Séance du 17 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Après quatre années de pourparlers, les accords bilatéraux entre la Confédération helvétique et l'Union européenne viennent d'être conclus à Vienne, dans la nuit du 10 au 11 décembre, dans la plus totale indifférence de la presse française.
Pourtant, les conventions bilatérales ont des incidences sur notre pays en matière de transports, de libre circulation des personnes, de recherche, de marchés publics, de commerce et de produits agricoles.
L'accord prévoit que les Suisses pourront, dès 2001, à l'exception des chômeurs, s'installer, travailler, étudier dans l'Union européenne ; les travailleurs européens, pour leur part, ne pourront s'installer en Suisse qu'en 2003, à condition que les contingents de main-d'oeuvre étrangère, maintenus jusqu'en 2006, ne soient pas dépassés.
Il y aura une reconnaissance mutuelle des diplômes. La liberté d'établissement se fera sur douze ans. Mais les contrôles douaniers entre les deux pays ne seront pas supprimés et l'afflux d'immigrants sera contenu dans la Confédération.
Les entreprises suisses qui exportent vers l'Union européenne ont obtenu un certain nombre d'avantages.
Elles épargneront l'argent nécessaire à la certification des produits en Suisse et dans chaque pays de l'Union européenne. Elles gagneront du temps, car les procédures administratives seront allégées. Elles seront plus compétitives puisque les produits nouveaux arriveront plus rapidement sur le marché.
En matière de recherche, les chercheurs suisses qui travaillaient dans l'Union européenne avaient jusqu'ici un statut nettement moins favorable que ceux de l'Union européenne. Grâce aux accords de Vienne, le différentiel disparaît et ils pourront participer au plus haut niveau, sur un pied d'égalité, aux programmes européens.
Toutes les entreprises françaises de construction qui profitaient de la protection d'un marché local ou régional peu concurrentiel se verront désormais distancées par les entreprises suisses, qui seront en mesure de faire des offres sur le plan européen ou de conclure des alliances transfrontalières.
Les compagnies aériennes suisses verront leur accès au ciel européen libéralisé, de même que les transports par rail et par route : les riverains de ces infrastructures verront donc leurs nuisances augmenter !
Ces accords ne sont pas sans conséquences pour notre pays, notamment pour les départements frontaliers ; La Tribune de Genève et Le Temps ont largement commenté ces accords qualifiés d' « historiques ». Pourriez-vous, pour notre information, nous préciser quels ont été les objectifs et les principes qui ont régi les négociations franco-helvétiques ? A cet égard, les conséquences de ces accords pour les régions françaises frontalières de la Suisse ont été complètement ignorées pour l'instant. Nous souhaitons par conséquent que vous puissiez compléter nos informations. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, les négociations engagées depuis 1995 entre l'Union européenne et la Suisse dans sept secteurs se sont effectivement terminées par un accord politique lors du Conseil européen de Vienne.
Nous avons au moins trois bonnes raisons de nous réjouir de cet accord.
Tout d'abord, il faut bien voir que les Suisses étaient demandeurs, après l'échec du référendum concernant l'adhésion à l'Espace économique européen. Ce sont donc eux qui ont fait les plus grandes concessions. Par ailleurs, cet accord est une étape qui doit inciter les Suisses à se rapprocher davantage encore de l'Union européenne. Enfin, cela va bien sûr conforter la très bonne qualité des relations franco-suisses. C'est ainsi que j'interprète, pour ma part, le fait que la presse helvétique ait traité cet accord d'« historique ».
C'est dans cet esprit que le Président de la République s'est rendu en octobre dernier à Berne et dans le Tessin - je l'accompagnais au nom du Gouvernement - et qu'il y a marqué notre souci de jouer - je reprends sa formule - un rôle de « facilitateur ».
Je dirai quelques mots sur le contenu des accords.
D'abord, l'accord sur les transports terrestres va permettre une amélioration substantielle de la situation actuelle : les camions de 40 tonnes pourront désormais transiter par ce pays. La France, en tant que pays frontalier de transit, ne pourra qu'en être bénéficiaire.
Nous avons fait de petites concessions dans le domaine des transports aériens, mais l'impact en la matière sera marginal.
L'accord sur la libre circulation des personnes - question politique extrêmement sensible en Suisse - est un texte sur lequel nos amis helvétiques ont fait des concessions importantes, puisqu'ils ont accepté que la libre circulation totale soit instaurée à partir de la sixième année suivant l'entrée en vigueur de l'accord. De la sorte, les employés, les travailleurs indépendants, les étudiants, les retraités européens et les membres de leur famille jouiront en Suisse des mêmes droits que ceux qui sont accordés dans l'Union européenne.
S'agissant, en particulier, de la situation des 80 000 travailleurs frontaliers français - situation à laquelle je suis, comme vous, attaché pour être l'élu d'une des régions concernées - je crois que l'accord obtenu est très favorable.
Enfin, je dirai un mot sur le champagne. (Murmures sur de nombreuses travées.)
Si les Suisses produisent un champagne sans bulles et en petite quantité, nous avons obtenu par principe qu'ils renoncent à cette appellation dans les deux années.
Au total, c'est quand même un bon accord, et nous avons obtenu avec la Commission, après avoir très bien négocié, l'essentiel des concessions que nous demandions. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS