Séance du 2 mars 1999
code de justice militaire
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 490, 1997-1998),
adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme du code de justice militaire
et du code de procédure pénale. (Rapport n° 225 [1998-1999] et avis n° 226
[1998-1999]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi portant réforme du code de justice militaire et du
code de procédure pénale que je vous présente aujourd'hui au nom du
Gouvernement, et qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale,
vise à rapprocher la procédure suivie devant la juridiction militaire du droit
commun procédural.
Il s'inscrit dans le cadre plus vaste de la réforme de la justice dont les
principales orientations ont été développées par Mme la garde des sceaux en
juin 1998.
En procédant à cette adaptation législative, nous satisfaisons à un impératif
fixé par l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993, qui prévoit que les
dispositions du nouveau code de procédure pénale seront applicables aux
procédures de la compétence des tribunaux militaires.
Le délai que fixait cet article a d'ailleurs été dépassé, car cette
transposition a été reportée à trois reprises : deux fois au cours de la
législature précédente et une fois lorsque le Parlement a refusé qu'il y soit
procédé par voie d'ordonnance, comme le proposait le Gouvernement dans un souci
de simplification, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la
réforme du service militaire.
Il convient donc maintenant de mener cette réforme à son terme.
Ce projet s'inscrit également dans une volonté collective de renouveler le
lien unissant la nation à son armée, en contribuant à ne conserver, parmi les
règles de toute nature relatives aux armées, que les dispositions spécifiques
nécessaires à l'état de militaire ou à l'emploi des forces.
Avant de vous présenter les principales dispositions du projet de loi, je
voudrais rappeler quelques caractéristiques essentielles des règles de
procédure pénale spécifiques au traitement des affaires pénales militaires,
règles issues de la loi du 21 juillet 1982.
Le législateur d'alors a conservé la distinction, traditionnelle, fondée sur
l'idée selon laquelle les affaires pénales militaires doivent être jugées
différemment en temps de paix et en temps de guerre.
En effet, en temps de guerre, l'impératif de protection de la nation devant le
danger l'emporte sur toute autre considération pour justifier la mise en place
de juridictions militaires destinées à réprimer les infractions commises par
les militaires et les infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux du
pays.
En revanche, le législateur a estimé que, en temps de paix, il devait n'y
avoir qu'une seule justice répressive, en conformité avec le principe
constitutionnel d'égalité devant la loi. Cette considération l'a conduit à
supprimer les tribunaux permanents des forces armées pour confier le jugement
des infractions militaires à des juridictions de droit commun spécialisées.
A titre secondaire, en temps de paix, la loi distingue les infractions
commises sur le territoire national de celles qui sont commises hors de ce
territoire.
Les infractions commises sur le territoire national sont soumises, depuis le
1er janvier 1983, à des juridictions de droit commun spécialisées qui sont,
dans le ressort de chaque cour d'appel, un tribunal de grande instance et une
cour d'assises désignés par décret.
Ces juridictions appliquent la procédure pénale de droit commun sous réserve
de quelques particularités : le procureur de la République apprécie librement
l'opportunité d'engager l'action publique, mais son acte de poursuite doit,
sauf exception, être précédé d'une dénonciation ou d'un avis du ministre de la
défense ; la mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée n'est
possible qu'en cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente, ce qui
signifie que la constitution de partie civile n'est pas de droit commun.
En matière militaire, les juridictions de droit commun spécialisées
connaissent des crimes et délits spécifiquement militaires, c'est-à-dire prévus
par le code de justice militaire, ainsi que des crimes et délits de droit
commun commis par des militaires dans l'exécution du service.
Elles sont compétentes à l'égard des militaires de carrière, des militaires
servant en vertu d'un contrat et de ceux qui effectuent leur service national.
La compétence de ces juridictions spécialisées s'étend également aux personnes
majeures complices ou coauteurs d'infractions commises par des militaires.
S'agissant des infractions commises hors du territoire national, la situation
est plus complexe.
Ces infractions peuvent tout d'abord être jugées par des juridictions
militaires établies, par décret, auprès des forces stationnant ou opérant à
l'étranger. Il en est ainsi pour les forces françaises stationnées en
Allemagne.
En outre, pour satisfaire aux accords de défense liant la France à huit Etats
africains et donnant compétence aux juridictions militaires françaises, la loi
du 21 juillet 1982 a créé le tribunal des forces armées siégeant à Paris.
Enfin, lorsque aucun tribunal n'est mis en place, les militaires sont
justiciables de la juridiction de droit commun spécialisée en France, qui est
généralement celle du lieu de situation de leur unité d'origine.
Si les juridictions de droit commun spécialisées appliquent le code de
procédure pénale, les juridictions militaires appliquent, quant à elles, les
règles de procédure prévues par le code de justice militaire, qui sont
aujourd'hui assez éloignées du droit commun. A cet égard, quelques
particularités méritent d'être signalées.
Tout d'abord, en cas de dénonciation d'une infraction par le ministre de la
défense ou l'autorité militaire habilitée, le commissaire du Gouvernement est
tenu de mettre en mouvement l'action publique : il n'a donc pas à apprécier
l'opportunité des poursuites.
Ensuite, le militaire mis en examen peut être placé en détention, avant même
tout acte de poursuite, en vertu d'un ordre d'incarcération du commissaire du
Gouvernement, valable pour une durée de cinq jours.
Enfin, les jugements rendus par les juridictions militaires, notamment en
matière délictuelle, ne sont pas susceptibles d'appel.
Pour satisfaire à notre volonté politique d'alignement sur le droit commun,
ces spécificités devaient être remises en cause.
Par ailleurs, il nous fallait également nous conformer aux prescriptions de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, qui ne permettent pas de telles exceptions.
Je conclurai ce rappel du droit existant en précisant que les règles de
procédure pénale applicables en temps de guerre ne sont pas modifiées par le
présent projet de loi. Les circonstances exceptionnelles du temps de guerre, la
nécessité de la défense de la nation justifient toujours autant, sans autre
considération, l'application de règles spécifiques. Chacun sait qu'il en est de
même dans tous les Etats démocratiques.
La réforme que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen ne vise donc que le
temps de paix. Ses objectifs sont simples et s'inscrivent dans le mouvement de
réforme des forces armées entrepris depuis 1997.
Il s'agit tout d'abord de poursuivre l'effort de rapprochement entre la
procédure pénale militaire et le droit commun.
Le présent projet de loi s'inscrit dans le prolongement de la réforme de 1982,
qui avait déjà réduit les particularismes des règles pénales spécifiques aux
juridictions militaires.
Avec la présente réforme, les personnes justiciables des juridictions des
forces armées bénéficieront des garanties du droit commun, notamment des
dispositions concernant l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue
et des dispositions relatives à la détention provisoire et à l'instruction.
A l'avenir, du fait de la nouvelle rédaction du code de justice militaire, les
dispositions relatives au renforcement de la présomption d'innocence et à la
présence de l'avocat dès le début de la garde à vue seront applicables de plein
droit dès leur entrée en vigueur pour le droit commun.
Ce rapprochement substantiel des procédures a conduit l'Assemblée nationale,
avec l'approbation du Gouvernement, à unifier les terminologies applicables
devant les juridictions militaires et de droit commun. Sont ainsi supprimées
dans le projet de loi les désignations « chambre de contrôle de l'instruction »
et « commissaire du Gouvernement », qui correspondaient respectivement à la «
chambre d'accusation » et au « procureur de la République ».
Je veux par ailleurs souligner que le projet de loi va plus loin que la seule
incorporation des règles du code de procédure pénale modifié dans la procédure
militaire. Ce texte permet dorénavant l'examen successif, au fond, de la même
affaire par deux juridictions d'un degré différent. L'adoption de la règle du
double degré de juridiction représente bien sûr, aux yeux du Gouvernement, un
acquis important. Cette règle est en outre, comme je l'ai rappelé, conforme à
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales.
L'adoption de ce projet de loi permettra, en outre, d'assurer la cohérence
générale des dispositions relatives à l'organisation juridictionnelle, tout en
conservant des règles minimales destinées à garantir la stabilité et la
spécificité de l'institution militaire.
Cela est garanti par une modification substantielle des règles de compétence,
puisque le Gouvernement, suivant en cela la proposition de la commission de la
défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale, vous propose,
mesdames, messieurs les sénateurs, d'adopter le principe de la compétence
exclusive du tribunal aux armées de Paris pour les infractions commises hors du
territoire national, avec toutefois la possibilité, pour le tribunal,
d'instituer des chambres détachées auprès des forces stationnant ou opérant
hors de France.
A la suite de vote de la loi, le tribunal « forces armées de Baden-Baden »
sera en effet supprimé par décret. Nous pourrons ainsi satisfaire le souhait
exprimé par nos partenaires allemands de voir disparaître cette juridiction
spécifique, qui correspondait à un autre contexte historique.
Ne demeureront que les dispositions de procédure strictement nécessaires à
garantir la spécificité du métier des armes, la stabilité des armées et la
protection des intérêts de la défense. Il en va ainsi des règles permettant
d'instaurer le huis clos et l'absence de jury populaire dans le cas où les
débats risqueraient d'entraîner la divulgation d'un secret de la défense
nationale. Il en va de même des règles imposant de recueillir l'avis préalable
du ministre de la défense avant toute mise en mouvement de l'action publique,
que celle-ci intervienne sur l'initiative du ministère public ou de la partie
lésée.
Je voudrais souligner brièvement l'importance que revêtent ces spécificités,
que nous souhaitons maintenir. Notre responsabilité collective est, nul ne
l'ignore, de veiller aux intérêts de la défense. Elle présente des
particularités qu'il nous faut apprécier sereinement, et qui peuvent justifier,
selon les cas, certaines dérogations aux procédures de droit commun. Il en va
particulièrement ainsi pour l'avis du ministre de la défense, qui ne lie
d'ailleurs pas ensuite les juges dans leur appréciation. Cet avis est une
disposition protectrice des droits de l'homme et une garantie pour le
justiciable militaire.
D'une part, les droits statutaires des militaires comportent des restrictions
par rapport à ceux des autres citoyens. Ainsi, les militaires n'ont pas la
liberté d'association professionnelle et leur expression est strictement
encadrée. Donc, en cas d'infraction reprochée à un militaire, l'avis du
ministre permet d'assurer la sauvegarde des intérêts du personnel militaire en
portant à la connaissance de la justice l'ensemble des éléments de l'espèce,
notamment le contexte professionnel.
D'autre part, il est très important que le ministère public ne soit pas le
seul à pouvoir obtenir l'avis du ministre. Ce droit doit être ouvert également
lorsque c'est la personne lésée qui a mis en mouvement l'action publique. Il en
va particulièrement ainsi alors que les missions confiées par l'autorité
publique aux militaires peuvent revêtir un caractère sensible.
Par ailleurs, cette procédure particulière en temps de paix qu'est l'avis du
ministre préfigure la procédure du temps de guerre, mais aussi du temps de
crise : mobilisation, mise en garde, état d'urgence, notamment. Le ministre de
la défense retrouve alors, dans ces différents cas, des prérogatives
essentielles dans le déclenchement de l'action publique devant la justice. Il
est fondamental de ne pas compromettre l'exercice de ces prérogatives
exceptionnelles en supprimant en temps de paix l'avis du ministre et donc tout
lien entre le monde militaire et le monde judiciaire.
Là encore, il est de notre responsabilité collective de ne pas hypothéquer le
futur et d'avoir toujours à l'esprit la sauvegarde des intérêts fondamentaux du
pays. Comme le disait, en 1982, lors de la discussion du précédent projet de
loi, M. Robert Badinter, alors garde des sceaux, il est nécessaire de veiller à
ne pas ouvrir la possibilité d'entreprises de déstabilisation de l'armée
républicaine. Nul ne sait si cette préoccupation ne retrouvera pas, dans
l'avenir, toute son actualité.
Au regard de ces particularismes, l'Assemblée nationale a inséré un articles
45
bis
qui vise à étendre les cas de constitution de partie civile. Le
Gouvernement approuve cet article qui ne remet pas en cause l'avis du ministre.
Votre commission des lois et votre commission de la défense et des forces
armées souhaitent confirmer la place de l'avis ministériel dans un article 46.
Le Gouvernement n'y est pas opposé, car cela ne constituerait qu'une précision
par rapport à l'article 45
bis
.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous
présente aujourd'hui un projet de loi visant à mettre en conformité le code de
justice militaire avec les progrès du droit positif. Les travaux préparatoires
particulièrement enrichissants de la Haute Assemblée, et j'en remercie les
rapporteurs MM. René Garrec et Serge Vinçon, font apparaître que le
Gouvernement et le Sénat apprécient de la même manière la portée du texte qui
vous est soumis et l'utilité qu'il revêt. Les propositions d'améliorations que
nous allons examiner, sur l'initiative du Sénat, apportent, sur de nombreux
points, des précisions qui me paraissent utiles.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec la
conviction profonde que ce projet de loi représente une avancée pour les
libertés publiques et la qualité du lien entre l'armée et la nation que je
souhaite que la Haute Assemblée veuille bien l'adopter.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le mandement de
Montdidier, par lequel Philippe VI a soustrait, en 1347, aux juridictions
ordinaires les sergents et soldats employés à la garde des châteaux, la France
a connu une multitude de juridictions militaires, avant que la loi du 21
juillet 1982, dont notre regretté collègue Marcel Rudloff fut le rapporteur au
Sénat, conduise à la disparition des juridictions militaires pour le jugement
des infractions commises sur le territoire de la République.
Avant d'en souligner les principales caractéristiques et de présenter la
position de la commission des lois, je rappellerai brièvement les règles qui
s'appliquent actuellement aux justiciables militaires.
En pratique, trois cas doivent être distingués : les infractions commises en
temps de paix sur le territoire de la République, les infractions commises - en
temps de paix toujours - hors du territoire de la République, enfin les
infractions commises en temps de guerre.
Evoquons d'abord les infractions commises en temps de paix sur le territoire
de la République. Depuis la loi de 1982, des juridictions de droit commun
spécialisées en matière militaire connaissent des infractions militaires et des
infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exécution du
service. Par ailleurs, les infractions de droit commun commises en dehors de
l'exécution du service relèvent tout naturellement des juridictions de droit
commun.
La procédure applicable devant ces juridictions est très proche des règles du
droit commun. Ainsi, le procureur de la République est compétent pour mettre en
mouvement l'action publique. Aucun militaire ne participe au jugement des
affaires portées devant les juridictions spécialisées. Les jugements rendus par
les tribunaux correctionnels spécialisés sont susceptibles d'appel.
La loi de 1982 a en outre ouvert aux victimes le droit d'exercer l'action
civile tendant à la réparation du dommage causé par l'infraction. Toutefois, la
loi avait maintenu l'interdiction faire aux victimes de mettre en mouvement
l'action publique. Une loi de 1992 est venue tempérer l'interdiction faite à la
partie lésée de mettre en mouvement l'action publique. Cette mise en mouvement
de l'action publique est désormais possible « en cas de décès, de mutilation ou
d'infirmité permanente ».
Quelques spécificités subsistent dans la procédure applicable devant les
juridictions spécialisées.
Ainsi, le procureur de la République doit demander l'avis du ministre de la
défense ou de l'autorité militaire habilitée préalablement à tout acte de
poursuite, sauf en cas de crime ou de délit flagrant. Enfin, les militaires
doivent être détenus dans des locaux séparés, qu'ils soient prévenus ou
condamnés. En outre, le contrôle judiciaire ne leur est pas applicable.
La situation est plus complexe en ce qui concerne les infractions commises par
des militaires hors du territoire de la République.
En principe, des tribunaux aux armées établis hors du territoire de la
République sont compétents pour le jugement des infractions commises par les
militaires et assimilés lorsque des forces stationnent ou opèrent hors du
territoire. En pratique, un seul tribunal aux armées existe aujourd'hui, le
tribunal aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne, dont le
siège est à Baden-Baden, autrefois tribunal de Landau.
Quand aucun tribunal aux armées n'a été établi auprès d'une force stationnant
à l'étranger, les juridictions spécialisées de droit commun sont en principe
compétentes pour connaître des infractions commises par des militaires hors du
territoire de la République.
Ces règles de compétence sont toutefois rendues plus complexes par l'existence
d'un tribunal des forces armées à Paris. Celui-ci connaît des infractions
commises sur un territoire étranger par des militaires français si des accords
internationaux prévoient une attribution expresse de compétence au profit des
juridictions militaires françaises et si aucune juridiction militaire n'a été
établie sur ce territoire. De tels accords - M. le ministre l'a indiqué tout à
l'heure - ont été conclu avec plusieurs pays, notamment le Burkina, la Côte
d'Ivoire et Madagascar.
La procédure applicable devant les juridictions militaires comporte encore de
nombreuses particularités, la plus importante et la plus choquante étant
l'absence d'appel.
Enfin, pour mémoire, j'évoquerai brièvement le droit applicable en temps de
guerre. Il est très dérogatoire par rapport au droit commun puisque des
juridictions militaires spécifiques, les tribunaux territoriaux des forces
armées et les tribunaux militaires aux armées, peuvent être établies, devant
lesquelles des procédures simplifiées sont applicables.
J'en viens au projet de loi qui nous est soumis, pour souligner tout d'abord
qu'il était nécessaire. En effet, l'article 229 de la loi du 4 janvier 1993
visant à modifier le code de procédure pénale prévoyait que les dispositions de
cette loi seraient rendues applicables aux procédures de la compétence des
juridictions des forces armées à compter du 1er janvier 1995. Comme l'a rappelé
M. le ministre, cette échéance a été reportée à trois reprises, d'abord au 1er
mars 1996, ensuite au 1er janvier 1997, enfin au 1er janvier 1999.
La justice militaire attend depuis longtemps, mais son heure est enfin
venue.
Le projet de loi tend, en premier lieu, à rapprocher les règles applicables
devant les juridictions militaires des règles de droit commun de procédure
pénale. Ce texte permettra aux justiciables des juridictions militaires de
bénéficier des garanties offertes aux autres justiciables, en particulier en ce
qui concerne la garde à vue, la détention provisoire et le droit d'appel. Le
projet aura en outre pour conséquence que, à l'avenir, l'ensemble des réformes
de la procédure pénale seront applicables aux justiciables militaires.
L'évolution proposée est donc très importante, puisqu'elle conduira à un
rapprochement sensible des règles applicables en temps de paix aux militaires
en cas d'infraction hors du territoire de la République de celles qui leur sont
applicables en cas d'infraction sur le territoire de la République.
En revanche, le droit applicable en temps de guerre ne fait l'objet d'aucune
modification dans le projet de loi.
Indépendamment de l'objectif consistant à rapprocher la justice militaire du
droit commun, le Gouvernement a souhaité apporter, dans un souci de
simplification, certaines modifications aux règles applicables pour les
infractions commises par des militaires tant sur le territoire que hors du
territoire.
Ainsi, le projet de loi prévoit en particulier la compétence du tribunal aux
armées de Paris pour l'ensemble des infractions commises hors du territoire par
des militaires. Cette évolution conduira à une grande simplification du droit
actuel en ce qui concerne la compétence des juridictions.
L'Assemblée nationale a apporté de nombreuses modifications au projet de
loi.
Elle a en particulier décidé de supprimer la possibilité d'établir des
tribunaux aux armées auprès des forces stationnant ou opérant à l'étranger en
temps de paix, au motif qu'un seul tribunal avait été établi jusqu'à présent et
qu'il allait être prochainement supprimé. En contrepartie, elle a accepté, à la
demande du Gouvernement, que des chambres du tribunal aux armées de Paris,
appelé dans ces conditions à devenir la seule juridiction compétente pour les
infractions commises par des militaires hors du territoire national, puissent
être éventuellement détachées auprès des forces stationnant ou opérant à
l'étranger.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a apporté une modification très importante
aux conditions de mise en mouvement de l'action publique par la personne lésée.
Actuellement, l'action publique n'est possible qu'en cas de décès, de
mutilation ou d'infirmité permanente. L'Assemblée nationale a élargi cette
possibilité en supprimant, toute restriction au droit, pour la partie lésée, de
mettre en mouvement l'action publique. Elle n'a toutefois prévu la mise en
mouvement de l'action publique que par la voie de la plainte avec constitution
de partie civile devant le juge d'instruction, excluant ainsi la voie de la
citation directe.
A la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a accepté que cette mesure
n'entre en vigueur que le 1er janvier 2002, c'est-à-dire lorsque l'armée ne
comportera plus d'appelés. Le Gouvernement a en effet exprimé la crainte que
des personnes refusant de participer à des exercices qu'elles jugent périlleux
puissent déposer plainte avec constitution de partie civile en invoquant le
délit de mise en danger d'autrui.
J'en viens à la position de la commission des lois.
Tout d'abord, la commission ne peut que se féliciter du fait que le présent
projet de loi soit enfin présenté, alors que les justiciables militaires
auraient dû bénéficier depuis longtemps des garanties offertes aux autres
justiciables.
Toutefois, elle regrette que le projet de loi soit en quelque sorte inachevé.
Le rapprochement considérable opéré entre le droit applicable pour les
infractions commises hors du territoire et le droit applicable pour les
infractions commises sur le territoire aurait pu justifier le regroupement de
l'ensemble des dispositions applicables en temps de paix au sein du code de
procédure pénale, cependant que le code de justice militaire n'aurait plus
concerné que le temps de guerre.
En ce qui concerne le droit applicable en temps de guerre, le Gouvernement a
choisi de ne lui apporter aucune modification. Toutefois, la suppression ou la
modification de dispositions communes aux temps de paix et de guerre a conduit
à une solution peu satisfaisante. En effet, le droit applicable en temps de
guerre sera le code de justice militaire dans sa rédaction précédant le présent
projet de loi. En cas de renvoi au code de procédure pénale, le droit
applicable sera le code de procédure pénale dans sa rédaction précédant
l'adoption de la loi du 4 janvier 1993.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne facilitera pas la
compréhension et la lisibilité du droit applicable. Il eût été préférable de
procéder à une recodification à droit constant.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs invité le Gouvernement, dans un article
additionnel au projet de loi, à procéder à une refonte du code de justice
militaire avant le 1er janvier 2002. Afin que la prochaine réforme puisse tenir
compte des premiers effets de la professionnalisation des armées, la commission
des lois vous propose de reporter cette date au 31 décembre 2002.
Sur le fond, la commission des lois approuve les orientations de ce texte, qui
favorisera une extension des droits des justiciables et simplifiera les règles
applicables. Les modifications qu'elle propose ont le plus souvent pour objet
d'aller plus loin encore dans le sens d'une simplification et d'une unification
de la justice militaire.
Ainsi, la commission des lois a estimé souhaitable d'exclure du code de
justice militaire toute référence au tribunal de Baden-Baden, dans la mesure où
la suppression de cette juridiction est envisagée dans un délai très bref. Une
disposition transitoire à la fin du projet de loi permettra de prévoir le sort
des affaires relevant actuellement de la compétence du tribunal de
Baden-Baden.
Par ailleurs, la commission des lois a adopté des amendements de coordination,
afin de prendre pleinement en compte le fait que le tribunal aux armées de
Paris est appelé à devenir la seule juridiction militaire en temps de paix.
Elle a en particulier prévu des dispositions spécifiques pour la composition du
tribunal lorsqu'il sera appelé à juger des crimes.
Sur un point seulement, en définitive, la commission des lois est en désaccord
avec l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a souhaité étendre la possibilité pour la partie lésée
de mettre en mouvement l'action publique, qui n'est possible aujourd'hui qu'en
cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente. Elle a donc prévu sans
restrictions la possibilité de mettre en mouvement l'action publique par la
voie de la plainte avec constitution de partie civile devant le juge
d'instruction. Elle a par ailleurs supprimé l'article 46 du projet de loi
prévoyant une demande d'avis du ministre de la défense en cas de mise en
mouvement de l'action publique par la partie lésée.
D'après les informations que j'ai recueillies, les procureurs, actuellement,
sollicitent l'avis du ministre de la défense lorsque la partie lésée met en
mouvement l'action publique.
