'été prochain.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'ai évoqué, entre autres arguments, à l'appui de ma demande, le non-respect de l'article 1001 du code général des impôts, qui fixe le tarif de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance en pourcentage et non pas forfaitairement.
Je suis heureux que cette question soit actuellement à l'étude, et j'espère qu'elle aboutira cet été.

CONSTRUCTION DU BARRAGE DU RIZZANESE

M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra, auteur de la question n° 428, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de la séance des questions au Gouvernement du 15 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, mon collègue M. Patriarche, député de Haute-Corse, vous a interrogé sur la politique énergétique que l'Etat entend mener en Corse.
Dans votre réponse, vous avez rappelé les modalités d'application du protocole d'accord signé le 24 juillet 1987 entre la collectivité territoriale de Corse et EDF pour l'approvisionnement de l'île en énergie électrique. Mais vous avez également ajouté que l'estimation des moyens de production d'électricité nécessaires à l'époque de la signature de ce protocole n'a pas été confirmée par l'évolution des besoins constatés sur l'île. Il vous semble donc, aujourd'hui, que le parc de production est suffisant pour couvrir les besoins en électricité pendant encore quelques années. Une réflexion sur le plan régional vous paraît souhaitable à partir des données déjà disponibles mais aussi sur la base des prévisions qu'il conviendra d'établir.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous faire part de mon étonnement, car, à aucun moment, dans votre réponse, vous n'avez évoqué le projet de construction du barrage hydroélectrique du Rizzanese prévu par ledit protocole d'accord de 1987, alors que l'enquête d'utilité publique est close depuis le 28 décembre dernier après une large concertation entre les populations concernées et les services de l'Etat.
Mon inquiétude est d'autant plus légitime que, selon certaines informations dont je dispose, ce projet ne serait plus une priorité du Gouvernement. Or il aurait des répercussions extrêmement importantes pour la microrégion de l'Alta Rocca sur le plan économique et fiscal, et paraît être dans le droit-fil de la politique de développement économique que l'Etat entend mener en Corse.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, la concertation que vous entendez engager inclura-t-elle la production prévisionnelle d'électricité fournie par ce barrage ou ce projet est-il voué à l'échec ? La réponse à cette question est primordiale pour l'avenir de la microrégion de l'Alta Rocca, qui attend la réalisation de cet ouvrage depuis de nombreuses années.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le secrétaire, vous me posez une question importante sur la sécurité de l'approvisionnement en électricité de l'île de Corse.
Il convient tout d'abord d'apprécier la nécessité des moyens de production supplémentaires en fonction de l'évolution des consommations d'électricité en Corse. L'estimation des moyens de production d'électricité opérée voilà plus de dix ans n'a pas été confirmée par l'évolution des besoins constatés sur l'île.
L'objectif de renforcement de la sécurité d'approvisionnement en électricité de l'île doit être poursuivi en tenant compte - vous en conviendrez avec moi - de la rentabilité économique des projets sur le long terme, afin d'accompagner le développement économique de la Corse tout en évitant d'accroître le déficit financier structurel de la fourniture d'électricité de l'île. Il est de l'intérêt de la collectivité de Corse que les investissements développés sur son territoire soient le mieux choisis et le mieux conçus possible. Les impératifs de protection de l'environnement doivent également être pris en compte, et ce d'autant plus que le tourisme est essentiel pour l'île.
A partir de ce constat, il est possible d'envisager plusieurs orientations complémentaires au projet de barrage du Rizzanese. Il en est ainsi du développement des énergies renouvelables, à l'image des équipements hydroélectriques déjà réalisés et des projets éoliens en cours, de l'installation, le moment venu, d'équipements thermiques décentralisés performants et de la construction d'une liaison par câble apportant des avantages en termes de qualité et de sécurité d'alimentation de l'île.
C'est pourquoi il apparaît aujourd'hui utile qu'une véritable stratégie d'approvisionnement électrique de la Corse, réalisant les équipements nécessaires dans les meilleures conditions de qualité et de coût, soit mise au point à partir d'une réflexion au niveau régional.
C'est dans ce cadre que doit être examiné le projet particulier du Rizzanese, auquel vous avez marqué votre attachement, monsieur le sénateur.
Outre la procédure réglementaire en cours, qui doit permettre de préciser l'utilité publique du projet, il conviendra que la réflexion menée au niveau régional permette de faire un bilan du protocole du 24 juillet 1987, notamment du règlement des créances entre la collectivité territoriale de Corse et EDF, au titre du barrage déjà réalisé sur le Sampolo.
Je vous le dis donc très sincèrement et très clairement monsieur le sénateur : discutons-en, et examinons les conditions d'une véritable sécurité à long terme d'approvisionnement de la Corse. Le dialogue permettra certainement d'avancer.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rocca Serra.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions et des arguments que vous venez d'avancer. Je n'en attendais pas moins. Votre idée d'une concertation la plus large possible avec la collectivité territoriale, dont je ne fais pas partie et qui, comme vous le savez, est en cours de renouvellement, me paraît primordiale.
Par ailleurs, il existe un litige entre EDF et la collectivité territoriale au sujet d'une dette concernant un ouvrage précédent sur le Sampolo. Je n'ai pas manqué de faire remarquer à plusieurs reprises, pour le déplorer, que, malgré les engagements pris par les présidents respectifs de l'assemblée de l'exécutif corse, cette dette n'avait pas été honorée.
Mais j'ai retenu que vous souhaitiez une concertation, monsieur le secrétaire d'Etat. Je m'y prêterai volontiers avec mes collègues parlementaires et les représentants élus de la future collectivité territoriale.

ORGANISATION DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
À FRANCE TÉLÉCOM

M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 450, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur les problèmes se posant à France Télécom.
Ces problèmes concernent d'abord la décision de la direction nationale d'ouvrir à la concurrence le service social de la restauration collective actuellement géré par des associations dans le cadre des activités sociales. Je vous avais d'ailleurs saisi de cette question au mois de janvier dernier, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais mon propos pourrait aussi concerner d'autres sujets de mécontentement, tels que la remise en cause du régime indemnitaire, la question des trente-cinq heures ou la poursuite des suppressions d'emploi.
Concernant l'ouverture à la concurrence du service de restauration, j'apprends qu'il est dans les intentions de la direction d'aller très vite dans son application.
Ce projet a été décidé lors du conseil d'orientation et de gestion des activités sociales contre l'avis des organisations syndicales. Pourquoi une telle précipitation dans son application ? Quelles véritables motivations sous-tendent cette marche forcée ?
Les délégations, notamment celle de Narbonne que j'ai pu recevoir, n'ont pas manqué de m'exposer les conséquences, à terme, de telles dispositions et la crainte tout à fait justifiée de voir les prestataires privés privilégier la rentabilité au détriment du social et de l'emploi du personnel hôtelier.
Ne s'agit-il pas d'une remise en cause d'un acquis social, tout à fait apprécié, d'ailleurs, par le personnel et les utilisateurs ? Pourquoi remettre en question un tel service social, acquis, certes, grâce à l'aide apportée par l'entreprise mais aussi et surtout au prix de multiples efforts engagés par les élus des associations, les gérants et le personnel hôtelier ? Les trois cents restaurants et cafétérias servent plus de treize millions de repas par an et emploient 2 246 employés.
A Narbonne, par exemple, ce service est unanimement considéré comme bien géré : on y sert des repas de qualité à un prix social. Va-t-on remettre en cause une telle structure qui donne entièrement satisfaction ?
Pour justifier la transformation des restaurants en restaurants interentreprises et ouvrir le service à la concurrence, la direction évoque une nécessaire clarification juridique ou la mise en conformité avec la réglementation fiscale, ou encore la grande hétérogénéité dans la qualité des services rendus. Mais peut-être s'agit-il tout simplement d'une question de coût ?
Je m'interroge sur les vraies motivations et les véritables objectifs poursuivis par la direction.
Une chose me paraît cependant certaine : si, par touches successives, l'on persiste dans cette voie, c'est la fin de ce type de restauration sociale, rentabilité oblige. On peut, en effet, s'attendre qu'un prestataire privé s'oriente vers une baisse de qualité du produit servi.
Quant aux personnels hôteliers, le risque est grand pour eux, même s'ils sont repris et employés par le prestataire privé, conformément au code du travail, qu'ils ne fassent à terme les frais de quelque plan de restructuration.
Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il encore temps d'inverser un tel processus ?
Un message fort de votre part à l'intention de la direction de France Télécom est particulièrement souhaité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, des interrogations se manifestent en effet parmi les personnels de France Télécom concernant l'évolution sociale globale de cette entreprise, comme vous l'avez souligné à juste titre dans la première partie de votre question. Ces interrogations touchent notamment l'organisation de la restauration collective dans cette entreprise.
La restauration collective est un élément essentiel de la politique sociale de France Télécom, comme d'ailleurs de La Poste. Ces deux opérateurs entendent bien préserver une restauration collective de qualité, à laquelle les personnels sont légitimement attachés.
Mais, vous le savez, depuis la loi du 26 juillet 1996 et les conventions créant au sein de La Poste et de France Télécom des conseils d'orientation et de gestion des activités sociales, la restauration collective n'est plus une activité associative commune.
Même si cette prestation sociale mobilise près de la moitié du budget social de France Télécom dans trois cents points de restauration qui assurent plus de 150 000 repas par jour, il existe une très grande hétérogénéité dans la qualité du service rendu et un grand déséquilibre dans la répartition de ces points sur le territoire, et donc dans l'accès au service.
Les deux opérateurs souhaitent, par conséquent, se mettre en conformité avec le nouveau cadre juridique, clarifier les responsabilités entre les prestataires et eux-mêmes, en tant qu'opérateur ou entreprise, et maintenir les restaurants, voire en augmenter le nombre, mais en les répartissant mieux sur le territoire et en améliorant et diversifiant l'offre de services, pour un prix qui doit demeurer inchangé pour les personnels.
Les restaurants de nouveau type pourraient prendre la forme de restaurants interentreprises pour pouvoir continuer d'accueillir les agents de France Télécom, ceux de La Poste, des filiales ou même d'autres services publics.
Ces restaurants interentreprises devraient maintenir, voire améliorer, le niveau de qualité au même niveau de prix, à un coût comparable à celui qui est constaté en moyenne dans le secteur de la restauration.
J'ajouterai deux remarques pour compléter ma réponse à cette question, que j'ai d'ailleurs évoquée la semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Le problème et le projet relèvent du dialogue interne à l'entreprise France Télécom ; comme vous le savez, ce n'est pas le ministre de tutelle qui gère l'entreprise - et c'est d'ailleurs bien ainsi !
Ils doivent faire l'objet - c'est ma demande à l'appui de votre question - d'une concertation préalable à toute réorganisation, d'un véritable dialogue approfondi avec l'ensemble des organisations syndicales et avec les associations gestionnaires de ces prestations sociales. On ne comprendrait pas qu'un projet de réforme soit appliqué sans qu'il y ait eu auparavant un véritable dialogue, qui doit s'intensifier, prendre le temps qu'il faut, mais sans trop tarder, afin de trouver les conditions d'un compromis et avec les organisations syndicales, et avec les associations. Tel est le voeu du Gouvernement.
Une éventuelle mise en oeuvre du projet dont vous avez parlé - j'insiste sur le mot « éventuelle » - ne pourra s'effectuer qu'après cette concertation préalable, au cas par cas et au regard de la situation précise de chacun des restaurants - je rappelle qu'ils sont au nombre de trois cents.
Monsieur le sénateur, je serai très attentif, compte tenu, notamment, de l'évolution du climat social à France Télécom, à ce que se développe dans ces entreprises publiques, avec l'ensemble des organisations locales ou territoriales, un véritable dialogue qui n'ait pour double caractéristique d'être permanent et de qualité, c'est-à-dire qui témoigne de la volonté de part et d'autre d'aboutir à des solutions concrètes au profit de l'entreprise, de ceux qui y travaillent et des clients. Vous avez eu raison de le souligner, et je suis heureux que le Sénat me donne l'occasion de le redire.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. J'ai apprécié votre demande d'une reprise du dialogue afin que, précisément, s'instaurent d'autres relations entre la direction et le personnel.
Comprenez cependant notre inquiétude et celle des personnels face à certains propos qu'on prête à la direction de France Télécom : « La restauration n'est pas notre métier... », « Nous n'avons ni la vocation ni le temps de nous intéresser à la gestion interne des associations... », « La restauration constitue, certes, un élément essentiel du cadre de travail des salariés, mais cette activité a un coût... » !
Comment s'étonner, dès lors, de la volonté de France Télécom d'ouvrir le service social de la restauration à la concurrence ?
Cela étant, vos propos vont peut-être nous permettre de rectifier le tir. Vous avez en effet parlé d'éventualité. Cela signifie donc que rien n'est encore décidé, contrairement d'ailleurs à la rumeur qui circule dans l'entreprise France Télécom.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le fait que vous disiez que le dialogue social doit être rétabli montre bien que la politique conduite par la direction de France Télécom génère aujourd'hui une dégradation du climat social dans l'entreprise.
J'ai évoqué, tout à l'heure, plusieurs sujets de mécontentement.
Que penser, par exemple, des propositions de la direction concernant les 35 heures, propositions qualifiées, avant moi, par certains élus, de « provocatrices » : pas de véritable réduction du temps de travail et donc pas d'embauche ?
Que penser de la remise en cause du régime indemnitaire et des propositions particulièrement défavorables aux salariés les plus modestes ?
Enfin, faut-il évoquer aussi ces suppressions d'emplois au travers du non-remplacement des agents qui partent à la retraite, ou encore l'inquiétude du personnel des services de direction, auquel il est demandé une très grande mobilité à la suite du regroupement de certains services ?
Effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, le climat social de l'entreprise n'est pas bon. La politique actuellement conduite par la direction doit donc être revue et corrigée sans tarder. De ce point de vue, je vous remercie de votre soutien.

PROJET « SOLEIL »

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 430, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Celui-ci sera avantageusement remplacé par M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Charles Descours. Je ne doute pas que M. Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, s'intéresse vivement au rayonnement synchrotron, et j'écouterai donc avec beaucoup d'attention sa réponse. Ma question s'adresse toutefois à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Le projet « Soleil » est un projet d'installation de rayonnement synchrotron. Ce rayonnement, qui a des caractéristiques proches de celles de la lumière laser, intéresse beaucoup les physiciens de la matière condensée, les chimistes, les biologistes et certains industriels.
Deux appareils à rayonnement synchrotron fonctionnent actuellement en France : l'un vieillissant, dont les performances sont très médiocres, se trouve à Orsay, au laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique, le LURE ; l'autre, que je connais bien puisqu'il est à Grenoble, est une machine européenne dont la France possède 27 % ; tout à fait performant, il draine plus de 2 000 chercheurs à Grenoble chaque année, dont 400 permanents.
Le projet « Soleil » est complémentaire de l' European Synchrotron Radiation Facility , l'ESRF, dans la mesure où il a une énergie beaucoup moins importante. Il est optimisé pour étudier plus particulièrement les propriétés électroniques de la matière et peut pleinement satisfaire les besoins de la biologie.
La communauté scientifique française est unanime à reconnaître l'intérêt et la nécessité - j'insiste sur ce mot - d'une telle machine, qui bénéficiera du retour d'expérience de l'ESRF et de très nombreuses améliorations technologiques. Le coût total, salaires et fonctionnement, de Soleil est de 2 milliards de francs, étalés sur huit ans.
L'avant-projet détaillé de cette machine est achevé depuis le 15 décembre 1998. Toutes les études complémentaires demandées par le ministre de la recherche ont été accomplies. Pourtant, sans que le projet ait été officiellement abandonné, aucune décision positive n'est intervenue et, en l'absence de directives claires, les rumeurs vont bon train. Les atermoiements ministériels sont interprétés, au mieux, comme une hésitation sur le fond, au pire, comme un abandon implicite du projet.
Monsieur le ministre, ces techniques de recherche fondamentale préparent les industries de demain, les industries de haute technologie. Si nous ne les développons pas résolument, nous nous privons de beaucoup d'emplois du XXIe siècle. Voilà pourquoi, je l'espère, vous nous direz que le projet n'est pas abandonné.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le ministre chargé de la francophonie s'intéresse en effet de très près au rayonnement synchrotron. (Sourires.) Mais, puisque M. Descours a justement interrogé M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, c'est la réponse de ce dernier que je veux lui communiquer.
Claude Allègre avait demandé à Paul Clavin, alors qu'il était directeur scientifique du département « physique et sciences pour l'ingénieur » de la direction de la recherche, un complément d'études pour lui permettre de décider si la France devait se doter d'une seconde machine de rayonnement synchrotron de troisième génération, ou RS3G. Bien qu'ayant quitté la direction de la recherche, Paul Clavin continue cette mission, qui devra être achevée avant la fin du mois de juin.
Le complément d'informations vise à analyser la possibilité d'une solution européenne. Chacun connaît en effet l'attachement de Claude Allègre à une dimension européenne pour tous les grands équipements, quels qu'ils soient d'ailleurs, essentiellement pour des raisons de coûts partagés. Les études menées jusqu'à présent n'avaient pas analysé de manière précise et fiable une telle possibilité.
L'interrogation du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie nécessite, en réalité, que l'on réponde à plusieurs questions concernant, entre autres, l'analyse précise des caractéristiques des machines RS3G qui existent ou qui existeront prochainement - accessoirement, la comparaison avec celles des deux machines existant aux Etats-Unis - et l'analyse précise des possibilités réelles d'accueil sur les machines RS3G qui existent ou qui existeront prochainement - nombre de lignes de lumière existantes et nombre d'heures annuelles disponibles pour les non-nationaux.
Enfin, il convient de savoir si le potentiel existant hors hexagone est suffisant ou non pour satisfaire la demande française et, dans le cas contraire, s'il est envisageable de construire une machine RS3G en partenariat avec d'autres pays européens, et si oui lesquels ?
Paul Clavin a ouvert une réflexion avec le Royaume-Uni qui paraît prometteuse. Claude Allègre souhaite qu'il examine très précisément les conditions qui permettraient d'aboutir à une solution équitablement partagée. Il lui demande également d'analyser les autres possibilités que la France pourrait avoir de partager une machine RS3G avec l'Allemagne ou avec la Suisse. Paul Clavin a prévu de se rendre dans ces pays très prochainement.
Si la réponse à ces questions montre que seule une solution franco-française est envisageable, quelle serait la meilleure solution technique à adopter ?
Quelle implication réelle peut-on attendre de nos industriels dans la réalisation d'une machine RS3G ? A titre d'exemple, on sait qu'au Royaume-Uni les industriels s'impliqueront fortement dans la réalisation du projet Diamond, équivalent britannique du projet Soleil, notamment grâce à l'appui du Wellcome Trust.
Les réponses à ces questions, monsieur le sénateur, sont d'ailleurs susceptibles d'être différentes suivant qu'on se place du point de vue de la physique ou de la biologie.
Quelles que soient les recommandations formulées par Paul Clavin, elles incluront aussi, en tout état de cause, l'avenir du laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique, le LURE, d'Orsay.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie m'a prié de vous transmettre.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, si j'ai posé une question à M. Allègre, je constate que lui en pose beaucoup plus - au moins une dizaine - auxquelles il n'apporte pas de réponses.
Cela étant dit, je prends acte de cette réponse, que je vous remercie de m'avoir transmise.
La communauté scientifique, dont je traduis les inquiétudes, n'étant pas un spécialiste de la question, a besoin de lignes de lumière synchrotron pour poursuivre ses recherches, tant en physique des matériaux qu'en biophysique. Avec elle, nous serons donc très attentifs à la suite des événements.
Compte tenu de ma proximité géographique avec les chercheurs qui travaillent sur l'ESRF, si je n'obtiens pas de réponse claire dans quelques mois, j'interrogerai de nouveau le Gouvernement. Et puisque j'ai bien entendu qu'une réponse pourrait être apportée à la fin du mois de juin, peut-être attendrai-je pour ce faire le début de la session d'octobre, monsieur le ministre.

POLITIQUE FRANÇAISE
EN MATIÈRE DE DÉMINAGE CIVIL

M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 380, adressée à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Franck Sérusclat. Je m'adresse au ministre délégué à la coopération et à la francophonie pour évoquer pendant quelques instants le problème particulièrement douloureux des mines antipersonnel qui frappent des victimes souvent jeunes et qui les handicapent pour la vie.
Les mines antipersonnel sont une manière particulièrement sournoise de mener une guerre ; l'assaillant ne prend pas beaucoup de risque alors qu'il crée beaucoup de douleur et de souffrance.
Aujourd'hui est une date opportune pour poser cette question puisque nous ne sommes pas loin du 1er mars, date de l'entrée en vigueur des décisions de déminage qui ont été acceptées par la France à la conférence internationale d'Ottawa.
La situation est assez paradoxale et devrait entraîner des réactions peut-être plus vives que les nôtres actuellement puisque la Chine, la Russie et les Etats-Unis ont refusé de signer la convention d'Ottawa.
Avec la Chine, nous devrions quelque peu revoir nos relations, compte tenu du mépris des droits de l'homme qu'affiche ce pays. Mais c'est une autre question...
Ma question d'aujourd'hui est plus simple, plus directe : comment la France va-t-elle organiser ce déminage civil, même si elle y participe depuis déjà quelques années ?
On compte actuellement de 70 millions à 100 millions de mines dans le monde, si tant est que l'évaluation est possible, le propre de ces mines étant de ne pas être facilement repérables, pour mieux surprendre. Leurs victimes se comptent par millions. Elles touchent, en particulier, les enfants, qui restent handicapés ou, même, perdent la vie.
Il est évident que cette initiative nécessite une politique cohérente à long terme et devant pourtant être efficace le plus rapidement possible. Il faut apporter des aides locales aux pays touchés, vérifier que les déminages sont effectifs, fiables, et apprendre à faire ces déminages à ceux qui en sont peut-être le plus directement les victimes.
Il existe aujourd'hui entre l'Allemagne, la Norvège, le Canada, d'une part, et la France, d'autre part, comme une relative différence, notamment en ce qui concerne le volume des crédits consacrés à cette action : la France paraît un peu en retard dans ce domaine. Il y a également un certain manque de cohérence entre les déminages et la façon de les engager aussi efficacement et activement que possible.
Telles sont les questions que je souhaitais vous poser, monsieur le ministre. Je souhaite que la France, soit dans ce domaine exemplaire, contribue à éviter de faire courir des risques demain aux enfants et fasse en sorte que cette arme sournoise ne soit plus du tout utilisée, comme d'ailleurs, je l'espère, un jour toutes les armes, afin que nous puissions tous vivre en paix.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, les mines antipersonnel sont, en effet, un fléau qui continue de tuer presque toujours des victimes innocentes bien après que les autres armes se sont tues et que la guerre est terminée.
Je vous remercie d'avoir souligné l'importance et l'efficacité des opérations de déminage que la France conduit.
Vous vous êtes inquiété du manque de cohésion, mais aussi de l'insuffisance des crédits que la France consacre à ces opérations, compte tenu de ce que font d'autres pays que vous avez cités.
Je veux profiter de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler d'abord quelques données générales sur les crédits que nous affectons au déminage et peut-être mieux préciser notre stratégie en la matière.
Depuis 1994, 214 millions de francs ont été consacrés aux opérations de déminage et d'assistance humanitaire, soit dans le cadre de programmes bilatéraux, soit sous forme de contributions à des fonds multilatéraux des Nations unies ou de l'Union européenne, qui joue un rôle spécifique dans ce domaine.
Les principales actions bilatérales ont été effectuées au Cambodge, à hauteur de 4 millions de francs au titre de 1995 et 1996, en Angola, pour un montant de 13 millions de francs, dont 9 millions de francs au titre d'un projet FAC, au Mozambique, à hauteur de 27,5 millions de francs, dont 8,9 millions de francs au titre d'un projet FAC, en Bosnie-Herzégovine, pour 2 millions de francs via le fonds de l'ONU au titre de 1995, et au Nicaragua, pour un montant de 1 million de francs au titre de 1997.
La France contribue aussi aux actions de déminage de l'Union européenne en ce qui concerne les actions tant de la Commission de Bruxelles, pour 21,6 millions de francs, que de celles qui sont menées au titre de la PESC.
Lionel Jospin, lors de la séance de questions au Gouvernement du 3 mars dernier, répondant à une question du député Robert Gaia, a confirmé que l'effort financier nécessaire sera poursuivi par le Gouvernement dans les années à venir.
La conception défendue par la France est celle d'un déminage « de proximité », conduisant à la neutralisation de tous les engins explosifs dans les zones indispensables à la vie et au développement social et économique. Vous connaissez l'extraordinaire diversité des engins que les hommes ont malheureusement inventés.
Représentant la France à la conférence d'Ottawa le 5 décembre 1997, avant de signer la convention internationale sur l'interdiction des mines antipersonnel, j'ai eu l'occasion de rappeler les axes majeurs de la politique française dans ce domaine.
D'abord, nous entendons poursuivre l'effort financier accompli depuis 1994 et nous engager davantage dans le déminage humanitaire en développant le volet politique de l'action internationale de la France.
Nous entendons, ensuite, rechercher une meilleure efficacité et une présence plus visible sur la scène internationale. Cela implique une coordination plus étroite de nos différentes structures administratives intéressées à la lutte contre les mines antipersonnel. Cela suppose aussi que la France soit plus attentive à la définition et à l'évaluation des actions entreprises par l'Union européenne et les Nations unies.
A cet effet, MM. Hubert Védrine, Alain Richard et moi-même avons chargé l'ambassadeur M. Lecaruyer de Beauvais d'une mission de coordination des acteurs français du déminage et de représentation dans les instances internationales qui en traitent.
Nous entendons, enfin, renforcer les capacités nationales - vous avez insisté sur ce point, à juste titre - afin de mieux participer à la formation de démineurs locaux et à la mise en place d'institutions nationales de coordination du déminage ; c'est le cas du CMAC au Cambodge et de l'INAROE en Angola.
L'Ecole supérieure d'application du génie d'Angers est appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans ce domaine. C'est probablement une des seules écoles militaires à être ouvertes aux civils : le personnel des ONG, si celles-ci le souhaitent, peuvent y recevoir la formation nécessaire.
Un appui à la recherche et développement doit aussi être engagé afin de développer les technologies adaptées à la lutte contre les mines, qu'il s'agisse de la cartographie, de la télédétection, de systèmes d'information géographique.
Nous avons fortement plaidé pour la mise en place d'une banque de données mondiale sous la responsabilité du secrétaire général des Nations unies. Nous savons très bien que, si certains plans de déminage ont été conduits selon une certaine logique et à partir de documents, d'autres, hélas ! ont été effectués dans le désordre, et, dans ce cas, la mémoire ne suffit pas pour localiser les mines.
Pour conclure, je voudrais ajouter deux éléments qui témoignent de la priorité que nous accordons à la lutte contre les mines antipersonnel. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en entretenir hier avec Mme Jody Williams, prix Nobel de la paix pour le combat qu'elle a mené contre les mines antipersonnel, puisqu'elle était l'invitée du Gouvernement à l'occasion de la Journée internationale des femmes.
Je lui ai d'abord rappelé notre volonté de participer à la campagne de promotion de l'interdiction totale des mines antipersonnel, en organisant et en participant nous-mêmes aux manifestations qui doivent être situées dans les Etats concernés. Nous en connaissons - je pense notamment à certains pays d'Afrique lusophone - qui ont signé la convention de non-utilisation et qui ont recommencé à implanter des mines.
Je lui ai également exposé notre volonté de faire pression sur les grands Etats qui n'ont pas encore fait le choix de signer cette convention. Nous regrettons que certains, parmi les plus importants, se retranchent derrière des raisons de sécurité, qui nous paraissent un peu décalées par rapport aux possibilités dont elles disposent pour trouver des solutions alternatives.
En tout cas, la France, pour sa part, a montré l'exemple sur le plan interne par la loi du 8 juillet 1998 portant ratification de la convention d'Ottawa. La France a été un des premiers pays européens à signer cette convention qui, désormais, est entrée en vigueur - vous le rappeliez vous-même.
Un projet de décret a été élaboré qui instituera une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel et qui sera composée en grande partie de parlementaires et de représentants d'organisations non gouvernementales. La sortie de ce décret devrait être proche, si l'on en juge par la promesse qu'a faite le Premier ministre à l'Assemblée nationale, le 3 mars dernier.
Lionel Jospin en a profité pour rappeler que la France était en avance sur le programme de destruction des stocks auquel elle s'était engagée. Normalement, à la fin de cette année, nous aurons détruit nos stocks, à l'exception de 2 500 mines qui sont conservées pour procéder à la formation de nos propres troupes ou acteurs de déminage, mais aussi et surtout pour former les démineurs dans les pays les plus directement concernés.
J'espère, monsieur le sénateur, que vous aurez trouvé dans ma réponse quelques éléments confirmant l'importance que le Gouvernement accorde à la lutte contre les mines antipersonnel.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Monsieur le ministre, je ne doute ni de votre volonté ni de celle du Gouvernement d'aboutir à des solutions le plus rapidement possible.
Je me permets simplement une comparaison, sachant toutefois qu'elle n'ait pas raison, car elle touche deux plans complètement différents : le domaine extérieur de la France et le domaine intérieur.
Vous disposez d'un budget s'élevant à quelques millions de francs - environ 300 millions de francs - alors qu'il est question d'investir 6 milliards de francs dans le porte-avions Charles-de-Gaulle !
Monsieur le ministre, ne pourriez-vous demander à M. Alain Richard de transférer un peu de son budget pour déminer plutôt que d'essayer de « sortir » le porte-avions Charles-de-Gaulle , qui, quand il sera prêt, ne sera plus d'usage ?...
Actuellement, nous nous armons nul ne sait contre qui... mais en faisant toujours malheureusement le pari qu'il y aura des guerres.
Peut-être pourriez-vous obtenir de M. Alain Richard ne serait-ce qu'un demi-milliard de francs !
Je vous remercie en tout cas de votre réponse et de la façon dont vous l'avez faite, car elle était sincère, je n'en doute pas.

APPLICATION EN FRANCE
DU CODE DE LA FAMILLE ALGÉRIEN

M. le président. La parole est à M. Pelchat, auteur de la question n° 452, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Michel Pelchat. Monsieur le ministre, permettez-moi, à travers vous, de m'adresser directement à Mme le garde des sceaux.
Voilà quelques semaines, nous avons reçu au Sénat Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix, tandis que c'était hier la Journée internationale des femmes. Autant d'évènements qui consacrent la place que doit occuper la femme dans notre société.
Sans chauvinisme aucun, je dirai que, dans ce domaine, la France est certainement la championne de l'universalité des droits de l'homme. La Déclaration des droits de l'homme de 1789, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 ont autant de chartres auxquelles elle a contribué et dont elle peut être fière.
Aucune discrimination ne saurait être tolérée sur notre territoire, de quelque nature qu'elle soit, dans quelque domaine que ce soit, notamment en matière de statut familial.
L'égalité dans le mariage est reconnue en France depuis maintenant de nombreuses années. La pleine capacité des époux nous paraît aujourd'hui être une exigence d'ordre public international et avoir une vocation universelle.
Le préambule de la Constitution de 1946, longuement évoqué ici voilà quelques jours, précise d'ailleurs bien que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».
Nous savons, hélas ! que l'égalité entre hommes et femmes n'est pas effective dans tous les pays et qu'elle n'existe notamment pas en Algérie, ce pays si proche de la France, géographiquement bien sûr, mais aussi dans nos coeurs.
En Algérie, depuis 1984, un code de la famille régit le statut familial en cantonnant la femme à un rôle subalterne, en ne lui accordant des droits et des capacités que bien inférieurs à ceux de son époux.
Or, madame la ministre, la juriste que vous êtes n'est pas sans savoir que, si un litige doit en principe être tranché par une loi étrangère qui contient des dispositions dont l'application est jugée inadmissible par le tribunal français saisi, celui-ci a la faculté d'écarter cette loi étrangère au nom des principes fondamentaux des droits de l'homme. C'est ce qu'on appelle « le respect de l'ordre public international ».
Ainsi, au nom du principe monogamique sur lequel repose l'organisation de la famille dans notre République, nous écartons, en vertu de l'ordre public international, les lois étrangères qui admettent la polygamie.
Nous refusons également d'appliquer les lois étrangères fondées sur des distinctions de races ou de religions, parce que nous considérons que de telles prohibitions sont contraires aux libertés individuelles.
En outre - est-il utile de le préciser ? - l'incapacité de la femme prévue par le code de la famille algérien est contraire aux principes des droits de l'homme qui sont consacrés notamment par des conventions - telle la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 que je rappelais tout à l'heure - et qui ont une valeur juridique supérieure au droit interne pour le juge français, chose que, malheureusement, celui-ci a souvent tendance à oublier !
Madame la ministre, nous avons le devoir d'admettre que l'incapacité de la femme mariée, telle qu'elle existe en Algérie, révèle une discrimination fondée sur le sexe, attentatoire à la dignité humaine.
Un refus de la France d'appliquer le code de la famille algérien apporterait, j'en suis convaincu, un soutien considérable au peuple algérien, qui souffre, en particulier aux femmes algériennes, qui luttent courageusement pour leurs droits élémentaires de femmes et pour la paix et la démocratie dans leurs pays.
Ces femmes, réfugiées sur notre territoire, se sont mises sous la protection du droit français. Il n'y a aucune excuse pour la France à les soumettre à des textes de loi algériens discriminatoires, donc contraires aux droits de l'homme !
C'est pourquoi, à l'heure où l'Algérie est en proie à la terreur, je vous demande, madame la ministre, quelle mesure vous comptez prendre afin que le juge français refuse catégoriquement l'application, d'une part, de ce code inique et, d'autre part, des jugements rendus en Algérie sur la base de ce même texte.
En outre, je souhaite savoir quelle mesure vous entendez prendre pour faire respecter les droits matrimoniaux, patrimoniaux et de liberté de circulation des Français binationaux par les autorités algériennes, qui ne reconnaissent aujourd'hui à ces derniers, ni en fait ni en droit, la nationalité française.
Quelle mesure comptez-vous prendre pour que ces autorités n'empêchent pas la France d'exercer en Algérie, comme partout dans le monde, cette obligation d'assistance qu'elle doit à tous ses ressortissants ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu interroger ma collègue ministre de la justice sur le respect des droits, notamment matrimoniaux, des Français binationaux par les autorités algériennes, et elle vous en remercie. Posée au lendemain de la Journée internationale des femmes, votre question est mise particulièrement en relief par l'actualité.
Ne pouvant être présente, Mme Guigou m'a chargé de vous apporter les éléments suivants.
Vous avez raison de souligner que l'égalité juridique des époux n'existe pas encore dans le statut familial de certains systèmes étrangers et qu'il nous importe de veiller à ce que telles discriminations choquantes et incompatibles avec notre conception des rapports entre époux ne puissent produire des effets sur notre territoire.
A cet égard, Mme Guigou peut vous indiquer que, si l'article 3 du code civil prévoit en principe l'application en France pour les femmes algériennes de leur loi nationale, ce principe connaît de nombreuses exceptions permettant chaque fois d'éviter de voir ces femmes soumises à un statut qui serait discriminatoire.
Je vous en donne quelques exemples.
Ainsi, en matière de divorce, l'article 310 du code civil prévoit l'application de la seule loi française lorsque les époux étrangers ont l'un et l'autre leur domicile sur le territoire français. Mais, de façon plus générale, lorsque l'application d'une loi étrangère heurte nos valeurs fondamentales, au rang desquelles figure l'égalité de droit et de responsabilité des époux, les juges ont la possibilité et le devoir d'écarter une telle législation au profit de la loi française quand il s'agit d'acquérir un droit en France.
Enfin, en présence de décisions judiciaires algériennes qui consacreraient un statut discriminatoire, le juge français est en mesure de refuser de donner effet sur notre territoire à de telles décisions en raison de leur contrariété à notre ordre public, en application de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l' exequatur et à l'extradition.
Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire au garde des sceaux de prendre des mesures particulières pour éviter l'application en France à des femmes étrangères des éléments discriminatoires de leur statut personnel, le juge ayant déjà, selon Mme Guigou, les moyens d'éviter les effets pervers de ces discriminations.
En ce qui concerne le droit d'assistance par nos autorités diplomatiques et consulaires pour assurer le respect par les autorités algériennes des droits et libertés des Français binationaux, Mme Guigou n'a pas manqué de rappeler déjà son importance à son collègue du Gouvernement qui a la responsabilité de cette question : le ministre des affaires étrangères, qu'il m'arrive de rencontrer assez souvent et à qui je pourrai dire l'importance que vous attachez à cette question, monsieur le sénateur.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vous demande de bien vouloir remercier votre collègue Mme Guigou de tous les éléments que vous m'avez apportés. Je les connaissais déjà pour ainsi dire : ce sont des éléments de droit international et c'est l'ordre international qui les impose.
Si j'ai posé cette question, c'est parce que ces principes ne sont pas toujours appliqués, loin s'en faut, notamment pour les femmes algériennes résidant en France, par rapport au code de la famille, surtout quand le mari est resté en Algérie - cela arrive un certain nombre de fois - ou lorsqu'elles divorcent pour venir en France. A ce moment-là, le problème des enfants se pose et c'est le code de la famille algérien qui leur est souvent appliqué par l'administration française. Un rappel est donc nécessaire.
Je peux vous garantir que les droits patrimoniaux, matrimoniaux ou de déplacement des binationaux ne sont pas respectés sur le territoire algérien. L'action de la France est bien timide face aux contraintes qu'ils subissent. Un rappel serait là aussi nécessaire.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

4

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
A. - Mercredi 10 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 153, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 9 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 9 mars 1999.
B. - Jeudi 11 mars 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
dernier alinéa, de la Constitution

A neuf heures trente et à quinze heures :
1° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. André Jourdain relative au multisalariat en temps partagé (n° 125, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues, visant à modifier l'article L. 255 du code électoral (n° 208, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
C. - Mardi 16 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures, à seize heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 15 mars 1999.
D. - Mercredi 17 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité (n° 108, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 16 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 16 mars 1999.
E. - Jeudi 18 mars 1999 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
F. - Mardi 23 mars 1999, à dix heures trente et à seize heures, mercredi 24 mars 1999, à quinze heures, jeudi 25 mars 1999, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 22 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 22 mars 1999.
G. - Mardi 30 mars 1999 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- N° 341 de M. Philippe Richert à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (financement des structures d'aide à domicile) ;
- N° 411 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (restructuration de l'aéroport d'Orly) ;
- N° 423 de M. Jean-Marc Pastor à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (réforme du système de mutation des enseignants) ;
- N° 429 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (évolution de l'enseignement professionnel) ;
- N° 441 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (conditions de travail et santé publique) ;
- N° 449 de M. Denis Badré à Mme le ministre de la culture et de la communication (fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de Saint-Cloud) ;
- N° 454 de M. André Vallet à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (financement des équipements sportifs communaux) ;
- N° 455 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'intérieur (travaux de consolidation de berges sur le domaine public communal) ;
- N° 456 de M. Paul Masson à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (désignation du concessionnaire de l'autoroute A 19) ;
- N° 458 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (fiscalité des associations) ;
- N° 459 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (inscription de la RN 21 au schéma national de services collectifs des transports) ;
- N° 460 de M. Michel Esneu à M. le ministre de l'intérieur (immatriculation des deux roues) ;
- N° 462 de M. Marcel Lesbros à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (désenclavement autoroutier et ferroviaire des Hautes-Alpes) ;
- N° 464 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (travaux de contournement de la commune de Saint-André-de-Sangonis) ;
- N° 466 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (conditions d'octroi des indemnités compensatoires de handicaps naturels lors d'une mise en pension des animaux) ;
- N° 470 de M. Paul Girod à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (pénurie de psychiatres praticiens hospitaliers) ;
- N° 471 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (conséquence de l'intégration de l'école d'ingénieurs de Tours au sein de l'université François-Rabelais) ;
- N° 477 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (baisse de la taxe sur la valeur ajoutée sur les activités de tourisme).
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
H. - Mercredi 31 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
I. - Jeudi 1er avril 1999 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 220, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 30 mars 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 31 mars 1999.
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant onze heures ;

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin ;
J. - Mardi 6 avril 1999, à dix heures et à seize heures, mercredi 7 avril 1999, à quinze heures, et jeudi 8 avril 1999, à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 220, 1998-1999).
La conférence des présidents a reporté du jeudi 8 avril au jeudi 29 avril 1999 la date de la séance mensuelle réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par le Sénat, en application de l'article 48, dernier alinéa, de la Constitution.
Par ailleurs, la séance des questions d'actualité au Gouvernement, initialement fixée le 17 juin 1999, aura lieu le jeudi 24 juin 1999, à quinze heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.

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LUTTE CONTRE LE DOPAGE

Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 193, 1998-1999) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. James Bordas, rapporteur pour le Sénat de la commission paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'adoption par notre assemblée du texte approuvé à l'unanimité par la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 3 février dernier au Sénat, représente la dernière étape de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
Ce projet de loi a été, je crois pouvoir le dire, un bon exemple de travail commun entre les assemblées et le Gouvernement, travail auquel je suis heureux que la réussite de la commission mixte paritaire ait apporté une conclusion positive.
Bien sûr, madame la ministre, l'accord unanime de la commission mixte paritaire ne signifie pas que nous ayons tous trouvé parfait le texte que nous avons adopté - c'eût d'ailleurs été bien présomptueux - ni que, sur tous les points, le compromis auquel nous sommes parvenus nous ait tous, députés ou sénateurs, également satisfaits.
Mais il manifeste, je crois, notre accord profond sur la nécessité de ce texte, sur les objectifs qu'il poursuit, sur les moyens nouveaux dont il permettra la mise en oeuvre. Nous avons aussi voulu exprimer fortement la volonté commune des deux assemblées de défendre la santé publique, l'éthique du sport et son rôle social contre les atteintes très graves que leur porte le dopage.
Les points les plus importants qui demeuraient en discussion à l'issue de la seconde lecture du projet de loi portaient sur son volet sanitaire. Les solutions retenues nous paraissent équilibrées et elles tiennent largement compte des positions qu'avait prises le Sénat.
Ainsi, je suis heureux, madame la ministre, que la commission mixte paritaire ait consacré la création des antennes médicales de lutte contre le dopage auxquelles pourront s'adresser directement, et anonymement s'ils le souhaitent, tous les sportifs, quel que soit leur âge ou leur niveau, qui ont été victimes du dopage et qui cherchent des conseils et une assistance médicale.
En ce qui concerne l'obligation de déclaration des signes de dopage à l'antenne médicale, j'aurais personnellement préféré, je ne vous le cacherai pas, qu'elle soit limitée aux constatations faites dans le cadre des examens d'aptitude à la pratique sportive ou de suivi médical des sportifs. En effet, comme le souligne le rapport du CNRS, le dopage est le plus souvent indécelable en dehors d'un suivi régulier et approfondi. Mais encore et surtout, la prise en charge médicale du dopage et de ses conséquences dépendra de l'établissement d'un nouveau climat de confiance entre le corps médical et les sportifs dopés, qui ont tendance à considérer les médecins soit comme des pourvoyeurs, soit comme des contrôleurs en puissance. Il leur reste, je crois, à découvrir qu'ils sont d'abord là pour les soigner. Et je ne pense pas que l'absence de déclaration obligatoire aurait fait obstacle à une collaboration entre les médecins et les antennes médicales lorsqu'elle aurait été nécessaire.
J'approuve sans réserve, en revanche, le fait que la commission mixte paritaire ait précisé que le signalement fait au médecin responsable de l'antenne sera couvert - ce qui n'allait nullement de soi - par le secret médical.
Je trouve aussi très positif que la commission mixte paritaire ait entendu les arguments du Sénat et qu'elle ait renoncé à doter les fédérations sportives du pouvoir de prononcer des injonctions thérapeutiques, ce qui aurait constitué une véritable aberration juridique.
Le texte que nous vous proposons prévoit que, lorsqu'un sportif sanctionné pour dopage demandera le renouvellement ou la délivrance d'une licence sportive, la fédération compétente devra subordonner ce renouvellement ou cette délivrance de licence à la production du certificat nominatif prévu à l'article 1er bis A. Cela paraît beaucoup plus raisonnable et sera, sans doute, beaucoup plus efficace.
Je soulignerai aussi que le texte de la commission mixte paritaire organise de façon satisfaisante la veille sanitaire sur le dopage en s'appuyant sur le dispositif de la loi Huriet-Descours du 1er juillet 1998.
Les travaux de la commission mixte paritaire permettent ainsi de compléter le volet sanitaire du projet de loi de manière à former un ensemble cohérent avec les dispositions relatives au contrôle et à la répression du dopage, qui ont fait, dès la première lecture, l'objet d'un large accord.
Je rappellerai en effet que le Sénat avait ratifié, dès le 28 mai dernier, madame la ministre, votre proposition de créer une autorité administrative indépendante chargée de contribuer à la prévention du dopage et d'assurer, dans le respect des prérogatives des fédérations, l'indispensable régulation des actions de lutte contre le dopage. Comme l'avait noté le rapporteur du Sénat en première lecture, ce choix comporte « un élément de pari ». Nous espérons tous, madame la ministre, que ce pari sera gagné.
Nous avions aussi approuvé sans restriction les dispositions du volet pénal du projet de loi, qui précisent et complètent la définition du délit de fourniture de produits dopants et qui en renforcent la sanction.
L'adoption définitive du projet de loi, qui avait été déposé le 5 mai 1998 sur le bureau de notre assemblée, aura pris près d'une année. C'est un peu long, alors que le Sénat - vous me permettrez, madame la ministre, de le souligner - a pour sa part dû se prononcer, en première comme en deuxième lecture, dans des délais très brefs, voire trop brefs.
Cela ne nous a pas empêchés - je le crois du moins - de travailler avec beaucoup de sérieux et dans le souci de parvenir à des solutions réalistes et efficaces.
Ce que nous souhaitons aujourd'hui - et c'est un souhait que vous partagez sûrement - c'est que la nouvelle loi soit très rapidement mise en oeuvre. Cela suppose, bien sûr, une prompte parution des textes d'application. Cela suppose aussi que vous disposiez des moyens nécessaires pour développer les contrôles, généraliser rapidement le suivi médical des sportifs de haut niveau, organiser un réseau opérationnel d'antennes médicales.
Le Sénat porte traditionnellement une grande attention à l'application des lois qu'il a votées : vous pouvez donc, madame la ministre, être assurée de notre vigilance et de notre soutien à cet égard.
Nous vous soutiendrons aussi dans l'action que vous avez entreprise pour promouvoir, à l'échelon européen et international, une véritable prise de conscience du problème du dopage et des moyens à mettre en oeuvre pour le résoudre.
Nous n'avons pas attendu, mes chers collègues, les malheureux événements de l'été dernier pour manifester de manière unanime notre volonté de restaurer les valeurs du sport.
Je vous demande aujourd'hui, mes chers collègues, en adoptant les conclusions de la commission mixte paritaire, de renouveler l'expression de cette volonté. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici arrivés au terme du travail parlementaire, entamé par votre assemblée en mai 1998, sur le projet de loi visant à protéger la santé des sportifs et l'éthique du sport.
Ce travail a été d'une très grande qualité. Il s'est déroulé dans un esprit constructif, responsable et il a véritablement permis d'enrichir les propositions du Gouvernement.
Je tiens à en remercier tout particulièrement les membres de la commission, son rapporteur et son président.
Je veux également relever comme essentiel le fait, que, au-delà de nos différentes sensibilités, un accord profond se soit dégagé autour d'un engagement associant étroitement un enjeu de santé publique et les valeurs dont le sport doit être porteur.
J'ai la conviction que l'unanimité des deux assemblées, qui s'est retrouvée au sein de la commission mixte paritaire, n'est pas simplement de circonstance. Ce rassemblement de la représentation nationale est réellement à l'image de l'attachement des Françaises et des Français à une certaine idée du sport.
Le sport doit être une source d'épanouissement, non d'asservissement, un moyen de liberté, non de dépendance, une porte ouverte sur la citoyenneté, non une école de la tricherie.
J'ajoute que, dans le contexte d'une lutte contre le dopage qui a pris une nouvelle dimension européenne et internationale, le fait que la France parle d'une seule voix compte énormément.
Certes, nous nous garderons bien de donner à la nouvelle loi une valeur de modèle applicable à d'autres pays. Cependant, je crois que nous devons bien mesurer à quel point la démarche de la France a permis d'aboutir à une position commune des quinze pays de l'Union européenne.
C'est avec la même détermination que la France contribue au travail engagé en vue d'aboutir à la mise en place d'une agence internationale contre le dopage indépendante et transparente.
Nous avons soumis aux membres de l'Union européenne des propositions concernant cette agence. Elles sont actuellement examinées. Je pense que nous pourrons ensemble formuler des suggestions auprès du Comité international olympique.
Ce travail complémentaire des Etats et du mouvement sportif est essentiel.
Je veux d'ailleurs souligner le rôle remarquable joué par le mouvement sportif français. Je pense, par exemple, aux relayeurs - et je tiens à leur rendre hommage - qui ont porté la flamme d'un sport net, de Paris jusqu'à la conférence de Lausanne, sur l'initiative du Comité national olympique français et de nombreuses fédérations.
Plus généralement, il faut saluer l'engagement du Comité national olympique français, dont témoigne notamment la mise en place de l'Agence de prévention contre le dopage.
Cette mobilisation, qui est une nouveauté, est significative de la prise de conscience de la gravité du fléau et de la nécessité d'agir ensemble.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, une dynamique s'est créée.
Non, ce mouvement n'isole pas la France.
Non, et j'y insiste, cette lutte contre le dopage ne se traduit pas par un recul des résultats de la France dans les compétitions internationales. C'est le refus d'un combat éthique qui aurait été pénalisant et nous aurait fait reculer.
Nous avons, vous avez fait un autre choix : un choix de société, car le sport est bien un élément constitutif d'une culture, d'une identité, d'un humanisme.
A travers ses principales orientations et innovations, le projet de loi issu de vos travaux s'inscrit dans une vision avant tout humaine du sport.
Vous avez fait le choix de la priorité absolue accordée à la prévention. La place de la santé et de la médecine est revalorisée, dans le respect du secret médical et des rapports de confiance entre un sportif et son médecin ; je suis convaincue que l'application du dispositif permettra de dissiper toutes craintes à ce sujet.
Vous avez fait le choix d'une lutte sans concession contre ceux qui organisent le dopage, qui en tirent profit, et qui sont restés trop longtemps impunis.
Vous avez fait le choix de la transparence et de l'efficacité en donnant au Conseil national de lutte contre le dopage un statut d'autorité indépendante et de véritables pouvoirs.
Cette loi, nous devons en effet, monsieur le rapporteur, la mettre en oeuvre sans tarder. Soyez persuadé que le ministère de la jeunesse et des sports y consacrera des moyens budgétaires supplémentaires, prendra très rapidement les décrets d'application et mettra en place le conseil indépendant ; je souhaite d'ailleurs que celui-ci soit installé avant les vacances d'été.
Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, pouvoir compter sur votre vigilance mais également sur votre soutien.
Nous savons cependant que, si cette nouvelle loi est indispensable, elle ne suffira évidemment pas.
Les dérives qui guettent l'éthique du sport ne se résument pas, hélas ! au dopage. Les menaces qui pèsent sur cette humanité du sport que j'évoquais sont multiples.
Il y a réellement de quoi être inquiet et alarmé quand s'organise un commerce sur des jeunes sportifs professionnels de dix à quinze ans, quand certains clubs, parmi les plus prestigieux du patrimoine sportif européen, sont à la merci d'une opération boursière, quand se dessine peut-être la perspective d'un match entre deux filiales d'un même groupe, quand les clubs les plus riches du moment espèrent trouver leur salut dans la disparition des clubs moins fortunés, ou quand certains transferts atteignent des montants qui ne correspondent à aucune réalité économique.
Ces menaces sont autant de défis que le Gouvernement a la volonté de relever, avec les acteurs et les actrices du sport, y compris à l'échelon de l'Union européenne, comme en a décidé le Conseil des ministres du 3 mars dernier.
Le projet de loi sur le sport que je souhaite vous présenter dans les mois qui viennent portera cette ambition. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. La France, avec ce projet de loi, et grâce à votre opiniâtreté, madame la ministre, à votre sens de l'écoute et de la décision, se dote d'une législation hautement nécessaire pour développer la protection de la santé des sportifs et lutter contre le dopage.
Ce texte place notre pays en pointe sur un sujet qui, par essence, est international.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se réjouissent de cette indéniable avancée.
Il restera à transcrire cette nouvelle loi dans les actes, et cela le plus rapidement possible, tant sont grands les dégâts constatés dans le monde sportif, mais aussi dans la perception du sport par l'opinion publique.
Cette action rapide et pugnace, en même temps que concertée, doit bien entendu être respectueuse de la présomption d'innocence et des droits de la défense.
S'agissant de l'application de ce texte, nous souhaitons que l'examen médical préalable à la délivrance de la licence sportive soit pris en charge par la caisse d'assurance maladie, et ce dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
A l'avenir, il sera également nécessaire de veiller à l'augmentation des moyens consacrés à la médecine du sport ; je pense notamment à son développement au sein des centres de santé.
L'intervention de l'éducation nationale doit être également sollicitée. L'information et la prévention doivent se développer au sein de l'école.
Je l'ai indiqué d'emblée, la question du dopage est internationale. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour impulser cette prise de conscience au-delà de nos frontières.
Nous approuvons pleinement votre action, qui a abouti à la conférence mondiale de Lausanne réunie le 2 février dernier. Il s'agit d'un pas important dans la prise de conscience internationale.
Le chemin est encore long et j'espère que, dès la prochaine conférence internationale prévue au printemps, les gouvernements européens pourront engager une harmonisation des législations nationales.
Nous espérons que cette concertation internationale aboutira notamment à la création d'une antenne internationale de lutte contre le dopage.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc le texte de la commission mixte paritaire, qui fait suite à un travail parlementaire d'une rare qualité, que mon amie Hélène Luc, qui intervient habituellement au nom de notre groupe sur cette question, se serait certainement plu à souligner. Le travail accompli sur ce texte a été nourri par un échange permanent et productif avec le Gouvernement ; cela méritait d'être souligné. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Avant que nous abordions l'examen des articles, je voudrais faire observer que c'est sur le bureau du Sénat que ce texte a d'abord été déposé et que, depuis le début de cette session, c'est la première fois qu'une commission mixte paritaire parvient à un accord.
Madame le ministre, ne faut-il pas voir là un signe ? Peut-être devriez-vous inciter vos collègues à soumettre plus souvent les projets de loi d'abord au Sénat ? (Sourires.) Ils seront ainsi mieux à même d'apprécier la qualité de l'apport de notre assemblée dans l'élaboration des textes de loi.
Nous passons maintenant à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :


« Art. 1er bis A. _ Des antennes médicales de lutte contre le dopage sont agréées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des sports. Elles organisent des consultations ouvertes aux personnes ayant eu recours à des pratiques de dopage. Ces consultations sont anonymes à la demande des intéressés.
« Elles leur proposent, si nécessaire, la mise en place d'un suivi médical.
« Les personnes ayant bénéficié de ce suivi médical peuvent demander au médecin qui les aura traitées un certificat nominatif mentionnant la durée et l'objet du suivi.
« Les conditions d'agrément et de fonctionnement des antennes médicales de lutte contre le dopage sont fixées par décret.
« Chaque antenne est dirigée par un médecin qui en est le responsable. »

« Art. 1er ter. _ Les cahiers des charges des sociétés nationales de programme prévoient des dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage. »
« Art. 1er quater . _ Les partenaires officiels des événements sportifs et des sportifs en tant que tels s'engagent à respecter une charte de bonne conduite définie par décret.
« Les établissements mentionnés aux articles L. 596 et L. 615 du code de la santé publique contribuent également, dans des conditions définies par décret, à la lutte contre le dopage et à la préservation de la santé des sportifs. »

TITRE Ier

DE LA SURVEILLANCE MÉDICALE
DES SPORTIFS


« Art. 3. - La participation aux compétitions sportives organisées ou agréées par les fédérations sportives est subordonnée à la présentation d'une licence sportive portant attestation de la délivrance d'un certificat médical mentionnant l'absence de contre-indication à la pratique sportive en compétition, ou, pour les non-licenciés auxquels ces compétitions sont ouvertes, à la présentation de ce seul certificat ou de sa copie certifiée conforme, qui doit dater de moins d'un an. »
« Art. 3 bis. _ Tout médecin qui est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage :
« _ est tenu de refuser la délivrance d'un des certificats médicaux définis aux articles 2 et 3 ;
« _ informe son patient des risques qu'il court et lui propose soit de le diriger vers l'une des antennes médicales mentionnées à l'article 1er bis A, soit, en liaison avec celle-ci et en fonction des nécessités, de lui prescrire des examens, un traitement ou un suivi médical ;
« _ transmet obligatoirement au médecin responsable de l'antenne médicale mentionnée à l'article 1er bis A les constatations qu'il a faites et informe son patient de cette obligation de transmission. Cette transmission est couverte par le secret médical. »
« Art. 3 ter. _ La méconnaissance par le médecin de l'obligation de transmission prévue à l'article 3 bis ou des prohibitions mentionnées à l'article 12 est passible de sanctions disciplinaires devant les instances compétentes de l'Ordre des médecins. »
« Art. 3 quater . _ Supprimé . »
« Art. 4. _ Les fédérations sportives veillent à la santé de leurs licenciés et prennent à cet effet les dispositions nécessaires, notamment en ce qui concerne les programmes d'entraînement et le calendrier des compétitions et manifestations sportives qu'elles organisent ou qu'elles agréent.
« Elles développent auprès des licenciés et de leur encadrement une information de prévention contre l'utilisation des substances et procédés dopants.
« Les programmes de formation destinés aux cadres professionnels et bénévoles qui interviennent dans les fédérations sportives, les clubs, les établissements d'activités physiques et sportives et les écoles de sport comprennent des actions de prévention contre l'utilisation des substances et procédés dopants. »
« Art. 4 bis. _ Supprimé . »

« Art. 5 bis. _ Les médecins qui traitent des cas de dopage ou de pathologies consécutives à des pratiques de dopage sont tenus de transmettre, sous forme anonyme, les données individuelles relatives à ces cas à la cellule scientifique mentionnée à l'article 9. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de cette transmission et prévoit les garanties du respect de l'anonymat des personnes. »

« Art. 7. _ Un livret individuel est délivré à chaque sportif mentionné à l'article 6, ou à son représentant légal, par la fédération sportive dont il relève. Ce livret ne contient que des informations à caractère sportif et des informations médicales en rapport avec les activités sportives.
« Seuls les médecins agréés en application de la présente loi sont habilités à se faire présenter ce livret lors des contrôles prévus à l'article 14. »

TITRE II

DE LA PRÉVENTION
ET DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE

Section 1

Du Conseil de prévention
et de lutte contre le dopage

« Art. 8. _ Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, autorité administrative indépendante, participe à la définition de la politique de protection de la santé des sportifs et contribue à la régulation des actions de lutte contre le dopage. Il comprend neuf membres nommés par décret :
« 1° Trois membres des juridictions administrative et judiciaire :
« _ un conseiller d'Etat, président, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;
« _ un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de cette cour ;
« _ un avocat général à la Cour de cassation désigné par le procureur général près ladite cour ;
« 2° Trois personnalités ayant compétence dans les domaines de la pharmacologie, de la toxicologie et de la médecine du sport désignées respectivement :
« _ par le président de l'Académie nationale de pharmacie ;
« _ par le président de l'Académie des sciences ;
« _ par le président de l'Académie nationale de médecine ;
« 3° Trois personnalités qualifiées dans le domaine du sport :
« _ un sportif de haut niveau désigné par le président du Comité national olympique et sportif français ;
« _ un membre du conseil d'administration du Comité national olympique et sportif français désigné par son président ;
« _ une personnalité désignée par le président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
« Le mandat des membres du Conseil est de six ans. Il n'est ni révocable ni renouvelable. Il n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicables aux intéressés. Tout membre dont l'empêchement est constaté par le Conseil statuant à la majorité des deux tiers de ses membres est déclaré démissionnaire d'office.
« Les membres du Conseil prêtent serment dans des conditions fixées par décret.
« Le Conseil se renouvelle par tiers tous les deux ans. En cas de vacance survenant plus de six mois avant l'expiration du mandat, il est pourvu à la nomination d'un nouveau membre dont le mandat expire à la date à laquelle aurait expiré le mandat de la personne qu'il remplace. Son mandat peut être renouvelé s'il n'a pas excédé deux ans.
« Le premier Conseil de prévention et de lutte contre le dopage comprend trois membres nommés pour deux ans, trois membres nommés pour quatre ans et trois membres nommés pour six ans ; chacune des catégories définies aux 1° , 2° et 3° comportant un membre de chaque série. Le président est nommé pour six ans ; la durée des mandats des autres membres nommés est déterminée par tirage au sort. Le mandat des membres nommés pour deux ans peut être renouvelé.
« Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ne peut délibérer que lorsque six au moins de ses membres sont présents. Le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix.
« Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage établit son règlement intérieur.
« Les membres et les agents du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. »
« Art. 9. _ Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage est informé des opérations de mise en place des contrôles antidopage, des faits de dopage portés à la connaissance de l'administration ou des fédérations sportives et des sanctions prises par les fédérations en application de l'article 17. Lorsqu'il n'est pas destinataire de droit des procès-verbaux d'analyses, il en reçoit communication.
« Il dispose d'une cellule scientifique de coordination de la recherche fondamentale et appliquée dans les domaines de la médecine sportive et du dopage. La cellule scientifique participe en outre à la veille sanitaire sur le dopage. A ce titre, elle transmet les informations qu'elle recueille en application de l'article 5 bis à l'Institut de veille sanitaire prévu à l'article L. 792-1 du code de la santé publique. Ces informations sont également mises à la disposition du Conseil et du ministre chargé des sports.
« Il adresse aux fédérations sportives des recommandations sur les dispositions à prendre en application de l'article 4 ainsi que sur la mise en oeuvre des procédures disciplinaires visées à l'article 17.
« Il peut prescrire aux fédérations de faire usage des pouvoirs mentionnés aux articles 13 et 17 dans le délai qu'il prévoit.
« Il est consulté sur tout projet de loi ou de règlement relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
« Il propose au ministre chargé des sports toute mesure tendant à prévenir ou à combattre le dopage et, à cet effet, se fait communiquer par les administrations compétentes ainsi que par les fédérations, groupements sportifs et établissements d'activités physiques et sportives toutes informations relatives à la préparation, à l'organisation et au déroulement des entraînements, compétitions et manifestations sportives.
« Il remet chaque année un rapport d'activité au Gouvernement et au Parlement. Ce rapport est rendu public.
« Il peut être consulté par les fédérations sportives sur les questions scientifiques auxquelles elles se trouvent confrontées. »

Section 2

Des agissements interdits


« Art. 11 bis. - La liste des substances et procédés dopants établie par l'arrêté prévu à l'article 11 est la même pour toutes les disciplines sportives. »

Section 3

Du contrôle


« Art. 14. - I. - Les médecins agréés en application de l'article 13 peuvent procéder à des examens médicaux cliniques et à des prélèvements biologiques destinés à mettre en évidence l'utilisation de procédés prohibés ou à déceler la présence dans l'organisme de substances interdites.
« Ils peuvent remettre à tout sportif licencié une convocation aux fins de prélèvements ou examens.
« Ils peuvent être assistés, à leur demande, par un membre délégué de la fédération sportive compétente.
« Les contrôles prévus par le présent article donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux qui sont transmis aux ministres intéressés, à la fédération compétente et au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Un double en est laissé aux parties intéressées.
« Les échantillons prélevés lors des contrôles sont analysés par les laboratoires agréés par le ministre chargé des sports.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les examens et prélèvements autorisés ainsi que leurs modalités.
« II. - Sous peine des sanctions administratives prévues aux articles 17 et 18, toute personne qui participe aux compétitions ou manifestations sportives mentionnées à l'article 11 ou aux entraînements y préparant est tenue de se soumettre aux prélèvements et examens prévus au I.
« III. - Supprimé . »

Section 4

Des sanctions administratives

« Art. 17. - Les fédérations sportives agréées dans les conditions fixées à l'article 16 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée engagent des procédures disciplinaires afin de sanctionner les licenciés, ou les membres licenciés des groupements sportifs qui leur sont affiliés, ayant contrevenu aux dispositions des articles 11, 12 ou du II de l'article 14.
« A cet effet, elles adoptent dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat et relatives aux contrôles organisés en application du présent titre, ainsi qu'aux procédures disciplinaires prévues en conséquence et aux sanctions applicables, dans le respect des droits de la défense.
« Il est spécifié dans ce règlement que l'organe disciplinaire de première instance de ces fédérations se prononce, après que les intéressés ont été en mesure de présenter leurs observations, dans un délai de trois mois à compter du jour où un procès-verbal de constat d'infraction établi en application du II de l'article 14 et de l'article 16 a été transmis à la fédération et que, faute d'avoir statué dans ce délai, l'organe disciplinaire de première instance est dessaisi et l'ensemble du dossier transmis à l'instance disciplinaire d'appel, laquelle rend dans tous les cas sa décision dans un délai maximum de quatre mois à compter de la même date.
« Les sanctions disciplinaires prises par les fédérations sportives peuvent aller jusqu'à l'interdiction définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives prévues à l'article 11.
« Ces sanctions ne donnent pas lieu à la procédure de conciliation prévue par l'article 19 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 précitée.
« Lorsqu'un sportif sanctionné en application du présent article sollicite le renouvellement ou la délivrance d'une licence sportive, la fédération compétente subordonne ce renouvellement ou cette délivrance à la production du certificat nominatif prévu au troisième alinéa de l'article 1er bis A. »
« Art. 18. - I. - En cas d'infraction aux dispositions des articles 11, 12 et du II de l'article 14, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions ci-après :
« 1° Il est compétent pour sanctionner les personnes non licenciées participant à des compétitions ou manifestations sportives organisées ou agréées par des fédérations sportives ou aux entraînements y préparant ;
« 2° Il est compétent pour sanctionner les personnes relevant du pouvoir disciplinaire d'une fédération sportive lorsque celle-ci n'a pas statué dans les délais prévus à l'article 17. Dans ce cas, il est saisi d'office dès l'expiration de ces délais ;
« 3° Il peut réformer les sanctions disciplinaires prises en application de l'article 17. Dans ce cas, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage se saisit dans un délai de huit jours suivant la date à laquelle il a été informé de ces sanctions en application du premier alinéa de l'article 9 ;
« 4° Il peut décider l'extension d'une sanction disciplinaire prononcée par une fédération aux activités de l'intéressé relevant des autres fédérations, de sa propre initiative ou à la demande de la fédération ayant prononcé la sanction.
« II. - La saisine du Conseil est suspensive. Le Conseil statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine dans les cas prévus au 3° et 4° du I. Ce délai est porté à trois mois dans le cas prévu au 2° du I. Il est également de trois mois, à compter de la date de transmission du procès-verbal de constat d'infraction, dans le cas prévu au 1° du I.
« III. - Le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage peut prononcer :
« - à l'encontre des sportifs reconnus coupables des faits interdits par l'article 11 et par le II de l'article 14, une interdiction temporaire ou définitive de participer aux compétitions et manifestations mentionnées à l'article 11 ;
« - à l'encontre des licenciés participant à l'organisation et au déroulement de ces compétitions et manifestations ou aux entraînements y préparant reconnus coupables des faits interdits par l'article 12, une interdiction temporaire ou définitive de participer, directement ou indirectement, à l'organisation et au déroulement des compétitions et manifestations sportives mentionnées à l'article 11 et aux entraînements y préparant, ainsi qu'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer les fonctions définies au premier alinéa de l'article 43 de la loi n° 84 610 du 16 juillet 1984 précitée.
« Ces sanctions sont prononcées dans le respect des droits de la défense.
« IV. - Les parties intéressées peuvent former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat contre les décisions du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage prises en application du présent article. »

Section 5

Des sanctions pénales


TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES



« Art. 23. - L'article 35 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 est abrogé. »

Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'un de ces articles ?...

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Lagauche pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux dire à mon tour combien on peut se féliciter de ce que les deux assemblées, faisant fi de leurs clivages politiques, soient parvenues à s'entendre sur un texte commun pour lutter contre les pratiques de dopages qui entachent trop souvent la vie sportive, et plus particulièrement les grandes compétitions.
Je m'attarderai quelques instants sur les dispositions qui me tenaient particulièrement à coeur et qui avaient fait l'objet d'amendements présentés par les sénateurs socialistes.
Je suis satisfait qu'une solution équilibrée ait été trouvée pour le dispositif de l'article 3 bis permettant au médecin qui décèle chez un sportif des signes de dopage, d'une part, de prendre les mesures nécessaires pour la santé de celui-ci et pour le bon déroulement des entraînements comme des compétitions auxquels il participe, en établissant un contact avec l'antenne médicale compétente, d'autre part, de préserver le secret médical.
Ce point a été l'un des plus importants de nos débats dans les deux assemblées ou, plutôt, celui qui a été soumis au plus de controverses, et l'on apprécie bien ici l'importance de la navette parlementaire qui permet, petit à petit, de clarifier les choses, de préciser les points de vue et d'affiner le dispositif.
D'autres points importants à mes yeux ont été avalisés par la commission mixte paritaire. Il en va ainsi de l'obligation de présentation d'un certificat médical récent de non-contre-indication, lors des compétitions sportives, même pour les non-licenciés, qui constituent la population sportive la moins surveillée. Il en va de même pour les dispositions ayant trait à la composition, à l'organisation et aux pouvoirs du conseil de prévention et de lutte contre le dopage, qui ont été améliorées au fil des débats.
A propos du contrôle, la possibilité de soumettre les échantillons prélevés à différents laboratoires et de bénéficier par là même d'une réelle contre-expertise - c'est l'article 14 - constitue une avancée extrêmement positive, et j'espère que les laboratoires agréés acquerront une notoriété et une crédibilité semblables à celles du laboratoire de Châtenay-Malabry.
Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur les très nombreuses dispositions que la commission mixte paritaire a améliorées. Je souhaite vous remercier, madame la ministre, pour l'esprit d'ouverture et de concertation dont vous avez fait preuve tout au long des débats et lors de leur préparation.
Je vous félicite d'avoir porté ce texte, dont la nécessité se fait malheureusement sentir de plus en plus aujourd'hui. Il vous faudra maintenant être vigilante pour qu'il connaisse une application rapide et sans faille, afin d'éradiquer ce fléau que constitue le dopage et de permettre au sport de retrouver sa vocation première : un moment de plaisir partagé, une fête. Pour cela, il faudra aussi rénover en profondeur les structures du mouvement sportif et son mode de financement.
Je pense me faire le porte-parole de nombreux membres de cette assemblée en vous disant, madame la ministre, que j'attends avec impatience que vous nous présentiez votre projet de loi tendant à réformer la loi sur les activités physiques et sportives.
Pour l'heure, les sénateurs socialistes apportent leur entière caution aux conclusions de la commission mixte paritaire qui viennent de nous être exposées. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'issue d'un dialogue constructif, le Sénat et l'Assemblée nationale ont réussi à trouver un accord sur un texte commun, que nous venons d'examiner.
Cet accord était particulièrement souhaitable, afin de renforcer la position française dans le débat européen et international sur le dopage.
Nous nous étions fixé un certain nombre d'objectifs : mieux protéger la santé des sportifs ; assurer une meilleure écoute et prise en charge des victimes, car ce sont des victimes du dopage ; réprimer ceux qui ont trahi l'éthique du sport en trichant ; réprimer également ceux qui les fournissent en produits dopants - trafiquants, médecins ou autres personnes - qui, eux aussi, trahissent l'éthique de leur profession.
En effet, ces sportifs, symboles d'équilibre, de jeunesse et de liberté, nous offrent du rêve, de l'émotion et l'exemple du résultat d'un travail persévérant.
Le dopage vient casser cette image.
Pour autant, les sportifs ne sont heureusement pas tous dopés. Pour ceux-là et pour ceux qui ont cédé aux sirènes de la facilité, il nous faut combattre ce fléau. Le texte retenu par la commission mixte paritaire nous paraît atteindre cet objectif. La plupart des défauts initiaux du projet de loi ont été corrigés.
Ainsi, dans le cadre de la surveillance médicale des sportifs, la déclaration des cas présumés de dopage par le médecin au responsable de l'antenne médicale, également médecin, est couverte par le secret médical et le patient est informé de cette transmission.
Une véritable veille sanitaire est mise en place, afin que le nouveau Conseil de prévention et de lutte contre le dopage puisse exploiter les données épidémiologiques.
Enfin, une véritable politique de la prévention et de la lutte contre le dopage est mise en place, offrant au nouveau conseil les moyens nécessaires pour remplir sa mission.
Quant aux fédérations sportives, leur pouvoir disciplinaire est réorganisé et renforcé. La nouvelle rédaction du Sénat concernant les pouvoirs de sanction du conseil permet de ne pas empiéter sur leurs prérogatives et de les responsabiliser.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République adoptera ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que votre texte a été adopté à l'unanimité, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) Cela me donne l'occasion de vous adresser tous mes compliments... pour ce projet de loi.
M. Adrien Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles. Je m'y associe !
M. Ivan Renar. Ne soyez pas avare de vos compliments, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président. Vous aurez bien compris, monsieur Renar, qu'il s'agissait d'une invitation pour que Mme le ministre veuille bien déposer son prochain texte en premier lieu sur le bureau du Sénat ! Elle serait ainsi mieux armée pour aller devant l'Assemblée nationale...
M. Ivan Renar. Assurément !
M. le président. ... car nous travaillons toujours, vous le savez, très sérieusement. (Nouveaux sourires.)

6

RESPECT DES DROITS DE L'ENFANT

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 80, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires. [Rapport n° 224 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 16 mai dernier, le Parlement des enfants adoptait une proposition de loi présentée par la classe de CM 2 de l'école Saint-Exupéry à Sarcelles, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde lors de l'achat des fournitures scolaires.
Les élèves avaient présentes à l'esprit les conditions dans lesquelles certains objets qui leur sont familiers, que ce soit des ballons de football, des chaussures de sport ou des tee-shirts, sont fabriqués et conditionnés par des enfants exploités.
En effet, ce texte repose sur une réalité accablante : en 1997, l'Organisation internationale du travail a estimé à 250 millions le nombre d'enfants travaillant dans des conditions totalement contraires au droit du travail et non conformes aux principes affirmés par la Convention internationale des droits de l'enfant.
Cette atteinte à la dignité humaine que constitue le travail de enfants est un phénomène qui sévit dans de nombreux points du globe.
Les enfants des mines de Bolivie ou des plantations du Brésil ont un point commun : c'est la pauvreté de leurs familles qui les pousse au travail à un âge où ils devraient être à l'école. Mais la situation est également dramatique en Inde, aux Philippines ou en Thaïlande, où bon nombre d'enfants sont livrés à la prostitution.
Dans de nombreux secteurs, notamment l'agriculture, l'industrie et le textile, les produits du travail des enfants sont exportés dans les pays développés.
Il faut aussi noter que le travail forcé des enfants n'est pas complètement absent de certains pays d'Europe, comme l'ont récemment montré certaines enquêtes et certains rapports.
Or la Convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 de l'ONU, qui a été signée par 191 pays, affirme de manière explicite, dans son article 32, que « les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contre l'exploitation économique » ; qu'ils « prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l'application » de ce droit des enfants, notamment en fixant « un âge minimum ou des âges minimums d'admission à l'emploi », en prévoyant « une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d'emploi », enfin en prévoyant « des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l'application effective » de ce principe.
Cette proposition de loi, à l'origine de laquelle se trouve le Parlement des enfants, paraît tout à fait pertinente, compte tenu des données accablantes fournies par l'Organisation internationale du travail.
Je ne peux donc que me réjouir de voir le Sénat réuni aujourd'hui pour examiner, après l'Assemblée nationale, ce texte qui s'inspire très largement du travail conduit par les élèves et par les enseignants qui les éduquent à la citoyenneté.
Néanmoins, comme le souligne la commission des affaires culturelles du Sénat, il faut, pour permettre à une telle proposition de loi de prospérer, prendre en compte l'ensemble de nos engagements européens et internationaux. En effet, au sein de la Communauté européenne, l'article 6 du traité de Rome interdit toute discrimination entre Etats membres. De la même manière, les accords du GATT de 1994 sont soumis aux principes de libre concurrence et de non-discrimination.
Telle qu'elle vous est soumise, la proposition de loi ne comporte aucune disposition contraire au traité instituant la Communauté européenne, ni même aucune mesure pouvant être considérée comme protectionniste ou imposant une quelconque discrimination à l'occasion de la passation d'un marché public, ce qui aurait pu la rendre contraire à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.
Le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale constitue une réelle avancée pour la prise en compte concrète des droits de l'enfant à l'occasion d'achats de fournitures destinées aux établissements scolaires.
Mais il faut se garder en ce domaine des résolutions hâtives, qui aggravent souvent le mal plus qu'elles ne le soulagent. Ainsi, au Bangladesh, les menaces de boycott par les Etats-Unis des produits fabriqués dans des usines employant des mineurs ont entraîné des vagues de licenciements qui ont contraint les enfants à chercher du travail dans des conditions encore plus sordides, notamment dans la prostitution.
Il convient donc, parallèlement à des mesures de protection de l'enfant, de prendre des dispositions d'accompagnement qui garantissent effectivement la scolarisation des enfants et le non-renvoi de ceux-ci à des conditions de survie plus abominables encore. Autrement dit, ne nous donnons pas bonne conscience à peu de frais, sans mettre en place des mesures qui permettent de contrôler le devenir de ces enfants.
Bien évidemment, il appartiendra à la collectivité qui entendra passer un marché d'obtenir les renseignements lui permettant de s'assurer que les fournitures dont l'achat est envisagé n'ont pas requis l'emploi d'une main-d'oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux engagements internationaux ou, pour être plus précise encore, dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues.
Il restera néamoins une difficulté quant à la fiabilité des informations transmises par les fournisseurs. Mais on peut légitimement supposer que, selon l'origine géographique de la marchandise, les collectivités locales ou les établissements publics concernés sauront faire preuve d'une particulière vigilance. Il s'agit de faire prendre conscience aux acheteurs des pays développés de la nécessité d'avoir un comportement de consommation citoyenne. Les sondages font apparaître qu'en France plus de 70 % des consommateurs seraient prêts à acheter plus cher les produits, à condition d'avoir l'assurance qu'ils n'ont pas été fabriqués par des enfants. Le rôle d'initiateur des pouvoirs publics apparaît ici primordial.
A cet égard, on ne peut qu'encourager la mise en place, à l'échelon communautaire, d'un label social dont les normes seraient précisément définies et concerneraient, en particulier, la main-d'oeuvre enfantine. Il convient de souligner à ce sujet l'initiative du Parlement européen qui a adopté, en mai 1997, une résolution demandant notamment à la Commission d'élaborer un label social sur les produits textiles, les chaussures, les tapis, etc., précisant si le droit du travail a été respecté.
Néanmoins, pour répondre aux inquiétudes de la commission des affaires culturelles du Sénat, cette proposition de loi ne comprend pas de dispositions impératives et laisse aux collectivités le soin de mettre en place une action vigilante pour supprimer de leurs marchés publics l'une des plus grandes anomalies de notre système économique : l'exploitation honteuse des enfants, génératrice de profits qui ne le sont pas moins.
S'agissant des réserves émises par le rapporteur de la commission en ce qui concerne les articles 2 et 3 de la présente proposition de loi, je considère qu'il appartient à la loi de définir le principe d'une lutte contre le travail des enfants. Ce cadre législatif fixé, j'entends, bien évidemment, reprendre, dans une circulaire d'application, les différents points adoptés.
Je souhaite également rappeler que les droits de la personne humaine s'intègrent dans les cours d'éducation civique dispensés à tous les stades de la scolarité, de l'école élémentaire jusqu'au lycée.
A l'école, en CM 2, le programme d'éducation civique mentionne expressément les droits de la personne humaine et en prévoit l'étude. C'est dès l'école primaire, en effet, qu'il convient d'exposer aux élèves le sens et la portée contemporaine de cette notion, en leur expliquant qu'elle concerne non seulement l'homme, comme le laisserait supposer l'expression « les droits de l'homme », mais également la femme et l'enfant.
Au collège, les déclarations de 1789 et de 1948 constituent, je vous le rappelle, des documents de référence obligatoires en éducation civique. Les programmes d'histoire et de géographie des classes de quatrième et de troisième accordent, quant à eux, une large part aux droits de la personne humaine. L'éducation civique fera d'ailleurs l'objet, en juin prochain, pour la première fois, d'une évaluation au brevet des collèges.
Enfin, la réforme actuelle des lycées intègre également cette préoccupation d'éducation civique, juridique et sociale.
Il est donc bien évident que la volonté du législateur de généraliser dans l'ensemble du système scolaire « la formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant » concorde pleinement avec l'action ministérielle qui est actuellement conduite.
Je peux donc assurer aujourd'hui à la représentation nationale que le texte adopté par le Parlement des enfants et soumis aujourd'hui à votre appréciation constitue un nouveau signe fort de nature à faire reculer toutes les formes de violence, d'oppression, d'exploitation, d'esclavage, dès lors qu'elles atteignent ce que nous devons protéger le plus au monde : les enfants.
L'aliénation des enfants par le travail aura marqué l'histoire du Vieux Continent au xixe siècle. Elle marque encore certains autres pays au xxe siècle. Il est temps qu'à l'aube du prochain millénaire le droit à l'éducation triomphe enfin pour tous les enfants de la planète. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d'entrée de jeu, je préciserai que la présente proposition de loi traite d'un problème important - la commission des affaires culturelles s'est sentie très concernée par cette question, comme, j'en suis sûr, l'ensemble du Sénat - mais que ce texte a une portée très mesurée.
Comme l'indique son intitulé, elle vise à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires.
Cet intitulé, qui peut paraître singulier, s'explique, en fait, par la genèse du texte qui nous est soumis : il trouve son origine dans une proposition de loi qui a été adoptée en 1998 par les « députés-juniors » dans le cadre du Parlement des enfants à l'Assemblée nationale ; cette proposition de loi a été reprise et déposée, dans sa rédaction initiale, par notre collègue députée Mme Le Texier.
Le dispositif de la proposition de loi a été profondément remanié à la suite de son examen par l'Assemblée nationale : son texte initial, qui visait à interdire l'achat par les établissements scolaires et par les collectivités locales concernées des fournitures fabriquées par une population enfantine de pays dans lesquels les droits de l'enfant ne sont pas respectés, était en effet manifestement en contradiction avec les engagements internationaux et les règles des marchés publics qui s'imposent à notre pays.
L'Assemblée nationale y a substitué un dispositif moins ambitieux, de nature incitative, qui tient compte de ces contraintes mais dont la portée est singulièrement amoindrie.
Avant d'examiner en détail les trois articles de la proposition de loi, je rappellerai brièvement que le travail des jeunes enfants constitue un phénomène mondial dramatique et une composante souvent importante de l'économie de certains pays à bas salaires ; par ailleurs, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les organisations internationales s'efforcent de prévenir l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine par le travail.
Pouvons-nous mesurer ce phénomène que vous avez déjà évoqué, madame la ministre ?
D'après les estimations de l'UNICEF, 250 millions d'enfants entre cinq et quatorze ans effectueraient dans le monde un travail pouvant être considéré comme une exploitation.
Si les pays en développement ou en économie de transition sont plus particulièrement concernés - 153 millions d'enfants en Asie, 80 millions en Afrique, 17 millions en Amérique latine - ce phénomène n'épargne pas non plus certains pays industrialisés, tels que l'Italie, le Portugal et la Grande-Bretagne. Dans ce dernier pays, 2 000 000 d'enfants seraient concernés, dont les trois quarts sont employés illégalement et 25 % sont âgés de moins de treize ans.
Des actions doivent donc être entreprises pour réduire les formes extrêmes d'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Il convient cependant de se garder de tout angélisme et d'interdictions générales de type boycott en ce domaine qui auraient ou pourraient avoir pour conséquence d'aggraver encore la situation de ces enfants et de remettre en cause les avantages des économies à hors salaires : les accords passés en ce domaine avec le Pakistan dans le secteur du textile et dans la fabrication d'articles de sport constituent sans doute une voie à développer.
Quelles sont les actions qui ont été engagées sur le plan international et européen pour réduire l'exploitation par le travail des jeunes enfants ?
Depuis 1919, l'OIT, l'Organisation internationale du travail, a pris plusieurs initiatives pour éliminer les formes extrêmes de travail des enfants ; celles-ci sont détaillées dans le rapport écrit de la commission et je n'y reviens pas.
De même, l'Organisation des Nations unies, dans le droit-fil de la Déclaration des droits de l'enfant, a adopté en 1989 une convention internationale qui a été ratifiée par 191 Etats membres, à l'exception notable des Etats-Unis et de la Somalie, cinq pays ayant par ailleurs émis des réserves spécifiques dont la Chine, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, lequel n'a pas non plus transposé la directive communautaire de 1994 interdisant le travail des enfants de moins de quinze ans.
J'évoquerai également les initiatives engagées par le Parlement européen auprès de la Commission pour créer un label social bénéficiant aux entreprises qui n'utiliseraient pas de main-d'oeuvre enfantine.
Ces actions sont difficiles à mettre en oeuvre, reconnaissons-le.
Rappelons-nous, pour notre propre pays, les conditions dans lesquelles ont été mises en oeuvre les premières lois sociales, notamment la loi du 22 mars 1841, adoptée à la suite du rapport Villermé, fixant l'âge minimal d'admission aux travaux industriels à huit ans, ainsi que les protestations qu'avait suscitées le principe de l'instruction obligatoire de six ans à treize ans lors de l'examen de la loi Ferry de 1882 !
Après ce court rappel, j'évoquerai rapidement le dispositif de la proposition de loi.
Son texte initial était manifestement inapplicable puisqu'il ne définissait pas clairement la notion de fournisseur de matériels scolaires et, surtout, était en contradiction avec vos engagements internationaux : la France n'a en effet pas la faculté d'invoquer un critère de nationalité aussi bien dans ses relations commerciales que dans la passation des marchés publics.
Afin d'y remédier, l'Assemblée nationale a substitué à une interdiction générale d'acheter une incitation à ne pas acheter.
L'article 1er tend ainsi à mettre en place un mécanisme permettant de favoriser, lors d'un marché public, les entreprises qui s'engageraient à ne pas recourir au travail des enfants, ce mécanisme reposant sur une clause incitative introduisant un critère additionnel qui, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, ne constitue qu'une simple déclaration d'intention. L'article 2 a pour objet de dispenser aux élèves une information sur ce thème pour les fournitures scolaires qui restent à la charge des familles. Enfin, l'article 3 vise à permettre de généraliser un enseignement spécifique sur les droits de l'enfant dans le cadre des cours d'instruction civique.
Que penser de ce dispositif ?
Tout en saluant le message de générosité et de solidarité exprimé par les « députés-juniors », la commission et son rapporteur ne peuvent que faire part de leur perplexité à l'égard d'une proposition de loi dont la valeur normative - quel que soit l'intérêt du sujet et du contenu dont nous débattons - apparaît des plus incertaines.
En outre, certaines de ces dispositions relèveraient plus de la simple circulaire que de la loi, il faut bien en convenir.
Je noterai par ailleurs que Mme la ministre déléguée à l'enseignement scolaire, qui a montré depuis son entrée en fonction tout l'intérêt qu'elle portait au respect des droits de l'enfant - et elle nous l'a rappelé voilà un instant - a apporté son entier soutien à ce texte, sans fournir à l'Assemblée nationale les précisions nécessaires quant à sa mise en oeuvre effective. Cependant, vous nous avez précisé tout à l'heure, madame la ministre, que vous alliez prendre toutes les mesures nécessaires dans les décrets d'application pour que ce dispositif puisse s'appliquer.
Notre commission souhaiterait avoir quelques précisions complémentaires afin d'être bien certaine que la formulation de l'article 1er ne risque pas d'entraîner une remise en cause de certains marchés passés en toute bonne foi par les collectivités concernées ni de susciter des contentieux. Mais je suis sûr que nous pourrons obtenir de votre part, madame la ministre, toute assurance à ce sujet.
Sous réserve de ces précisions et compte tenu du caractère du message adressé par les jeunes auteurs de la proposition de loi à la représentation nationale et de sa portée pédagogique évidente, notre commission vous proposera finalement, mes chers collègues, de retenir le texte de l'Assemblée nationale.
Toutefois, afin de renforcer ce message, en s'inspirant de la démarche qui a été suivie par les députés, la commission a cependant estimé utile de compléter ce dispositif déclaratif par un article additionnel avant l'article 1er.
Cet article additionnel reprendrait sous une forme légèrement modifiée la dernière phrase de l'article 2 de la charte du jeune citoyen de l'an 2000 qui a été adoptée par les « sénateurs-juniors » dans l'hémicycle du Sénat le 28 mars 1998 et qui a spécifiquement pour objet de combattre et de dénoncer le travail des enfants.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Philippe Richert, rapporteur. Je rappelle en effet que, comme l'Assemblée nationale, le Sénat a pris l'initiative, depuis 1997, d'organiser des opérations « sénateurs-juniors ». Celles-ci rassemblent des collégiens de diverses académies de métropole et d'outre-mer. Ce matin, sous la présidence de M. Poncelet, s'est d'ailleurs réuni je jury pour le prochain concours et le 27 mars prochain. Nous retrouverons donc des collégiens au Sénat.
Je terminerai, mes chers collègues, en soulignant la qualité des chartes qui ont été successivement adoptées dans l'hémicycle du Sénat. Ce matin encore, nous ont été soumis des travaux de grande qualité. Ces chartes témoignent de l'intérêt porté par ces jeunes collégiens à la démocratie parlementaire et à la vie publique, lesquelles sont trop souvent décriées.
Sous réserve de ces observations et de l'amendement qu'elle présentera, la commission vous demande, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui présente une double particularité, tout d'abord de par son origine et ensuite de par son objet, qui s'éloigne de l'aspect normatif des textes législatifs.
Son origine doit être relevée : il s'agit en effet d'une proposition de loi présentée par des élèves de cours moyen deuxième année de l'école Saint-Exupéry de Sarcelles et adoptée par les « députés-juniors ». Reprise par leur députée, Mme Raymonde Le Texier, la proposition de loi a été largement modifiée par l'Assemblée nationale.
Je tiens à souligner ici la volonté de pragmatisme et la qualité du travail des collégiens dans le cadre du Parlement des enfants. Participant, au mois de janvier, au jury académique de Créteil chargé de choisir les trois chartes retenues pour l'opération « sénateurs-juniors », j'ai été frappé avant tout par le pragmatisme des propositions, par la qualité de la réflexion et aussi par la solidarité ainsi que par l'ouverture aux autres et aux différentes cultures, ce que confirmera, je pense, l'opération « sénateurs-juniors » qui aura lieu le 27 mars prochain.
En outre, l'apprentissage de la citoyenneté est un thème qui m'est cher, comme à nombre de mes collègues parlementaires.
Lors de la discussion du budget de l'enseignement scolaire pour 1999, j'avais insisté sur le fait que « l'éducation à la citoyenneté doit être, aussi et surtout, une mise en pratique, des comportements concrets de responsabilisation, d'autonomie, une élaboration de projets... ».
Le Parlement des enfants répond parfaitement à ces exigences, tout comme les conseils municipaux des enfants ou des jeunes.
L'objectif de solidarité de cette opération est aussi celui qui sous-tend la proposition de loi. Si son objet, à savoir privilégier pour les établissements scolaires et les collectivités locales l'achat de fournitures scolaires non issues du travail d'enfants et étendre l'information sur le respect des droits de l'enfant dans le monde est louable et ne peut être que soutenu, son application n'en demeure pas moins incertaine et délicate.
En effet, certains grands groupes qui délocalisent leur production ont eux-mêmes des difficultés, notamment du fait de la multiplication de filiales, à contrôler si leurs sous-traitants font appel à de la main-d'oeuvre enfantine ou non.
Soupçonné d'emploi d'enfants par certains de ses sous-traitants turcs, Luciano Benetton affirmait à la presse en novembre 1998 : « Nous ne pouvons pas garantir à 100 % que ce genre de choses ne se produira pas chez un de nos sous-traitants. Mais nous comptons sur les syndicats pour nous alerter. » Cela apparaît malheureusement bien insuffisant dans les pays en voie de développement.
Aussi ce texte se présente-t-il plus comme un mesure incitative et, surtout, comme le symbole d'une volonté réaffirmée de lutter contre le travail « forcé » des enfants dans le monde.
A ce sujet, même si l'amendement proposé par la commission des affaires culturelles est louable, nous pouvons émettre quelques réserves quant à sa pertinence. Il reprend en effet une phrase adoptée par les « sénateurs-juniors » qui, selon moi, risque de tomber sous le coup de la Cour de justice européenne, pour discrimination selon la nationalité dans les relations commerciales.
En outre, il marque une contradiction avec les propos de M. Philippe Richert qui précise à la page 12 de son rapport écrit : « Une loi française qui évoquerait le critère de nationalité en invoquant le non-respect par une entreprise étrangère de l'interdiction du travail des enfants constituerait un obstacle non tarifaire à la libre concurrence internationale, et serait donc contraire au droit communautaire comme au droit international. »
