Séance du 14 décembre 1998







M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 11, M. Loridant propose d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du III de l'article 21 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997), la date : "1er janvier 1999" est remplacée par la date : "1er janvier 2000".
« II. - La perte de ressources résultant du I est compensée, à due concurrence, par une majoration du tarif du droit visé aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 51, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 16 quindecies, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du III de l'article 21 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997), les mots : "1er janvier" sont remplacés par les mots : "1er juillet". »
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Paul Loridant. Aux termes de l'article 21 de la loi de finances pour 1998, le Parlement autorisait la transformation, par avenant et sans conséquences fiscales, d'un contrat d'assurance vie classique en contrat d'assurance vie majoritairement investi en actions ; ces contrats multi-supports sont communément appelés « contrats DSK ».
Ces derniers, majoritairement investis en actions françaises, favorisent le financement à long terme de notre économie et contribuent, en partie, à assurer une croissance durable à notre pays.
Cette possibilité de transfert avait été ouverte pour la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 1er janvier 1999. Cette période d'une année pour la requalification des contrats classiques en contrats multisupports semblait suffisante pour développer l'information, notamment auprès des assurés.
Toutefois, la préparation des nouveaux contrats investis en actions a nécessité un délai relativement long, dû en partie à la parution tardive de l'instruction fiscale d'application qui en précise les caractéristiques.
Par ailleurs, les établissements bancaires ou financiers chargés du placement et de la gestion de ces contrats font face à deux échéances de taille qui monopolisent leurs ressources, notamment humaines ; je veux parler du passage à l'euro et du fameux bug informatique de l'an 2000.
Cet amendement a donc pour objet de prolonger d'une année le délai ouvert pour la transformation des contrats, afin de permettre à ces établissements de réaliser avec succès le placement des nouveaux contrats.
Une telle prolongation permettrait en outre aux assurés de bénéficier d'un délai suffisant pour prendre connaissance des modalités d'une telle transformation de contrat et d'en apprécier les avantages.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 51 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 11.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement fait le même constat que M. Loridant. Les nouveaux contrats d'assurance vie, appelés familièrement « contrats DSK », constituent effectivement un instrument important de réorientation de l'épargne longue française depuis les placements traditionnels, à savoir les obligations, vers des placements confortant les fonds propres de nos entreprises, notamment des entreprises non cotées, et plus particulièrement des entreprises nouvelles.
Il est également exact que l'instruction fiscale permettant l'application de l'article 21 de la loi de finances pour 1998 - c'est-à-dire l'article qui prévoyait une telle réorientation - n'est « sortie » qu'au mois de mai. Il faut savoir que, en ces matières fort complexes, le Gouvernement a souhaité discuter de façon approfondie avec les professionnels, de façon que, une fois le dispositif réglementaire entièrement publié, les réseaux puissent passer immédiatement à l'action.
C'est ainsi que, à la fin du mois de septembre, la collecte sur les contrats d'assurance vie investis en actions dépassaient 10 milliards de francs - ce qui correspond à 150 000 contrats - et que, à la fin du mois de novembre, elle atteignait 25 milliards de francs, dont près de 40 % étaient issus de transferts d'anciens contrats d'assurance vie. Ces quelques chiffres montrent bien qu'un mouvement très ample s'est amorcé dès la rentrée.
Comme vous l'avez dit, monsieur Loridant, il est souhaitable de laisser aux épargnants français un peu de temps pour passer, s'il le souhaitent, de l'ancien au nouveau système.
Cependant, la prolongation d'un an - tout au long de l'année 1999 - de la période durant laquelle la transformation serait possible paraît quelque peu excessive au Gouvernement. Un tel délai risquerait de démobiliser les réseaux de placement qui, je l'ai indiqué, sont actuellement en pleine activité.
C'est pourquoi j'ai déposé, au nom du Gouvernement, l'amendement n° 51, qui rapproche de six mois le butoir que vous préconisez, monsieur Loridant, et fixe la limite de la période au 30 juin 1999. Cela me paraît laisser suffisamment de temps pour que ces nouveaux contrats d'assurance vie remportent un réel succès.
Dans ces conditions, monsieur Loridant, je souhaite que vous puissiez retirer votre amendement au profit de l'amendement n° 51.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 11 et 51.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est tout à fait exact que la montée en puissance du « dispositif Strauss-Kahn » a pris un certain temps et que cela s'explique par les délais de mise au point de l'instruction fiscale sortie le 29 mai 1998.
Au demeurant, l'évolution des marchés financiers ne doit pas conduire à regretter que la mise en place n'ait pas été plus rapide ! Mais il est évident qu'il ne s'agit que d'une opportunité fortuite et que cette évolution n'explique en rien les légers retards qui sont intervenus dans la mise en forme administrative.
Les deux amendements sont similaires. Simplement, celui du Gouvernement tend à prolonger de six mois et celui de Paul Loridant de douze mois la période pendant laquelle il est possible de transformer par avenant et sans « frottement fiscal » un contrat d'assurance vie classique en contrat d'assurance vie majoritairement investi en actions.
La commission, dans un souci de simplification, a tendance à préférer l'amendement n° 11, qui prévoit une prolongation d'un an.
Mais au-delà de cette controverse, dont la portée est somme toute limitée, chacun l'aura constaté (Sourires), je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser une question. Les contrats d'assurance dont nous parlons ici sont investis majoritairement en actions françaises. Or ne faudrait-il pas plutôt parler aujourd'hui, compte tenu du droit communautaire, d'actions européennes ? N'est-il pas prévu d'adapter les textes, avant que l'on nous demande de le faire, eu égard à notre environnement communautaire ?
Du reste, cette réflexion pourrait être faite à propos d'autres dispositifs d'épargne : par exemple, les plans d'épargne en actions.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je tiens à répondre à cette question fort pertinente, qui témoigne de la conscience européenne affirmée de M. le rapporteur général, dont personne ne doutait.
La question, qui porte effectivement sur les contrats d'assurance vie majoritairement placés en actions mais aussi sur d'autres dispositifs tels que les plans d'épargne en actions, est une question très lourde. Elle mérite que le Gouvernement y réfléchisse à deux fois avant d'arrêter quelque décision que ce soit.
En bonne logique, elle devrait être également posée à nos partenaires étrangers, qui ont eux-mêmes institué des contrats assortis d'avantages fiscaux centrés sur le placement dans les actions de leur propre pays.
M. M. Michel Charasse. Quand ils l'avouent !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, vous émettez des soupçons que je n'oserais reprendre à mon compte !
Il y aura donc certainement, monsieur le rapporteur général, un mouvement dans le sens que vous indiquez mais je crois que, sur un tel sujet, il faut se garder de prendre des décisions trop hâtives.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 12, et l'amendement n° 51 n'a plus d'objet.

Article 13