La commission des lois pense que cet avis peut avoir une utilité pour
expliquer le contexte des infractions. Il faut rappeler que les militaires
n'ont pas de représentation syndicale et qu'ils ont un devoir de réserve très
strict. Rien ne permet d'affirmer que l'avis du ministre de la défense sur une
procédure fait des militaires des justiciables protégés. Il faut rappeler que
cet avis ne lie pas et qu'il n'interrompt pas le cours de la justice. Surtout,
il n'y a guère de raison de prévoir un avis du ministre lorsque le procureur
met en mouvement l'action publique et d'exclure cet avis lorsque la partie
lésée met en mouvement l'action publique.
Aussi, la commission des lois vous propose d'accepter l'élargissement de la
mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée décidé par
l'Assemblée nationale et de prévoir explicitement un avis du ministre de la
défense, afin d'éviter toute ambiguïté en cette matière.
Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler
sur ce texte, qui mérite d'être adopté rapidement, dans la mesure où il offre à
certains justiciables des garanties importantes dont ils ne bénéficient pas, en
particulier le droit d'appel.
En conclusion, je ferai observer que l'on cite souvent, dans les débats sur la
justice, la phrase suivante de Napoléon Bonaparte : « La justice est une en
France : on est citoyen français avant d'être soldat. » La commission des lois
souscrit à cette philosophie et approuve donc l'esprit de ce projet de loi, qui
marque un nouveau rapprochement entre la situation des justiciables militaires
et celle des autres justiciables.
Il convient toutefois de garder à l'esprit l'utilité que peuvent avoir
certaines spécificités en ce qui concerne les justiciables militaires, surtout
lorsqu'elles n'entravent en rien le cours de la justice. La volonté de
concilier unité de la justice et prise en compte du caractère propre de
l'institution militaire a inspiré la commission des lois dans les propositions
qu'elle vous soumet.
Enfin, je tiens personnellement à remercier M. Serge Vinçon, rapporteur pour
avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, pour la qualité du travail accompli tant par cette dernière que par
lui-même.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, à l'origine du projet de loi qui nous réunit aujourd'hui,
projet dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées a été saisie pour avis, se trouve la nécessité d'adapter le droit pénal
militaire aux modifications apportées au code de procédure pénale par la loi du
4 janvier 1993.
Mais ce projet de loi va plus loin. Il vise, en effet, à poursuivre la mise à
jour du droit pénal militaire par rapport aux évolutions du droit pénal
général, comme l'a très justement souligné notre collègue René Garrec,
rapporteur de la commission des lois, que je tiens également à féliciter pour
la qualité de son travail.
Ce projet de loi procède donc d'une logique d'harmonisation du droit pénal
militaire par rapport au droit commun. Il satisfait sur ce point le principe
exprimé par Napoléon et rappelé à l'instant par M. le rapporteur, selon lequel
« on est citoyen avant d'être soldat ».
Les modifications du droit pénal militaire qui nous sont proposées
maintiennent toutefois certaines spécificités du code de justice militaire et
du code de procédure pénal destinées à tenir compte des contraintes
particulières propres au métier des armes, principe auquel la commission des
affaires étangères, de la défense et des forces armées souscrit.
Une autre motivation se trouve à l'origine du présent projet de loi : il
s'agit de trouver une réponse pénale appropriée aux difficultés posées par
l'impératif de projections des forces, défini par le Président de la
République, qui peut introduire un accroissement significatif du nombre des
militaires français engagés dans des opérations extérieures ou dans des
opérations de maintien de la paix, sous l'égide des Nations unies.
De ce fait, le nombre d'infractions susceptibles d'être commises par des
militaires - ou par des civils « à la suite » des forces - en dehors du
territoire national peut être amené à augmenter.
Or, les règles de compétence en vigueur à l'égard des infractions commises par
des militaires en dehors du territoire national sont d'une complexité telle
que, en fonction du lieu de stationnement du régiment dont sont originaires les
militaires en cause, la même infraction peut relever de juridictions
différentes - chambres spécialisées des juridictions de droit commun ou
tribunaux aux armées de Baden-Baden ou de Paris - appliquant, selon les cas,
soit le code de procédure pénale, soit le code de justice militaire.
Le projet de loi vise ainsi, dans un souci d'équité et de bonne administration
de la justice, à simplifier ces règles de compétence et à harmoniser les
dispositions légales applicables aux infractions susceptibles d'être commises
par des militaires à l'étranger.
Enfin, le projet de loi portant réforme du code de justice militaire et du
code de procédure pénale ne concerne pas les dispositions valables pour le
temps de guerre, qui s'appuient sur le recours à des tribunaux aux armées
composés à la fois de magistrats civils et de juges militaires, appliquant des
procédures simplifiées justifiées par des circonstances exceptionnelles.
Je souhaiterais maintenant commenter brièvement un aspect essentiel de la
réforme de la justice militaire, même s'il ne concerne qu'indirectement le
présent projet de loi, aspect qui a trait au rapport entre cette réforme et le
lien armées-nation.
La réforme de la justice militaire peut, en effet, être présentée comme une
contribution au rapprochement entre l'armée et la nation, car ce projet de loi
vise à considérer le justiciable militaire avant tout comme un justiciable. A
l'heure de la professionnalisation, il paraît essentiel, de l'avis de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées,
d'étendre explicitement aux militaires les mêmes droits que ceux que reconnaît
le code de procédure pénale aux justiciables « civils », afin de contribuer à
limiter l'isolement des militaires au sein de notre société.
Il serait regrettable, à l'évidence, que la professionnalisation aille de pair
avec le maintien de procédures pénales dérogatoires à l'égard des militaires,
non seulement parce qu'il s'agit d'éviter toute coupure entre l'armée et la
société civile, mais aussi parce que la nation ne saurait confier une mission
aussi importante que sa défense à une catégorie de citoyens qui ne
bénéficierait pas de la plénitude des droits et garanties reconnus en France à
tout justiciable.
En revanche, on ne saurait, à ce jour, prévoir de manière rigoureusement
fiable l'incidence à venir de la professionnalisation sur l'évolution de la
justice militaire, en ce qui concerne la nature des décisions de justice ou la
nature des infractions commises par les militaires.
Il semble toutefois que devraient fortement diminuer, sinon cesser, les
désertions et les mutilations volontaires, car ces infractions concernent
essentiellement des appelés. Les accusations d'insoumission et de refus
d'obéissance des objecteurs de conscience devraient, quant à elles, tomber
d'elles-mêmes avec la suspension de la conscription.
Par ailleurs, le volume de l'activité de la justice militaire, qu'il s'agisse
des tribunaux aux armées de Baden-Baden et de Paris ou des chambres
spécialisées des juridictions de droit commun, devrait diminuer sensiblement,
le nombre de justiciables devant passer, avec la réduction du format des
armées, de plus de 573 000 personnes, en 1996, à 440 000 personnes, en 2002, en
tenant compte des seuls personnels militaires et civils des armées, et non des
membres des familles accompagnant un militaire à l'étranger.
Abordons maintenant plus précisément le projet de loi qui nous est soumis.
Je souhaite dire d'emblée que son champ d'application est limité, car il
concerne, comme je le remarquais à l'instant, une population limitée à quelque
440 000 personnes à l'échéance de 2002 : 83 023 civils et 357 183
militaires.
En ce qui concerne le temps de paix, le projet de loi poursuit le
rapprochement entre le droit pénal militaire et le droit commun.
De manière générale, le code de procédure pénale devient la règle pour le
justiciable du droit pénal militaire, sous réserve de quelques spécificités
dues à la nécessité évidente de tenir compte des contraintes de l'institution
militaire. Ainsi, le droit d'appel est instauré pour tous. De même, les
modifications récentes du code de procédure pénale en matière de garde à vue et
de détention provisoire sont étendues aux justiciables du code de justice
militaire.
L'autre objet de ce texte est de simplifier les règles de compétence dont la
complexité est à l'origine de regrettables inégalités entre justiciables
militaires. Le projet de loi propose ainsi de confier systématiquement au
tribunal aux armées de Paris les infractions commises en dehors du territoire
national. La simplicité de cette règle de compétence constitue un progrès
évident, surtout pour une armée aujourd'hui conçue pour la projection.
Initialement, le projet de loi visait également à étendre les cas dans
lesquels doit intervenir un avis du ministre de la défense, préalablement à
tout acte de poursuite à l'encontre des justiciables militaires, à l'hypothèse
où une victime lésée mettrait en mouvement l'action publique contre un
justiciable militaire.
En ce qui concerne le temps de guerre, le projet de loi, dans le texte proposé
par le Gouvernement, ne change rien aux dispositions du code de justice
militaire.
Si le principe du
statu quo
à l'égard du temps de guerre est imparable,
l'impératif de survie de la collectivité nationale devant, en cas de guerre,
l'emporter sur toute autre considération, la méthode retenue est, en revanche,
contestable. Le projet de loi, en effet, se borne, pour déterminer la loi
applicable en temps de guerre, à renvoyer à la législation en vigueur avant
qu'intervienne la loi dont nous discutons, pour ce qui est du code de justice
militaire, et au code de procédure pénale antérieur à la loi de 1993. Cette
formule rend difficilement compréhensible la loi applicable en temps de guerre,
compte tenu des multiples renvois entre dispositions d'époques différentes qui
caractérisent le droit pénal militaire. Le fait que l'hypothèse de la guerre
paraisse de nos jours largement théorique ne justifie pas que l'on néglige la
lisibilité du code de justice militaire.
J'en viens donc au texte qui nous est transmis, tel que l'Assemblée nationale
l'a modifié.
En ce qui concerne le temps de guerre, l'Assemblée nationale propose de
procéder à une refonte du code de justice militaire avant le 1er janvier 2002,
au lieu de s'en tenir à une référence peu satisfaisante au droit en vigueur,
selon le cas, avant 1993 ou 1999. Nos collègues ont donc eu raison de se
soucier de la lisibilité des dispositions applicables en temps de guerre.