Plus généralement, la lutte contre le travail des enfants, qui recouvre de multiples aspects et relève de données socio-économiques complexes, ne peut se résumer à l'intervention du droit international. Non seulement celui-ci nécessite une application interne par les pays concernés et des mesures de contrôle effectives, mais il ne permet pas de lutter efficacement contre les diverses contraintes en vertu desquelles les enfants sont mis au travail. Les accords internationaux engendrent également des effets pervers : ils poussent dans l'illégalité les emplois contre lesquels ils entendent lutter et ces emplois échappent alors à tout contrôle.
Par ailleurs, vu de nos pays occidentaux développés, le travail des enfants est considéré comme une aberration à combattre, si ce n'est comme une monstruosité. On a trop tendance à prendre les enfants pour des victimes et à condamner leurs parents. Mais vu des pays en voie de développement et par les enfants eux-mêmes, le travail est avant tout un moyen de vivre.
En Afrique, l'échec du système scolaire a conduit de nombreux parents à penser qu'il valait mieux mettre leurs enfants au travail, puisque la survie dépend essentiellement du secteur informel, pour lequel il n'existe pas de diplôme.
Le désir de bon nombre d'enfants est non pas de ne plus travailler, mais de travailler dans de meilleures conditions et, surtout, de se voir reconnaître un véritable droit au travail en tant que reconnaissance concrète du droit à mener une vie normale. Certains, même, partent travailler contre la volonté de leurs parents, notamment ceux qui quittent la campagne pour se réfugier en ville.
Il pourrait être plus facile, dans un premier temps, d'obliger les employeurs à limiter la journée de travail des enfants et de combiner ainsi la présence scolaire et un travail à temps partiel, car, aujourd'hui, 130 millions d'enfants n'ont pas accès à l'école.
C'est la démarche suivie par la 86e Conférence internationale du travail, qui s'est tenue en juin 1998 et qui a accueilli les représentants de la Marche mondiale des enfants contre l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Cette conférence a discuté le texte d'une convention préparé par le Bureau international du travail devant aboutir à l'élimination des formes inhumaines et particulièrement intolérables du travail des enfants et à l'adoption d'une « déclaration relative aux droits fondamentaux des travailleurs ». Parallèlement, un mécanisme de suivi sera mis en place, avec l'adoption, chaque année, d'un rapport public faisant le point sur l'application de la convention.
L'adoption de cette convention doit s'accompagner d'une amplification de l'aide internationale à l'éducation.
Dans cette perspective, on peut citer l'accord d'Atlanta de février 1997 entre la Fédération mondiale des industries du sport, le Bureau international du travail, le gouvernement du Pakistan et la chambre de commerce de Sialkot, région productrice d'articles de sports, au Pakistan. Destiné à lutter contre le travail des enfants de moins de quatorze ans, cet accord s'est déjà concrétisé par la construction d'une école qui accueille 185 élèves une partie de la journée. Evidemment, la tâche est immense dans un pays où l'instruction est obligatoire mais l'infrastructure scolaire très insuffisante. Et ce n'est qu'un exemple.
En conclusion, la luttre contre le travail des enfants, comme j'ai essayé de le montrer, doit relever d'actions internationales combinées et non d'une seule rigueur juridique. C'est un mouvement déjà largement engagé par les organisations non gouvernementales et l'UNICEF, qu'il convient de renforcer.
En ce sens, toute mesure même symbolique doit être soutenue, car elle participe à faire évoluer le regard que le monde d'aujourd'hui porte sur le respect des droits des enfants.
Aussi le groupe socialiste apportera-t-il son soutien à cette proposition de loi pour la reconnaissance du message de solidarité qu'elle transmet et de la démarche de citoyenneté participative qui l'a animée à l'origine. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise fait suite aux travaux du Parlement des enfants, réuni le 16 mai 1998, à l'Assemblée nationale.
A cette occasion, cinquante-sept « députés-juniors » ont repris cette proposition de loi présentée par des élèves d'une classe de CM 2.
La qualité de ces travaux témoigne de l'utilité d'associer très étroitement les plus jeunes de nos concitoyens à nos propres travaux ; c'est là un exercice utile à notre démocratie et à l'esprit citoyen que nous souhaitons voir se développer dans notre pays.
Ce faisant, les enfants ont souhaité montrer l'intérêt qu'ils accordent aux plus démunis des enfants dans le monde et donner un signe fort de générosité et de solidarité.
Comment, en outre, passer sous silence la portée symbolique de ce texte, qui s'attache à inscrire des règles interdisant le travail des enfants pour l'achat de fournitures scolaires, quand les enfans exploités sont privés de tout droit à l'éducation ?
Comme adultes, nous avons un certain nombre de devoirs en direction des jeunes, sur l'initiative du texte que nous examinons.
Le premier de ces devoirs est d'éclairer les jeunes, de manière plurielle, sur les raisons qui font que, aujourd'hui, tant d'enfants dans le monde sont contraints de travailler dans des conditions très souvent, trop souvent, assimilables à des formes d'esclavage que l'on souhaiterait voir enrayées.
Le travail des enfants est un phénomène alarmant. Ainsi, selon l'UNICEF, 250 millions d'enfants âgés de cinq à quatorze ans effectueraient un travail qui pourrait être considéré comme une forme d'exploitation.
Le Bureau international du travail a adopté, lors de la 86e conférence internationale, en juin dernier, un projet de convention interdisant les formes les plus « inhumaines » et les plus dangereuses du travail humain.
Ce résultat est l'aboutissement d'une longue marche menée par les enfants eux-mêmes, accomplie par des jeunes originaires des quatre continents, qui ont traversé, six mois durant, cent sept pays pour exiger la fin de leur calvaire et le droit fondamental à l'éducation.
Aujourd'hui, en dépit de l'existence de la Déclaration des droits de l'enfant, le nombre d'enfants travaillant s'éleverait à 153 millions en Asie, à 80 millions en Afrique et à 17 millions en Amérique latine !
Le travail des enfants n'épargne pas l'Europe et se développe notamment dans les pays de l'Est.
Un rapport récent révèle que, en Grande-Bretagne, deux millions d'enfants travaillent, dont les trois quarts sont employés illégalement et 25 % sont âgés de moins de treize ans.
Comme le relève le rapport, il convient de souligner à cet égard que le Royaume-Uni n'a toujours pas transposé la directive communautaire du 1er juillet 1994 interdisant le travail des enfants de moins de 15 ans.
J'évoquais à l'instant notre responsabilité d'adultes. Au-delà de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, nous nous devons de dénoncer auprès des jeunes, un système qui, partout dans le monde, condamne, au nom du profit et de l'argent, des générations entières d'enfants, de femmes et d'hommes.
Comment nier que, dans les pays faisant appel à la main-d'oeuvre enfantine, cette dernière constitue une manne peu coûteuse ?
Comment ne pas évoquer, encore, le rôle des grands groupes économiques installés partout dans le monde qui font réaliser au moindre coût les produits manufacturés que nous consommons dans les pays développés ?
Fournitures scolaires, pour ce qui nous occupe, mais aussi articles de sports, assemblages de haute technologie : la liste est longue de ces produits qui font partie de notre environnement quotidien et qui sont fabriqués grâce à cette main-d'oeuvre soit sous-payée, soit encore enfantine, dans des conditions que, parfois, rien ne distingue des formes les plus archaïques de l'esclavage.
L'absence de politique sociale et d'éducation dans les pays les plus concernés par le travail des enfants interdit toute scolarisation et pérennise ainsi l'exploitation des jeunes et des adultes qu'ils deviendront.
Comment ne pas voir encore que, dans les politiques menées au nom de l'Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international, se cachent les instruments de l'asservissement des populations mondiales les plus fragiles ?
Le texte que nous examinons sera, nous le savons, de peu de portée normative. Nous nous devons d'en indiquer les raisons.
Au niveau tant du droit européen que du droit international, notre pays n'a pas la possibilité d'interdire les échanges commerciaux avec des pays qui feraient appel notoirement au travail des enfants.
Est-ce une fatalité ? Nous ne le pensons pas !
Laisser croire aux jeunes générations que la situation actuelle a quelque chose d'irrémédiable desservirait la conception que l'on voudrait leur transmettre de la politique.
Les accords du GATT, l'Organisation mondiale du commerce, les accords européens peuvent toujours, à condition de volonté politique, être remis en cause.
Nous devons faire avancer avec eux, partout dans le monde, d'autres valeurs que celles de la libre concurrence et du libéralisme économique, synonyme le plus souvent de soumission pour l'ensemble des populations les plus fragiles.
Certes, le travail sera long à mener pour pavenir à éradiquer enfin le travail des enfants et toutes les formes de travail qui exploitent l'individu.
Est-ce à dire qu'il nous faut renoncer ? Nous ne le pensons pas. Nous avons les exemples des actions menées en matière de fournitures sportives qui montrent que, par la concertation et la sensibilisation, on parvient à convaincre les industriels des pays concernés par le travail des enfants à ne plus faire appel à cette main-d'oeuvre.
Des initiatives européennes concernant l'apposition d'un label social vont dans le sens d'une éradication du travail des enfants.
On peut, certes, condamner le travail des enfants, et on doit le faire. On ne peut néanmoins jeter l'anathème sur les pays faisant appel à cette main-d'oeuvre.
Isoler les pays faisant appel au travail des enfants en les privant de coopération n'aboutirait-il pas à les enfermer dans un cercle d'où ils ne pourraient s'extraire ?
Au contraire, la coopération, l'incitation, les aides à la scolarisation, des programmes ambitieux, telles sont les mesures qu'il faudrait mettre en oeuvre pour amener les pays en voie de développement à ne plus faire appel au travail des enfants.
Dans le même sens, des aides tarifaires doivent être apportées aux pays qui respectent les conventions de l'Organisation internationale du travail, afin de leur permettre de développer leur système éducatif.
Bien entendu, ces mesures ne visent pas les pays développés ou ceux qui participent à la construction européenne.
En 1959, l'Organisation des Nations unies adoptait, à l'unanimité, la Déclaration des droits de l'enfant ; quarante ans plus tard, il nous faut mesurer les ravages de l'économie libérale qui, loin d'avoir limité le phénomène du travail des enfants, l'a, à l'inverse, amplifié.
Il est de notre devoir d'informer les enfants de cette réalité du libéralisme, qui engendre partout dans le monde misère, exclusion, pauvreté et formes archaïques d'esclavage, au seul profit de quelques-uns.
Compte tenu de ces observations, nous voterons le texte qui nous est proposé, en souhaitant que notre pays prenne toute sa part dans l'abolition du travail des enfants, au travers d'actions de coopération permettant d'apporter l'instruction et la culture, seuls obstacles à l'exploitation des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article additionnel avant l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 1, M. Richert, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'exploitation des enfants par le travail doit être fermement combattue et dénoncée, y compris en refusant de coopérer avec des pays qui ne respectent pas la déclaration des droits de l'enfant. »
Avant de donner la parole à M. le rapporteur, je voudrais le remercier d'avoir souligné l'excellent travail accompli par les enfants lors des différentes séances « sénateurs-juniors » qui se sont déroulées dans cet hémicycle.
Les copies examinées ce matin par le jury, en prévision de la prochaine séance « sénateurs-juniors », qui aura lieu le 27 mars 1999, m'ont agréablement surpris dans la mesure où toutes font apparaître le souhait des enfants de pouvoir prendre leurs responsabilités. Voilà un très bon conseil qui peut être donné aux adultes et dont nous tiendrons bien sûr le plus grand compte pour nos débats.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Nous avons eu l'occasion, les uns et les autres, de rappeler tout à l'heure que le texte, tel qu'il nous est proposé, n'a finalement que peu de valeur normative. Pour autant, il ne faut pas en sous-estimer la portée, notamment en ce qu'il nous permet de livrer un message et d'afficher notre volonté de faire en sorte que ce scandale des temps modernes soit éliminé de la surface de la planète.
Il faut le reconnaître, cette proposition de loi ne concerne que les fournitures scolaires fabriquées au prix de l'exploitation des enfants, ce qui est très modeste. Nous savons bien, en effet, que c'est notamment dans le secteur du textile que sont constatés la plupart de ces faits d'exploitation.
Notre amendement vise donc à donner encore plus de force au texte qui nous est soumis, en disposant que « l'exploitation des enfants par le travail doit être fermement combattue et dénoncée » - mon cher collègue Lagauche, je ne vois vraiment pas qui pourrait nous reprocher ces termes-là ! - « y compris en refusant de coopérer avec des pays qui ne respectent pas la Déclaration des droits de l'enfant ».
Ce refus de coopération concerne non pas, bien sûr, les règles du commerce international ou celles qui régissent les marchés publics, mais tout simplement la coopération au travers des relations établies au quotidien.
Cet amendement tend à la fois à reprendre, sous une forme légèrement modifiée, la dernière phrase de l'article 2 de la charte du jeune citoyen de l'an 2000, adoptée par les « sénateurs-juniors » le 28 mars 1998, qui me paraît très forte, et à montrer notre volonté d'accompagner cette démarche d'éradication de la surface de la planète de ce scandale que reste l'exploitation des enfants par le travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - M. le président de la commission applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. L'exercice auquel je dois me livrer est assez difficile dans la mesure où cet amendement reprend essentiellement, ainsi que vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, une déclaration normative n'entraînant pas de conséquences réglementaires immédiates. La difficulté d'appliquer très concrètement les dispositions actuellement en débat a été soulignée par les uns et les autres. Mais l'effort nécessaire sera réalisé, comme je m'y suis engagée. Je saisis d'ailleurs l'occasion qui m'est donnée pour indiquer que je serai très vigilante à l'égard de l'application de cette future loi.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les accords du GATT ne prévoient que des cas très limités d'interdiction ou de limitation, liés à la santé publique, à la sécurité nationale ou à l'importation de produits manufacturés. L'Etat français ne peut donc pas refuser de coopérer, au sens de commercer, avec des pays qui, simplement, ne respecteraient pas la Déclaration des droits de l'enfant.
En aucun cas je ne saurais tolérer que nous agissions sans respecter les règles de droit qui s'imposent au législateur, mais je ne veux pas que mon opposition à un tel amendement soit interprétée comme un désintéressement vis-à-vis de la protection des droits de l'enfant. Toutefois, notre responsabilité politique est de ne pas nous payer de mots, et nous devons être certains que les textes que nous voterons seront effectivement applicables.
Certes, j'en conviens, cet amendement ne fait pas référence à l'Etat français. Si « l'exploitation des enfants par le travail doit être fermement combattue », cela peut signifier qu'elle doit être combattue par tout le monde, par les citoyens, par les collectivités locales, par les associations.
Cet amendement ne fait pas non plus référence à la commercialisation au sens strict, mais à la coopération avec des pays. Je suis cependant obligée d'opposer les règles du GATT aux auteurs de cet amendement, parce que je sais bien que ce qui est en cause de façon opérationnelle, c'est le commerce international.
Même si l'Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement doivent peser pour obtenir une modification des règles du commerce international afin que, le plus vite possible, y soient intégrées des interdictions liées à la protection des droits de l'enfant, je suggère à M. le rapporteur, pour les raisons que j'ai invoquées, de retirer son amendement. S'il ne devait pas répondre à mon appel, je souhaite alors déposer un sous-amendement visant à ajouter l'expression « par tous les moyens légaux », afin que nous ne soyons pas en opposition avec un certain nombre de règles.
Si ce sous-amendement était adopté, nous ferions alors une oeuvre législative respectueuse du dispositif juridique existant sans choisir la voie de la faiblesse par rapport à l'affirmation d'un certain nombre de principes qui, en effet, monsieur le rapporteur, doivent absolument être davantage respectés.
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte de l'amendement n° 1, après le mot : « dénoncée », à ajouter les mots : « par tous les moyens légaux ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Richert, rapporteur. Madame le ministre, ce sous-amendement précise le texte de la commission, et je ne peux qu'y être favorable.
M. Louis Souvet. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 2.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Je tiens à revenir sur les propos de M. le rapporteur, qui a mal interprété l'intervention que j'ai faite à la tribune : l'exploitation des enfants par le travail doit bien évidemment être combattue et dénoncée, mon propos rejoint celui de Mme la ministre.
Cela étant, je m'interroge sur le bien-fondé de l'amendement de la commission, même sous-amendé ainsi que le propose Mme la ministre. Nous aurions pu, à la limite, accepter la première partie de l'amendement n° 1 et supprimer les mots : « y compris en refusant de coopérer ». Quant à l'expression : « par tous les moyens légaux », elle va de soi.
Quoi qu'il en soit, même si je pense qu'il eût été plus judicieux de retirer l'amendement compte tenu des difficultés d'ordre juridique qu'a évoquées Mme la ministre, je me rallierai, finalement, à la position qu'elle a défendue et je voterai l'amendement ainsi sous-amendé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 2, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ Pour les achats de fournitures destinés aux établissements scolaires, les collectivités publiques et établissements concernés veillent à ce que la fabrication des produits achetés n'ait pas requis l'emploi d'une main-d'oeuvre enfantine dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues.
« Les renseignements correspondants peuvent être demandés à l'appui des candidatures ou des offres. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président. « Art. 2. _ Lors de la présentation de la liste des fournitures scolaires, les élèves reçoivent une information sur la nécessité d'éviter l'achat de produits fabriqués par des enfants dans des conditions contraires aux conventions internationalement reconnues. » - (Adopté.)
« Art. 3. _ L'enseignement d'éducation civique comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation à la connaissance et au respect des droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Dans ce cadre est donnée une information sur le rôle des organisations non gouvernementales oeuvrant pour la protection de l'enfant. - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Eckenspieller pour explication de vote.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partant d'une idée généreuse, cette proposition de loi, issue du Parlement des enfants, apporte une contribution à la lutte contre un phénomène mondial dramatique, celui du travail des enfants.
Ce travail, qui constitue une main-d'oeuvre peu coûteuse pour l'industrie, existe dans les pays en voie de développement, mais il n'épargne pas non plus certains pays industrialisés.
S'il faut combattre cette réalité sordide, celle que connaissent 250 millions d'enfants âgés de cinq à quatorze ans qui effectuent un travail parfois très pénible, il convient néanmoins d'être extrêmement vigilant.
On l'a souligné tout à l'heure, certaines actions engagées ces dernières années ont parfois poussé les enfants dans la rue, les contraignant à gagner leur nourriture dans des conditions encore plus sordides.
Le texte initial, difficilement applicable en l'état, a été modifié par l'Assemblée nationale, qui a mis en place un mécanisme incitant à ne pas acheter de fournitures scolaires de provenance douteuse lors des procédures de marchés publics.
Il conviendra de veiller cependant à ce que ces dispositions n'entraînent pas une inflation de contentieux dans des procédures qui sont déjà très lourdes.
De plus, une information devra être dispensée aux élèves pour la part des fournitures scolaires qui demeure à la charge des parents.
Si ce texte est plus déclaratif que normatif, il présente toutefois l'intérêt de souligner la vigilance de notre pays à l'égard de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. Il témoigne d'un souci de solidarité et de générosité de notre jeunesse à l'égard de celle, moins chanceuse, des pays qui ne respectent pas les droits de l'enfant.
C'est ce que souligne judicieusement l'article additionnel adopté par le Sénat, qui vient compléter le message des jeunes auteurs de ce texte.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République adoptera cette proposition de loi telle que modifiée par notre Haute Assemblée. (Applaudissements.)
M. Louis Souvet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, même si des obligations extérieures m'ont empêché d'être présent plus tôt, je suis très heureux de me trouver dans cet hémicycle au moment où nous allons nous prononcer sur cette proposition de loi. Nous lisons, en effet, des choses effroyables sur le travail des enfants, et nous devons faire tout ce que nous pouvons - et certainement plus encore - pour eux.
Ainsi que cela a été rappelé, ce sont des enfants qui ont préparé ce texte de loi en faveur d'autres enfants.
Dans ces conditions, le groupe de l'Union centriste votera avec foi cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Cette proposition a été adoptée, je le souligne, à l'unanimité.
La présidence adresse ses compliments aux auteurs de ce texte et à Mme le ministre !

