Séance du 28 novembre 1998
M. le président. « Art. 55. - I. - Il est ouvert aux ministres, pour 1999, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 23 886 330 000 F.
« II. - Il est ouvert aux ministres, pour 1999, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 25 349 130 000 F ainsi répartie :
« Dépenses ordinaires civiles 2 227 500 000 F « Dépenses civiles en capital 23 121 630 000 F
« Total 25 349 130 000 F. » Sur cet article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 55 du projet de loi de finances porte, notamment, sur les dépenses en capital ouvertes au sein des comptes d'affectation spéciale et, singulièrement, dans le cas qui nous préoccupe, sur les dépenses liées aux mouvements opérés sur le compte 902-24 « Compte d'affectation des produits de cession de titres, parts et droits de société ».
Dans les faits, il s'agit de quelque 17 milliards de francs en 1999, représentatifs de la cession par l'Etat de titres : d'Air France et d'Aérospatiale, pour 5 à 6 milliards de francs, - ou encore du GAN, pour 9,5 milliards de francs.
Ces estimations font évidemment suite aux mouvements opérés cette année sur la cession des titres de la Caisse nationale de prévoyance et sur l'ouverture complémentaire du capital de France Télécom, opération qui est actuellement en cours.
Cette situation du compte 902-24 pose un certain nombre de questions.
La moindre n'est pas celle qui procède de son existence même, produit de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 et, surtout, de l'article 68 de la loi de finances pour 1994, voté par la majorité de droite de l'époque dans la foulée de la loi de privatisation.
Le principe est simple : il s'agit de céder des actions détenues par l'Etat dans des entreprises publiques pour remettre éventuellement à niveau d'autres entreprises publiques qui seront ensuite cédées à leur tour.
Nous sommes en désaccord, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat. Ce choix tend à appliquer le bon vieux principe libéral : « socialisation des pertes, privatisation des profits ».
Nous estimons, pour notre part, qu'il faut aujourd'hui clairement envisager la clôture des opérations du compte.
Une autre observation est plus fondamentale.
Nous savons pertinemment qu'il est dans notre Haute Assemblée des collègues qui pensent que l'Etat n'a pas à se comporter en actionnaire de société et qu'il a mieux à faire qu'à se préoccuper d'entreprises, laissant cela au seul marché.
Mais on ne peut oublier que c'est précisément l'action publique qui a permis à notre pays, dans les années de l'après-guerre, par exemple, de se redresser économiquement, notamment au travers d'un important secteur bancaire et des assurances public.
Je ne peux d'ailleurs que souligner encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, la nécessité d'organiser, dans les meilleurs délais, un débat national sur le devenir de ce secteur public et semi-public financier et sur la nécessaire lisibilité des interventions publiques en matière économique et financière ; les salariés de ces entreprises le demandent.
Ce choix de bon sens constitue, à notre avis, un atout irremplaçable pour notre pays en vue de la poursuite des objectifs politiques que nous nous sommes assignés, et singulièrement celui de la croissance et de l'emploi.
Ce sont là, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler sur cet article 55.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je souhaite traiter du problème de la privatisation du Crédit Lyonnais sur un plan purement formel.
D'un point de vue économique, je comprends parfaitement que le produit de la cession du Crédit Lyonnais soit affecté à l'établissement public de financement et de restructuration, l'EPFR. En revanche, d'un point de vue budgétaire, je ne vois pas la raison pour laquelle le produit de la vente des actions appartenant à l'Etat ne serait pas inscrit en recettes au compte d'affectation spéciale et, par conséquent, affecté en dépenses à une dotation à l'EPFR.
Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement à cet égard. En outre, cette disposition, même si elle est demandée par la Commission européenne, risque d'être inconstitutionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un véritable risque !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'indique tout d'abord à Mme Beaudeau que la clôture du compte qu'elle souhaite porterait un coup fatal à notre secteur minier, qui a besoin de 5,5 milliards de francs, et à Réseau ferré de France, dont le sort est entièrement lié à la SNCF. En la matière, il faut être prudent !
Vous avez par ailleurs souhaité, madame le sénateur, un débat sur le secteur financier. Je puis vous confirmer qu'un débat portant sur le secteur financier tant public que privé aura lieu au début de l'année prochaine à l'Assemblée nationale.
M. Fréville est revenu sur une question de procédure budgétaire : pourquoi le produit de la vente du Crédit Lyonnais ne transite-t-il pas par le compte d'affectation spéciale ?
Permettez-moi, monsieur le sénateur, de me référer à une grande autorité, votre collègue Jean Arthuis, qui, lorsqu'il était ministre de l'économie, des finances et du Plan, en 1996, a déclaré que les actions de l'Etat seraient directement apportées à cette institution de défaisance.
Si vous souhaitez des informations complémentaires sur ce point, le Gouvernement est à la disposition de la commission des finances.
Je crois néanmoins que le risque d'inconstitutionnalité que vous avez évoqué, monsieur Fréville, n'existe pas.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 55.
(L'article 55 est adopté.)
OPÉRATIONS A` CARACTÈRE TEMPORAIRE
Articles 56 à 58