L'Assemblée nationale a également favorisé la poursuite du rapprochement entre
le droit pénal militaire et le droit pénal général en proposant une nouvelle
terminologie commune aux juridictions civiles et militaires, en prescrivant
l'intervention d'un jury populaire en matière criminelle, en permettant à une
victime lésée de mettre en mouvement l'action publique en dehors des cas très
restrictifs de décès et de mutilation ou d'invalidité permanente, et, enfin, en
souhaitant supprimer l'exigence d'avis préalable du ministre de la défense dans
le cas de mise en mouvement de l'action publique par la victime lésée.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, poursuivi la simplification des règles
de compétence propres à la justice militaire, en excluant la création de
nouveaux tribunaux aux armées en dehors du territoire, après la suppression
prochaine du tribunal de Baden-Baden, liée à la dissolution des forces
françaises stationnant en Allemagne.
Le texte transmis par l'Assemblée nationale prévoit cependant que des chambres
détachées du tribunal aux armées de Paris pourront être instituées, à titre
temporaire, pour permettre le jugement, sur place, des infractions susceptibles
d'être commises à l'étranger par des militaires en opérations extérieures.
Dans ce contexte, mes chers collègues, tout en souscrivant globalement à la
logique retenue par l'Assemblée nationale, la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées vous propose un certain nombre
d'amendements destinés à confirmer que l'ouverture de la mise en mouvement de
l'action publique par la victime lésée, en dehors des cas de décès, d'infirmité
permanente ou de mutilation, induit explicitement l'intervention d'un avis
préalable du ministre de la défense, nécessaire, selon la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à l'information des
juges.
D'autres amendements visent à confirmer le maintien du
statu quo
à
l'égard des dispositions valables pour le temps de guerre et à aménager les
conditions de la refonte à venir du code de justice militaire, de manière que
l'échéance prévue par la loi en vue de la réécriture de ce code permette de
tenir compte, le cas échéant, des premiers enseignements de la
professionnalisation.
Enfin, d'autres amendements ont pour objet de confirmer la suppression des
tribunaux aux armées à l'étranger, car le seul tribunal de ce type à avoir été
institué à ce jour est celui de Baden-Baden, auprès des forces françaises
stationnées en Allemagne. La commission des affaires étrangères propose donc,
sur ce point, de supprimer deux articles du projet de loi qui renvoient, de
manière désormais inadéquate, à ces tribunaux militaires établis à l'étranger.
En contrepartie serait inséré dans le projet de loi un article prenant acte du
maintien, à titre provisoire, du tribunal aux armées des forces françaises
stationnées en Allemagne.
Ces amendements sont proposés dans une forme similaire, voire identique à ceux
de la commission des lois. A cet égard, je tiens à souligner, pour m'en
féliciter, la convergence des points de vue de la commission saisie au fond et
de la commission saisie pour avis qui s'est manifestée sur ce texte.
Sous réserve de ces quelques modifications, qui ne remettent pas en cause
l'esprit du texte qui nous est soumis, la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées propose d'adopter le projet de loi portant
réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale ainsi
amendé.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
examinons aujourd'hui le projet de loi réformant le code de justice militaire
qui fait suite à la refonte du service national et qui s'inscrit par ailleurs
dans le cadre plus général du chantier ouvert depuis maintenant plusieurs mois,
concernant l'ensemble de la justice française.
Les présentes dispositions visent à rapprocher le droit militaire du droit
commun, sortant ainsi l'armée d'une justice d'exception, dont le fossé s'est
élargi avec les modifications intervenues ces dernières années en matière de
procédure pénale.
L'objectif poursuivi par les présentes dispositions aura pour conséquence
d'offrir de nouvelles garanties aux justiciables militaires. Leur seront
désormais applicables les régimes de la garde à vue, avec notamment
l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue, de la détention
provisoire, de la mise en examen et des droits de la défense en cours
d'instruction. Enfin, leur sera donnée la possibilité de faire appel, ce qui
n'existe pas actuellement.
La nouvelle présentation du code de justice militaire résultant du présent
projet de loi aura, par ailleurs, comme avantage non négligeable de permettre
l'application de plein droit dans ledit code des réformes de la procédure
pénale, en cours d'examen par le Parlement.
Je pense, en particulier, à l'intervention de l'avocat dès le début de la
garde à vue, mesure qui sera, espérons-le, prochainement adoptée par le
Parlement et donc, automatiquement et sans délai, applicable à la procédure
pénale en matière militaire en temps de paix.
La commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée
nationale a, de surcroît, apporté plusieurs améliorations au dispositif
original.
C'est donc positivement que nos collègues et moi-même accueillons la démarche
qui tend à calquer le plus possible la procédure pénale en matière militaire
sur le droit commun, qui fait lui-même l'objet en ce moment de réformes utiles
et importantes.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS
MODIFIANT LE CODE DE JUSTICE MILITAIRE
Article 1er