7

TRANSMISSION D'UN PROJET
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 255, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

8

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 256, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean-Pierre Raffarin, Francis Grignon, Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Bizet, Jean Boyer, Marcel Deneux, Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Jean François-Poncet, Alain Gérard, François Gerbaud, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Jean Huchon, Patrick Lassourd, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Paul Natali, Louis Moinard, Jean Pépin, Chales Revet et Raymond Soucaret une proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 254, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution : révision des conventions de Bruxelles et de Lugano. - Projet de convention.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1225 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 10 mars 1999, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Discussion du projet de loi (n° 153, 1998-1999) relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Rapport n° 248 (1998-1999) de M. Jean-Paul Amoudry, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement n'est plus recevable.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. André Jourdain relative au multisalariat en temps partagé (n° 125, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mars 1999, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues, visant à modifier l'article L. 255 du code électoral (n° 208, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mars 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 mars 1999, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité (n° 108, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 mars 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 mars 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 9 mars 1999
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 10 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (n° 153, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 9 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 9 mars 1999.)
Jeudi 11 mars 1999 :

Ordre du jour établi en application de l'article 48,
troisième alinéa, de la Constitution

A 9 h 30 et à 15 heures :
1° Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. André Jourdain relative au multisalariat en temps partagé (n° 125, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
2° Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues visant à modifier l'article L. 255 du code électoral (n° 208, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 10 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.)
Mardi 16 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 10 heures et à 16 heures et, éventuellement, le soir :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (n° 250, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 mars 1999.)
Mercredi 17 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité (n° 108, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 16 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 16 mars 1999.)
Jeudi 18 mars 1999 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance, avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 23 mars 1999, à 10 h 30 et à 16 heures, mercredi 24 mars 1999, à 15 heures, jeudi 25 mars 1999, à 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 22 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 22 mars 1999.)
Mardi 30 mars 1999 :
A 9 h 30 :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 341 de M. Philippe Richert à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité (Financement des structures d'aide à domicile) ;

- n° 411 de M. Jean-Marie Poirier à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Restructuration de l'aéroport d'Orly) ;

- n° 423 de M. Jean-Marc Pastor à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Réforme du système de mutation des enseignants) ;

- n° 429 de Mme Hélène Luc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Evolution de l'enseignement professionnel) ;

- n° 441 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Conditions de travail et santé publique) ;

- n° 449 de M. Denis Badré à Mme le ministre de la culture et de la communication (Fonctionnement du comité d'information et de liaison du parc de Saint-Cloud) ;

- n° 454 de M. André Vallet à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Financement des équipements sportifs communaux) ;

- n° 455 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'intérieur (Travaux de consolidation de berges sur le domaine public communal) ;

- n° 456 de M. Paul Masson à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Désignation du concessionnaire de l'autoroute A 19) ;

- n° 458 de M. Serge Franchis à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Fiscalité des associations) ;

- n° 459 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Inscription de la RN 21 au Schéma national de services collectifs des transports) ;

- n° 460 de M. Michel Esneu à M. le ministre de l'intérieur (Immatriculation des deux-roues) ;

- n° 462 de M. Marcel Lesbros à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Désenclavement autoroutier et ferroviaire des Hautes-Alpes) ;

- n° 464 de M. Gérard Delfau à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Travaux de contournement de la commune de Saint-André-de-Sangonis) ;

- n° 466 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Conditions d'octroi des indemnités compensatoires de handicaps naturels lors d'une mise en pension des animaux) ;

- n° 470 de M. Paul Girod à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (Pénurie de psychiatres praticiens hospitaliers) ;

- n° 471 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Conséquences de l'intégration de l'école d'ingénieurs de Tours au sein de l'université François-Rabelais) ;

- n° 477 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Baisse de la taxe sur la valeur ajoutée sur les activités de tourisme).

A 16 heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Suite du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
Mercredi 31 mars 1999 :

Ordre du jour prioritaire

A 15 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 1er avril 1999 :
A 9 h 30 :

Ordre du jour prioritaire

1° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 220, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 30 mars 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi ;

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort auquel il a été procédé au début de la session et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 31 mars 1999.)
A 15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures.)

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 6 avril 1999, à 10 heures et à 16 heures, mercredi 7 avril 1999, à 15 heures, et jeudi 8 avril 1999, à 9 h 30 et à 15 heures :

Ordre du jour prioritaire

Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (n° 220, 1998-1999).

*
* *

(La conférence des présidents a reporté du jeudi 8 avril 1999 au jeudi 29 avril 1999 la date de la séance mensuelle réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par le Sénat, en application de l'article 48, dernier alinéa, de la Constitution [article 29, alinéa 1, du règlement].
Par ailleurs, la séance des questions d'actualité du Gouvernement, initialement fixée le jeudi 17 juin 1999, aura lieu le jeudi 24 juin 1999, à 15 heures.)



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Baisse de la taxe sur la valeur ajoutée
sur les activités de tourisme

477. - 4 mars 1999. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le problème maintes fois posé de la baisse de la TVA sur les activités de tourisme et plus particulièrement le secteur de la restauration qui, depuis plusieurs années, demande l'application d'un taux réduit. A un certain nombre de questions sur ce sujet, le Gouvernement a toujours opposé une fin de non recevoir au nom de la directive européenne relative au rapprochement des taux de taxe sur la valeur ajoutée. Mais les choses vont changer avec le dernier projet de directive européenne élaboré par la commission offrant désormais aux Etats membres, dans le cadre des services à la personne, la possibilité de baisser la TVA du taux normal de 20,6 % au taux réduit de 5,5 % à titre d'expérimentation sur un calendrier imposé. Il lui demande en conséquence si le Gouvernement entend, dans ces conditions, prochainement revoir le taux appliqué à la restauration.

Maintien de deux gendarmeries
dans le canton de Guillaumes

478. - 8 mars 1999. - M. Charles Ginésy rappelle à M. le ministre de la défense la nécessité de conserver la présence de deux gendarmeries dans le canton de Guillaumes en raison de ses caractéristiques géographiques et de sa fréquentation touristique. Il souligne, par ailleurs, le caractère exemplaire de l'effort consenti, plus de 50 millions de francs, par le département dans les Alpes-Maritimes sur les dix dernières années en faveur des brigades de gendarmeries. Effort qui, par ces fermetures, serait mal récompensé, ce qui ne manquerait pas de générer l'incompréhension et la colère de ses concitoyens. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître ses intentions sur ce canton.

Service national et report d'incorporation

479. - 8 mars 1999. - M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation des jeunes gens au regard du service national. La première interrogation porte sur l'avenir des jeunes qui ont bénéficié ou qui bénéficieront d'un report, au titre de l'article L. 5 bis A du code du service national, en tant que titulaires d'un contrat à durée indéterminée ou déterminée. Dans le premier cas, il est prévu un report d'une durée de deux ans, pouvant être prolongé. Quelles sont les conditions de cette prolongation, et combien de temps peuvent-ils être prolongés ? De même, il s'agit de savoir ce qu'il adviendra de ceux qui, à la date du 31 décembre 2002, seront placés en report grâce à la possession d'un contrat à durée indéterminée. Seront-ils définitivement libérés du service national ou pourront-ils être incorporés au cas où, par exemple, ils perdraient leur emploi par la suite ? Dans le second cas, pour les contrats à durée déterminée, les titulaires de ces derniers peuvent aussi obtenir un report dans la limite de deux ans. Mais après ce délai, que se passe-t-il pour eux ? Qu'en est-il pour ce qui est de la date du 31 décembre 2002 ? Enfin, il aimerait savoir ce que signifiera la date du 31 décembre 2002, date de la fin du service national, pour les jeunes bénéficiant d'un report d'incorporation pour études. Seront-ils définitivement libérés de leurs obligations militaires, ou devront-ils remplir celles-ci à l'issue de leur report ?

Couverture de la Nièvre par le réseau Itinéris

480. - 8 mars 1999. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la couverture de la Nièvre par le réseau Itinéris. L'émergence des nouvelles technologies de l'information est riche de potentialités positives pour le développement des zones rurales. Elles tendent, en effet, à effacer les distances et à désenclaver, tout en renforçant l'attractivité de ces zones. Mais, ce qui s'annonce comme une aubaine se révèle comme un nouveau handicap. C'est le cas dans le département de la Nièvre qui a la triste réputation d'être la zone la moins couverte par les réseaux de téléphonie mobile. La réception y est de qualité médiocre, quand la communication n'est pas, tout bonnement, inexistante. Et pourtant, la Nièvre, comme tous les autres départements, a besoin de cet outil de travail pour de nombreuses professions (secteur médical, transport...). Qui plus est, la téléphonie mobile pourrait permettre l'implantation de centres de télétravail, et dynamiser l'emploi en milieu rural, à l'aube du xxie siècle. Partant de l'idée que l'accès aux télécommunications est un droit fondamental de tous nos concitoyens, l'extension de la couverture à l'ensemble des territoires ruraux de la Nièvre apparaît comme une nécessité. Sans oublier que l'imminente suppression du réseau « Radiocom 2000 » pénalisera médecins, vétérinaires, et au-delà, toute relation professionnelle et personnelle, dans une région où l'habitat est dispersé et les urgences difficiles à assurer.

Statut des directeurs d'offices de logement

481. - 9 mars 1999. - M. Léon Fatous souhaite interroger M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation des directeurs d'offices de moins de 10 000 logements. Il s'avère que ces derniers ont été oubliés lors des lois de décentralisation. En effet, il y a absence de définition d'emploi du directeur. Cette fonction ne peut être exercée qu'à partir du cadre d'emploi des attachés territoriaux pour les offices de plus de 1 500 logements et de directeur territorial pour les offices de plus de 3 000 logements. Cela engendre une sous-estimation des réalités et des responsabilités d'un directeur d'office : responsabilité financière, responsabilité opérationnelle, management. Il souhaiterait que l'emploi du directeur d'office de 800 à 10 000 logements puisse être reconnu et que cette fonction soit organisée en quatre niveaux dans l'emploi correspondant à celui de secrétaire général.

Indemnisation des malades contaminés
par le virus de l'hépatite C post-transfusionnelle

482. - 9 mars 1999. - M. Xavier Darcos attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'hépatite C post-transfusionnelle. En France, 500 000 à 650 000 personnes seraient actuellement infectées par le virus de l'hépatite C (VHC) dont la contamination se fait principalement lors d'un contact direct avec le sang infecté par ce virus. Dans son rapport annuel rendu public, le Conseil d'Etat a estimé qu'il n'était plus possible de régler au cas par cas l'indemnisation de ces victimes et que, compte tenu de l'ampleur de la contamination, l'adoption d'une loi spécifique d'indemnisation était nécessaire. Il souhaite donc connaître l'état d'avancement des travaux entrepris par le secrétariat d'Etat à la santé pour définir un cadre juridique d'ensemble sur la prise en charge du risque médical et savoir dans quel délai le Parlement sera saisi d'un projet de loi qui permettra notamment d'assurer l'indemnisation des victimes qui ont été contaminées par le virus de l'hépatite C à la suite d'une transfusion sanguine.

Réglementation des installations classées
pour les exploitations viticoles

483. - 9 mars 1999. - M. Jean Bernard souhaite attirer l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le projet d'arrêté relatif à la réglementation des installations classées pour les exploitations viticoles dont la capacité de production est comprise entre 500 et 20 000 hectolitres. Ce projet d'arrêté a fait l'objet d'un examen au Conseil supérieur des installations classées qui l'a approuvé, après avoir modifié une disposition qui tend à supprimer l'exemption faite aux installations déjà existantes. Cet accord de principe résulte également des nombreuses rencontres qui ont eu lieu entre les services du ministère de l'environnement et l'ensemble des organisations professionnelles du secteur viti-vinicole. Or, il semble que certains points de ce projet d'arrêté sont remis en cause par vos services, et notamment la suppression de l'exemption faite aux installations déjà existantes, alors même que cette disposition relevait d'un accord et d'un engagement écrit de votre part. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui confirmer si l'arrêté en question sera publié dans les mêmes termes que celui qui a obtenu l'assentiment du Conseil supérieur des installations classées et de l'ensemble des organisations professionnelles du secteur viti-vinicole.